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Full text of "Journal des savants"

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BUREAU  DU  JOURNAL  DES  SA  VANS. 
Monseigneur  le  GARDE  DES  SCEAUX ,  Président. 

-  M.  D ACIER,  de  l'Institut  royal  de  France,  secr,  perp.  de  i'Acad.  des 

(inscriptions  et  belles-lettres,  et  membre  de  l'Académie  française. 
M.  le  Baron  SlLVESTRE  DE  Sacy,  de  l'Institut  royal  de  France, 
Académie  des  inscriptions  et  bel  le  s- lettres. 
...     M.  Gossellin,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  dts  ins- 
j       criptions  et  belles-letires. 

I  M.  le  Baron  Cuvier,  conseiller  d'état,  de  l'Institut  royal  de 
|  France,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  sciences,  et 
\       membre  de  l'Académie  française. 

.  M.  DAUNou.del'lnstitut  royal  deFrance,  Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  éditeur  du  Journal  et  secrétaire  du  bureau. 
M.  Tessier,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des  sciences. 
M.  QuATREMÈRE  DE  QuiNCY.de  l'Institut  royal  de  France, 
secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  des  beaux-arts,  et  membre  de 
celle  des  inscriptions  et  belles-lettres. 
M.  Biot,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des  sciences. 
M.   Raynouard,  de  l'Institut  royal  de  France,  secrétaire  per- 
pétuel honoraire  de  l'Académie  française ,  et  membre  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  bel  les- lettres. 
M.  RAOUL-RocHETTE,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie 
des  inscriptions  et  bel  les- lettres. 
/  M.  Chézy,  de  l'Institut  royal  de  t-rance,  Académie  des  inscrip- 
\       rions  et  belles-lettres. 

M.  V.  COUSIN  ,  ancien    maître  de  conférences  à  l'École  nor- 
male ,  profes.pur-suppléjni  de  l'histoire  de  la  philosophie,  à  la 
Faculté  des  lettres  de  l'académie  de  Paris. 
M.  Lëtronne,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des 

inscriptions  et  belles-lettres. 
M.  Abel-Rémusat,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  de* 

inscriptions  et  belles-lettres. 
AI.  CHEVREUL,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des 

M.  Saint-Martin,  de  I'Iitsiitut  royal  de  France,  Académie  des 
\       inscriptions  et  belles-lettres. 

Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  au, 
et  de  40  fr.  par  la  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne  à  la  librairie  de 
M.  Levrault ,  a  Paris,  rue  de  la  Harpe,  n.'  81 ,-  et  à  Strasbourg,  rue  des 
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Les  livres  nouveaux ,  les  lettres ,  avis ,  mémoires ,  &c.,qui 
peuvent  concerner  la  rédaction  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savons,  à  Paris,  rue  de 
Ménil-montant,  n.°  22. 


JOURNAL 


DES  SAVANS 


JANVIER    1830. 


Travelsîii  Arabia ,  comprehending  an  account of those territories 
in  Hedjai  which  the  Mohammedans  regard  as  sacred ,  by  the 
late  John  Lewis  Burckhardt  ;  published  by  authority  of  the 
association  for  promoting  the  discovery  ofthe  interior  ofAfrica. 
—  Voyages  en  Arabie ,  contenant  la  description  des  parties  du 
Hedja%  qui  sont  regardées  comme  sacrées  par  les  Mahométans, 
par  feu  J.  L.  Burckhardt  ;  publiés  par  ordre  de  ï association 
formée  pour  le  progrès  de  la  découverte  de  ¥  intérieur  de  l'Afrique. 
Londres,   1829,  xvj  et  478  pages  ///-^/ 

J-j£  volume  que  nous  annonçons  est  suffisamment  recommandé  à 
l'attention  du  public  par  le  nom  du  voyageur  dont  Ja  mort  prématurée 
a  laissé  de  si  vifs  regrets  ;  et  les  soins  scrupuleux  qui  ont  été  apportés  à 
la  publication  de  cette  partie  importante  de  sa  relation ,  sont  parfaite- 
ment garantis  par  celui  de  M.  William  Ouseley,  qui  a  consenti  à  s'en 
rendre  l'éditeur.  Nous  nous  dispenserons  donc  de  faire  valoir  les  consi- 
dérations qui  seroient  propres  à  appeler  sur  ce  nouveau  volume  des 
voyages  de  Burckhardt  l'intérêt  des  lecteurs  de  ce  journal,  et  nous 
commencerons  immédiatement  l'analyse  que  nous  devons  en  faire. 

Djidda,  Taïf(ou  Tayef  ),  la  Mecque,  Médine  et  Yembo  (ou  Yamboj, 
et  les  routes  qui  conduisent  de  l'une  de  ces  villes  à  l'autre,  tels  sont  les 
objets  auxquels  se  rattachent  toutes  les  descriptions  et  toutes  les  obser- 
vations du  voyageur,  qui  aborda  à  Djidda  le  1 5  juillet  1  8 14>  et  ne  fut 
de  retour  au  Caire  que  le  24  juin  181  $.  On  sait  que  Burckhardt  avoit 
adopté  extérieurement  la  religion  musulmane,  et  avoit  acquis  parmi 
les  Bédouins  une  grande  habitude  de  la  langue  arabe.  A  l'époque  où 

A  2 


4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

il  voyagea  dans  le  Hedjaz,  cette  partie  de  l'Arabie  ne  reconnoîssoit 
plus  d'autre  autorité  que  celle  du  grand-seigneur ,  ou  plutôt  de  son  dé- 
légué, le  pacha  d'Egypte ,  Méhémet-AIi,  qui ,  en  poursuivant  son  expé- 
dition militaire  contre  les  Wahhabites ,  s'étoit  emparé  de  la  personne  du 
schérif  de  la  Mecque,  et  avoit  mis  fin  à  son  pouvoir,  sacrifiant  ainsi  la 
justice  et  la  bonne  foi  à  son  ambition  et  aux  intérêts  de  sa  politique. 

Le  schérif  de  la  Mecque  reconnoîssoit  de  nom  l'autorité  du  grand- 
seigneur,  et  Djidda  étoit  le  siège  d'un  pacha  à  trois  queues;  mais  peu  à 
peu  le  schérif  étoit  parvenu  à  s'assurer  dans  le  fait  la  possession  de  cette 
ville,  et  à  percevoir  seul  pour  son  compte  tous  le*  droits  que  le  commerce 
payoit.  Le  pachalik  de  Djidda  étoit  réduit  à  n'être  plus  qu'un  titre  hono- 
rifique, et  le  titulaire  ne  résidoit  même  pas  dans  cette  ville.  Le  schérif 
Galeb,  incapable  de  résister  aux  Wahhabites,  avoit  feint  d'embrasser  leur 
doctrine,  et  les  habitans  de  Djidda  l'avoient  imité  en  cela.  Au  moyen 
de  cette  soumission,  la  ville  avoit  échappé  au  pillage;  le  schérif,  devenu 
vassal  des  Wahhabites,  avoit  conservé  tous  les  revenus  qu'il  en  tiroit, 
et  les  Turcs  n'y  avoient  plus  aucun  pouvoir  ni  aucune  garnison. 

L'expédition  du  pacha  d'Egypte  et  de  son  fils  Toussoun,  nommé  parla 
Porte  pacha  de  Djidda,  et  par  suite  la  destitution  du  schérif  et  son  ban- 
nissement, avoient  entièrement  changé  l'état  des  choses,  à  1  époque 
du  voyage  de  Burckhardt.  Ce  voyageur  assure  qu'au  total  les  habitans 
et  le  commerce  de  Djidda  avoient  plutôt  gagné  que  perdu  à  ce  chan- 
gement, en  passant  sous  la  puissance  des  ÔMnanlis,  et  néanmoins  il 
attest?  qu'on  n'auroh  ^a*  trouvé  un  seul  Arabe  qui  ne  regrettât  le  gou- 
vernement du  schérif.  La  principale  cause  de  cette  disposition  d'esprit, 
c'est  la  fierté  naturelle  aux  Arabes  Bédouins,  fierté  qui  se  retrouve, 
quoique  dans  un  moindre  degré,  chez  les  Arabes  domiciliés.  Ils  n'ont 
en  général  que  du  mépris  pour  tous  les  peuples  qui  ne  parlent  point 
leur  langue,  et  qui -ont  des  mœurs  différentes  des  leurs,  et  les  Turcs 
sont  en  outre  pour  eux  l'objet  d'un  mépris  spécial.  L'étiquette  et  le 
faste  qui  environnent  un  pacha  turc,  sont  pour  les  Arabes  un  spec- 
tacle étrange  et  rebutant.  L^  schérif,  à  l'époque  de  sa  plus  grande  puis- 
sance, ressembloit  à  un  grand  schéïkh  bédouin,  à  qui  chacun  peut  parler 
hardiment,  et  même  avec  une  sorte  de  brutalité,  tandis  qu'on  n'ap- 
proche d'un  pacha  turc  qu'avec  toutes  les  formes  de  la  plus  abjecle  ser- 
vitude. «  Lorsque  le  schérif,  disoit  à  Burckhardt  un  des  plus  riches  négo- 
»  cians  de  Djidda,  avoit  besoin  d'emprunter  une  somme  d'argent,  il 
»  fàisoit  venir  deux  ou  trois  de  nous.  Nous  passions  une  couple  d'heures 
»  en  conversation  avec  lui,  sans  aucune  gêne;  souvent  même  nous  dis- 
»  putions  à  très-haute  voix,  et  toujours  nous  finissions  par  rabattre 


JANVIER    1830.  j 

»  quelque  chose  de  la  somme  qu'il  nous  avoit  d'abord  demandée.  Quand 
©nous  allions  chez  lui  pour  des  affaires  ordinaires,  nous  lui  parlions 
»  comme  je  vous  parie  :  avec  le  pacha,  il  faut  que  nous  nous  tenions 
»  debout,  dans  une  humble  attitude,  comme  si  nous  étions  autant  d'es- 
»  cfaves  abyssins;  et  à  la  manière  dont  ii  nous  regarde,  on  diroit  que 
»  nous  sommes  des  êtres  d'une  nature  inférieure  à  la  sienne.  J'aime- 
»  rois  mieux ,  ajoutoit-il  ,  payer  une  amende  au  schérif ,  que  de  rece- 
»  voir  une  faveur  du  pacha.  » 

Une  chose  qui  influe  beaucoup  sur  le  sentiment  de  haine  et  de  mépris 
que  les  Arabes  éprouvent  pour  les  Turcs,  c'est  l'ignorance  de  la  langue 
arabe,  que  les  Turcs  ne  savent  <jue  très-imparfaitement  et  qu'ils  pro^ 
noncent  mal,  et  celle  des  usages  particuliers  à  l'Arabie  :  les  Turcs,  de 
leur  côté ,  n'ont  pas  un  moindre  mépris  pour  quiconque  ne  parle  pas 
leur  langue  et  ne  porte  pas  feur  costume,  et  ils  détestent  sur-tout  les 
Arabes,  parce  que  ceux-ci  ne  sont  pas  d'humeur  à  souffrir  patiemment 
leur  insolente  tyrannie,  comme  font  les  habitans  de  l'Egypte,  et  qu'on 
ne  les  frappe  pas  impunément. 

Méhémet-AIi  pacha  et  son  fils  Toussoun  ont  bien  senti  tous  les  mé- 
nagemens  qu'exigeoit  d'eux  le  caractère  fier  des  habitans  de  Djidda. 
Aussi  ont  ils  soin,  dit  Burckhardt,  de  prévenir  et  de  réprimer  par  une 
sévère  discipline  l'insolence  brutale  de  la  soldatesque  turque ,  et  ne  se 
permettent-ils  aucune  de  ces  avanies  si  communes  par-tout  ailleurs  sous 
le  gouvernement  des  pachas. 

Les  Arabes  ont  sur-tout  en  horreur  la  mauvaise  foi  et  la  perfidie  qu'ils 
regardent  comme  des  qualités  inhérentes  au  caractère  des  Turcs,  et  qui 
forment  un  contraste  frappant  avec  la  bonne  foi  et  l'inviolable  fidélité  à 
leur  parole  dont  se  piquent  les  Bédouins.  Ils  ne  sauroient  pardonner  aux 
Turcs  la  trahison  dont  ils  se  sont  rendus  coupables  envers  le  schérif,  en 
s'em parant  de  sa  personne  et  renvoyant  en  Turquie,  après  qu'il  s'étoit 
déclaré  en  faveur  du  pacha,  et  qu'il  avoit  consenti  à  laisser  occuper 
la  Mecque  et  Djidda  par  des  troupes  turques,  lesquelles,  à  ce  qu'ils 
prétendent,  loin  de  pouvoir  gagner  un  pied  ferme  en  Arabie,  n'au- 
roient   jamais  pénétré  dans  cette  contrée  sans  l'assistance  du  schérif. 

Djidda  est  une  ville  assez  bien  bâtie,  riche  et  peuplée.  Elle  doit 
être  considérée,  non  pas  seulement  comme  le  port  de  la  Mecque,  mais 
comme  l'entrepôt  commun  de  l'Egypte,  de  l'Inde  et  de  l'Arabie,  toutes 
les  marchandises  exportées  de  l'Arabie  et  de  l'Inde  pour  l'Egypte  pas- 
sant d'abord  par  les  mains  des  négocians  de  Djidda,  Aussi  le  commerce 
est-il  la  principale  ou  plutôt  Tunique  profession  de  ses  habitans,  parmi 
lesquels  il  se  trouve  des  maisons  qui  possèdent  de  très-grands  capitaux. 


6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

La  population  de  Djidda,  comme  celle  de  la  Mecque  et  de  Médine, 
est,  pour  la  plus  grande  partie,  étrangère.  La  plupart  des  familles  fixées 
aujourd'hui  à  Djidda  sont  originaires  des  provinces  de  Hadhramaut  et  du 
Yémen.  On  y  compte  plus  de  cent  familles  indiennes,  venues  sur- tout  de 
Surate  et  de  Bombay.  II  faut  joindre  à  cela  quelques  Malais ,  des  Arabes 
de  Mascat,  et  des  familles  originaires  de  l'Egypte,  de  la  Syrie,  de  la 
Barbarie,  de  la  Turquie  européenne  et  de  l'AnatoIie.  Excepté  les  familfes 
indiennes  qui  conservent  leurs  usages  nationaux ,  leur  costume  et  leur 
genre  primitif  d'occupation ,  tous  les  autres  habitans,  quelle  que  soit 
leur  origine ,  ne  forment  qu'une  seule  masse,  et  ont  adopté  les  mœurs  des 
Arabes  et  leur  manière  de  se  vêtir.  II  n'y  a  point  de  chrétiens  à  Djidda; 
on  y  rencontre  seulement  quelques  Grecs  des  îles  de  l'Archipel ,  qui  y 
apportent  de  temps  à  autre  des  marchandises  d'Egypte.  Autrefois  c'é- 
taient des  Juifs  qui  y  exerçoient  le  brocantage;  mais  à  l'époque  du 
voyage  de  Burckhardt,  il  y  avoit  trente  ou  quarante  ans  qu'ils  en 
a  voient  été  expulsés  par  le  schérif  Sérour ,  prédécesseur  immédiat  du 
schérif  Galeb,  et  ils  s^étoient  retirés  dans  le  Yémen  ou  à  Sanaa. 
Quelques  Banians  se  rendent  à  Djidda  avec  les  embarcations  indiennes 
à  l'époque  des  moussons;  mais  ils  repartent  avec  ces  bâtimens,  et  il 
n'y  a  aucun  Banian  qui  soit  établi  à  Djidda. 

Notre  voyageur  entre  dans  les  détails  les  plus  étendus  et  les  plus 
satisfais  ans  sur  tout  ce  qui  concerne  la  description  de  Djidda ,  la  nature 
et  l'étendue  de  son  commerce ,  la  proportion  entre  les  différentes 
branches  de  ce  commerce,  les  prix  de»  marchandises ,  qui  y  sont  sujets 
à  une  extrême  variation  ,  &c.  Nous  regrettons  de  ne  pouvoir  le  suivre 
dans  les  développemens  intéressans  qu'il  donne  à  cette  matière ,  et  nous 
transcrirons  seulement  une  partie  du  résumé  par  lequel  il  termine  cet 
exposé. 

ce  Le  lecteur  reconnoîtra ,  dit-il  ,  par  les  détails  précédens,  que 
s»  Djidda  dépend  entièrement,  pour  sa  consommation  et  son  approvi- 
»  sionnement,  des  importations  de  l'Egypte  et  des  Indes  orientales,  et 
fe  cette  dépendance  s'étend  jusqu'aux  moindres  objets.  Le  défaut  de 
»  bras,  le  haut  prix  de  la  main-d'œuvre  ,  mais  plus  encore  l'indolence 
w  et  le  défaut  d'industrie ,  qualités  inhérentes  aux  naturels  du  Hedjaz , 
»  les  ont  empêchés  jusqu'à  ce  jour  d'établir  aucune  manufacture ,  si 
*  ce  n'est  pour  quelques  articles  indispensables.  A  cet  égard ,  ils  con- 
»  trastem  singulièrement  avec  les  Arabes  de  la  Syrie  et  de  l'Egypte , 
».qui  sont  en  général  industrieux ,  et  qui ,  malgré  les  obstacles  que  le 
»  gouvernement  oppose  souvent  à  leurs  efforts,  ont  néanmoins  créé 
»  diverses  manufactures ,  au  moyen  desquelles ,  dans  quelques  partiel 


JANVIER    1830.  7 

»  de  ces  contrées ,  ils  peuvent  se  passer  de  recourir  aux  étrangers.  Les 
»  Jiabitans  du  Hedjaz  paroissent  ne  connoître  que  deux  sortes  d'occupa- 
»  dons,  le  commerce  et  l'éducation  du  bétail.  Le  commerce  seul  absorbe 
»  toutes  les  facultés  intellectuelles  des  habitâns  des  villes,  sans  en 
»  excepter  les  oulémas  ou  gens  de  lettres.  Quel  que  soit  le  capital  de 
»  chaque  individu ,  il  cherche  à  l'employer  dans  un  trafic  qui  lui  pro- 
»  cure  du  bénéfice,  afin  de  pouvoir  vivre  sans  avoir  recours  à  aucun 
»  travail  corporel  :  car  ces  peuples  paroissent  avoir  pour  le  travail 
»  autant  d'opposition  qu'ils  ont  d'empressement  à  se  livrer  au  commerce» 
»  au  risque  de  s'exposer  à  toutes  les  inquiétudes  et  à  tous  les  dangers 
»  qui  en  sont  inséparables.  On  a  peine  même  à  trouver  des  gens  qui 
«veuillent  faire  les  métiers  les  plus  communs,  comme  ceux  déporte- 
*  foix,  &c  Les  individus  qui  exercent  ces  professions ,  sont  pour  la 
»  plupart  des  étrangers  de  la  Syrie  ou  de  l'Egypte ,  ou  des  noirs 
»  venus  comme  pèlerins,  qui  gagnent  bien  leur  vie  par  ce  moyen,  et  ne 
»  résident  que  passagèrement  à  Djidda.  La  seule  race  d'Arabes  dans 
»  laquelle  j'aie  reconnu  des  dispositions  plus  industrieuses  que  chez  les 
»  autres,  ce  sont  ks  natifs  du  Hadhramaut ,  ou,  comme  on  les  appelle, 
»  les  Hadharimi.  (  Hadharimé  iUjLà  est  le  pluriel  de  Hadhrami 
"  </>âil«  )  Beaucoup  d'entre  eux  sont  employés  dans  les  maisons  des 
»  négocians ,  comme  domestiques,  portiers,  commissionnaires  et  porte- 
»  faix  :  on  les  préfère,  sur-tout  pour  ce  dernier -service ,  à  tous.au  très,  à 
»  cause  de  leur  honnêteté  et  de  leur  adresse.  » 

J'ajouterai  encore  (es  traits  suivans,  qui  achèvent  de  peindre  le  caractère 
des  habitâns  du  Hedjaz.  ce  Aucun  homme  né  dans  l'une  des  villes 
»  saintes  (  la  Mecque  et  Médine  )  ne  consent  à  faire  le  service  de 
m  domestique  ,  à  moins  qujil  n'y  soit  contraint  par  latrrainte  de  mourir 
»  de  faim  ;  et  il  n'a  pas  plutôt  amélioré  sa  situation ,  qu'il  cesse  de  tra- 
»  vailler,  pour  se  Aire  colporteur  ou  mendiant.  Le  nombre  des  men- 
»  dians  est  très  grand  à  la  Mecque  et  à  Djidda  ;  et  c'est  une  observation 
»  généralement  admise  parmi  les  négocians  de  cette  dernière  ville  ,  que 
»  jamais  un  natif  de  Djidda  ne  travaillera  ,  tant  qu'il  pourra  subvenir  à 
»  ses  besoins  en  mendiant.  La  mendicité  reçoit  de  grands  encourage- 
»  mens  des  pèlerins ,  qui  sont  bien  aises  d'exercer  leur  charité  ,  au  mo- 
»  ment  où,  en  arrivant  à  Djidda,  ils  mettent  pour  Ja  première  fois  le 
»  pied  sur  la  terre  sainte.  » 

Quoique  nous  ayons  cru  devoir  retrancher  tous  les  détails  relatifs  au 
commerce  de  Djidda,  nous  pensons  cependant  qu'il  convient  de  dire  un 
mot  d'un  article  qui  jette  du  jour  sur  plusieurs  passages  des  écrivains 
arabes  les  plus  célèbres;  nous  voulons  parler  des  dattes. 


8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

L'importation  des  dattes  à  Djidda  a  lieu  à  toutes  les  époques  de 
l'année.  A  la  fin  de  juin,  on  y  voit  paroître  les  dattes  nouvelles,  qu'on 
nomme  routeb  oJ£  :  cela  dure  deux  mois;  après  quoi ,  pendant  tout  le 
reste  de  l'année,  on  vend  la  pâte  de  datte,  appelée  ad  joui  ïj£.  Pour 
former  cette  pâte,  on  presse  avec  force  les  dattes,  quand  elles  ont 
acquis  une  parfaite  maturité,  dans  de  larges  paniers,  jusqu'à  ce  qu'on 
les  réduise  en  une   sorte  de  masse  solide  et  ferme,  ou  de  gâteau: 
chaque  panier  est  d'ordinaire  du  poids  de  deux  cents  livres.  En  cet  état, 
Yadjoué  est  apporté  à  fa  ville  par  les  Bédouins  ;  on  le  vend  sur  le  marché, 
par  morceaux  plus  ou  moins  gros ,  à  la  livre.  Cet  adjoué  fait  une  partie 
considérable   de  la  nourriture  journalière  des  classes  inférieures.   En 
voyage,  on  fait  dissoudre  X adjoué  dans  de  l'eau,  ce  qui  donne  une 
boisson  sucrée  et  rafraîchissante.  On  compte  plus  de  douze  variétés 
Sadjoui ,  parmi  lesquelles  il  y  en  a  qui  sont  plus  estimées  que  les  autres. 
A  l'époque  des  moussons,  les  bâiimens  du  Golfe  Persfque  apportent  au 
marché  de  Djidda  de  Yadjoué  de  Bassora ,  dans  de  petits  paniers  qui 
ne  pèsent  guère  plus  de  dix  livres.  Cette  espèce  est  préférée  à  toutes 
les  autres.  Les  navires  des  Indes  orientales  exportent  à  leur  retour  une 
quantité  considérable  de  cette  pâte,  et  elle  se  débite  avec  un  grand 
bénéfice  parmi  les  musulmans  de  l'Indoustan. 

On  pourroit  demander  pourquoi  le  commerce  de  l'Egypte  avec  le 
Golfe  Porsique ,  fa  Mer  Rouge  et  les  côtes  de  l'Inde,  a  pour  entrepôt 
la  ville  de  Djidda,  qui  lui  doit  son  importance  actuelle,  et  ne  se  fait 
pas  plutôt  par  le  port  de  Suez.  Burckhardt  a  traité  cette  question  ; 
et  parmi  les  raisons  qu'il  en  donne,  la  plupart  ne  sont  fondées  que  sur 
des  circonstances  éventuelles ,  et  que  les  dispositions  d'un  gouverne- 
ment éclairé  pourroient  changer  en  un  petit  nombre  d'années.  Une 
diminution  dans  les  droits  imposés  à  l'entrée  des  marchandises,  quelques 
avances  faites  à  propos  au  commerce  pour  l'aider  à  payer  au  comptant, 
condition  ordinaire  des  importations  indiennes ,  la  suppression  de  tout 
monopole  et  des  avanies,  ne  tarderoient  pas  à  attirer  le  commerce  à 
Suez.  Tant  que  le  Hedjaz  étoit  soumis  au  schérif,  les  bâtimens  de 
l'Inde  ,  qui  dans  la  Mer  Rouge  ne  se  hasardent  point  à  s'éloigner  de  la 
côte,  n'auroient  guère  eu  d'intérêt  à  porter  leurs  cargaisons  au  fond 
du  golfe,  parce  que  le  schérif  n'auroit  pas  manqué  d'exiger  d'eux  le 
paiement  des  droits ,  lors  de  leur  passage  devant  Djidda  et  Yambo ,  ou 
de  leur  relâche  sur  quelque  point  des  côtes  du  Hedjaz.  Cet  obstacle , 
comme  l'observe  fort  bien  notre  voyageur  ,  ne  subsiste  plus  depuis  que 
le  Hedjaz  obéit,  comme  l'Egypte,  à  Méhémet-Ali.  Burckhardt  croit 
que  les  principaux  obstacles  qui  ont  jusqu'ici  empêché  rétablissement 


JANVIER    1830.  9 

d'un  commerce  direct  entre  l'Inde  et  l'Egypte ,  ce  sont  la  jalousie  et  les 
fausses  représentations  des  négocians  de  Djidda ,  l'ignorance  où  est  le 
pacha  sur  ses  propres  intérêts,  et  peut-être  la  crainte  de  donner  de 
l'ombrage  à  la  Porte,  L'exemple  cependant  de  ce  commerce  direct  a 
été  donné,  d'après  une  convention  faite  avec  le  pacha,  par  une  maison 
anglaise  d'Alexandrie  correspondant  avec  Bombay.  Le  premier  essai, 
ait  en  1 8 1 5 ,  n'a  pas  eu  de  succès ,°  mais  uniquement  par  ia  mauvaise 
loi  du  pacha ,  qui  a  manqué  ouvertement  à  ses  engagemens.  Cèpe  il  dam 
un  nouveau  traité  pour  le  même  objet  avoit  été  fait  avec  lui;  mais  le 
voyageur  étoit  disposé  à  penser  qu'il  ne  le  respecteroit  pas  plus  que  le 
premier ,  et  que  son  avarice  lui  suggéreroit  des  moyens  de  vexer  les 
commerçans  étrangers ,  sinon  ouvertement ,  du  moins  par  sa  connivence 
avec  les  Arabes  Bédouins,  dont  il  peut  toujours  favoriser  les  courses  et 
le  pillage  sur  la  route  de  Suez  au  Caire.  II  paroît  toutefois,  par  le  récit 
même  de  Burckhardt,  que  l'exemple  donné  par  la  factorerie  anglaise 
d'Alexandrie  n'a  pas  été  perdu  pour  Méhémet-Ali ,  qui  a  expédié 
directement ,  en  1 8  1 6 ,  un  bâtiment  pour  son  propre  compte ,  de  Suez 
à  Bombay;  mais  il  nous  semble  douteux  que  les  vues  de  ce  despote 
s'élèvent  jamais  jusqu'à  comprendre  que  la  mauvaise  foi  et  le  monopole, 
de  la  part  de  ceux  qui  gouvernent,  leur  portent  un  préjudice  encore 
plus  réel  qu'au  commerce  de  leurs  sujets. 

Burckhardt,  arrivé  à  Djidda  presque  sans  argent,  avoit  eu  de  la 
peine  à  se  procurer  quelques  fonds,  qui  lui  étoient  d'autant  plus  néces- 
saires, que  tous  les  objets  de  consommation  sont  d'un  prix  fort  élevé 
d^ns  cette  ville.  Comme  il  n'étoit  pas  inconnu  à  Méhémet-Ali,  qui  se 
trouvoit  alors  à  Taïf,  il  prit  le  parti  de  lui  faire  exposer  sa  situation 
par  un  Arménien  nommé  Bosari,  qui  étoit  auprès  de  lui  en  qualité  de 
médecin.  Burckhardt  prioit  Bosari  de  demander  au  pacha  s'il  voudroit 
accepter  une  lettre  de  change  sur  son  correspondant  au  Caire ,  et  lui 
en  faire  payer  le  montant  par  son  trésorier  à  Djidda.  Bosari,  à  ce  qu'il 
paroît,  n'osa  pas  s'acquitter  de  cette  commission;  mais  Méhémet-Ali, 
informé  par  une  autre  personne  de  l'arrivée  de  Burckhardt  à  Djidda,  et 
de  la  situation  pénible  dans  laquelle  il  se  trouvoit,  dépêcha  un  exprès  . 
avec  deux  dromadaires  au  percepteur  des  douanes  de  Djidda ,  et  lui  or- 
donna de  fournir  sur-le-champ  au  voyageur  deux  habits  complets  et  une 
bourse  de  cinq  cents  piastres,  et  de  le  faire  partir  immédiatement  pour 
Taïf,  par  le  retour  du  même  messager,  qui  se  nommoît  Seid  Ali 
Odjakli. 

Le  même  jour,  24  août  1  8 1 4- 9  au  soir,  Burckhardt  se  mit  en  route 
pour  Taïf,  ville  qui  est  à  cinq  journées  de  distance  de  Djidda ,  ou , 

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io  JOURNAL  DES  SAVANS, 

comme  if  évalue  cette  distance,  à  soixante-douze  milles.  Suivant  l'usage 
des  Arabes,  il  ne  marcha  que  durant  la  nuit.  Il  traversa  une  partie  de 
la  Mecque  et  plusieurs  des  lieux  auxquels  se  rattachent  les  cérémonies 
du  pèlerinage.  A  une  journée  environ  de  Taïf ,  une  montagne  nommée 
Djebel  Kora  offrit  au  voyageur  un  magnifique  panorama  de  toute  la 
contrée  environnante;  et  parvenu  à  un  village  appelé  Ras-tlkora , 
et  qui  n'est  qu'à  une  demi-heure"  de  marche  du  sommet  de  la  mon- 
tagne ,  il  se  trouva  dans  une  plaine  ou  plateau  élevé  qui  a  environ  troiV 
milles  de  longueur  de  Test  à  l'ouest  et  un  mille  de  largeur,  et  d'où 
il  eut  l'aspect  enchanteur  de  la  plus  riche  végptatîon  et  d'une  admirable 
culture.  Cette  espèce  d'oasis ,  située  au  milieu  d'une  région  générale- 
ment aride  et  sablonneuse,  est  habitée  par  des  Arabes  de  l'ancienne  et 
célèbre  tribu  de  Hodhéïl.  Burckhardt  apprit  des  Arabes  qu'en  avançant 
vers  le  sud ,  on  trouve  dans  les  montagnes  de  semblables  oasis ,  égale- 
ment favorisées  de  la  nature,  et  qui  sont  cultivées  et  habitées  par  des 
tribus  d'Arabes  Bédouins. 

Après  être  descendu  de  la  montagne  de  Kora,  et  avoir  marché  en- 
viron une  demi-heure,  Burckhardt  entra  dans  une  vallée  fertile  appelée 
Wadi  Aïohram  Aoù  commencent  le  territoire  de  Taïf  et  les  possessions 
des  Arabes  de  fa  tribu  de  Thékij ,  non  moins  célèbre  dans  les  anciens 
monumens  de  l'histoire  des  Arabes  que  celle  de  Hodhéïl.  Sur  le  pla- 
teau de  Ras  -elkora,  la  végétation  et  la  culture  sont  entretenues  par  des 
ruisseaux  qui  descendent  des  pics  plus  élevés  :  ici  ce  sont  des  puits  qui 
fournissent  l'eau  nécessaire  à  l'agriculture.  Suivant  le  rapport  des  naturels, 
la  chaîne  de  montagnes  qui  de  là  se  prolonge  au  sud  jusqu'à  la  contrée 
où  commencent  les  plantations  de  café,  est  coupée  de  distance  en  dis- 
tance par  de  semblables  vallées  en  état  de  culture,  et  séparées  les  unes 
des  autres  par  des  roches  nues  et  stériles. 

La  ville  de  Taïf  est  située  au  milieu  d'une  plaine  de  sable,  qui  peut 
avoir  en  circonférence  quatre  heures  de  marche ,  et  qui  est  renfermée 
entre  des  montagnes  peu  élevées,  qu'on  nomme  Djebel  Gajxvan.  La  ville 
elle-même  forme  un  carré  irrégulier ,  dont  on  peut  faire  le  tour,  en 
marchant  vite,  dans  l'espace  de>  3$  minutes;  elle  est  entourée  d'un 
mur  et  d'un  fossé ,  et  l'on  y  entre  par  huit  portes.  Les  maisons  sont 
assez  bien  bâties  en  pierre;  les  rues  sont  plus  larges  que  dans  la 
plupart  des  villes  de  l'Orient;  il  n'y  a  qu'une  place  publique  où  se  tient 
le  marché.  Taïf  a  beaucoup  souffert  par  l'invasion  des  Wahhabites ,  qui 
s'en  sont  rendus  maîtres  en  1  8  02.  L'eau  est  fournie  par  deux  puits,  dont 
l'un  est  dans  l'intérieur  de  la  ville,  et  l'autre  hors  des  murs  ,  mais  vis-à- 
vis  de  l'une  des  portes.  Taïf  est  renommé  chez  les  écrivains  arabes 


JANVIER    1830.  11 

pour  ses  jardins ,  et  pour  Fabondance  et  l'excellence  des  fruits  qu'ifs 
produisent  :  ces  jardins  ne  sont  point  dans  l'intérieur  de  la  ville ,  où 
Burckhardt  ne  vit  pas  un  seul  arbre  ;  ils  se  trouvent  au  pied  des  mon- 
tagnes qui  environnent  fa  plaine  sabfonneuse  dont  Taïf  occupe  fe 
centre;  du  reste  ifs  méritent  feur  renommée,  et,  avant  l'invasion  des 
Wahhabites,  c'étoit  là  que  tous  les  riches  habitans  de  fa  Mecque  avoient 
leurs  maisons  de  campagne.  • 

La  population  de  Taïf  est  formée  principalement  d'Arabes  de  la 
tribu  de  Thékif,  qui  ont  quitté  fa  vie  nomade  pour  s'y  établir.  II  y  a 
aussi  quelques  familles  de  la  Mecque  qui  y  ont  fixé  leur  domicile; 
mais  la  plupart  des  étrangers  qui  ont  choisi  Taïf  pour  leur  résidence , 
sont  des  musulmans  de  l'Inde ,  qui ,  de  même  qu'à  Djidda  ,  quoique 
fixés  en  Arabie  depuis  plusieurs  générations ,  conservent  cependant  leurs 
usages  nationaux.  La  profession  à  laquelle  ils  se  livrent  pour  la  plupart, 
c'est  fe  commerce  des  drogues ,  des  parfums  et  autres  denrées  de  ce 
genre,  dont  on  fait  plus  d'usage  dans  le  Hedjaz  que  dans  d'autres  pays. 
Antérieurement  à  l'invasion  des  Wahhabites ,  il  se  faisoit  à  Taïf  un  com- 
merce considérable ,  qui  y  attiroit  les  Arabes  des  contrées  voisines ,  à 
plusieurs  journées  à  la  ronde  :  c'étoit  aussi  un  entrepôt  important  de 
café ,  que  des  Bédouins  y  transportoient  des  montagnes  du  Yémen  à 
dos  de  chameaux ,  évitant  ainsi  les  droits  auxquels  cette  denrée  étoit 
soumise  dans  les  ports  de  la  côte  de  l'Arabie.  A  l'époque  du  voyage  de 
Burckhardt,  les  dattes  qu'y  apportoient  les  Arabes  nommés  Ateybe, 
étoient  à- peu-près  l'unique  objet  de  commerce;  la  misère  régnoit  dans 
cette  ville,  où  la  vie  est  excessivement  chère,  et  les  rues  fourmilloient 
de  mendians ,  pour  la  plupart  indiens. 

Burckhardt  fia  reçu  à  Taïf  chez  l'Arménien  Bosari,  médecin  du  pacha, 
et  le  même  dont  nous  avorts  déjà  parlé.  A  la  première  entrevue  qu'il  eut 
avec  le  pacha,  l'altesse  égyptienne  avoit  auprès  d'elle  le  kadhi  de  la 
Mecque  ;  et  notre  voyageur,  pendant  les  dix  jours  qu'il  passa  à  Taïf, 
se  trouva  fréquemment  avec  ce  ministre  de  la  religion ,  qui,  à  ce  qu  if 
paroît,  n'étoit  pas  plus  convaincu  que  Méhémet-  Ali  de  la  sincérité  de 
sa  conversion  à  l'islamisme.  Le  voyageur,  qui  se  trouvoit  dans  une  po- 
sition délicate,  témoigna  qu'il  se  sentoit  offensé  de  pareils  doutes,  et 
ne  négligea  rien  pour  jouer  parfàitemerit  le  rôle  qu'il  avait  adopté. 
Méhémet-Ali  eut  soin  de  faire  entendre  au  kadhi  que  c'étoit  à  lui  à  juger 
de  la  conduite  qu'il  convenoit  de  tenir  envers  le  voyageur ,  en  ce  qui 
concernoit  son  admission  à  la  Mecque.  Depuis  son  retour  en  Egypte, 
le  pacha  a  assuré  à  plusieurs 'reprises  qu'il  savoit  à  quoi  s'en  tenir  sur 
l'islamisme  de  Burckhardt;  mais  que,  par  suite  de  son  inclination  à  aire 

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ia  JOURNAL  DES  SAVANS. 

plaisir  aux  Anglais,  il  avait  fermé  les  yeux  là-dessus.  Ii  craignoit,  à 
ce  qu'il  paroît,  qu'à  l'exemple  du  fameux  Àli-Bey  Elabbassi,  Burckhardt, 
de  retour  en  Europe,  en  publiant  la  relation  de  ses  voyages,  ne  se  vantât 
d'avoir  joué  le  pacha  et  tous  (es  oulémas  du  Caire  ;  et  il  aimait  mieux 
passer  pour  un  mauvais  musulman  que  pour  une  dupe.  Au  fond, 
Méhémet-Ali  avoit  sur  le  compte  de  Burckhardt  un  autre  soupçon  auquel» 
il  mettoit  bien  plus  •d'importance  qu'à  l'islamisme  vrai  ou  simulé  de 
l'étranger;  il  le  considéroit  comme  un  espion  de  l'Angleterre ,  qui  de- 
voit  passer  dans  l'Inde,  et  y  porter  les  renseignemens  qu'il  avoit  re- 
cueillis sur  l'Egypte:  car  Méhémet-Ali,  instruit  comme  il  l'étoit  des 
événemens  qui  s'étoient  passés  en  Europe  en  l'année  i  8  1 4  >  de  l'entrée* 
des  alliés  en  France,  du  bannissement  de  Bonaparte  à  File  d'Elbe,  et  de 
la  paix  qui  avoit  suivi  le  rétablissement  de  la  maison  de  Bourbon  sur 
les  trônes  de  FranCte  et  d'Espagne,  s'imaginoit  que  la  Russie  et  l'Angle» 
terre  n'avoient  donné  les  mains  à  la  pacification  de  l'Europe  et  abandonné 
leurs  conquêtes,  que  parce  que  ces  deux  puissances  dévoient  s'indem- 
niser, la  première  aux  dépens  de  la  Turquie  d'Europe,  et  la  seconde 
par  la  conquête  de  l'Egypte.  Incapable  de  comprendre  que  la  conduite 
de  ces  puissances  pût  avoir  pour  but  le  rétablissement  de  la  balance 
politique  en  Europe,  et  qu'en  faisant  la  guerre  ou  la  paix,  aucun 
gouvernement  pût  être  mu  uniquement  par  les  lois  de  l'honneur  ou  les 
intérêts  de  l'humanité,  et  peignant  d'ailleurs  en  peu  de  mots  tout  le 
système  de  sa  propre  politique,  il  disoit  avec  chaleur  :  ce  Un  grand  roi 
»  ne  connoît  que  son  épée  et  sa  bourse;  il  tire  Tune  pour  remplir  l'autre: 
»  il  n'y  a  point  d'honneur  parmi  les  conquérans.  » 

Méhémet-Ali  portoit  sur  Bonaparte  et  son  abdication  ,  ainsi  que  sur 
la  conduite  de  ses  généraux  et  de  ceux  qui  a  voient  joui  de  sa  faveur, 
des  juge  mens  remarquables.  Il  avoit  quelque  idée  de  ce  que  c'est  que 
le  parlement  d'Angleterre.  En  pariant  du  général  Wellington,  il  rendoit 
justice  à  ses  talens;  mais  ce  je  doute  fort)  disoit  il,  que,  s'il  avoit  eu  à 
»  commander  des  soldats  tels  que  des  troupes  turques,  il  en  eût  tiré 
»  autant  de  parti  que  je  l'ai  fait  en  conquérant  l'Egypte  et  le  Hed/az.  » 

Toute  cette  partie  de  la  relation  de  Burckhardt  est  du  plus  grand 
intérêt;  mais  nous  ne  pouvons  pas  nous  y  arrêter  plus  long-temps.  Ce 
que  nous  devons  faire  observer,  c'est  qu'il  fut  bientôt  évident  pour  fe 
voyageur  que  Méhémet-Ali  ne  l'avoit  appelé  à  Taï'f  que  pour  tâcher 
de  pénétrer  le  véritable  but  de  son  voyage ,  et  qu'il  risquoit  d'y  être 
retenu  long-temps  sans  aucun  avantage  pour  lui  :  toutefois,  il  trouvoit 
dangereux  de  montrer  aucun  empressement  d'en  sortir;  et  pour  engager 
Bosari  à  solliciter  pour  lui,  sans,  pour  ainsi  dire,  s'en  mêler  lui-même, 


•JANVIER   1830.  ij 

le  congé  qu'il  desiroit,  il  feignit  de  se  trouver  très-bien  de  l'hospitalité 
dont  ii  jouissoit  chez  ce  médecin  arménien»  et  d'user  largement  de 
tous  les  droits  de  l'amitié  que  celui-ci  lui  témoignoit.  Cette  ruse  lut 
réussit;  et  ayant,  à  la  sollicitation  de  Bosari  lui-même,  obtenu  la  per- 
mission du  pacha,  il  quitta  Taïf,  et  se  mit  en  route  pour  la  Mecque, 
le  7  septembre ,  de  bon  matin ,  s'étant  muni  de  deux  ânes  pour  ce 
voyage*  Arrivé  à  Wadi~Mohram ,  notre  voyageur,  en  bon  musulman, 
prit  le  vêtement  nommé  ihram,  c'est-à-dire ,  l'habit  de  pèlerin  ,  dont  il 
donne  la  description  exacte,  et,  le  9  septembre,  vers  midi,  il  fit  son 
entrée  dans  la  ville  sainte. 

C'est  un  devoir  pour  un  musulman  qui  entre  à  la  Mecque,  pèlerin 
ou  non,  même  pour  les  habitans  de  cette  ville  quand  ils  y#  rentrent 
après  sfen  être  éloignés  de  deux  journées  de  chemin ,  de  ne  s'occuper 
-d'aucune  affaire  avant  d'avoir  visité  le  temple  de  la  Caaba.  Le  voyageur 
se  fit  donc  conduire  immédiatement  aux  portes  de  la  mosquée ,  et  là 
il  congédia  l'homme  qui  lui  avoit  loué  des  ânes  pour  venfr  de  Taïf. 
Il  y  trouva  une  troupe  de  metouafs ,  c'est-à-dire,  de  gens  qui  font 
métier  de  guider  les  pèlerins  dans  la  visite  des  lieux  saints,  et ,  eh  ayant 
choisi  un ,  il  se  mit  en  devoir  de  s'acquitter  des  cérémonies  prescrites 
aux  vrais  croyans.  Je  passe  sous  silence  la  description  de  ces  cérémonies, 
qui  sont  assez  connues. 

Le  voyageur  donne  ensuite  une  description  topographique  très-dé- 
tailiée  de  la  ville  de  la  Mecque  et  de  ses  faubourgs,  de  ses  quartiers, 
de  ses  rues,  de  ses  édifices  publics,  &c.  Il  a  soin  d'indiquer  les  classes, 
soit  «d'habitans ,  soit  de  pèlerins  étrangers ,  qui  occupent  chaque  rue , 
le  genre  de  commerce  affecté  à  chaque  quartier,  les  lieux  où  Ton  se 
rassemble  pour  traiter  d'affaires,  apprendre  les  nouvelles,  ou  se  divertir. 
Cette  partie  du  voyage  de  Burckhardt  est  entièrement  neuve;  avant  lui, 
H  y  avoit  peu  de  villes  de  l'Orient  qui  nous  fussent  moins  connues  que 
la  Mecque  :  aujourd'hui ,  nous  la  connoissons  pour  le  moins  aussi  bien 
que  le  Caire,  Jérusalem  ou  Alep.  On  sent  bien  que  Je  dois  m'en  tenir 
à  cette  indication  générale;  j'extrairai  seulement  de  cette  description 
quelques  faits  qui  me  semblent  avoir  un  intérêt  particulier. 

On  sait  combien  il  est  difficile  de  connoitre,  même  par  approxima- 
tion, la  population  des  grandes  ville*  de  l'Orient,  Burckhardt  croit  qu'en 
général  les  voyageurs  en  ont  élevé  l'estimation  beaucoup  au-delà  de  la 
vérité.  II  porte  la  population  de  Damas  à  250,000  âmes,  et  celle  dti 
Caire  à  aoo,ooo  au  plus,  tandis  que  d'autres  voyageurs  ont  donné 
4oo,ooo  âmes  à  la  première  de  ces  villes  et  3  50,000  à  la  seconde.  If 
ne  compte  à  Alep  que  80,000  ou  90,000  habitans ,  et  de  60,000  à 


i4  JOURNAL  DES  SAVANS. 

100,000  à  Hama  ou  Hamat.  Quant  à  la  Mecque,  dont  il  parle  encore 
avec  plu* d'assurance,  il  pense  que  le  nombre  des  habitans  domiciliés 
s'élève  de  25,000  à  4o>ooo,  en  y  comprenant  les  faubourgs,  à  quoi 
il  faut  ajouter  trois  à  quatre  mille  Abyssins  et  esclaves  noirs;  mais  la  ville 
peut  loger  une  population  triple  de  celle-là. 

Dans  une  des  plus  belles  rues  de  la"  Mecque,  appelée  Soueyga  (ou 
plutôt  Sawëika  «juj~  ) ,  c'est-à-dire  le  petit  marché,  se  trouvent  les 
{xnitiques  où  Ton  vend  les  marchandises  les  plus  précieuses,  telles  que* 
les  étoffes  des  Indes,  les  schalls  de  cachemire,  le  bois  d'aloès,  et  d'autres 
substances  aromatiques,  le  baume  de  la  Mecque ,  toujours  sophistiqué, 
des  colliers  de  corail  ou  de  fausses  perles,  des  chapelets  en  bois  d'aloès, 
de  sandal  ou  de  calembac,  des  colliers  en  cornaline,  des  cornalines 
pour  cachets,  et  diverses  sortes  de  marchandises  de  la  Chine*  Toutes  ces 
boutiques  sont  tenues  par  des  marchands  indiens,  contre  lesquels  il 
existe  un  préjugé  général  en  Arabie  ;  on  les  •  regarde  comme  des 
idolâtres  qui  n'observent  les  rites  extérieurs  de  la  religion  musulmane 
que  par  politique  :  ce  On  suppose,  dit  notre  voyageur,  qu'ils  appar- 
»  tiennent  à  la  secte  des  ismaéliens ,  de  ces  mystiques  dévoués  sur 
»  lesquels  j'ai  donné  quelques  détails  en  rendant  compte  de  mon  voyage 
»  au  mont  Liban  :  à  la  Mecque  on  applique  leur  nom  à  ces  Indiens.  II 
»  y  en  a  environ  une  douzaine  qui  résident  à  la  Mecque  ;  les  autres  s'y 
»  rendent  chaque  année  à  l'époque  du  pèlerinage  :  ils  prennent  en 
33  échange  de  leurs  marchandises,  de  vieilles  pièces  d'or  et  d'argent  qu'ils 
»  font  passer  à  Surate,  d'où  ils  viennent  pour  la  plupart.  II  y  a  de  ces 
33  Indiens  qui  vivent  depuis  dix  ans  à  la  Mecque,  s'acquittant  avecune 
»  scrupuleuse  exactitude  d,e  toutes  les  cérémonies  religieuses.  Ils  louent 
33  une  grande  maison  où  ils  demeurent  tous  ensembfe,  sans  y  admettre 
»  jamais  aucun  étranger ,  lors  même  qu'il  s'y  trouve  quelques  apparte- 
33  mens  vacans.  Par  une  pratique  contraire  à  l'usage  de  tous  les  autres 
33  mahométans,  ces  Indiens  n'amènent  jamais  leurs  femmes  pour  faire  le 
«.pèlerinage,  quoiqu'ils  fussent  bien  en  état  de  fournir  à  cette  dépense; 
»  et  quant  à  ceux  qui  résident  à  la  Mecque,  il  est  sans  exemple  qu'ils 
»  s'y  soient  jamais  mariés,  de  quelque  durée  qu'ait  pu  être  leur  rési- 
»  dence  dans  cette  ville.  Cela  est  d'autant  plus  remarquable,  que  les 
»  autres  natifs  de  l'Inde  qui  demeurent  ici  pour  quelque  temps ,  y 
33  prennent  ordinairement  des  femmes,  lors  même  qu'ils  sont  déjà  ma* 
33  ries  dans  leur  .pays. 
,  ce  On  raconte  sur  ceux  dont  nous  parlons  les  mêmes  histoires  qui 

33  ont  cours  sur  les  ismaéliens  de  Syrie Les  peines  que  je  me 

33  suis  données  petuf  obtenir  quelques  renseignement  authentiques  sur 


JANVIER   1830.  15 

»  leurs  doctrines  secrètes,  n'ont  pas  eu  plus  de  succès  ici  qu'en  Syrie: 
»  on  disoit  seulement  d'une  mariière  vague  que  le  chef-lieu  de  ces 
»  ismaéliens  étoit  dans  i'Inde,  et  que  ceux  de  cette  contrée  entrete- 
»  noient  une  correspondance  suivie  avec  ceux  de  Syrie.  On  dit  qu'il 
»  existe ,  aussi  bien  dans  FInde  que  dans  la  Mésopotamie ,  une  secte 
»  Séuigneurs  de  lumières,  et  peut-être  est-ce  à  cette  secte  qu'appar- 
»  tiennent  Fes  ismaéliens  de  Syrie  et  ceux  de  la  Mecque.  Ceux  que 
»  j'ai  vus  à  la  Mecque,  se  rapprochent  par  leurs  traits  plutôt  des 
»  Persans  que  des  Indiens  ;  ils  sont  d'une  stature  .plus  élevée  et  plus 
»  robustes  que  les  Indiens  ne  le  sont  en  général.  » 

L'éditeur,  M.  W.  Ouseley,  dit  dans  une  note  que  les  Indiens  dorit 
parle  ici  Burckhardt,  sont  probablement  des  Parsis  de  Surate  et  de  Bombay1. 
J'admettrois  difficilement  cette  supposition,  et  je  ne  suis  pas  éloigné 
de  croire  que  ce  sont  effectivement  des  ismaéliens»  On  sait  que  l'un  des 
dogmesgjes  ismaéliens  comme  des  druzes  est  de  se  conformer  exté- 
rieurement à  la  religion  dominante.  On  connoît  d'ailleurs  la  licence  de 
mœurs  autorisée  par  leur  doctrine  allégorique;  et  les  livres  des  druzes 
nous  apprennent  que,  vers  le  commencement  du  v.c  siècle  de  l'hégire, 
if  y  avoit  une  communauté  nombreuse  d'ismaéliens  établie  au  toord<- 
ouest  de  l'Inde. 

Parmi  les  sépultures  remarquables  de  la  Mecque ,  est  celle  d'Abou- 
Taleb ,  oncle  de  Mahomet  et  père  d'Ali.  II  ne  faut  pas  se  fier  à. un 
Mecquois  qui  jure  par  la  sainte  Mosquée ,  ou  même  par  la  Caaba  ; 
mais  il  est  rare,  qu'il  n'ait  pas  intention  de  tenir  sa  parole,  quand  il 
jure  par  le  tombeau  d'Abou-Taleb. 

Une  chose  singulièrement  remarquable,  c'est  qu'il  y  a  un  service 
journalier  de  poste  aux  lettres ,  établi  entre  la  Mecque  et  Djidda  :  cet 
exemple  est  presque  unique  dans  le  Levant,  si  Ton  excepte  la  poste 
qui  étoit  établie  entre  Alexandrie  et  le*  Caire,  pour  les  Européens 
seulement,  à  l'époque  du  voyage  de  Burckhardt;  encore  le  service  de 
cette  dernière  étoit- il  moins  régulier  que  celui  de  la  Mecque,  où 
d'ailleurs  le  port  d'une  lettre  ne  coûtoit  que  deux  pences ,  et  à  peine 
autant  pour  la  distribution  à  domicile. 

Je  suis  obligé  d'interrompre  ici  cette  notice  et  d'en  renvoyer  la  suite 

à  un  second  article. 

1  • 

SILVESTRE  DE  SACY. 


\ 


16  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l église  grecque  et  latine ,  ou 
cours  d'éloquence  sacrée,  par  Marie-Nicolas-Silvestre  Gùillon, 
professeur  d'éloquence  sacrée;  z6  vol.  in-8.° >  1 8  24-18 29. 
Paris,  Méquignon-Havard ,  libraire,  rue  des  Saint-Pères, 


n.°  io. 


S'il  est  un  pays,  qui  eût  mérité  plus  particulièrement  l'honneur  de 
produire  un  ouvrage  aussi  utile  et  aussi  intéressant ,  c'est  sans  doute  fa 
France,  où  des  savans  voués  à  l'érudition  ecclésiastique  avoient,  depuis 
longues  années ,  publié  tour-à-tour  les  nombreux  écrits  des  Pères  de 
l'église.  Ces  matériaux,  amassés  et  disposés  par  des  soins  infatigables, 
attendaient  une  main  habile  qui  élevât  et  coordonnât  le  grand  monu- 
ment delà  littérature  sacrée.  M.  l'abbé  Guidon  a  tenté,  Rpir  cette 
littérature,  ce  que  M.  de  la  Harpe  avoit  entrepris  pour  ia  littérature  en 
général  ;  mais  l'auteur  de  la  Bibliothèque  choisie  des  Pères  a  eu  l'avan- 
tage de  pouvoir  mettre  plus  de  temps  que  M.  de  la  Harpe  à  méditer  et 
tracer  le  plan ,  à  rechercher  et  disposer  les  matériaux. 

M.  de  la  Harpe  composoit  quelquefois  la  veille  une  leçon  destinée  à 
l'auditoire  du  lendemain.  M.  l'abbé  Guiilon  a  eu  le  courage  de  aire  les 
longs  et  grands  préparatifs  que  méritoit  le  sujet  qu'il  vouloit  traiter  ; 
aussi  a-t-il  mieux  combiné  son  plan  et  mieux  réglé  la  proportion,  que 
chaque  partie  exigeoît  ;  enfin  on  peut  reconnoltre  qu'il  9.  véritablement 
consacré  à  son  ouvrage  trente  années  de  travail,  ainsi  qu'il  l'assure. 

Avant  d'exposer  le  plan  de  la  Bibliothèque  choisie,  il  est  convenable 
de  faire  connoître  les  travaux  des  écrivains  qui  avoient  précédé 
M»  Guiilon  dans  la  même  carrière.  C'est  la  première  fois  que  ce  journal 
appelle  l'attention  des  lecteurs  sur  le  grand  ouvrage  de  M.  Guiilon; 
pendant  qu'il  publioit  les  diverses  parties  de  sa  Bibliothèque  choisie , 
et  que  les»journaux  français  et  étrangers  en  proclam  oient  le  succès,,  il 
étoit  peut-être  convenable  d'attendre  que  cette  vaste  entreprise  fût 
entièrement  achevée,  afin  de  pouvoir  en  rendre  un  compte  exact  et  en 
apprécier  toute  l'importance  et  toute  l'utilité. 

Eusèbe  de  Césarée,  qui  écrivoit  sous  l'empereur  Constantin,  inséra 
dafls  son  Histoire  ecclésiastique  les  monumens  des  auteurs  ecclésias- 
tiques dés  trois  siècles  précédens.  S.  Jérôme  ,  un  siècle  après  Eusèbe, 
composa  un  livre  spécial  sur  les  auteurs  ecclésiastiques  ou  les  hommes 
illustres,  auquel  S.  Augustin  reprorfnr  des  omissions  considérables. 
Profitant  du  travail  cTEusèbe ,  S.  Jérôme  y  ajouta  sur-tout  des  juge- 


-**"  -•  -  -— . 


JANVIER  I8}0.  17 

mens  exprimés  tvec  concision  :  son  ouvrage  fut  traduit  en'  grec.  Le 
fameux  archevêque  de  Cons  tan  tinople ,  Phothis,  inséra  dans  sa  Biblio- 
thèque les  extraits  de  plus  de  deux  cent  quatre-vingts  auteurs.  Gennade 
de  Marseille,  Isidore  de  Sévilfe,  Honoré  d'Âutun ,  Sigebert  de 
Gembfoàrs ,  Henri  de  Gand ,  Pierre  Diacre ,  l'abbé  Trithème ,  Aubert 
le  Myrer  Sixte  de  Sienne,  Conrad  Gesner,  Scultet,  le  cardinal 
Bellarmiii,  Possevin,  Larmius,  Labbe,  Guillaume  Cave,  ont  obtenu 
de  la  part  de  M.  l'abbé  Guiilon  un  honorable  souvenir,  à  raison  de 
leurs  travaux  sur  les  Pères  de  l'église.' Peut-être  auroit-il  dû  ne  pas 
omettre  les  auteurs  de  l'Histoire  littéraire  de  la  France,  qui  ont  rendu 
un  compte  «xact  et  judicieux  des  ouvrages  de  quelques-uns  des  écrivains 
ecclésiastiques  cités  ou  analysés  dans  la  Bibliothèque  choisie. 

La  découverte  de  l'imprimerie ,  les  schismes  qui  éclatèrent  vers  la 
même  époque,  furent  cause  qu'on  publia  et  qu'on  traduisit  les  écrits  des 
SS.  Pères  ;.  plusieurs  érudits  consacrèrent  leurs-  talens  et  leurs  soins 
à  les  faire  connaître,  mais  c'étoit  par  des  publications  partielles  des 
œuvres  de  chaque  Père  de  l'église.  En  i  575  ,  Marguàrin  de  h  Bigne,* 
docteur  de  Sorbonne ,  donna ,  sous  le  thre  de  Sa  cra  .  Bièuotheca> 
vetebvm  patRum*  une  collection  des  Pères  grecs  et  latins  ,  selon 
1  ordre  des  siècles  où  ils  avoient  vécu.  Cette  collection,  successivement 
augmentée,  s»  composoit,  eii  1 6  a  a,  de  quinze  volumes  in- fol.  En  1  ùjj  , 
Philippe  Despont ,  docteur  en  théologie ,  fit  paraître  k  Lyon  »  en  vingt 
volumes  in?f*L,  la  MAXIM  A  Bibuotheca  patrvm  ,  que  divers 
supplémens  portèrent  ensuite  à  trente-un  volumes  in-fel.  Le  docteur 
Efies  du  Pin ,  en  1686,  donna  au  public  le  premier  volume  im-8.°  dé 
son  ouvrage  intitulé  «  BiUiothique  des  auteurs  ecclésiastiques*  conte- 
»  nant  l'histoire  de  leur  vie,  le  catalogue,  la  critique,  la  chronologie  de 
9»  leurs  ouvrages,  &c.#  le  sommaire  de  ce  qu'ils  contiennent,  un  jugement 
m  de  leur  style,  leur  doctrine,  &c.  »  L'ouvrage  ender  est  en  cinquante* 
huit  volumes  in-8!  D.  Petit-Didier,  bénédictin  de  la  congrégation  de 
Saint-Vannés,  publia, fan  1691 ,  en  trois  volumes  in-8.\  une  critique 
véhémente  contre  les  premiers  volumes  de  la  collection  de  du  Pin  : 
malheureusement  pour  celui-ci,  Bosauet  la  dénonça  à  l'archevêque  de 
Paris,  qui  en  prodama  une  censure  le  16  avril  1 693.  Parmi  les  motifs  de 
cette  condamnation  >  H  est  dit  que  l'auteur  affoiblit  la  piété  des  fidèles 
envers  la  S*t#  Vierge  ;  qu'il  affoiblit  le.  respect  dû  à  la  chaire  aposto- 
lique, en  paraissant  révoquer  en  doute  les  titres  de  sa  priocipauté; 
qu'a  attribue  aux  SS.  Pèses  des  erreurs  sur  les  dogmes  de  l'immortalité 
de  Famé  et  de  fétemké  des  peines  de  l'enfer  \  qu'U  parie  en  général  des 
mêmes  Pères  avec  une.  liberté  également  contraire  à  la  vérité  et  à  la 

c 


18  JOURNAL  DESSAVANS, 

décence»  L'ouvrage  de  du  Pin  obtint,  malgré  sa  proscription ,  et  peut-» 
être  à  cause  de  sa  proscription  f  quelque  célébrité. 

Do  m  Rémi  Cei  Hier,  bénédictin  de  la  congrégation  de  Saint-Vannes  , 
tenta  d'opposer  à  la  collection  d'EIies  du  Pin  une  autre  collection 
faite  sur  le  même  plan,  mais  dans  des  principes  différens,  et  il  exécuta 
son  entreprise  sous  un  titre  à-peu-près  pareH  :  «  Histoire  générale  des 
xi  auteurs  sacrés  et  ecclésiastiques ,  contenant  leur  vie  >  le  catalogue,  la 
»  critique,  le  jugement,  la  chronologie  »  &c.  &c. 

Cet  ouvrage,  que  Fauteur  n'a  point  achevé  et  qui  s'arrête  à  S.  Bernard, 
contient  vingt-cinq  volumes  in-jj  Dans  Élies  du  Pin  et  dans  Dom 
Ceillier ,  orutrouve  plus  d'analyses  que  de  citations  ;  il  est  rare  qu'ils 
donnent,  par  des  exemples  bien  choisis,  une  juste  idée  de  l'éloquence 
des  SS.  Pères.  ■*" 

;  Dès  Tan  1 669 ,  pour  offrir  les  modèles  de  l'éloquence  sacrée ,  on 
avoit  publié,  en  huit  volumes  irtfoL,  la  BlBLWTHECA  patrum 
CON  CIO  nato  RI  a,  dans  laquelle  l'évangile  de  chaque  fête  de  l'église 
est  expliqué  par  les  passages  des  Pères  grecs  et  latins.  L'auteur  de  cette 
collection,  le  P.  Combefis,  en  avoit  emprunté  l'idée  à  un  recueil  fait 
par  les  ordres  de  Charlemagne  et  par  les  soins  cPAlcuin ,  imprimé , 
en  quatre  gros  volumes,  à  Lyon ,  l'an  1  y  8fc,  sous  le  titre  de  Bibliotheca 
kamUiarum  et  scrmonum  priscorum  ecclcsict  Patrum.  Malheureusement  le 
P.  Combefis  avoit  amassé  sans  choix  les  matériaux  de  sa  collection. 
Pendant  les  xvi.e  et  xvn.c  siècles,  on  publia  de  moindres  collections > 
telles  que  Spfcilegia ,  Polyanthea ,  Flores  doctoruia ,  Anthologie  sacrée  * 
Pensées  et  sentiraens  tirés  des  SS.  Pères ,  &c.  &c.  M.  de  Beauvais  » 
ancien  évêque  de  Sénez,  conçut  le  projet  de  faire  connoître  les  saints 
Pères  sous  le  rapport  de  l'éloquence;  c'étott  sans  doute  à  ce  prélat, 
distingué  par  ses  compositions  oratoires,  qu'il  eût  appartenu  de  l'exécuter 
avec  succès.  Retiré  au  mont  Valérien  après  avoir  donné  la  démission 
de  son  évêché,  il  vouioit  consacrer  %e$  dernières  années  à  ce  genre 
d'apostolat.  Il  forma  le  plan  de  ÏOrator  sacmr  ,  ou  Bibliothèque  du 
prédicateur,  qui  eût  embrassé,  dans  un  ordre  méthodique,  les  nombreux 
sujets  qui  avoient  occupé  le  zèle  et  le  talent  des  saints  orateurs,  depuis 
1a  Genèse  jusqu'à  l'Apocalypse,  depuis  le  premier  concile  de  Jérusalem 
jusqu'au  concile  de  Bordeaux,  tenu  en  Tan  i6a4t  depuis  l'épître  de 
S.  Barnabe  jusqu'aux  écrits  de  S.  Charles  Borromée  inclusivement.  Pour 
remplir  cette  vaste  entreprise,  M.  de  Beauvais  s'étoit  associé  de  savans 
collaborateurs  ;  mais  elle  fut  arrêtée  par  les  événemens  de  la  révolution* 

Je  ne  dois  pas  taire  que,  de  1 75  8  à  17^2 ,  dans  «1  temps  oit  il  étoh 
de  mode  de  faire  des  ouvrages  que  le  titre  quatifiott  de  portatifs,  il  parut p 


.j 


eu  ntufxQlûms>KneBi(fIi<utiquejwrt*ti*e  foPïref;  cç  j^tQÎt  «a  quelque 
sorte  qu'un  abrégé  de  l'ouvrage  de  )Dom  CeiUier^.  Apre  ^toutes  pes 
entreprises  1  littéraires  r  tentée*  .pour  répandre  la  cono&itsaoca  des;  ou- 
vrages produits  par  Je»  Pèrçtdç  l'église,- M.  l'abbé  Gtfitfon  a  con- 
sacré au  même  objet  sonitftlefct.èt  ses  soins,  ave^c  une  .constance,  qui 
était  un  présage  da  succès,  sur-tout  si  l'on  considère  qu'il  aa  >orçgé  à 
publier  un  oyyrage  qui  lui  coôtoît  tapt  te  laborieuses.  reiUes  qu'après 
lavoir  terminé  entièrement.  Ge  courage,  cette  force,  ce  gew?  de  per- 
sévérance très-remarquable ,  étoient  d'un  heureux  augure -que  l'événe- 
ment a  justifié*  ,  .      ■■■••'.. 
•    C'est  principalement  soi»  le  rapport  de  l'éloquence  que  M,  l'abbé 
Gui  If  on  a  désiré  faire  connoître,  les  divers  et  nombreux  ouvrages  des 
Pères  de  I église*  Dans  un  discours  préliminaire,  il  expose  avec  franchise 
futilité  qui  lui  a  paru  résulter  de  son  dessein.  Ce  discours  préliminaire 
à  obtenu  à -la -fois  l'estime  des  ecclésiastiques  et  celle  dès  gens  de  lettres, 
AL  fabbé  Guillon  y  fcit  sentir  qu'avant  le  christianisme,  l'éloquence 
n'étoit  qu'un  art,  nais  que,  transportée  dans  les  temples  pour,  y  parler 
au  nom  de  Dieu ,  elle  devint  une  fonction  auguste*  qui  exige  que  «  le 
»  prédicateur  fortifie  son  ministère  et  son  talent  de  tout  ce  qui  peut  les 
»  soutenir  et  les  rendre  vénérables;  son  ministère»  on  itii  donnant  la 
»  recommandation  de  ses  pfoptes  exemples;  son  talent,  en  l'appuyant 
»>  sur  l'étude  approfondie  des  principes  et  de$  modèles  que  l'art  oratoire 
»  fournit  à  son.  émulation..*  H  en. conclut  qu'il  y  a  une  rhétorique  et 
une  éloquence  sacrées  particulières  à  Ja  prédication,  bien  quejes  éiémens 
en  soient  communs  à  l'art  de  la  pfcrole.  . 
*  L'ouvrage  de  M»  l'abbé  Guillon  çst  destiné  à  diriger  et  féconder  le 
talent  .des  jeunes  ecclésiastiques  qui  se  consacrent  à  la  chaire;  il  leur 
montrera  les  modèles  d'éloquence  qu'on  trouve  dans  les  nombreux  écrits 
des  SS.  -Pères.  ■  Ecoutons  M,  i'abbé  Guillon  lui  -  même  :  »  Quoi  , 
»  Messieurs^  toutes  Je$  autres  professions  s'obligent  à  de  longs  et  pé* 
m  nibles  apprentissages  ;  et  la  plus  noble  et  la  plus  importante  de  toutes, 
»  celle,  dirons-nous  avec  le  chancelier  Bacon,  où  il  est  le  plus  daiir 
*>gereu*  de  faire  des  fautes,  une  profession  qui  embrasse  les  intérêts 
»  de  f  éternité  *  une  profession  où  nous  sommes  responsables,  non- 
p>  seulement  de  l'ignorance  des  peuples*  mais  de  cette  demi^science 
»  plus  dangereuse  encore  que  l'ignorance  elle-même ,  n'exigeroit  pas 
»  un*  tribut  égal  de  veillés ,  de  travaux  et  de  sacrifices  i  »  ,   , 
M.  l'abbé  Guillon,  en  caractérisant  les  auteurs  sacrés,  grecs  ou 
latins,  ne  les  donne  pas  tous  pour  être  également  parfaits;  $  a  le  cou- 
rage et  l'art  de  convenir  de  la  vérité  de  quelques-uns  des  reproches 

c  2 


26  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

qu'on  leur  a  faits/  Je  citerai  le  passage  relatif  aux  S&  Pètes  latins: 
cr£r  pourquoi  dissimulerons-nous  que  leur  style  en  général  joigne 
*  de  (a  pureté  du  siècle  d'Auguste  ;  que  celui  de  Tertullien  est  de  fer; 
*>que  S.  Cyprien  tient  quelquefois  de  Tenfluce  et  de  la  dureté 
»  africaine;  que  &  Augustin  et  S.  Ambrôise  paraissent  trop  avoir 
»  retenu  de  la  profession  qu'ils  avoient  faite  de  la  rhétorique;  qu'il 
y>  y  a  dam  Lactance  une  facilité  qui  dégénère  en  joliesse;  que  S.  Léon 
»  et  5.  Grégoire  pape  ont  trop  souvent  sacrifié  aux  défauts  de  leur 
»  siècle  ;  que  S.  Pierre  Cbrysologue  mérite  peu  une  qualification  aussi 
y>  honorable;  et  que,  parmi  les  Grecs  eux-mêmes,  S.  Chrysostome, 
»  admirable  dans  tout  le  reste ,  aime  à  s'épancher  dans  une  abondance 
»  asiatique  qui  le  rend  parfois  diffus  et  traînant  !  » 

Ailleurs ,  et  dans  le  discours  qu'il  a  placé  en  tête  du  cinquième  vo- 
lume, M.  l'abbé  Guiilon  revient  sur  ce  point,  et  dit  avec  raison  que,, 
malgré  f  admiration  qui  leur  est  due,  la  critique  ne  peut  s'empêcher  de 
reconnoître  des  défauts  dont  les  orateurs  de  fa  Grèce  et .  de  Rome 
avoient  été  exempts.  On  desireroit  que  les  SS.  Pères  eussent  mis 
plus  de  sévérité  dans  leur  style,  eussent  mieux  observé  les  convenances 
du  genre,  eussent  employé  plus  de  méthode  dans  l'ensemble,  plus  de 
mesure  dans  les  détails. 

La  plupart  des  Pères  avoient  pris  des  leçons  des  rhéteurs  de  leur 
temps  :  S.  Jean  Chrysoslome  avoit  étudié  sous  Iibanhis;  S.  Gré- 
goire de  Nazianze  et  S.  Basile  s'étoient  rencontrés  avec  Julien  aux 
écoles  d'Athènes.  Fénélon  a  dit ,  ce  me  semble ,  avec  plus  d'esprit  que 
de  justesse,  dans  ses  dialogues  :«  Peut-être  même  que  ces  grands 
»  hommes,  qui  avoient  des  vues  plus  hautes  que  les  règles  communes 
»  de  l'éloquence,  se  conformoient  au  goûrdu  temps,  pour  Aire  écouter 
»  avec  plaisir  la  parole  de  Dieu ,  et  pour  insinuer  les  vérités  de  la 
»  religion.  »  C'est  en  faisant  de  franches  concessions  que  M.  Pabbé 
Guiilon  a  acquis  le  droit  de  proclamer  leur  éloge ,  qu'il  termine  par  ce 
trait  :  ce  Qui  veut  servir  de  modèle  à  son  tour,  doit  commencer  par 
»  les  imiter.  » 

Après  avoir  parlé  et  du  défaut  et  du  mérite  des  ouvrages  des  saints 
Pères,-  M.  l'abbé  Guiilon  conclut  qu'un  choix  des  passages  éloquens 
qui  se  trouvent  dans  leurs  ouvrages  sera  tirés-utile  aux  personnes  qui , 
par  goût  ou  par  état,  voudront  en  faire  une  étude  même  approfondie  : 
«  En  les  abrégeant,  vous  leur  ôtez  ces  défauts;  en  ne  leur  laissant 
»  que  leurs  beautés ,  qui  les  élèvent  au-dessus  de  toute  comparaison , 
»vous  en  faites  lt$  premiers  de  nos  classique*»  Cest  ainsi  que 


JANVIER  ifijo.  44 

Mv.Taiié  GuiHon^ûfic  le  titre  de  Bibliothèque  choisie  des  saint  si 
jPères  <m'ii.t  donné,  à  s*  ootfactbn. 

Comme  les  traductions  qui  existaient  des  SS.  Pères  étoknt  gêné» 
paiement  peu  dignes  des  originaux,  M.  l'abbé  GuHIon  a  pris  le  parti 
de  faire  une  nouvelle  traduction  dea  fhgmens  qu'il  cite;  et  quand  ii 
profite  quelquefois  du  travail  des  traducteurs,  qui  Tout  devancé ,  if  a  Je 
jxùtx  scrupuleux  d*  le,  déclaieiv  H  a  divisé;  tes  ouvrages  des  Père?  de 
4'égUse  en  quatre  classée.,  i  •!  Les  apostoliques  ;  ce  sont  ceux  qui  vécurent 
(e  plus  près  des  apôtres»  jusqu'à  la  fin  des  lemps  apostoliques;  ces  temps 
.finissent  au  commencement  du  troisième  siècle.  Ce  nom  leur  a  été  donné 
très-anciennement;  il  reste  encore  un  asses,  grand  nombre, de  leurs 
ouvrages  dont  an  dit  qu'ils  sofct  les  plus  andens  et  les  plus  précieux 
mon  u mens  de  la  foi ,  dft  kitiomlee*  de  la  discipline  de  Féglise.  Jusqu'au 
siècle  de  &  J&$me,  oo  en  £*ok  des  lectures  dans  les  églises;  il 
existe .  entre  autres  yœ  Collection  partfotlièrê  des  ouvrages  des  Pères 
apostoliques»  a  voL  in-jbl,â  publiée  par  Coutelier*  professeur  de  la 
langue  grecque  au  collège  de  France,  a/  Les  Pères  apologistes,  qui 
proclamèrent*  ,{ian*  les  temps  mêmes  des  persécutions»  de  savantes  et 
courageuses  défenses  du  christianisme.  3.0  Les  Pères  dogmatiques*  ceint 
dont,  les  discours  Ou  les  ouvrages  traitent  spécialement  de  la  foi  et  de 
la  morale  évaugelique.  4-°  Enfin ,  les  Pères  controversi&tes ,  ceux  qui 
écrivirent  i  l'époque  où  la  controverse  commence  à  remporter  sur  l'é- 
loquence, dont  S»  Bernard,  au  111/  siècle»  donna  encore  d'utiles 
modèles.  Tel  est  le  plan  que  M.  l'abbé  Guillon  s'est  tracé  et  qu'il  a 
exécuté  avec  succès*  .   *        , 

Avant  d'aller  plus  bus ,  je  soumettrai  k  l'auteur  une  réflexion  qui 
m'a  préoccupé  pendant  et  après  la  lecture  de  son  ouvrage. 

Sans  doute  M.  fabbé  Guillon  na  pas  entrepris  un  ouvrage  de  cou* 
tro verse;  mais  f eusse  aimé  que»  dans  quelques  notes  approfondies,  H 
eût  justifié  chacun  des  premiers  Pères  de  l'église  contre  lt%  attaques 
dont  ils  ont  été  l'objet,  et  sur-tout  contre  celles  de  Barbey rac.  Ce  savant, 
dans  une  préface  qu'iK  publia  avec  sa  traduction  de  Puifendorf  ,  sur  te 
Droit  di  la  nature  tt  dis  gens,  jugea  sévèrement  quelques  traits  de  la 
morale  des  Pères  qui  avoient  vécu  jusqu'au  VI.'  siècle  ;  je  n'indiquerai 
pas  ici  les  critiques  qu'il  crut  pouvoir  hasarder  contre  eux,  et  dont 
quelques-unes  avoient  été  déjà  hasardées  par  Élies  du  Pin.  Il  est  vrai 
que  Dom  Rémi  Ceillier  publia,  Fan  1 7 1 8 ,  un  volume  in-+9  en  réponse 
k  Barbeyrac;  mais  la  réplique  de  celui-ci  n'a  pas  été  spécialement 
réfutée,  et  il  me  semble  que  cette  tâche  auroh  pu  entrer  secondairement 
dans  le  plan  de  M*  fabbé  Guillon,  puisqu'il  s'agit  de  reproches  dirigés 


a*  JOURNAL  DES  SATAN  S, 

contre  ia  morald  de*  premiers  Pères  dfcd'églisa;  «ft'mttuqj^jjtBir^ 
compte  de  leur  éloquence»  auroit  acquît  un*  pius  grande  ter  étVirïUwtit 
vengé  complètement  leurs dbcfrioMl  :->;;!  or  ?A  -jasinoO 

Ge  quitta  fnqipé  dans  la  ledtbre  de  la  BibIk>thè^ex*ctfsW|  deoMttt 
de^ég^ise*  cJest  ie  (doubfe;gcfof*  d'érôdîfioii-  qo*  fiwteariy  -dèffcoie 
sans  «çssri  d'iixi^  partv:il  potoètkà  fou  d:  toute  J^rtkfftkjh  s|CflSet<de* 
temps  ^ikieirfftsvçt  ■  cfcmtwJ  perty^ifc  indique  î  sans  céeiéft  !pv*t*uf  ifea 
imitations  gusiles  pi<édicatia^ifi*ngrf*  4nt«  farta**  derSSé  Pè&Kj&è 
second  genre  <f érudition  ;;  qol  appatifenbk<qittî«m^tffblfe>n«9v!tf^^ 
autant  cfcpeu*ëcre  plu*  dtaadtsque  Jè^*e*toit*tt*w^ 
raéifces,>parée  que  Fauteur  nttwk  p*e  4»  gtifcfa  i^uiî  eoiseM :  dféjàtâtffé 
une  rat*?.  Cette»  par.rie  dm  tr#rk|I  lié  Mw  *rtbW|><^il<m^8l^p«ritt:Mtts 
enrorc  ïphâtgssieiàîell^^  «'■     €-'  ^  '!I  •--  "* ;rn 

Si  jé'x*  càignoh  de^paribîtfè  *opi  «xi«am,  ^t^pri^e^i^iiil^k 
regtfét  dé  ne  pas  trouver  dam  IftBlWJort^cp^clioiito  des  Ptrt*«to Tftgtte 
les  d  tarions  ries  passage*  dès-dlverrauteurÀ  païeiW  afctfjuôte  Je*  P-tftfl 
ont/}neiquefoiseinprtmtéJdésîdéWiou  des  esp&sdottt.  G^atur^toin^ 
d'érudition  auroit  été  égatatieitt  utile  et  agréable*  atf*tyeuhfc*  éMîKtflft- 
tiques,  m 'j     *?.   .  .j  ;.-  -•  1  -  X   ,<   .,.!*.-  l.*  tA>  c^n-S^jh  r  •»f;..^ciîj^D 

Je  terminerai  ce  ffatmter  extrait  en  rappfcrttrit  dfc***^*^^,1*^ 
drç  Minotuss  Félix ,  qulpoum*  Faire  juger  de  Ja  madère  dora  &  Wbfci 
GûHlomrésume  et 'traduit  tes  Pères  de  l'église*  l'autre  «dé  S.  C^Hèm 
et  do  m  AL  iabbé.  CtiîUoh  a  emj>runté  la  traduction  ]#t«que  *tttiét!iè  4 
Alôlipi^  ^ttPouret^oUi, r^it  MinîutKis  Feli*,'  concevoir  Diea^birtH^ 
»  ment  que  comme  être  créateur»  uni/ersel,  qui  n'a  point  eu  deoeifr 
»  mennement  et  qui  ne  peut  avtfrd*tiftrde  qui  tout  %  re<k  l'existence, 
»  et  qui  ne  tient  la  sienne  que  <S*  Kii»hiêmfc>,  qui,  avant  qu'il  y  4fr;M 
»  monde,  étoit  à  lui-même  son  pfupi*  centre}  qui  a  tout <*éé  par  sa 
v  parôl*;  qtq  ordonne  tout  pajr  sonintettîgërK»,  perfectionne  towpafr 
»;  sy  vertu  il/oeil  ne  peut  le  saisir  ;tUofarté*ab$orbe  Jiosrôibles  regaftfe; 
>>  notre .>ih teliigence  n'en  j)éut  •  oomjfrendfe -  ftromensi  té  Y  et  nos  'sens 
^  bot nfe< Vantant  au-devant  de  cet*»  grandeur  infini*?  il  -n'y  a  qu*<fei 
^qdi  pèûse- se,  Conncrfïrt  lor-méine^  La  seule  minière  de  concevoir  tt. 
»  nature,  c'ett  de  fa  déclarer  inconcevables  à  vrai  dire,  qui  s'iiriagfoé 
»cbnnoîtie  la  grandear  de  Dieu»  la  dégrade*  Ne  lui  cherches  pas*  dé 
»  noaat  D/€u\  voilà  comme  il  s'appelle;  il  ne  faut  des  exprepiôt)* 
»  individuelles  que  quand  il  y  a  pluralité.  Dieu  est  seul;  le  mot  liait* 
» «mkrasset  toéti  Je; rappellerai  pèrt,  Vous" àljte  concevoir  quefijute 
»  chose  d'humain  ;  roi,  d'est  «ne  idée  rerre&tré;  tef^neur>  vourfcêl** 


-. .- ; JtttMVIBlt  iB^cr. 70 1  *5 

»  ramené'  fcb  des  idées  «te  mortalité.,  âupprsnez  le»  désignations. ,  .et 
»  tous  arriverez  à  saisir  quelque  rayon  de  clarté;  »■  I. 
Voici  OMume  S.  Gyprien  t'exprime  sur  le  mime  sujet  t 
«  Inaccessible  à  nos  sens ,  il  surpasse  toute  intelligence.  La  seule 
»  définition  k  donner  de  son  être,  c'est  de  dire  qu'il  est  au-dessus  de 
»  toute  définition.  Quel  temple  seroit  digne  de  lui  !  «l'univers  tout 
»entie*  est  son  temple.  Cbétif  mortel,  qui :  tiens  si  peu  de  place  dans 
»  fa  plus  étroite  enceinte  et  m'y  trouve  encore  au  large»  je  prétendre» 
«enfermer  la  divin-té  dans  un  temple  de  quelques  pieds!  Son  vrai 
»  sanctuaire,  c'est  rime  du  fidèle.  Ne  cherchons  point  de  nom  à  Dieu  ; 
»  son  nom  est  Dieu.  Les  choses  dont  il  y  a  plusieurs,  ont  besoin  d'être 
«distinguées  les  unes  des  autres  par  des  noms  particuliers.  Dieu, 
»qui  est  un,  qui  eat  seul,  n'a  besoin,  pour  être  reconnu,  que  de  son 
m  nom  de  -Dieu.  On  ne  le  comprend  jamais  mieux  qu'en  le  reconnois- 
a»  tant  incompréhensible.  ■*> 

'  RAYNÔUÀRD. 


■    Mémoires  de  l'Académie  royale  de  médecine. 

■     TROISIÈME   ET  DERNIER  ARTICLE. 

Nous  arrivons  aux  mémoires ,  qui  nie  sont  pas  la  partie  la  mouis  inté- 
ressante du  volume. 

Le  ;premier^qul  se  présente  est  de  M*  Itard,  memb're  titulaire  dé 
l'académie,  médecin  do  l'institution  royale  des  sourds-muets,  et  concerne 
le  autisme  produit  par  la  liston  dts fonclioa^inttlîutucllcs.  L'auteur  établit 
d'abord  en  principe  que  la  parole  est  hon-seuleinerjt  une  fonction ,  mais 
encore  un  ajft  d'imitation,  L'homme,  selon  luit.  a. besoin  du 'commercé 
des  autres  pour  lui  communiquer  cet  ait,,  du  concours  de  Forgane,yuditjf 
pour  lui  en  faire  entendre  Jes  pnanuè/es.'  leçons ,  de  la  faculté  d'imiter 
pour  lui  eu  faciliter  tes  répétitions,  -etdu  degré  d'intelligence  accordé 
a  son  espèce  pour  le  lui  faire  corupreudre  et  lui  en  fournir  les  matériaux, 
qui  sont  les  idées.  Voilk  Dourqupj^.ditril,  la  parole  est  interdite  aux 
animaux,  même  à  ceux  dont  l'organisation  physique  se  rapproche  le  plus 
de  la  nôtre,  tels  que.te^quadrunianflf .  %  là  aussi  procède  le  mutisme 
des  idiots,  qui  ne  sont , pus  tous  muets,  npn  plus  que  les  muets  ne  sont 


a*  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

pis  toujours  nécessairement  idiots*  Léserais  idiots,  quand  ils  ne  le  sont 
qu'à  un  degré  (bible*  ont  encore  de  l'intelligence  ;  mais  elfe  est  lourde, 
peu  étendue  ;  et  pourtant  perfectible,  l'entendement  n'étant  lésé  que 
dans  une  de  ses  fonctions ,  F attention ,  là  mémoire ,  l'imitation. 

M.  Itard  prévient  que  le  tableau  qu'il  offre  n'est  composé  que  d'après 
les  individus  qui  ont  été  soumis  à  ses  observations  et  à  ses  soins,  vers 
cette  époque  du  jeune  fige  qui  s'étend  dépuis  la  deuxième  enfonce 
jusqu'à  la  révolution  complète  de  la  puberté.  A  l'aspect  d'un  rouet  qu'on 
lui  présente»  et  après  avoir  interrogé  ses  parens,  M.  Itard  forme  un 
premier  Jugement  ;  il  lui  en  faut  un  second  plus  attentif  pour  s'assurer 
si  son  intelligence  est  en  rapport  avec  les  relations  qui  existent  entre 
lui  et  ses  parens.  II  se  livre  ensuite  à  des  épreuves  analytiques  des 
diverses  facultés  de  l'entendement  du  sujet.  Quand  toutes  les  épreuves  ont 
donné  des  résultats  encour ageans  »  et  fait  conrioitre  une  intelligence  qui 
ne  manque  ni  détendue  ni  de  flexibilité»  il  le  regarde  comme  capable 
de  recouvrer  la  parole  et  de  se  développer  par  l'éducation;  mais  il  faut 
que  cette  éducation  soit  appropriée  à  la  condition  spéciale  dans  laquelle 
se  trouve  placé  son  mutisme.  • 

M.  Itard  indique  ensuite  les  procédé*  par  lesquels  on  parvient 
à  éveiller  le  besoin  de  la  faculté  de  parler.  Ces  procédés  ingénieux 
exigent,  pour  qu'on  en  obtienne  des  succès,  de  la  persévérance  dans 
leur  application.  M.  Itard  a  eu  le  bonheur,  par  ses  soins,  de  guérir 
du  mutisme  un  certain .  nombre  de  personnes  attaquées  de  cette 
infirmité. 

Le  même  académicien  a  communiqué  un  mémoire  sur  quelques 
phfegmasies,  représentées  comme  causes  de  fièvres  intermittentes  per- 
nicieuses. II  résulte  de  six  observations  qu'il  rapport,  qu'une  inflam- 
mation atguë  ou  chronique  des  méninges  ou  de  f  encéphale  petit  ne  se 
ntanifesiër  que  par  des  symptômes  in termittens,  et  que  b  fièvre  connue 
sbus  le  nom  d Intermittente  aiaxljue,  n'est ,  dans  certains  cas ,  qu'une 
fièvre  symptomatique  excitée  par  cette  phlegmasie  du  cerveau.  . 
' j  Xx&të-»t-iï  un  pfus  grand  nombre  de  feus  de  nos  jours  qu'il  y  a 
quarante  an*!  C'est  une  question  que  s'est  proposé  de  résoudre 
M.  Ësquîrol,  membre  titulaire  de  l'académie.  Depuis  vingt-sept  ans» 
il  a  entendu  faire  cette  questiôh,  et  il  a  essayé  d'y  répondre,  il  y 
a  ait  ans,  $nns  fe  Dfctiptuiaire  As  sciences  médicales.  II  est  certain 


JANVIER    1830.  2j 

causes  physiques  lui  paraissent  être  «  l'hérédité ,  les  convulsions  de 
»f enfance,  les  scrofules,  les  épilepsies ,  les  lésions  cérébrales,  qui 
»  exercent  sourdement  leur  action,  et  cette  action  est  à-peu-près  inva- 
x>  riable  dans  tous  les  temps.  On  peut  dire  la  même  chose  des  passions 
»  primitives;  elles  sont  trop  dépendantes  de  l'organisation  pour  ne  pas 
»  avoir.une  influence  à-peu-près  constante  et  renfermée  dans  fes  mêmes 
»  limites  »  L'auteur  ne  doute  pas  que,  pendant  notre  révolution,  la  terreur 
n'ait  été  funeste  à  quelques  individus  dans  le  sein  maternel;  il  en  donne 
un  exemple  frappant.  II  ne  pense  pas  qu'il  y  ait  des  folies  provoquées 
par  la  religion ,  ni  par  les  frayeurs  qu'on  faisoit  autrefois  aux  enfans. 
Le  fanatisme  politique  a  pu  en  faire  naître,  mais  il  a  caus£  un  plus  grand 
nombre  de  maux  de  nerfs.  II  y  a  peu  d'années,  M.  le  duc  de  ta  Roche- 
foucauh-Liancourt  n'a  trouvé,  dans  les  hospices  de  Paris,  que  1 009  indi- 
vidus aliénés,  nombre  égal  à  celui  qu'avoit  trouvé  Tenon  en  1786. 

A  Lyon,  à  Marseille,  à  Nîmes  et  dans  tout  le  midi  de. la  France, 
pays  où  l'exagération  des  idées  et  l'emportement  des  passions  se  font  le 
plus  remarquer,  il  n'y  avoit  pas,  en  1810,  époque  où  M.  Esquirol  a  visité 
ces  contrées ,  plus  d'aliénés  qu'un  demi-siècle  auparavant. 

Aucun  royaume  n'a  été  plus  tourmenté  que  l'Espagne  depuis  (a  pre- 
mière invasion  des  Français;  et  cependant,  en  1  827,  on  comptoit  seule- 
ment 509  aliénés  dans  les  hospices  de  Madrid,  Cadix ,  Valence,  Tolède, 
Barcelone,  Tarragone,  Saragosse,  Cordoue. 

En  Italie,  en  181  8,  on  ne  se  plaignoit  nullepart  de  leur  augmentation. 

D'après  ces  faits,  M.  Esquirol  conclut  que  les  commotions  politiques 
ne  sont  qu'une  cause  temporaire  excitant  les  passions,  mais  n'in- 
fluant point  sur  l'augmentation  du  nombre  actuel  des  fous.  Ces  mala- 
dies semblent  se  multiplier  davantage,  parce  qu'on  les  étudie  plus, 
parce  qu'on  en  parle  beaucoup  depuis  quelque  temps.  II  en  a  été  ainsi 
de  celles  du  cœur,  quand  Corvisart  s'en  occupoit  ;  du  croup,  du  mutisme , 
par  la  même  raison.  Une  idée  très -consolante  que  donne  l'auteur, 
c'est  qu'en  France,  par  les  attentions  qu'on  se  prescrit  dans  le  traite- 
ment des  aliénés,  on  parvient  à  en  guérir  beaucoup;  car,  au  rapport  de 
M.  Esquirol,  sur  12,392  insensés  admis  dans  les  hospices  de  Bicêtre 
et  de  la  Salpêtrière,  depuis  1801  jusqu'à  1821,  il  en  est  sorti  4>9*>8 
guéris.  Si  à  ce  nombre  on  eût  ajouté  les  idiots  traités  comme  aliénés, 
les  épileptiques,  les  vieillards  tombés  en  démence,  la  proportion  des 
guérisons  eût  dépassé  la  moitié  des  admissions.  M.  Esquirol  croit  qu'il 
en  est  de  même  à  Charenton  et  dans  les  villes  de  plusieurs  départemens, 
tandis  qu'autrefois  la  guérison  d'un  fou  passait  pour  une  merveille. 

M.  Esquirol  attribue  l'augmentation  apparente  du  nombre  des  in- 

D 


z6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

sensés  au  perfectionnement  des  institutions.  Les  hommes  se  portent 
toujours  où  ils  espèrent  être  mieux,  soit  en  santé,  soit  en  maladie!  Il 
arrive  pour  les  aliénés  ce  qu'on  a  vu  arriver  pour  les  enfans  trouvés  :  les 
mères  redoutent  moins  de  les  exposer,  et  le  font  sans  remords,  persuadées 
que  les  administrations  charitables  les  soignent  bien. 

Sur  ce  qu'on  lui  objecte  que  ces  motifs  devroient  attirer  plus.de  ma- 
lades que  n'en  contiennent  les  hôpitaux  depuis  qu'ils  sont  améliorés, 
il  répond  que  cela  vient  de  ce  qu'en  même  temps  on  a  établi  plus  de 
secours  à  domicile,  et  qu'en  conséquence  on  ne  reçoit  plus  de  valides 
dans  les  hôpitaux  comme  on  le  faisoit  autrefois,  mais  seulement  les  indigens 
qui  ont  besoin  8e  la  médecine  et  de  la  chirurgie ,  et  quand  il  y  a  des  places 
vacantes  ;  au  lieu  que  l'admission  des  aliénés  dans  les  hospices  qui  leur 
conviennent,  est  restée  facile  et  même  sujette  à  des  abus  qu'il  signale. 

La  conclusion  du  mémoire  de  M.  Esquirol  est  que  l'encombrement 
des  établissemens  à  Paris  par  les  aliénés  ne  prouve  pas  l'augmenta- 
tion de  leur  nombre  :  les  travaux  et  les  écrits  de  Pinel  ont  contribué  à 
éveiller  l'intérêt  qu'ils  doivent  inspirer.  L'amélioration  introduite  dans 
les  hospices  qui  leur  sont  destinés,  en  y  attirant  beaucoup  d'individus,  a 
accrédité  cette  fausse  croyance.  Ainsi ,  l'augmentation  n'est  qu'apparente, 
et  {"aliénation  mentale  n'est  point  une  calamité  propre  au  temps  présent. 

Le  mémoire  qui  suit,  sur  la  mortalité  en  France,  est  de  M.  Willermé, 
adjoint  résident  de  l'Académie.  On  avoit  demandé  s'il  y  a  des  différences 
entre  la  mortalité  des  pauvres  et  celle  des  personnes  qui  vivent  dans  l'ai- 
sance. Cette  question,  qui  fait  partie  d'une  statistique  générale,  appar- 
tient particulièrement  à  la  médecine.  Les  opinions  sur  ce  sujet  étant 
partagées,  M.  Willermé  a  essayé  d'y  jeter  du  jour.  Ce  médecin,  qui 
se  livre  depuis  quelque  temps,  avec  beaucoup  de  zèle,  à  des  recherches 
intéressantes,  a  recueilli  et  comparé  un  grand  nombre  de  faits  :  il  en  a 
puisé  dans  les  statistiques  publiées  récemment  sur  la  ville  de 'Paris  par 
M.  le  préfet  du  département  de  la  Seine;  dans  les  documens  que  lui 
ont  fournis  les  feuilles  mensuelles  d'une  municipalité;  dans  des  états 
ou  tableaux  communiqués  par  l'administration  des  hôpitaux,  et  dans  les 
mouvemens  de  population  de  la  France,  fournis  par  le  ministre  de  l'in- 
térieur. Les  résultats  qu'il  a  obtenus  sont  distribués  dans  huit  tableaux  ; 
il  y  a  ajouté  un  supplément,  consistant  en  quatre  tableaux,  où  M.  13e- 
noiston  de  Châteauneuf  a  comparé  les  décès  des  enfans  dans  deux  ar- 
rondissemens  de  Paris,  l'un  habité  par  beaucoup  de  gens  riches,  l'autre 
par  beaucoup  de  gens  pauvres,  et  dans  deux  rues  de  chacun  de 
ces  arrondissemens ,  dont  l'une  est  sur-tout  peuplée  de  pauvres,  et 
l'autre  de  riches. 


JANVIER   1830.  27 

Nous  dépasserions  les  limites  que  nous  nous  sommes  prescrites,  si 
nous  entreprenions  une  analyse  détaillée  de  deux  autres  mémoires  com- 
pris dans  la  section  de  médecine.  Le  plus  étendu  est  de  M  Bally, 
membre  titulaire  de  l'Académie,  et  a  pour  objet  les  effets  thérapeutiques 
de  la  morphine  ou  narcotine,  principe  immédiat  de  l'opium  :  if  renferme 
beaucoup  d'observations  et  d'expériences  qui  font  parfaitement  coh- 
noître  les  effets  cFun  médicament  fort  employé  dans  fa  médecine  pra- 
tique. L'autre  mémoire,  dû  au  docteur  Léveiffé,  traite  de  fa  fofie  des 
ivrognes,  ou  du  délire  tremblant,  delirium  tremens,  nom  qu'elle  con- 
serve dans  fa  plupart  des* écrits  publiés  en  Angleterre,  en  Danemark, 
en  Allemagne  et  en  France  ;  c'est  la  mania  à  temulentiâ  de  Klapp,  àpotu 
de  Snowden,  Yencephalitis  tremefaciens  de  Jean  Frank  :  la  cause  en  est 
l'excès  des  liqueurs  spiritueuses.  Cette  maladie  consiste  en  une  exalta- 
tion des  propriétés  yitafes  du  cerveau,  provoquée  par  des  molécules  al- 
cooliques absorbées  à  fa  surface  des  voies  gastro-intestinales,  transportées 
dans  ie  torrent  de  la  circulation.  L'auteur  décrit  cette  maladie,  et  il 
fait  connoître  l'action  des  alcools  sur  l'estomac ,  et  quelques  névroses 
cérébrales  qui  simulent  le  délire  tremblant.  Cette  maladie  se  complique 
de  coups  de  sang  et  d'arachnoïde  argué  ou  chronique,  de  gastrite  et  de 
gastro-entérite;  quelquefois  la  folie  chronique  des' ivrognes  se  convertît 
en  aiguë ,  &c. 

Le  premier  mémoire  de  la  section  de  chirurgie  est  de  M.  Larrey,  un 
des  hommes  les  plus  habiles  dans  cet  art  si  utile  à  l'humanité.  Ce  mé- 
moire a  pour  objet  les  plaies  pénétrantes  de  la  poitrine.  Le  but  principal 
de  fauteur  est  de  développer  un  moyen  nouveau  pour  le  pansement  de 
ce  genre  de  plaies;  il  déclare  que  ce  moyen  lui  a  été  inspiré  par  la  nécessité 
où  il  s'est  trouvé  de  l'employer,  et  par  le  succès  qu'il  en  a  obtenu  en  Egypte 
lorsqu'il  étoit  au  Caire,  à  l'occasion  d'une  blessure  qu'un  soldat  français 
reçut  à  la  poitrine  p*  un  coup  de  sabre  de  mamelouk.  Depuis  cette  époque, 
le  succès  a  été  confirmé  par  beaucoup  de  faits.  En  publiant  sa  méthode, 
M.  Larrey  a  cru  devoir  indiquer  le  mode  que  paroît  suivre  la  nature  pour 
Êiire  disparaître  le  vide  que  laissent  dans  les  cavités  de  la  poitrine  Tes 
fluides  épanchés,  lorsque,  par  le  travail  spontané  de  la  vie,  ils  sont  ab- 
sorbés, ou  lorsque,  par  l'opération  de  l'empyème,  on  les  a  évacués  en 
dehors.  II  croit  aussi  avoir  expliqué  le  premier  comment  la  nature,  se- 
condée par  l'art,  peut  rétablir  l'équilibre  dans  les  fonctions  des  organes 
lésés ,  et  conduire  (e  malade  à  une  guérison  parfaite. 

Avant  de  décrire  sa  méthode,  M.  Larrey  examine  la  nature  des  blessures: 
il  en  expose  les  phénomènes  et  dévoile  les  inconvéniens  du  traitement 
ancien;  puis,  supposant  le  cas  où  une  contre-ouverture  est  jugée  indrs- 

D  2 


*8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

pensable,  il  recherche  quand  et  comment. on  doit  la  faire.  Les  personnes 
de  Fart  liront  avec  fruit  cette  partie  de  son  ouvrage, 

M.  Larrey  a  donné,  sur  la  taille,  des  observations  qui  font  partie  des 
mémoires  de  sa  section  ;  nous  nous  bornons  à  en  transcrire  une  qui  nous 
a  paru  très-judicieuse:  «II  est  bien  difficile,  dit -il,  pour  ne  pas  dire 
»  impossible,  d'apprécier  à  priori  la  nature  des  calculs  urinaires  et  leur 
»  rapport  immédiat  avec  la  vessie,  afin  de  pouvoir  fixer  d'une  manière 
»  précise  le  procédé  opératoire  convenable  pour  chaque  espèce  de  calcul, 
»  et  selon  les  obstacles  qui  peuvent  s'offrir  pendant  qu'on  l'exerce. 
»  D'après  cette  idée  ,  un  mode  exclusif  d'opération  ne  peut  être  adopté 
»  pour  extraire  de  la  vessie  toute  espèce  de  calculs.  »  M.  Larréy  se 
propose  de  faire  un  parallèle  entre  la  lithotomie  et  la  lithotritie. 

Dans  un  mémoire  placé  après  ceux  de  M.  Larrey,  M.  le  baron  Du- 
puytren  donne  une  nouvelle  méthode  pour  guérir  les  anus  accidentels, 
maladie  dangereuse  et  dégoûtante,  qui  exclut  de  la  société  les  malheu- 
reux qui  en  sont  atteints.  Tous  les  genres  de  maladies  doivent  être  égaux 
aux  yeux  des  hommes  qui  sont  en  état  de  les  guérir  ou  du  moins  de  les 
soulager. 

L'Académie  a  inséré  dans  son  volume  un  mémoire  de  M.  Dugès , 
professeur  à  la  faculté  de  Montpellier,  sur  les  obstacles  apportés  à 
l'accouchement  parla  mauvaise  conformation  du  fœtus.  (Je  mémoire  con» 
tient  plusieurs  observations  :  nous  citerons,  comme  une  des  plus  curieuses, 
celle  qui  concerne  deux  jumeaux  réunis  dans  un  seul  thorax  et  fe  haut  de 
l'abdomen.  On  y  remarquoit  que  le  thorax  étoit  commun  et  formé,  des 
élémens  de  deux;  qu'il  n'y  avoit  qu'un  seul  cœur  à  quatre  ventricules 
communiquant  ensemble;  que  Its  deux  foies  étoient  fondus  en  un  seul; 
qu'il  y  avoit  deux  estomacs,  ayant  chacun  leur  duodénum,  qui  se  portoit 
vers  une  poche  commune;  les  reins,  les  poumons.  les  organes  géni- 
taux et  urinaires ,  n'avoient  rien  d'extraordinaire,  excepté  qu'un  des  reins 
étoit  atrophié  et  son  uretère  oblitéré. 

Nous  avons  encore  à  faire  connoître  les  mémoires  de  la  section  de 
pharmacie;  ils  sont  dans  le  volume  au  nombre  de  six.  Il  y  a  d'abord  une 
analyse  de  l'écorce  du  solarium  pseudoquina ,  par  M.  Vauquelin,  que  les 
sciences  viennent  de  perdre.  Cette  écorce  a  été  apportée  du  Brésil  par 
M.  Auguste  de  Saint -Hilaire.  M.  Vauquelin  l'a  analysée  avec  tout  le 
soin  possible,  comme  on  n'en  peut  douter,  et  par  tous  les  moyens  que  lui 
dictoit  une  science  qu'il  possédoit  au  degré  le  plus  éminent.  Personne 
n'étoit  plus  persuadé  que  lui  que,  malgré  les  travaux  faits  sur  l'analyse 
des  végétaux,  cette  partie  de  la  science  n'est  pas  encore  bien  avancée, 
en  ce  qui  concerne  les  quantités  respectives  des  matières  qu'ils  coiir 


JANVIER    1830  %$ 

tiennent.  Ce   point  cependant  intéresse   le  pius  directement  ï'ai»ï  de 

guérir.  ;  ;   m  ..-.^iOij 

Sous  le  titre  de  Considérations  chimiques  sur  diverses  concrétUnh  vfy 
corps  humain,  M.  Laugier  fait  voir  que  des  recherches*  sur  certaine* 
substances*  qui  se  forment  dans  l'économie  animale ,  peuvent  retidtç 
service  à  la  médecine  :  tant  il  est  vrai  que  toutes  les  sciences-se  donnent 
des  secours  les  unes  aux  autres  !  II  s'attache  particulièrement  h  quelque** 
unes  des  productions  calculeuses  remarquables  par  leur  origine'.'  Là 
plus  commune  et  la  plus  importante  est  la1  pierre  de  lavéssie,  sur  -là* 
quelle  il  s'étend  beaucoup.  Le  célèbte  Scheele  est  le  premier  qui  Tait 
analysée  ;  son  travail  fut  la  source  de  beauapup  d'autres.  "Wofastroii , 
Fourcroy  et  Vauquelin  reconnurent  que  les  calculs  urinairee  étoient 
composés  d'un  bien  plus  grand  nombre  de  substances.  M.  Laugier  dônnp 
l'historique  de  tout. ce  qui  a  été  fait  sur  cet  tel  matière,  et  des  moyens 
employés  pour  dissoudre  la  pierre  dans  la  vessie,  ou  pour  l'empêcher  de 
s'y  former.  Il  regarde  comme  son  meilleur  dissolvaniil'fcaude  chajtti  qtfîl 
serait  possible  d'y  injecter.  L'urine' n'est  pas  la  seuIe>matièrei«ptirdonn* 
naissance  à  des  concrétions;  ii  existe  aussi  des  caieqls*' ttiliairès ,'  tqoà 
Fourcroy  nommoit  kdipocirts  :  Mk  Chevreuil  a 'proposé  de  tfes  appetet 
plutôt  cholestérims),  après  avoir  comparé  «entre  eux  «  les;  cqrps  grtu)i 
L'examen  de  troii  cents  de  ces  calculs ,  par  M.  Thénard;  a  permis<tf£* 
distinguer  plusieurs  espèces,  On  connoît  aussi  des  calculs  iartHrhiqàéê^ 
-formés  à  la  suite  d'accès  de  goutte;  on  en  voit  d'autres  encore (dani les 
glandes  pinéales,  lacrymales , salivaires,  dans  le  foie,  dans  les  prostate^ 
dans  les  poumons,  et  mênie  dans  les  imestïnsr        •    rl..*j  ♦  '«•«.  »;  ■jiîo'wp 

Des  recherches  analytiques  sur  la  violette  (  viola  oJorata  )  r  àvvià 
examen  de  son  principe  actif  comparé  à  celui  de  l'ipécacuanha ,  forment 
un  mémoire  fu  a  TAcadémie^par  M.  P.  G.  Boullay.  Toutes  les  parties  de 
la  violette  ont  été  employées  en  médecine;  c'est  particulièrement  sa 
fleur  qui  est  d'un  usage  joûrfl3tter,tdtnffimme  réactif  en  chimie,  soit 
comme  médicament.  Cependant,  dit  M.  Boullay,  aucun  travail  n'a 
été  entrepris  pour  fixer  les  idées  sur  les  parties  constituantes  de  ce 
végétal.  Quelques  observations  faites  par  M.  Boullay,  en  préparant  le 
sirop  de  violette  pour  sa  pharmacie,  l'ont  engagé  à  analyser  toutes  ses 
parties;  il  a  opéré  sur  ses  racines,  ses  feuilles  et  ses  fleurs.  Il  résuite 
de  ses  expériences  que  la  violette  odorante  contient  un  principe  particu- 
lier analogue  à  celui  de  l'ipécacuanha,  principe  résidant  dans  la  plante 
entière;  que  ce  principe  de  la  violette  peut  s'appeler  émétine  indigène,  et 
celui  de  l'ipécacuanha  émétine  exotique ;  que  la  violette  dite  pensée  en 
diffère,  en  ce  qu'elle  ne  donne  aucune  trace  de  principe  actif  et  vomitif, 


3<*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

M,  Orfila  a  fait  des  expériences  sur  ia  violine,  qui  lui  paroit  être  un 
poison  irritant  ;  il  n'a  pas  voulu  en  tirer  de  conséquences ,  croyant 
qu'il  fàlloit  encore  des  expériences  nouvelles.  Cette  substance  a  été 
employée  à  la  Charité  onze  fois  comme  émétique,  à  la  dose  de  six  à  douze 
grains  :  elle  produit  quelques  effets ,  mais  non  pas  toujours.  * 

M*  Le  maire  de  Lisancourt,  qui  s'est  occupé  des  substances  végétales 
employées  en  médecine  et  désignées  sous  le  nom  dlpécacuanha,  avoit  lu 
à  l'Académie  un  mémoire  pour  répondre  à  une  question  proposée  par 
sa  section  :  Fixer  nos  connoissances  sur  l'histoire  naturelle  et  l'origine  des 
racines  connues  et  employées,  dans  toutes  les  contrées  du  globe,  sous  le  nom 
d'ipécacuanha.  On  sait  que  ces  racines  ont  toujours  donné  lieu  à  des 
erreurs  occasionnées  par  ceux  qui  les  récoltent  et  par  les  commerça™ 
qui  les  envoient  sous  des  noms  différens.  Dans  ce  mémoire»  fauteur 
jette  des  lumières  sur  l'histoire  naturelle  de  ces  racines,  et  donne  des 
descriptions  générales  des  plantes  auxquelles  elles  peuvent  apparte- 
nir et  qui  excitent  le  vomissement, c'est-à-dire,  qui  sont  émétiques.  H 
*e  contente  de  citer  celles  qui  le  sont  le  moins.  Suivant  ses  recherches, 
ie  nombie  des  plantes  dont  on  emploie  quelques  parties  pour  faire 
vomjr  est  très-considérable.  £n  résultat ,  il  conseille  de  ne  faire  usage 
que  de  l'ipécacuanha  vrai ,  c'est-à-dire,  des  deuxt.  espèces  désignées  par 
Pison  et  Margrave ,  qui  sont  ïipécacuanha  blanc  et  ïipécacuanha  fuscé 
du  Brésil.  M.  Vauquelin  a  analysé  l'ipécacuanha  blanc. 

Ces  premiers  travaux  delà  nouvelle  Académie  de  médecine  annoncent 
aases  les  lumières  qu'elle  répandra  sur  la  scieace  la  plus  utile ,  puis- 
qu'elle  a  pour  tâche  et  pour  but  des  secours  à  donner  à  l'humanité  souf- 
frante.    . 

TESSIER. 


JANVIER    183O.  31 

• 

Ulysses-Homer  ,  or  a  dïscovery  of  the  true  author  oj  the  Ui ad 
and  Odyssey ,  by  Constantin  Koliades,  professorin  the  iouian 
university.  London  ,  1  829,  in-8.9 ,  xxiv  et  67  pages. 

Ulysse-Homère ,  %  du  véritable  auteur  de  l'Iliade  et  de 
l'Odyssée,  par  Constantin  Koliades,  professeur  dans  l'université 
ionienne.  Paris,  1825),  in-fol.,  viij  et  io4  fpag.  avec  le 
portrait  de  l'auteur ,  et  20  cartes  et  gravures. 

SECOND    ARTICLE. 

Il  reste  à  prouver  qu'Ulysse  est  l'auteur  de  V Iliade,  et  des  Paralipomines 
attribués  à  Quintus  de  Smyrne. 

Le  moyen  que  fauteur  emploie,  c'est  de  montrer  que  le  poète  est 
aussi  exact  dans  ia  description  de  la  Troade  que  l'a  été  le  chantre  de 
l'Odyssée  dans  celle  d'Ithaque.  La  conclusion  qu'il  en  tirera,  sera  que 
les  deux  poèmes  sont  du  même  auteur,  par  conséquent  d'Ulysse. 

M.  Constantin  Koliades  entreprend  donc  une  comparaison  détaillée 
entre  la  Troie  d'Homère  et  la  topographie  actuelle  du  pays  :  il  trouve 
la  coïncidence  parfaite  ;  pas  un  trait  n'y  manque.  Nous  jugeons  inutile  de 
le  suivre  dans  ce  travail  assez  long  ;  car  l'opinion  qu'il  y  soutient  est 
précisément  celle  que  M.  Lechevalier  a  exposée  dans  son  Voyage  de 
la  Troade.  M.  Constantin  Koliades  le  défend  contre  quelques  objec- 
tions, et,  entre  autres  ,  contre  celle  qu'a  faite  M.  Gossellin  (1),  rela- 
tivement au  sens  de  mf)  dans  le  passage  ou  Homère  parle  d'Achille  qui 
traîne  le  cadavre  d'Hector  autour  de  Troie.  Comme  il  n'est  pas  possible 
de  tourner  autour  de  la  Troie  de  M.  Lechevalier,  notre  auteur  s'efforce 
de  prouver  que  mfi  signifie  ,  en  cet  endroit,  devant  et  non  pas  autour. 
Cette  explication ,  qu'on  est  obligé  d'admettre  quand  on  adopte  cette 
opinion  sur  l'emplacement  de  Troie ,  est  forcée  et  invraisemblable,  quoi 
qu'en  dise  M.  Constantin  Koliades. 

Cette  opinion  ,  très-  ingénieuse ,  est ,  comme  on  sait ,  à  très-peu  près , 

celle  que  le  comte  de  Choiseul-Gouffier  a  développée  dans  le  tome  Iï 

de  son  Voyage  pittoresque  en  Grèce.  Il  doit  nous  suffire  de  rappeler  ici 

que,  transmise  d'abord  à  la  Société  royale  d'Edimbourg,  en   1791, 

■       ■■■■■'■  ■  ■     1  ■         .    .  .  1    .  .  ,       ■  ■    .        .        ,  . 

(1)  Sur  Strabon,  tom.  IV , part.  2,pag.  t8o. 


32  JOURNAL  DES  SAVANS, 

elfe  produisit  une  grande  sensation  parmi*  les  savans;  elle  trouva 
beaucoup  de  partisans,  et  elfe  en  conserve  encore.  Vivement  criti- 
quée ,  elle  fît  naître  fe  trop  sceptique  mais  curieux  ouvrage  de  Bryanl. 
Des  objections  plus  sérieuses  furent  faites  par  d'autres  critiques.  Quoique 
M.  Constantin  Koiiades  fa  regarde,  ce  qui  pproît  tout  simple,  comme 
parfaitement  démontrée,  ceux  qui  auront  fu  les  écrits  des  adver- 
saires, et  sur -tout  ceux  du  major  Renneff  et  de  M.  Maclaren  .  ne 
pourront  manquer  d'y  trouve*  des  difficultés  énormes.  Mais  c'est  fe  cas 
de  toutes  les  hypothèses  qu'on  a  proposées  depuis,  et  qui  ne  la  valent 
pas,  à  beaucoup  près.  Un  esprit  impartial  n'est  complètement  satisfait 
d'aucune  ;  et  pour  nous ,  après  un  examen  attentif  de  tout  ce  qui  a  été 
dit  sur  ce  sujet  par  Strabon  et  par  les  modernes ,  nous  sommes  intime- 
ment convaincus  de  l'impossibilité  d'en  savoir  là-dessus  plus  que  les 
anciens,    lesquels  ne  savoicnt  rkn    de   la  position    précise    de  Troie. 

Chacun  détruit  sans  peine  toutes  les  hypothèses  de  ses  prédécesseurs  : 
MM/Rennelf  et  Maclaren,  celle  de  M.  Lechevafier  et  de  Choiseul- 
Gouffier  ;  M.  Maclaren  ,  celle  de  M.  Rennell  ;  et  qui  le  voudra  détruira 
celle  de  M.  Macfaren  :  niais  si  l'on  cherche  une  base  pour  en  établir  une 
plus  solide,  on  sentira  que  le  terrain   manque  sous  les  pieds. 

Pour  retrouver  cette  exactitude  que  l'on  vante  dans  fa  Troade  d'Ho- 
mère, chacun,  selon  son  opinion  ,  fait  des  suppositions  plus  ou  moins 
vraisemblables,  presque  toutes  gratuites  ou  arbitraires;  changemens  dans 
les  noms  de  fleuves ,  dans  fa  direction  de  (eur  cours ,  disparition  de 
sources,  attérissemens,&c.  ;  et  avec  ces  suppositions,  personne  ne  réussit 
à  ramener  les  données  du  poète  à  une  topographie  uniforme:  que  seroit- 
çe,  si  l'on  prenoit  les  traits  géographiques  tels  qu'if  fes  fournit!  J'en  tire 
là  conséquence,  qui  pourra  faire  crier  au  paradoxe,  mais  dont  if  seroit 
facile  de  montrer  fa  justesse,  qu'Homère  n'a  pas  vu  la  plaine  de  Troie, 
et  qu'if  Fa  décrite  sur  des  relations  orales  :  en  pareil  cas ,  on  fe  sait , 
des  erreurs  et  des  malentendus  topographiques  sont  inévitables.  Reste- 
rait fa  supposition  que,  connaissant  le  pays,  if  Pauroit  inexactement 
décrit;  mais  elfe  n'est  pas  compatible  avec  fa  recherche  d'exactitude 
qu'on  ne  peut  méconnoître  dans  les  récits  du  poète,  toutes  fes  fois 
qu'il  parle  de  ce  qu'if  sait  bien. 

Que  Troie  fût  située  aux  environs  du  cap  Sigée  et  de  f'Heffespont , 
dans  un  point  quelconque  de  fa  plaine  du  Menderé,  entre  l'Ida  et  fa  mer, 
c'est  ce  que  les  anciens  ont  toujours  reconnu,  et  ce  qui  résulte  avec  évi- 
dence des  poèmes  homériques ,  en  dépit  des  objections  sceptiques  de 
Bryant  et  d'Hobhouse.  Mais  à  quel  point  précisément  de  cette  plaine! 


JANVIER  J83Ô;  3J 

Voilà  ce  qui  et  oit  ignoré  même  des  gens  do  pays,  dès  l'époque  de  la 
fondation  Sllium  recens  f  dans  le  vu/  siècle  zy^at  J.  C,  et  ce  qiie 
les  anciens  n'ont  jamais  su'  depuis.  Tout,  le  prouve,  les  discussion* 
contradictoires  de  tant  de  savans  dans  l'antiquité,  de  Démétrius  de 
Scepsis,  qui  é  toit  du  pays,  d' lies  liée  d'Alexandrie,  de  Strabon,  les 
prétentions  des  habitans  àllium  recens,  soutenues  avec  tan*  de  persé- 
vérance; que  Xerxès,  Alexandre  et  les  Romains  ne  doutèrent  point 
que  leur  ville  ne  fût  Troie»  II  faut  donc  nous  ^signer  k  n'en  Jamais 
savoir  davantage. 

M.  Constantin  Koliades  partant  de  la  gjrande  exactitude  qu'il  croit  re- 
connoître  dans  la  description  homérique  de  Ix  plaine  de  Tfoie,faitrpôur 
l'Iliade  le  même  raisonnement  que  pour  l'Odyssée.  «  S'il  n'est  pas  permis 
»  de  douter  que  l'auteur  n'ait  bien  vu  et  étudié  la  plaine  de  Troie ,  il  faut 
»  de  toute  nécessité  admettre,  ou  qu'il  a  fait  partie  de.  liarméecTAgaipemnonj 
»  ou  qu'il  soit  venUf  quelques  siècles  après,  se  .placer  sur  le  cap  Sigée  ou 
»  le  Pergama,  pour  y  ip  éditer  le  plan  de  l'Iliade.»  pour  en  adapter  tous 
»  lés  épisodes  à  toutes  les  localités  de  la  plaine.  *~.Credat  judaus 
»  Apella.  x»  Mais  la  seconde  supposition  n'est  peint  du  tout  improbable; 
qu'y  auroit-il  donc  cFinçrpyabie  à  ce  qu'un  poète  se  fût  transporté  sur 
les  lieux  pour  donner  k  ses  chants  plus  de  vérité  l  La  première  suppo- 
sition n'est  donc  pas  admissible  de  toute  nécessité.  L'auteur  n'en  tire 
pas  moins  une  conséquence  décisive,  ce  //  est  donc  indubitable  et  rigou- 
»  reusement  prouvé  que  Fauteur  des  poèmes  sur  la  guerre  de  Troie  faisojt 
»  partie  de  l'armée  d'Agamemnon  (  p.  79  ).  *>  Voilà,  il  faut. en  convenir, 
une  conclusion  peu  rigoureuse. 

L'auteur  de  {'Iliade  étojt  donc  un  des  héros  4t  fftrmie  d'Agamemnon. 
Ce  pas  fait,  il  fout  en  faire  un  autre, .  Lequel  de  ces  héros!  C'est 
Ulysse.  Et  pourquoi!  Le  voici:  d'après  un  passage  de  f Iliade  (  XI, 
765-769),  Nestor  et  Ulysse  furent  envoyés  pour  rassembler  tes  troupes 
dans  toute  la  Grèce;  jurais  Nestor,  étant  trop  vieux,  dut  laisser  à 
Ulysse  la  plps  grande,  .partie  des  .démarches  nécessaires»  II  dut  acquérir 
dans  ces  voyages,  cette  connoissance  exacte  du  pays  qui  brille  dans  lé 
catalogue  v  et  qu'aucun  héros  n'a  dû  posséder  au  même  degré  (  p»  8 1  ). 
Donc  Ulysse  est:  Fauteur  de  ï Iliade* 

.  Ici  se  termine,  l'exposé  des  preuves  directes  à&  f  hypothèse  de 
Spiridion  KoIiades.j;jD^S;le  reste  du  commentaire,  son  fils  coo-> 
tinue  de  recopier  ses  voy^gçs  en  ; ditersef  parties  de  ia  Grèce,  et  bit 
ressortir  plusieurs .  trait?  qui  montrent  l'exactitude,  de  certains  détails 
dans  Je  catalogue^  Tout.  Ce  récit  n*apprend.xien  de  nouveau»  et  semble 
avoir  pouf  but  principal -d'amener  d^s  lithographies  médiocres  y  repré- 

£ 


î4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

sentant  desvues  du  temple  de  Minerve  à  Sunium ,  delà  vallée  de  Tempe, 
dei  rumés  de  Trézène,  JOrchorhène ,  dç  Jupiter  à  Égine ,  des  murs 
dé  Tirynthe,  de  la  porte  des  Lions  à  Mycènes,  la  plupart  connues  par 
les  ouvrages  de  Gel/,  de  Dodwell,  et  djautres.  Hors  de  !a  Grèce,  l'au- 
teur va  visiter  Rie  de  Jlfénin? ,  sur  la  côte  d'Afrique,  l'île  des  Loto  - 
pliages  d'Homère  j  ceHe  SEguse,  qu'if  croit  être  une  île  qu'Homère 
place  prêt  de  celle  des  Cyclopes:  il  visite  cette  île  elle- même,  qui' est 
la  Sicile;  celle  cfEole,  qui  étoit  entourée  dtun  mur  d' airain,  caractère  au- 
quel, selon  M.  Koliades ,  on  ne  peut  méconnoître  Vite  des  Sirènes,  qui 
doit  être  ceHe  que  Diodore  appelle  Ostiodes,  attendu  que  les  Sirènes  lais- 
soient  exposés  dans  leur  île  les  os  de  leurs  victimes  ;  puis  le  pays  des  Les- 
tttgons,  au*  environs  de  Mola  di  Gaete,  et  enfin  Tîle  de  Cfrcé ,  qui  est 
le  promontoire  de  ce  nom,  &c.  Par-tout  il  trouve  des  preuves  des 
connoissances  exactePet  profendes  cTUlysae ,  Fauteur  dfe  l'Odyssée. 

Rien  n'égale  la  confiance  avec  laquelle  notre  professeur  donne 
les  noms  modernes  des  lieux  qu'a  parcourus  Ulysse;  on  diroit" qu'il 
commente  Strabon  ou  Ptolémée.  II  semble  ne  pas  soupçonner  qu'il 
y  ail  matière  à  quelque  doute  sur  le  théâtre  de  ces  voyages  ,  et 
ignorer  toutes  les  discussions  contradictoires  des  anciens  et  des  modernes, 
qui  n'onyamais  pu  s'entendre  sur  la  géographie  des  voyages  d'Ulysse. 
En  laissant  de  côté  les  idées  folles  d'un  Cratès ,  parmi  les  premiers  , 
cF<ra  Juste  lipse ,  d'un  Barnès,  d'un  Ramus ,  (Ton  Rudbeck  (  i  ) ,  parmi 
les  seconds,  qu'on  passe  en  revue  les  opinions  des  critiques  anciens  qui  en 
dit  émis  de  raisonnables ,  de  CalUmaque  ,  de  Posidouius ,  «TÀristarque , 
cFÂpolIodore ,  d'Eratosthène,  cTHipparquê  et  de  Strabon;  qu*on  relise 
ensuite  ce.  qu'ont  écrit  les  meilleurs  critiques  modernes,  depuis  Frère t 
Jusqu'à  Voss,  M.  Mannert  et  M.  GosseIKn,  qui  ont  fait  de  grands  efforts 
db  sagacité  pour  comprendre  quelque  chose  à  cette  géographie  ,  on  de- 
meurera convaincu  que  l'occident  de  (a  Méditerranée  étant  inconnu  oux 
Grecs  du  temps  <f  Homère,  les  pays  oii  il  a  fâitvoyager  son  héros ,  peuplés 
de  déesses  »  de  géanset  de  monstres ,  se  perdoient  dans  le  vague  de  son 
horizon ,  çt  ne  désignent  aucune  localité  précise.  Maintenant,  après  tant 
<f inutiles  efforts  des  savans  de  toutes  les  époques,  entreprendre  de 
retrouver  le  pays  des  Cyclopes,  des  Lestrygons,  des  Lotophages ,  des 
Ctnrmériem,  de  Circé  et  de  Calypso,  est  k-peu-^rèk  aussi  mutilé  et 
doit  amener  un  résultat  presque  autsi  incertain  que  ai  Ton  eherchoit  le 
théâtre  de*  voyages  de  Gulliver  C'est  donc  un  ftiot  de  grand  sens  que 
celui  d'JÉratosthène ,  un  des  premiers  Critiques  de  ^antiquité  t  «  Qu'on 

(i>  Uktn,  Gtogr,  der  Çrieçken  und  Romer,  I.  Th.  ri.  Abth.  Si  314.  £ 


,  .JANVIER  1830;  .;..'■  ;.  Jî 

»  trouvera  le  Heu  des  erreurs  d'Ulysse,  quand  on  aura  trouvé  l'ouvrier 
«qui  a  cousu  l'outre  des  vents  ,{i).  »  j.;  . 

On  a  vu  plus  haut  f  opinion  de  l'auteur  et  de  Vidiuur  sur  les 
Paralipomines  de  Quhuus.  Lé  développement  et  les  preuves  de  cette 
opinion  sont  exploses  dans  une  conversation  qui  termine  f  ouvrage; 
M.  Koliades  raconte  qu'en  parcourant  l'Italie  méridionale,  pour  y 
retrouver  lea  trace;  du  voyagé  d'Ulysse,  il  arriva  à  on  certain  couveni 
d'Ascoli,  qhi- possédait une  riche  bibliothèque.  Quand  Je  bibliothécaire 
sut  que  le  voyageur  étoit  d'Ithaque,  if  alla  lui  chercher  Un  manuscrit 
qu'if  gardoit  religieusement  sur  des  tablettes  privilégiées*  «  Voici  >  lui 
»  dit-il,  le  trésor  le  pies  prédeux  que  vous  ayez  pu  trouver  dans  vo$ 
»  voyages.  C'est  un  poôme  qu'on  attribue  vulgairement  à  un  certain. 
»  Quintus,  qui  étoit,  dit-on,  Calabrois.  »  Là-dessus,  il  en  lit  un  frag** 
ment.  M.  Koliades  est  frappé  des  beautés  du  premier  ordre  qu'il  entend. 
Le  vieillard  l'assure  que  le  reste  est  de  la  même  force,  et  qpe  ce  poème 
n'est  pas  seulement  homérique,  mats  homérissim;  il  entame  alors  une 
grande  dissertation,  pour  lui  prouver  que  ce  poémedoit  être  d'Homère* 
Pour  y  parvenir,  il  s'attache  à  écarter  les  indices  d'une  époque  récente 
qu'on  y  a  découverts.  Je  ne  sais  comment  il  se  fait  que  lé  bibliothécaire 
d'Ascoli  trouve  tout  juste  les  mêmes  explications  que  M.  Tourlft ,> 
fe.  traducteur  français  de  Quintus:  si  c'est  un  hasard,  Je  hasard 
n'est  point  heureux;  car  on  ne  peut  rien  voir  de  moins  satisfaisant 
que  ces  explications.  Je  ne  puis  les  citer  toutes;  mais  comme  le* 
bioliothécaire  et  M.  Constantin  Koliades  tiennent  beaucoup  à  {3e* 
erreurs  quîlfc  *  ressuscitent ,  il  faut  en  examiner  quelques-unes  qu'on:  a 
vantées,  d'après  eux,  comme  des  vérités  démontrées  sans  réplique.  II  est 
utile  d'en  frire  justice ,  pour  qu'elles  ne  reparaissent  plus.  Je  chçrar 
donc  les  trois  observations  capitales  ;  le  lecteur  jugera  de  ce  que  doit 
être  le  reste.  ■ .   ■ 

Il  y  s,  dans  Quintus ,  m  passage  (2)  où  Cbafeas  prédit  à  Énée  que* 
j>arUht  des  bordkdu  Xamhe,  il  ira  sur  ceux  du  large  Tbymbris  (9ùfâC§t* 
i,?r  wfvfUâ>^r  «p  JKcaàtA  fakirm  ) ,  fonder  une  vil|e  sacrée  (.wf  v**  itf*t 
ifW  ),  dont  fa  domination,  s'étendra  sur  toute  la  serré,  depuis  l'orient 
jusqu'à  l'ecailem  (fixe*  W  inikier  à*  &}  Jaufrunût  JW  ïxfrti  ■).  II  esl 
impossible  de  désigner  plus  clairement  la  colonie  cTÉnée  en  Italie,  la  fon- 
dation de  ttome  et  les  destinée*  de  f  empire  romain.  Le  traducteur  fran- 
çais des  Paralipomines ,  qui  croit  également  que  le  poème  est  d'Homère, 
ne  veut  reconnoître  ici  ni  leTibrtmi  Roipe.  Le  Thymbris est  le  Thymbtc 

(1)  Àp,  Strab.  1,24.—  (2)  xui,  337  sq.    .5  •*-  <l  •'       -  '  - 

C   2 


\ 


3*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

(  Usez  Thymbrhis  ) ,  ruisseau  à  sec  les  trois  cpiarts  de  l'année ,  et  qui  se 
rend  dans  le  Scamandre  ;  fa  ville  fondée  par  Enée  est  Tàyntbra,  qui  devint, 
dit  M.  Tourlet,  XrÙ-fl$rifsante.On  nenat  ou  il  a  pris  ce  Ait;  car  Thym- 
ira,,  selon  Homère*  Démétriufe  de  Scepsb  et  Strabon  ,  est  une  plaine, 
et  non  une*  ville.  Pline  et  Etienne  de  Byzance  sont  les  seuls  qui  en 
aient  faix  une  vilfe  9  par  un  malentendu  qu'a  déjà  signalé  Choiseul- 
Gouffier  (  i  ).  Avec  une  telle  explication  cf  ailleurs,  le  passage  de  Quimus 
n'a  aucun  sens,  et  Iç.  vers  evpCetr  ficaxim  est  absurde.  Cela  n'em- 
pêche pas  le  bibliothécaire  de  la  reproduire  et:  de  la  développer. 
Selon  lui ,  il  s'agit  d'une  vi[\e  fondée  sur  les  bords  du  Tkymbrius,  qui  coule 
pris  du  Xanthe ,  d'où  l'on  pou rr oit  conclure  cfuil  n'est  pas  meilleur 
helléniste  que  critique.  Les  deux  exemples  suivans  appiiieroient  cette 
conclusion. 

.  Dans  un  autre  endroit  (2),  Quintus  compare  Àgamemnon  et  Mé~ 
nélas  enveloppés  par  les  Trpyens,  «  à  des  sangliers  et  à  dés  lions  corn- 
abattant,  dans  une  enceinte,  lorsque  des  rois  y  rassemblent  et  y 
y>  renferment  cruellement  des  hommes  pour  les  faire  périr  misérable* 
»  ment  sous  la  dent  de  ces  animaux  terribles*  »  On  ne  saurait  non  plus 
désigner  plus  clairement  (es  combats  du  cirque  qui  avoient  lieu  sous  les 
empereurs.  Le  bibliothécaire,  au  lieu  de  lire  le:  texte  dans  son  précieux 
manuscrit,  consulte  le  traducteur  français,  qui  s'égare  encore  une  .fois  1 
sur  la  foi  de  son  guide, il  ne< voit  là  ni  cirque,  ni  araphithé&tre,  qi  rien 
de  pareil.  «II  s'agit  seulement,  dit-il,  d'une  chasse  dans  laquelle  les 
»  [Srinces  rassembioiem  alors  leurs  chasseurs  pour  .combattre,  dans  les 
39  forêts  et  sur  les  montagnes,  des  lions  et  de*  sangliers.  *>  On  pourrait 
demander  aip  bibliothécaire  ce  qu'il  fait  des  mots  turc  Jfpxi? ,  de  ^ 
nourrie  oAtâ'ép  dwpm  i*o  *&.i%oït*  s'il  né  toit  pas  de  toute  évidence  qu'il 
n'a  pas  même  regardé  le  texte. 

Mais  voici ,  selon  lui ,  une  preuve  décisive  de  l'ancienneté,  du  poème. 
La  mention  fréquente  que  le  poète  fait  des  signes  du  zodiaque,  attesterait 
à  elle  seule,  comme  on  l'a  déjà  dit,  qu'if  ne  peut  être  Homère ,  puisque 
les  Grecs  de  son  temps  ne  connoissoient  pas  Je  zodiaque.  Là-dessus , 
le  bibliothécaire  d'Ascoii  prend  un  peu  d'humeur  :  «  Eh  quoi!  dit-. 
»  il  à  ce  sujet ,  le   poète   étoit-H  obligé  de  dire  tout  ce  qu'il  avoit 


y 


(1)  Voyage  fin.  en  Grice,  II,  297.—  (2)  Tw  P 7r  jûwotmf  urne]  r/>*fSrr 
%jm  Vf  te  m**<?  {put  tiV»  Mirnç,\  jjua*  T$?m  JtàJeme  *ftf&nvt\  «^«AiW  V 
iihïm,  mmwif  7i»vrnftM$»»H  Q«»r<r  »W  rant #*?<-.  ST.  **t  ■»..  1*  rf  Twhcn 


xomm.de  Q.  oTsect,  1,  5.  13. 


....  ..  -  ^  . 


-       T 


".■•    JANVIER  iB%&  I    '  37 

«appris  des  zodiaques  de  Tecuyrl*  et  de  Iattopoifs^'eri^ri 'mot  de 
»  (astronomie  que  fen  enteigécAv  *  'Mem  jibis  •«  daiwJla  Yftebey  aur 
>xent  porte»»  dont  lut  rois  ése*dai«ht'féun^tt>riqi)tèfes,4èWs  sciences 
net  .leur  commerce,  jusque  dam  ta.  Bactràn»  et  ta»  lndés  !*■!!<  coh-' 
tiniie  arec  fa  même  nhraciié  t*«  D'ailleurs;  qu*anroit-on  i  HpStidi&  h 
»  Fauteur,  des  ParaJipotnènel,  Vil  fous  démo/moit  luï-m'ènie-itr/row- 
»  iniquement  que  l'époque  ;cit  ihécriVott  étotFVorilrte  de  ^â  gWrrV'Jfel 
»  Troie  i  »  Assurément  rienv  Mais  voyons  U  d*lrttonflir»tion--«  ÎDjnis  le 
«discours  de  Lycorm)de  ft  Néornoterne*  H  est  dît  :  Je  "tremble,  -d  mon 
*>  fils  !  que  tu  ne-quitsea  ces  .rivage»  dans  le*  temps  ou  le  sbleff  passe 
n  dm-  sagittaire  m  eapricerm ,  au  ,lors4*'ti  fartage  siiec  Pktébi  h  four-  et 
»  lis-  térùkrts^  Très-certainement,  Fépoque  où  le  soleil  partagé  égile- 
».ment  avec  Phcebé  leljoùr  «[Vks  téÀèbtvs  est  fèquinoxe 5  et  censé- 
»  qumment  l'autre  époque  indiquée  est  le  solstice  d'hiver,  M  (hoii  d'étfr;- 
s>  puisqu'il  s'agît  de  mauvais  temps»  Cela  nom  reporte  donc  fe  -ffpoque' 
»où  le  solstice  (fhtw.aroitliniv  lorsque  le  soleil  introït  deris  te'signé 
*>du  capricorne,  c'est-à-dire, à  iwnsr  siieiet,  -Doue,  fauteur  lies  Paraît' 
*pamèveS  étoa  «atemporaèn  de  ip  guerre  de  Troîti  »  lie»  fâcheux',  pour 
celte  dimomirttioo,  qu'il  ne.  soit,  pas  question  le  monts  'du  monde, 
dam  le  paseagejBegné  (  i  ) ,  mlétPkabé,.  ne étt  psrtêgt  du  fèttrW  des 
thùbns.  Ity  a  fmHkxin  plus  d'une  «hqse'k  due  sur  cette!  deméirslràtion 
astronomique  et  mathématique.  La  circonstance  principale  sur  laquelle 
elle  s'appuie,  telle  de  Phctbépii  partage  te  jeur  et  les  Untbre»,  n'existe 
que  dans  la  traduction  française  de  M^  Tourlet  Pe  deux  thèses-  l'une  v 
ouïe  bibliothécaire  d'Àscob  aJuactte  tsaduciion  plue  attentivement  que 


(1)  X.  297  w.  Je  Cite  le  pacage:  'Apà  e$  Aî/H ,  -nute ,  i'»V  niât  ,i(mfiiaiai\ 
nny»,  h  T&nt&t,  r  ôfarAtt,  &t:  ii  «ma,  |  -ïWf,  Ït'  'afaïuptï  Vtryj^w," 
»'&vra\  n'ùiW,  fiA-dn,-;  ■:.;■  €.:■■.>  .-.:■  pwngb  ^\ifàmt\  «ÇmiIwV,  .iir  ;£$i4'  Xfj-ejjr 
IMl'wMf.ÛMW,^'  M»V  Ùuwcïe  icain  m.mw  #C>*4  fl'ef nv|    iUl&f  KÊflf^eftùut 

«m1  «rffwr  Ûe*«W.l  AiAft*  S"  ù  fl»t«V  £*n  ùmmtà*  f¥^i*\ifh'%»$îlh»fUe 
Jr  tàftd  Ci'iSt*  wfrm>.  I  fxwSw  airawmi  x'iy  /**>«  *aîn>i#7  GajjtamfJ.  *  «n 
IU*r«Af Wxtnu  Alttr,  wgft  w  (ctw>l  J*y<ft3«  W,!^»  •"«  «Ao'r,  ïr  Jï  yi  âW| 
«Erre*,  ■»  «tu  tityi&în  h'mi  <À'or  «#3^ olwwn |  tut/èit  it'imimkn^.lStrkaiè  j^vjut 
iau^tmt.  Voici  la  traduction  «/**»  donné*  Aï.  Tmuittde  ce  tvag-'fawage, 
remarquable  par  li  redondance  et. i^MOhjirtnca  dpl(SU/lfli  elle  a  I  air  d'Être 
faite  lâr  nu  aiifre  texte,  uot  elle  «ft  inej|C(«  et  tropou^e.  «Je  frpoi^lf ,  o 
»men  fili.queni  ne  quittés  ce  rivage  dani  lé  temps  ou  lé  soleil  passe  du  lagi.t- 
»  taire  au  signe  «fè  caprfeonse,  ou  hrpju'tt  fartàgt  avec  PKoâéJf /éur'a'-ît* 
»  tinàbta.  Redoute  «uni  fo*u«tt*udou  rspprechtd'frhtprfetptttlt?  Ptéhdet 
*éuwHtmw*4*  i)cîrj(lcs#a.  a>  lever  (»u>.:dWift  lie  «ms^^w*  f*«. 
■  t«  pas^Ule  atomes,  m  Tem.  ll,pag.  3a. 


38  JOURNÂt  D£S*SAfMANS, 

son  m^\isqripJ)o^^  mswXsctli  ion^wkç^iioofm^iSérentedecdk 
dçs,  «WJWM*;.  ^  «ita^vmte  far  l'effet 

d'iu^sagacïtg  rmwitàle^  MiGoû^^ 

dit-il,  uoe  cçpît  ^m  pet**  *  dtfpsiiser  tf éclairer,  ce  doute*  Mais  la 
men/iça  df  ,P4##  s'y  fr(niyeroa#  qtieJacJémonstrittoom'en.serort  pas 
ineillture.  Ojy^  a,  ftij;  jusquktde Meii  malheurouipSoappyctthms  de  fci 
précision  des  équiftOwSj&J*  détêntidàtkui  *b|  ?4gë  dp  monuraens; 
majs  ceHe-cî  e$j  pn^ba Weaieht  la  plœnàJhe  tueuse  de  tuâtes.  Le  soIsHoe 
d'hiver,  php$  lors.  #¥  .passage  d*  sagittaire  aiiiiaprioaiDe9  indique  dne 
antiquité.  é$  twitc  siicUsyïïQUi  dit  le  :bibfcotlekairew  Mais -pu.  à-t-il 
pris  cela.!  N'est-ce  pas  là  au  contraire  précisément  l'époque  fixée  pour 
le  solstice  d'hivftr  p$r  les  fiâtes  .ej  dajcndriers  towains^ll  <&*i  clair  que 
Lyco^ède  pats*  «*?  ré  vue  toutes  les  épéques  de  Tannée  regardées  par  les 
ancien*  coinme, celles  où  h  navigatkméféit.daageMpse^  savoir  f  le  corn* 
mea&imeiit  de  l'hiver,  k  l'époque  du  solstice,,  km  de  f  entrée  /dp  solpii 
dans  le  capricorne  s  réquinoû  d'automne;  lai  coucher  des  Pléiades ,  qui 
a  voit  bfi\k  le  8  novembre.  .C'est  eoeoce  une  époque?  voisine  dé  çeifee4fe 
qui  est  marquée  pftr  cette  expression  Qhscuiw  :*  Ou  >qoand  certaine 
»  astr^t  sont  entraînés:  4ans  la  vaste,  ner*  Qmn .  descendant  rers  *  (es 
x>  ténèbres.»  \j$  couder  Vespertinai  de  b  c^tùse 'MOêm? e^oit  <tte» 
2}  la  fin  d'avril;  l'époque  où,  ayant  passé  ia  monié|  du  temps  de  sénappa** 
ritiqn  nçtttirae  »  il  cpoirnence. A  desoeâdre  yera^son  coucher/ doit  *é* 
pondttà  wv&nbrt  t>u  déoembra.:Toii(tcf  cesMdicatidns  se  rapportent 
avçc, évidente  àfépoc£ie  romaine.    ■„■■.  -  . -i  :.;     .  ,.••  tup 

.  ÎJfapa.  n'insisterons'  gaa  davantage  sur  Ja  validité  des. autres  prewv«e 
que  le  bibliothécaire  rapporte  en  faveur  de  la  haute  antiquité  du 
poème  |  nos  lecteurs  en  savent  maintenant  ft-d«$us  "auTtfflrqifit  'fifuT 
II  résume  sa  longue  dissertation  en  disant  ?  ^.Vpiqla  conséquence 
»  qu'il  fiiu  tirer  de  ces,  recherches.  Il  y  ^,  dans^p  pofme,  des  chants 
*>  entiers  qui  respirer  le  génie  tfJipraè^e  quand:  ikétoit  dans  la  force 
»de  fige  et  du  talent}  et  <hao«n  sait  que  ^génle  ne  sSmhe  point; 
» D'autres  trahissent  là  vferlfeste "du  poêté  >Toà  a^jtërtffenrtent  attx  époques 
»  de  son  sommeil,  ^ii#^  çt  Ton  y  ren- 

>>f»otrç  *o«pen&^  A*   ^      ..  .* 

M*  le  professeur  de  ftiniversité  ionieone»ne  troav*  rien-  k  redire  à 
toot  celai  bien  au -46ittraife ■f-irCertfcsV  dft-ify  trtôhvértérable,  votrç 
*  avét  #tt  tant  tfc  clarté  et  âfc'tarbts  tfans  le1  çVrs  de  çè^ç  ^cussi^  ^ 
»  c^é  . vous  avea^  fini,  gw.^^tnuqpt,:^!!^.,  wwm  #tfsi*ttblew* 
QuftJ*  JtfMrçtbéçaij*^^  traduction  française? 

porte4fa'itk4ugwne*i*y  Wp  jfétenrier 


que* M.  •Coettiarifirt  Këft&fcs,  professeur  dans  u«  rniî^rtiti  grecque, 


teéêéf  I  Té*<Jt*'iF  aaifcfe ,  éàw  ta  lëcflirè  d'Hoirie* ,  ibiï  às*«  ihàrràïs 
tng%^fifaît  de  stytë,  pour*  itt&nnof tre  fa  rrtffn  du  cH&ntre  de  flKadë 
Ans  uti  pbëme  du  se  troutcttt  parfois  de  beaux  morceaux ,  mars  dont 
le  nyfe>  la  versification  et  les  idées  trahissent  à  chaque  pas  Pépoque  des 
Coluthus,  dès  Nôrnius  et  dés  Ttyphfodore. 

Avahftfe  se  sëjparer  de  soh  interlocuteur  *  M«  Constantin  Koliades 
loi  dit  :  ce  Mon  cœur  sept  le  besoin  dé  vous  offrir  un  fiibfe  hommage 
»*de  ma  reconnoissanœ.  en'  tons  communiquant  te  résultat  de  mes 
^voyages.  Je  croîs  avoir  découvert  (ici  M.  Constantin  Koliades  oublie 
*qué  c'est  son  père  ètnôri  pas  fui  qui  à  fait  cette  découverte  :  suum 
»t*iqut)  que  cet  auteur  est  Ulysse,  toi  d'Ithaque,  et  le  fragment 
»  précieux  que  Jte  viens  de  voir  ért  utie  preuve  convaincante  de  fa 
»  vérité  de  diéi  conjectures.»  Le  vieillard,  à  son  tour  r  est  frappé 
comme  d'un  trait  de  tanière  ;  i!  s'écrie  t  Per  Dio,  te  bon  }  vtro,  }  bat 
troveto.  Pour  ne  pas  demeurer  ërt  resté  if  nh  si  bon  procédé,  if  fait 
présent  à  M.  Constarttfa  KoHàdes  <Tune  belle  copie  dû  précieux  fiag- 
tneni  et Hmère  ;  puis  Hs  se  séparent  en  se  Jurant  une  amitié  éternelle. 
M:  KoKades  -vèvhrt  dwè  sort  pays,  ou  il  eut  fe  double  chagrin  d'ap- 
prendre la  mort  de  tord  Guilfort ,  son  biehfaitèbr,  et  celle  de  son  père, 
à  laquelle  if  tâétott  pas  préparé,  pùfcqu'S  sôri  arrivée  à  Corfbu  if  en 
recevoit  encore  dès  nouvelles  très-satiifafomtes  :  «Ces  deux  hommes 
»  vertueux,  dît- il,  sont  au  iefn  de  la  divinité,  où  ifs  intercèdent  encore 
»  pour  le  salut  de  la  Crée*  et  la  patx  du  Monde.  »  II  termine  enfin 
son  livre  par  fe  profet  <Ftm  monument  qu'on  éfevéroh  k  Homère ,  dans 
file  d'Ithaque,  portant,  Comme  on  fa-  dit  plus  tant,  répigrapljè 
OATI2ETÏ  OM-HPOX ,  tfeat-*-tiiW  ,  seloft  la  tnducdoû  du  professeur 
dans  l'université  ionienne  9  concernant  TJlystt,  en  Mm  temps  héros  et 
poète. 

Nous  avons  tâché  klè  dbAner,  daitt  cette  atiafyse,  une  idée  exacte  de 
la  hotoveffe*  hypothèse ,  et  de  ftiéftre  nos  teétëutt  eh  état  de  juger  de  ce 
nouvel  essai  pour  rtiottdré1  Ùfte  qtfeiti6à  hxsbfubîe.  Peut-être  pen- 
seront-ils comme  riertit  que  Spiridlôdi  Koliades  itoroft  pti  garder  son 
tecrèt  sans  un  grand  iffewvénîéhf  péàr  htitièncè.  Son  hypothèse 
n'est  pas  seulement  invraisemblable ,  défaut  qu'elle  partage  avec 
(Tau  très ,  elfe  a  de  plus  celui  ifê  ne  reposer  que  sur  des  argumens 
sans  aucune  valeur,  et.  4&r*  en  q^nu^cHon  avec  In  *wfa»  notions 
qu'on  peut  regarder  comme  positive*  relativement  à  -Té^oque  d'Ho- 
mère. Pour  ne  chef  que  les  plu*  antiete  btsràriens  qui  nous  en  parient, 
Hérodote  le  faisoit  vivre  4oo  ans  avant  lui*  c'est-à-dire,  environ  300 


4c  JOUBLNAt  Pf#/$*V;ÀNS, 

ans  après  la  guerre  d^. Troie  [i\;  et  Thuçydifte,  sans  marquer  d'épo- 
que» iti^qt&'ii  yivoît  fort  long- temps  après  cette  guerre  (a).  Leur  opinion 
est  qçefy inéepar  plusieurs  traita  de  rilipde,  Lorsque  au  début  du  catalo- 
gue* te  poète  invoque  les  Muses  pour  qu'elles  lui  révèlent  les  noms 
des  guerriers»  il  dit  :  a  Car  nous  autres  hommes  nous  n'entendons  que 
y>  te  bruit' de  la*  renommée*  »  Cela  n'annonce-il  pas  qu'il  vivoit  long- 
temps, après  L'événement!  Faites-en 'un  contemporain»  et  sur-tout  un 
témoin  de. l'événement,  et  le  vers  n'a  plus  de  sens.  C'est  Pope  qui  Ta 
rëmargué  je  premier»,  et  c'est  avec  toute  justesse»  quoi  qu'en  ait  dit 
Mitfbrd.  JUes  passages  ou  le  poète,  parlant  des  énormes  pierres  lancées 
par  Diomède  et  Hector,,  dhque  deux- hommes  tels  qu'ils  existent  aujour- 
d'hui ne  ppurrpient  seulement  les  soulever,  'annoncent  encore  évw 
demuiextt  une  date  postérieure  de,  beaucoup  à-  la  guerre  de  Troie. 
Suppqser,  cpttypie  QA.  Constantin  KoKades,  que  le  poète  auroit  com- 
pps'é  ses  puvfage^  dans  cm  âge  avancé»  pe  suffit  pas  pour  rendre  compte 
de  Ja  difficulté.  Les  anciens  ne  s'en  sont  pas  iàit.une  autre  idée.  Virgile , 
en  imitait  ces  passages ,  Quaiiu  mené  homàntm  fr^ucit  corpora  tellus(4), 
a  bien  montré  Je  seos  qu'il  y  attac^çi(«  Veileius  Paterculus  les  cite  en 
preuve,  qu  H  9  mère,  vivoit  long- temps  après  la  gperre  de  Troie  t  hoc 
enim  uLhçminum*  ita.seçulprum  notatur  différente  (  j ).  , 
:  ^QufW:^  ^  patrie  d'Homère,  çn  mettait  de  côtéja  plupart  des  in* 
diçes  .que  W*>od.  a  tirés  de  ses  poèmes -pour  prouver  qu'il  étoit  d'Ionie, 
parce  qu'ils  i^^rouvent.rien*  il  reste;  le  vers  du  catalogue  où  le  poète 
dit  que  les  Locriens  sont  situés  au-delà  de  VEubie  (6)9  ce  qui  annonce 
que  l'auteur  de  ce  catalogue  écri  voit  dans  un.  lieu,  situé  à  l'orient  de  la 
Grècç*  II  est  étrange  que  M.  Constantin  ICpliadea,  qui,connoît  si  bien 
Honièrç',  .n'ait  fah  nulle  attention  à  ce;  passage,  qui  doit  détruire  son 
système  à  se*  Jeux  ^puisqu'il  ne  recoonoît  qu'une  m^in  dans  fiiiade. 
Quant  aux  partisans  de  l'opinion  de  Woïf  et  de  Heyne ,  ifs  ne 
tireront  d'autre  conséquence  du  ven9  sinon  quç:  l'auteur  du  catalogue  # 
netoit.pas  du  continent  de  {a  Grèç£;.  encpçe  .ne  serait-elle  pas  tort 
rigoureuse  ,  car  le.  vers  peut  être  une  intfrpolatioiv 

jl  n'y  a  doijc  «m'up  seul  foifc  positif  à:  -tiret,  des  passages  des  anciens 
et  despoéiues;  homériques  co/iceru^nt  feur,  auteur  »c'e*t  qu'il  a  vécu 


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-■  \i)  HcroA*  //,    *»;  —  (i)  Tfcècnfr  t,'Ji  W*w-&irç?f'-"»r  Tputwr. '  — 
<-.{  foi:/.'!*  ti'iib  •ù-t&'j  ,.»,I  i::*::  i.:.:  ;ofa  w-ï.'  '.:/■.:*:    .  .'.'.  . — 


JANVIER    1830.  4i 

long-temps  après  la  guerre  de  Troie:  mais  combien  de  temps!  voilà 
ce  qu'on  ne  saura  jamais,  pas  plus  que  le  véritable  emplacement  de 
Troie  et  le  théâtre  des  voyages  d'Ulysse. 

La  science  de  l'antiquité  présente  encore  assez  de  questions  à  ré- 
soudre, assez  d'utiles  recherches  à  faire.  C'est  lui  rendre  service  que 
de  signaler  celles  dont  la  solution  est  évidemment  désespérée;  car 
elles  ne  sont  bonnes  qu'à  faire  naître  de  ces  disputes  interminables, 
où  Ton  fait  assaut  de  mauvaises  raisons,  personne  n'en  ayant  de  bonnes 
à  donner.  Leur  moindre  inconvénient  est  de  n'aboutir  et  de  ne  pouvoir 
aboutira  rien;  car  elfes  en  oqt  un  bien  plus  grand  encore,  c'est  d'entre- 
tenir, parmi  les  gens  superficiels,  l'idée  trop  répandue  qu'on  peut  tout 
soutenir  et  rendre  probable  dans  les  recherches  d'érudition ,  et  qu'il  suffit 
pour  cela  d'un  peu  d'esprit,  d'une  sorte  d'adresse  à  torturer  quelques 
passages  tirés  le  plus  souvent  d'auteurs  qu'on  n'a  jamais  lus.  Rien  ne  seroit 
plus  propre  à  favoriser  cet  injuste  préjugé  que  certains  ouvrages  qui 
paroissent  de  notre  temps,  et  sur-tout  que  les  éloges  dont  ils  sont  l'objet. 

LETRONNE. 


Mon  u mens  et  Ouvrages  d'art  antiques ,  restitués  d'après  les 
\  descriptions   des  écrivains,  et  accompagnes  de  dissertations 
archéologiques,  par  M.  Quatremère  de  Quincy  ;  2  vol.  pet. 
in-jbL  Paris,  1826  et  1828;  chez  J.  Renouard. 

Il  y  a  deux  manières  de  concevoir  et  de  traiter  l'antiquité  figurée. 
L'un  et  consiste  à  restituer^  l'aide  du  dessin,  le  monument  perdu  ou 
anéanti,  en  s'aidant  autant  qu'il  est  possible  de  la  description  de  ce 
monument,  telle  que  les  anciens  nous  l'ont  transmise,  d'une  façon  plus  ou 
moins  exacte  ou  complète,  en  traits  plus  ou  moins  vagues  ou  caracté- 
ristiques ;  l'autre  se  borne  à  l'interprétation  des  monumens  existons  et 
connus,  en  combinant  toutes  les  données  antiques  que  peut  fournir, 
soit  l'étude  des  textes,  soit  l'examen  et  la  confrontation  de  ces  mo- 
numens eux-mêmes.  Chacune  de  ces  deux  méthodes  a  ses  avantages  et 
ses  inconvéniens.  Si  la  première,  exploitant  à  son  gré  tout  le  domaine 
du  possible,  s'attache  à  tirer  de  l'oubli,  à  sauver  de  la  destruction  même 
les  oeuvres  d'un  art  qui  n'est  plus;  si,  en  recomposant  pièce  à  pièce, 
en  rétablissant  en  leur  entier  des  monumens  dont  l'existence,  après 
avoir  été  une  merveille,  étoit  restée  un  problème,  elle  ouvre  ainsi  à  nos 

F 


4*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

connoissances  un  monde  tout  nouveau»  h  mesure  qu'elle  recule  les.  li- 
mites du  monde  ancien,  on  ne  sauroit  nier,  cTun  autre  côté,  que  fe 
résultat  de  ces  doctes  et  ingénieuses  combinaisons  n'ait  toujours  quelque 
chose  d'illusoire.  Quelque  fidèle  aux  traits  de  la  description  antique 
que  soit  l'image  créée  par  le  génie  moderne;  avec  quelque  habileté 
que  fa  science  et  le  goût ,  l'érudition  et  le  dessin ,  se  soient  combinés 
pour  la  produire,  un  monument  restitué  de  cette  manière  n'est  jamais 
qu'un  monument  imaginaire  ;  ce  n'est  qu'un  souvenir  idéal  fixé  sous 
une  forme  positive.  Le  seul  fait  réef  que  l'antiquaire  ait  établi,  c'est 
que  l'ouvrage  ancien  était  possible;  mais  ce  n'est  jamais,  en  définitive* 
que  sa  propre  pensée  qu'il  a  revêtue  d'un  corps  sensible  ;  et  plus  cette 
image  qu'il  nous  présente  est  précise,  plus  elle  est  hypothétique;  plus 
if  fa  rend  palpable,  et  plus  elle  est  arbitraire;  plus  il  y  fait  entrer  d'é- 
fémens  antiques ,  et  plus  elle  se  trouve  chargée  de  traits  modernes. 
L'autre  méthode,  en  ne  recherchant  dans  l'antiquité  figurée  que  ce 
qui  est,  c'est-à-dire ,  la  moindre  partie  de  ce  qui  fut,  se  condamne,  par 
cela  même,  à  n'embrasser  l'art  des  anciens  que  d'une  manière  trop 
étroite,  et  à  ne  l'apprécier  que  d'une  manière  trop  exclusive.  En  réglant 
ses  idées  d'après  le  seul  monument  qu'il  possède,  l'antiquaire  se  trouve 
trop  aisément  conduit  à  n'estimer  que  ce  qu'il  connoît,  à  généraliser 
des  faits  particuliers,  et  à  fonderies  principes  sur  des  exceptions.  Mais, 
d'un  autre  côté,  if  a  du  moins,  pour  les  vérités  qu'if  établit,  comme 
pour  les  erreurs  mêmes  qu'il  commet,  une  base  solide,  un  élément 
réef.  Il  ne  s'égare  pas  dans  le  vide;  il  ne  poursuit  pas  une  ombre;  if 
s'attache  à  quelque  chose  de  sensible  et  de  palpable;  il  n'interprète 
que  ce  qui  existe.  Si  son  explication  tombe,  le  monument  reste;  et 
<?est  un  fait  qui  demeure  dès  ce  moment  acquis  à  là  science,  et  qui 
profite  tôt  ou  tard  à  la  vérité.  • 

Dans  un  temps  ofi  les  monumens  éi oient  encore  rares  et  mal  cômp/is, 
if  étoit  naturel  qu'on  s'attachât  de  préférence  à  la  première  méthode  ; 
que  l'on  essayât  de  suppléer  à  l'indigence  où  l'on  itoit,  en  cherchant 
dans  les  textes  ce  qu'on  ne  trouvoit  pas  dans  les  musées;  en  un  morK 
que  l'on  recomposât  des  monumens  fictifs,  faute  de  monumens  réels  à 
exploiter.  Ainsi ,  en  France,  M.  de  Gaylus,  publiant  une  galerie  de  ta- 
bleaux homériques,  ou  cherchant  à  faire  revivre  fa  peinture  encaustiqué 
des  anciens  à  l'aide  de  procédés  nouveaux,  ou  rétablissant  par  la 
pensée  et  par  le  crayon  des  monumens  dont  il  ne  subsistoit  plus  qu'une 
description  superficielle,  quelquefois  même  une  simple  mention,  té- 
moignoit  ainsi  combien  étoit  alors  étroit  et  borné  le  domaine  de  l'ar- 
chéologie. On  voit,  par  l'activité  des  efforts,  par  la  variété  dés  travaux 


JANVIER   1830.  4? 

de  cet  habile  homme ,  si  digne  encore  de  respect  dams  ses  erreurs 
mêmes ,  comment  on  croyoît  pouvoir  alors  suppléer ,  par  les  ressources 
de  l'érudition  ou  de  Fart  moderne ,  à  l'insuffisance  de  ce  qu'on  avoit 
recouvré  de  mo  nu  mens  antiques,  et  que  c'étoit ,  en  quelque  sorte ,  par 
impuissance  ou  par  désespoir  de  faire  des  découvertes  réelles  dans  le  sol 
classique,  que  l'on  fouilloit  dans  les  auteurs,  pour  en  extraire  au  moins 
une  image  des  monumens  qui  manquoient.  Mais  depuis  le  siècle  de 
Caylqs,  tant  de  découvertes  heureuses  se  sont  opérées ,  et  se  succèdent 
encore  tous  les  jours,  sur  tous  les  points  du  vaste  champ  de  f  antiquité; 
tant  de  monumens  de  toute  espèce  ont  été  rendus  à  la  lumière  ;  tant 
de  notions  positives  ont  remplacé  les  fausses  idées  d'une  science  con- 
jecturale ,  que  les  études  archéologiques  ont  dû  prendre  l'autre  direction 
qui  a  été  indiquée.  Winckelmann  contribua  plus  que  personne  à  ramener 
.l'antiquité  figurée  dans  cette  voie,  où  Visconti  et  Zoëga  marchèrent  à 
son  exemple,  et  où  tout  ce  que  l'Europe  compte  aujourd'hui  d'anti- 
quaires s'efforce  de  suivre,  chacun  suivant  la  mesure  de  ses  facultés 
ou  de  ses  ressources,  les  traces  de  ces  grands  hommes;  et  telle  est 
l'étendue  d'une  carrière  si  loin  encore  d'être  épuisée,  et  qui  semble 
même  s'agrandir  à  mesure  qu'elle  s'exploite,  que  l'archéologie  ne 
déviera  plus,  suivant  toute  apparence,  de  cette  marche  régulière  et 
sûre, et  ne  renoncera  plus  à  cette  méthode  expérimentale  et  positive, 
si  ce  n'est  à  de  rares  intervalles,  et  sauf  quelques  exceptions  plus  ou 
moins  importantes. 

C'est  dans  Tune  de  ces  exceptions ,  et  certainement  dans  la  plus 
recommandabie  de  toutes,  que  se  placent  la  plupart  des  travaux  de 
M.  Quat remère  de  Quincy.  Familier  avec  la  pratique  de  tous  les  arts 
du  dessin,  autant  que  versé  dans  leur  histoire,  aucun  antiquaire  n'a  eu 
peut-être,  depuis  la  renaissance  des  lettres ,  autant  de  moyens  de 
traiter  avec  succès  l'archéologie ,  sous  l'un  ou  l'autre  des  rapports  dont 
il  a  été  question,  ou  sous  tous  les  deux  à-Ia-fbis.  Aucun  ne  pouvoit 
apporter  k  cette  étude  un  sentiment  plus  vrai,  un  discernement  plus 
éclairé  des  beautés  antiques,  et  ne  pouvoit  embrasser,  d'un  coup-d'oeil 
plus  vaste  et  plus  sûr ,  la  théorie  générale  de  l'art  et  ses  nombreuses 
applications;  Mais  c'est  sur-tout  vers  la  méthode  de  restitution  que 
M.  Quâtremère  de  Quincy  se  trouvoit  entraîné,  par  la  nature  particu- 
lière de  son  esprit  et  par  toute  la  direction  de  ses  études.  Il  étoit  doué 
de  cette  vue  métaphysique  quf  devine  le  génie  de  l'art ,  à  part  fes  monu- 
mens, et  qui  recompose  ces  monumens  eux-mêmes,  à  l'aide  de  leurs 
moindres  élémens.  II  possédoit ,  en  même  temps,  dans  fe  crayon  ,  un 
instrument  sûr  et  prompt,  avec  lequel  seul  l'antiquaire  peut  toujours 

F   a 


44  JOURNAL  DES  SA.VANS, 

• 

réaifser  ce  qu  il  conçoit  et  recréer  ce  qu'il  retrouve.  Aussi  M.  Quatre- 
mère de  Quincy  s'est-il  plus  occupé,  dans  tout  le  cours  d  une  vie  labo- 
rieuse, de  restituer  à  la  science  les  monumens  qu'elle  a  perdus»  que 
d'interpréter  ceux  qu'elle  a  recouvrés;  aussi  s'est- il  plus  servi,  dans  ses 
restitutions  elles- mêm^s,  des  textes  pour  faire  des  monumens,  que  des 
monumens  pour  expliquer  des  textes;  et  dans  cet  emploi  de  l'érudition, 
s'est-il  encore  aidé  du  dessin  plus  que  de  toute  autre  chose.  C'est 
ainsi  qu'il  avoit  fixé  les  vrais  principes  et  déterminé  les  vrais  caractères 
de  l'architecture  égyptienne ,  avant  qu'on  en  eût  connu  les  monumens 
d'une  manière  tant  soit  peu  fidèle;  c'est  ainsi  qu'à  l'occasion  du  Jupiter 
Olympien  de  Phidias,  dont  il  s'étoit  proposé  de  rechercher  pièce  à 
pièce  les  élémens,  et  de  relever,  si  je  puis  parler  ainsi,  toute  la  ma- 
chine, il  avoit  recomposé  un  art  tout  entier;  et  si  la  merveille  de  (a 
sculpture  antique,  ressuscitée  par  l'érudition,  reste  toujours  anéantie 
par  le  fait,  l'art  qui  la  produisit  a  vu: du  moins  son  existence  constatée, 
son  histoire  rétablie,  ses  procédés  expliqués ,  ses  secrets  même  décou- 
verts; et  un  grand  fait  est  venu  prendre,  dans  nos  connoissances,  la 
place  qu'a  voient  laissée  vide  tant  de  monumens  détruits  sans  retour. 

Ce  sont  de  nouvelles  applications  du  système  dans  lequel  ont  été  pro- 
duits la  plupart  des  travaux  de  M.  Quatremère de  Quincy,  que  présentent 
les  deux  volumes  dont  nous  renddhs  compte  ;  ce  sont  encore  des  monu- 
ment restitués.  Mais  quelques-uns  de  ceux  qui  font  partie  de  ce  recueil 
n'y  paroissent  pas  pour  la  première  fois.  Ainsi.  la  restitution  du  char 
funéraire  d'Alexandre,  et  celle  du  bûcher  d* Hé phœstio ri,  avoient  été  déjà 
publiées  dans  un  des  volumes  des  nouveaux  Mémoires  de  l'Académie 
royale  des  belles-lettres ,  aussi  bien  que  la  restitution  de  la  Minerve  du 
Parthénon,  dans  le  Jupiter  Olympien,  pag.  226.  et  suiv.,  sauf  quelques 
rectifications  ou  additions  qui  changent  trop  peu  de  chose  à  la  nafure*et 
au  résultat  de  ces  divers  travaux,  pour  exiger  que  nous  en  rendions  un 
compte  particulier.  Nous  nous  attacherons  de  préférence  aux  trois 
dissertations  nouvelles  que  nous  offre  cet  intéressant  recueil. 

.  La  première  a  pour  objet  la  restitution  du  tombeau  de  Porsenna, 
monument  de  l'antiquité  étrusque ,  décrit  par  Pline  ,  sur  la  foi  ou  même 
avec  Ie$  propres  expressions  dé  Varron  (1).  Ce  n'est  pas  la  première 
fois  que  ce  monument  a  donné  lieu  à  un  travail  semblable ,  bien  que 
M.  Quatremère  de  Quincy  regarde  M.  de  Caylus  comme  le  seul  critique, 
à  sa  connoissançe ,  qui  ait  p  nu  frappé  de  ce  qu'il  y  a  d'impraticable  dans 
la  disposition  de  ce  .monument,  tel -que  le  texte  et  les  versions  de  Pline  en 


ii  1 


(1)  Plin.  Hist.  nat.  XXXV 1,  19,  .4. 


JANVIER    183a  4* 

dennent  idée  (1).  M.  Quatremère  de  Quincy  ne  pouvoit  cependant  pa» 
ignorer  les  discussions  qui  s'étoient  élevées  à  ce  sujet  entre  des  sàvçnq 
italiens,  toujours  si  jaloux  d'illustrer  à  leur  manière  les  monumewhidc 
leur  pays.  Ainsi  *  $ans;  parler  de  la  dissertation  italienne  du  P.  Gorten 
novis  {z)f  où  le  tombçau  de  Porsenna  est  représenté,  avec  ses  pyraitiidefc 
et  ses  coupolqs,  comme  une  grande  machine  électrique  ,  plus  meiiv«£> 
leuse  encore  que.  n'est  le  fabuleux  monument  décrit  par  Pline, oui 
même ,  sans  remonter  jusqu'à  Léon-Baptiste  Alberti ,  qui  en  admettoâ^ 
la  réalité,  en  n'en  retranchant  que  le petasus  de  bronze  (3) ,  ce  monur 
ment  avoit  trouvé,   parmi    les  académiciens  de  Cortone ,  des  défen- 
seurs et  des  restaurateurs  (4/ 9  aussi  bien  que  de  vigoureux  adversaires 
parmi  d'autres  antiquaires  de  Rome  et  de  Chiusi  même  (5).  On  est  allé 
jusqu'à  vouloir  retrouver  des  restes  du  labyrinthe  de  Porsenna  (6)  y  dont 
Pline  déclare,  pourtant,  en  termes  assez  positifs,  qui/  ne  subsistoii.ét 
son  temps  aucun  vestige  ;  et  la  querelle  s'est  continuée  sur  ce  terrain;, 
jusqu'à  nos  jours,  où  des  architectes  tels  que  M.  del  Rosso  (7),  et  de* 
savans  tels  que  M*  Orioli  (8) ,  ont  cru  pouvoir  soutenir,  jusqu'à  un  cer- 
tain, point,  l'existence  du  monument  de  Porsenna,  en  se  fondant. sur 
quelques  analogies,  plus,  ou  moins  réelles ,  plus  ou  moins  applicables  \ 
la. question |  que  .présentent  d'autres  tombeaux  antiques.  Toute  cette 
con  reverse  archéologique  méritoit  bien  peut-être  dç  n'être  pas  atftSf. 
complètement  omise  par  M.  Quatremère  de  Quincy,   notammeiH  fa\ 
restitution  proposée,  par  Orsiqi  et  accompagnée  de  six  planches  gravées^ 
où  le  monument  de,  Porsenna  est  reproduit  sous  tous  ses  aspects,  av£ç> 
pians,  Couper,  détail*  et  élévation  (9).  M,   Quatremère  de  Quincjh 
n'ignoroit  pas  non.  plus  sans  doute  que    d'autres    savans,   tels  qu^j 
M.    Hirt,  avoient  déclaré  fabuleux   de  tout  point   le  monument  efl 

(i)  PojLk  131*  —  [2)  Del  Mausoleù  di  Porsenna ,  disserta^  0  ne  del  padr,  D. 
Angefo  Cortenovis.  —  (3)  L.  B.  Alberti,  de  Re  œdificatoriâ ,  lib.  VIII,  c/'jJ 
—  (4)  Voyez  la  dissertation  du  D.r  Luigi  1  ra  monta  ni,  sopra  Vaniico  Aiomfi 
mémo  del  re.  iPorsemw,  dans  le  IX.*  volume.du  recueil  de  l'Académie  de  Cortone^ 
pag.  54-70, avec  un  appendice  du  même,  pag.  70-72.  — (5)  Voyez  les  obserh 
varions  d'un  anonyme  (Onofrio  tfoni  )  sul  Laberinto  di  Porsenna ,  dana  le 
second  rohime  des  MeinorU  per  le  belle  arti ,  pag.  çcxxxv-iccxlj,  Roma,  1708. 
Des  doutes  semblables  avoient  été  exprimés  par  un  antiquaire  de  Chiusi, 
Màcchioni,  dans  sa  Desertyione  délia  famiglia  Cilnea ,  Napoli,  1688  ;  et  plutf 
récemment,  un  sa  va.pt  [florentin,  M.  fialdelli,  a  cru  devoir  adopter  et  suivre  sa  M 
restriction  l'opinion  -sévère  d'Onofrio  Boni;  voy.  son  Saggio  di  antiçhuàprimixive, 
pag..  \\6.  --  (6)  oaniï^Viaggio,  II,  392. — (7)  G.  del  Rosso,  Congetture  sopnji 
due  nionumehit  ètrusco-fiesolani,  Pisa ,  1 826  ;  voy.  pag.  23-30.  —  (8)  Dei  sepolcrall 
Eéifizr  deW Etruria m<^;  fe. -PoHgraf.  fiesot ,  1 820 ,  in -4?— (9)  WïSupph- 
mentoalla  Dissertazione  di  L.  Tramvv  tari  i+  dani  le  lX*cvol\iToe  Àcs^Dissettaçioni 
di  Cortona  ;  72-82. 


/ 


4*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

question ,  d'après  des  motifs  assez  graves ,  rires  soit  de  (impossibilité 
physique  de  la  construction ,  soit  de  fa  disparition  totale  d'un  pareil 
tombeau  dans  l'espace  de  quelques  siècles»  et  dans  un  pays  où  des 
monument  de  ce  genre  se  trouvoient  si  notoirement  placés  sous  la 
double  protection  de  l'orgueil  national  et  du  sentiment  religieux  (i). 
Quor  qu'il  en  soit,  M,  Quatremère  de  Quincy  s'est  attaché  uniquement 
k  montrer,  par  la  discussion  du  texte  de  Pline,  que  le  monument  étoft 
possible ,  et  conséquem ment  qu'il  étoit  réel.  C'est  sous  ce  rapport  que 
nous  allons  examiner  brièvement  l'opinion  nouvelle  qu'il  propose. 

La  principale  difficulté  du  texte  de  Pline ,  à  part  les  mots  jabulositas 
et  fabula,  que  l'on  peut  entendre  dans  un  sens  plus  ou  moins  rigou- 
reux %  sans  que  cela  tire  beaucoup  à  conséquence ,  réside,  de  l'aveu  de 
tous  les  critiques ,  et  de  celui  de  M.  Quatremère  de  Quincy  lui-même,, 
dans  le  mo,t  supra,  qui  indique  une  superposition  immédiate  et  verticale 
de  pyramides  ;  mot  répété  trois  fois  dans  le  texte  de  Pline,  4  l'occasion 
des  trois  étages  dont  se  composoit  le  monument.  Cette  élévation  perpen- 
diculaire de  trois  étages  dé  masses  pyramidales  ayant  paru  une  chose 
impossible  d'après  toutes  les  données  de  l'art  de  bâtir,  chacun  a  essayé 
d'éluder  de  diverses  manières  le  sens  positif  et  absolu  de  cette  préposition 
embarrassante;  et  l'interprétation  qu'en  propose  à  son  tour  M.  Quatre- 
mère de  Quincy ,  est  que  cette  supra-position,  comme  il  s'exprime  ,  n'a 
pu  ttre  qu'en  retraite,  ou  si  on  l'aime  mieux,  en  amphithéâtre,  de  la  manière 
a**un  gradin  est  dit  être  au-dessus  d'un  autre,  quoiqu'il  soit  en  reculée. 
Oest  aaprès  cette  idée  qu'if  a  restitué  le  tombeau  dePorsenna,  lequel  eit 
devenu,  de  cette  manière,  un  monument  presque  ordinaire.  Mais  c'est 
précisément  en  cela  que  pèche ,  suivant  nous ,  la  nouvelle  explication. 
Il  est  clair  que  Pline,  voulant  donner  Fidée  d'un  monument  tout- à-fait 
particulier,  d'un  édifice  qui,  dans  sa  structure  comme  dans  ses  pro- 
portions, ex  ce  doit  toutes  les  notions  reçues ,  cum  excédât  omnia  fabulositas, 
n'a  pu,  après  une  pareille  déclaration,  décrire  un  monument  aussi 
simple  »  aussi  facile  à  bâtir  et  à  concevoir ,  que  celui  qui  résulteroit  de  la 
disposition  de  trois  étages  en  retraite  ou  en  amphithéâtre.  Pline  se  sert 
trois  fois ,  et  certainement  avec  intention,  du  mot  supra,  que  M.  Quatre- 
mère traduit  la  prefnière  fois  par  sur,  la  seconde  fois  par  plus  haut,  et  la 
troisième  par  au-dessus*  De  là,  il  résulte  nécessairement  que  le  sens  de 
Pline  n'est  pas  rendu ,  et  qu'en  réduisant  ainsi  la  difficulté  à  une  subtilité 

Jram  maritale,  le  problème  reste  encore  à  résoudre.  Il  en  est  de  même 
Il  autres  difficultés  de  détail ,  telles  que  Vorbis  aneus  et  petasus,  placés 


(l)  Hirt»  ûmékkt  àer  Baukuhtt,  I,  249*2)0. 


JANVIER   1830.  47 

de  manière,  dit  Pline,  ut  unus  omnibus  sic  tmpositus,  c'est-à-dire, 
que  sur  toutes  ces  pyramides  rignoit  un  globe  et  un  chapeau,  qui  \s  cul 
les  .couvrait  toutes.  M,  Quatremère  de  Quincy,  supposant  ici  une 
ambiguïté  causée ,  selon  lui ,  par  la  manière  trop  littérale  dont  Varron 
tfeduisoit  là  chronique  étrusque ,  pense  qu'il  faut  entendre  ici  omnibus 
dans  le  sens  de  singulis ,  en  sorte  que  ce  globe  unique ,  qui  couvroit  lt$ 
cinq  pyramides,  se  réduiroità  un  seul  globe  pour  chacune  des  cinq 
pyramides;  et  ce  seroit  par  une  suite  de  la  même  amphibologie  que 
Pline  auroit  parlé  d'un  seul  globe,  supra quem  orbcm ,  au  lieu  de  cinq 
globes,  qui  se  sèroient  trouvés  effectivement.  En  changeant  ainsi  Pac- 
Ception  ou  le  nombre  des  mots ,  et  même  en  leur  substituant  d'autres 
mots,  M.  Quatremère  de  Quincy  'réduit  assez  aisément  le  monu- 
ment de  Porsenna  à  des  élémens  simples  et  à  des  formes  commune*; 
et  toutes  ces  suppositions  admises,  fa  restitution  qu'il  présente  de  ce 
monument  devient  très-facile  et  nous  semble  très- satisfaisante.  Mais  ce 
(Jurnous  paroft  évident,  c'est  que  cette  restitution  n*  répond  en  aucune 
façon  à  l'intention  de  l'auteur  ancien.  Quant  aux  exemples  de  mont»- 
mens  analogues,  que  M.  Quatremère  de  Quincy. allègue  à  Tappui  de 
sa  restitution,  savoir,  le  tombeau  d'Àlyatte,  tel  qu'il  e$t  décrit  par 
Hérodote  (1),  étfe  prétendu  tombeau  des  Curiaces,  pvèsd'ÀIbano  (1)* 
cette  analogie,  remarquée  parla  plupart  des  critiques,  entre  autres  par 
M.  Orioli  (3) ,  par  M.  Niebuhr  (4)  »  et  tout  récemment  encore  par 
M*  Ott.  Mùller  ( j) ,  se  réduit  à  l'emploi  de  cinq  pyramides  dressées  sûr 
un  mêmte  plan,  aux  quatre  angles  et  au  centre  d'un  massif  carré,  ce  qui 
offre  effectivement  un  des  principaux  élémens  du  tombeau  de  Porsenna, 
et  une  disposition  d'origine  étrusque  (6)  et  asiatique  applicable  à  la 
première  et  à  (a  dernière  partie  de  ce  tombeau,  mais  ce  qui  ne  présente 
dû  reste  aucun  rapport  avec  tes  trois  ordres  de  pyramides  ou  superposées 
ou  en  retraite.  De  tout  Ceci  il  résulte  que  le  monument  de  Porsenna, 
te!  qu'il  est  décrit  par  Pline  d'après  Varron,  complètement  détruit 
qu'il  et  oit  du  temps  de  Varron  et  de  Pline,  est  un  monument  imagi- 

* 

*  •  » 

(1)  Herodot,  l  ,pj. — (2)  Bartoli .  Sevolc.  ant.  tav.  I  et  2. —  (a)  Pag,  22-20 
—{4)  Rom.  GeschA,  87.  —  (j)  Vie  Etrysk.  IV,  2,  1 ,  II,  220.  —  (6)  L'opi- 
nion (a  plus  vraisemblable,  au  sujet  du  prétendu  tombeau  des  Curiaces,  est  celle 
qura  exposée  récemment  M,  Nfbby,  Viaggio  antiq.  nei  contotni  d\  Roma,  II, 
144-145»  suivant  laquelle  ce  tombeau  ,  de  forme  vraiment  étrusque,  auroit 
été  celui  d'Aruns,  fils  de  PoTsenna,  tué  dans  un, combat,  près  d'Aricia; 
Tit.  Liv.  11,0*  J'ai  moi-même  publié  un  monument  étrusque,  duquel  il  résulte 
que  la  disposition  de  ce  tombeau  étoit  effectivement  conforme  à  des  données 
étrusques.  Voy.  mes  Monument  inédits  >  pi.  XXI,  n*  4. 


40  JOURNAL  DES  SAVANS. 

naife,  dans  fa  disposition  duquel  il  entrait  néanmoins  des  élécnens  réels 
'et  vraiment  étrusques ,  tels  que  les  cinq  pyramides  érigées  sur  un  sou- 
bassement carré,  et  couvertes  probablement  d'un  globe  ou  d'un  chapeau 
de: bronze;  telle  est  l'opinion  énoncée  en  dernier  lieu  par  M.  Hirt  et 
par  M.  Mu  fier,  opinion  suivant  laquelle  la  fable  étrusque  du  tombeau 
de  Porsenna  peut  encore  mériter  une  place  dans  l'histoire  de  l'art , 
comme  tradition,  prodigieusement  exagérée  dans  les.  termes  où  elle  nous 
est  parvenue,  mais  fondée  en  partie  sur  quelque  monument  réel,  ou 
imaginée,  d'après  un  système,  proprement  étrusque. 

C'est  encore  la  restitution  d'un  monument  décrit*  par  le  seul  Pline 
entre  tous  les  auteurs  qui  nous  sont  restés  de  l'antiquité,  et  déclaré 
impossible  par  la  plupart  des  critiques  modernes,  que  M.  Quatremère 
de  Quiney  a  entreprise  dans  le  second  mémoire  dont  nous  allons  parler. 
Il  s'agit  d'une  peinture  de  Parrhasius,  qui  dut  être  fort  célèbre,  à  en 
juger  parla  manière  dont  elle  étoit  conçue  et  exécutée,  du  tableau  où 
Parrhasius  s'etoit  proposé ,  dit  Pline  (i),  de  représenter  le  peuple  au 
le.  démos  d'Athènes ,  avec  toutes  ses  qualités  et  tous  ses  défauts.  L'idée 
de  ce  tableau ,  où  dévoient  se  trouver  cumulées  tant  d'expressions,  non* 
seulement  diverses,  mais  encore  contradictoires,  a  paru  pleine  de 
difficultés  insurmontables,  de  quelque  manière  qu'elle  eût  été  réalisée, 
soit  par  un  seul  personnage ,  soit  par  une  réunion  de  plusieurs  figures. 
Aussi  la  plupart,  des.  critiques  se  sont-ils  accordés  à  rejeter  l'existence 
de  ce  tableau  comme  impossible,  et  ceux  qui  ont  cru  pouvoir  l'ad- 
mettre comme  réelle,  n'en  ont-ils  proposé  que  des  explications  plus 
pu  moins  invraisemblables.  M.  Quatremère  commence  par  établif , 
contre  l'opinion,  de  Caylus,  premièrement  que  ce  tableau  a  réelle- 
ment été  exécuté  comme  le  décrit  Pline,  et  malgré  l'expression  vo/e- 
knt,  dont  se  sert  Pline;  en  second  lieu,  qu'un  pareil  tableau  du  peuple 
d'Athènes,  si  mortifiant  qu'il  fût  pour  la  vanité  de  ce  peuple,  pou- 
voit  être  autorisé  par  l'exemple  des.  portraits  satyriques  du  Démos 
introduits  dans  les  comédies  d'Aristophane.  En  accordant  k  Fauteur 
ÇÊS.Heux  points,  qui  seroient  cependant  sujets  encore  à  quelque  con* 
testation,  le  dernier  sur -tout,  puisqu'il  n'y  a  réellement  aucune  parité 
entré  des  caricatures  théâtrales ,  passagères  comme  la  représentation 
ejle-même,  et  un  tableau  qui  dut  être  fait  pour  un  lieu  public,  ou 
destiné  à  une  longue  existence,  il  s'agit  de  voir  comment  M.  Quatre- 
mère a  cru  pouvoir  résoudre  les  difficultés  bien  autrement  graves  qui 
résultant  de  la  composition  même  du  tableau.  Caylus  i'avoit  jugée  infi- 

.■■  '  .  •'     ','.-■'  '         *  ' 

(i)  Plin.  Hist.  nat.,  XXXV,  JP>  je,  5. 


praticable,  nuis*  à  *a  Vérité ,  d'après  le!  raison»  »  étrangères™  •fonçi<Je,la 
question, qui  vieniteqt  d'être  indiquées.  De|}iieàt>Lanaitae  et  W/ieJarid 
n'avoie&t  pu  là  concevoir  autrement  que  par  une  réunion  de  figjireij 
ce  qui  éloit  s'éloigner,  non-seulement  du  texte  de.  £ii*>  npi*  enCbiti 
des  habitudes  de  fart  antique,  et.  en  particulier  »  de  'celles  d»  talent  dp 
Parrhasius,  qui  ne  peignit  guère  que  des  figures  isolées.  M.  Quitter 
mère  ne  semble  connoître,  que  ces  deux  opinions ,  représentées  parais* 
noms  de  Oes  quatre  critiques*  k*  seuls  qu'il  ai*  çkés  et  •  qu'il:  .se  mm 
attaché  à  réfuter,  entre  tous «les  antiquaires  moderne  quiftesont  qgcupfe 
de  cette  question.  Il  étoit  cependant  d'autres  expirations  qutmérjtoiciH 
d'être  indiquées  dans  cette  discussion  9  ne  fût-ce  que  pour  présenter  VU 
état  complet  des  opinions  sur  ce  point  d'Archéologie;  et  je  vais  tâchefc 
de  suppléer»  en  quelques  mots,  au  silence  de  M.  Quat remère  (i).  .  ; 
Les  interprètes  du  passage  de  Pline,  et  les  critiques  .de  fhittqîre: d$ 
l'art  qui  s'en  sont  occupés». se  partagent  en  detax  grandes  classes ,  les  uiïa 
qui  nient  fa  possibilité  du  tableau  en  question  ,  les  autres  qqj  .çbercfiffif 
à  l'expliquer.  Les  premiers ,  entre  lesquels .  il  existe  encore  quelque* 
nuances  d'opinions*  regardent  le  récit  de  Pline  comm^un  conte  ridicule» 
dérivé  de  son  ignorance  en  fait  cTart,  et  de  sa  crédulité;  jugement  sévère» 
exprimé  avec  quelque  mesure  par  Eckhel  (2) ,  et  d'une  manière  plus 
tranchante  par  M.  Boettiger  (  j)  ;  ou  du  moins  ils  le  considèrent  comme 
une  espèce  de  raillerie  fine  et  détournée;  c'étoit  l'avis  de  Caylus  (4)> 
et  c'est  sans  doute  le  moins  probable  de  tous.  La  seconde  classe  sq 
subdivise  encore  entre  ceux  qui  expliquent  le  tableau  de  Parrhasius  par 
une  seule  figure,  ou  qui  le  recomposent  à  leur  manière  par  une  réu- 
nion de  groupes  divers.  A  la  tête  des  premiers  se  distinguent  Winckçfr 
mann  ( j)  et  l'auteur  des  Lcttrts  athéniennes  (6) ,  ainsi  qu'un  artiste  ajio- 

(1)  C'est  ce  qu'a  fait  l'auteur  <Tun  article  intitulé  der  Demos  dès  Parrhasius, 
et  inséré  dans  le  Kunstblatt ,  1820,  n.  11/pag.  43*44»  P^ec  l'intention  de 

f (réparer  la  solution  de  ce  problème  historique,  plutôt  qu'avec  la  prétention  de 
a  donner  lui- même.  II  manque  cependant  à  cet  article  quelques  indications  que 
j'ai  ajoutées  dans  celui-ci,  et  sans  doute  il  m'en  sera  écnapu^Dlus  d'une  encore 
à  moi-même;  tant  il  est  difficile,  sur  la  moindre  quesri^B^chto!ogrqne,«Ie 
réunir  tout  ce  qui  a  été  dit,  et  sur-tout  de  dire  ce  qu'il  y  aW plus  raisonnable. 
—(2)  Docf.  ni/m.  IV,  190.  —  (3)  Vasengemàlde ,  11 ,  48*49.—  (4)  Mémoires  de 
VAcad.  des  inscriptions,  XXV,  164-165. —  (5)  WLnckelmann  a  exprimé  plusieurs 
fois  cette  idée,  dans  son-  écrit  sur  V Imitation,  et  dans  son  Essai  sur  l'allégorie'; 
voy.  Werht ,  1,  202,  et  II,  472.  L'opinion  que  ses  commentateurs  allemands 
exposent  à  leur  tour ,'ibid.  VI ,  2,  180,  au  sujet  du  tableau  de  Parrhasius,  est 
celle  du  doute  fondé  principalement  sur  le  caractère  grave  et  nobU  de  toutes  les 
compositions  historiques  de  ce  peintre.  -«-  (6)  Athéniens*  Brief.  1 ,  529. 


$0  JOURNAL  DES  SAVANS, 

nyifte,  qui,  dans  le  Muséum  de  Mtuset  ( i) ,  a  pris  la  peine  d'indiquer 
un  k  un  les  divers  Irak*  fie  h  physionomie,  *vèc  la  eouféttr  propre  il 
chacun  d'eux  v  qui  dévoient  répondre  aux  deteçt  expression*  dttftteàtes 
indiquées  par  Pline.  II  faut  encore  ajouter  à  ces  chiques  M,  Hirt  (2)  ♦ 
qui  se  représente  ie  démos  de  Parriushis  comme  une  seule  Jtgure,  et 
même  tomme  un*  figure  de  Jeune  homme,  en  laissant  du  reste  chacun 
fibre  de  l'imaginer  comme  il  l'entend  :  ce  qui  ne  compromet  te  Juge- 
tuent  dé  personne,  mais  ce  qui  n  éclairât  pas  beaucoup  ia  question* 
A  cette  occasion,  je  remarque  que  ie  doute  exprimé  par  M.  Quat re- 
mère au  sujet  d'une  personnification  du  démos  athénien  sous  les  twits 
dVm  jeune  homme,  correspondante  à  celle  des  villes  représentées  par 
desjemmes,  cotoroe  on  les  voit  sur  h  célèbre  base  de  Pouzxoles  et  sur 
tant  de  médaille*  grecques ,  que  ce  doute*  disons-nous*  est  facile  à  dis- 
siper 'par  des  autorités  graves  et  nombreuses.  Des  statues  du  démos 
d* Athènes  erdu  démos  de  Lacédémone  sont  citées,  dans  ces  deux  villes; 
par  Pausanias  (3);  et  des  statues  semblables  j  groupées  ensemble,  telles 
que  celles  du  démos  de  By^ance  couronnant  celjii  d'Athènes,  et  du 
démos  des  Syrdctaains  couronnant  celui  des  Rhodiens,  durent  ètre.asse* 
communes  dans  l'antiquité,  à  en  juger  d après  ces  exemples  célèbres, 
rapportés  par  Démosthène  (4)  et  par  Polybe  (5).  Mais  it  est  vrai 
qu'aucun  de  ces  exemples  ne  paroft  applicable  k  ridée  du  démoï  de 
Parrhasius ,  telle  que  Pline  nous  l'a  donnée  ;  et  il  ne  semble  pas  qu'on 
paisse  y  rapporter  non  plus  une  image  du  peuple  it  Athènes  peinte  par 
Aristotaus  (o),  bien  que  le  docte  et  judicieux  Heyne  ait  été  d'avis 
qu'on  pouvoit  interpréter,  d'après"  ces  statues  du  démos,  le  passage  de 
PKne  en  question  (7). 

Parmi  les  critiques  qui  ont  essayé  d'expliquer  le  tabfeaa  de  «Par- 
rhasius-  par  une  réunion  de  groupes,  M*  Quatremère  de  Quxocy 
nedevoit  pas  oublier  Durand,  qui,  dans  sa  traduction  ou  paraphrase 
du  xxxv.c  livre  de  Pline ,  développe  et  achève  en  ces  termes  la  pensée 
de  son  auteur  :  «  Ce  qu'il  y  a  de  plus  hardi,  c'est  que  toutes  ces 
«expressions  si  différentes  y  sont  très-bien  ménagées,  distribuées  en 
»  plusieurs  groj^fc»  et  toutes  renfermées  dans  un  même  cadre*;»  et  il 
est  probable  qu^^est  cette  glose  de  Durand ,  conforme  au  sentiment 
de  DepHes,  cjui  a  fourni  la  première  idée  des  compositions  imaginées  par 


(1)  Meusels  Muséum,  v.  J.  1789,  8.'*  St. —  (2)  Bilderbach,  H  «eft, 
S.  iW.—  ())  Pausan.  1,  3,  *//,?,  4;  su,  il,  A  — (4)  ï>ew>sdt;  de 
Coron,  pag.  aéj,  Reiske.  —  (5V  Polyb.  Hist.  y,  8&M6)  P'™-  Hier,  nos. 
xxxv,  n>  4o»  —  (7)  Heyne>  Opuec,  acad*  1 V ,  406; 


-M 


Lanausé  (s}"tt  p*r  Viefcnd  j(a)*;M«is<il.cst  unCare  «ne  inteiprcutipit 
qui  méritait  tféqre  seuueiilse,cef«nf  diÉilisiii  ds<*>ufiei>  (es.  auliefe,  «t 
offians  néanmoins  uarnoycn  dé  les  coactfier»  c>$t  «elle  du  peintre 
Grund , .  auteur  tfun  traité  «UeÉiand** r,  Ar  ptinhtrt  des  Grôch  qu*  <Mp* 
pose  que  *e  iKws  dq  Parrfaasius  éioér  est  compwukx»  ai  phtaitq* 
grattpetyioè><h>ifffi>oitAi  figure  idéale,  dit  jtf«w jteiwmnîfié  et  dhaiggft 
d'attributs  symboliques  (j)y  dus  ie  :gea*»d«  lableaftiidePbiiostfatCi 
mikuftr  if&tajt.  Toutefois»  je  dcés  ebsonrer  que  cette  <éBratèse  analsçie 
avok  été  séfiitée  d'avance  par  Heyne  (4K  :    •     r         (  :  ^ 

-  C'est  «i»<xpinioo  tente  nonteUe  ^aj>reposerà  pdq  tau*  M.  Que* 
Henière<de  Quincyi  (Cette  apkàorn est  que  ié  tableau <^e  Parràûsiu*  fui 
conçu  dae*  fesféft.<e*firàe  éeiigqûs  de  Je  caiicaturè^i  confomaémeet 
au  etodèle  peodwl  pe^Aristepbadej  et  cetke  «rkatete,  M*  Quatre* 
mère  pense  ^priwi:peqt  se  Ja  figjuer  de  deur  ntanière**  >  soir  par  «ne 
smie  dcperiteàfigère*  fçpréfcemant  Je  mètne  personnage  dans  des  Attî* 
tildes  et  atec  de}  cupi^siaro  différentes ,  en  rapport  *yec  les  diverses 
passions  JndJqoées  par  Wine,  aoh  ,•  et  c'eql  à  c^fte  îdêç.  que  fautent, 
s'arrête  jcfc  (uréftteas»*  >aa  moyen  dfale  oonyosîtioii  -de,  i  plusieurs 
masques  Ôusôûins^  oo]t*ses  d'aniataint  symboliques * giôupéé  ensemble 
etoppofcésftsafc  feàtre^  dans  ie  génie  de  ce  qu'on  appelle  des  gylttsu 
Les  dru»  ipt indpaux  motifs  c$ai  ont  servi  de  base  à  cette  explication  t. 
méritent  <f  être  examinés  séparément;  cà*  il  y  a  ici  plus  d'une  considéra*» 
fron  qui  jort  da  cercle  tfupt  question  particulière,  et  qui  touche  à> 
fbisioire  même  de  Fort.  *  t-  A'<\   -  •  ,  j-  •.■*.  ,.a>  v:-  .n      >   t. .,    < 

'  '  M.  Quatremère  stanorise,  *n  premier  KetL,  du  témoignage  de  Pline 
sur  ia  nature  et  ie  caraèéèrc  du  aaknt  de  Pairhasms  ;;  qui  pinxit  ei  Mino- 
xibus  tiàbetïn  Kbidines  Cêgmcre  ptodantis  joci  se  refichta*  M.  I  Quatre- 
Jtoése  interprète  xe  m^$  iiblditcs  par  caprices  t  et  en  conséquence -il 
«oit  -dan*  ces  diUsteintns  dt  Ptyifaasnis,  des  peintures  dans  Je  goût  de 
ilarabçsqœ  ou<  de  ta  caricature*  Mais  3  anef>a*ott  «émir*  que  Je  mot 
tilhelines  M  jamai*>eut  dans  cette  plume  de  Pline?  œt  danp  aucun,  des 
àombseear  passage  de  car  auteur ,  où  .ie  même  iqot  se  reproduit  (-j)* 
d*autr*<  sent  que  ceJid  dé  sujets  tktncimx ,  comme  l'ont  entendu  tous 


» \>    *~j  .     ■.'.",       .•'..'.  ..    .  tî  '.  . .  -.t»  '.UJ   '...;    ' ■ 


s  . 

mmmm 


*    •  •     '    ■         .'    *       J     ■   i  •*    '        i-  •      -  ^        I     ' '   *  >  ■     ■        i  '      l     »       t      .       '.     .     !       '   -•  *..»•.  ;  ;  i  .     I  '        - 

.JJlÛMms  de  VdcM'-i&Mesrlemb  XXY,  2jj.^  (z\Aristipp.  Brif.T,  300, 
J26.  —  (3)  Die  Afalerei  der  Grièchen,  occ,  pag.  625.  II  est  presque  inutile  de 
ideûiiv ief  «nelMte  tadveitaece  4e  Faàleur^  md  ik^23«|risa  .(^eju«e  )  »  au 
iit*4tJD6^»^ûW^*D6  leteM  dePUae;^(4)%tâiattiai  tooi.  V ,  tu  ^8y 
^^^ypato,  grau  tin  ^rvtf|  Ubidiacs  c«Jce^  *r per  obxœmutet  biber*.  Ideai^ 
XIV,  22:  roitf  adulteriix  calata,  tanquwnper  separuw^ebtèa(\§bidix^s  tmmeUntfa 

G  a 


5*  JOURNAL  ÏI>$E .SJLVÀNS, 

le*  interprètes  *t  et  mm  Sût  qudnotiif aitëuh  né  s'eét  ;p*s  sappeléj;  mai* 
tjuc  i>*rtnd ,  dans  igotf gtqetftm»  fotiapfarase!  de*  (Pline,  ift  pu  manqué 
dtf  TOqppcftter  ici(t),*'est  qme  ^antiquité  aroit  oannn  \m  ée  œ* petits 
ti^kàxx  /iunckax  de  Parrhashis ,  cf est  •  à  savoir,  une  Atmimtte ,  qui  fut 
Mgééefr  Tibère  ,iet  placée  par  aè  prince  dans  sh  propce  dtftfàbte  (2)  :  ce 
<pri  a*  laisse  jracun  dpute  sW  Je  griiiee de  ne  uhleait  f  et  conaéqutmmpat 

sor  la  riatbre-  des  détesemen*  de  Fanrhasiu& 

■  *  *  -    - 

•/  Jfct;  Quatremètede  Quincy  trouic  «n  second  nmifà  Jappai  tb  son 
explication,  dans  l'usage  que  firent  lès  anciens  de  cet  associations  bi- 
zan-çs  tt  symboliques  de  têtes  <àe  personnages •  au  d animaux  envers, 
espèces  de  mtétaphore*  de  la  langue  mstatfre»:prdpres  à  ej)|)eimef  cer- 
taines fcféëe'moraiesj  reiigied&esott'p^  sujet,  il  cite 
un*  passage  de, Platon,  où  H  est  question  de  fichage;  tfm*  monstre  à  plu* 
tittirs  têtes,  SapiV  xuuixou  {pf  tetauf jbèu-4  Bnage  analogue  à  celte  de 
belhia  multorum  capimm  d'Horate  y  qu'il  :  rapproche  de  celle  qu'on 
trpaye  sur  des  pierres  gravées, connues  des  antiquaires  sons  le  nom, de 
gtyUes  on  grypkes  (3),  lesquelles  offrent»  coéimeon  aati*  *n  asaem-» 
Mage  de  tètes  humaines,  ou  de  fragraenscTamn^aux  divers^  disposés  de 
manière  &  former  un  seul  animal  grotesque,  avet  les,  têtes  ou  fes-f^rties 
ttonquées  de  plusieurs*  Mais  il  y  a  ici ,  à  ce  qu'il  rions  jetable»  pi  us 
djune  méprise  grave  à  relever.  12 'abord ,  -en  ce  qui  concerne  Jes  pylltï 
des  pierres  gravées»  il  n'est  pis -douteux  que  la  composition  et  Texécution 
de  ces  pierres ,  du  genre  des.  abraxas ,  n'appartiennent  à  une  époque  où 
s'exerça  l'empire  des  superstitions  orientales ,  et  conséquemment  qu'il 
ne  saurait  y  avoir  rien  de  xx>mniun  entre  ces  combinaisons  chimériques , 
produites  pour  la  plupart  sot»  l'influence  des  idées  gnostiquts»  et  les 
compositions  de  fart  grec.  Il  y  a,  nous  ne  craignons;  pas'  die  f  affirmer, 
entre  des  monstres,  tels  que  les  grylles,  et  le  démos  de  Parrhasius,  quel 
qu'il  fût,  un  immense  intervalle -de  temps,  une  révolution  toute  entier© 
dans  Us  principes  et  dans  les  habitudes  de  l'imitation.  Quant  au  goit  de 
Veurabesque  proprement  dit,  auquel;  M.  Quattemèrè  est  <Tavis  que  le 
talent  de  Parrhasi us  put  descendre,  par  caprice  00  pqr  délassement,  il 
est  certain  que  cette  opinion  est  contraire  à  l'idée  que  toute  l'antiquité 
nous  a  transmise  du  caractère  de  ce  peintre,  qui  se  recotnmandoit  sur- 
tout  par  l'élévation  du  style  et  par  la  profondeur  et  la  vérité  de  Fex- 

•  •  »  •        •  .. .  ■■  ■     •  .        >  /       .  •.        •     , 

■  ■  ■  '         .M  1   ■       1    ■    1 1.1  11  11  1  )        w—mmmÊimmfm 


de  Du/and, 


•  » 


#.*—(*)  iSoetoq.  in  Tibet.  44$  *°y*  *  ce  sujet  Jet  observations 
pag.  048.*-* (j)  Gori,  *Wui.  Flortnt.  F,  tab.  xmtl>  50;  Cayles, 
Recueil  d'anùq.  tom.  V,  p.  409 Begtr, SpkUeg.  JO,  $  l  y  Garisrat*  Dmjjuêtk. 
11,  316*17;  joa^a};  66**9vu     .  /  ^\ /":.■■  ^.- ,  .w  «..  .     ..\  m -., 


JANVIER  1830.       i.  51 

pression.  Remarquer -que  ctstpai -rapport  à  cette  dernière  qualité  du 
talent  de  Parrhasîus  que  Pline  cite  sa  peinture. du  démos  comme  offrant 
le  plus  hairt'ctegré  de  lieîtetex^ressfoiî,  pointa  la  plus  extrême  diffi- 
culté vaincue;  et  jugez  si  oviJi&.&* pour  exprimer  la  timidité,  un  sirig>$ 
pour  rendre  la  colère ,  et  ain.si  du  reste ,  seroient  des  moyens  bien  propres 
à  justifier  ridée  que  Piîpe  *en\ble  *vpir  conçue  du  prodigieux  mérite  de 
ce  tableau  et  du  grand  talent  de  son  auteur.  Quand  même  on  admet* 
trait  que  Parrfrasiu*  pm  ^e  livrer  à  de  pareils  caprices  et  se  délasser  par 
de  pareilles  images,  û  ne  s'ènsuivroit  pas  que  son  démos  eût  été  une 
production  de  ce  genre;  car  Pljne  le  cite  dans  le  nombre  de  ses  corn* 
positions  historiques ,' ou  dû  grand  style,  avec  son  Thésée,  son  Afé- 
léagrc  >  son  flertule,  son  Persée ;  et  dans'  tous  ces  ouvrages,  comme 
osais  les  études  de  dessin  que  ftarrhasiu*  avoit  laissées  et  qui  servoient 
de  modèles  aux  arfistea,  comme  dans  ses  petits  tableaux  licencieux  eux- 
mêmes,  c'est  toujours  par  la  perfection  dq  dessin  et  par  le  mérite  de 
f expression  <Jue  se  distinguoit  son  talent.  Comment  concilier  de  pa- 
reils témoignages  et  de  pareils  faits  avec  l'idée  d'une  composition  gro- 
tesque et  monstrueuse  v telle  que  celle  des  gryllcs,  exécutées  d'après  des 
tombinaisons  gnos  tiques,  par  des  mains  déjà  presque  barbares,  dans 
le  second  et  le  troisième  siècle  de  nôtre  ère,  et  peut-être  même  plus 
bas  encor^L 

L'exarom  de  l'hypothèse  de  M.  Quatremèrede  Quincy  pou rr oit  don- 
ner lieu  à  beaucoup  d'autres  observations  ;  mais  ce  seroit  courir  le  risque 
de  nous  trop  éloigner  du  seul  objet  que  nous  ayons  dû  nous  proposer, 
celui  d'analyser  les  dissertations  de  ce  savant,  afin  de  mettre  nos  lec- 
teurs à  même  d'en  d'apprécier  le  sujet ,  le  mérite  et  l'importance.  De 
la  discussion ,  encore  trop  étendue  peut-être ,  à  laquelle  nous  venons 
de  nous  livrer,  il  riésuke,  pour  nous  servir  de$  propres  expressions  de 
M.  Quatremère,  qu'il  est  plus  facUe  de  prouver  ce  que  ne  fut  pas  la  pein- 
ture du  démos,  qu'il  ne  le  sera  de  dire  ce  qu'elle  fut  en  effet.  Aussi  nous 
garderons-nous  bien  de  hasarder  à  notre  tour  la  moindre  conjecture 
suf  ce  que  fut  ou  ne  fut  pas  cette  peinturé,  qui  peut-être  n'a  jamais 
éfcisté,  telle  que  Pline  la  décrit,  que  dans  l'imaginadon  de  cet  auteur , 
trompé  par  quelque  récit  enthousiaste  ou  par  quelque  anecdote  apo- 
cryphe. Dans  tui  second  article,  nous  rendrons  compte  du  dernier  mé- 
moire de  M.  Quatremère  de  Quincy,  qu'il  nous  reste  à  faire  connaître, 
sur  la  restitution  des  frontons  du  Paxthinon. 

RÀOÙL-ROCHETTE. 


■%* 


54  JOURNAL  DES  SAVANS, 

!        ,     .      .'"i  '     '    'j      i ' ssessBsst^saaaaasaassssssB 

NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE,  SOCIÉTÉS  ACADÉMIQUES. 

L'Académie  des  sciences  a  éfn  M.  Roussin  pour  remplir,  dans  là  section  de 
géographie  et  navigation*  la  place  vacante  par  le  décès  de  M.  de  Rossd. 

L'Académie  royale  des  sciences,  arts  et  Délies-lettres  de  Caen,  a  publié  nn 
volume  de  Mémoires,  contenant  les  résultat*  de  set  travaux  durant  les  quatre 
années  1825,  1826,  1827  et  1828;  Caen,  impr.^de  Chalopin,  1829,  395  pages 
?//-&•  Ce  volume  contient,  outre  l'exposé  aes^travaux  de  l'Académie  par  son 
secrétaire ,  M.  Hébert ,  des  Mémoires  de  M.  Trouvé,  médecin,  snr  l'influence  de 
l'air  de  la  mer  et  des  bains  de  mer,  tt  sur  la  topographie  médicale  de  i'hôtel-diea 
de  Caen;  de  M.  Simon,  sur  les  opérations  géodesiqnes  et  topographiques  du 
département  du  Calvados;  de  MM.  de  Magncville  et  Hérault,  sur  les  terrains 
de  te  département  ;  de  M.  Labbey  de  la  Roque,  sur  le  siège  du  Mont-Saint- 
Michel  par  les  Anglais,  en  1423  et  1424»  one  notice  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  M.  Lamouroux,  par  M.  Eudes  de  Long-Champ;  on  rapport  de  M*  Lair  sur 
les  voyages  de  M.  4  UrviUe ,  &c.  &c.  • 

La  Société  d'agriculture,  belles-lettres,  sciences  et  arts  de  Poitiers ,  a  fait  pa« 
roitre  le  Bulletin  des  travaux  auxquels  elle  s'est  livrée  depuis  le  2  juin  1 820  jusqu  au 
5  août,  deux  parties  in-8.0 1  Poitiers,  impr.  de  Saurin;  !/•  partie  ,^I  les- lettres, 
sciences  et  ara,  pag.  281-341  ;  2.c  partie,  agriculture,  pa g. .42-60.  Les  deux  articles 
les  plus  étendes  de  la  i.rr  partie  sont  un  essai  (historique)  de  M.  Filieau  sur 
l'ordre  judiciaire  et  administratif  dans  le  département  de  la  Vienne,  commence- 
ment d'un  travail  qui  devra  jeter  du  jour  sur  l'histoire  politigue  du  Poitou;  et, 
un  rapport  de  M.~  Legentil- Laurence  sur  des  essais  de  la  méthode  de  M.  Jacotot, 
dite  enseignement  universel.  —  On  vient  d'imprimer  â  part  une  notice  sur  la 
déesse  Oca ,  par  M.  A.  André  ;  Poitiers,  Saurin,  1830,  in- 8.*,  28  pag.  C'est  le 
Mémoire  dont  nous  avons  fait  mention  dans  notre  cahier  de  juillet  1829*, 

P*g-  44*  >  44*-  » 

L'Académie  royale  des  sciences*  belles-lettres  et  arts  de  Bordeaux ,  vient 
de  faire  imprimer  chez.  Brosler  un  vol.  in-//  intitulé  Séance  publique  du 
8 juin  i8z$ ,  234  pages  avec  o  planches.  Discours  de  M.  Lacour,  président. 
Rapport  sur  lès  travaux  de  l'Académie ,  par  M.  Blanc-Dutrouilh secrétaire 
géaml.  Notice  sur  M.  Bosc  Épttre  à  Zatmé,  par  M.  Joiannet;  dissertatiofc 
du  même  snr  des  antiquités,  sur  des  monumens  de  l'époque  gauloise*  Note 
sur  des  ossexnens  fossiles,  par  NL  BillaudeL— -L'Académie  n'a  recq  aucune, 
réponse  à  là  question  qu'elle  ava^t proposée  en  ces  termes  :  ce  Quelle  rut,  sur  les 
«destinées  de  là  France;  Ffnflùerice  du  divorce  de  Louis  Vil  !»  Ce  sujet  reste  au 
concours  pour  1830  :  le  prix  sera -une  médaiHe  d'or  de  30a  francs.' 

La  Société  des.  sa  ej  ces,  jà  \Jirexhi,  a  ouvert  des  concours  sur  les  sujets 
suiyahs  :  Histoire  des  frères  de  là  vie  commune  ;  —  Exposé  de  la  controverse  des 
nominaux  et  des  réalistes  dp  p^yn  |gfi«.T—pioyraphig  de  F.  G.  Walckenaer; 


JANVIER  1830.  jj 

— pxamen  de  PauthSnticité  des  fragment  attribués  aux  anciens  pythagoriciens. 
Le»  prix  seront  décernés  en  1831. 

LIVRES  NOUVEAUX. 

r 

FRANCE. 

Trésor  de  la  langui  grecque, de  Henri  Estienne,  dans  lequel  le  texte  de  rameur 
est  conservé  intégralement»  rangé  par  ordre  alphabétique,  et  augmenté  des 
travaux  de  l'édition  anglais^ et  des  nouveaux  éditeurs;  publié  par  M.  Hase, 
membre  de  l'institut ,  et  par  MAL  de  Sinner  et  Fix ,  d'après  le  plan  soumis  à  l'A- 
cadémie des  inscriptions  le  29  mai  1829,  et  approuvé  par  sa  commission: 
Paris»  typographie  d'Ambroise- Firmin  Didot,  librairie  de  Firmin  Didot, 
février  1 030.  Tel  est  le  titre  d'un  prospectas  qui  vient  d'être  publié  en  1 5 
pages  in-f.a  sur  2  colonnes.  On  y  expose  les  motifs  qui  ont  déterminé  k  entre- 
prendre cette  édition  nouvelle  :  les  exemplaires  complets  de  la  première  sont 
devenus  fort  races,  et  coûtent  300  à  400  francs;  le  prix  de  celle  qu'on  vient 
d'achever  en  Angleterre  excède  1200  francs.  Une  partie  du  prospectus  est 
destinée  à  prouver  que  l'ordre  alphabétique  est  préférable  à  l'étymologique  :  les 
éditeurs  conviennent  que  sur  ce  point  ils  ont  des  autorités  imposantes  à  com- 
battre, Henri  Estienne,  Walckenaer,  MM.  Parr,  Boissonade ,  Herman;  et 
en  conséquence,  ils  demandent  qu'on  leur  permette  une  excursion  assez 
étendue  :  peut-être  la  trouvera-t-on  trop  courte.  Les  4  dernières  pages  du 
prospectus  in-fol.  sont  rédigées  en  latin,,  et  annoncées  parce  titre  :  «  De  ratione 
et  legibus  secundùm  quas  res  prosodica  in  nova  Thesauri  Iingus  graecae 
editione  quae.  Parisiis  proditura  est,4ractanda  nobis  tsse  videtur. »  L'ouvrage 
entier  se  composera  de  28  livraisons ,  petit  in-foLk  2  colonnes,  sur  papier  vélin 
et  collé.  La  première  livraison  paraîtra  le  i.cr  avril  1830;  et  à  partir  de  cette 
époque,  on  publiera  régulièrement  de  $k  8  livraisons  par  an.  Prix  de  chaque 
livraison,  12  francs;  de  tout  l'ouvrage,  336  francs,  le  quart  de.ee  que  coûte 
l'édition  de  Londres,  à  laquelle  on  a  lieu  d'espérer  que  celle  de  M.  Firmin 
Didot  sera  préférable  à  plusieurs  égards.— Le  prospectus  a  été  aussi  imprimé 
in-S.c,  64  pages. 

Solvique  et  phonique,  c*est-ihd\te ,  le  Mécanisme  de  la  parole  dévoilé,  et  écri- 
ture universelle  au  moyen  de  48  phonins  ou  lettres  qui,  à  l'aide  de  quelques 
signes,  acefns  et  marqués,  désignent  tous  les  sons  de  la  parole  avec  leurs 
qualités  prosodiques;  précédé  dune  esquisse  de  JTiistoire  de  l'écriture,  et 
suivi  d'une  mc#ode  de  noter  la  déclamation  moyennant  12  chiffres  duodé- 
cimaux, &c;  par  M»  Ch.  L.  B.  D.  M.  G.  Parii,  Firmin  Didot,  1829,  in-12, 
182  pages,  avec  une  planche  et  un  tableau.  Prix,  j  francs. 

Journal  de  la  langue  française,  grammatical,  littéraire  et  philosophique, 
rédigé  par  une  société  de  grammairiens  et  de  philosophes.  Paris,  imprimerie 
de  Carpentier-Méricburt,  librairie  de  Ch.  Bécnet,  et  au  bureau  du  journal, 
rue  de  Richelieu,  n.°  2iMi  paraît  chaque  mois  un  cahier  d'environ  48  pages. 
Prix  de  l'abonnement  annuel,  20  francs  à  Paris,  22  francs  dans  les  départe- 
mens.  Le  prospectus  de  la  -.quatrième  année  de  ce  recueil  périodique  an* 
nonce  qu'on  se  propose  d'en  agrandir  le  cadre  et  d'en  varier  le  dessein. 
Nous  remarquons  dans  le  n.°  4*  un  article  où  M.  Lemare  relève  un  assez 
grand  nombre  de  fautes  et  d'incorrections  qni  deviennent  de  plus  en  plus 


\ 


$6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

fréquente»  daus  les  journaux  quotidiens;  par  exemple  {«Tille  n'écrit  que  far 
»  occasion ,  et  cette  occasion,  il  est  singulier  qu'elle  l'ait  saisie*  —  i«e  retour  de 
a»  M.  ne  fut  pas  aussi  heureux  que  son  allée. —  M.  A.  est  passé  dernièrement  à 
«  Pau.  — Une  signification  judiciaire  aétë  faite  à  M.  B.,  à  l'effet  de  demander 
*>  sa  radiation  des  listes  électorales.  —  Des  avertissemens  ont  été  envoyésu 
i>  domicile  des  contribuables  pour  leur  réclamer  cet  impôt,  &c.  &c.  »  M.  Le- 
mare  a  inséré  dans  un  autre  cahier  des  observations  critiques  sur  la  méthode 
de  M.  Jacotot,  dite  l'enseignement  universel;  elles  sont  suivies  d'une  apologie 
de  cette  méthode,  par  M.  Marrast.  Il  se  peut  que,  même  après  cette  ingénieuse 
apologie,  les  remarques  de  M.  Lemare  subsistent 

Les  Géorgiques  de  Virgile,  traduites  en  vers  français  avec  le  texte  en  regard,  et 
des  remarques  sur  la  traduction  de  Delille  ;  22.e  volume  des  Œuvres  de  M.  Mol- 
levaut,  membre  de  l'institut,*  &c.  T.  î.cr  (livre  i,**  des  Géorgiques).  Paris, 
imprimerie  de  Fain ,  librairies  de  Lan  g  lois  et  de  Crevot,  1830,  in-iS,x  et  149 
pages.  Prix  :  2  francs  je  c.  zzzSolem  quis  dicere  falsum  Audeat!. . . .  UU  etiam 
extincto &c. 

DELILLE Qui  pourroit,  ô  soleil!  t'accuser  d'Imposture  !         • 

Tes  immenses  regards  embrassent  la  nature. 

Cest  toi  qui  nous  prédis  ces  tragiques  fureurs 

Qui  couvent  sourdement  dans  l'abîme  des  coeurs. 

Quand  César  expira,  plaignant  notre  misère,    . 

D'un  nuage  sanglant  tu  voilas  ta  lumière. 

Tu  refusas  ie  jour  à  ce  siècle  pervers  : 

Une  éternelle  nuit  menaça  l'univers. 

Que  dis-je  ï  tout  sentoit  notre  douleur  profonde , 

Tout  annonçoit  nos  maux.  le  ciel ,  la  terre  et  l'onde , 

Les  hurlemens  des  chiens ,  et  le  cri  des  oiseaux. 

Combien  de  fois  l'Etna,  brisant  sts  arsenaux,  &c. 

M,  MOLLEVÀ.UT  .Lis  au  front  du  soleil  :  qui  soupçonne  sa  foî  l 

Souvent  même  il  annonce,  en  secouant  l'effroi, 

Des  états  ébranlés  le  taciturne  orage , 

La  perfidie,  et  Mars  enflant  sa  sombre  rage. 

César  mourant,  ô  Rome!  il  déplora  ton  sort; 

Et  quand  son  front  brillant  prit  son  voile  de  mort,  . 

Tu  craignis,  siècle  impie!  une  nuit  éternelle. 

Tout  élevoit  alors  une  voix  solennelle, 

Et  le  ciel,  et  la  terre,  et  les  flots  frémissans. 

Quels  sinistres  oiseaux,  et  quels  chiens  aboyans! 

L'Etna  brisé  couvrit  les  plaines  éperdues 

De  globes  enflammés  et  déroches  fondues. 

Dans  ie  ciel  des  Germains  les  armes  se  heurtaient; 

Sur  leurs  immenses  flancs  les  Alpes  s'agitaient; 

Les  bois  silencieux  prolongeaient  un  murmure 

Immense. . . .  L'ombre  pâle  erre  en  la  nuit  obscure,  &c. 

Virgile  avait  dit  :  Vox  quoqueper  lucos  vulgo  txaudita  silentts  Ingens.  «  Cette 
»  longue  suite  de  spondées,  dit  M.  Molle  vaut,  et  le  mot  inzens  rejeté  à  l'autre 
«vers,  donnent  à  cette  voix  une  longueur  immense:  il  talloit  essayer  cette 
*>  coupe  admirable.  »  C'est  ce  qu'a  fait  le  nouveau  tradacteur,  en  rejetant  de 
même  le  mot  immense,  quoiqu  il  eût  déjà  employé  cette  épnhète  dans  l'un 
des  deux  vers  précédens  :  sur  leurs  immenses  flancs.  Nous  nous  abstenons  de 
toute  comparaison  entre  l'ancienne  traduction ,  dont  le  succès  brillant  semblait 


JANVIER   1830.  57 

durable,  et  la  nouvelle»  qui  suppose  aussi  une  étude  profonde  du  texte  de 
Virgile  et  une  grande  connoissance  de  notre'  langage  poétique.  —  Les  pages 
125-148  du  volume  z'/w<? que  nous  annonçons  contiennent  un  morceau  du  4.0  livre 
de  l'Enéide,  traduit  par  Deiille  et  par  M.  Molle  vaut,  les  40  premiers  vers  de 
la  traduction  que  M.  Molle  va  ut  a  faite  des  Saisons  de  Thompson,  et  le  début 
de  la  Louisiane,  poëme  épique  en  dix  chants ,  qui  doit  paraître  en  1830* 

Phœdri  Aug.  liberti  Fabularum œsopîarum  libros  quatuor,  ex  codice  olim 
pithasano,  deinde  peleteiïano,  mînc  in  bibliotheca  vrri  excelientissimi  ac  no- 
bilissimi  Lud.  le  Pelletier  de  Rosambo,  marchionis,  paris  Francise,  amplissimo 
senatui  à  secretis,.caet.  est.,  contextu  codicis  nunc  primùm  intègre  in  lucem 
prolato,  adjectâque  varfetate  lectionis  è  codice  remensi  incendio  consumpto, 
à  Dom.  Vincentîo  olim  enotatâ,  cum  prolegomenis ,  annotatione,  indice» 
edidit  Julius  Berger  de  Xivrey.  Le  prospectus  (Paris,  Firm.  Didot,  3  pag. 
in*S.0)  annonce  que  cette  édition  ne  sera  tirée  qu'à  225  exemplaires.  — On  avoit 
regardé  comme  perdu  le  manuscrit  d'après  lequel  P.  Pithou  a  donné  la  pre- 
mière édition  de  Phèdre,  en  1 J96,  à  Troyes;  mais  il  y  a  plus  de  vingt  ans 

»  dans  la  bibliothèque  de  MM.  le 


qu'on  assure  qu'il  s'est  conservé  dans  la  bibliothèque  de  MM.  le  Pelletier.  C'est 
ce  qu'on  lit  dans  l'une  des  notes  ajoutées  par  A  dry  à  la  préface  de  Desbillons  , 

Eag.  xxxiv  de  l'édition  des  Fables  de  Phèdre  publiée  en  1807,1/1-/2,  chez 
)uprat-Du verger.  Adry  avoit,  en  1798,  inséré  dans  le  Magasin  encyclopédique 
de  Millin ,  une  dissertation  sur  les  quatre  manuscrits  de  Phèdre ,  savoir,  ceux  de 
Pithou,  de  r^eims,  de  P.  Daniel  et  de  Perotto.  —Jusqu'ici  ce  qui  pouvoit  le 
plus  tenir  lieu  du  manuscrit  de  Pithou,  c'est  l'exemplaire  de  l'édition  de  1596 
qui  se«crouve  à  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève,  et  sur  lequel  Nie.  Rtgault 
a  porté  Jes  leçons  du  manuscrit  qui  diffèrent  de  celles  de  cet  imprimé.  L'édition 
que  M.  Berger  de  Xivrey  annonce  aujourd'hui,  et  qui  comprendra  les  variantes 
recueillies  par  Dom  Vincent  sur  le  manuscrit  de  Reims,  'sera  d'autant  plus 
utile,  qu'il  s'agit  d'un  texte  qui  n'est  pas  encore  parfaitement  établi  :  nous  ne 
comprenons  pas  pourquoi  Ton  veut  ne  mettre  en  vente  que  200  exemplaires, 
et  porter  le  prix  a  2ofr.— On  vient  de  publier  un  volume  intitulé  Phœdri 
Aug.  liberti  Fabularum  libri  quinque,  cum  Faerni  fabulis,  P.  Syri  sententiis, 
paralielisque  fabulis  Joannis  de  la  fontaine.  Le  texte  de  Phèdre  est  suivi 
aussi  de  notes  grammaticales ,  &c. ,  par  une  société  de  professeurs,  sous  la 
direction  immédiate  de  M.  Em.  Lisfranc.  Paris,  impr.  de  Lachevardière ,  libr. 
de  Bélin  Mandar,  1829,  in-18 ,  174  pag. 

Tragédie  ed  altre poésie  di  Alessandro  Mançpni,  Milanese,  con  Paggiunta  di 
aie  une  prose  sue  e  oi  altri;  settima  ediaione,  1829,  510  pag.  Î/1-/2.  Paris,  impr. 
de  Crapelet,  librairie  deBaudry. 

Il  a  paru  72  livraisons  ou  volumes  in-8.°  de  l'édition  que  donnent  MM.  De- 
iangle  frères  des  Œuvres  complètes  de  Voltaire,  avec  des  notes  historiques ,  scien- 
tifiques et  littéraires  de  MM.  Clogenson,  Daunou,  L.  Dubois,  Etienne, 
Ch.  Nodier,  &c.  Le  dernier  tome  publié  est  le  8."  de  la  correspondance,  an- 
nées 1752,  5 j,  54  et  55.  Toutes  les  lettres  de  Voltaire,  et  (en  plus  petits 
caractères)  celles  de  ses  correspondans ,  ne  forment  qu'une  seule  et  même  série 
chronologique  ;  les  volumes  qui  restent  à  imprimer  la  conduiront  de  1758  à 
1778.  II  manque  de  plus  encore  deux  ou  trois  tomes  de  mélanges  littéraires,  et 
la  table  générale.  Cette  édition ,  sortie  des  presses  de  M.  Jules  Didot  atné ,  ^st 
à  distinguer  par  la  beauté  de  l'exécution  typographique  et  par  des  notes  nouvelles. 

ft 


j8  JOURNAL  DES  SAV'ANS, 

M.  Beuchot  a  mis  au  jour  20  volumes  de  l'édition  de  Voltaire  cu'il  a  en- 
treprise vers  (afin  de  Tannée  1828,  et  que  nous  avons  annoncée  aans  notre 
cahier  d'octobre  de  cette  même  année,  page  6)6.  Il  a  mis  à  la  tête  de  l'Histoire 
de  Charles  XII  une  préface  où  se  lisent  des  détails  historiques  qui  ne  sont  pas 
sans  importance.  «  L'Histoire  de  Charles  XII,  écrite  en  1727  et  1728,  fut 
»  imprimée  pour  la  première  fois  en  1731 ,  2  vol  in-n.  Dans  la  première  édi- 
tion, Voltaire  accusoit  les  Hambourgeois  d'avoir  acheté  à  prix  d'argent  la 
»  perte  d'AItena,  et  d'avoir  refusé  asile  à  sis  malheureux  habitans.  Un  anc- 
»  nyme  combattit  cette  opinion  dans  le  tome  X  de  la  Bibliothèque  raisonnée, 
»  page  469-  Voltaire  n'eut  que  long-temps  après  connaissance  de  cet  article. 
»  Convaincu  par  les  raisons  que  donnoit  l'anonyme,  il  se  rétracta  :  cette  ré- 
»  tractation  est  le  sujet  de  la  Lettre  sur  l'incendie  d'AItena...  La  Motraye,  qui, 
»  pendant  le  séjour  à  Bender,  avoit  été  attaché  à  Charles  XII,  publia,  sous 
»  la  forme  d'une  lettre  à  M.  de  Voltaire,  des  Remarques  historiques  et  cri-. 
»  tiques  sur  l'Histoire  de  Charles  XII,  1732,  i/i-#2.  Voltaire,  Tannée  sut* 
»  vante,  fît  imprimer  ces  Remarques  à  la  suite  d'une  nouvelle  édition  de  se$ 
»  ouvrages,  et  les  accompagna  de  notes  qui,  jusqu'à  ce  jour,  n'ont  été  données 
«dans  aucune  édition  des  Œuvres  de  Voltaire:  on  trouvera  ces  notes,  au 
»  nombre  de  soixante-six,  à  la  fin  du  présent  volume,  précédées  chacune  -du 
»  passage,  de  la  Motraye,  nécessaire  pour  son  intelligence.  t>  Les  préfaces  et 
les  notes  de  M.  Beuchot  font  connoître  avec  cette  exactitude  tous  les  faits 
relatifs  aux  ouvrages  de  Voltaire.  L'édition  aura  70  vol.  \n-8.°>  imprimés  chez 
M.  Firmin  Didot;  elle  comprendra  plusieurs  articles  et  divers  éclaircissement 
qui  ne  se  rencontrent  point  dans  les  autres  éditions  des  mêmes  oeuvres.* 

Essai  sur  la  littérature  romantique,  par  M.  Audin  ;  Paris ,  à  la  librairie  de 
l'auteur,  1829,  52^  pages  in-li.  Prix  3  fr.  L'auteur  recherche  pourauoi  la 
poésie  romantique,  nie  en  France,  n'a  pu  s'y  acclimater,  tandis  qu'elle  est 
aujourd'hui  fêtée  en  Allemagne  et  en  Angleterre.  Selon  lui,  «  l'absence  d'une 
»  langue  nationale,  et  le  mélange  sans  nombre  de  jargons  que  bégayoit  chaque 
»  province,  au  moment  où  le  romantique  s'întroduisoit  dans  les  chants  des 
»  Lardes  de  l'Armorique  et  de  FOcchanie,  sont  les  principaux  obstacles  qui  se 
»  sont  opposés  à  ce  qu'H  se  naturalisât  ea  France.  »  On  voit  que  l'histoire  du 
romantisme  n'est  guère  plus  facile  à  comprendre  que  sa  théorie. 

Kitab  Teqouym  Al-boldan,  ou  Géographie  d'Aboul-Fêda,  édition  autogra- 
phiée,  d'après  un  manuscrit  arabe  de  la  bibliothèque  du  Roi.  Par  M.  H.  Jouv, 
membre  de  la  Société  asiatique,  revue  et  corrigée  par  M.  Reinaud ,  membre  du 
conseil  de  la  même  société,  &c.  Première  livraison,  60  pages  in-4.0  Paris, 
imprimerie  lithographique  de  Knetch-Senefelder,  1829;  chez  l'éditeur,  rueGué- 
négaud,  n.°  7.  Aboui-Féda  vi voit  dans  la  première  moitié  du  XI V.*  siècle  :  prince 
de  Hamah  en  Syrie,  il  a  pris  part  aux  grands  événemens  de  son  temps,  et  par- 
couru une  partie  des  contrées  qu'il  décrit  ;  il  a  d'ailleurs  profité  de  tous  les» 
traités  de  même  genre  composés  avant  le  sien.  Une  édition  de  sa  géographie, 
entreprise  par  Gagnier,  n'a  point  été  achevée*  D'autres  orientalistes  en  ont 
publie  seulement  quelques  fragmens;  l'ensemble  de  l'ouvrage  n'est  connu  que 
parla  version  latine  de  Reiske,  qui  encore  n'est  pas  complète.  Ces  faits  et 
quelques  autres  sont  retracés  dans  le  prospectus  de  l'édition  que  Ton  vient  de 
commencer,  d'après  le  manuscrit  578  de  la  Bibliothèque  du  Rot*  II  y  aura  quatre 
livraisons ,  chacune  de  64  pages  et  du  prix  de  4  fc>  de  6  &• ,ur  grand  papier 


•JANVIER   1830.  59 

vélin  satiné:  la  souscription  est  ouverte  chez  M.  Jouy,  rue  des  Mauvaise.-- 
Paroles ,  n.°  21.  La  publication  du  texte  arabe  de  cette  géographie  donnera  lieu 
sans  doute  d'en  imprimer  ensuite  une  traduction  française* 

Voyage  militaire  dans  l'Empire  othoman,  ou  description  de  ses  frontières  et 
tle  ses  principales  défenses,  soit  naturelles,  soit  artificielles,  avec  5  cartes 
géographiques,  par  M.  le  baron  Félix  de  Beaujour.  Ut  si  occupati  profuimus 
aliquid  civibus  nostris,  prosimus  etiabi,,si  possumus,  otiosi,  Cicer.  Tuscul.  1. 1. 
Paris,  imprim.  et  librairie  de  Firmin  Didot,  1829, 2  vol.  in-8.°9  539  et  608  pag. 
L'ouvrage  est  divisé  en  dix  livres  :  I.  La  M  orée;  il.  la  Grèce  orientale;  lli.  la 
Grèce  occidentale;  IV.  les  frontières  septentrionales  de  la  Turquie;  V.  les 
frontières  qui  bordent  la  Mer  Noire.  (Tome  II  )  VI.  les  frontières  de  la  Turquie 
asiatique;  VII.  la  Syrie;  V1I1.  l'Egypte;  IX  les  frontières  maritimes  de  la 
Turquie;  X.  Système  d'attaque  et  de  défense  de  la  Turquie  en  général.  —  Les 
cinq  planches  qui  accompagnent  ces  deux  volumes  sont  des  cartes  de  la  Turquie 
d'Europe,  du  pourtour  septentrional  de  la  Mer  Noire,  de  la  Turquie  d'Asie, 
de  l'Egypte  et  du  Bosphore,  dressées  par  M.  La  pie.  Nous  reviendrons  sur  cet 
ouvrage,  qui  contient  plusieurs  articles  d'histoire  militaire,  ancienne  et  moderne. 

Tableau  de  l 'Egypte,  de  la  Nubie  et  des  lieux  circonvoisins ,  ou  itinéraire  à 
l'usage  des  voyageurs  oui  visitent  ces  contrées,  par  M.  Rifaud,  de  Marseille; 
dédié  à  S.  A.  R.  Madame,  duchesse  de  Berry.  Paris,  imprim.  de  Crapelet, 
librairie  de  Treuttel  et  Wiirtz,  1830,  i/i-&V*vj,  371  et  60  pages,  avec  une 
carte  du  cours  du  Nil.  L'ouvrage  est  divisé  en  vingt^quatre  chapitres,  dont 
1es*deur  premiers  contiennent  un  précis  de  la  géographie  physique  et  politique 
de  l'Egypte.  Les  suivans  décrivent  diverses  parties  de  cette  contrée.  Le  dernier 
a  pour  objet  le  mont  Sinaï,  la  Mer  Rouge,  l'Arabie  Pétrée. — Les  pages  321  à 
379  du  volume  contiennent  les  rapports  faits  au  sein  des  académies  et  sociétés 
littéraires  sur  les  collections  de  M.  Rifaud ,  rapports  qui  ont  été  particulièrement 
annoncés  dans  notre  cahier, d'octobre  1829,  pag.  635,  636.  —  L'auteur  a joii  t 
déplus  à  son  Tableau  de  l'Egypte  60  pages  contenant  le  vocabulaire  des  dia- 
lectes vulgaires  de  la  Haute-Egypte,  le  vocabulaire  du  dialecte  de  Fachetrou 
en  Nigritie,  les  noms  arabes  des  fours,  des  mois,  des  nombres,  &c— M.  Rifaud 
a  publié  le  prospectus  d'un  ouvrage  intitulé  Voyage  en  Egypte,  en  Nubie  et 
Vieux  circonvoisins  t  dépuis  1805  jusqu'en  1827,  cinq  vol.  in- 8.*  de  texte,  et  un 
atlas  in-folio  de  300  planches.  Prix  de  l'ouvrage  entier,  $00  fir. ,  à  payer  par 
livraisons.  On  souscrit  chez  l'auteur,  i  Paris,  rue  de  la  Rochçfoucault,  n.°  1 5. 
—  Une  description  des  fouilles  .et  des  découvertes  faites  par  M.  Rifaud  dans 
la  partie  Est  de  la  butte  Koum-Médinet-eh-Farès,  au  Fayoum,  a  été  lue  à  la 
Société  de  géographie,  le  19  juin  1829,  et  imprimée  cruz  Crapelet,  16  pages 
in- S.0 9  avec  une  planche  lithographiée. 

Histoire  romaine  de  M.  B.-G.  Niebuhr,  traduite  de  l'allemand  sur  la  troi- 
sième édition,  par  M.  B.  P.-A.  deGolbery,  conseiller  à  la  cour  royale  de  Colmar, 
correspondant  de  l'Institut.  Strasbourg,  imprim.  de  Levrault;  Strasbourg  et 
Paris,  librairie  de  Levrault,  1830,  2  vol.  in-tf.*  xxx),  442>  XJ  et  4$8  pages.— 
Nous  nous  proposons  de  rendre  compte  de  cet  ouvrage,  qui  a  obtenu,  à  ce 
u'on  assure,  un  très-brillant  succès  en  Allemagne,  et  même  en  Angleterre,  où 
a-  été  déjà  traduit.  La  traduction  française,  dédiée  à  l'Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  a  été  rédigée  avec  un  grand  soin;  elle  étoit  depuis  long- 
temps attendue  r  on  ne  doit  pas  s'étonner  des  retards  qu'efle  a  éprouvés; 

H    2 


ï 


60  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

c'étoit  un  travail  difficile;  et  d'ailleurs  la  troisième  édition  du  texte  n'est  publiée 
que  depuis  1828. 

Histoire  de  la  barbarie  et  des  lois  du  moyen  âge  ,  de  h  civilisation  et  des 
mœurs  des  anciens  comparées  à  celles  des  modernes,  de  l'église  et  des  gou- 
vernemens,  des  conciles  et  des  assemblées  nationales  chez  les  différens  peuples , 
et  particulièrement  en  France  et  en  Angleterre,  par  MM.  Toulotte  et  Théodore 
Favre.  Paris,  imprim.  de  Gautier-la-Gujoifie,  librairie  de  Dureuil,  1820,  3  vol. 
in-8.%  ensemble  de  91  feuilles. — M.  Toulotte  avoit  auparavant  puolîé  une 
Histoirf  des  empereurs  en  3  vol.in-8.0  Fijy^jnotre  cahier  d'octobre,  1829^.634. 

Bibliothèque  des  croisades,  par  M.  Michaud,  de  l'Académie  française.  Paris, 
imprim.  de  Ducessois,  librairie  de  J.  Ducollet,  1829,  //!•&',  1. 1  et  II,  xv  et 
885  pages;  t.  III,  ibid.,  k>4  P^ges;  t.  IV,  Chroniques  arabes  (concernant  les 
croisades  ),  traduites  et  mises  en  ordre  par  M.  Reinaud,  employé  au  cabinet  des 
manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi.  Paris,  imprim.  royale,  1829, /n-&",  x'v# 
et  582  pages.-*  Table  générale  des 'chroniques  et  des  pièces  analysées  dans  les 
quatre  volumes  de  la  Bibliothèque  des  croisades,  Paris,  imprim.  de  Ducessois, 
1829,  55  pages  in- 8.°  Prix  de  tout  l'ouvrage,  29  fr.  —  Il  a  été  tiré  des  exem- 
plaires particuliers  du  tome  IV,  sous  le  titre  A  Extraits  des  Historiens  arabes 
relatifs  aux  croisades,  ouvrage  formant,  d'après  les  écrivains  musulmans,  un 
récit  suivi  des  guerres  saintes,  nouvelle  édition,  entièrement  refondue  et  con- 
sidérablement augmentée.  Notre-cahier  de  février  contiendra  un  article  sur  les 
trois  premiers  volumes  de  la  Bibliothèque  des  croisades* 

Histoire  des  rois  et  des  ducs  de  Bretagne,  par  M.  Roujoux.  Paris,  imprim%  de 
Fain,  librairie  de  Dufer,  1829,  4  vo'#  '*-&*  Prix,  30  fr. 

Examen  d'un  diplôme  de  Van  877,  parun  membre  de  la  Société  des  antiquaires 
de  Normandie.  Paris,  1829,  24  pages  in-8.' 

Cours  d'antiquités  monumentales,  professé  à  Caen  par  M.  de  Caumont, 
secrétaire  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie.  II  y  aura  six  livraisons, 
dont  chacune  (texte  et  planches)  coûtera  6  fr.,  et  par  la  poste  6  fr.  50  c.  M.  dé 
Caumont  traitera  successivement  des  antiquités  celtiques,  romaines  et  du  moyen 
âge.  On  souscrit  à  Caen,  chez  les  principaux  libraires;  à  Rouen,  chez 
M.  Frère;  à  Paris,  chez  M.  Lance,  rue  Croix-des-Petits-Champs,  n.°  50. 

Voyage  archéologique  dans  l 'ancienne  Étrurie,  par  M.  Dorow,  conseiller  de 
cour  de  S.  M.  le  roi  de  Prusse,  &c;  traduit  de  l'allemand  sur  le  manuscrit 
inédit  de  l'auteur,  par  M.  Eyriès.  Paris ,  imprim.  de  Belin ,  librairie  de  Merlin, 
1829,  /n-^.%  58  pages  et  16  planches.  Prix,  12  fr.  Kwrç  dans  notre  cahier 
de  mars  1829,  p.  1 31-143,  un  a  rue  le  de  M.  Raoul-Rochette  sur  la  collection 
de  vases  et  autres  monu mens  étrusques  de  M.  Dorow.  II  sera  rendu  compte  de 
son  Voyage  archéologique  dans  notre  prochain"  cahier. 

Antiquités  de  V Alsace ,  ou  châteaux,  églises,  et  autres  monumens  des  dé- 
partemens  du  Haut-Rhin  et  du  Bas-Rhin,  avec  un  texte  historique  et  des- 
criptif, par  M.  de  Golbery.  Supplément  :  Antiquités  romaines  des  pays  limi- 
trophes du  Haut-Rhin  :  Mandeure,  12  pages  de  texte  in-folio,  et  4  planches. 
Ouvrage  publié  par  Engelmann  et  compagnie,  à  Mulhouse,  et  à  Paris,  rue  du 
Faubourg-Montmartre,  n.°  6. 

Rapport  sur  la  situation  des  bibliothèques  publiques  en  France,  par  M.  J.-A. 
Buchon.  Paris,  imprimerie  d'Éverat,  36  pages  in*8.9  M.  Buchon  a  particu- 
lièrement visite  les  bibliothèques  et  archives  du  département  de  l'Yonne.  Quel- 


JANV 


1ER 
• 


R  1830.  6t 

ques-uns  des  manuscrits  qu'il  a  remaf^P  à  Auxerre  avoient  été  déjà  décrits  ou 
indiqués;  mais  il  en  fait  connoître  qui  n'étoient  pas  encore  connus.  H  transcrit 
le  préambule  de  l'interrogatoire  et  de  la  condamnation  de  Jacques  Cœur,  acte 
authentique,  conservé  dans  les  archives  du  château  de  Saint-Fargeau. 

.  Entretien  sur  Us  principes  de  la  philosophie ,  dans  lequel  des  idées  systématiques 
modernes  en  métaphysique  sont  discutées,  et  les  notions  de  la  raison  ramenées 
à  celles  des  rapports  qu  exprime  la  pensée  active  de  l'homme  par  l'affirmation 
et  l'induction;  publié  par  M.  J.-B  -M.  Gence,  avec  des  notes  et  le  tableau  de  la 
classification  générale  des  connoissances,  développé  dans  l'ouvrage.  Paris, 
imprimerie  de  Migneret,  1830,  48  pages  in-8S,  avec  un  tableau.  Les  interlo- 
cuteurs qui  figurent  dans  cet  entretien,  sont  Descartes,  Gassendi,  Claude  Saint- 
Martin,  un  ami  de  Saint-Martin,  et  un  grammairien  philosophe  de  l'école  de 
Port-Royal.  Cet  opuscule,  destiné,  ce  semble,  à  faire  revivre  la  doctrine 
théosophique  de  M.  Saint-Martin ,  est  dédié  à  M.  A  m.  BertolaccL — MM.  Gence 
et  Monnard  se  proposent  de  publier  une  traduction  de  l'ouvrage  allemand 
intitulé  Stunden  der  Andach  ,  qui  a  paru  de  1809  à  18 16,  à  Arau,  sous  la 
forme  de  feuilles  hebdomadaires,  et  dont  on  assure  qu'il  s'est  fait  douze  éditions 
successives,  donnant  un  total  de  60,000  exemplaires.  La  version  française 
portera  le  titre  de  Méditations  religieuses,  en  forme  de  discours,  pour  toutes 
les  époques,  circonstances  et  situations  de  la  vie  domestique  et  civile:  elle 
paraîtra,  par  livraisons,  le  samedi  de  chaque  semaine.  Le  prix  de  12  livraisons 
//!-£'  est  fixé  à  5  fr.  ;  on  souscrit  chez  MM*  Treuttel  et  Wurtz ,  à  Paris,  à 
Strasbourg  et  à  Londres. 

Histoire  de  l'économie  publique  en  Italie,  ou  abrégé  critique  des  économistes 
italiens,  précédé  d'une  introduction,  par  le  comte  Joseph  Pecchto;  traduit  de 
l'italien  par  M.  Léonard  Gallois.  Paris ,  impr.  de  David ,  libr.  de  Levavasseur , 
1 829 ,  in-8.°,  428  pages.  Pr.  7  fr.  50  cent. 

Les  Ages  de  la  nature  ,  ou  l'histoire  de  l'espèce  humaine,  par  M.  le  comte  de 
Lacépède.  Strasbourg,  impr.  de  Levrault;  Paris,  librairie  de  Levrault,  2  vol. 
in-8s,  ensemble  de  41  feuilles  1/4.  Pr.  12  fr. 

Traité  de  la  lumihe,  par  J.  F.  W.  Herschel ,  président  de  la  Société  astrono- 
mique de  Londres,  traduit  de  l'anglais ,  avec  des  notes,  par  MM.  Vershulst  et 
Quételeu  Paris,  Malher  et  compagnie,  1829  ;  tome  l.er,  in-8,° ,  200 pages  et 
4  planches.  Pr.  5  fr.  Un  second  volume  complétera  cette  traduction. 

Traité  complet  de  la  peinture,  par  M.  P. .  • .  de  Montabert.  Paris,  impr.  de 
Béthune,  librairie  de  xsossange  père,  1829,  9  vol.  in-8S ,  et  un  cahier  111-4/ 
de  144  Penches.  Pr.  120  fr. 

Histoire  de  l'agriculture  ancienne  des  Grecs  depuis  Homère  jusqu'à  Théo- 
cri  te,  avec  un  appendice  sur  l'état  de  l'agriculture  dans  la  Grèce  actuelle; 
suivie  de  quelques  réflexions  et  propositions  politiques  sur  k  sort  de  la  Grèce  et 
de  l'Europe  d'après  le  traité  d'Andrinople  du  14  septembre  1820 ,  par  M.  J.  B. 
Kougier,  baron  de  la  Bergerie.  Paris,  Dentu,  1830,  in-S.° ,  492  pages. 
Pr.  6  fr. 

Recueil  général  des  lois  françaises  depuis  Tan  420  jusqu'à  la  révolution  de  1 789, 
r  M.  Isambert,  M.  de  Crusy,  (  feu  M.  Jourdan  ),  M.  Armet,  et  M.  Taillandier. 
:s  tomes  I-  VI  m- 8.°  de  cette  méthodique  et  utile  collection,  embrassent  toute  la 
législation  de  la  monarchie  depuis  le  V."  siècle  jusqu'à  la  fin  du  xiv/  :  nous  en 
avons  rendu  compte  dans  nos  cahiers  de  novembre  1822,  pag.  643-650;  de  mat 


B 


6z  JOURNAL  DES  SAVANS, 

1H24,  4'J-4l9-  —  Les  tomes  VU-Xf|Pbliés  en  1825,  inipr.  de  Pochard,  libr, 
de  Belin-Leprieur  et  de  Veidière,  883  et  953  pages  ,  correspondent  aux  années 
1401-1483;  ordonnances  de  Charles  VI,  Charles  Vif  et  Louis  XL  Le* 
tomes  XI  ,  XII,  XIII ,  ann.  1483-1559,  règnes  de  Charles  VIII,  Louis  XII , 
François  I,"  et  Henri  II,  om  été  annoncés  dans  noire  cahier  d'octobre  18.29, 
pag.  637.  Les  six  vol.  suivansont  paru  en  i820,savoir;  T,  XIV,  ann.  1559-1583; 
François  II,  Charles  IX,  Henri  111,650  pag.  T.  XV,  1  589-1610, Henri  IV, 
iveiaoopag.  T.  XVI,  1610-1643,  Louis  XIII,  556  p.  T.  XV11,  Louis  XJ  V 
jusqu'en  1661,  xij  et  406  pag.  T.  XVIII  (ann.  1661-1671  }.  44*pag-  T.  XIX 
(  1672-1 686),  5j4  pag. — Six  volumes  contenant  les  ordonnances  de  Louis  XVI 
jusqu'en  1789,  ont  été  indiqués  pag.  638  de  notre  cahier  d'octobre  1828.  Ainsi, 
il  ne  manque  plu*  à  ce  recueil  nue  les  volumes  qui  correspondront  aux  vingt- 
neuf  dernières  années  de  Louis  XIV,  et  au  régne  de  Louis  XV.  L'ouvrage  entier 
aura  30  vol.,  et  une  table  générale.  Les  jurisconsultes  éciairés  et  laborieux  qui  le 
publient,  y  ont  joini  des  préfaces,  des  notes  et  des  tables;  ils  n'ont  négligé,  pour 
le  rendre  exact  et  complet,  aucun  soin  ,  aucune  recherche;  ils  ont  fait  usage 
de  tous  les  monumens  et  documens  qui  leur  ont  été  accessibles.  Nous  revien- 
drons sur  l'ensemble  de  cette  collection  ,  lorsqu'elle  seta  terminée. 

Collection  générale  des  lois,  décrets,  arrêtés,  séna  tus-consul  tes,  avis  du  conseil 
d'état,  réglemens  d'administration,  ordonnances  des  Kois,  publiés  depuis 
1789  jusqu'à  1830,  dans  la  collection  du  Louvre  iri'j..' ,  le  Bulletin  des  lois, 
le  Moniteur,  et  autres  recueils  officiels;  recueillie  1 
Kondonneau,  ancien  propriétaire  du  dépôt  des  I 
pectus  qui  annonce  4  vol.  à  joindre  à  ceux  qui  0 
in-S.').  Il  y  aura  de  plus  une  table  générale  en  qui 
Prix  de  chaque  volume  (5  50  à  600  pag,  J ,  7  fr.  50e  ; 


e  en  ordre  par  M.  Loui 
s.  Tel  est  le  titre  du  pros- 
t  déjà  paru  (  Impr.  royale, 
re  tomes  du  même  format, 
à  Paris,  et  9  tr.  par  la  poste. 
éditeur   propriétaire,  rue  Saint-André-dei- 


On  souscrit  chez   Ar.  Galloi 
Arc»,  n.°  30. 

On  vient  de  publier  le  prospectus  et  un  spécimen  d'un  nouveau  journal 
intitulé  Gazelle  littéraire,  revue  française  et  étrangère  de  la  latiratutt,  des 
sciences  ,  des  beaux-ans,  &c.  Les  articles  de  chaque  numéro  seront  distribm  s 
sous  les  titres  suivans  :  ouvrages  inédits,  revue  des  livres  nouveaux,  revue 
rétrospective  ou  d'anciens  livres,  géographie  et  voyages,  articles  originaux, 
académies)  beaux-arts,  cours  publics,  biographie,  journaux  étrangers  ,  stati:- 
tique,  romans,  variétés  et  nouvelles  littéraires,  théâtres,  bulletin  bibliographique, 
observilions  météorologiques,  correspondance.  Un  numéro  de  16  pag.  in-^.J 
paroîrra  chaque  jeudi.  On  s'abonne  chez  Sautclet  et  compagnie,  à  raison  de 
14  fr.  pour  trois  mois ,  26  fr,  pour  six  mois,  50  tr.  pour  l'année,  à  Paris.  Ces 
prix  sont  un  peu  plus  élevés  pour  les  dépanemens  et  pour  les  pays  étrangers. 

ITALIE.  Biografia  vniversale;  tome  LVII  (te-to)  de  la  traduction  Ju- 
lienne, revue  et  augmentée,  de  la  Biographie  universelle,  ancienne  et  moderne. 
Vuniâc  ,  Missiaglia,  1829,  in-8.' 

ESPAGNE.  Historia  de  la  Uterarura  espanola,-  Histoire  de  la  Ihtêratwt 
espagnole,  traduite  de  l'allemand  de  BouterwecL  en  espagnol  par  José  Gorm-z 
dt-  h  Cortina  et  Nie.  Huguide  y  JVlollinedo.  Madrid,  Aguado,  1829,  hi-fi,'  ; 
tome  I." 

PAYS-BAS.  Hugoms  Grotii  Bpistolj-,  &c.  ;  Leitres  inédites  de  Hug.  Gratis 
h  J.  d'Oxtnstitrn  et  à  J.  Sabrius  ;  réponses  de  J.  d'Oxerstiero  ,  &c.  Harlem, 


JANVIER   1830.         *  tfj 

Loosjes,  1 820,  in-8 .°  C'est  la  troisième  classe  de  l'Institut  des  Pays-Bas  qui  publie 
ce  volume,  dont  la  préface  est  de  M.  C.  A.  Den  Tex ,  secrétaire  de  cette  classe. 
On  dit  que  ces  lettres  peuvent  contribuer  à  éclaircir  et  à  compléter  plusieurs 
détails  de  l'histoire  diplomatique  du  xvil.c  siècle. 

ALLEMAGNE. 

Commentarius  in  Dinarchi  orationes  très  :  scripsit  Chr.  Wurm.  Norimberga*, 
Baueret  Raspe,  1828,  in-8.°  Fr.  1  rxd. 

Georgius  Syncellus  et  Nicephorus,  ex  recensione  G.  Dindorfii.  Bonn  a?,  Weber, 
1829,  2  vol.  in-8.°  Pr.  8  rxd.  8  gr.  Ces  deux  volumes  appartiennent  à  la  nou- 
velle édition  des  Historiens  byzantins ,  entreprise  par  M.  Niebuhr. 

Geschichte  der  Ommaijaden  in  Spanien  t  Histoire  des  (Maures)  Ominiades 
en  Espagne,  précédée  d'un  exposé  de  l'origine  des  royaumes  chrétiens  espa- 
gnols, par  M.  Ansbach.  Fra  ne  fort-su  r-Ie-Mein,  Varrentrapp,  2,  vol.  in-8.° , 
375  et  376  pages.' 

Wien's  erste  Aufgehobene,  &e.fmHistaire  de  la  levée  du  premier  siège  de  Vienne 
par  les  Turcs,  composée  en  partie  d'après  les  récits,  inconnus  jusqu'ici,  de  divers 
écrivains  turcs  et  chrétiens,  à  l'occasion  du  joo.e  anniversaire  de  cet  événement, 
par  le  chevalier  Joseph  de  Hammer.  Pesth,  1829,  in-8.0 

Aglaophamus ,  sive  de  theologice  mysticœ  Grœcorum  causis  libri  très  ;  auctorc 
Aug.  Lobeck.  Àccedunt  poetarum  orphicorum  reliquia».  Regiomonti,  Born- 
trager,  1829,  2  vol.  in-8.°  Pr.  20  gr. 

Fundgruben  des  àlten  Notdens,  ë?c.t  Mines  de  Vancien  Nord,  par  M.  Th. 
Legis,  contenant  des  poésies  lyriques,  épiques  ,  &c,  des  mythes  et  des  tradi- 
tions du  temps  des  Goths  et  des  anciens  Germains,  traduits  pour  la  première 
fois  des  originaux  islandais,  avec  des  éclaircissemens  critiques,  mythologiques 
et  historique],  par  M.  Th.  Legis.  Leipsick,  Nauch,  1829,  4  v°l-  in~8.° 

Geschichte  der  romischen  Rechts  ,  &i,/  Histoire  du  droit  romain  ,  au  moyen 
âge ,  par  M.  Fred.  Ch.  de  Savigny.  Heidelborg ,  Mohr  et  ZimmeT,  4  vol.  in -8° 

DANEMARK.  Edda  Saemundar  hins  Froda.  Eddarhythmica  feu  antiquiôr, 
vulgô  saemundina  dicta  :  pars  tertia ,  continens  carmina  Vèluspà ,  Hàmavàl  et 
Kigsmàl  ;  ex  codice  bibliothec»  régie  hafniensis  pergameno,  neenon  diversis... 
membraneis  chartaceisque  mêlions  note  manuserrptis;  eu  m  interpréta  tione 
latinâ,  lectionibus  variis,  notis,  glossario,  &c.Accedit  Iocupletissimum  pris- 
corum borealium  theosophfae  et  mythologie  lexicon, addito  denique eonmidem 
gentili  calendario,  jamprimùm  indagato  ac  exposito.  Haunia?,  Gtldendal, 
18,28,  //1-4/ 

ANGLETERRE. 

A  compendious  Grammarofihe  egyptun  language,  as  contained  in  the  coptic 
and  sahidic  dialects,  with  observations  on  the  bashmuric;  together  wiih 
alphabets  and  numerals  in  the  hieroglyphic  and  enchorial  characters,  and  a 
few  explanatory  observations;  bv  the  rev.  Henri  Tattam.  M.  A.  F.  R.  L.,  <5cc; 
with  an  appendix  consisting  or  the  rudiments  of  a  dictionary  of  the  ancient 
egyptian  language,  in  the  enchorial  character,  by  Th.  Young,  &c.  —  Gram- 
maire abrégée  de  la  langue  égyptienne,  suivant  les  dialectes  copte  et  sahidique, 
avec  quelques  observations  sur  le  dialecte  bashniourique;  à  laquelle  on  a  joint 


6i 


JOURNAL  DES  SAVÀNS. 


des  alphabets  et  les  signes  de  la  numération  dans  les  caractères  hiéroglyphique) 
et  enchorial  (ou  vulgaire  ),  avec  un  petit  nombre  d'observations  explicatives, 
par  M.  H.  Tattam,  et  un  appendix  contenant  les  rudimens  d'un  dictionnaire 
de  l'ancienne  langue  égyptienne,  dan»  le  caractère  enchorial,  par  AL  Th.  Young. 
Londres,  1830,  in-8.° 

Tliouglits  on  the  origin  and  desceiit  oftlu  gael.  . .  ;  Pensées  sur  l'origine  de  la 
langue  gallique,  par  M.  James  Grant.  Londres,  1828,  in-S.' 

Researches  into  the  origin  and  affinity  of  the  principal  languages  of  Asia  and 
Evropa  ;  Recherches  sur  l'origine  et  l'affinité  des  principales  langues  de  l'Asie  et  de 
l'Europe,  par  M.  Vans  Kennedy.  London,  1818,  in-S.' 

History  of  the  rise  of  the  mahomedan  power  in  InJia,  tîll  the  yeart6i2, 
translaied  from  the  original  petsian  oFMahomed  Kasim  Feriskhta ,  by  John 
Briggs.  Histoire  des  progrès  de  la  puissance  musulmane  dans  l'Inde  jusqu'à 
l'année  1612,  traduite  du  persan  de  Mohamed  Feriskhta,  par  le  colonel  J.  Brigg?. 
Londres,  1829,  4  vol.  in-S.' 

Aimais  and  antiquities  of  Rajast'han ,  or  the  central  and  western  Rajpoot 
states  of  India.  Annales  et  antiquités  de  Rajast'han,  ou  des  états  de  Rajpoot 
dans  les  parties  centrales  et  orientales  de  l'Inde,  parle  lieutenant  colonel  Toi). 
Londies,  Smith  et  Elder,  1829,  in-4.* ;  tome  I." 


NOTA.  On  peut  s'adressera  la  libraitiede  M.  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la 
Harpe,  n.'  Si  ;  tt  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savans.  Il  faut  affranchir  les  lettres 
et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 

Voyages  en  Arabie,  par  feu  J.  L.  Burckhardt.  {Article  de  AI.  Sil- 
vestre  de    Sacy.  ) Pag. 

Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l'église  grecque  et  latine,  par  AI.  Ma- 
rie-Nicolas- S  dvestre  Guillon.  {Article  de  M.  Raynouard.  ). . . . 

Mimaiïtt  de  l'Académie  royale  de  médecine.  (  Troisième  article  de 
AI.  Tessier.  ) 

Ulysse-Homère,  ou  du  véritable  auteur  de  l'Iliade  et  de  l'Odyssée, 
par  Constantin  Koliades.  (  Second  article  de  Ai.  Lettonne.  ). .  . 

Monumens  et  ouvrages  d'art  antiques  ,  par  M.  Quatremèie  de  Qtùncy. 
{Article  de  Af.  Raoul-Rocheite.  ) 

Nouvelles  littéraires  .  . 

FIN   DE   LA   TABLE. 


Errata  du  cahier  de 
Pag.  685,  lie.  6  de  la  ne 
lis.  df)(ifU.  Pag.  688,  lig      . 

Murenora,  lis.  Marmara.  Pag.  690,  lig.  26,  A0H ,  lis.  A0A.  Pag.  693 , 1, 
mt  servira,  lis.  servira. 


'vembre.  Pag.  683  lig.  an\ep.,jnérite,  lis.  caractère. 
t'Tfw£t,\u.  -rpmZ».  Pag.  687,  lig.  i2,w^f'a, 
23  ,  Hiérop'olis ,  lis.  Hierapolis.~Pzg.689,  lig.  19, 

h-  ' 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 


FEVRIER     I820. 


A   PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 
1830. 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  fr-  Par  'a  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
librairie  LEVRALLT,  à  Paris,  îue  de  la  Harpe,  n.°  85;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  II  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouveaux  ,  les  lettres,  avis,  mémoires,  &c,  qui 
peuvent  concerner  la  rédaction  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris ,  rue  de 
Ménil-montant,  n.°  22. 


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JOURNAL 

DES    SAVANS. 

FÉVRIER     1830! 


Rétablissement  du  texte  de  la  divina  commedia,^(T/^/i/ 
du  Purgatoire,  où  le  troubadour  Arnaud  Daniel  s'exprime 
en  vers  provençaux. 

Uans  le  vingt-sixième  chant  du  Purgatoire,  Fauteur  et  héros  de  la 
DIvina  COMMEDIA,  Dante,  interroge  le  troubadour  Arnaud  Daniel , 
qui  lui  répond  en  vers  provençaux. 

Cette  singularité  littéraire  est  un  hommage  rendu  par  le  poète  italien 
à  la  langue  et  à  la  poésie  des  troubadours  en  général ,  au  mérite  et  à  la 
renommée  d'Arnaud  Daniel  en  particulier. 

Non-seulement  Dante  étoit  familiarisé  avec  la  langue  des  poètes  du 
midi  de  h  France,  dont  il  cite  quelquefois  des  passages  dans  son  ou» 
vrage  de  la  Volgare  eloquenza,  mais  encore,  outre  les  vers  inséré* 
dans  la  Divina  commedia,  il  en  composa  quelques  autres  qui  sont 
parvenus  jusqu'à  nous. 

Malheureusement,  à  l'époque  où  Dante  publia  ses  ouvrages,  les 
auteurs  ne  pouvoient  surveiller  et  corriger,  comme  les  procédés  de 
l'imprimerie  l'ont  ensuite  permis,  les  copies  faites  et  reproduites  en  des 
temps  et  en  des  lieux  différens;  l'ignorance  et  quelquefois  le  prétendu 
savoir  des  copistes  introduisoient  dans  les  manuscrits  des  variantes 
presque  toujours  défectueuses ,  qui  devenoient  des  fautes  plus  ou  moins 
grossières.  \ 

Mais  combien  il  leur  étoit  plus  difficile  d'éviter  les  erreurs,  lorsqu'ils 
transcrivoient  des  vers  composés  dans  une  langue  qu'ils  ne  connois- 
soient  pas,  ou,  ce  qui  étoit  puis  dangereux  peut-être,  qu'ils  ne  con- 
noissoient  qu'à  demi! 

Si  pavois  à  prouver  mon  assertion,  je  citerois  les  vers  des  troubadours 
insérés  par  Dante  dans  son  traité  de  la  Volgare  eloquenza  :  les 
textes  des  bons  manuscrits  des  troubadours  présentent  la  leçon  originale 

1  a 


68  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  ces  vers  ;  et  puisqu'il  n'est  pas  permis  de  présumer  que  ce  poète  fes 
eût  défigurés  lui-même  en  les  transcrivant,  il  faut  tenir  pour  certain  que 
les  fautes  qui  s'y  trouvent  sont  le  malheureux  ouvrage  des  copistes  (i  ). 

Aussi  les  diverses  transcriptions  des  manuscrits  des  troubadours  , 
faites  en  Italie,  n'auroient  pu  fournir  des  textes  assez  purs  pour  pu- 
blier une  édition  correcte  des  principaux  ouvrages  de  ces  poètes  :  dans 
ces  manuscrits,  beaucoup  de  mots  sont  mal-à-propos  coupés  ou  con- 
fondus; f orthographe  italienne  les  dénature  quelquefois;  tout  concourt 
à  prouver  que  la  transcription  est  l'ouvrage  de  copistes  évfdemment 
étrangers  à  la  langue  du  midi  de  la  France. 

Toutefois  je  suis  bien  loin  de  vouloir  rabaisser  la  valeur  et  l'impor- 
tance de  ces  manuscrits  précieux ,  de  ces  dépôts  conservateurs  de  la 
langue  et  de  la  littérature  provençales;  j'aime  à  avouer  que,  s'ils 
n'eussent  pu  suffire  à  exécuter  mon  projet  de  publier  un  Choix  des 
poésies  originales  des  troubadours ,  ces  mêmes  manuscrits  n'en  ont  pas 
moins  contribué  au  succès  de  cette  entreprise  littéraire.  II  m'a  été 
facile  de  reconnoître  et  de  juger  les  leçons  fautives;  en  les  rejetant, 
j'ai  profité  de  tout  ce  qui  pouvoit  confirmer  ou  améliorer  les  textes  des 
manuscrits  copiés  ou  restés  en  France,  et  je  ne  saurois  trop  remercier 
les  diverses  personnes  qui  m'ont  procuré  fa  communication  et  les 
copies  des  manuscrits  étrangers. 

II  ne  faut  donc  pas  s'étonner  si  la  réponse  d'Arnaud  Daniel ,  contenue 
à  la  fin  du  vingt-sixième  chant  du  Purgatoire,  altérée  de  copie  en  co- 
pie, n'offroit  plus  qu'un  texte  défiguré  et  presque  inintelligible,  lorsque 
la  découverte  de  l'imprimerie  permit  de  publier,  pour  la  gloire  de  la 
littérature  italienne,  et  pour  l'avantage  de  toutes  les  littératures  mo- 
dernes, la  DlVINA   COMMEDIA. 

Sans  doute  les  premiers  éditeurs  n'attachèrent  aucun  soin  ni  aucune 
importance  h  choisir  les  meilleures  leçons  qui  eussent  rétabli  les  vers 
provençaux  dans  leur  pureté  primitive. 


(i)  Je  me  borne  à  un  seul  exemple  :  dans  les  diverses  éditions  de  la  VOLG  ARE 
ELOQUENZA  ,  on  lit  ainsi  un  vers  d'Arnaud  Daniel: 

Solvi  che  sai  io  sobraffan  chen  sorz 
Les  bons  manuscrits  rapportent  ce  vers  tel  que  je  l'ai  imprimé  : 

Sois  sui  que  sai  io  sobrafan  que  m  sortz. 

Seul  je  suis  qui  sais  l'extrême  chagrin  qui  me  surgit. 

Tandis  que,  d'après  le  texte  imprimé  dans  les  éditions  de  la  VoLGARE  ELO- 
QUENZA, solvi  pour  SOLS  SUI  est  un  mot  étranger  à  la  langue  des  troubadours, 
chen  ou  ch'cn  pour  que  M  auroit  pu  signifier  que  dans ,  mais  c'eût  été  un 
contre-sens. 


s 


FÉVRIER  183O;  ;  69 

Comment  ce  déiail  eût- il  occupé  un  éditeur,  un  imprimeur,  qui, 
vraisemblablement,  ignoroit  la  langue  des  troubadours,  à  une  époque 
où  leur  ancienne  renommée  étoit  beaucoup  déchue»  et  où  rien  ne  per- 
mettait d  espérer  quelle  seroit  réhabilitée  ! 

Les  éditeurs  postérieurs  ont  soigneusement  reproduit  les  leçons  que 
les  premières  éditions  a  voient  accréditées,  et  la  publication  de  quelques 
variantes  n'a  pas  réussi  à  rendre  le  texte  plus  pur  et  plus  clair  :  la  raison 
en  est  simple  ;  on  ne  connoissoit  plus  les  règles  de  la  langue  des  trou- 
badours ;  on  ne  présumoit  même  pas  que  ces  règles  eussent  existé. 

Pour  rétablir  le  texte  des  vers  provençaux  tel  qu'il  me  paroît  que 
Dante  les  a  composés,  j'ai  pris  le  .soin  d'en  recueillir,  lus  variantes 
dans  les  divers  manuscrits  de  la  Divin  A  COMMEDi  a  :  plusieurs  de  ces 
manuscrits  a  voient  conservé  partiellement  les  leçons  originales  ;  il  suf- 
fisoit  de  les  reconnoître,  d'en  faire  le  choix  et  le  rapprochement;  ce 
moyen ,  aussi  simple  que  certain ,  m'a  permis  de  reproduire  le  texte 
primitif,  sans  y  mêler  aucune  correction  conjecturale,  et  en  invoquant 
seulement  l'autorité  irrécusable  des  manuscrits. 

Avant  de  rapporter  l'ancien  texte  diversement  altéré  dans  les 
manuscrits  et  dans  les  imprimés  de  la  Divin  A  commedia,  il  me  paroît 
convenable  de  faire  connoître  le  troubadour  Arnaud  Daniel ,  auquel 
Dante  a  rendu  un  hommage  aussi  solennel. 

c<  O  frère,  est-il  dit  au  26/  chant  du  Purgatoire,  celui  que  mon 
»  doigt  te  désigne  (et  alors  il  indiqua  un  esprit  qui  étoit  devant  lui) 
»  fut  le  meilleur  auteur  dans  son  idiome  maternel.  Il  surpassa  tous  ses 
»  rivaux  par  ses  vers  d'amour  et  par  ses  proses  de  romans  :  laisse  dire 
»  les  sots  ;  ils  prétendent  que  le  poète  du  Limousin  lui  est  préférable  ; 
»  c'est  qu'ils  considèrent  plus  la  renommée  que  la  vérité ,  et  ils  acceptent 
»  ainsi  des  opinions,  au  lieu  de  consulter  l'art  et  la  raison.' 

»  Je  m'avançai  un  peu  vers  l'esprit  désigné  ;  je  lui  dis  que  je  desirois 
»  connoître  son  nom,  et  aussitôt  il  me  répondit. ...  • 

»  Votre  demande  polie  me  plaît  tant,  que  je  ne  puis  ni  ne  veux  me 
»  cacher  à  vous.  Je  suis  Arnaud  ,  qui  pleure  et  vais  chantant  ;  je  vois 
»  avec  chagrin  ma  folie  passée ,  mais  je  vois  avec  transport  le  bonheur 
»  que  j'espère  à  l'avenir.  Maintenant  je  vous  supplie,  par  cette  vertu  qui 
»  vous  guide  au  sommet  sans  éprouver  le  tourment  du  froid  ni  celui  du 
»  chaud,  qu'il  vous  souvienne  de  soulager  ma  douleur    1).  » 

On  a  vu  que  Dante  donne  la  préférence  à  Arnaud  Daniel  sur  le 

(1)  Je  traduis  d'après  le  texte  rétabli,  pag.  74. 


TO  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

poète  Kmousin  :  ce  poète  étoit  Grraud  de  Bomeif,  dont  il  reste  environ 
quatre-vingt-dix  pièces. 

«*  Giraud  de  Borneil ,  dit  le  biographe  des  troubadours  ,  naquit  en 
»  Limousin  au  pays  d'Exideuif ,  dans  un  riche  château  du  vicomte  de 

*  Limoges  pi  étoit  d'une  condition  peu  élevée,  mais  savant  «homme  de 
»  lettres:  il  eut  naturellement  beaucoup  de  sens,  et  fut  meilleur  trouba- 
»  dour  qu'aucun  de  ceux  qui  avoient  existé  avant  lui  ou  qui  existèrent 
»  après.  C'est  pourquoi  il  fut  appelé  maître  des  troupadours, 
»  et  H  l'est  encore  pour  tous  ceux  qui  entendent  parfaitement  les  corn- 
»  positions  ingénieuses ,  heureusement  nuancées  d'amour  et  de  raison. 
*>  Il  fût  beaucoup  honoré  par  les  personnages  distingués ,  par  les  con- 
»'noi*seurs  ,  et  par  (es  dames  qui  entendoient  les  savantes  expressions 
^  de  ses  chansons.  Sa  manière  de  vivre  étoit  telle,  que,  pendant  tout 
*>  l'hiver,  il  étudioit  et  s'instruisolt ,  et,  pendant  tout  l'été,  il  adoitpar 
»  les  cours,  menant  avec  lui  deux  musicien*  qui  chahtoient  ses  chansons. 

*  Il  ne  voulut  jamais  se  marier;  et  tout  ce  qu'il  gagnoit,  il  le  donnoif  à 
»  ses  pauvres  parens  et  à  l'église  de  sa  ville  natale;  cette  église  s'appeloit 
»  et  s'appelle  encore  Saint-  Gertafs.  » 

Ce  qui  ajoutait  encore  à  la  réputation  de  Giraud  de  Borner! ,  c'est 
tju'il  passoit  pour  le  premier  troubadour  qui  eût  fait  des  chansons. 

On  lit  dans  la  vie  de  Pierre  d'Auvergne  :  «  H  ne  fit  aucune  chansohf 
»cûr  dfens  ce  temps  aucun  chant  ne  s'appeloit  chanson  (i),  mais 
»  VERS  :  depuis  lors,  Giraud  de.  Borneil  fit  la  première  chanson  qui 
*»fut  jamais  composé*;  Pierre  d'Auvergne  étoit  tenu  pour  le  premier 
»  troubadour  du  monde,  jusqu'à  ce  que  vint  Giraud  de  Borneil.  » 

On  lit  dans  la  vie  de  Bertrand  de  Born  qu'Alphonse  II,  roi  d'Aragon, 
tfiarioit  les  chansons  de  Giraud  de  Borneil  aux  sirventes  de  Bertrand  de 
Born.  C'étoit  rendre  un  noble  hommage  au  talent  et  à  la  renommée  de 
Giraud  de  Borneil. 

Dante- ose  combattre  cette  opinion  générale  ,  pour  accorder  la  pré- 
férence à  Arnaud  Daniel. 

Dans  le  sirvente  que  Pierre  d'Auvergne  composa  pour  critiquer 
divers  troubadours,  le  passage  suivant  est  dirigé  contre  Grraud  de 
Borneil. 


(i)  Il  6st  vraisemblable  que  le  biographe  étoit  mal  instruit:  quand  le  comte 
de  Poitiers,  à  la  fin  du  Xl.c  siècle  ou  dans  les  premières  années  du  XII.e,  com- 
mença une  pièce  par  ce  vers,  FARAI  CANSONETA  NUEVA,  sans  doute  la 
chanson  étoit  connue;  le  diminutif  catisoneta  n'a  pu  être  employé  qu'après  le 
primitif  canson. 


; ^fe  H<m&  *#.  Giraj&d-dfe  BonreUt  fcîli i^Iiroît  un  litige  séché ao 
»  soleil  9  avec  son  chant  maigre  et  dolent  qui  est  un  chant rdfi 


porteuse  deau  ;  s  il  se  regardoit  au  miroir,  il  ne  se  priser  oit  pas  un 
»  trait  d églantier.  Le  troisième  est  Bernard  de,YenUdoùi:#.  qui  est  un 
»  cran  en  dessous  de  Giraùd  de  qornen.  >p  , 

Ainsi  la  satire  de  Pierre  d*Àu  y  ergne.  n'attaque  que  là  personne  de 
Giraud  de  BorneH,  et,  à  moH  aVts',  ce  nest  p«  un  eiôge  médiocre  que 
de  placer  Btfrifaï^'deVehtadôùrïpres  fui."/1 

o:j|^8  Anoirçe  de  Montaudon  lancer  à  iocmtfcÀir  an.  sit^enté  qui  devînt  le 
pppdsmt  {testai  de  Fietfrd  <d'Autoc«gn4  ; "; fe  rnoine  satrriqàe1#epK)dto  k 
^rruud  Daniel  son  génie  dwwwk^itdoffvi'»  ;,;-|,i '■'»  .  .*  L>  j  -  r  ^:* 
.  ;.<sLe  sepuàmo  est*  Arnaud  Djanid,  qui  t,  de  tdute  sa  vienne  chanta 
»^efl*fXjÇiB|>té:unj&  çeuiç  pièce  qu'en tt'éptend pas; :depufe qu'il  chassa 
^Vtle  4wvre  avec  Je bceuf  etxçu'it  ^geâeontre  i  la  courant  J  son  chant  #ie 
»  valut  pas  un  fruit  d'égJarilier;  »  '.  ÏM-s'.D.m.  .  :  /.i-.  >!»;  «;«;  :n  vu  « 
^/Cçtte  ept&ioii  xki  1  mofoe  ide  Montaucton  me  coiïdiiit>ifatureHemlnt 
^?f!èrnde*^ornpositîi)usLd?Arnaai  £}.lniel.  Dame  tëaniottÊ  sans  ie**' 
triction  dans  les  vers  déjà  cités,  et  Pétrarque, -dans  sbn  Trhmpke 
4[nw<mt  a  dit  1  ce,'  Le  premier  entre  1  ïàuà ,  Arnaud  Paniei  *  grand  maure 
>>  {£a,mour,  qui  (ait  encore  honneur  ai  son  poys  par  qep  poésies  neuves  et 

•>  Jolies  (  j).  m»      '-f.'.r:-.   ;      /»,/        i    *'■    i>   ,-"•:>-■ 

nJf  est  peraiis  dftctoifeque  d^sbomposith>ns  considérables  tfAmaûrf 
Ç>ani^J  ont  été>petdue&>:  puisqufil  s'en  faut  beaucoup  que,  d'après 
faftvftr$  qui  nous  ntstèret  ri*  iip ,  oippûtJuicoûfirmer  le  titre  de  grand 
açutre  d'amour  (a).;  mais  cetae qplaitâàmon  luràvok  été  méritée  sans 
dputçpafi (statues  ouvrages»  teIsr*p»*ott  roman  de  Lançelot  du  Lac, 

— é—à+mm yè«*»«*Ui— — ^— — — — „  ,  ,  — . — — — — — — — — — — ■— — m—+mm 

\  -  •  • 

<t   .f  I  :  :   l    .    !         f  iJ  1    II    .       '« 

(^jti  ur  Fw  luaitli^rimb  ArnaWb-DamtHo  ;.;•■»  .  •  ''        -"'    •  *•'"• 

•)t/'  l   >  o     Gr*n,waeftr$4/^  j  ju       -, .         .)-...:■ 

ljI    <  \    .     "è  {Petr  A  RCA,  Trionfo  d*amore  ^cap.  4.)  ^      , 

•^iOint'k'tbme  Vtfu  Choi*  dès  fotsïès  Ses  troùbadoufs ,  faiditd'AVrtîuà 

Daniel,  page  30  :  «  En  lisant-  !*i*HWtagesxfu  F  irons  réstêirt  de  ce  tro&Dadtitïr;  étf 

* ÇJfW^Wrfl^cUWB^M lewiwkes  de:lai.«raa<fcxfllébkité.dbnt  ilaf^dii  dt  ion 

•  vîvanteiquiiy^  ç««Wfiî^é|9«f?  4t  <3«AMi^4l:S^^Maîfcl^ciftMOrâ 

a,farcnt  trant rrm  Ui  recueil»  qui  le»  conntiinene.  Arnaud  Daniel  semble  avoir 

"îtSè -!*Jîfef r5e,rie- ^'  V^f*-» .■}'<9Kw<fi«d« expwwiPM.l'iw^Mrtiocf 4«» 
*rtim  recherch^(i?,  ,  ;  ,  cl,.BIJ,rii[  fi„iB  '|J,n  -j  mu  '*ibn  obir.n.A  -.rh 


7x  .      JOURNAL  DES  SÀVÀNS , 

traduit  en  allemand  fers;  la  fin  du  XIH."  siècle ,  et  celui  dont  Pulci  parle 
eft'oes  ternies:  . 

['       ' .      Dopo  coitui  venne  H  famoso  Arnaldo, 
Che  molto  diligentemcnte  ha  icritto, 
£  investtgô  le  opre  di  Rinaldo, 
De  Te  gran  coie  che  fecé  in  Egitto,  &c. 

(  M ar gante  M aggiore,  cant.  27 ,  ott.  80.  ) 

jî  Le  biographe  d'Arnaud  Daniel  avoit  dit  de  ce  poète  :  ce  Arnaud 

*  Daniel,  fot  du  même  pays  qu'Arnaud  de  Marueil,  de  l'évèché  de  Pé- 
»  rigord,  et  d'un  château  appelé  Ribeyraa  il  étoit  gentilhomme.  II 
«apprit  parfaitement  les  lettres;  et  se  passionnant  pour  Fart  des  trou- 
*badoùi'*yil  abandonna  les.  lettres  «et  se  fit  jongleur  :  il  inventa  une 
»  manière , de  trouver  en  rimes  difficiles;  c'est  pourquoi  ses  chansons 
»  lie  sont  pas  aisées  à  entendre  ni  à  apprendre.  » 

Les  vers  que  Dante  a  prêtés  à  Arnaud  Daniel  sont  beaucoup  plus 
,  soit  pour  Ja  diction,  soit  pour  les  rimes,  que  les  pièces  qui  nous 
restent  de  ce  troubadour. 

Parmi  les  textes  imprimés  de  la  Divina  commedia  que  je  pourrois 
indiquer,  afin  d'y  appliquer  les  corrections  fournies  par  divers  manus- 
crits, je  choisis  l'édition  que,  dans  le  siècle  dernier,  le  P.  Pompée 
Yenturi  publia  avec  commentaire ,  d'après  celle  que  les  académiciens 
de  la  Crusca  avoient  donnée  en  l  590.  Pans  son  commentaire  ,  il 
^exprima  singulièrement  sur  ces  vers ,  qù'H  traduisit  en  note  r  «*  Ar-; 
*.naud  Daniel,  dît-il,  lui  répond  en  langue  franque,  partie  provençale 

*  et  .partie  catalane»  associant  ensemble  le  méchant  français  avec  fe 
»plus  mauvais  espagnol ,  peut  -  être  pour  montrer  qu'Arnaud  pariait 
»  bien  l'une  et  l'autre  langue  (1).  » 

M.  Biagioli,  dans  son  commentaire  sur  la  Divina  commedia  , 
attaque  vivement  ces  expressions  du  P.  Venturi ,  et  propose  quelques 
corrections  du  texte,  fournies  par  une  personne  très-habile  dans  la 
langue  dès  troubadours  ;  ces  corrections ,  sans  faire  trop  de  violence 
aju  texte,  foufnjssoient  un  sens  assez  naturel. 

J^avois  moi-même  donné  à  un  autre  éditeur  de  Dante  mes  correc- 
tions conjecturales ,  pour  ramener  le  texte  à  une  intelligence  facile. 
,  Mais  toutes  ces  tentatives  n'étant  fondées  sur  l'autorité  d'aucun  ma- 


■h  :\    1 


'Sp}X31l  flspotodetn  lingtt*Agianntezéra^  parte  provenzale,  è  parte  catalans, 
attttE&ftnido  întftme  petfidë  francese col  perttmo  spagnuolo,  forse  per  mostrâre 
che  Arnaldo  nelL'  una  e  nell'  altra  lingua- era  buon  parlatore;     J 


FÉVRTER   1830.  73 

nuscrit,  avoîent  besoin  d'être  justifiées  par  la  confrontation  de  ces  vrais 
témoins ,  de  ces  uniques  garans  du  texte  primitif  :  c'était  donc  à  tra- 
vers les  nombreuses  variantes  des  divers  manuscrits  que  Ton  pouvoit 
suivre  les  traces  de  ce  texte,  et  remonter  à  la  véritable  leçon  de  Fil- 
lustre  poète.     , 

En  1823,  parut  à  Udine  une  nouvelle  édition  qui,  importante  à 
plusieurs  égards,  Test  devenue  sur-tout  pour  aider  au  rétablissement 
de  ces  vers  provençaux. 

Le  texte  entier  de  la  Divina  COMMEDIA,  accompagné  de  notes, 
est  heureusement  corrigé  et  rétabli  d'après  un  grand  nombre  de  ma- 
nuscrits dont  la  liste  se  trouve  en  tête  du  premier  volume,  et  notam- 
ment d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  du  commandeur  Bartolini; 
circonstance  qui  a  fait  distinguer  cette  édition  par  le  titre  de  BARTO- 

LINIANA. 

Les  vers  provençaux  y  offrent  quelques  corrections  remarquables  ; 
l'éditeur  me  fit  l'honneur  d'exprimer  ses  regrets  sur  ce  que  la  distance 
des  Heux  ne  lui  avoit  pas  permis  de  conférer  avec  moi,  pour  assurer  la 
vraie  leçon  primitive. 

Excité  par  les  vœux  de  l'éditeur,  et  favorisé  de  ses  propres  investi- 
gations, je  résolus  d'exécuter  le  projet  que  j'avois  formé  depuis  long- 
temps, de  vérifier,  dans  les  manuscrits  de  Dante,  toutes  les  variantes 
qu'ils  pouvoient  fournir,  de  les  choisir  d'après  lès  règles  grammaticales 
et  les  notions  lexicographiques  de  la  langue  des  troubadours,  afin  de 
retrouver  par  ce  moyen  le  texte  primitif. 

Les  nombreux  manuscrits  de  la  bibliothèque  du  Roi ,  trois  manuscrits 
de  la  bibliothèque  royale  de  l'Arsenal,  auroieht 'presque  suffi  au  succès 
*fle  l'opération,  qui  devint  assuré  par  la  communication  que  j'eus  des 
variantes  des  manuscrits  de  Florence  et  de  Rome. 

C'est  ainsi  que,  sans  aucun  secours  conjWturaf ,  sans  aucun  déplace- 
ment ni  changement  de  mots,  je  suis  parvenu,  par  le  simple  choix  des 
variantes,  à  retrouver  un  texte  provençal  conforme  à  la  grammaire  et  à 
la  lexicographie  de  l'époque,  et  tel  qu'il  a  dû  être  produit  par  Dante, 
qui,  comme  je  l'ai  déjà  dit,  connoissoit  parfaitement  la  langue  des 
troubadours. 

TEXTE   DE    L'ÉDITION  DU    P.    POMPÉE   VENTURI. 

Tan  m'abbelfs  votre  cortois  deman , 
Chi  eu  non  puons,  né  vueil  a  vos  cobrire; 
Ieu  sut  Arnaut,  che  plour ,  e  vai  cantan  ; 
Con  si  tost  vei  la  spassada  folor 

t 


74  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Et  vie  giau  sen  le  }orf  che  sper  dcnan. 
Ara  vus  preu  pera  chella  valor, 
Che  vus  ghida  ai  som  délie  scalina , 
Sovegna  vus  a  temps  de  ma  dolor. 

TEXTE   RÉTABLI  D'APRÈS  UN  GRAND  NOMBRE  DE  MANUSCRITS  (l). 

Tan  m'abellis  vostre  cortes  deman , 

Ch'  ieu  non  me  puesc  ni  m  voil  a  vos  cobrire; 


(i)  COMMENTAIRE  JUSTIFICATIF  DES  CORRECTIONS. 

/."  vers.  Tan  m'abcllis  vostre  cortes  deman. 
Tant  me  fiait  votre  courtoise  demande. 

VoSTRE  au  lieu  de  votre,  vestre,  &c,  mss.  de  la  Bibl.  du  Roi  700J,  anc.  fonds  ; — 
de  la  bibl.  roy .  de  l'Arsenal,  n.°  30;  —  de  la  bibl.  Barberina ,  ce.  q.  1  .•  ;  —  texte 
de  l'édition  Bartoliniana.  Cortes  au  lieu  de  cortois,  mss.  de  la  Bibl.  du  Roi 
700^,  anc.  fonds; —  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  30  ;  —de  la  bibl.  Barberina, 
ce.  4«  *  -°  et  2.0  ;  —  de  la  bibl.  Angelica ,  S.  10.  ;  —  de  la  bibl.  Casanatense.  H.  a, 
III.  4  et  y  ;  —  texte  de  l'édition  Bartoliniana. 

2.*  vers.  Ch*  ieu  non  me  puesc  ni  m  voil  a  vos  cobrire. 
Que  je  ne  me  puis  ni  nu  veux  à  vous  cacher. 

PueSc  ou  puosc  ,  au  lieu  de  puons,  pons ,  &c. ,  mss.  delà  bibl.  royale  de  l'Ar- 
senal, n.°  30; — de  la  bibl.  Baroerina,  S.  2  9  ; — de  la  bibl.  Mediceo-Laur.,  cod. 
du  XlV.e  siècle,  36; — texte  de  l'édition  donnée  par  l'Académie  de  la  Crusca.  Ni 
au  lieu  de  ne,  mss.  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  30  ; — de  la  bibl.  Barberina ,  ce. 
q.  i.°;  —  de  la  bibl.  Mediceo-Laur.  du  XIV.*  siècle,  n.°  25,  n.°  36,  n.°  155; du 
XV.e  siècle,  n.°  18,  n.°  27,  n.°  28,  n.°  72; — de  l'abbavé  florentine  du  XïV.c  siècle 
avec  le  commentaire  de  Buti.  Vos  au  lieu  de  vus  <xc. ,  mss.  de  la  bibl.  roy.  de 
l'Arsenal, n.°  29 et  n.°  30;  —  delà  bibl.  Angelica,  S.  2.  9. ,  et  S.  2.  10;  —  de  la 
bibl.  Casanatense,  H.  111.  4* 

4-e  vers,  Consiros  vei  la  passada  follor. 
Chagrin  je  vois  la  passée  folie. 

CoNSlROS  et  non  con  si  tost,  consitos,  &c,  mss.  de  la  Bibl.  du  Roi,  7,002  et 
700^,  et  n.°  5  fonds  réservé;  —  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  29  et  n.°  30 
bis;  —  de  la  bibl.  Barberina,  ce.  q.  2;  —  de  la  bibl.  Mediceo-Laur.,  cod.  du 
XIV.C  siècle,  n.°  2,  n.°  7,n.°  iyj  du  XV.e  siècle,  n.°  1,  n.°  20,  n.°  27,  n.°  37; 
—  texte  de  l'édition  Bartoliniana.  Là  PASSADA  au  lieu  de  las  passada,  laspas- 
sada,  &c. ,  mss.  de  la  Bibl.  du  Roi  700J; —  de  la  bibl.  Mediceo-Laur.,  cod. 
du   XIV.C  siècle,  n.°  130,  et  du  XV  e  siècle,  n.°  72. 

//  vers.  E  vei  jauzen  Jo  joi  qu'esper  dcnan. 

Et  je  vois  joyeux  le  bonheur  que  j'espère  à  l'avenir. 

Vei  JAUZEN  au  lieu  de giausen , giau  sen,  &e.  Presque  tous  les  manuscrits  qui 
n'ont  pas  défiguré  ce  mot,  portent  Giausen  pour  JAUZEN,  les  copistes  ayant 
substitué ,  d'après  l'orthographe  italienne,  Gl  au  j  des  troubadours.  La  variante 


FÉVRIER   183&  <n 

leu  sui  Arnautz,  che  plor  e  vai  cantan  ; 

Consiros  veî  la  passa da  follor 

E  veî  jauzen  lo  joi  qu'esper  denan  ; 

Aras  vos  prec,  per  aquella  valor  .   ., 

Que  us  guida  al  som  sens  freich  e  sens  câlina» 

Sovegna  vos  atenprar  ma  dolor. 


• 

jauzen  se  trouve  aux  mss  de  la  Bibl.  du  Roi  700J;  —  de  la  Bibl.  du  Roi, 
supph1  non  coté; — de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  30.  Lo  JOI  au  lieu  de  lo  jor, 
le  gioi ,  mss.  de  la  bibl.  Mediteo-Laur.,  cod.  du  XIVe.  siècle,  n.°  36,  n.a  2$ , 
n,u6t  n.°  155,  n.°  16 !  ;  —  duxv.*  siècle,  n.°  3-,  n.°  27,n.°  20;  —  de  la  bibl.  del 
Villanij  XlV.e  siècle,  n.°  1  .; —  Je  la  bibl.  Barberina,  ce.  q.  2.0  —  de  la  bibl. 
Casanatense,  H.  III.  5  ; — texte  de  l'édition  Bartoliniana.  L'article  LE  au  lieu  de 
LO  étoit  une  faute  si  grossière,  qu'il  est  étonnant  qu'elle  se  trouve  dans  l'édition 
publiée  par  l'Académie  de  la  Crusca.  Qu*  au  lieu  de  c/i.  C'est  encore  ici  une 
substitution  de  l'orthographe  italienne  à  l'orthographe  de  la  langue  des  trouba- 
dours. Qu'  ou  K  se  trouve  dans  un  petit  nombre  de  manuscrits,  tels  que  ceux, 
de  la  Bibl.  du  Koi  suppl.'  non  coté; —  de  la  bibl.  roy.. de  l'Arsenal >  n.°  29  et 
n.°  30  ;  —  de  la  bibl.  Casanatense,  et  au  texte  de  l'édition  Bartoliniana. 

6j  vers.  Aras  vos  prec  per  aquelia  valor. 

Maintenant  je  vous  prie  par  cette  vertu. 

ARAS,  au  lieu  d'ara,  mss.  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  30.  Vos  au  lieu 
d'us,  de  vus,  mss.  de  la  bibl.  Casanatense,  H.  ni.  5  ; — de  la  bibl,  roy.  de  l'Ar- 
senal ,  n.°  29  et  n.°  30.  Prec  et  non  preu,  &c,  mss.  de  la  bibl.  du  Roi,  700  £, 
et  n.°  j  fonds  réservé,  mss.  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal ,  n.°  29  et  n.°  30;  — 
texte  de  l'édition  Bartoliniana.  Aqu.ella  au  lieu  dzachella,  mss.  de  la  Bibl.  du 
Roi,  n.°  5 ,  fonds  réservé  ;  —  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  29  ;  —  de  la  bibl. 
Mediceo-Laur.,  cod.  du  XI V.e  siècle,  n.°25,  cod.  du  xv.e  siècle*  n,°  1 ,  cod.  del 
Villani  xrv.c  siècle,  n.°  n. 

7/  vers.  Que  us  guida  al  som  sens  freich  e  sens  câlina. 
Qui  vous  guide  au  sommet  sans  froid  et  sans  chaud. 

Que  au  lieu  de  ch ,  ms.  de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°  29.  Sens  DOL  ou 
freich  E  SENS  CALINA  et  non  de  l'escalinà,  mss.  de  la  Bibl.  du  Roi, 
n.  7001 ,  n.°  700-j,  n.°72j2et  n.°  72*3  ;  — de  la  bibl.  roy.  de  l'Arsenal,  n.°2o; 
— de  la  bibl.  Barberina,  ce.  q.  2  ;  — ae  là  bibl,  Casanatense,  H:  ni.  5  ;  —  de  fa 
bibl.  Mediceo-Laur.,  cod.  du  xiv.c  siècle,  n.°  2  et  n.°  141 ,  cod.  du  XV.«  siècle, 
n.à  1  ;  —  texte  de  l'édition  Bartoliniana.  Que  us  ne  forme  qu'un  pied  et  guida 
al  que  deux. 

8.f  vers.  Sovegna  vos  atenprar  ma  dolor 

Qu'il  souvienne  à  vous  de  soulager  ma  douleur. 

Atenprar  ou  atenplar  au  lieu  de  a  temps  de,  mss.  delà  Bibl.  du  Roi  7001 
et  725^,  anc.  fonds;  —  de  la  Bibl.  du  Roi,  n.°  10,  fonds  réservé;  — de  la 

bibl.  Mediceo-Laur. ,  cod.  du  XV.«  siècle ,  nu°  8.    

K   2 


4  • 


76  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

OBSERVATIONS  SUR  QUELQUES  MOTS  DU  TEXTE  RÉTABLI.      • 

j.f  vers  :  Ieu  SUI  Arnautz. 

Cette  portion  de  vers  se  trouve  dans  un  ouvfage  d'Arnaud  lui-même  X 

Ieu  SUI  Arnautz  qu'amas  l'aura.         (  Vie  d'Arnaud  Daniel.) 

Je  suis  Arnaud  qui  amasse  l'air. 

4?  vers  :  Consiros,  COSSIROS,  adjectif,  signifia  triste,  chagrin, 

soucieux ,  rêveur. 

Per  que  m'a  m  mais  un  paubre  qu'es  joios 

C'un  rie  ses  joi  qu'es  tôt  l'an  CONSIROS. 

(  Folquet  de  Marseille  :  S'al cor plagues.  ) 

C'est  pourquoi  j'aime  plus  un  pauvre  qui  est  joyeux  qu'un  riche  sans 
toute  l'année  chagrin. 

Consire,  cossire,  consirier,  cossiriers  ,  signifi oient  dans  la 
langue  des  troubadours,  rêverie,  souci ,  inquiétude,  chagrin. 

Cossiraire  eut  la  même  acception  que  COSSIROS.  Et  le  verbe 
CONSIRAR   signifia  considérer,  contempler ,  rêver,  réfléchir, 
j.'  vers  :  Jauzen,  joyeux ,  jouissant,  heureux. 

D'amorpusJAUZENSqueno  suelh.  (  Arn.  DANIEL  :  A b  placer.  ) 
Plus  joyeux  d'amour  que  je  n'ai  coutume. 

J OY ,  bonheUr,  joie;  esperar,  espérer. 

E  s'ieu  anc  jorn  fui  gays  ni  amoros , 

Er  non  ai  JOY  d'amor  ni  non  l'esper. 

(Folquet  de  Marseille  :  S'al  cor.) 

Et  si  jamais  un  jour  je  fus  gai  et,  amoureux,  maintenant  je  n'ai 
bonheur  d'amour ,  ni  ne  l'espère. 

y.c  vers  :  Som  signifia  sommet,  sommité,  tant  au  propre  qu'au  figuré. 

Cascun  jorn  s'en  anava 

AI  SOM  de  la  raontanha.  (  V.  de  S.  Honorât.  ) 

Chaque  jour  il  s'en  alloit  au  sommet  de  la  montagne. 

El  som  detota  perfectio.  (  V.  et  vert,/©/,  j/.  ) 

Au  sommet  de  touU  perfection. 

Dol  forme  sans  doute  un  sens  complet  avec  câlina.  Dol  signifia 
douleur,  deuil. 

Ai!  quais  dols  es!  (Giraud  deCaleNSON:  Belhs  seuher.) 

Ah!  quelle- douleur  c'est! 

Trop*  es  lo  DOLS  angoissos  e  cozens 

{Aimeride  PeguilaiN:  S'ieuanc.) 
La  douleur  est  trop  angoisseusett  cui$anter 


FÉVRIER   1830.  77 

.  La  version  sens  dol  se  troure  dans  un  plus  grand  nombre  de 
manuscrits  que  celle  de  SENS  freich.  Toutefois  je  préfère  celle  ci ,  et 
voici  mes  raisons  : 

i.°  L'oppo$itipn  dç  frejch  et,  de  câlina  étoit  employée  par  les 
troubadours,  et  elle  est  plus  naturelle  que  celle  de  SENS  DOL  et  SENS 
câlina  ;  elle  est  sur-tout  dans  le  génie  de  la  langue  des  troubadours. 

Tant  ai  de  jôi  per  freg  ni  per  CALINA. 

(  Guillaume  de  Berguedan  :  Can  vei.) 

Tant) ai  de  bonheur  par  le  froid  et  par  le  chaud. 

2.0  Dante ,  au  troisième  chant  du  Purgatoire ,  parle  des  tourmens  que 
le  froid  et  le  chaud  font  éprouver  aux  infortunés  qui  sont  retenus  dans 
le  purgatoire  : 

A  sofferir  tormenti  CALDI  e  GELI 

Simili  corpi   la  virtù  dispone. 

N'est-il  pas  évident  que  le  troubadour  fait  allusion  à  ces  tourmens 
causés  par  le  froid  et  par  le  chaud ,  quand  il  dit  que  la  vertu  de  ces 
étrangers  les  guidera  au  sommet  sans  froid  et  sans  chaud,  c'est-à-dire  , 
sans  éprouver  l'action  du  froid  et  du  chaud  qui  tourmentent  dans  le 
purgatoire!  On  a  vu  que  câlina  signifie  chaleur. 

Cant  i'ivers  se  déclina 

E  toma  la  câlina.    (  Guillaume  de  Tudela.  ) 

*    Quand  l'hiver  s'éloigne. ...  et  la  chaleur  retourne. 
ACALINAR  signifia  échauffer. 


^■ntro  que  si  a  ben  tempratz 


fi  trop   freit  ni   trop  ACALINATZ. 

(Deudes  de  Prades  :  Auq  cass.) 
Jusqu'à  ce  qu'il  soit  bien  tempéré,  ni  trop  froid  ni  trop  échauffé. 

J'ajouterai ,  en  faveur  de  cette  variante  CALINA,  que  le  mot  n'existant 
pas  dans  fa  langue  italienne,  il  ne  seroit  guère  croyable  que  (es  copistes 
l'eussent  placé  dans  divers  manuscrits,  s'il  n'avoit  été  employé  primiti- 
vement dans  le  texte  de  Dante,  au  lieu  que  le  mot  scalina  existant 
dans  la  langue  italienne ,  ces  copistes  ont  été  facilement  induits  en 
erreur  jusqu'à  défigurer  Ce  texte  par  l'insertion  de  ce  mot  SCALINA. 

Atemprar,  atrempar,  formés  deTEMPRAR,  trempar,  signifient 
tempérer,  adoucir,  soulager. 

Mas  la  freidor  de  la  lhuna  et  de  l'aire  atrempa  cela  calor. 

(Liv.de  Sydrac,jW. $6.  ) 

Mais  la  froidure  de  la  lune  et  de  l'air  tempère  cette  chaleur. 


3o  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

une  aussi  brillante  destinée.  II  sera  Complet  te  ment  satisfait,  si  le  lecteur 
a  la  patience  d'aller  jusqu'au  bout,  et  de  voir  dans  son  ouvrage  un 
échantillon  un  peu  curieux  d'une  littérature  si  éloignée.  C'est. évaluer 
trop  peu  son  propre  travail;  çt  il  n'y  a  pas  d'amateur  du  théâtre  qui  ne 
lui  sache  gré  d'avoir  pris  la  peine  de  faire  connoître  une  production 
assurément  très-remarquable,  même  indépendamment  de  l'époque  et  de 
la  contrée  reculée  où  elle  a  pris  naissance. 

Le  sujet  du  drame  nouveau  est  historique,  au  moins  pour  1er  fond, 
pour  le  nom  et  le  rang  des  principaux  personnages ,  et  pour  quelques- 
uns  des  événemens  auxquels  il  est  fait  allusion.  Mais  à  la  Chiner 
comme  ailleurs,  on  se  donne  beaucoup  de  liberté  pour  arranger  lés 
faits  de  l'histoire  que  Ton  veut  introduire  dans  le  cadre  d'une  composi- 
tion dramatique.  Sous  l'un  des  empereurs  de  la  dynastie  des  Han  ,  dont 
le  règne"  précéda  de  quelques  années  la  naissance  de  Jésus-Christ,  la 
nation  des  Hioung  nou,  qui,  suivant  Ueguignes,  n'est  autre  que  celle 
des  Huns,  avoit  formé  dans  la  Tartarie  deux,  états,  l'un  au  nord  et 
Fautre  au  midi.  Le  prince  de  l'un  de  ces  états  ayant  été  vaincu  et  mis 
à  mort  par  les  Chinois,  la  nouvelle  de  sa  défaite  causa  à  son  rival, 
souverain  de  l'autre  moitié  de  la  nation  Hioung -nou,  un  sentiment 
mêlé  de  joie  et  de  terreur.  II  envoya  une  ambassade  à  l'empereur^  et 
témoigna  le  désir  d'être  admis  à  l'alliance. de  la  famille  impériale.  L'env 
pereur  avoit  parmi  sts  femmes  une  fille  de  bonne  maison ,  ce  qui.  veut 
dire  qu'elle  netoit  de  la  famille  ni  d'un  médecin,  ni  d*un  ouvrier, 
ni  d'un  marchand.  Cette  fille ,  nommée  Wang-tsiang>  reçut  le  titre 
de  Tchao-kiun,  et  l'empereur  Ja  donna  en  mariage  au  prince  tartare. 
C'est  de  cette  manière  que  les  souverains  de  la  Chine  satisfont  ordinai- 
rement au  désir  qui  leur  est  manifesté  par  les  rois  étrangers,  leurs 
voisins,  et  les  mariages  qui  confèrent  à  ceux-ci  le  droit  de  se  donner 
pour  gendres  des  empereurs  chinois  sont  presque  toujours  des  alliantes 
de  cette  espèce.  Voilà  à-peu-près  le  fondement  historique  sur  lequel 
Fauteur  a  établi  la  fable  de  sa  tragédie.  Du  reste,  il  s'est  permis  beau- 
coup d'altérations  graves  à  la  vérité  des  faits;  et  ce  qu'il  y  a  de  re- 
marquable, c'est  qu'au  lieu  de  suivre  les  inspirations  de  la  vanité  na- 
tionale ,  en  montrant  la  Chine  dans  sa  splendeur,  humiliant  les  nations 
voisines  par  la  supériorité  de  sa  puissance  et  de  sa  civilisation ,  -il  4  fait 
un  tableau  qui  a  eu  de  la  réalité  dans  plusieurs  époques  dç  déca- 
dence ,  mais  qu'on  peut  appeler  tout-à-fait  fantastique  pour  le  temps  qu'il 
a  choisi.'  II  est  permis  de  penser  qu'il  a  lui-même  composé  sa  pièce 
sous  l'influence  anti-nationale  des  Mongols,  alors  maîtres  de  la  Chine, 
et  que:  jamais»  sous  une  dynastie  d'origine  chinoise,  un  auteur  du  pays 
ue  m  serait  if>lu  à  dégrader  ainsi  à  plaisir  et  contre  k  vérité  de  l'his~ 


FÉVRIER    1830.  Bi 

toire,  la  mémoire  d'un  empereur  dont  le  règne  n'a  pas  été  sans  gfoire. 
Le  prologue  est,  comme  H  arrive  souvent,  récité  par  deux  person- 
nages qui  paraissent  successivement  sur  le  théâtre,  et  qui  sont  sup- 
posés agir  et  parier  en  deux  lieux  très-éloignés  l'un  de  l'autre.  Le  pre- 
mier est  le  prince  des  Tartares,  suivi  des  tribus  soumises  à  son  obéis- 
sance. Il  entre  en  déclamant  des  vers  qui  signifient  que  d'innombrables 
archers  le  reconnoissent  pour  leur  chef,  et  qu'il  est  attaché  comme  allié 
à  la  dynastie  de  Han.  Il  décline  ensuite  son  propre  nom.  «Je  suis,  dit-il, 
le  tchhen-iu  (  empereur)  Hou-han-ye.  J'habite  dans  les  déserts  de  Ta 
Tartarie  ;  je  domine  seul  sur  les  régions  du  Nord.  La  chasse  est  l'occu- 
pation de  notre  vie;  la  guerre,  notre  unique  affaire.  Wen-wang  {  au 
XI  i.c  siècle  avant  Jésus-Christ),  fuyant  devant  nous,  transporta  plus  à  l'o- 
rient le  siège  de  son  empire.  Weï-kiang,  redoutant  nos  armes ,  implora  la 
paix  avec  nous.  Hiun-yo,  Hian-yun,  tels  sont  les  noms  que  nous 
avons  portés  sous  différentes  dynasties.  Tchhen-iu,  Kho-han,  voilà  les 
titres  que  nos  princes  ont  reçus  par  succession  de  temps.  Dans  nos 
guerres ,  au  temps  des  Han ,  les  affaires  qui  occupoient  l'empire  accrurent 
notre  puissance;  nos  armées  furent  portées  au  nombre  d'un  million  d'ar- 
chers. Mon  aïeul,  le  tchhen-iu  Mo-thun,  enferma  dans  le  Pe- teng 
l'armée  de  Kao-ti  de  la  dynastie  de  Han,  et  l'y  retint  sept  jours.  La  paix 
fut  conclue  par  l'entremise  de  Leou-king ,  et  à  la  condition  qu'une  pont 
cesse  impériale  seroit  donnée  en  mariage  à  mon  prédécesseur.  Les 
mêmes  relations  se  sont  renouvelées  a  chaque  génération  jusqu'au  règne 
de  Hotï-ti  et  de  l'impératrice  Liu-heou.  Sous  Sîouan-ti,  les  princes  de 
notre  famille  se  sont  disputé  le  trône,  et  noire  puissance  a  été  affaiblie 
par  les  troubles  qu'ils  ont  excités.  Enfin,  toutes  nos  tribus  m'ont  élevé  au 
trône  sous  le  nom  du  tckken-iu  Hou-han-ye,  et  je  suis  véritablement 
neveu  par  alliance  des  empereurs  de  la  dynastie  Han.  Je  me  suis  avancé 
vers  le  midi ,  et  j'ai  approché  des  frontières  de  l'empire  à  la  têle  de  cent 
mille  combattans.  Je  m'honore  du  litre  que  porte  ma  maison  tar- 
taro-chinoise.  Ces  jours  derniers,  j'ai  dépêché  et  envoyé  pour  offrir  le 
tribut  et  solliciter  la  main  d'une  princesse  impériale.  J'ignore  encore 
si  l'empereur  des  Han  voudra  tenir  les  engagemens  qui  ont  été  jurés.  » 

Je  ne  m'arrêterai  pas  à  faire  observer  de  légères  différences  qui 
existent  entre  la  traduction  qu'on  vient  de  lire,  et  celle  de  M.  Davis. 
Maïs  ce  récit,  mis  dans  la  bouche  d'un  prince  tartare,  et  destiné  à 
commencer  l'exposition,  offre  plusieurs  singularités.  Le  résumé  des  mal- 
heurs que  les  Chinois  ont  éprouvés  dans  leurs  guerres  avec  les  Hioung- 
nou,  est  présenté  par  un  souverain  contemporain  de  notre  ère;  et  les 
événemens  qui  y  sont  rappelés,  sont  les  uns  très-anciens,  puisqu'ils  se 


\ 


82  JOURNAL  DES  SAVANS, 

rapportent  au  xn.c  siècle  avant  Jésus-Christ,  et  les  autres  beaucoup  trop 
modernes,  puisque  le  titre  de  khan,  par  exemple,  a  été  pris  pour  la 
première  fois  par  Tou-fun ,  qui  vivoit  quatre  cents  ans  après  fe  per- 
sonnage qui  en  parle.  If  faut  aussi  remarquer  les  expressions  S  al  lié  de 
la  famille  impériale,  de  neveu  des  princes  de  Han  et  de  dynastie  tartaro- 
chinoise,  par  lesquelles  Hou-han-ye  se  désigne  Jui-même  ainsi  que  sa 
maison.  Au  roi  des  Tartares  succède  le  ministre  chinois  Mao-yan-cheou, 
qiii,  au  milieu  du  palais  de  son  maître,  se  plaît  à  faire,  dans  un  monologue, 
Ténumération  de  ses  ruses ,  de  ses  perfidies  et  de  tous  les  moyens  odieux 
par  lesquels  il  a  réussi  à  capter  la  confiance  de  l'empereur,  en  lui  appre- 
nant à  écarter  ses  plus  sages  conseillers  et  en  favorisant  son  penchant 
pour  les  voluptés.  L'empereur  en  personne  interrompt  ce  fastueux  éta- 
lage des  crimes,  des  mauvais  sentimens  d'un  traître ,  et  vient ,  après  s'être 
nommé ,  dire  que  les  femmes  qui  peuploient  le  palais  intérieur  (  i  )  de  son 
père  ont  été  renvoyées.  Comment,  ajoute-t-il,  supporter  cette  soli- 
tude'. Le  ministre  lui  propose  d'user  du  droit  que  lui  donne  le  titre  de 
fils  du  ciel t  et  de  faire  chercher  dans  tout  l'empire  toutes  les  filles,  sans 
distinction  de  rang,  qu'elles  appartiennent  à  des  princes,  à  des  grands,  à 
des  militaires  ou  à  des  gens  du  peuple ,  pourvu  que  leur  âge  soit  entre 
quinze  et  vingt  ans,  et  que  leurs  attraits  soient  dignes  du  palais.  L'em- 
pereur goûte  cet  avis,  et  donne  à  Mao-yan-cheou  la  commission  de 
désigner,  parmi  les  beautés  de  tout  l'empire,  celles  qui  mériteront  que 
leurs  portraits  lui  soient  présentés,  pour  faire  lui-même  son  choix.  Ainsi 
finit  le  prologue,  qui,  comme  l'observe  le  traducteur,  est  proprement 
un  acte,  formant,  avec  les  quatre  qui  suivent,  la  division  la  plus  habi- 
tuelle des  drames  chinois. 

Au  premier  acte ,  le  ministre  vient  raconter  aux  spectateurs  de  quelle 
manière  il  s'est  acquitté  de  sa  commission.  Son  choix  s'est  dirigé  sur 
quatre-vingt-dix-neuf  filles  ,  dont  les  familles  lui  ont  fait  d'immenses 
présens  pour  obtenir  la  préférence.  Mais  à  Tseu-koueï,  petite  ville  du 
département  de  Tching  tou,  il  a  trouvé  la  fille  d'un  certain  Wang- 
tchang-tche,  nommée  Wang-tsiang.  et  surnommée  Tchao-kiun,  douée 
de  tous  (es  attraits  imaginables,  supérieure  en  beauté  à  toutes  les  femmes 
de  l'empire.  Le  père  est  un  laboureur  peu  fortuné;  le  ministre  lui  a 
demandé  cent  onces  d'or  pour  mettre  sa  fille  au  premier  rang  sur  sa 
liste.  Le  père  a  objecté  sa  pauvreté,  et  s'est  fié  aux  charmes  de  sa  fille 
pour  la  tirer  de  l'obscurité.  Mao-yan-cheou  vouloit  l'exclure  de  ia  liste: 

(i)  M.  Davis  se  sert  du  mot  arabe  de  haram ,  et  met  en  note  nehkoung. 
il  y  a  dans  le  texte  heou-koung,  palais  de  derrière,  arrière-palais. 


FÉVRIER    1830. 


Sj 


il  se  ravise  ensuite,  et  se  borne  à  altérer  son  portrait,  pour  qu'en  le 
voyant,  l'empereur  relègue  la  belle  Wang-tsiang  dans  le  palais  d'exil 
(ling  koung).  «  Elle  sera  malheureuse  toute  sa  vie,  s'écrie- t-il  :  l'homme 
dont  Ja  haine  est  foïble  n'est  point  un  sage;  celui  qui  ne  sait  pas 
nuire  ne  mérite  pas  le  nom  d'homme.  »  Après  cette  belle  maxime,  il 
se  retire,  et  fait  place  à  la  charmante  Tchao-kiun  elle-même.  Il  s'est 
écoulé  du  temps  depuis  son  arrivée  dans  le  palais  :  mais  la  ruse  du  mi- 
nistre a  été  couronnée  de  succès  ;  elle  n'a  pas  encore  vu  l'empereur. 
Elle  déplore  son  abandon  ,  en  jouant  de  la  guitare  au  clair  de  la  lune. 
L'empereur,  qui,  parmi  les  beautés  qu'on  lui  a  nouvellement  amenées, 
n'en  a  pas  encore  trouvé  une  qui  pût  mériter  ses  bonnes  grâces,  a  ré- 
solu, cette  nuit  même,  de  parcourir  de  nouveau  son  palais,  décidé  à 
fixer  enfin  son  choix.  Il  passe  près  du  lieu  où  Tchao-kiun  exhale  .ses 
plaintes,  l'entend,  la  fait  approcher,  admire  sa  Lt.au te ,  apprend  son 
aventure  de  sa  propre  bouche,  ordonne  le  supplice  du  traître  Mao-yan- 
cheou,  et  accorde  le  titre  de  reine  à  Wang-tsiang.  Celle-ci  témoigne 
avec  une  rare  naïveté  sa  joie  ei  son  trouble  à  l'occasion  des  bontés  dont 
son  souverain  l'honore.  Un  rendez-vous  est  indiqué  pour  le  lendemain 
matin.  La  nouvelle  reine  rentre  dans  son  appartement  pour  se  livrer  au 
sommeil. 

La  première  scène  du  deuxième  acte  se  passe  en  Tarlarie.  Le  prince  a 
reçu  de  la  cour  de  Chine  une  réponse  défavorable  ;  on  a  prétexté  la 
trop  grande  jeunesse  de  la  princesse  qu'il  deinaudoit  en  mariage.  Mais 
le  palais  des  Han  ne  coniUnt-il  pas  une  foule  innombrable  de  dames! 
Quelle  difficuté  de  fui  en  accorder  une!  Des  pensées  de  vengeance 
occupent  son  esprit  ;  il  craint  toutefois  de  rompre  une  paix  qui  a  duré 
tant  d'années.  Tandis  qu'il  est  agité  de  pensées  diverses,  Mao-yan- 
cheou,  échappé  au  supplice  qu'il  avoit  mérité,  arrive  au  camp  des  Tar- 
tares,  et  se  fait  présenter  à  leur  souverain.  Il  est  porteur  du  portrait 
de  la  belle  Tchao-kiun;  il  veut  le  montrer  au  prince  des  Hiong-nou, 
l'enflammer  pour  elle  et  l'obliger  à  la  demander  à  l'empereur  de  la 
Chine  Admis  en  présence  de  Hou-han-ye,  il  lui  fait  un  récit  concerté 
des  causes  de  sa  disgrâce ,  une  peinture  séduisante  des  charmes  de 
Tchao-kiun.  Le  prince,  cédant  a  ses  suggestions,  se  décide  à  renyoyer 
en  Chine  une  seconde  ambassade,  et  se  montre  résolu,  en  cas  d'un 
nouveau  refus,  a  faire  une  invasion  dans  les  Ci mirées  méridionales.  La 
scène  est  ensuite  transportée  dans  le  palais  des  Han;  la  princesse  est 
à  sa  toilette.  L'empereur ,  toujours  plus  épris  d'elle ,  a  négligé  le  soin  des 
affaires,  pour  être  tout  entier  à  sa  passion:  il  a  cessé  de  présider  son 
conseil;  il  n'a  pu,  dans  ce  jour,  attendre  jusqu'à  la  fin  de  la  séance;  il 


84  JOURNAL  DES  SAVANS, 

rentre  chez  sa  maîtresse  chérie  pour  l'observer  à  sa  toilette  ;  il  trace  un 
tableau  poétique  des  sentimens  dont  elle  a  rempli  son  cœur  et  du 
plaisir  qu'il  se  fait  de  la  retrouver.  Mais  à  peine  goûtent-ils  le  bonheur 
d'être  réunis,  qu'un  des  présidens  du  conseil  demande  à  être  introduit. 
Un  envoyé  tartare  est  arrivé  à  l'issue  de  la  séance;  il  a  fait*part  de 
l'ultimatum  de  son  maître.  On  a  remis  à  ce  dernier  le  portrait  d'une 
princesse  qu'il  demande  en  mariage  pour  unique  condition  de  la 
paix.  S'il  éprouvoit  un  refus,  rien  ne  pourra  l'empêcher  de  faire  une 
invasion  dans  les  contrées  du  midi,  à  la  tête  d'une  armée  innombrable. 
L'empereur  se  récrie  à  cette  proposition.  L'envoyé  est  admis  en  sa  pré- 
sence, et  répète  sa  demande.  La  princesse,  malgré  l'amour  qui  l'attache 
à  son  souverain,  offre  de  se  dévouer  pour  le  salut  de  l'empire.  Après  de 
longs  débats  entre  la  passion  et  le  devoir,  la  tendresse  et  la  politique, 
Fempereur  est  contraint  de  céder  aux  menaces  des  Tartares,  aux  vœux 
de  ses  peuples ,  aux  prières  de  ses  ministres  ;  il  renonce  à  celle  qu'il 
aime  :  il  la  cède  au  dangereux  allié  qui  met  à  ce  prix  la  continuation 
de  la  paix  entre  les  deux  empires. 

Le  troisième  acte  s'ouvre  par  la  scène  des  adieux.  L'empereur  ne  peut 
se  résoudre  à  laisser  éloigner  celle  qu'il  aime  ;  il  l'a  reconduite  près  de  la 
ville.  Aujourd'hui,  s'écrie  Tchao-kiun,  je  suis  encore  la  princesse  de 
Han,  et  j'en  porte  les  ajustemens  :  demain,  je  serai  la  femme  d'un  chef 
barbare  ;  je  dois  en  revêtir  le  costume.  Gardez  ces  vêtemens,  marque  de 
ma  dignité  passée.  L'ambassadeur  tartare  presse  le  départ;  les  mi- 
nistres chinois  exhortent  l'empereur  à  la  résignation.  Ce  prince  se  dé- 
sole, et  laisse  enfin  partir  l'objet  de  sa  passion.  —  Le  roi  des  Huns  entre 
ensuite;  on  lui  a  rendu  compte  du  succès  de  la  négociation  :  il  attend  (a 
princesse,  à  laquelle  il  décerne  d'avance  le  titre  de  reine  des  Huns, 
pacificatrice  des  barbares.  Il  ordonne  le  départ  de  ses  troupes  pour  le 
Nord,  et  se  retire.  —  La  princesse  paroît:  Quelle  est  cette  contrée, 
demande- t-elle  à  l'envoyé  qui  guide  sa  marche!  —  Ce  p>ays,  arrosé  par 
4e  fleuve  du  Dragon  Noir,  est  la  limite  de  la  Tartarie  et  de  la  Chine. 
Tout  ce  qui  est  au  sud  dépend  du  roi  de  Han;  ce  qui  est  au  nord  fait 
partie  de  l'empire  tartare.  —  La  princesse,  s'adressant  au  roi  des 
Huns:  Grand  roi,  dit-elle,  donnez-moi  une  coupe  devin,  pour  que  je 
fosse  une  libation  vers  le  midi ,  en  prenant  congé  de  (a  maison  de  Han , 
au  terme  de  mon  long  voyage.  —  Empereur  des  Han,  s'écrie-t-elle, 
la  vie  actuelle  de  ta  servante  est  terminée  ;  je  vais  l'attendre  dans  la  vie  à 
venir;  et  elle  se  précipite  dans  le  fleuve.  —  Hou-han-ye  fait  de  vains 
efforts  pour  la  sauver  :  if  déplore  cette  fatale  issue  d'une  négociation 
qui  lui  promettoit  le  bonheur;  il  ordonne  les  funérailles  de  la  princesse, 


33o. 


8î 


et  fait  livrer  l'auteur  de  touies  ces  infortunes  à  l'empereur  de  fa  Chine, 
pour  que  la  juste  vengeance  de  ce  prince  soit  exécutée,  et  pour  conso- 
lider la  paix  des  deux  états. 

L'action  principale  est  terminée,  et  le  quatrième  acte  n'est  qu'un  épi- 
logue assez  court,  contenant  les  regrets  de  l'empereur  des  Han.  II  n'a 
pu  reprendre  le  soin  des  affaires  publiques  ;  le  souvenir  de  la  princesse 
qu'il  a  dû  sacrifier  au  salut  de  l'état  l'occupe  tout  entier.  Il  brûle  des  par- 
fums en  son  honneur;  l'abattement  et  la  douleur  le  livrent  au  sommeil. 
La  princesse  lui  apparaît  en  songe,  et  comme  si  elle  se  fût  échappée  des 
mains  de  ses  conducteurs;  un  soldat  tartare  la  poursuit  dans  le  palais, 
la  saisit  et  l'entraîne;  l'empereur  se  réveille  à  cette  vision  :  les  cris  ré- 
pétés d'une  oie  sauvage  viennent  ajouter  a  son  trouble;  ce  présage 
extraordinaire  le  prépare  a  la  nouvelle  qu'apporle  le  président  du  con- 
seil. Un  envoyé  tartare  vient  d'arriver,  amenant  avec  lui  le  perfide 
Mao-yan  -cheou  enchaîné.  Il  apporte  la  nouvelle  du  dévouement  de  la 
princesse  et  de  sa  fin  tragique,  et  demande  les  ordres  de  l'empereur. 
Ce  prince  prononce  l'arrêt  du  traître,  dont  la  tête  sera  une  offrande  à 
l'ombre  de  la  princesse,  et  termine  la  pièce  par  quatre  vers  qui  en  con- 
tiennent en  quelque  sorte  le  résumé. 

L'analyse  qu'on  vient  de  lire  ne  donne  pas  l'idée  d'un  drame  fort 
régulier;  mais  elle  suffit  pour  faire  entrevoir  l'intérêt  qui  peut  s'atta- 
cher à  certaines  situations ,  a  des  scènes  bien  faites ,  à  un  grand  nombre 
de  détails  heureusement  développés.  Le  caractère  de  la  princesse  est 
beau  du  commencement  à  la  fin.  Celui  de  l'empereur  est  foible  ;  et  c'est 
de  la  part  de  l'auteur  un  tort  d'autant  plus  grave,  qu'en  cela  sur-tout  il 
s'est  écarté  des  traditions  de  l'histoire.  Mais  cette  faute  étoit,  pour 
ainsi  dire,  inévitable  dans  le  sujet  qu'il  a  inventé,  et  l'on  voit  souvent, 
même  en  Occident,  des  caractères  historiques  ravalés  par  des  écrivains 
qui  mêlent  aux  faits  réels  des  particularités  entièrement  imaginaires. 
Mao-yan -cheou  ressemble  aux  traîtres  de  tous  les  pays.  Sa  conduite 
est  d'abord  dictée  par  des  motifs  au-dessous  de  la  dignité  tragique;  la 
vengeance  qu'il  tire  de  son  maître  auroit  pu  le  relever,  si  fauteur  eût 
eu  plus  d'habileté.  Il  n'y  a  rien  a  dire  du  roi  des  Huns  ni  du  président 
du  conseil;  ce  sont  de?  rôles  sans  couleur,  et  qui  ne  sont  là  que  pour 
concourir  faiblement  à  l'action.  C'est  au  reste  une  chose  assez  remar- 
quable qu'une  pièce  en  cinq  actes  dont  la  fable  est  nouée  et  dénouée 
à  l'aide  de  trois  personnages  seulement.  II  en  résulte  un  intérêt  peu 
partagé,  et  c'est  la  seule  des  trois  unités  qui  soit  observée  dans  la 
pièce,  La  scène  est  à  chaque  instant  transportée  de  la  Tanarie  à  la 
Chine,  et  du  palais  des  Han  aux  bords  du  fleuve  du  Dragon  N'oir. 


J 


96  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

L'action  commençant  avec  la  commission  donnée  à  Mao-yan-cheou  de 
chercher  de  belles  personnes  dans  les  provinces  de  l'empire,  doit 
durer  assez  long-temps  pour  donner  le  temps  aux  divers  envoyés  tar- 
tares  d'aller  et  de  revenir.  Le  cri  de  foie  sauvage  est  un  avertisse- 
ment pris  dans  les  idées  superstitieuses  des  Chinois,  et  l'apparition  de 
la  princesse  et  du  soldat  tartare  qui  la  poursuit,  n'a,  comme  l'observe 
le  traducteur  anglais,  rien  de  plus  extraordinaire  que  la  vision  sem- 
blable qni  a  lieu  dans  la  tragédie  de  Richard  III.  C'est  en  songe  que 
l'empereur  voit  sa  bien-aimée;  et  si  le  poète,  pour  la  montrer  éga- 
lement aux  spectateurs,  s'est  vu  forcé  de  la  ramener  en  personne  sur 
la  scène ,  c'est  qu'il  n'a  pas  su  ou  osé  faire  débiter  à  un  personnage  en- 
dormi les  paroles  qui  auroient  été  nécessaires  pour  faire  connoître  les 
idées  qui  se  présentoient  au  prince  durant  son  sommeil. 

M.  Davis  a  très-bien  entendu  l'ouvrage  qu'il  avait  entrepris  de  tra- 
duire :  iia  rendu  généralement  avec  beaucoup  d'exactitude  la  partie  du 
drame  qu'il  a  cru  devoir  faire  passer  en  anglais;  et  si,  dans  l'analyse 
que  nous  en  avons  faite  sur  l'original  >  on  vient  à  noter  quelques  pasages 
que  nou«  exprimons  un  peu  autrement  que  hii,  il  sera  juste  de  remarquer 
que  le*  différences  sont  ou  tout-à-fait  insignifiantes,  ou  relatives  à  des 
|inriii'ulntiti'$  historiques  qui  n'ont  aucune  importance  dans  un  ouvrage 
dr  cotte  miture.  Mais  la  version  de  M.  Davis,  très-exacte  dans  les  par- 
tir» tir  l'original  quelle  comprend,  est  loin  Jètre  complète.  Si  nous 
relevons  cette  circonstance,  ce  nest  pas  dans  la  vue  de  diminuer  le 
|ii«tr  tribut  d'éloges  qu'on  doit  au  traducteur;  mais  n*us  ne  pouvons 
supprimer  une  observation  qui  se  rapporte  k  la  forme  même  des  com- 
positions dramatiques  des  Chinois,  et  qui  doit  servir  à  en  faire  juger  le 
génie  et  le  mérite. 

I.e  style  des  drames  ordinaires  h  la  Chine  est  très-simple  et  très- 
facile  dans  le  dialogue,  dans  les  récits ,  dans  tout  ce  qui  est  indispensable 
h  l'exposition  de  la  fable,  au  progrès  de  faction.  Il  faut  qu'il  en  soit 
ainsi,  pour  que  <\i's  spectateurs  de  tout  état  puissent  suivre  la  marche  de 
la  pièce  et  prendre  intérêt  aux  scènes  qui  se  jouent  devant  eux.  Mais  si 
les  parties  qui  sont  écrites  de  cette  manière  suffisent  pour  donner  une 
idée  générale  des  accidens,  de  la  situation  des  personnages,  de  leurs 
rapports  mutuels  et  de  la  catastrophe,  elles  sont  loin  de  présenter,  avec 
les  développemens  nécessaires,  les  nuances  des  sentimens,  le  jeu  des 
passions,  les  réflexions  morales;  ces  objets  sont  toujours  renfermés  dans 
la  partie  poétique  du  drame ,  dans  des  couplets  plus  ou  moins  étendus , 
écrits  en  vers  et  destinés  à  être  chantés,  et  qu'on  peut  d'autant  mieux 
comparer  à  nos  ariettes,  que  l'air  qui  convient  aux  paroles  est  toujours 


FÉVRIER    1830.  87 

indiqué  au  commencement.  C'est  cette  partie  poétique  qui  donne  aux 
pièces  un  mérite  littéraire  qui  en  fiiit  le  charme  pour  les  amateurs  ins- 
truits, qui  soutient  leur  attention  et  anime  la  scène  à  leurs  yeux.  Une 
pièce  chinoise  de  ce  genre  est  un  opéra,  dont  la  prose  représente  le  ré- 
citatif. Réduit  à  cette  prose,  ce  n'est  plus  qu'un  canevas,  qui  fait,  à  la 
vérité,  connoître  les  noms  des  personnages,  leurs  intérêts,  leur  conduite 
et  les  conséquences  qu'elle  entraîne,  mais  qui  ne  donne  aucune  idée 
des  émotions  qu'ils  sont  supposés  ressentir  et  produire  au- dehors.  Une 
pièce  ainsi  traduite  est  abrégée  de  plus  de  moitié  ;  mais  qui  pourroit  dire 
combien  elle  a  perdu  ^p  son  intérêt!  Cette  perte  doit  naturellement 
être  en  proportion  du  génie  plus  ou  moins  élevé  de  l'auteur  et  de  son 
talent  pour  la  poésie  :  car  plus  il  affectionnera  cette  manière  noble  et 
majestueuse  de  s'exprimer,  et  plus  il  donnera  à  la  partie  du  chant,  aux 
couplets  en  vers,  aux  ariettes.  D'ailleurs  la  place  que  ces  ariettes  oc- 
cupent ne  saurait,  sans  inconvénient,  rester  vide,  à  moins  qu'on  n'en 
avertisse  avec  soin:  car  si,  par  exemple,  un  héros  doit  prendre  une 
résolution,  ses  motifs,  puisés  dans  son  caractère  ou  dans  sa  situation, 
les  raisons  qu'il  a  de  se  soumettre  au  sort  ou  de*le  braver,  seront  exposés 
avec  les  ornemens  propres  à  la  mélopée  ;  et  en  ne  rendant  de  son  rôle 
que  les  portions  écrites  en  prose,  on  risquera  de  rapprocher  le  com- 
mencement et  la  fin  de  son  monologue  au  point  que  sa  détermination 
paroîtra  fantasque  ou  ridicule.  Les  nuances  s'effacent,  la  gradation  dis- 
paroît  entièrement;  et  en  accourcissant  de  moitié  son  rôle,  on  affoiblit 
d'autant  l'impression  que  ce  rôle  peut  produire,  et  l'intérêt  de  toute  na- 
ture qu'il  peut  inspirer. 

Nous  ne  prendrons,  dans  la  pièce  qui  nous  occupe  ,  qu'un  seul 
exemple,  qui  justifiera  les  considérations  précédentes.  L'empereur  est 
auprès  de  la  princesse  qu'il  chérit  ;  il  assiste  à  sa  toilette.  Un  conseiller 
d'état  est  introduit;  il  expose  la  demande  du  roi  des  Huns.  L'empereur 
se  trouble;  il  laisse  entrer  ï ambassadeur,  l'écoute,  cède  à  ses  menaces, 
et  renonce  à  l'objet  de  sa  tendresse.  Moins  de  trente  lignes  de  prose 
renferment  tout  ce  que  de  pareilles  circonstances  inspirent  aux  person- 
nages qu'elles  intéressent,  et,  sur  ce  nombre,  l'empereur  n'en  prononce 
pas  dix.  Une  telle  stérilité  de  pensées  et  de  paroles  ajoute  encore  à  ce 
que  la  faiblesse  de  ce  prince  peut  avoir  d'avilissant,  losqu'il  se  décide, 
par  amour  de  la  paix,  a  céder  sa  maîtresse  à  son  rival;  mais,  en  réalité, 
son  rôle  n'a  pas  ce  laconisme  déplacé.  Huit  grands  airs,  d'une  centaine 
de  caractères  chaque,  sont  intercalés  dans  l'original,  entre  le  moment 
de  l'arrivée  de  l'envoyé  tartare  et  (a  fin  du  deuxième  acte,  et  c'est  l'em- 
pereur qui  chante  tous  ces  airs,  pour  exprimer  d'abord  son  indignation 


88  JOURNAL  DES  SAVÂNS, 

des  lâches  conseils  que  lui  donnent  ses  ministres ,  puis  sa  douleur  de  se 
voir  enlever  par  un  barbare  la  princesse  qu'il  adore,  ses  inquiétudes  sur 
le  sort  qu'elle  éprouvera  dans  un  climat  sauvage.  Avec  ces  développe- 
mens,  le  prince  de  Han  est  loin  de  se  montrer  au  même  degré  de  rési- 
gnation stupide  que  lui  prêteroit  une  traduction  incomplète,  où  l'on  pas- 
seroit  par-dessus  toutes  les  répliques  qu'il  n'exprime  pas  en  prose.  Cette 
observation  peut  s'appliquer  aux  autres  situations  de  la  pièce,  et  à  toutes 
tes  parties  des  drames  lyriques  de  la  Chine. 

Le  P.  Prémare,  en  traduisant  l'Orphelin  de  Tchao,  a,  le  premier, 
donné  l'exemple  de  ne  traduire ,  dans  les  tragédies  chinoises ,  que  les 
parties  du  dialogue  qui  sont  écrites  en  prose,  et  de  se  borner  à  insérer, 
dans  le  rôie  de  chaque  personnage,  ces  mots ,  il  chante,  aux  endroits  où 
un  sentiment  plus  vif  ou  des  mouvemens  plus  passionnés  emportent  à- fa- 
fois  le  poète  et  l'acteur  à  s'exprimer  en  vers.  Assurément  ce  missionnaire, 
le  plus  habile  de  tous  ceux  qui  se  sont  appliqués  à  l'étude  du  chinois, 
ne  peut  pas  être  soupçonné  d'avoir,  en  cette  occasion ,  supprimé  ce 
qu'il  n'entendoit  pas.  II  écrivoit  d'ailleurs  à  la  Chine ,  où  l'on  ne  sauroit 
être  arrêté  par  des  difficultés  que  le  secours  des  lettrés  permet  tou- 
jours de  surmonter.  Mais  il  a  cru  san*  doute  que,  dans  un  travail  au- 
quel il  attachoit  lui-même  peu  d'importance ,  il  suffisoit  de  donner  une 
idée  générale  du  sujet  et  de  la  marche  d'une  pièce  dramatique.  Ce  qui 
vient  d'être  dit  du  P.  Prémare  s'applique  très-exactement  à  M.  Davis , 
qui  l'a  malheureusement  pris  pour  modèle  dans  sa  manière  de  traduire , 
et  qui  s'est,  à  l'exemple  du  missionnaire,  dispensé  de  rendre  le  sens 
des  ariettes.  M.  Davis  s'est  occupé  de  la  poésie  chinoise;  et  c'étoit  un 
bon  sujet  d'études  que  de  reproduire  ces  morceaux,  si  nécessaires  pour 
faire  juger  l'esprit  et  le  caractère  de  l'original.  S'il  étoit  arrêté  par  le 
style  pompeux  de  ces  passages,  par  les  métaphores  qu'on  y  entasse, 
par  les  allusions  qui  les  remplissent,  par  les  formes,  pour  ainsi  dire, 
énigmatiques  qu'on  y  donne  à  la  pensée ,  c'étoit  le  cas  de  recourir  aux 
explications  des  naturels,  qui  en  au  roi  en  t  aisément  dissipé  toutes  les 
obscurités.  La  justification  du  plan  qu'il  a  adopté  se  trouve  dans  les  lignes 
suivantes  de  sa  préface  :  ce  Ces  endroits  sont  pleins  d'allusions  à  des 
»  choses  qui  ne  nous  sont  pas  familières,  et  de  figures  de  langage  qu'il 
*>  nous  est  très-difficile  d'observer.  Ce  sont  d'ailleurs  fréquemment  de 
»  simples  répétitions  ou  amplifications  des  parties  écrites  en  prose ,  des- 
»  tinées  à  l'oreille  plutôt  qu'aux  yeux,  et  plus  convenables  pour  le 
»  théâtre  que  pour  le  cabinet.  »  Nous  pensons  que  les  personnes  qui 
auront  pris  la  peine  de  peser  (es  raisons  précédemment  rapportées  avec 
celles  de  l'auteur  anglais,  seront  peu  disposées  à  approuver  le  parti 


FÉVRIER   1830.  »9 

qu'il  a  suivi.  On  ne  connoîtra  véritablement  le  théâtre  chinois  que 
quand  un  littérateur  bien  versé  dans  l'intelligence  de  la  langue  s'atta- 
chera à  traduire  en  totalité  plusieurs  drames  choisis  parmi  les  plus  esti- 
més,-sans  aucune  suppression,  et  en  ajoutant,  s'il  le  faut,  un  cOjn- 
mentaire  aux  parties  qui  ne^  sauraient  être  complètement  entendues 
sans  ce  secours,  et  qui  sont  loin  de  mériter  le  dédain  avec  lequel  on 
affecte  de  les  considérer.  JVL  Davis  paroît  mieux  préparé  que  personne 
pour  exécuter  avec  succès  un  travail  de  ce  genre,  et  Ton  peut  espérer 
tjtt'il  s'en  occupera,  s'il  fait  encore  à  Canton  un  séjour  de  quelques 
années.  Nous  avons  eu  occasion  de  dire  plusieurs  fois,  dans  ce  journal 
et  ailleurs,  pourquoi  ii  seroit  téméraire  d'entreprendre  en  Europe  une 
tâche  -aussi  épineuse. 

Le  comité  de  traduction  pour  les  ouvrages  orientaux  établi  près  de 
Ja  Société  royale  asiatique  de  Londres,  avoit  fait  imprimer,  dans  le 
format  adopté  pour  ses  publications,  la  traduction"  de  M.  Davis;  lui- 
même  l'a  ■■  reproduite  à  la  suite  de  sa  nouvelle  traduction  du  roman  de 
VUhion  bien  assortie ,  qu'il  a  donnée  en  deux  volumes,  et  dont  nous 
nous  proposons  de  rendre  compte  prochainement. 

J,  P.  ABEL-RÉMUSAT, 


TRAVELSin  Arabia ,  compîehending  an  account àf f  those  terri  tories 
in  Hedja%  which  the  Mohammèdans  regard  as  sacred ,  hy  the 
Tate  John  Lewis.  Burckhardt  ;  published  by  authority  of the 
association  for  promoting  the  discovery  ofthe  interior  of  Africa. 
— -  Voyages  en  Arabie,  contenant  la  description  des  parties  du 
Hedja%  qui  sont  regardées  comme  sacrées  par  les  Mahométans, 
pat  feu  \.  L.  Burckhardt  ;  publiés  par  ordre  de  V association 
formée  pour  le  progrès  de  la  découverte  de  l'intérieur  de  l'Afrique. 
Londres,,   1829,  xvj  et  478-  pages  in-4.0 


SECOND    ARTICLE. 


Le  voyageur  Burckhardt,  après  nous  avoir  fait  connoître,  dans  le  plus 
grand  détail,  la  ville  et  les  faubourgs  de  la  Mecque,  traite,  dans  autant 
d'açtiçjes  séparés,  de  la  grande  mosquée  de  cette  ville,  ou»  comme  s'ex- 

M 


$o  JOURNAL  DES  SÂVANS, 

priment  les  musulmans,  de  la  Maison  de  Dieu  [BeïtoiSllak) ,  de  l'his- 
toire de  cette  mosquée  et  de  (a  Caaba ,  des  autres  lieux  réputés  saints , 
soit  dans  la  ville  même,  soit  dans  ses  environs,  et  que  (es  pèlerins  ont 
coutume  dç  visiter;  des  habitans  de  la  Mecque  et  de  Djidda;  du  gou- 
vernement de  la  Mecque;  du  climat  et  des  maladies  de  cette  ville  et 
de  Djidda;  enfin  du  haddj  ou  pèlerinage.  Sur  chacun  de  ce»  objets 
il  n'omet  rien  de  ce  qui  peut  satisfaire  la  curiosité  des  lecteurs,  et  il 
joint  au  récit  des  choses  qu'il  a  vues  et  observées  par  lui-même  Au 
apprises  de  témoins  #dignes  de  foi,  les  rtnseignemens  que  lui  ont 
fournis  divers  ouvrages  manuscrits  dont  il  a  donné  de  courtes  notices 
au  commencement  de  sa  relation.  Parmi  les  choses  qu'il  racontent  les 
descriptions  qu'il  nous  offre,  quelques-unes  sont  entièrement  neuves 
pour  nous;  d'autres  sont  plus  détaillées  et  plus  complètes  que  celles 
que  nous  possédions;  toutes  ont  un  intérêt  spécial  pour  les  personnes 
qui  se  livrent  à  l'étude  de  l'histoire ,  de  la  langue  et  dé  la  littérature 
des  Arabes.  Au  milieu  de  cette  foule  de  renseignemens  et  de  faits,  nous 
choisirons  dans  chaque  article,  sans  observer  aucun  ordre,  quelques- 
uns  des  traits  qui  nous  ont  frappés  davantage. 

C'est  un  préjugé  général  parmi  les  habitans  de  la  Mecque,  préjugé 
fondé,  à  ce  qu'il  paroît,  sur  quelques  hadith  ou  traditions  prophétiques, 
que  fa  mosquée  de  cette  villff  peut  contenir  un  nombre  quelconque  de 
vrais croyans ,  et  que,  quand  même  tout  ce  qu'il  y  a  de  musulmans  au 
monde  viendroit  à  y  entrer  en  même  temps ,  ils  y  trouveraient  tous 
place  pour  y  faire  leur  prière.  Les  anges  préposés  à  la  garde  de-ce  saint 
lieu  étendroient,  dit-on,  invisiblement  les  dimensions  de  1  édifice,  ou 
diminueroient  celles  de  chaque  individu.  Burckhardt  croit  que  la  mosquée 
peut  contenir  environ  35,000  personnes  dans  l'attitude  de  la  prière, 
mais  qu'en  aucun  temps  elle  n'est  à  moitié  remplie.  Jamais,  au  four 
même  où  tous  les  pèlerins  y  étoient  réunis  après  leur  retour  du  mont 
Arafat,  il  n'y  a  compté  plus  de  10,000  personnes.  C'est  en  général  à 
l'heure  de  la  prière  du  soir  que  la  mosquée  réunit  une  plus  grande 
affluence  de  musulmans,  pèlerins  ou  autres.  L'imam  se  place  près  de  la 
porte  de  ta  Caaba;  et  les  différentes  attitudes  qu'il  prend  pendant  (a 
prière,  sont  imitées  par  toute  rassemblée.  II  est  impossible  "au  spectateur 
le  plus  apathique  de  ne  pas  éprouver  une  impression  secrète  de  respect 
religieux ,  en  voyant  6  ou  8,000  personnes  s'agenouiller  ou  se  pros- 
terner toutes  à-Ia-fois ,  sur-tout  si  l'on  se  représente  leloignement  et 
la  diversité  des  pays  d'oir  sont  venus  les  hommes  rassemblés  en  ce 
lieu,  et  le  motif  qui  les  y  amène,  tous  tant  qu'ils  sont,  ce  La  nuit»  dit 
»  notre  voyageur,  quand  les  lampes  sont  allumées,  et  que  des  troupes 


FÉVRIER  1830.  91 

»  de  dévots  s'acquittent  du  towaf  (  c'est-à-dire,  de  la  procession  circu- 
»  Jaire)  autour  de  la  Caaba,  I  aspect  de  ces  groupes  occupés  à  leurs 
»  dévotions ,  la  voir  élevée  des  metowaf  (  ou  guides  des  pèlerin^,  ap- 
»  pliqués  à  se  faire  entendre  de  ceux  pour  lesquels  ils  récitent  (es  prières  ; 
»  les  conversations  d'une  foule  de  gens  oisifs  qui  parient  tout  haut;  les 
»  courses,  les  Jeux,  les  éclats  de  rire  des  énfans,  donnent  à  tput  cet 
»  ensemble  une  apparence  bien  différente ,  et  qui  ressemble  bien  plus  à 
»  celle  d'un  lieu  public  de  divertissement.  » 

La  grande  mosquée  de  la  Mecque,  qui  sembleroit  devoir  être  con* 
sacrée  uniquement  aux  exercices  de  la  religion ,  n'est  pas  seulement  le 
plus  souvent  le  passage  des  personnes  qui  la  traversent  en  tout  sens 
pour  aller  à  leurs  affaires ,  ou  le  rendez-vous  des  gens  désoeuvrés ,  des 
étrangers ,  des  mendians ,  des  vagabonds  ;  ,elle  est  encore  habituelle- 
ment profanée  par  les  désordres  les  plus  honteux  et  par  la  plus  gros- 
sière débauche,  sans  que  ces  profanations  excitent  chez  ceux  qui  en 
sont  témoins  aucune  indignation. 

C'est  siir-tout  à  l'époque  du  ramadhan.  et  à  l'heure  des  prières  du 
soir,  que  la  mosquée  de  la  Mecque  est  clans  son  plus  grand  éclat ,  et 
que  les  pèlerins  qui  viennent  d'achever  un  voyage  pénible  à  travers  des 
contrées  arides  et  désertes ,  ne  peuvent  manquer  de  recevoir  de  vives 
impressions  à  la  vue  de  ce  vaste  édifice ,  de  cette  brillante  illumination  , 
et  de  cette  multitude  accourue  de  tous  les  coins  de  la  terre  pour  offrir  ses 
hommages  au  chef- lieu  de  l'islamisme.  Notre  voyageur  y  fut  témoin 
du  ravissement  et  de  l'enthousiasme  d'un  pèlerin  du  Darfour,  qui, 
après  être  resté  long-  temps  prosterné  dans  un  profond  silence,  se 
leva,  fondit  en  larmes,  et,  dans  sa  profonde  émotion,  au  lieu  de  ré- 
citer les  prières  d'usage,  s'écria  :  «  Seigneur,  prenez  en  ce  moment 
»  mon.ame,  car  c'est  vraiment  ici  le  paradfr.  »/ 

L'aspect  de  la  mosquée ,  à  la  fin  du  temps  du  pèlerinage,  est  bien 
différent.  Les  malaises  et  les  maladies  mortelles,  causées  ou  par  la  fa- 
tigue excessive  du  voyage,  ou.  par  Vihram,  c'est-à-dire,  l'habillement 
obligé  du  pèlerin ,  qui  ne  couvre  pas  assez  le  corps  et  ne  préserve  pas 
suffisamment  des  intempéries  de  l'air;  les  logemens  malsains,  la  mau* 
vaise  nourriture,  quelquefois  même  le  manque  absolu  de  subsistance, 
remplissent  la  rrtosquée  de  corps  morts  qu'on  y  apporte  pour  rece- 
voir les  prières  de  l'imam ,  ou  de  malades  qui  s'y  font  transporter,  soit 
dans  l'espoir  de  recouvrer  la  santé  par  l'aspect  de  la  Caaba ,  soit  pour 
avoir  la  satisfaction  de  rendre  les  derniers  soupirs  dans  Teaceinte  sacrée; 
Une  foule  de  pauvres  pèlerins,  épuisés  par  le  besoin  et  mourant  de 
,  sont  étendus  sous  les  colonnades,  et  implorent  la  pitié  des  pas- 

M    2 


92  JOURNAL  DES  SAVANS, 

sans,  soit  en  leur  tendant  les  mains,  soit,  quand  ils  n'en  ont  plus  h 
force,  en  plaçant  auprès  de  ia  natte  sur  laquelle  ils  gisent,  un-  vase 
poui^ècevoir  tes  aumônes  des  personnes  compatissantes. 

La  Caaba  ne  s'ouvre  que  ttois  fois  par  an;  savoir,  le  20  de  rama- 
dhan,  le  1  y  de  dhou'fkaadèh ,  et  Je  10  de  moharram;  elle  s'ouvre  une 
heure  après  le  lever  du  soleil,  et  se  referme  à  onze  heuresv  II  est  diffi- 
cile d'y  pénétrer, vtant  est  grande  la  foule  qui  se  précipite  pour  jouir 
de  ce  bonheur,  et  dans  laquelle  il  est  impossible  de  maintenir  de  Tordre, 
malgré  les  coups  de  bâton  que  les,  eunuques  attachés  au  service  du 
temple  distribuent  sans  .ménagement.  Burckhardt  y  entra  deux  fois , 
mais  if  ne  put  y  demeurer  plus  de  cinq  minutes,  à  cause  de  l'excès  de 
la  dialeur  :  beaucoup  de  personnes  y   perdent  connoissance». et  n'en 
sont  retirées  qu'avec  la  plus  grande  peine,  l'air  ne  pénétrant  dans  Ja 
Caaba  que  par  la  porte»  Un  grand  nombre  de  lampes  d'or,  dit-on», 
sont  suspendues  entre  les  colonnes  ;  mais  apparemment  on  ne  les  allume 
pas,  ou  elles  ne  jettent  qu'une  lueur  imparfaite,  car  l'obscurité  est  si 
grande  dans  l'intérieur  de  cet  édifice,  que  le  voyageur  dit  qu'îL lui 
fut   très-difficile  de  distinguer  les   objets  qui  le   décorent.    La   des- 
cription qu'il  en  fait  suffit  toutefois  pour  prouver  qu'on  n'a  rien  né- 
gligé pour  l'orner  de  marbres,  de  dorures,  de  lambris  sculptas,  d'ins- 
criptions et  <f  arabesques  d'un  travail  excellent.  Des  tentures  de  .soie 
roUge  garnissent  les  murs  ,  le  plafond  supérieur  et  les  piliers.   Ces  ten- 
tures ne  se  changent  pas  tous  les  ans,  comme  l'étoffe  dont- la  Caaba 
est  revêtue  àfextérieur.., Lorsqu'on  en  met  de  nouvelles,  les  vieilles 
coupées  par  mohfeaux  se  vendent  fort  cher  aux  dévots.  Devant  une 
des  portes  de  la  mosquée,  porte  qu'on  nomme  Bab-Malam ;  il  y  a 
une  échoppe  où  l'on  trouve  toujours  à  acheter  des  morceaux  de-ces 
étoffes  ;  on  estime  beaucoup  plus  ceux  qui  proviennent  de  la  tenture 
extérieure. 

Notre  voyageur  dit  qu'il  n'a  point  observé  que  le  lavement  du  plan- 
cher intérieur  de  la  Caaba  soit  accompagné  de  certaines  cérémonies 
pieuses  dont  parle  Ali-Bey  dans  la  relation  de  ses  voyages.  Je  dois  dire 
cependant  que  j'ai  trouvé  lé  récit  d'Ali-Bey  conforme  à  ce  que  j'avois 
lu  dans  quelques  écrivains  arabes. 

Lesmetùivûfou  délit  qui  servent  de  guides  aux  pèlerins  dans  l'exercice 
des  pratiques  et  la  récitation  des  prières  du  pèlerinage,  sont,  suivant 
Burckhardt ,  la  classe  la  plus  vile  et  la  plus  méprisable  des  habitans  de 
la  Mecque  :  ils  sont  avides  d'argent ,  et  se  rendent  extrêmement  à  charge 
aux  péferins,  qui  parviennent  difficilement  à  les  satisfaire,  encore  plus  à 
les  congédier  quand  ils  peuvent  se  passer  de  leurs  services.  Ces  guidés 


FÉVRIER   1830.  93 

remplissent  parfois  un  office  assez  singulier.  Suivant  les  lois  mahomé- 
tanes,  une  femme  non  mariée  ne  peut  pas  s'acquitter  du  devoir  du 
pèlerinage,  et  une  femme  mariée  doit  être  accompagnée  de  son  mari, 
ou  du  moins  d'ua  de  ses  proches  parens  :  ii  arrive  cependant  quelquefois 
que  des  femmes  veuves  ou  noiï  mariées  viennent  pour  remplir  ce  de^ 
voir  de  religion',  dans  ci  cas*  elles  trouvent  à  Djidda  des,  délit 
que,  relativement  à  cette  fonction,  on  appelle  d'un  nom  spécial  mohallil, 
et  qui  sechargent.de  lever  l'obstacle  qui  s'oppose  à  l'accomplissement 
de  leur  pieux  désir.  Un  de  ces  délit  devient  passagèrement,  de  nom 
seulement,  leur  époux,  par  un  contrat  passé  en  présence  du  kadhi; 
toutes  les  cérémonies  du  pèlerinage  une  fois  accomplies,  le  drlil recon- 
duit la  femme  h  Djidda,  où  il  la  répudie.  Ce  n'est  pas  qu'il  ne  pûj  scr 
refuser  à  faâ»  le  divorce ,  et  se  prévaloir  de  l'acte  légal  de  son  ma- 
riage avec  ero,  et  l'on  dit  même  qu'il  y  en  a  en  quelques  exemples;  mais 
celui  qui  abuseroit  ainsi  de  la  confiance  d'une  pieuse  musulmane,  seroit 
obligé  de  renoncer  à  la  profession  de  délit,  qui  est  très-lucrative. 
■  La  Mecque  étant  le  rendez-vous  des  musulmans  de  tous  les  pays 
qui  professent  l'islamisme,,  sa  population  se  renouvelle  saijs  cesse; 
et,  à  très-peu  d'exceptions  près,  on  peut  dire  que  tous  leshabitans  do- 
miciliés de  cette  ville  soTit  ou  des  étrangers,  ou  des  âescendans  de 
familles  étrangères.  Un  petit  nombre  de  familles  d'Arabes  Bédouins 
du  Hedjaz  s'y  sont  pourtant  établies.  L'antique  et  célèbre  tribu  de 
Koréisch,  dont  une  partie  étoit  nomade  et  l'autre  domiciliée,  est  presque 
éteinte;  quelques  Bédouins  appartenant  à  cette  noble  tribu  demeurent 
encore  dans  les  environs  de  la  Mecque:  quant  à  la  branche  qui  avoit 
son  domicile  dans  cette  ville  au  temps  de  Mahomet,  il  n'en  reste  aujour- 
d'hui que  trois  familles;  lechefdel'unede  ces  familles  est  le  nàib  ou  gar- 
dien en  chef  de  la  mosquée;  les  deux  autres  sont  de  pauvres  gens  atta- 
chés au  service  du  lieu  saint.  Au  reste,  les, étrangers  devenus  citoyens 
de  la  Mecque  ou  leurs  enfans ,  quoique  tirant  leur  origine  de  contrées 
fort  diverses,  ont  adopté  les  mœurs  des  Arabes,  desquels  on  ne  les  dis- 
tingue plus.  La  plupart  tirent  leur  origine  du  Yémen  ou  du  Hadhra- 
maut;  après  ceux-ci,  le  plus  grand  nombre  sont  originaires  de  l'Inde, 
de  l'Egypte,  de  la  Syrie,  du  Magreb,  ou  sont  de  race  turque.  Enfin  on 
y  trouve  aussi  des  familles  venues  de  la  Perse,  de  la  Tartarie,  de  ia 
Boukharie,  du  pays  des  Curdes  ou  de  celui  des  Afghans,  et  chacune  de 
ces  familles  conserve  avec  soin  le  souvenir  de  la  contrée  d'où  elle  tire 
son  origine;  mais,  comme  je  crois  l'avoir  déjà  observé,  tous  les  descen- 
dans  de  ces  étrangers ,  à  l'exception  des  seuls  Indiens  >  échangent  les 
moeurs,  les  usages,  le  costume  et  toutes  les  habitudes  de  leur  patrie 


94  JOURNAL  DES  SAVANS, 

primitive ,  contre  ceux  des  naturels  de  l'Arabie ,  et  se  confondent  tous 
en  une  seule  masse* 

11  faut  cependant  observer  qu'il  y  a  une  branche  d'anciens  Arabes  qui 
demeurent  encore  à  la  Mecque  :  ce  sont  les  schérifs  indigènes,  qu'il 
faut  bien  distinguer  des  schérifs  étrangers  qui  sont  venus  s'y  établir. 
Ces  schérifs  indigènes  sont  les  descendans  fvéfés  de  Hasan  et  Hoséirt; 
tous  deux  fils  d'Ali  et  de  Fatime,  la  fille  de  Mahomet.  Les  schérifs 
étrangers  prétendent  bien  avoir  la  même  origine;  mais  leur  descen- 
dance est  loin  d'être  aussi  bien  établie.  Les  schérifs  de  la  Mecque 
forment  Une  nombreuse  classe  d'hommes ,  qui  n'admet  dans  son  sein 
aucun  étranger,  mais  qui  a  des  membres  dispersés  dans  d'autfes  par- 
ties, de  l'Arabie:  ils  sont  divisés  en  plusieurs  tribus  ou  branches;  et  c'est 
dans  l'une  de  ces  branches  que  doit  être  choisi  le  schérif^rouverain  de 
la  Mecque.  On  observe  dans  cette  ville  une  différence  essentielle  ♦ 
quant  à  la  dénomination  qu'on  donne  à  ces  descendans  du  prophète.  Le 
nom  de  schérif  est  réservé  exclusivement  à  ceux  qui  se  livrent  au  métier 
des  armes  ou  au  maniement  des  affaires  publiques  :  ceux  qui  suivent  la 
carrière  des  lettres  ou  de  la  jurisprudence,  ainsi  que  tous  "ceux  qui 
exercent  quelque  emploi  relatif  à  la  mosquée  ou  à  ses  dépendances, 
sont  nommés  siids.  Le  fils  suit  d'ordinaire  la  profession  du  père.  Ces 
schérifs  indigènes  sont;  ou,  pour  mieux  dire,  étoient  les  principaux  per- 
sonnages de  la  Mecque ,  avant  que  leur  fierté  eût  été  comprimée  par  fa 
conquête  des  Turcs. 

Tous  les  enfàns  mâles  nés  à  la  Mecque  et  à  Djidda  reçoivent  de 
leurs  parens,  quarante  jours  après  leur  naissance,  un  tatouage  particu- 
lier, qui  consiste  en  deux  longues  incisions  pratiquées  dans  la  longueur 
des  joues,  et  deux, autres  près  de  la  tempe  droite,  incisions  dont  les 
cicatrices ,  larges  parfois  de  trois  ou  quatre  lignes,  subsistent  toute  leur 
vie  :  cela  se  nomme  méschaleh  JLu*.  Cet  usage  n'a  point  lieu  parmi 
les  Bédouins.  Quelquefois,  quoique  rarement i  les  Mecquois  étendent 
cette  coutume  jusqu'aux  filles.  Ils  mettent  beaucoup  d'importance  à 
cette  marque  distinctive,  qui  empêche  les  autres  habitans  du  Hedfaz 
de  se  faire  passer ,  dans  des  contrées  étrangères ,  pour  des  naturels  des 
villes  saintes. 

On  ne  connôît  à  la  Mecque  que  deux  sortes  d'occupations,  le  com* 
merce  en  gros  ou  en  détail,  et  les  emplois  qui  attachent  au  service 
de  la  maison  de  Dieu.  Le  commerce  a  la  préférence,  et  même  il  y 'a 
bien  peu  d'oulémas  ou  de  personnes  attachées  à  la  mosquée  qui  ne  soient 
engagées  dans  quelque  spéculation  commerciale,  quoique  leur  vanité  les 
empêche  de  le  faire  ouvertement.  Pour  des  manufactures,  il  n'y  en  a 


FÉVRIER   1830.  5» 

aucune ,  si  ce  n'est  quelques  fàbriqites  de  poteries  de  terre  et  quelques 
établissement  de  teinturerie.  Les  artisans',  tels  que  maçons,  charpen- 
tiers, tailleurs,  cordonniers,  forgerons,  &c.  y  sont  en  petit  nombre, 
et  bien  inférieurs  en  tâlens  à  ceux  de  l'Egypte. 

Les  opérations  commerciales,  se  font  par  l'intermédiaire  de  courtiers , 
la  plupart  Indiens.  Ces  Indiens  forment  la  classe  fa  plus  riche  parmi 
les  habitans  de  la  Mecque;  ils  ont  une  correspondance  directe  avec 
tous  les  ports  de  l'Hindoustan,  et  sont  souvent  à  portée  de  vendre  au- 
dessous  du  prix,  et  de  s'assurer  ainsi  l'avantage  sur  leurs  concurrens. 
Ils  conservent  tous  l'usage  de  leur  langue  maternelle ,  et  l'enseignent  à 
leurs  enfàns  :  beaucoup  de  marchands  de  la  Mecque  en  reçoivent  aussi 
(feux  une  connoissance  superficielle;  il  y  a  peu  de  ces  derniers  qui 
ne  soient  au  moins  en  état  de  compter  en  hindoustani,  et  qui  ne  sachent 
les  phrases  qui  sont  de  l'usage  le  plus  ordinaire  pour  vendre  et  acheter. 
«  Les  Indiens,  dit  notre  voyageur,  ont  beaucoup  de  peine  à  apprendre 
»  l'arabe.  Je  n'en  ai  jamais  entendu  un  seul,  si  longue  qu'eût  été  sa 
»  résidence  dans  le  Hedjaz ,  qui  prononçât  l'arabe  d'une  manière  tant 
»  soit  peu  soutenable.  Ils  sont  sous  ee  rapport  bien  inférieurs  aux  Turcs, 
»  dont  la  prononciation  cependant ,  quand  ils  parlent  arabe ,  apprête 
»  souvent  à  rire  à  la  populace.  Les  Indiens  sont  dans  l'usage  d'écrire 
»  l'arabe  en  caractères  hindoustanis.  » 

A  l'exception  de  deux  ou  trois  maisons ,  aucun  des  négocians  arabes 
résidant  à  la  Mecque  ne  tire  directement  de  l'Inde  ses  marchandises  ; 
ils  s'en  fournissent  à  l'arrivée  de  la  flotte  de  l'Inde.  Personne,  parmi  les 
habitans  de  la  Mecque,  n'est  plus  strict  que  les  Indiens  dans  l'observance 
de  toutes  les  pratiques  religieuses  de  l'islamisme. 

Burckhardt  a  observé,  comme  Niebuhr  et  beaucoup  d'autres  voya- 
geurs, F  usage  où  sont  les  gens  qui  font  un  marché  devant  des  personnes 
étrangères,  de  cacher  leur  main  droite  sous  un  pan  de  leurs  vête- 
mens,  et  d'indiquer  les  sommes  qu'ils  demandent  ou  qu'ils  offrent,  en 
se  touchant  respectivement  les  articulations  des  doigts,  de  sorte  qu'ils 
concluent  un  marché  sans  prononcer  un  seul  mot  (  1  ). 

Les  études  et  les  lettres  ne  sont  presque  point  cultivées  aujourd'hui 
à  la  Mecque,  et /dans  l'opinion  de  Burckhardt,  il  n'y  a  pas  une  seule 
ville  en  Egypte  et  en  Syrie  qui,  sous  ce  point  de  vue,  même  en  ce 
qui  concerne  les  connoissances  intimement  liées  à  la  religion  musul- 
mane, ne  soit  supérieure  à  cette  capitale  de  (Islamisme.  Sans  doute,  il 
en  étoit  autrement  lorsqu'on  y  construisit  et  fondoit  des  medrésik  ou 


(1)  Voyez  à  ce  sujet  le  Journal  asiatique,  tom.  III ,  page  65. 


96  JOURNAL  DES  SAVANS, 

collèges.  Ces  édifices  aujourd'hui  «servent  à  loger  des  soldats  ou  des 
pèlerins.  C'est  dans  la  mosquée  qu'on  enseigne  aux  enfàns  à  lire  et  à 
écrire ,  et  c  est  là  seulement  aussi  que  quelques  oulémas  bénévoles  lisent 
et  expliquent  à  un  auditoire  peu  nombreux  et  formé  principalement 
d'Indiens,  de  Malais,  de  noirs,  et  d'étrangers  venus  du  Yémen  et  du 
Hadhramaut,  quelques  livres  relatifs  à  la  religion  ou  à  la  jurispru- 
dence, et  des  commentaires  sur  FAIcoran  pu  sur  les  traditions  prophé- 
tiques. Burckhardt  a  entendu  dire  que  quelquefois  on  y  donne  aussi 
des  leçons  de  grammaire  arabe,  et  Ton  y  explique  YAlfiyyeh  d'Ebn- 
Malec.  £n  général ,  ceux  des  Mecquois  qui  veulent  cultiver  les  sciences, 
se  transportent  pour  cela  à  Damas  ou  au-  Caire-    9 

II  n'y  a  à  la  Mecque  présentement  ni  bibliothèques  publiques,  ni 
collections  particulières  de  livres ,  de  quelque  valeur  ;  on  n'y  trouve  ni 
une  librairie  ni  un  relieur.  Vers  la  fin  du  pèlerinage ,  quelques  pauvres 
oulémas  exposent  en  vente,  près  d'une  des  portes  de  la  mosquée,  un 
petit  nombre  de  volumes  :  ce  sont  presque  toujours  des  livres  relatifs  à 
la  religion  ou  à  la  jurisprudence,  et  parfois  il  se  rencontre  dans  ce 
nombre  quelques  traités  de  grammaire.  Le  seul  bon  livre  que  Burck- 
hardt y  ait  vu  vendre,  c'est  un  bel  exemplaire  du  dictionnaire  .arabe 
nommé  Kamous.  Ce  qui  peut  paroitre  assez  surprenant ,  c'est  que  les 
Wahhabites  ,  ces  sauvages  réformateurs  de  l'islamisme ,  recherchent 
beaucoup  les  livres,  sur-tout  les  livres. historiques/  et  qu'ils  en  ont 
enlevé  une  grande  quantité  de  la  Mecque  et  des  ports  du  Yémen  qu'ils 
ont  pillés,  et  les  ont  transportés  à  Dérayèh,  chef-lieu  de.  leur  puissance 
et  de  leur  secte. 

Notre  voyageur  pense  que  cette  extrême  rareté  de  livres  à  la  Mecque 
provient  des  achats  qu'en  ont  faits  et  qu'en  font  encore  les  pèlerins,  et 
de  ce  qu'il  n'y  a  aucun  copiste  pour  remplacer  les  manuscrits  qu'enlève 
cette  exportation.  II  remarque  que  le  défaut  de  copistes  se  fait  sentir  au- 
jourd'hui généralement  en  Syrie  et  en  Egypte,  et  que  si  l'exportation,  des 
livres  pour  l'Europe  continue,  on  en  manquera  bientôt  tout-à-fait  dans 
ces  contrées.  On  ne  cômptoit  de  son  temps  au  Caire  que  trois  copistes 
assez  instruits  pour  s'acquitter  passablement  de  leur  profession.  A  la 
Mecque,  c'étoit  un  étranger,  natif  de  Lahofe,  qui  se  distinguoit  par  la 
beauté  de  son  écriture  :  il  s'occupoit  à  copier  des  prières  à  l'usage  des 
pèlerins.  Burckhardt  observe,  à  cette  occasion,  que  l'écriture,  comme  Je 
style  de  chacune  des  provinces  où  l'on  parle  arabe,  se  distingue  par 
quelque  caractère  particulier,  et  qu'à  la  simple  inspection  de  l'adresse 
d'une  lettre  etde  la  manière  dont  la  lettre  est  ployée  et  cachetée,  on  peut 
deviner  à  quelle  contrée  et  k  quelle  nation  appartient  celui  qui  l'a  écrite . 


•    v   FÉVRIER  183O.  '  p7 

S'H  faut  Fen  croire,  les  Mecquots  sont,  parmi  lei  peuples  de  qui  l'arabe 
est;  fa  langue  usueïïe ,  celui  dont  1e  langage  approche  Je  plus  de  l'arabe 
ancien,  et  qui  en  a  Je  mieux  conservé  les  tournures  primitives  et  la 
prononciation;  ce  qui  doit  paroître  surprenant,  si,  comme  il  l'assure, 
la  population  de  la  Mecque  n'est  entretenue  que  par  des  colons  étran- 
gers qui  y  affluent  de  tous  les  pays  musulmans. 

«  Je  ne  finirois  pas  .si  je  voulois  seulement  indiquer  tout  ce  quej  article 
consacré  aux  usages  et  aux  mœurs  des  habitans  de  la  Mecque  et  de 
Djidda,  offre  d'intéressant  et  de  remarquable.  Pressé  de  passer  à  ce  qui 
Concerne  le  gouvernement  et- l'administration,  je  ne  ferai  plus  qu'une 
seule  observation.  Elle  aura  pour  objexune  sorte  de  refrain  que  çhanttfiB 
les  sàkka  ou  porteurs  d'eau,  quand,- par  l'ordre  et  aux  dépens  de  quelque 
pèlerin  riche  et  charitable ,  ils  distribuent  l'eau  de  leur  outre  aux  pauvres. 
Ce  refrain,  dont  le  chant  est  noté  dans  la  relation  de  Burckhardt,  est 
écrit  ainsi:  Ed-d/ene  wa  elmoy  fejata  ly  saheè  c$-sakyl ,  et 'signifie,  suf^ 
vant  le  voyageur  :  Que  le  paradis  H  le  pardon  soient  le  partage  de  celui 
qui  vous  a  donné  cette  eaul  Cette  traduction  prouve  qu'il  fàlïoit  écrire 
wa  el-magférata ,  car  le  texte  arabe  est  sans  aucun  doute  : 

..       •'  .    J^f  \^U  ï>JuUfJ  il4 

• 

Avant  l'invasion  des  Wahhabites>  le  schérif  de  la  Mecque,  quoique 
de  drpif  dépendant  de  l'autorité  du  "grand  seigneur»  et  tenant  de  lui 
l'investiture  de  sa  dignité,  pouvoit  presque  être  regardé  comme  le 
Véritable  souverain  des  villes  de  (a  Mecque,  Taïf,  Gonfadèh  (ouvcpmme 
écrit  Niebuhr,  Kounfoudi\  Yambo  et  de  leurs  territoires.,E)epuis  quelque 
ternps,  Djidda  étoit  aussi  de  fait  réunie  à  ses  domaines;  le  pacha  auquel 
la  Porte  Ottomane  en  conçoit  le  gouvernement,  n'étoit  pacha  que  de 
nom.  Méhémet-AIi  a  changé  entièrement  l'état  des  choses \  le  Hedjaz 
entier  étant  rentré  sous  la  domination  ottomane,  Yahya,  qu'lla  donné 
pou  r>  successeur;^  schérif  Gafeb,  n'a  qu'un  vain  simulacre jd'aulorité , 
et  est  réduit  à  une-  pension  de  jo  bourses  par  mois  pour  son  propre  en- 
tretien et  l'entretien  de  sa  maison  et  de  Jes  troupes. 
-  Le  schérif  de  la  Mecque  étoit  choisi  parmi  les  familles  des.  schérifs  ou 
desçendans  de  Mahomet  fixés  à  la  Mecque. -Cette  dignité  n'étoit  point 
héréditaire,  pas  plus  que  celle  de  schéikh  ne  l'est  parmi  les  tribus  des 
Arabes  Bédouins  ;  *  cependant  elle  demeijroit  souvent  .dans .  la  même 
famille  pendant  plusieurs. générations:  A  la  mort  d  un  schérif ,  l'intrigue, 
le  crédit,  les  richesses,  la  faveur  publique* décidaient  du  choix  de  son 
successeur;  rarement  y  a  Voit-il,  à  cette  ^ccasio/v,  du,  sang  répandu.  Le 

schérif  Sérour ,.  prédécesseur  immécjût  de  Gifcb,  et  qui  a  occupa  .^ette 

*  ■  *  . 


p*  JOURNAL  DES'SAiVANS, 

dijgiwté  dé  1773' à  1786,  a  beaucoup  diminué  l'influence  et  le  pouvoir 
turbulent  des  familles  des  schérifs  ;  il  s'est  appliqué  à'  établir  l'ordre  dans 
l'administration,  et  à  (aire  régner  une  justice  sévère, et  impartiale  ;  aussi 
sa  mémoire  efct-elleen  vénération  dans  le  Hedjaz.  Ni  le  scbérif  de  la 
Mecque,  m  -les  autres  schérifs  établis  dans  cette  ville,  ne  portent  des 
turbans  verts. 

Le  schérif  de  la  Mecque  étoit  cetisé  étendre  sa  juridiction  sur  toutes 
(es  tribus  d'Arabes  Bédouins' du  Hedjaz.  Galeb*  au  temps  de  sa  plus 
gfende  puissance,  èxerçoit  sur  ces  tribus  une  influence  très-réelle,  mais 
sans  aucune  autorité  directe.  Pour  se  faire  une  juste  idée  de  ce  qu'était 
dans  le  fait  -l'autorité -du  schérif  ^e  Ta  Mecque,- il  ne  faut  Je  considérer 
que  comme  un  ichéikh  do  désert  ;  et  à  bien  des  égards,  il  n'étoiten  effet, 
reJàtitement  aux  autres  schérifs,  que  comme  le  premier  entre  ses  égaux. 
Quant  aux  autres  habitans  de  la  Mecque,  leur  condition  étoit  celle  -dt 
sujets ,  mais  de  sujets  qui,  attachés  aux  intérêts  de  l'une  ou  de  l'autre  des 
familles  de  schérifs,  participoient  ainsi  à  l'influence  et  au  pouvoir  de 
fettrs  patrons,  et  vis-à-vis  desquels,  en  conséquence,  l'autorité  supérieure 
devoit  user  de  beaucoup  de  ménagemçns. 

Une  coutume  très  «-remarquable  parmi  les  schérifs  ou  descendans  de 
Mahomet  qui  résident  à  fa  Mecque  ou*  dans  Te  voisinage  de  cette  ville , 
c'est  qu'ils  font  toujours  élever  leurs  enfans  mâles  chez  quelques-uns  des 
Bédouins  qui  fréquentent  les  environs  de  la  Mecque.  Ces  erifàns  y  sont 
envoyés  d'ordinaire  huit  jours  après  leur  naissance ,  et  ne  reviennent  dans 
la  maison  de  leurs  pères  que  quand  ils  sont  en  état  de  monter  une 
jument.  Un  enfant  mâle  ne  reste  jamais  plusde  trente  jours  entre  les  mains 
de  sa  mère,  et  quelquefois  il  demeure  avec  les  Bédouins  jusqu'à  sa  treizième 
on  même  sa  quinzième  année.  On  sent  toute  l'influence  qu'une  telle 
éducation  doit  exercer  sur  (e  physique  et  le  moral  de  ces  jeunes  gens. 

La  plus  grande  partie  des  descendans  de  Mahomet  qui  habitent  la 
Mecque,  et  particulièrement  la. famille  à  laquelle  appartenoient  les  der- 
niers scbérrft ,  sdnt-  fortement  soupçonnés  de  professer  secrètement  la 
doctrine  hétérodoxe  dès  zéidifes,  quoiqu'ils  n'en  conviennent  pas.  La 
secte  des  zéidites  a  de  nombreux  partisans  dans  le  Yém en,  particulière- 
ment à  Sanaa  et  Saada  :  l'imam  du  Yémen  est  lui-même  zéidife.  Les 
zéïdftes  font  remonter  l'origine  de  leur  secte  à  un  imam  descendant  d'Ali 
par  Hosaïft,  et  mort  en  Tafi  122  de  l'hégire.  Notre  voyageur  prétend 
qtire  !&'  zéidites  de  lia  Mecque  et  du  Yémen  reconiwissent  pour  premier 
auteur  de  leur  secte  un  a  ut  te  descendant  d'Ali  par  Hasan,   né  en 
l4y  ,et  qui  prêcha  sa  doctrine  publiquement  à  Saada,  en  Tan  280. 11  se 
TiQTttïhdhJYahyapfih  Je  Hosaïn,  et  prenoit  le  titre  d'Elimam  dlhadi 


/. 


FEVRIER   1830.  99 

tic  ilhakk  ^  J{  ^jl^Jt  JJi\ ,  c'est-à-dire ,-  Vimam itjui  conduit  à  la  vérité. 
On  peut,  voir  ce  que.  j'ai  dit  sur  Les* zéidhes,  d'après  Faqteur  du  Bar  h 
Yémani*  ou  Histoire  de  tà  conquête  du  Yémon  put  Us-  Othomans ,  dans 
les  Notices  et  extraits  des  manuscrits  ^  toit».  IV,  pag,  438  ec  suivahte* 
..  Je  si|ia  obligé  de  passif  sous  silence  tout  ce  qui  concerne  Fadminis- 
tratfon  de  la  justice  par  le*  kadhi  que  la»  Porte  envoie  chique  année  à  la 
Mecque;  les  finances  du  $ehérif,  jsçs  forces  -  militaires  ;  le  partage  des 
spnjmes  envoyées  annuellement  à.  la  Mecqqe  pour  l'entretien  et  1e 
3fryicç  des  lieux  saints,  et  .une  jiralttiude.  d'autres  indtiotïS  toutes  rem- 
plies d'intérêt  Je. ne  m'a ccèterai  pas. non jp fus  1  Fartide  qui  a  pou*  objet 
Iç  climat  de  la  Mecque  et  de  Djidda,,  et  {es  maladies  qui  y  sont  le  plus 
communes»  ainsi  que  les  prix  courant  des  ^entées  à  la  -Mecque*  Il  me 
suffirfcde  dire  qqe  la  peste  ^  qui  a  fait  en  181  y>  de  grands  ravages  à  la 
Mecque  et  à  Djidda,  semble  y  avoir: été  inconnue  jusque-là*  bt  que 
rieuse  unaladie  connue  sous  le  ,nom  ^d'Mflhantiatis,  et  &  ver  de 
Guinée,  n'y  sont  p*&  rares.     ...  .l.-i  .\  ;!; 

.L'article  quiâuitimniédmtcsaent^b^Ik,et4ùi>e9rtrèf-ékendà,  apoù? 
objet  le  toédjy  c'est-à-dire,  iepélerinageannôeJ*  avec  tous  sel  titty  jèe 
tout  ce  qui  se  rattache  à  ce  sujet.  Deux  plans  y  sont  joints,  qui  repré- 
sente nj,  l'un  la  plaine  d'Arafat,  Fautre.  la  vallée  dé 'Mina  {o\x  Muna, 
comme  écrit  notre  voyageur  ) ,  avec  Findicarion  des  lieu*  oh  canfpeftit 
le*  pèlerins  des.  diverses  contrées. Ces;deux  plans  r réunis  à  celui  de  là 
A&ççquç,  qu'on.Jrouve.  dans  iia  des  chapitres  précédens,  seront  d'tm 
grand  secours  à  quiconque  désirera  se  faire  une  juste  idée  de  toafèfc  lés 
cérémonies  que  doir? pratiquer  un  musulman  qui.  veuf  pouvoir  s'honorer 
coasçierjciptisement  du  titre  .de  hadd'jL  ou  pèlerin.  Parmi  cette  multitude 
accourue  'de  si  loin,  avec:tant  de  fatigués  -et  de  dépenses ,  pour  acquérir 
le.drp^  à  ce  titre,  un  grand  nomhre  ne  s acqmittent  que  ff une  manière 
bien  superficielle  des  devoirs  imposés  aux  pèlerins r  A  Croient*  poiit* 
tes»hompes  pieux  un  sujet  de  scandale  plutôt  que  «Fédîficaijoft,  s'il 
n'éteit  pas,  reçu  que  chacun  ne  se  mêle  que  de  ce  qui  intéresse  sa  propre 
conscience,  et  ne  se  met  aucunement  en; peine  de/la* manière  dont  5e 
comporte,  son  voisin.  On  a  peine  i  concevoir,  au  sufplus,  comment  chaque 
journée suffiroû  aux  pratiques  auxquelles  eileesf  destinée v si  touîrfai 
pélerina , tenoieu t  également  à  n'en  rien  omettre.  La  confusion  et  le  dë^ 
sordre  inséparables  d'un  si  grand  rassemblement  et  de  fa  itiuftltuda  dés 
rites  prescrjts»paroisseni  avoir  en  général  uneffetfâchéuxsurlapiétérifaï 
grand  cambre  de  pèlerins,  qui,  <eak]ttîttaptiies  iieu*  saints,  eh  fèwif- 
ppçteol  uue  diminution^  pbatp^ucju/un  accroissement  cfcs  sentiment  irefi-' 
gieux  qui  les  y  onicandukii  Bircàkunk  ob'semufuecœf-éffèt  6s<*ur<<tôUt 

N   2 


ioo  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

produit  par  Ja  vue  des  désordres  et  de  l'immoralité  qui  régnent  à  la 
Mecque,  et  qui  y  sont- si  communs,  qu'ils  semblent  y  être  autorisés. 
On  peut,  suivant  lui,  appliquer  (es  mêmes  "réflexions  et  de  semblables 
reproches  aux  lieux  maints  révérés  par  les  dire  riens.  Les  plus  dérots  et 
les  rigides  musulmans,  ajoute*-iI*  comioissent  cetnafeten  déplorent 
existence,  et  prouvent  ainsi  qu'ils  sont  plus  clairvoyant  ou  plus  sincères 
que  certains  pèlerins  chrétiens  qui ,  peut-être ,  comme  politiques ,  ont  eu 
de  bonnes  raisons  pour  peindre  sous  de  belles  couleurs  ce  dont  ils  ont 
été  témoins  dans  la  Palestine,  mais  qui,  comme  voyageurs,  ont  entoura 
justement  le  reproche  d'avoir  sciemment  dénaturé  les' faits»    - 

Je  ne  suivrai  point  le  voyageur  dans  les  npmbrepx  détails  qrôi  a  dû 
réuni!*  dans  ce  chapitre,  et  qui  seront  extrêmement  précieux  à  tous  ceux 
qui  se  consacrent  à  l'étude  des  écrivains  rausalmaos  ;  j'en  extrairai  seu- 
lement quelques,  remarques  détachées. 

Quoique  le  zèle  des  peuples  mahométans  pour  s'acquitter  dur  pèleri- 
nage soit  aujourd'hui  extrêmement  refroidi,  le  nombre  des  personnes 
réunies  dan»  la  plaine  d'Arafat  à  été  estimé*  par  Burckhard,  qui  a  pra- 
tiqué lui-même  ponctuellement  tous  les  rites  de  ce  devoir  religieux, 
à  70,300  persortnes,  parmi  lesquelles  il  a  entendu  parler  quarante  idiomes 
dtffëtens.  Au  jour  destiné  à  l'immolation  des  victimes ,  il  fut  égorgé  en 
un  seul  instant  de  6  à  R,ooo  brebis  ou  chèvres»  Les  pauvres  seuls 
maagent  la  chair  de  ces  animaux  ;  aussi  une  grande  partie  de  ces  vic- 
times restent  étendues  de  toute  part  dans  la  vallée  de  Mina,  et  y  causent 
une  infection  épouvantable. 

La  caravane  des  pèlerins  que  le  voyageur  vit  partir  du  Caire  en  1 8 1 6, 
renfermoit  une  troupe  de  danseuses  jdu  atmeh  et  de  femmes  publiques  ; 
leurs  tentes  et  leur  équipage  étoient  ce  qu'il  y  a  voit  de  plus  brrllaiît  dahs 
la  caravane»  Il  y  a  toujours  une  troupe  de  femmes  de  cette  cfassç  dans 
fat  caravane  de  Syrie. 

:  Lorsque  lés  Wahhabites  étoient  en  possession  de  la  Mecque ,  des 
troupes  nombreuses  de  ces  sectaires  se  rendoient  à  Arafat,  à  l'époque 
du  pèlerinage,  lis  y  vinrent  pour  la  dernière  fqis,  accompagnés  d'une 
feule  de  Bédouins  appartenant  à  diverses  tribus  de  l'intérieur  le  plus 
reculé  du  désert,  en  l'année  181 1.  Le  fameux  voyageur  Ali-Bey  Elab- 
haii  est  tombé  dans  une  grave  erreur,  quand  il  s'est  imaginé  que  cette, 
troupe  de  Wahhabites  qu'il  vit  entrer  à  la  Mecque  k  l'époque  du 
pèlerinage,  venoit  pour  prendre  possession  de  cette  ville.  11  a  cru 
affoîr  été  ténrtun  de  la  conquête  de  la  Mecque  par  ces  sectaires,  tan* 
dû  que,;  comme  il  auroit  pu  aisément  l'apprendre  du  premier  vetuf,  il 
y  a  voit  déjà  trois  «us  qu'ils  s'en  étoient  rendes  iAïahrcft'  ; 


FÉVRIER   1830.  101 

Pour  Jes^ommçrçans  de  profession ,  le  pèlerinage  n'est  le  plus  sou- 
vent qu'une  affaire  de  spéculation  ;  maïs,  outre  cela,  il  n'y  >  guère  de 
pèlerins  qui  n'apportent  quelques  marchandises  de  leur  pays ,  dans  l'es* 
poir  «de  s'indemniser  en  partie  des  dépenses  du  voyage  par  le  bénéfice 
que  ce  petit  commerce  leur  procurera  t  ceux-ci  sont  fréquemment  tronppl* 
dans  leur  espoir.  Toutefois  il  résulte  de  là  que  Iç  temps  du  séjour  des 
pèlerins  dans  les  lieux  saints  ressemble  à  une  foire  continuelle.  Une 
classe  de  pèlerins  nègres,  connus  sous  le  nom  dé  Tikrouris,  se  fait  remar- 
quer par  un  usage  qui  leur  est  particulier;  ceux-ci ,  tout  au  contraire  des 
autres  et  même  des  indigènes  du  Hedjaz,  gagnent  leur  subsistance  en 
se  louant  pour  toute  sorte  de  services  manuels  ou  de  travaux  industriels  ; 
ils  s'assistent  aussi  les  uns  les  autres,  et  il  est  extrêmement  rare  qu'on  en 
voie  aucun  mendier  pour  subvenir  à  ses  besoins.  Les  pauvres  pèlerins 
de  l'Inde  forment  le  contraste  le  plus  parfait  avec  ces  Tefcrouris;  ils 
remplissent  les  rues  de  la  Mecque,  en  sollicitant  constamment  J'assis* 
tance  du  public  :  leur  extérieur  hâve  et  décharné  inspirerait  plus  de 
compassion,  h  Ton  ne  savoit  qu'ils  se  plaisent  dans  cette  vie  de  fainéan- 
tise et  de  vagabondage. 

Quelques  pèlerins  ont  la  dévotion  d'obtenir  le  titre  de  khadem 
elmesdjed  &a1\_  f*{±,  c'est-à-dire,  serviteur  de  la  niosquie.  II  leur  en  coûte 
environ  30  dollars  pour  se  procurer  un  diplôme  revêtu  des  signatures 
du  schérif  et  du  kadhi,  et  par  lequel  ce  titre  leur  est  conféré.  Ce  qui 
paroîtroit  très- singulier,  si  Ton  ne  savoit  quel  est  par-tout  le  pouvoir 
de  l'argent ,  c'est  qu'il  n'est  pas  très-difficile  à  des  chrétiens  de  partager 
un  tel.  honneur,  et  qu'il  est  souvent  recherché  par  les  Grecs  qui  habitent 
lés  îles  et  les  rivages  de  l'Archipel,  parce  que  l'exhibition  d'un  sem- 
blable diplôme,  qui  leur  coûte  quelquefois  jusqu'à  200  dollars,  leur  sert 
presque  toujours  de  protection  contre  les  pirates  mogrélins. 

,  Pendant  le  séjour  des  pèlerins  à  Arafat ,  ce  qui  se  faisoit  sur-tout  re- 
marquer, c'étoit  le  quartier  occupé  par  Eépouse  de  Méhémet-  AK,  dont  la 
magnificence  surpassoh  beaucoup  celle  des  tentes  du  schérif  de  la  Mecque, 
du  pacha  de  Damas,  et  de  Méhémet-AIi  lui-même.  Il  n'avoit  pas  fallu  moins 
de  500  chameaux  pour  transporter  les  bagages  de  cette  dame,  de  Djidda 
à  la  Mecque.  Son  quartier  se  composoft  d'une  douzaine  de  tentes,  ren- 
fermées dans  une  enceinte  de  800  pas  de  circonférence,  qui  étoit  formée 
par  des  toiles;  un  seul  passage,  gardé  par  des  eunuques  magnifique- 
ment vêtus ,  y  domïoit  entrée.  Autour  de  cette  enceinte  éfoient  dressées 
des  tentes  pour  les  hommes  de  sa  suite ,  qui  étoient  en  grand  nombre. 
-   Parmi  les  autres  pèlerins,  soit  étrangers,  soit  résidant  à  (a  Mecque, 


io2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

aucun  n'avèit  un  établissement  plus  remarquable  qu'un,  des  premier? 
négociant  de  cette  .viUe>*  connu  sous  le  nom  de  Djiilàm.  Ses  tentes 
drtsséesi  en  demi -cerclé  rivalisaient  avec  les  quartiers  des  deux  pachas, 
et  trelul  dit  scfaérif .  negaloit  pas  sa  magnificence  :  dans  la  vaUée  de 
Mirai  i  D/éilani  occupait  la  piui  belle  maison ,  et  il  y  recevoit  conjtinueir 
iement  des  étrangers  qu'il  traitoit  à  grands  frais. 

•«'Dahs  d'autres  contrées  du  Levant,  observe  à  cette  occasion  Burck 3 
»  Jitrdt,  il  vaudrait  autant  pour  un  négociant  acheter  une  corde  pour 
»  Je  pendre,  -que  de  se  faire  ainsi  honneur  de  ses  richesses  soqs;fap 

*  yeux  d'un  pacha  ;  maïs  Djéilani  n'a  point  renoncé  à  la  manière  de 
n  vivre  dont  les  Mecquois  ont  contracté  l'habitude  sous  leur  ancien  gbu- 
jj>  vernenien t ,  et  particulièrement  du  temps,  du  schérif  Galeb,  qui  se 
»  permet  toit  -rarement  des  exactions  contre  Tes  individus.  Aujourd'hui 
»  ih  4e  reposent  sur  la  parole  de  Méhémet-Aii ,  qui  a  promis  de  res» 
»  pecter  leurs  propriétés.  » 

•  Quoique  j'aie  ait  tous  mes  efforts  pour  resserrer  dans  ie  cadra  le 
plus  étroit  le  compte  que  f'avois  à  rendre  du  voyage  en  Arabie  de  Etarck* 
hardt,  je  me  vois  contraint ,  par  la  richesse  et  l'importance . du  sujet,  à 
hir  consacrer  encore  un  troisième  et  derniçr  article. 

SILVESTRE  D£^SACY. 


\ 


.• 


1 

BebuothMoue  des  Croisades,  par  M.  Mi  chaud,  de  l'Académie 
française.  Paris,  impr.  de  Ducessois ,  librairie  de  Ducoïiet, 
1829,  4  vo^  in-8'S  Tom.  I  :  chroniques  de  France  >  xv  et 
454  pag.  Tom.  II:  suite  des  chroniques.de  France }  chroniques 
d'Italie  et. d. Angleterre,  pag.- 4-5 5—48 5 .  Tjom.  III ;  chroniques 
d 'Allemagne,  du  nord  de  l  Europe,  &e.,  504  pag.  Tonu  IV: 
chroniques  arabes,  traduites  et  mises  en  ordre  par  M.  Reinfcud, 

,:  &nplo?é  au  cabinet  des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi. 
^Paris  (Imprimerie  royale) ,  xlvî)  et  5 82  pag.  Avec  une  table, 
jjénéraje  des  chroniques  et  des  pièces  analysées  dans  les  quatre 
<tomiSï  5  5  pages.  Pr.  29  £r. 

'  ÏÀf  <Jua^me  édition  de  l'Histoire  des  Croisades  par  M.  Michaud 


FÉVRIER    1830/  103 

est  en  six  volumes  in-8.9,  dont  le  dernier  vient  de  paroître  (ï).  En 
rendant  compte  des  trois  premiers  dans  ce  journal  en  1826  (2),  on  a 
donné  une  idée  générale  des  notices  littéraires  qui,  sous  le  titre  de 
bibliographie  ou  bibliothèque  des  croisades  ,  servoient  d'appendice  ou 
de  complément  à  cette  histoire.  Mais,  depuis  ce  temps ,  M.  Michaud  a 
revu  toutes  ces  notices;  il  y  a  fait  un  grand  nombre  d'additions  et  de 
cflmctions  :  c'est  aujourd'hui  un  travail  très-é tendu ,  et  recommandât) le 
à  plus  d'un  titre. 

Tout  ce  que  les  collections  d'historiens,  publiées  en  France,  en 
Italie ,  en  Angleterre ,  en  Allemagne ,  en  d'autres  contrées ,  renferment 
de  chroniques  et  de  pièces  relatives  aux  croisades ,  est  successivement 
analysé  dans  les  trois  premiers  volumes  de  cette  bibliothèque;  le 
quatrième  est  consacré  aux  écrivains  arabes  ;  et  le  cahier  de  table  qu'on 
a  joint  à  ces  quatre  tomes ,  présente  les  titres  de  tous  les  articles  dont 
ils  contiennent  les  notices,  c'est-à-dire,  d'environ  deux  cent  soixante- 
deux  chroniques ,  et  de  plus  de  trois  cents  pièces,  ainsi  que  de  Trente- 
une  collections  (3)  où  la  plus  grande  partie  des  unes  et  des  autres  est 
insérée. 

Cette  table,  dite  générale ,  se  compose  de  sept  tables  particulières 
et  distinctes  1  toutes  alphabétiques,  savoir,  celles  des  chroniques  dont 
fçs  auteurs  sont   connus ,   des  chroniques  anonymes ,   des  bulles  de 


(1)  Tome  I.er,  l.rc  partie,  contenant  l'histoire  de  la  i.re  croisade,  liv.  I-IV, 
aniu  109.5-1 103.  Paris,  impr,  de  Boucher,  librairie  de  Ponthieu,  1825, 
675  pages  in-8.° ,  avec  une  carte  de  l'Asie  mineure,  des  plans  d'Antioche  et  de 
Jérusalem. Tom.  II,  n.e  partie,  2.e  et  3.* crois. ;  liv.  V-VïH,ann.  1099-1 103, 
ibid.  1825,  654  pages,  avec  une  carte  des  états  chrétiens  en  Asie  et  un  plan 
de  Ptolémaïs.  Tom.  III,  contenant  le  récit  de  la  3.*  croisade,  de  la  conquête 
de  Constanttnople  paries  Francs, &c,  liv.  ix-xn,  ann.  1193*1221  >\bïd.  1826, 
659  pages  avec  des  plans  de  Constantinople  et  de  D amie t te.  Tom,  IV,  fia  de 
h  o.c  croisade  et  i.re  expédition  de  S. .Louis,  liv.  XHI-XVI,  arJn.  1221-1254, 
ibid.  505  pag.  Tom.  V,  contenant  les  conquêtes  de  Bibars,  la  2/  expédition 
de  S.  Louis,  la  prise  de  Ptolémaïs,  les  guerres  contre  les  Turc*,  liv.  XVH-XX, 
anre  1255^-1718,  ibid.  1828,  688  pag- Tom.  VI  :  Physionomie  morale  des  croi- 
sades, et  considérations  sur  leurs  résultats,  liv*  XXI ,  XXII.  Table.  Paris,  irapr.  de 
Pihan  Delaforest,  librairie  de  Michaud  jeune,  1829,  548  pag.  Prix  de*-6  vol. 
44  fr,  —  (2)  Article  de  M.  Raouî-Rochette,  sept.  1826,  pag.  554-564.  ta 
première  édition  de  l'Histoire  des  croisades  avoit  été  le  sujet  d'un  article  de 
M.  Raoul-Rochette,  dans  notre  cahier,  d'octobre  i8f7,  pag.  579-588. — 
(3)  Celles  de  Bongars,  Duchesne,  Martenne  et  Durand,  d*Achery,  Ma- 
bîiloA  et  Germain,  Labbe,  Bouquet;  Muratori. . . .  ,  Th.  Gale,  TwisAerJ, 
Savtt,  Camden,  Rymer;  Struve,  Leibnitz,  Meibonius,  Swert,  Pistoritn, 
Ludewig,  Helneccius,  Eccard,  Canisius,  Schardius,  Pez,  Somraerberg, 
M^q.  Freher ,  Mathiaz  Bel ,  Langebeck 


*. 


io4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

papes ,  des  é pitres  de  papes,  des  lettres  de  divers  personnages,  des 
pièces  diplomatiques ,  des.  collections  d'histoires ,  et  enfin  des  auteurs 
arabes.  Peut* être  n'eût-il  pas  été  superflu  d'en  ajouter  une  huitième, 
qui  eût  offert  une  seule  série  chronologique  de  tous  ces  écrits ,  c'est-à- 
dire  ,  qui  les  eût  replacés  dans  j'ordre  des  dates  connues  ou  présumées 
de  la  rédaction  de  chaque  article. 

Une  table  de  cette  nature-  seroit  d'autant  plus  utile,  que  la  disposi dfci 
des  articles  dans  les  trois  premiers  volumes  de  la  Bibliothèque  (les 
croisades  n'établit  pas  du  tout  l'ordre  chronologique  dont  il.  s'agit ,  et 
a'aide  point  assez  à  le  retrouver.  En  effet,  on  commence  par  les 
chroniques  et  les  pièce*  que  Bongars  a  recueillies  ;  puis  on  parcourt 
celles  que  Duchesne  a  imprimées ,  ensuite  celles  dont  la  publication  est 
due  à  Marfenne  ,  à  <f  Achery  ,  à  Mabillon ,  à  Labfee  ,  à  Bouquet  et  à  ses 
continuateurs  ;  après  quoi  on  ouvre  les  collections  de  Muratori ,  de 
Th.  Gale,  de  divers  éditeurs  anglais,  allemands,  septentrionaux,  et 
l'on  finit  par  les  articles  qui  ne  «ont  compris  dans  aucun  de  ces  recueils, 
et  qui  ont  été  publiés  à  part.  Nous  n'avons  pas  besoin  de  faire  observer 
que  cette  distribution  ne  peut  ni  correspondre  aux  dates  de  la  composi- 
tion des  écrits,  ni  se  rapprocher  de  celles  des  événemens  racontés.  Il  est 
vrai  que  les  notices  fournissant  presque  toujours  ces  dates ,  les  lecteurs 
auroient  le  moyen  de  rétablir  cet  ordre  des  temps  >  qui  nous  semble  né- 
cessaire, et  de  rédiger,  pour  leur  usage,  la  table  chronologique  dont  il 
s'agit;. mais  il  eût  été  facile  de  leur  épargner  ce  travail. 

Nous  sommes  loin  pourtant  de  contester  les  avantages  du  plan  suivi 
dans  les  volumes  dont  nous  avons  à  rendre  compte.  II  prépare,  plus 
immédiatement  qu'aucun  autre,. à  étudier,  dans  les  grandes  collections 
de  chroniques,  l'histoire  spéciale  des  croisades  :  les  doubles  emplois  et 
les  autres  inconvéniens  qu'il  pouvoit  entraîner,  ont  été  par-tout  évités 
avec  un  soin  extrême;  et  l'exécution  est  à  tous  égards  si  heureuse,  que 
bien  souvent  cette  bibliothèque  pourra  tenir  lieu  des  recueils  mêmes 
qu'elle  dépouille ,  et  dispenser  d'y  recourir.  Dans  tous  les  cas ,  elle 
indiquera  le  meilleur  usage  qu'il  y  aura  lieu  d'en  faire.  La  seule  observa- 
tion que  nous  ayons  eu  l'intention  de  hasarder,  c'est  qu'un  index 
chronologique  complétèrent  l'instruction,  très-précieuse,  que  cet  ou- 
vrage doit  répandre. 

._  Avec  cette  addition  si  modique ,  la  bibliothèque  de  M.  Michaud 
traceroit  le  plan  dune  collection  depuis  trop  long- temps  attendue,  où 
Von  rassemblerait 'tous  les  textes  qu'il  a  extraits,  traduits  ou  analysés. 
C'était  une  entreprise  projetée  par  les  bénédictins  :  Dom  Berthereau 
avoit  commencé  de  rechercher  les  matériaux  d?  ce  nouveau  recueil; 


•FÉVRIER   1830.  ioj 

ceux  qu'il  a  préparés  sont  déposés  à  la  Bibliothèque  du  Roi  ;i).  Cette 
collection  devoit  remplir  les  lacunes  que  ces  savans  religieux  faissoient 
à  dessein  dans  celle  des  Historiens  de  France,  où  en  effet  sont  omises 
les  chroniques  spécialement  relatives  aux  croisades.  Sur  ce  point,  nous 
ne  saurions  souscrire  au  jugement,  plus  que  sévère,  que  M.  Michaud 
exprime  en  ces  termes  :  «  Par  une  idée  assez  bizarre ,  ils  se  sont  attachés, 
»  dans  leur  compilation,  à  retrancher,  des  historiens  qu'ils  ont  recueillis, 
»  tout  ce  qui  a  rapport  à  ces  guerres  saintes;  ils  n'en  ont  conservé  que 
»  ce  qu'ils  n'ont  pu  se  dispenser  de  rapporter.  »  Le  motif  bien  connu 
de  ces  omissions  étoit  de  ne  pas  reproduire  les  mêmes  textes  en  deux 
recueils  qui  dévoient  se  publier  concurremment.  Peut-être  les  béné- 
dictins ont-ils  porté  un  peu  trop  loin  ce  scrupule,  quand  ils  ont  retranché 
de  quelques  annales  générales  les  pages  ou  les  lignes  où  il  ne  s'agissoit 
que  des  croisades.  Ils  ont  été  forcés  par  fa  nature  même  des  choses 
d'en  conserver  plusieurs,  ainsi  que  vient  de  l'observer  M.  Michaud, 
qui  a  trouvé  encore  certains  articles  à  extraire  de  leurs  tomes  X,  XI, 
XII,  XV  et  XVI.  Parvenu  au  XVII.e,  M.  Brial  a  senti  la  nécessité 
de  modifier  la  méthode  suivie  jusqu'alors.  A  ce  sujet,  M.  Michaud  dit 
que ,  ce  trop  judicieux  pour  se  laisser  entraîner  par  les  idées  des  béné- 
»  dictins  qui  avoient  travaillé  avant  lui  aux  premiers  volumes  des 
»  Historiens  de  France,  Uom  Brial  n'a  point  élagué  des  chroniques  qu'il 
»  a  publiées  les  faits  relatifs  aux  croisades ,  qu'il  a  pensé  avec  raison 
»  que  les  expéditions  des  croisés  dans  l'Orient  nétoient  qu'un  grand 
»  épisode  h  V histoire  de  France.  y>  Nous  croyons  pouvoir  assurer  que 
M.  Brial  ne  jugeoit  point  avec  cette  rigueur  les  omissions  que  ses  prédé- 
cesseurs s'étoient  prescrites  ;  au  contraire,  il  s'en  est  fait  à  lui-même  une 
loi  dans  le  tome  XIV,  dont  il  a  été  le  seul  éditeur,  et  qui  ne  fournit  aucun 
article  à  M.  Michaud;  il  seroit  permis  d'ajouter,  dans  les  tomes  XV 
et  XVI ,  qui  n'en  fournissent  qu'un  assez  petit  nombre.  Voyant  néan- 
moins que  la  collection  particulière,  annoncée  depuis  un  demi-siècle, 
ne  s'entreprenoit  point  encore  au  moment  où  il  entamoit  la  série  des 
monumens  relatifs  aux  règnes  de  Philippe- Auguste  et  de  Louis  VIII, 
il  s'est  déterminé,  pour  ne  pas  la  laisser  trop  incomplète,  à  y  insérer, 
non-seulepientce  que  Rigord  et  d'autres  chroniqueurs  généraux  ont  dit 
des  expéditions  en  Orient,  mais  aussi  des  relations  qui  n'ont  guère 
d'autre  objet  que  celui-là ,  comme  celles  de  Villehardouin  et  de  son 
continuateur.   Il  est  probable  qu'on  en  usera  de  même  à  l'égard  du 

(1)    Voyez  une  notice  sur  Dom  Berthereau,  par  M.  Silvcstre  de  Sacy ,  dans 
le  Magasin  encyclopédique,  ann.  vu ,  tom.  Il ,  pag.  i4S« 

O 


io6  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

règne  de  S.  Louis ,  si  Ion  n'a  pas  l'espoir  d'une  prochaine  publication 
du  recueil  destiné  aux  historiens  des  croisades.  Un  retard  indéfini  de 
cette  entreprise  a  le  double  inconvénient  de  refuser  aux  tomes  X  à  XVI 
des  Historiens  de  France  les  complémens  dont  ils  ont  besoin,  et 
d'obliger  à  s'écarter  de  plus  en  plus  du  système  des  premiers  éditeurs  , 
si  l'on  ne  veut  pas  que  les  volumes  qui  suivront  le  XlX.e  redeviennent 
et  demeurent  défectueux,  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres, 
qui  possède,  parmi  ses  membres,  les  savans  les  plus  versés  dans 
l'histoire  et  la  littérature  de  l'Orient,  ne  peut,  à  ce  qu'il  nous  semble, 
différer  plus  long-temps  un  travail  si  justement  réclamé.  La  bibliothèque 
de  M.  Michaud  en  est  un  très-digne  avant-coureur  :  elle  indique 
presque  tous  les  matériaux  à  mettre  en  œuvre;  et  si  elle  en  traçoit 
aussi  la  disposition,  elle  seroit  un  prospectus,  déjà  fort  instructif, 
de  la  collection  qui  nous  manque. 

Les  croisades  ne  sont  pas  seulement  un  grand  épisode  de  l'histoire  de 
France  :  elles  tiennent  aux  annales  de  l'Europe  entière  et  de  plusieurs 
contrées  orientales  ;  elles  sont  ce  qu'il  y  a  de  plus  général  dans  l'histoire 
des  nations  depuis  Fan  1095  jusqu'en  1270.  Voilà  pourquoi  le  recueil 
des  historiens  de  ces  expéditions  étoit  envisagé  par  les  bénédictins 
comme  devant  être  distinct  de  celui  des  monumens  de  notre  propre 
histoire,  dont  en  effet  il  dépasseroit  fort  souvent  les  limites.  Le  tableau 
historique  des  croisades  prend  déjà  cette  étendue  dans  les  chroniques 
et  les  pièces  que  Bongars  a  réunies  en  1611  (1)  :  il  seroit  bien  plus 
vaste  dans  toutes  celles  qu'il  n'avoit  pu  lire,  et  qui  ont  été  découvertes 
durant  deux  siècles  très-studieux.  M.  Michaud  vient  de  faire  connoître 
les  unes  et  les  autres  par  des  analyses  pleines  d'intérêt. 

On  peut  distinguer,  en  chacune  de  ces  notices  ,  trois  parties ,  l'une 
biographique,  l'autre  analytique,  la  troisième  bibliographique.  Les 
bénédictins ,  dans  leur  Histoire  littéraire  de  la  France ,  à  partir  du 
tome  VII ,  avoient  fait,  en  très-grande  partie,  les  recherches  relatives 
à  la  vie  de  chaque  historien  des  croisades,  de  ceux  du  moins  qui  sont 
nés  ou  ont  vécu  en  France  ;  et  quoique  M.  Michaud  n'ait  point  cité  ces 

(l)  G  esta  Dei  per  Franco  s ,  sive  orientait  um  expeditionum Hïstoria ,  à 

variis,  sed  illius  œvi  scriptoribus . . .  .  /  nunc  prhnitm  aut  editis  aut  emendatis 
h  Jac.  Bongarsio.  Hanoviae,  Wechel ,  1 61 1-,  2  vol.  in-fol.  Tom.  I,  Tudebode, 
le  moine  Robert,  Baudry  de  Dol,  Raimond  d'Agiles,  Albert  d'Aix,  Foucher 
de  Chartres,  Gautier  chancelier,  Guibert  de  Nogent,  deux  anonymes,  Guil- 
laume de  Tyr,  Jacques  de  Vitry. . . .  ,  Olivier  le  scholascîque. . . ,  Lettres  et 
pièces.  —  Tom.  Il,  Sanuri  et  un  anonyme.  Un  troisième  voîumeque  dévoient 
remplir  Haiton,  Marco-Polo,  Mandeville,  &c«,  n'a  pai  été  publié. 


FÉVRIER   Ï830.  107 

notices»  il  suffit  de  les  comparer  aux  siennes  pour  s'assurer  qu'il  n'a 
point  négligé  de  prendre  connoissance  du  travail  de  ces  savans  reli- 
gieux. Ce  sont  de  part  et  d'autre  les  mêmes  faits,  dans  le  même  ordre, 
et  quelquefois  les  mêmes  expressions.  Mais,  en  général,  l'auteur  de 
la  bibliothèque  a  fort  abrégé  les  discussions  et  retranché  Jes  détails  d'une 
fbible  importance.  II  ajoute  cependant  à  l'article  de  Raoul  Glaber  une 
date  précise  de  la  mort  de  cet  écrivain ,  savoir  1 4o8 ,  apparemment  pour 
1108,  ou  plutôt  peut-être  pour  io48.  Les  bénédictins  disent  qu'il 
vivoit  encore  en  io48,  et  qu'il  a  pu  prolonger  sa  carrière  au-delà. 
Sainte-Palaye ,  en  commençant  son  mémoire  sur  la  vie  et  les  ouvrages 
de  Glaber  1  ) ,  déclare  qu'après  beaucoup  de  recherches ,  il  n'a  rien 
découvert  qui  fasse  «  connoître  ni  le  temps  de  sa  naissance  ni  celui  de 
»  sa  mort.  »  Lebeuf  (2)  et  la  Biographie  universelle  le  font  mourir  vers 
1050.  Nous  croyons  qu'on  peut  s'en  tenir  à  cette  date ,  en  ne  la  donnant 
que  pour  approximative.  Né  au  commencement  du  Xl.e  siècle ,  si  ce 
n'est  même  avant  l'an  1000,  Glaber  n'a  probablement  pas  vécu  jus- 
qu'en 1095;  et  il  ne  seroit  à  considérer  coiii me  un  historien  des 
croisades ,  que  parce  qu'on  mettroit  au  nombre  des  causes  de  ces 
expéditions  quelques-uns  des  événemens  racontés  dans  ses  cinq  livres 
d'histoire,  et  arrivés  entre  les  années  987  et  io46.  II  ouvrirait  ainsi  la 
série  de  ces  historiens,  et  c'est  pour  cette  raison  que  nous  nous  sommes 
d'abord  arrêtés  à  ce  qui  le  concerne. 

L'un  des  plus  anciens  après  lui  est  Raimond  d'Agiles,  dont  les  récits 
s'étendent  jusqu'en  1099.  Ii  avoit  accompagné  à  la  première  croisade 
l'èvêque  du  Puy  Àdhémar  et  le  comte  de  Saint-Gilles.  «  Dès  les  premiers 
»  fours  de  leur  marche,  disent  les  auteurs  du  tome  VIII  de  l'Histoire 
»  littéraire  de  la  France  (  p.  62  $.),  Raimond  se  lia  d'une  étroite  amitié 
»  avec  Ponce  de  Balazun,  l'un  des  braves  chevaliersde  l'armée  du  comte... 
»  Ils  conçurent  l'un  et  l'autre  le  dessein  d'écrire  les  aventures  de  cette 
»  guerre,  mais  en  s'attachant  principalement  à  ce  qui  concernoit  le 
»  comte  leur  seigneur  et  l'armée  qu'H  commandoit.  Un  des  motifs  qui 
»  les  y  déterminèrent  fut  d'apprendre  que  de  lâches  déserteurs  de  la 
»  croisade,  étant  retournés  dans  leur  pays,  y  débitoient  beaucoup  de 
»  faussetés.  »  M.  Michaud  en  dit  autant  et  presque  dans  les  mêmes 
termes  (  tom.  I ,  pag.  27  )  :  mais  il  ajoute  que  «  Raimond ,  revenu  en 
»  France,  devint  chanoine  du  Puy  ,  »  tandis  que,  selon  les  bénédictins , 
il  étpit  déjà  chanoine  de  cette  église  avant  1 09  j ,  et  a  fort  bien  pu  ti'y 


1 .  !» 


(i)  Mémoires  de  l'Académie  royale  des  inscriptions  ei  éelles-iettre* ,  VIII,  5A9. 
Voy.  atssi  Niceron. iXXVJIi y 1*9: 1  jb.  +- {*)Mistoimd'4ux*rn* U#  4*4» $ J- 

O    2 


io8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

pas  reparoître  après  1099.  ce  On  ignore  absolument,  écrivent-ils,  s'il 
»  revint  tn  France  ou  s'il  mourut  en  Palestine,  ce  qui  paroît  le  plus 
»  vraisemblable.  »  Nous  ne  connoissons  pas  les  motifs  qui  ont  déterminé 
M.  Michaud  à  penser  autrement  sur  ces  deux  points. 

II  a  fort  resserré,  mais  sans  en  modifier  essentiellement  aucun  article, 
ce  que  l'Histoire  littéraire  (VIII,  629-63  1  )  contenoit  de  relatif  à  la  vie 
de  Tubebode,  qu'on  suppose  aussi  mort  vers  1 099,  et  dont  l'ouvrage, 
resté  long-temps  anonyme,  est  une  histoire  de  la  première  croisade.  On 
ne  possède  qu'un  fragment  de  ce  qu'avoit  écrit  sur  cette  même  expédi- 
tion le  comte  d'Anjou ,  Foulques,  dit  le  Réchin ,  et  Ton  a  perdu  la  partie 
qui  le  concernoit  personnellement.  En  conséquence,  M.  Michaud  ne 
rapporte  pas  même  les  dates  ,  1  o44  et  1 1 09  ,  de  (a  naissance  et  de  la 
mort  de  ce  comte,  sur  la  vie  duquel  les  bénédictins  (  Hist.  litt.  IX, 
391-395  )  avoient  recueilli  plusieurs  détails  dans  Orderic  Vital,  dans 
la  chronique  de  Maillezais  et  en  d'autres  monumens. 

Si  nous  poursuivions,  dans  Tordre  chronologique,  l'examen  de  la 
partie  biographique  du  travail  de  M.  Michaud,  nous  en  conclurions 
sans  doute  qu'elle  est  rédigée  avec  un  grand  soin,  qu'elle  présente  sous 
les  plus  heureuses  formes  de  très-utiles  résultats,  mais  peut-être  aussi 
qu'elle  n'a  point  assez  d'étendue ,  et  qu'elle  ne  dispense  pas  toujours  de 
chercher  ailleurs  des  renseignemens  plus  complets  ou  même  plus  exacts. 
C'est  à  la  partie  analytique  que  Fauteur  a  donné  tout  l'intérêt  dont  elle 
étoit  susceptible  :  on  la  doit  considérer  comme  tout-à-fait  neuve, 
quoique  avant  lui  divers  écrivains  aient  composé  des  précis  de  la  plu- 
part de  ces  chroniques  des  croisades.  II  a  sur  eux  l'avantage  d'être  lui- 
même  le  plus  habile  historien  de  ces  expéditions  ,  d'avoir  puisé  dans  les 
sources  qu'il  décrit  les  matériaux  d'un  grand  ouvrage,  reproduit 
et  perfectionné  à  différentes  reprises.  Il  a,  de  toutes  ces  relations,  de 
tous  les  faits  et  de  tous  les  détails  qu'elles  exposent ,  une  connoissance 
profonde  et  familière ,  que  ne  pouvoient  posséder  au  même  degré  ceux 
qui  n'entreprenoient  que  des  éditions  ou  des  analyses  de  ces  écrits.  On 
ne  doit  pas  s'étonner  de  la  rare  sagacité  avec  laquelle  il  les  apprécie ,  les 
confronte,  et  fait  discerner  en  chaque  production  ce  qu'elle  a  d'original 
ou  de  caractéristique.  Nous  croyons  que ,  même  après  son  Histoire  des 
croisades ,  cette  bibliothèque  captivera  l'attention  des  lecteurs  :  ils  y 
retrouveront  des  récits  animés ,  de  vives  lumières ,  une  instruction  nou- 
velle. C'est  un  riche  tissu  de  pièces  justificatives,  où  les  événemens 
mémorables  apparoissent  sous  les  aspects  divers  qui  ont  frappé  les 
regards  des  contemporains. 

Raoul  de  Caen,  qui  se  dit  né  en  1 080,  et  qui  paroît  n'avoir  vécu  que 


c  > 


FÉVRIER   1830.  109 

jusqu'en  1 1 1 5  >  a  raconté  comme  témoin  les  exploits  deTancrède  à  la 
première  croisade.  Son  ouvrage ,  long-temps  inconnu ,  a  été  publié 
d'abord  par  Dom  Martenne  en  17 17  (Thés,  anecd.  III,  107-210); 
mais  (Tune  manière  plus  exacte  et  plus  complète  par  Muratori  (  Script, 
rcr.  italic.  V).  Au  lieu  des  sommaires  arides  qu'on  a  donnés  de  ce  livre 
d'après  ces  deux  éditions,  M.  Michaud  (  Bibl.  II ,  506-525)  en  extrait 
véritablement  toute  la  substance,  et  y  joint  des  observations  instructives. 
Par  exemple ,  quand  Raoul  de  Caen  fait  le  portrait  des  chefs  qui 
assiégeoient  Nicée  ,  l'analyse  de  ce  morceau  est  conçue  en  ces  termes  : 
«  II  nous  montre  Godefroi  modeste  et  brave,  ressemblant  à  sa  mère  pour 
»  la  piété,  à  son  père  pour  les  qualités  belliqueuses;  Robert  de  Nor- 
»  mandie  l'emportant  sur  Godefroi  par  sa  puissance,  mais  ne  sachant 
»  gouverner  ni  ses  peuples  ni  sa  fortune  :  la  prodigalité  de  Robert  étoit 
»  telle,  qu'il  payoit  un  épervier  ou  un  chien  tout  ce  qu'on  lui  demandoit  ; 
»  un  si  grand  désordre  régnoit  dans  sa  maison ,  que  le  service  de  sa 
»  table  étoit  souvent  le  produit  du  pillage.  Hugues,  frère  de  Philippe, 
»  roi  de  France,  tiroit  moins  de  lustre  de  ses  vassaux  ou  de  ses  troupes 
»  que  du  sang  royal.  Raoul  n'en  dit  pas  davantage  ;  d'autres  historiens 
»  ajoutent  que  le  comte  de  Vermandois  fut  appelé  grand  à  cause  de  sa 
»  stature  élevée.  Le  comte  de  Flandre  ,  selon  notre  chroniqueur,  passoit 
»  pour  le  plus  habile  à  manier  la  lance  et  l'épée  ,  préférant  fa  gloire  de 
»  combattre  au  soin  de  gouverner  ses  peuples.  Raymond  de  Saint-Gilles, 
»  que  Raoul  nomme  le  dernier,  n'étoit  inférieur  aux  autres  chefs  ni  par 
»  ses  états  ni  par  son  génie.  »  Tous  les  autres  chapitres  sont  analysés 
avec  la  même  élégance;  et  un  tel  abrégé  donneroit  peut-être  une  trop 
haute  idée  de  (ouvrage ,  si  M.  Michaud  n'avoit  pris  soin  de  le  caractériser 
par  des  réflexions  générales,  au  commencement  et  à  la  fin  de  cette 
excellente  notice.  Le  lecteur  y  est  averti  que  la  chronique  de  Raoul  de 
Caen,  écrite  tantôt  en  prose,  tantôt  en  vers,  doit  perdre,  par  ce  mélange 
bizarre,  la  simplicité  naïve  qui  donne  du  prix  à  plusieurs  relations  du 
même  temps;  que  l'auteur  revient  sans  cesse  aux  lieux  communs  de  la 
mythologie,  et  abuse  à  tel  point  des  souvenirs  de  ses  premières  études, 
qu'on  en  est  bientôt  fatigué;  que  son  goût  pour  les  jeux  de  mots  et 
pour  des  locutions  affectées  achève  d'ôter  k  sa  composition  la  gravité 
qui  la  devroit  recommander;  que  néanmoins  il  mérite ,  comme  historien, 
d'être  examiné  avec  une  attention  particulière ,  parce  que  ses  récits 
différent  souvent  de  ceux  de  ses  contemporains  ;  qu'au  ton  qu'il  prend, 
aux  pensées  qu'il  exprime,  aux  autorité*,  toujours  un  peu  profanes,  qu'if 
cite  ,  on  reconnoît  un  chevalier  instruit  dans  les  lettres  humaines ,  qui 
sait  mieux  Virgile  que  la  Bible,  et  qui  s'occupe  bien  plus  de  la  renommée 


no  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  son  chef  que  de  ia  gloire  de  Dieu.  •*  Aussi ,  poursuit  M.  Michaud , 

*  sa  chronique  est-elle  la  seule  de  cette  époque  où  Ton  puisse  con- 
»  noître  l'aspect  et  les  senrimens  de  la  chevalerie  contemporaine  des 
»  guerres  saintes;  les  autres  chroniqueurs,  presque  tous  moines  ou 

*  clercs,  nous   montrent    bien    moins  dans   leurs   récits    les   moeurs 

*  guerrières  des  comtes  et  des  barons ,  que  le  zèle  et  le  caractère  pieux 
»  du  clergé  et  de  cette  foule  de  pèlerins  qui  suivoient  ia  croisade  sans 
»  armes.  »  M.  Michaud  nous  fait  observer  même  queTancrède  est  loin 
de  paroître  aussi  intéressant  dans  ce  long  panégyrique  que  dans  le 
poëme  du  Tasse  ;  le  chantre  de  Godefroi  de  Bouillon  nous  représente 
»  Tancrède  comme  un  héros  sensible  et  passionné  :  dans  la  chronique 
»  de  Raoul ,  on  ne  voit  qu'un  guerrier  farouche  et  sauvage,  qu'anime 
»  sans  cesse  la  fureur  des  combats,  et  qui  n'est  grand  que  sur  le  champ 
»  de  bataille.  » 

Nous  ne  pourrions ,  sans  étendre  beaucoup  trop  cet  article ,  nous 
arrêtera  toutes  les  notices  qui  auroient  droit  aux  mêmes  éloges.  Telles 
seraient  celles  qui  concernent  Albert  d'Aix  (  tom.  1 ,  4-3-8 1  ) ,  Robert 
le  moine  (3-19),  Gautier  le  chancelier  !  io4-'33)>  Foucher  de 
Chartres  (  82- 1  o4  ) ,  Baudry  de  Dol  (  1 9-26  ) ,  Odon  de  Deuil  (228- 
25  j  ) ,  Guillaume  de  Tyr  (  131-165  ),  &c. ;  auteurs  qui  continuent , 
dans  le  xil.c  siècle,  la  série  des  historiens  de  ces  expéditions.  Ces 
notices  ne  laisseraient  quelque  prise  à  la  critique  qu'autant  qu'on 
reviendrait.- sur  la  partie  biographique,  toujours  un  peu  défectueuse, 
qui  précède  chacune  des  savantes  analyses  de  M.  Michaud.  Le  troisième 
concile  général  de  Latran  s'est  tenu  en  1  179  :  on  dit  ici  que  Guillaume 
de  Tyr  assista  au  synode  de  Latran  en  1  177,  et  l'on  néglige  plusieurs 
autres  faits  de  la  vie  de  ce  chroniqueur ,  qui  ont  été  exposés  par  M.  de 
Pastoret  dans  le  tome  XIV  de  l'Histoire  littéraire  de  la  France 
(p,  587-592).  Mais  il  importe  davantage  de  remarquer  les  pièces 
inédites  que  M.  Michaud  a  pris  soin  d'intercaler  parmi  celles  qu'il 
rencontrait  dans  les  collections  imprimées.  Entre  la  Philippide  de 
Guillaume  le  Breton  et  l'Histoire  de  Philippe  Auguste  par  Rigord ,  il 
insère  (  tom.  I,  pag.  273-277),  une  notice  de  deux  poèmes  en  langue 
vulgaire,  intitulés,  l'un,  le  Chevalier  du  Cygne  ou  la  conques  te  de  Jérusalem  ; 
l'autre,  Roman  de  Godefroi  de  Bouillon.  A  vrai  dire,  nous  ne  saurions 
rendre  raison  de  ia  place  assignée  ici  à  ces  deux  productions  manus- 
crites; mais  il  y  avoit  lieu  en  effet  d'en  faire  mention  quelque  part. 
La  première  est  attribuée  à  Gandor  de  Douai ,  trouvère  distingué  du 
Xll'  siècle,  dit  M.  Michaud.  Cette  époque  et  cette  distinction  avoient 
été  contestées  d'avance  par  ceux  qui  ont  déjà  fait  connoître  ce  poème  , 


*     FÉVRIER   1850.  if  t 

soit  d après  le  manuscrit  du  Roi  7 1 92,  que  M.  Michaud  cite,  soit  aussi 
d'après  celui  de  l'Arsenal  n.°  125  des  belles-lettres  (1):  on  n'a  placé 
qu'au  xiii. c  siècle  Renax  ou  Renaus,  qui  a  commencé  le  Chevalier  du 
Cygne,  à  plus  forte  raison Gandor,  qui  l'a  seulement  continué;  et  les 
extraits  qui  ont  été  publiés  de  cette  œuvre ,  y  compris  ceux  qui  se  lisent 
dans  la  nouvelle  Bibliothèque  des  croisades,  n'en  inspirent  pas  une 
idée  très-avantageuse.  Du  reste  ,  c  est  la  première  expédition  qui  en 
fournit  le  sujet,  à  partir  des  prédications  de  Pierre  l'Ermite,  et  à  finir  à 
l'installation  de  Godefroi  sur  le  trône  de  Jérusalem.  Le  titre  du  second 
ouvrage  (  roman  de  Godefroi  de  Bouillon  )  ,  dit  assez  qu'il  a  la  même 
matière  ;  mais  ce  n'est  qu'une  version  ou  paraphrase  rimée  de  la  chro- 
nique de  Robert  le  moine;  et  nous  croyons  qu'on  fera  descendre  le 
versificateur  anonyme  au  xiv.e  siècle,  ou  même  à  la  fin  du  xv.c,  si 
l'on  en  juge  par  son  langage  : 

Souviegne-vous  de  nous  ;  ne  soyons  oubliées. . . 
Antioche  fut  prise  un  nrercredi  au  soir. . . . 
Signor,  cette  cité,  vous  l'avez  conquestée  ; 
Or  faut  élire  un  roi  dont  elle  soit  gardée,  &c. 

On  ne  connoissoit  la  chronique  française  de  Bernard  le  trésorier  que 
par  Pépin  de  Bologne,  qui  en  a  traduit  en  latin  plusieurs  parties  dans  ses 
annales  insérées  au  tome*  IX  des  Scriptores  rerum  italicarum  deMuratori. 
M.  Michaud,  avant  d'arriver  à  Pépin,  donne  une  analyse  fort  détaillée 
de  l'ouvrage  de  Bernard  ,  d'après  le  manuscrit  du  Roi  67 44»  Quoique 
le  fond  en  soit  souvent  emprunté  de  Guillaume  de  Tyr  et  de  son  conti- 
nuateur ,  on  y  rencontre  des  particularités  qui  ne  se  retrouvent  point 
ailleurs.  C'est  un  des  articles  les  plus  étendus  et  les  plus  curieux  du 
tome  II  de  la  Bibliothèque  des  croisades  (  p.  j  $  5-582  )  :  il  est  rédigé 
avec  un  grand  soin.  On  doit  en  rapprocher  ce  qui  est  dit  dans  le 
tome  I.cr  (  366-388  )  de  la  continuation  française  de  Guillaume  de  Tyr  ; 
car  elle  reproduit  en  partie  la  chronique  de  Bernard.  Un  manuscrit  de 
Rothelin,  conservé  à  la  Bibliothèque  du  Roi,  fournit  à  M.  Michaud  le 
moyen  de  faire  des  additions  importantes,  jusqu'à  l'an  126 1  ,  à  ce  que 
Matrtenne  et  Durand  avoient  publié  de  cette  continuation,  dans  le 
tome  V  de  leur  Amplis si  ma  collectio. 

Nous  remarquerons  encore ,  com  me  inédite ,  la  chronique  française 

(1)  Voyez  les  Mélanges  tirés  /l'une grande  bibliothèque,  tom.  VI ,  p.  4-162.  — 
De  l'état  de  la  poésie  française  aux  xil.'  et  xuiS  siècles,  par  M.  de  Roquefort, 
p.  102. —  Histoire  littéraire  de  la  France,  XVI,  232. 


ii2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

n.°  4j4  des  manuscrits  du  fonds  de  Sorbonne  :  M.  Michaud  en  avoit 
fait  usage  dans  son  Histoire  des  croisades ,  à  propos  de  la  captivité  du 
roi  d'Angleterre,  Richard;  ii  nous  en  offre  aujourd'hui  une  notice 
(  tom.  III,  p.  3 3p- î 4 5  )  >  ainsi  que  (  p.  382,  38  j  )  du  ce  Roummans 
»de  Godefroi  de  Builfon  et  de  Salehandin,  et  tous  les  roys  qui  y  ont 
»  esté  jusques  à  S.  Loys  qui  dernièrement  fu ,  et  de  leur  fait  et  de 
»  Pierre  l'Hermîte  qui  premier  esmeut  le  peuple ,  .&c.  5  »  manuscrit 
orné  de  cent  dix -sept  vignettes  et  numéroté  to  à  la  Bibliothèque 
royale. 

Au  soin  que  prend  M.  Michaud  d'analyser  ainsi  plusieurs  productions 
inédites ,  on  pense  bien  qu'il  ne  néglige  aucune  de  celles  du  même  genre 
qui  ont  été  publiées.  C'est   à  dessein  qu'il   écarte  Villehardouin  et 
Joinville,  qui  se  trouvent,  dit-il ,  dans  les  mains  de  tout  le  monde,  et 
qu'if  a  d'ailleurs  tant  de  fois  cités  en  racontant  lui-même  les  événemens 
dont  ils  sont  pour  nous  les  principaux  témoins.  Peut-être  pensera-t-on 
que  ces  motifs,  qui  sans  doute  pouvoient  conseiller  d'abréger  les  notices 
relatives  à  ces  deux  écrivains,  n'exigeoient  pas  qu'elles  fussent  tout-à- 
fait  supprimées.  Nous  ajouterons  que  l'omission  de  Villehardouin  a 
entraîné  celle  de  son  continuateur,  qui  n'est  pourtant  pas  encore  trop 
universellement  connu ,  puisque  son  livre  a  été  imprimé  pour  la  pre- 
mière fois  en  1822  par  M.  Brial,  pour  la  seconde  et  jusqu'ici  la  dernière 
par  M.  Buchon  en  1828  (  1  ).  La  chronique  grecque  de  Romanie  et  de 
Morée,  publiée  par  le  même  M.  Buchon,  n'a  obtenu  qu'une  mention 
fort  succincte  dans  la    Bibliothèque  des    croisades.    Il   est  vrai  que 
M.  Michaud  en  avoit  inséré  des   extraits  dans  les  éclaircissemens  qui 
terminent  le  troisième  volume  de  la  quatrième  édition  de  son  Histoire. 
Cependant,    on   peut   croire   encore   qu'une   notice  proprement  dite 
n'auroit  pas  été  superflue. 

En  certaines  pages  du  corps  de  ce  troisième  volume  que  nous  venons 
de  citer,  il  est  fait  mention  de  la  guerre  des  Albigeois;  mais  l'auteur 
déclare  que,  malgré  le  nom  de  croisade  étendu  à  cette  déplorable  guerre, 
elle  n'entre  point  dans  le  plan  de  son  ouvrage.  En  conséquence ,  sa 
Bibliothèque  ne  comprend  aucun   des  écrits   relatifs  aux  dissensions 


(1)  Continuation  de  l'Histoire  de  Villehardouin,  d'après  les  mémoires  de  Henri 
de  Valenciennes,p.  491-514  ^ll  tome  X VIII  de  la  Collection  des  historiens  de 
France.  Pag.  193-269  automellldela  Collection  des  chroniques  françaises  du 
XJJ/.'  siècle.  M.  Buchon  y  a  joint,  pag.  275^292,  trois  chapitres  sur  les 
croisades,  extraits  d'une  chronique  anonyme  en  ancien  dialecte  rouchy  ou 
de  Valenciennes. 


FÉVRIER  l8$tV  irj 

cruelles  qui,  au  Xlll.e  siède,  affligèrent  les  provinces  méridionales  de  fa 
France  ;  et  nous  croyons  comme  fui  que  ces  désastres  doivent  en  effet 
demeurer!  distincts  de  ceux  que  des  armées  et  .des  nations  diverses 
essuyoient  alors  en  Orient» 

'II  nous  resterait  à  examiner  la  j>artie  bibliographique  de$  notices  de 
M.Michaud,  c'est-à-dire,  celle  qui  dé vroit indiquer  les  manuscrits  et  les 
éditions  de  chaque  chronique  et  de  chaque  pièce,  les  collections  où  elles 
ont  été  insérées,  les  travaux  divers  auxquels  elles  ont  donné  lieu,  traduc- 
tions, continuations,  éclaircissemens,  observations  critiques,  dissertations 
spéciales.  Mais  nous  serions  obligés  d'avouer  qu'il  y  a  fort  peu  de  biblio- 
graphie dans  cette  Bibliothèque  des  croisades ,  et  que  les  lecteurs  qui 
auront  besoin  de  ce  genre  de  renseignemens  devront  continuer  de  les 
chercher  ailleurs.  M.  Michaud  nous  entretient  deux  fois  de  Guillaume  de 
Nangis,  l'une  (1,285-29))  lorsqu'il  rencontre  dans  le  tome  V  du 
recueil  de  Duchesne  l'ouvrage  intitulé  -G  esta  S.  Ludovici  noni  ;  l'autre 
(  III ,  23  3-24.0  )  quand  il  ouvre  une  série  particulière  de  pièces  diverses, 
par  la  chronique  du  même  Guillaume ,  de  laquelle  il  n'avoit  rien  dit 
encore,  quoiqu'elle  soit  dans  le  Spicilégede  Dachery.  Ces  deux  articles 
sont  fort  succincts ,  et  font  néanmoins  parfaitement  connoître  ce  qu'il 
y  a  de  relatif  aux  croisades  dans  les  deux  ouvrages  ;  mais  il  n'y  est 
question  ni  des  copies  manuscrites  de  l'un  et  de  l'autre,  ni  de  la  publi- 
cation du  premier  par  Pithou  en  1 596,  ni  de  plusieurs  autres  détails 
bibliographiques, ni  enfin  du  Mémoire  de  la  Curne  de  Sainte-Pafaye  (  1  ) 
où  ils  sont  tous  exposés.  Il  y  auroit  lieu  à  des  remarques  du  même  genre 
sur  la  plupart  des  articles  dont  nous  avons  fait  mention,  et  sur  beaucoup 
d'autres  ,  par  exemple  sur  ceux  d'Orderic  Vital,  d'Othon  de  Frisingue  , 
de  Jacques  de  Vitry ,  de  J.  Villanï,  &c. 

Une  Bibliothèque  des  croisades  peut  comprendre  deux  classes  de 
livres  :  d'une  part,  les  relations  originales,  les  récits  des  auteurs  contem- 
porains ou  très-voisins  des  événemens;  de  l'autre ,  plusieurs  ouvrages 
composés  sur  les  mêmes  sujets  dans  le  cours  des  âges  postérieurs. 
M.  Michaud  paroît  en  avoir  quelquefois  jugé  ainsi,  puisqu'il  donne 
(  III,  306-3  1  1  )  un  extrait  de  ce  que  Paul  Emile  écrivoil  à  la  fin  du 
XV.C  siècle,  sur  les  croisades  du  %l.c ,  du  xil.c  et  du  XI 11/ Peut-être  ne 
seroît-il  ni  possible  ni  très-utile  d'en  user  de  même  à  Tégaftl  de  toutes 
les  histoires  générales,  soit  des  Français,  comme  celle  de  Paul-Emile  , 
soit  des  autres  peuples  européens.  Mais  il  nous  semble  que  toutes  les 

(1)  Mémoire  sur  la  vie  et  les  ouvrages  de  Guillaume  de  Nangis  et  de  ses  conti- 
nuateurs j  Acad.  des  tarer,  et  belles-lettres,  VIII,  560. 

P 


1 14  JOURNAL  DES  SAVANS, 

histoires  spéciales  de  ces  expéditions  dévoient  être  au  moins  indiquées 
à  II  fin  d'un  recueil  intitulé  Bïbliotktqut  des  croisades.  Il  en  existe  un 
assez  grand  nombre,  trop  grand  peut-être  :  en  français ,  par  Nicolfe  le 
Huen,  Guillaume  Aubert,  Pierre  d'Oultreman,  Maimbourg,  J.  B. 
Mailly ,  &c;  en  latin,  par  Benoit  Accolti,  Pierre  Angelio;  en  italien  , 
par  Ant;  Mossi  ;  en  anglais ,  par  Th.  Fuiler ,  par  M.  Ch.  Mills  ;  en 
allemand,  par  MM.  Wilken  et  Heller.  On  conçoit  comment  M.  Mi- 
chaud,  dont  le  grand  ouvrage  vient  de  rendre  inutiles  presque  tous  ces 
essais,  a  pu  s'interdire  la  liberté  de  les  apprécier  :  mais  il  pouvoir  mieux 
que  personne  en  donner  une  liste  complète  et  instructive  ;  elle  eût 
embrassé  sans  doute  plusieurs  observations  ou  recherches  spéciales, 
telles  que  celles  de  M.  Choiseul  (TAiliecourt  sur  l'influence  des  croi- 
sadçs,  de  M.  Reinaud  sur  la  prise  de  Damiette,  &c. 

Lés  analyses  qui  remplissent  plus  des  neuf  dixièmes  des  trois  volumes 
dont  nous  venons  de  rendre  compte ,  forment  un  second  ouvrage  d'un 
très-haut  prix;  nous  n'en  connoissons  pas  de  mieux  conçu ,  de  mieux 
écrit,  ni  en  ce  qui  concerne  particulièrement  (es  croisades,  ni  en 
aucun  autre  genre  historique*  Mais ,  à  notre  avis ,  la  perfection  même  de 
ces  analyses  rend  plus  sensible  l'insuffisance  des  parties  biographique 
et  bibliographique.  Nous  regrettons  (Tailleurs  que  le  plan  général 
n'oit  pas  été  mieux  adapté  à  la  chronologie ,  qui  est  la  plus  constante  et 
là  plus  sûre  lumière  de  l'histoire.    ' 

*  M.  Reinaud  a  suivi  une  autre  méthode  dans  le  tome  IV,  qui  sera 
l'objet  d'un  second  article. 

DAUNOU. 


CataWGO  di  scelte  Antichità  etruschc  trovate  negli  scavi  del 
principe  di  Canino,  1828-1825).  Viterbo,  in-4.0 ,  135 
pages,  1829. 

PREMIER    ARTICLE   (i). 

Quelque  extension  qu'ait  reçue! dans  le  cours  des  dernières  années, 
Fétude  des  vases  peints ,  par  suite  des  nombreuses  découvertes  qui  se 


m*m*+mm 


(1)  L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  avoft  demandé  un  rapport 
sur  cet  ouvrage.  C'est  à  ce  titre  que  l'article  que  l'on  va  lire,  et  le  suivant,  ont 
été'  communiqués  à  cette  compagnie  dans  u  séance  du  26  .février. 


FÉVRIER  1830.  115 

sont  Ailes  dans  cette  classe  de  monumens  antiques ,  on  ne  pouvoir 
guère  espérer  de  voir  nos  richesses  et  nos  connoissances  en  ce  genre 
aussi  promptement,  aussi  considérablement  accrues,  qu'elfes  viennent  de 
Fétre  inopinément  par  les  fouilles  du  prince  de  Canino.  En  signalant 
nous-rnéme,  un  des  premiers,  à  l'attention  du  monde  savant,  le  résultat  des 
acquisitionsfaites  parM.  le  docteur  Dorow,  à  Corne to  et  à  Canino,  de  vases 
peints,  de  style  et  de  travail  purement  grecs ,  -trouvés  dans  un  territoire 
étrusque  (  1  ) ,  nous  étions  loin  de  nous  attendre  qu'une  aussi  prodigieuse 
quantité  de  vases  semblables,  et  plus  intéressâns  encore,  s'il  est  possible, 
sous  tous  les  rapports  qui  recommandent  ces  précieux  monumens  de 
l'antiquité  figurée,  alioit  sortir  en  foule  de  ce  même  sol ,  dans  un  espace 
de  moins  de  deux  années.  Le  catalogue  dont  nous  allons  rendre  compte, 
et  qui  ne  comprend  encore  qu'une  foible  partie  du  trésor  archéologique 
recueilli  dans  les  seules  terres  du  prince  de  Canino,  mérite  d^jà,  d'être 
signalé  comme  un  des  phénomènes  littéraires  de  notre  époque  ;  et  dans 
l'attente  des  découvertes  nouvelles jqui  se  continuent  ou  se  préparent,  il 
est  difficile  de  prévoir  jusqu'où  pourra  s'étendre,  dans  tout  le  domaine 
de  l'archéologie ,  l'influence  qu'acquiert  de  four  en  four  l'exploitation 
d'une  raine  si  neuve  et  si  féconde. 

La  collection  du  prince  de  Canino  secomposoit,  à  l'époque  de -la 
publication  de  son  catalogue  (a) ,  d'environ  deux  mille  objets,  la  plupart 
vases  peints,  de  toute  dimension  et  de  toute  forme,  divisés  en  dix 
classas  ou  centuries ,  dont  les  deux  premières  seules  ont  fourni  la  matière 
de  ce  catalogue.  Tous  ces  objets  ont  été  trouvés  dans  des  grottes  sépul- 
crales qui  paroissent  avoir  appartenu  originairement  à  des  familles  étrus- 
ques ,  d'après  des  inscriptions  en  cette  langue  gravées  sur  des  pierres 
tumulaires  ;  inscriptions  qu'on  a  cru  pouvoir  lire  de  manière  à  en  tirer , 
avec  plus  ou  moins  de  probabilité,  les  noms  des  familles  Minuta, 
Fuesca  ,  Ania ,  Ranuta  ,  Apia ,  Arusania  (  l } ,  Larthia  ,  Fepih  et 
Arionsa  (3).  L'emplacement  de  ces  divers  hypogées  répond  à  des  loca- 


(1)  Voy.  Journal  des  Savaps,  mars  1829,.  131-143* — (2)2  juin  1829.  Depuis  ce 
temps  la  collection  s'est  encore  augmentée,  quoique  dans  une  proportion  moins 
considérable,  d'après  une  lettre  du  prince  de  Canino  au  savant  Od.  Gerhard, 
insérée  dans  le  Bulletino  delV  Institut*  di  corrtspond*  arckeotog.  Il,  XII, 
décembre  ,1829,  pag.  177-180. —*  (3)  Ce  dernier  nom,  tout-à-tait  barbare, 
sous  quelque  rapport  qu'on  l'envisage,  doit  être  d'ailleurs  retranché  des  noms 
proprement  étrusques ,  puisque  tes  caractères  dans  lesquels  il  est  exprimé  sont 
gTTO,  comme  ceux  des  vases  peints  décrits  dans  lé  catalogue.  D'après  ces  mêmes 
Otsactëres,  JLPJON6  ÀPXO^OS  j-  il  «semble  etf\>n  pourvoit  fortier  ks  noms, 
APION  <o)TAPXONTOS,  Arion,  fils  de  Torchons  mais  ce  nej^f  qu'une 


1,6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Ktés  mçdernesv  toutes' voisines  de  Canino.  Du  reste,  il  ne  se  trouve 
dans  le  catalogue  qui  doit  être  l'objet  de  notre  examen,  aucun  détail  stor 
la  marche  ni  sur  l'origine  des  fouilles  qui  ont  produit  de  si  importans 
résultats.  L'éditeur  a  seulement  ait  précéder  ce  catalogue  d'une  noté 
dont  nous  croyons  devoir  donner  ici  la  traduction  littérale ,  parce  qu'elle 
nous  offrira  naturellement  le  texte  des  observations  que  nous  soumet- 
trons à  nos  lecteurs  ;  voici  cette  note-:  • 

a  Toutes  les  antiquités  aveo  inscriptions ,  et  les  plus  intéressantes 
o  parmi  celles  qui  n'en  ont  pas,  seront  «publiées  par  (a  gravure.    En 
»  attendant,  pour  satisfaire  la  curiosité  des  savans,  on  publie  le  présent 
»  catalogue.  -—  Le  résultat  de  ces  fouilles  répond  directement  au  défi 
»qu'avoit  porté  l'illustre  Winckelmann ,  de    trouver  dans.  i'Étrurie 
»  propre  des  vases  étrusques.  On  pourra  désormais;  sans  trop  de  pré- 
»  somption,  opposer  aux  vases  campaniens  de  Nola  les  vases  étrusques 
»  de  Canino.  Les  artistes  et  les:  savans  décideront  sans  peine  auxquels 
»  doit  appartenir  le. premier  rang.  Les  inscriptions  ont  été  copiées  fidè- 
»  femen  t  (  à  f aide  des  seuls  caractères  qu'on  avoit  à  sa  disposition ,  c'est 
»  à  savoir,  ceux  de  l'imprimerie  de  Vîterbe  ) ,  et  avec  toute  l'attention 
»  possible;  mais  on  ne  sauroit  nier  que,  pour  en  essayer  l'interprétation-, 
»  une  semblable  copie  ne  soit  insuffisante.  Le  propriétaire,  n'étant  ni 
**  archéologue,  ni  helléniste,  démande  les  lumières  des  savans,  et  sera 
»  reconnoissant  envers  ceux  qui  voudront  contribuer  à  l'illustration  de 
»  monumens  découverts  après  tant  de  siècles  *  en  sa  présence  même, 
»  la  plupart  dans  un  état  parfait  de  conservation ,  et  parmi  lesquels  plu- 
»  sieurs  sont  des  chefs-d'oeuvre  de  la  peinture  antique.  —  On  ne  s'est 
9-  permis  aucune  restauration ,  afin  de  conserver  religieusement. les  mo- 
»  numens  en  question  tels  qu'ils  se  sont  trouvés.  — -  Les  interprétations 
»  des  sujets  se  donnent  ici  comme  elles  ont  été  inspirées  au  premier 
».  aperçu ,  sans  la  moindre  prétention  ,  et  sans  rien  préjuger  des  explica- 
»  lions  plus  approfondies  que  pourront  proposer  les  antiquaires  de  pro- 
»  fession.  >yOutre «cette  note  prélimmaire,  l'éditeur  en  a  joint,  à  la  fin 
du  volume,    une  autre  plus  étendue,  intitulée   Nota  Je/  principe  di 
Canino ,  et  divisée  en  plusieurs  articles ,  où  le  prince  lui-même  rend 
cpmpte,  très-sommairement ,  i .°  de  /'origine  des  fouilles,  au  commence- 
ment de  i  8aS  ;  a.°  du  site  où  furent  exécutées  ces  fouilles ,  et  que  Ton 
croit  répondre  à  l'emplacement  de  l'antique  Vetuhni/i,  d'après  l'inscription 
d'un  vase  décrit  sous  te  n.°  1887,  dont  il  sera  question  plus  bas;  3  °de 

■-'»  ..".■' 

pipe  conjecture,   à -laquelle   nous  n'attachons  pas    nous- même  beaucoup 

s    1 


.     ^/FÉVRIER  1830^   1S1»-  1*17 

son  opinipn  sur  ïépot^rdcs  monumens,  qu'il  croit  fermement  étW  art  té- 
rieure  à  celle  du  développement  dès  arts  de  ia  Grèce,  plus  anfeiefflié  blême 
quB  la  fondation  de  Rome,  et  très-rapprochée  de  la  perforé'  mtyfenne; 
4*°  des  taractères  de  xes monumens,  considérés  en  eux-mêmes  souples  fap- 
ports  du  style  de  dessin ,  de  l'invention  des  Sujets,  et  de*  inscription* 
dont  ils  sont  ornés  ,  caractères  d'après  lesquels  il  croit  .pouvoir  regarder 
les  vases  en  question  comme  exclusivement  propres  a  l'Eirurie  ;  y.°  de 
prétendus  vases  grecs  trouvés  dans  la  Gièce,  tzit  que  Fauteur  ne  craint 
pas  de  déclarer  absolument  controuvé;  et  &.°  enfin,  d'un  moyen  de  con- 
cilierez qu'il  appelle  les  opinions  étrusques et  grecques ,  lequel  consisterait 
à  r garder  les  vases  peints  trouvés  en  Étrurie  comme  appartenant  à 
f époque  étrusco-pélasgique^'est-à-dire^ comme  produits  dans  l'intervalle 
de  la  chute  de  Troie  à  la  naissance  de  Rome  ;  et  le  reste  des  monumens 
étrusques,  tels  que  bronzes ,  médailles,  urnes ,  &c. ,  comme  provenant 
dfrne  seconde  époque  étrusco-roniaine, .où  se  seroit  exercée  l'influence 
proprement  grecque.  Tels  som  les  principaux  objets  sur  lesquels  le 
prince  de  Canino  appelle  l'attention  des  savans,  en  même  temps  qu'il 
exprime  son  opinion  personnelle,  qui  paroît  résulter  d'une  conviction 
profonde.  Nous  ne  nous  flattons  pas  de  résoudre  toutes  les  questions 
qu'il  élève,  encore  moins  de  le  satisfaire  complètement  sur  tous  les  points 
de  l'examen  qu'il  provoque.  Mais  nous  croyons  que,  des  monumens 
mêmes,  tels  qu'ils  sont  exposés  dans  son  catalogue ,  il  peut  résulter  des 
moyens  certains  d'établir  une  opinion  contraire  à  celle  qu'il  a  conçue 
sur  l'âge  et  la  patrie  de  ces  monumens;  et  ce  sera  là  le  principal  sujet  des 
observations  que  nous  prendrons  la  liberté  de  lui  soumettre. 

La  première  centurie  des  vases  décrits  dans  le  catalogue,  se  compose 
de  vases ,  la  plupart  sans  inscriptions ,  de  toute  forme  et  de  toute 
dimension ,  et  à.  figures  noires  sur  fond  jaune ,  ou  jaunes  sur  fond  noir , 
indistinctement.  La  seconde  cénûïrie  présente  des  vases  pareillement 
variés  sous  tous  les  rapports;  mais  généralemeut  plus  considérables,  soit 
par  la  dimension  même  de  ces  monumens,  soit, par  le  choix  des  sujets,  «t 
sur- tout  par.  les  inscriptions  qui  lés  accompagnent.  Ces  inscription 
méritent  d'êtte  examinées  en  premier  lieu ,  comme  offrant  l'élément  le 
pfui  sûr  et  le  plus  positif  dans  les  questions  relatives  à  l'interprétation 
djes  sujets ,  aussi  bien  qu'à  la  patrie  et  àja  fabrication  même  Jie$  v^ses 
qui  les  présentent. 

K  Nous  rangerons  ces  inscriptions  en  plusieurs  classe^ "t.*  celles  cfui 
ajpjparriennent  aux  artistes  4è  la  m?in  desquels  proviènnènt<^irectement 
ou,  indirectement  les  peintures  des  vases;  %.°  celtes  qui  offrent  des  noms 
propres  en  rapport  svtec ira  sujets  mêmes  de  la  représentation?  'J.°  enfin, 


n8  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

celles  qui  consistent  en  une  formule  générale,  cNRtamment  répétée ,  on 
qui  expriment  quelque  intention  particulière.  Nous  pourrions  aussi  former 
une  quatrième  classe  de  ces  inscriptions  appelées  graffiature,  parcequ'elles 
sont  tracées  àr  la  pointe  ,  le  plus  souvent  sous  le  pied  du  vase,  et  qui  se 
composent  de  groupes  de  caractères ,  plus  ou  moins  compliqués ,  où, 
nous  pensons  qu'il  ne  faut  voir  que  les  marques  de  (a  fabrique  de 
laquelle  étoient  sortis  les  vases  qui  présentent  ces  sortes  de  chiffres  otr 
de  monogrammes,  et  dont,  en  tout  cas,  la  composition,  à  quelque 
système  d'écriture  qu'elle  appartienne,  ne  nous  paroi t  pas  devoir  être 
d'une  grande  influence  dans  la  décision  des  questions  qui  nous  occupent. 
Cette  particularité  n'étoit  pas  cf ailleurs  entièrement  nouvelle.  M.  Çtia* 
rama  a  publié  un  vase ,  de  fabrique  campanienné ,  sou$  le  pied  duquel 
se  trouve  une  inscription  en  caractères  ainsi  tracés  à  la  pointe,  que  cet 
antiquaire  a  cru  pouvoir  déchiffrer  (i);  et  il  se  trouve  un  assez  grand 
nombre  de  vases  offrant  des  inscriptions  semblables,  et  provenant  la 
plupart  des  fouilles  de  Nola  ou  de  fa  Campanie ,  dans  le  cabinet  de 
M.  le  duc  de  Blacas.  Cette  sorte  de  vases  étoit  fort  connue  dans  la 
Grèce  antique,  où  elle  for  m  oit  une  dasse  particulièrement  appelée 
y&tquvaxtY  «iaoyc* ,  à  cause  de  ces  lettres  tracées  à  la  pointe,  yf&/ufu*m 
Itfp  iyx*%»&>(*9*9  ainsi  que  nous  l'apprend  Athénée  (2)  ;  et  cet  écrivain 
en  cite,  d'après  des  Comiques,  plusieurs  exemples,  un  desquels  est  sur- 
tout remarquable,  parce  que  le  vase  dont  il  s'agit  se  voyoit  à  Capoue(f), 
Suivant  un  autre  exemple  rapporté  par  Athénée ,  on  peut  croire  que 
l'inscription  indiquoit  quelquefois  le  dieu  auquel  le  vase  étoit  consacré* 
D'autres  fois  elle  avoit  pour  objet  de  désigner  la  forme  du  vase;  et  c'est 
pour  cela  qu'elle  se  trouve  le  plus  souvent  sous  le  pied  du  vase ,  afin 
que  l'ouvrier  chargé  de  l'exécuter  reconnût  à  cette  marque  l'intention 
du  fabricant  ou  de  l'artiste.  Nous  en  avons  la  preuve  sur  deux  des 
vases  de  la  précieuse  collection  de  M.  le  duc  de  Blacas,  l'un  desquels 
offre  les  lettres  TAPI ,  l'autre  les  lettres  kaa  :  tracées  de  cette  manière 
sous  Jet  pied  de  chacun  de  ces  vases,  pour  indiquer  qu'ils  dévoient  être 
exécutés,  le  premier  en  forme  d'hydria,  le  second  en  forme  de  calpis  (4)  ; 
et,  dans  Ce  .cas»  il  ne  saurait  ètrt  douteux  que  les  lettres  dont  il  s'agit, 
isolées,  on  grdupées ,  ne  fussent  des  signes  qui  avoient  rapport  k  I9 


r 


(1)  Quarante»  Jlluttrazione  di  un  vaso  itak-greco,  che  si.  conserva  nella 
rdccolta  dtl  J*.  D.  P..L.  Moschxm,  &c  Nappli,  1823,  folio;  vôy.  pag.  9.,— 
(i)'Âthen.  Dtlpnôsoph.  XI,  30,  pteg.  467. —  (3)  A  la  vérité  ce  vase  étoit 
d'argent,  et  ne  aauntft  être  range  dams  ta  catégorie  des  vases  d'argile  peints 
qui  Dpus.oceupcnt^  -*-  (Q  Raaofka ,.  Reeh.  surhs  rwms  des  vases,  p.  H. 


FÉVRIER   1830.  119 

fabrication.  En  d'autres  cas ,  il  est  probable  que  ces-  inscriptions  in- 
diquoient  le  propriétaire  du  vase,  comme  on  le  voit  sur  un  vase  du 
même  cabinet,  où  se  lit  l'inscription,  TPEMIOEMI,  pour  TPEMIOT  EIMI , 
j'appartiens  a  Trémias  (1);  sur  une  patère  à  deux  anses  du  cabinet  de 
M.  Carelii ,  à  Naples,  laquelle  offre,  en  caractères  de  la  plus  ancienne 
forme ,  tracés  à  la  pointe ,  de  droite  à  gauche ,  l'inscription  ,  ZMSMO- 
NOqAî ,  KAPONOX  EMI ,  j'appartiens  à  Caron  ;  et  sur  un  autre  vase  de 
la  collection  de  M.  le  duc  de  Blacas ,  dont  {'inscription ,  consistant  en 
caractères  qui  paroissent  tenir  de  i'osque  plutôt  que  du  grec,  offre  le 
nom  MAMEPCEs,  remarquable  par  son  rapport  avec  celui  du  peuple  qui 
succéda  quelque  temps  aux  Grecs  dans  la  possession  d'une  partie  de  la 
Campanie.  Quelquefois  le  nom  du  propriétaire  est  simplement  écrit  au 
nominatif,  comme  on  en  a  quelques  exemples,  un,  entre  autres  ,  sur  un 
vase  de  M.  Carelii,  où  se  lit  le  nom  AHMOCOÇN  le  (  sic) ,  en  caractères 
d'une  forme  qui  accuse  l'époque  beaucoup  plus  récente  où  ce  nom  fut 
gravé  sur  le  vase*  D'après  ces  exemples ,  fournis  par  des  vases  indubi- 
tablement grecs  de  fabrique  et  d'origine ,  il  est  permis  de  croire  que  les 
monogrammes  tracés  à  la  pointe,  habituellement  sous  le  pied  et 
quelquefois  sur  le  bord  extérieur  des  vases  de  Canino  (2) ,  appartiennent 
au  même  système,  et  que  ce  sont,  en  général,  des  marques  de  fabri- 
cation. J'indiquerai  particulièrement  deux  de  ces  inscriptions,  qui 
paroissent  composées  de  lettres  toutes  grecques ,  mais  mal  formées , 
par  suite  de  la  négligence  de  l'ouvrier ,  si  ce  n'est  par  la  faute  de  (a 
copie  moderne,  et  qui  se  terminent,  l'une,  n.  275,  p.  29  du  cata- 
logue, parle  mot  ErAQE,  "i>Pct(P,>  l'autre,  n.  294»  P-  34,  par  le  mot 
EniNO.  1,  Ittrou  y  un  tel  a  dessiné,  un  tel  a  inventé,  qui  se  rapportent , 
suivant  toute  apparence  ,  à  cette  double  intention. 

Mais  pour  en  revenir  aux  inscriptions  tracées  en  couleur ,  au  pinceau , 
suivant  le  système  le  plus  généralement  suivi  sur  les  vases  peints ,  et 


(1)  Je  rappelle  à  cette  occasion  le  vase  récemment  trouvé  à  Éboli,  avec  cette 
inscription  ,  AIONTSOT AAAXT0O2  TOTU ATAAOT  ,  c'est-à-dire,  A/orcu/tv 
*  **XV$*Ç  (SIC)  ™"  ^^Xol/)  &  léeythus  appartient  à  Dionysius ,  fils  de  Afa- 
talusj  inscription  si  claire  et  si  simple,  a*  sujet  de  laquelle  on  s'est  livré  à  des 
suppositions  si  étranges,  jusque-là  qu'on  s'est  imaginé  qu'il  pou  voit  y  être 
question  du  Grand  Dionysos  /  voy.  Bulletin*  degli  annali  di  corrispond. 
ûrcheoU  ottobr.  n.  X,  pag.  152.— {2)  Telle  est  l'inscription  du  vase  n.°  1900, 
laquelle  consiste,  autant  quon  en  peut  juger  d'après  une  espèce  &ejkc-simUe, 
p.  160,  en  groupes  de  caractères  grecs  cursifsque  le  rédacteur  du  catalogue 
veudroit  bien  pouvoir  prendre  pour  des  caractères  égyptiens  démotiques,  et  au 
sujet  desquels  il  cite  assez  mal  a  propos  les  recherches  de  M.  ChajnpoiUpjb 


120  JOURNAL  DES  SAVANS, 

déjà  constaté  par  d'innombrables,  exemples ,  j'ai  dit  qu'on  pourrait  en 
fermer»  dans  la  collection  des  vases  de  Canino,  trois  classes  distinctes, 
chacune  desquelles  offre  des  particularités  neuves  et  remarquables.  La 
première  classe  se  composerait  des  inscriptions  relatives  aux  artistes, 
dont  nous  ne,  connoissions  jusqu'ici  que  sept  ou  huit  noms  (i },  y  com- 
pris: ceux  de  Nicostkénes ,  d'Epictétos,  d'Archiclès,  et  SAenea des ,  qui  se 
lisent  sur  des  vases  inédits  du  cabinet  de  M.  le  duc  de  Blacas  et  de 
celui' de  M.  Durand.  La  seuie  collection  du  prince  de  Canino  triplera 
pour  le  moins  nos  richesses  en  ce  genre ,  par  (es  noms  tout-à-fait  nou- 
veaux qu'elle  nous  présente  ;  ce  sont  ceux  de  Tléson  (fils  de  Néarque  ) , 
àÀndocidh ,  de  Phitias  ou  Phintias  (2) ,  d'AescAy/e,  de  Phidippe,  de 
Chacylion,  dHiéron ,  tfEuphronios ,  de  Zeuxitheos  ,  d'Euthymiades , 
dfc  Panthœos,  de  Posidon,  d' Echsechias ,  de  Python,  SHippaichmos* 
sans  compter  les  noms,  déjà  connus  par  d'autres  vases,  de  JVico- 
stkénes,  dont  M.  le  duc  de  Blacas  possède  un  vase  trouvé  à  Agri- 
geote  ,  et  qui  se  rencontre  quatre  fois  (3)  dans  la  collection  de  Canino; 
dEpictétosy  dont  on  voit,  chez  M.  Durand,  un  vase  tout-à-foit 
semblable  pour  la  forme,  la*  couleur  et  le  style  des  figures,  aux 
trais  du  même  artiste  qui  font  partie  de  la  collection  de  Canino,  et  de 
quelques  autres  encore,  dont  les  caractères  ne  sont  pas  assez  nettement 
tracés  sur  le  vase  ou  assez  fidèlement  transcrits  dans  le  catalogue ,  pour 
que  nous  puissions  en  établir  fa  vraie  leçon.  Ce  n'est  pas  non  plus:  à 
cette  seuie  nomenclature  ,  toute  intéressante  qu'ellç  est  par  cette  foule 
de  noms  d'artistes  appartenant  certainement  à  la  Grèce ,  que  se  réduit 
l'importance  de  cette  découverte  ;  il  s'y  trouve  encore  des  particularités 
tout-à-fait  nouvelles  et  absolument  décisives  en  faveur  de  l'origine 
grecque  de  ces  vases.  Jusqu'à  présent  le  nom  d'artiste  ne  s'étoit  vu 

.  (1)  M.  Panofka  a  dressé  la  liste  de  pes  artistes,  en  en  retranchant  le  nom 
du  prétendu  Calliphon  â  qui  se  lit  sur  un  vase  de  fabrique,  moderne,  pubiié.par 
Millin;  voy.  le  Bulletino  degli  annali,  &c.,pag.  138-139.  J'ai  averti  moi-même, 
Oresteide,  p.  178  ,  que  la  peinture  et  le  nom  de  ce  Callîphon  étoient  une  sur- 
prise faite  à  la  bonne  foi  de  l'antiquaire  français,  qui  en  a  induit -beaucoup 
tFautres  en  erreur.  —  (2)  Le  mot  GITIÀS  se  lit  sur  un  vase,  n.°  551 ,  p.^ôç,  et 
le  même  mot ,  plus  près  de  sa  véritable  forme,  est  écrit  GIVTIÀS,  sur  un  autre 
vaie,i>.°  r 533 ,  p.  131.  Je  conjecture  qu'il  faut  lire,  dans  l'un  et  l'autre  cas, 
ÂINTIÀS,  nom  qu'on  sait  avoir  été  commun  en  Sicile.  —  (3)  Il  s'y  lit  trois  fois 
écrit  en  entier  NIKOSBENES,  n.°  442,  567  et  1 516;  et  cest  certainement  le 
même  nom  qui  se  lit  KOS0ENES,  sur  un  quatrième  vase,  n.°  273;  d'où  le 
rédacteur  du  catalogue  a  fait  le  nom  barbare  de  Kosihênh  ;  comme  il  a  fait 
Célài  <de  Tlesonnearcho ,  répété  i deux  fois,  au  lieu  de  lire  TLESON  HO 
NBA?XO[u],  Tléson,  fils  de  Néarque.  '->  i  sij;  [     ! 


FÉVRIER   1830;         «  iai 

accompagné  que  du  mot  ErPAGSEN,  ou  du  mot  EnplE£EN,  qu'on 
avoit  pu  croire  employés  indifféremment  l'un  pour  foutre;, tandis  que , 
sur  un  grand  nombre  de  vases  de  Canino,  on  trouve  à-la-fois  le  nom 
cT un  artiste  joint  au  mot  ETPAftSEN ,  et  le  nom  4'un  autre  artiste  suivi 
du  mol  EnoiESEN  :  d'où  H  suit  inévitablement  qu$  ces  deux  artistes  > 
npmmés  sur  un  même  vase,  avaient  pris  à  sa  fabrication  une  part  diffé- 
rente» l'un  comme  dessinateur,  l'autre  comme  peintre ,  auteur  du  mo- 
dèle, ou,  si  l'on  veut,  comme  fabricant.  Cette  seconde  interprétation  (1) 
me  paraît  toutefois  moins  probable  que  la  première,  attendu  que 
l'usage  constant  de  la  langue  grecque  de  se  servir  du  mot  En  01  ES  EN 
pour  désigner  les  plus  nobles  opérations  de  fort  et  du  génie ,  l'œuvre  du 
poète  aussi  bien  que  celle  de  l'artiste,  ne  permet  guère  d'appliquer  ici 
le  même  mot  à  l'ouvrage  d'un  simple  potier;. candis  qu'il  est  naturel 
de  supposer  et  nécessaire  d'admettre  qu'il  y  avqu.dans  les  fabriques  de 
ces  sortes  de  ,v?ses  un  certain  noip^re  de  dessins  originaux ,  servant  de 

Îiatrons.,  et  provenant  de- la  jcn^ih  d'artistes  oxx^ç,  peintres  de  profession , 
esquels  étaient  jÇopi^s  et  Reproduits  par  le,  dessinateur  attaché  à  la  fa- 
brique (2).  Cela  u>e  paroît  résulter  d'un  vase  de,;Canino,  décrit  sous  le 

fli°  •*  %  33  9  V*  *  3  r  »  ?* représentant  un  exploit  d'Htrcule,  avec  les  noms 
grecs  des  personnages  qui  y  figurent,  savpir,  HEPAKLES,  ALSvONEvs  (3) 
H&PM£S.  On  y  IU.de  plu£  Ip  0091  d'AnOLLON,  qui  accompagnoit , 
sans  nul  doute,  sur  la  peinture  originale,  le  personnage  d'un  Apollon; 
mais  sur  le  vise,  cç  personnage  a  été  omis  ou  retranché  par  le  dessina- 
teur, faute  d'espace  ou  par  inadvertance;  et  le  nom  seul  a  été  écrit  par 
l'ouvrier,  d'un  ordre  probablen^ept  subalterne,  qui  était  chargé  de  cette 
partie  du  travail.  Or  ce  même  vase  porte  .en  toutes  lettres  la  double 

inscription  :  AEINIAAESEnOIESEN,  4IVTIAS  (pour  «MNTIAS)  ErPAOSEN, 

qui,  d'accord  avec  les  observations  faites  plus  haut,  me  semble  prouver 
que  le  dessin  original  ét^it  l'œuvre  de  Diniadès ,  et  la  peinture  mime  du 
vase,  celle  de  Phintias.  Une  autre  circonstance  qui  vient,  si  je  ne  me 
trompe,  à  l'appui  de  cette  observation,  c'est  que  les  noms  des  artistes 
qui  se  rencontrent  plusieurs  fois  sur  les  vases  de  Canino,  soit  avec  le  mot 

*  *  *      ■ 

(1)  C'est  celle  de  M.  Panofka,  Bull.  J37»  — (2)  La  même  chose  eut  Heu 
dans  les  fabriques  àtma'wiua  d'Urbino,  de  Faenza,et  d'autres  villes  d'Italie, 
où  l'on  sait  que  Ton  se  se  r  voit,  au  XVI.e  siècle ,  de  cartons  dessinés  par  Raphaël 
ou  pat  des  peintres  de  son  école,  et  reproduits  par  le  dessinateur  de  la  fabrique, 
—  (3)  C'est  probablement  uHt  faute  du  catalogue,  plutôt  que  de  l'ancien 
ouvrier,  puisque  le  S  ne  se  trouve  sur  aucun  vase  de  Canino ,  et  qu'il  y  est  cons- 
tamment suppléé  par  les  double»  lettres  KS,  comme  dans  le  nom  K2AN0O2, 
ou  X2,  ço  nune  clans  c^lujj  ^e  ft^HIXSj  eo  50U  t  qç,  U  fjaitt  lûffiici  A  MKX  0#£T2. 


laa.  JOURNAL  DES  SAVANS, 

inoiESBK  ,  ion  avec  le  mot  ElTÀésEN,  ne  s'y  reproduisent  jamais 
qu'avec  une  seule  de  ces  deux  qualifications ,  et  toujours  avec  fa  même  ; 
ainsi  Nicosthénes  s'y  montre  quatre  fois  accompagné  du  motElïOlESEN, 
comme  il  Pester  fe  vase  de  M.  fe  duc  dé  fllacas;  Epictetos  y  est  trois 
fois  qualifié  dessinateur ,  EtfPAtSEN,  et  amsr  des  autres.  If  y  avait  donc 
entre  les  fonctions  indiquées  par  ces  deux  mots ,  sinon  une  incompati- 
bilité absolue,  du  moins  une  distinction  réelle;  et,  cefa  posé,  ii  semble 
qu'on  ne  peut  guère  admettre,  pour  la  signification  do  mot  EnoiESEN, 
soit  seul,  soit  accompagné  du  mot  Er passent,  celle  du  fabricant, 
ptàhistfant  dans  sa  personne  Part  du  potier  et  le  talent  du  peintre;  tandis 
que.  dans  mon  opinion,  fa  distinction  entre  l'œuvre  te  l'artiste  et  le 
travail  du  dessinateur  se  trouve  d'accord  avec  le  sens  usuel  des  mots 
ÈnoiESEN  et  ErPÀGSEN.  Quoi  qufil  en  soit,  il  résuite  du  moins  de 
cette  double  inscription,  si  souvent  répétée ,  avec  des  noms  d'artistes, 
tous  de  forme  grecque,  que  les  vases  qui  fa  présentent  ont  été  produits 
dans  de$  fabriques  grecques ,  et  par  fa  màfn  d'ouvriers  grecs  ;  car  si 
c'étaient  des  productions  du  sol  et  de  l'industrie  .étrusques,  comme 
voudroit  le  croire  ou  le  persuader  M.  'Je  prince  de  Canino,  on  ne 
cdhçoit  pas  pourquoi  il  ne  s'y  liroit  pas  des  inscriptions  en  langue 
étrusque,  avec  des  noms  propres  appartenant  à  cette  langue,  ainsi 
qu'on  fe  voit  sur  tant  de  mohùttiens,  miroirs,  urnes,  pierres  gravées,  Ac. , 
provenant  effectivement  de  Fart  étrusque ,  et  sur  lesquels  les  noms 
grecs  se  produisent  toujours  sous  une  ferme  étrusque.  Voilà  déjà,  si 
fe  ne  m'abuse,  un  fait  capital  contre  le  système  de  M.  le  prince  de 
Çanino  ;  c'est-à-dire ,  une  classe  nombreuse  de  vases  peints  trouvés  en 
Étrurie,  et  néanmoins  appartenant  à  la  Grèce,  d'où  ils  avoient  été  portés 
sur  divers  points  du  territoire  étrusque  par  des  mouvemens  de  commerce 
et  par  des  rapports  de  civilisation  dont  il  est  facile  de  se  rendre  compte. 
  cet  égard  encore ,  le  vase  de  Nicosthénei  trouvé  à  Girgenti ,  et  tout 
semblable,  pour  le  style  et  la  fabrique,  aux  trois  vases  du  même  artiste 
déterrés  à  Canino ,  établit  une  présomption  des  plus  graves. 

Un  second  fait,  tout  aussi  décisif,  résulte  de  fa  seconde  classe  des 
inscriptions  des  vases  de  Canino;  je  veux  parler  de  celles  qui  offrent 
des  noms  propres  en  rapport  avec  les  sujets  représentés.  Ces  sujets 
peuvent  se  diviser  eux-mêmes  en  mythologiques  et  héroïques,  suivant  que 
liés  personnages  qui  y  figurent  sont  des  dieux  ou  des  héros.  Ainsi  Ton  y 
yoh  apparoître  Jupiter,  Minerve,  Diane,  Neptune,  Apollon,  Mercure,  Bac- 
ckuS)  la   Victoire,  sous  leurs  noms  purement  helléniques  de  ZET2, 

ASENAIA,  APTEMIS,  IIOSEIAON,    AIÏOLLON,   HEPMES,    AIONTSOS, 

tflKB',  et  toujours  avec  tes  kyitiboles  et  les  attributs  que  ces  divinités 


FÉVRIER   18304  123 

avoient  reçus  des  Grecs  ;  Minet ve  avec  V égide ,  Apolfou  avec  la 
lyre,  Mercure  avec  le  caducée,  Bacchus  avec  le  cep  de  vigne  et  le 
rhyton;  et  ainsi  des  autres.  Sur  uq  de  ces  vases,  n.°  1181 ,  p.  ioj, 
Artcmis  et  Apollon  sont  qualifiés  en  commun  Dieux  Détiens,  aelioi  (  ij; 
ce  qui  se  rapporte  indubitablement  aux  mythes  helléniques.  Mais  c'esj 
sur» tout  Hercule  qui  /figure  dans  ces  représentations,  sous  son  nom 
grec  HEP AKLES,  le  plus  souvent  accompagné  de  ses  deux  divinités  pro^ 
tectrices»  Minerve,  ABBNAIA,  et  Afercurc,  HEPMES,  quelquefois  de  sqn 
fidèle  compagnon  lola'ùs ,  IOLEIOS,  ou  même  de  sa  mère.  Alcmcne, 
ALKMENB;  et  dans  une  fouie  d'actions  mythologiques ,  connues  par  Iç? 
fables  grecques,  quelques-unes  desquelles  se  montrent  ici  pour  la  pre- 
mière fois.  Telle  est,  n.°  1 5  J  3  ,  page  131»  la  lutte  de  ce  héros  contre  le 
géant  Alcyoneus,  avec  l'assistance*  de  Mercure  et  £  Apollon,  tous  avec 
leurs  noms  grecs;  tel  est  aussi»  n.°  559,  page  73,  le  combat  d 'fjcrçule, 
aidé  d'un  de  ses  compagnons,  Contre  trois  guerriers,  çvec  l'inscription 
grecque  hepakles,  katlKE,  indiquant  le  principal  personnage  et  je 
lieu  de  la  scène,  qui  étoit  probablement  cette  même  fontaine  Kalykï, 
célébrée  dans  des  traditions  mythologiques  de  la  Grande-Grèce,  et 
figurée  dans  une  peinture  antique  dont  parle  Pausanias  (2).  Parmi  les 
représentations  empruntées  aux  mythes  les  plus  rares  des  anciennes 
Héracléides  f  j'indiquerai  encore  un  vase  avec  Y  Hercule  Mélampyge , 
n.°  6 1 2 ,  page  43  >  fable  qui  ne  s'est  encore  produite  que  sur  des  vases 
peints  trouvés  en  Sicile  (3),  et  sur  une  des  métopes  de  Séiinonte;  et  la 
lutte  d* Hercule  contre  un  monstre  marin ,  sujet  où  le  rédacteur  du  cata- 
logue a  cru  voir  Protée,  n.#  1908,  p.  158,  oubliant  que  c'étoit  ici  le 
trait  célèbre  du  combat  d'Hercule  et  de  Nérée,  déjà  retracé  sur  plusieurs 
vases  de  fabrique  sicilienne,  et  sur  un  vase  même  de  Canino,  de  la 
collection  de  M.  Dorow  (4)»  où  le  groupe  principal  est  accompagné  des 
inscriptions  grecques  HEP AKLEOS,TPlTONOs  (maxe).  Les  vases  avec  des 
représentations  dionysiaques  oùse,&ent  des  noms  grecs,  doivent  être 
cités  aussi  en  première  ligne  des  monumens  figurés  de  cette  collection 
qui  accusent  une  origine  indubitablement  hellénique.  Tel  est  sur-tout 

(1)  C'est  ainsi  que  j'interprète  le  mot  AETIOI,  qui  suit  les  noms  APTEMIS, 
A...LON;  Minerve,  A0ENAIA,  figure  aussi  dans  la  composition;  et  le 
mot  IIALON  pourroit  indiquer  que  ce  vase  étoit  destiné  à  servir  de  prix 
pour  la  lutte,  bien  qu'en  ce  cas  il  eût  fallu  écrire  IIALEN  (sous -entendu 
ENIKESEN,  ou  tout  autre  mot  équivalent),  d'après  l'exemple  d'un  autre  vase  de 

cette  collection,  où  se  lit  2TAAIOANAPONNIKE (2)  Pausan.   vi ,  6,  4. 

•—(3)  V°y«  ma  Monument  inédits,  Achilléide,  p.  85,  note  j.  —  (4)  Voy.  la 
notice  que  j'ai  donnée xle  cette-collection^  dans  ce  jouipa} ,  mars  18,29,  P«  *4P- 

Q   * 


i*4  JOURNAL  DÉS  SÂ-VANS, 

ton  vase,  n.°  569,  page  82,  de  la  forme  de  patère,  offrant,  en  deux 
scènes  séparées,  des  danses  de  satyres  et  de  ménades,  accompagnées 
des  épitliètes  significatives,  KisOS  (1)  (rir),  XOPO[s],  komo[s], 
XOPiriAïS,  GANoriE  (1)  ;  tous  nom*  formés  d'après  Je  même  principe, 
et  dérivés  du  même  «système  de  personnification,  qae  tant  d  autres  déno- 
minations de  personnages  bachiques  que  nous  ont  fait  connoître  une 
foule  de  vases  peints  de  fabrique  campaniênrie  et  sicilienne.  J'indiquerai 
encore  le  vase  n.°  1 00  j ,  p.  97,  où  Bacchus,  AIONTSOS,  couronné  de  lierre, 
avec  le  dlota  d'une  main  et  le  pampre  de  f autre,  est  figuré  debout  entre 
fe  satyre  bpiaxos  (3)  et  la  bacchante  BPOOTLLis,  tenant  de  la  main 
gauche  un  thyrse  renversé ',  et  de  la  droite  un  serpent  ;  représentation  dont 
tous  les  élémens,  purement  grecs,  d'accord  avec  ces  noms  mêmes, 
dune  forme  et  d'une  origine  si  manifestement  helléniques,  sont  d'ail- 
leurs mis  à  Fabrr  de  toute  incertitude  par  l'inscription  qui  les  accom- 
pagne :  HinnMXMOs  ErPAFisE  (4K  Je  citerai  enfin  le  vase  n.°  1  j86, 
pige  113,  où  des  personnages  bachiques ,  nus ,  couronnés  de  fleurs, 
Pun  d'eux  avec  un  d'iota  en  main ,  sont  désignés  par  les  noms  XOMAP- 
xos,  ELEAEMOs,  ELEnous,  teles,  ce  dernier  nom  peut-être  .pour 

(1)  Cette  personnification  du  satyre  KISOS ,  pour  KISSOÇ,  donne  lieu  de 
rappeler  l'inscription  qui  se  lit  sur  un  vase  célèbre  du  musée  de  Naples,  KITTOS 
HOKAI ATMA,  dont  on  a  proposé  tant  d'interprétations  diverses,  et  malheureu- 
sement aussi  peu  satisfaisantes  les  unes  <jue  les  autres  ;  voy.  Quaranta,  Iilustraz. 
diun  vaso  italo-greco ,  Napoli,  1820;  Scotti,  Monum.  ined.  I  fascic.  tav.  IV, 
p.  37;  Zannoni,  Antolog.  di  Fïrenqe,  n.°  XXIV,  décembr.  1822;  Panofka, 
Neapels  ant.  Bïldwerkc,  I,  270. —  (2)  Ce  mot  parolt  dérivé  de  celui  de 
Phante ,  un  des  surnoms  connus  de  Bacchus,  et  formé  d'après  le  même  principe 
4que  le  nom  IMEPOÏTE ,  donné  à  la  Sirène  d'un  des  vases  de  Canino ,  et  celui  de 
KÀLOI1A,  épithète  qui  désigne  Er'iphyU ,  sur  un  vase  célèbre  de  M.  Mil» 
liagen,  Vases  peints ,  pi.  XX.  —  (3)  Un  savant  antiquaire,  M.  Panofka,  a  cru 
trouver,  dans  le  nom  de  ce  bacchant  BPIAXOS,  l'origine  du  mot  italien  briaco, 
ïvrt ;  étymologie  qui  me  paroît  très-douteuse,  et  qui  peut-être  même  n'est  pas 
proposée  très-sérieusement,  puisque  ce  mot  briaco  n'est  qu'une  forme  moderne 
et  abrégée  du  vieux  mot  ubbtiacp,  dérivé  du  latin  ebrius;  mais  je  n'en  pense 
pas  moins»  comme  M.  Panofka,  que  le  nom  grec  BPIAXOS,  qui  enrichit  nos 
dictionnaires  d'une  expression  nouvelle,  doit  se  rapporter  à  une  intention 
équivalente,  et  tenir  au  même  principe  que  les  noms  OINOS,  HATOINOs, 
AJCPATOS,  donnés,  sur  d'autres  vases  peints,  à  des  suivans  de  Bacchus;  voy. 
le  Buttetino  degli  annali,  &c.  pag.  141. —  (4)  Tous  les  élémens  du"  mot 
ErPATIsE  se  lisent  rassemblés  en  une  seule  ligne,  mais  en  désordre  et  à  rebours, 
au-dessous  du  nom  parfaitement  écrit,  HiniîAIXMOS;  c'est  ce  qui  a  empêché 
sans  doute  le  rédacteur  dû  catalogue  de  reconnoltre  ce  mot,  dont  la  lecture  est 
Indubitable,  et  de  comprendre  le  nom  du  peintre  Hippaichmos ,  qui  ne  Test  pas 
moins,  dans  la  liste  des  artistes,  où  ce  nom  manque  effectivement. 


FÉVRIER   1830.  i2j 

TELETES,  noms  dont  on  ne  sauroit  douter  que  la  signification  grecque 
n'ait  été  en  rapport  avec  les  personages  qu'ils  accompagnent. 
(  La  suite  au  prochain  cahier.  ) 

RAOUL-ROCHETTE. 

■■■■■■■■■■■■■■■«■■■■■■■■■■■■■«■■■■■^■■■■«■■■■■■■■■iMaMHaaaHMHaaaHMVBaan 

NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

L'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  a  perdu  l'un  de  ses  plus 
anciens  membres,  M.  Gossellin,  né  à  Lille  en  1751*  Ses  funérailles  ont  eu 
lieu  le  9  février,  et  M.  Silvestre  de  Sacy ,  vice-président  de  l'Académie ,  y  a 
prononcé  le  discours  suivant  :  «  Messieurs ,  une  perte  douloureuse  nous  réunit 
encore  aujourd'hui,  et  vient  ajouter  de  nouveaux  regrets  à  ceux  que  tant  de 
fois  déjà  nous  a  inspirés  la  triste  mais  inévitable  condition  de  l'humanité,  qui 
nous  sépare  de  ceux  qui  furent  ou  nos  maîtres  ou  nos  compagnons  dans  la 
carrière  où  nous  appellent  la  recherche  et  l'amour  de  la  vérité;  sentimens 
nobles  et  généreux,  qui  font  de  tous  ceux  qu'ils  unissent  une  seule  et  même 
famille,  et  qui  créent  entre  eux  des  liens  souvent  plus  puissans  que  ceux  de  la 
nature  et  du  sang.  Et  quand  avons- nous  jamais  dû  ressentir  plus  vivement 
qu'aujourd'hui  ce  qu'une  telle  séparation  a  de  cruel  et  de  déchirant!  Le  savant 
et  laborieux  académicien  auquel  nous  rendons  les  derniers  devoirs,  n'étoit-il  pas 
aussi  pour  chacun  de  nous  un  ami;  aussi  bien  pour  ceux  d'entre  vous, 
Messieurs ,  qui  ne  l'ont  connu  que  lorsque  l'Europe  savante  lecomptoit  depuis 
long-temps  au  nombre  des  lumières  de  la  géographie  ancienne,  et  qui  ne 
l'approchoient  qu'avec  ce  respect  qu'inspire  l'autorité  de  l'âge  jointe  à  l'autorité 
des  taiens,  que  pour  nous  oui ,  pendant  toute  notre1  vie  littéraire,  avons  joui  du 
fruit  de  ses  veilles  et  de  la  douceur  de  sa  société  !  Ainsi  disparoissent  et  tombent 
peu  à  peu  dans  le  domaine  du  passé,  ces  restes,  devenus  si  rares,  de  l'ancienne 
Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  qu'a  recueillis  dans  son  sein  l'Institut 
royal  <&  France ,  comme  la  semence  féconde  d'une  nouvelle  moisson  de  déçour 
vertes  utiles,  ou  plutôt  de  ces  pacifiques  conquêtes  que  les  laborieuses  investi- 
gations de  l'érudition,  dirigées  par  un  jugement  sûr  et  une  sage  critique,  font 
chaque  jour  sur  les  monceaux  de  ruines  qui  dérobent  aux  yeux  vulgaires  les 
traces  des  siècles  écoulés.  Des  jours  entiers  passés  dans  les  méditations  silen- 
cieuses du  cabinet,  au  milieu  des  écrivains  célèbres  de  l'antiquité,  et  de  ces 
monumens  qui,  par  leur  indestructibilité  même,  attestent  le  mieux  la  vanité 
des  gloires  humaines  et  le  néant  de  tout  ce  qui  n'est  pas  la  sagesse  et  la  vertu  ; 
des  travaux  dont  ne  furent  jamais  le  mobile  l'ambition  et  la  soif  de  la  re- 
nommée, et  qui  ne  connoissoient  de  délassemens  que  dans  l'intimité  de 
quelques  confrères  et  d'un  petit  nombre  de  vieux  amis;  une  consciencieuse 
attention  à  n'admettre  dans  ses  ouvrages,  fruits  de  ses  longues  recherches, 
que  ce  qui  lui  paroissoit  établi  sur  des  fondemens  solides  et  qui  avoient  porté 
la  conviction  dans  son  âme;  une  modestie  qui  accueilloit,  je  ne  dirai  pas  sans 


/ 


i2d  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

ombrage/  mais  avec  empressement»  les  doutes  et  les  objections  de  ceux-là 
même  qui  se  seraient  fait  honneur  d'être  ses  disciples;  une  aménité  et  une  gaieté 
naturelle ,  à  l'aide  desquelles,  jusqu'à  la  fin  de  ses  jours,  il  triompha  sans 
effort  d'une  impression  de  souffrance  et  de  malaise  qui,  depuis  de  longues 
années,  lui  étoit  devenue  comme  habituelle  :  tels  sont,  Messieurs,  les  traits  sous 
lesquels  se  présentera  long-temps  à  vos  esprits  le  souvenir  de  M.  Gosselljn. 
De  nouvelles  recherches,  des  lumières  nouvelles,  mises  chaque  jour,  par 
l'étude  plus  approfondie  des  langues  et  par  les  courageuses  explorations  des 
voyageurs,  à  la  disposition  des  hommes  qui  se  consacreront  à  continuer  les 
travaux  des  Cellarius,  des  d'An  ville,  des  Rennell,  des  Gossellin,  pourront 
apporter  de  notables  changemens  aux  systèmes  par  lesquels  notre  confrère  s'est 
efforcé  de  lier  la  géographie  moderne  à  celle  de  l'antiquité  la  plus  reculée;  mais 
il  conservera  toujours,  aux  yeux  des  vrais  appréciateurs  du  mérite,  la  renommée 
du  savant  laborieux,  profond  ,  impartial ,  qui  n'étoit  mu  que  parle  seul  désir  de 
connottre  la  vérité,  et  qui,  dans  l'emploi  des  moyens  propres  à  atteindre  ce 
but,  fut  toujours  guidé  par  une  grande  nn  esse  d'esprit  et  une  rare  sagacité.  Pour 
vous,  Messieurs,  en  pensant  à  lui,  vous  vous  rappellerez  jusqu'au  dernier 
soupir  ces  qualités  précieuses  du  cœur,  qui  vous  le  rendoient  si  cher  et  qui  vous 
font  trouver  sa  perte  si  amère;  et  l'ambition  de  celui  qui  est  en  ce  moment 
l'interprète  de  vos  sentimens  sera  de  mériter  de  vous  un  jour  un  aussi  hono- 
rable témoignage.  » 

Le  18  février,  à  l'occasion  des  funérailles  de  M.  le  duc  de  Lévis,  de 
PAcadémie  française,  M.Etienne,  chancelier  de  cette  Académie,  s'est  exprimé 
en  ces  termes  :/*  Messieurs,  organe  de  l'Académie  française,  je  viens  payer  un 
triste  et  dernier  hommage  au  littérateur  qui  partagea  ses  travaux,  et  ne  les 
négligea  point  même  au  milieu  des  prestiges  du  pouvoir  et  des  fatigues  de  la  vie 

J politique.  Chargé  de  toutes  les  dignités  que  donne  la  naissance  ou  que  conf- 
èrent les  hauts  emplois  de  l'État ,  M.  le  duc  de  Lévis  jouissoit  avec  le  plus  de 
bonheur  des  titres  qui  sont  le  prix  du  mérite  ou  la  conquête  de  l'esprit ,  et  aimoit 
à  faire  briller  la  simplicité  de  la  palme  académique  sous  le  faste  des  éclatantes 
décorations  de  la  faveur.  Dans  l  éloignement  si  cruel  de  la  patrie,  les  lettres 
Favoient  consolé;  il  ne  se  montra  point  ingrat,  quand  vinrent  à  luire  des  jours 
plus  heureux;  et  si  elles  avoient  tempéré  pour  lui  les  douceurs  de  l'exil,  elles 
charmèrent  plus  d'une  fois  les  ennuis  de  la  grandeur.  C'est  au  sein  de  nos 
pacifiques  études  qu'il  venoit  s'en  délasser,  et  goûter  ce  plaisir  si  doux  de 
la  fraternité  littéraire,  véritable  jouissance  pour  les  âmes  élevées  et  four  les 
nobles  esprits.  Le  cœur  de  M.  le  duc  de  Levis  étoit  fermé  à  toute  haine ,  à 
tout  ressentiment;  il  n'avoit  rapporté  de  la  terre  étrangère  que  le  fruit  de  ses 
savantes  observations:  il  revint  pauvre  dans  le  sein  de  sa  patrie,  pour  l'enrichir 
du  tribut  de  connoissances  qu'il  avoit  levé  sur  un  peuple  industrieux.  Au 
milieu  d'une  émotion  si  vive,  d'une  douleur  si  profonde,  n!attendez  pas  que 
je  retrace  cet  esprit  si  divers  qui  embrassoit  la  science  de  l'économiste  et  du 
législateur,  la  délicatesse  de  l'homme  de  goût  et  la  sagacité  du  peintre  de 
mœurs.  Je  dois  seulement  parler  sur  la  tombe  de  l'homme  de  bien,  de  l'ex- 
cellent confrère,  qui  ne  fut  jamais  qu'homme  de  lettres  à  l'Académie,  et  fut 
toujours  moraliste  à  (a  cour.  C'est  aux  heureuses  qualités  de  son  cœur,  à  la 
générosité  de  son  caractère,  à  l'aménité  de  son  esprit  conciliant,  à  son  amour 
éclairé  pour  tout  ce  qui  pouvoit  ajouter  aux  améliorations  sociales  et  à  la 
splendeur  des  lettres  et  des  arts,  que  je  me  plais  à  offrir  le  témoignage  de  l'estime 


/ 


FÉVRIER   1830.  127 

d'une  compagnie  affligée  de  perdre  en  lui  un  collaborateur  assidu ,  et  au  sein  de 
laquelle,  il  y  a  peu  de  jours  encore,  il  apportoit  le  trésor  de  ses  connoissances 
si  utiles  et  si  variées. . . .  » 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Notice  sur  Colard  Mansion,  imprimeur  et  libraire  de  la  ville  de  Bruges  en 
Flandre,  dans  le  xv.e  siècle  (par  M.  Van-Praet,  conservateur-administrateur 
de  la  Bibliothèque  du  Roi  ).  Paris ,  împr.  de  Crapelet,  librairie  des  frères  De- 
bure,  1829,  in-$S ,  131  pages  et  5  planches  Iithographiées,  contenant  desfac- 
simile.  M.  Van-Praet  a  publié,  en  février  1780,  dans  l'Esprit  des  journaux,  de 
premières  recherches  sur  la  vie ,  les  écrits  et  les  éditions  de  Colard  Mansion  :  il 
vient  de  traiter  ce  sujet  avec  beaucoup  plus  d'étendue.  Les  éditions  données  par 
le  premier  imprimeur  de  Bruges,  depuis  1475  jusqu'à  1484  sont  au  nombre  de 
vingt-une  :on  en  trouve  ici  des  descriptions  fort  insiructive5,  suivies  de  notes  qui 
embrassent  de  nombreux  et  curieux  détails  d'histoire  littéraire  et  bibliographique. 

De  F  Entendement  et  de  la  Raison  :  introduction  à  l'étude  de  la  philosophie, 
par  M.  J.  F.  Thurot,  professeur  au  collège  royal  de  France.  Dicam  enbn  nec 
mca  ,  necea  in  quitus  ,  si  vera  non  fuerint  ,  non  vinci  me  malim  quam  vincere. 
Cic.  Acad.  11,4.  Paris,  impr.  de  P.  Pochard,  librairie  d'Aimé  André,  1830, 
2  vol.  in-8.' ;  tom.  I,  cxx  (discours  préliminaire)  et  333  pages;  tom.  II, 
463  pag.  Nous  nous  proposons  de  rendre  compte  de  ce  savant  ouvrage* 

On  vient  de  publier  le  prospectus  d'une  troisième  édition  des  Recherches  de 
Aï.  G*  Cuviersur  Us  ossemens fossiles  ,  où  sont  rétablis  les  caractères  de  plusieurs 
animaux  dont  les  révolutions  du  globe  ont  détruit  les  espèces,  7  vol.  in-f.0, 
sur  papier  grand  raisin,  avec  un  grand  nombre  de  planches,  cartes,  et  le 
portrait  de  l'auteur.  La  souscription  est  ouverte  jusqu'au  30  juin  1830,  chez 
igonette,  libraire,  rue  de  Savoie,  n.°  12,  à  raison  de  30  fr.  par  volume,  total 
210  fr.,  avec  remise  de  20  fr.  pour  les  personnes  qui  retireront  les  .7  vol. 

Traité  élémentaire  de  physique,  par  M.  E.  Péclet,  maître  de  conférences  de 
physique  à  l'école  préparatoire  de  Paris,  professeur  de  physique  à  l'école  cen- 
trale des  arcs  et  manufactures:  deuxième  édition,  tome  I.cr  Paris,  impr.  de 
H.  Fournier ,  librairie  de  Malher,  1830,  in-8.°,  vij  et  634  pages  avec  18  pi.  — 
l.re  partie  :  corps  pondérables;  propriétés  générales  des  corps;  forces  permanentes  • 

aui  agissent  sur  eux;  corps  solides,  liquides,  gazeux.  II. e  partie  :  corps  impon- 
érables,  chap.  I.cr  calorique  sensible  et  latent;  sources  de  chaleur,  sources 
de  froid.  —  Les  chapitres  suivans  traiteront ,  dans  le  second  volume,  des  fluides 
électrique,  magnétique,  galvanique,  et  delà  lumière. 

Exposé  des  recherches  faites  ,var  ordre  de  l'Académie  royale  des  sciences ,  pour 
déterminer  les  forces  électriques  de  la  vapeur  d'eau  à  de  hautes  températures,  signé 
deProny ,  Arago,  Girard  etDuIong,  rapporteur.  Paris,  Firmin  Didot,  1830, 
42  pages  in-4.c  et  3  planches. 

Voyage  de  découvertes  de  l'Astrolabe,  exécuté  par  ordre  du  Roi,  pendant 
les  années  1 826 ,  1 827 ,  1 828 ,  1 829 ,  sous  le  commandement  de  M.  J.  Du  mont 
d*Urvi!le,  capitaine  de  vaisseau,  12  vol.  grand  in-8.° ,  avec  plus  de  100  vignettes 
en  bois,  dessinées  par  MM.  de  Sainson  et  Tony-Johannot,  gravées  parPorret; 
accompagnés  d'un  atlas,  contenant  prés  de  600  planches  ou  cartes  grand  in  fol. 


\ 


128  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Prospectus.  Paris,  J.  Tastu,  1830,  51  pages  grand  in*8.°,  avec  2  planches. 
L'ouvrage  se  divisera  en  cinq  parties:  i.°  histoire  du  Voyage,  par  M.  Dumont 
d'Urville,  5  vol.;  2.0  botanique,  par  MM.  Lesson  jeune  et  Richard,  1  vol.; 
3.0  zoologie,  par  MM.  Quoy  etGaimard,  5  vol.;  4°  partie  entomologique  , 
rédigée  par  M.  La  treille,  1  vol.;  j.°  notices  hydrographiques.  On  souscrit 
chez  M.  Tastu,  imprimeur  éditeur,  soit  pour  l'ouvrage  entier,  à  raison  de 
14  &.,  24  fr.,  30  fr.,  par  livraison,  selon  les  conditions  des  exemplaires, 
soit  pour  une  des  cinq  parties,  à  raison  de  16,  28,  36  fr.  La  première 
livraison  a  paru  le  15  février;  les  autres  doivent  se  succéder  de  quinze  en 
quinze  jours;  il  n'est  pas  dit  quel  en  sera  le  nombre. 

Traité  théorique  et  pratique  de  Vart  de  bâtir,  par  J.  Rondelet ,  membre  de 
l'Institut;  sixième  édition,  publiée  par  M.  A.  Rondelet,  architecte,  et  fils  de 


Recherches  statistiques  sur  la  ville  de  Paris  et  sur  le  département  de  la  Seine , 
recueil  de  tableaux  dresses  et  réunis  d'après  les  ordres  de  M.  le  comte  de 
Chabrol,  conseiller  d'état,  préfet  du  département.  Paris,  Imprimerie  royale, 
1829,  in -S.0  Les  tableaux  ,  au  nombre  de  quarante-cinq  D  sont  distribués  sous 
huit  titres: topographie,  population,  institutions,  agriculture,  industrie,  manu- 
factures, commerce,  finances.  Us  sont  précédés  d'une  introduction  et  d'un  mé- 
moire (  de  M.  Puissant),  sur  les  résultats  moyens  et  sur  les  erreurs  des  mesures, 
xlviij  pages.  Le  volume  se  termine  par  un  rapport  de  M.  Daubanton ,  sur  les 
entreprises  de  construction  dans  Paris,  de  1821  à  1826,  et  sur  l'interruption  dm 
travaux  depuis  cette  dernière  année.  C'est  le  quatrième  tome  de  cette  collection. 
Le  troisième  a  été  annoncé  dans  notre  cahier  d'octobre  1826 ,  p.  641*  «  Dans  le 
»  cinquième  volume,  qui  doit  terminer  cet  ouvrage,  dit  M.  le  préfet  de  la 
»  Seine,  on  trouvera,  avec  les  tableaux  annuels,  les  documens  précieux  fournis 
»par  le  cadastre,  opération  très-importante  par  son  objet  et  par  l'exactitude 
»des  mesures.  Cette  dernière  partie  comprendra  aussi  les  faits  qui  intéressent 
"l'agriculture  et  spécialement  l'horticulture  dans  le  département  delà  Seine. 
a  J'y  joindrai  l'histoire  administrative  de  la  ville  de  Paris  depuis  la  restauration, 
»  ouvrage  dont  la  rédaction  est  très-avancée.  » 


^»- 


TABLE. 

Rétablissement  du  texte  de  la  Divina  commedia,  sur  Arnaud  Daniel. 

(  Article  de  M.  Ray nouard.  ) Pag.     67 . 

Les  Chagrins  du  palais  de  H  an,   tragédie  chinoise,   traduite  par 

M.  J.  Fr.  Davis.  (  Article  de  M.  Abel-Rémusat.) 78 . 

Voyages  en  Arabie,  par  feu  J.  L.  Burchhardt.  (Second  article  de 

M.  Silvestre  de   Sacy.  ) 89. 

Bibliothèque  des  croisades ,  par  M.  Mi  chaud.  (Art.  de  M.  Daunou.  )  1 02 . 

Catatoeo  di  scelte  antichita  di  Canino.  (Premier  article  de  M.  Raoul- 

Rochette.  ) , 1 14« 

Nêuvellet  littéraires  .    •  •  • • 1 26 . 

FIN  DE  LA  TABLE. 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 

MARS     183O. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE 
1830. 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  fr*  Par  'a  poste ,  hors  de  Paris.  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
librairie  LevrALLT,  à  Paris,  îue  de  la  Harpe,  n.°  85;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  II  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouveaux ,  les  lettres,  avis,  m/moires,  &c,  qui 
peuvent  concerner  la  rédaction  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris ,  rue  <ie 
Ménil-montant,  n.°  22. 


JOURNAL 

DES  SAVANS. 

MARS    1830. 


Discours  prononcé  a  l'ouverture  du  cours  de  l'histoire  de  la  philo- 
sophie nu  Musée  des  sciences  et  des  lettres ,  le  18  avril  1827 , 
par  M.  Van  de  Weyer,  professeur  de  l'histoire  de  la  philo- 
sophie ,  conservateur  des  manuscrits  du  Roi  et  de  la  bibliothèque 
publique  de  Bruxelles.  Bruxelles,    1827. 

De  la  dieection  actuellement  nécessaire  aux  études  philoso- 
phiques ,  par  AI.  de  Reiffenberg,  professeur  de  philosophie  A 
Louvain.  Louvain  f  1828.  —  De  l'Éclectisme ,  ou  pre- 
miers principes  de  philosophie  générale,  par  ie  même  ;  //'  partie, 
divisée  en  4  sections,  in-8.°  Louvain ,   1 8 2 8. 

Il  faut  reconuoître  que  îa  philosophie  a  été  traitée  avec  une  sorte  d$ 
munificence  en  Belgique.  Outre  les  trois  chaires  spéciales  qu'tlle  obtint 
d'abord  en  1817,  dans  l'organisation  de  .l'instruction  publique,  aux 
universités  de  Liège,  de  .Louvain  et  de  Gand,  un  décret  royal  de 
1827  lui  accorda  une  chaire  nou\elle  dans  la  capitale  de  la  Belgique, 
au  Musée  des  sciences  et  des  lettres  de  Bruxelles.  Et  la  bonne  fortune 
de  la  philosophie,  ou  plutôt  le  zèle  éclairé  du  gouvernement,  voulut 
que  la  chaire  nouvelle  fût  consacrée  à  l'histoire  de  la  philosophie,  étude 
moins  périlleuse  que  celle  de  la  philosophie  spéculative,  qui  la  suppose 
sans  doute  et  ne  peut  se  passer  de  ses.  lumières,  mais  qui  lui  rend  avec 
usure  ce  quelle  en  reçoit,  et  iui  imprime  une  direction  salutaire  en  fa 
soumettant  au  contrôle  de  l'expérience;  étude  aussi  d'un  accès  plus 
facile,  qui  exi^e  des  dons  moins  rares,  et  où -d'honorables  succès 
"attendent  to.  jours  le  travail  dirigé  par  le  bon  sens.  Enfin  le  piu«- 
fesseur  auquel  fut  confiée  la  chaire  nouvelle,  se  trouva  précisément 
f  homme    Je   plus   capable   d'en   tirer  le  meilleur  parti,  M.   Sylvai^ 

k  % 


ai*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Van  de  Weyer,  l'élève  et  l'ami  de   M.  Van-Meenen  (i)  9  l'éditeur 
<f  Hemsterhuis  (2  ,   et  dont  le  zèle  connu   et   le    talent  remarquable 
cTélocution  étoient  extrêmement  propres  à  inspirereth  répandre  le  goût 
de  la  philosophie.  Une  circonstance  particulière  promettait  un  heureux 
«venir  à  l'institution  nouvelle  :   un  cours  fait  à   Hruxefles  ne  pouvoir 
l'être  qu'en  français,  et  le  français  donnoit  un  public  à  la  philoso* 
phie,  tandis  que  la  langue  latine,  seule  permise  dans  les  trois  univer- 
sités belges,  la  renfermant  dans  le   cercle   de  quelques  écoliers,  fui 
ôtoit  toute  influence  sur  les  esprits  et  la  frappait  de  stérilité.  Tous  les 
regards  des  amis  du  pays  et  des  études  sérieuses  se  tournèrent  donc 
vers  le  Musée  de  Bruxelles,  et  un  nombreux  auditoire  accourut  aux 
leçons  de"  M.  Van  de  Weyer.  Le  jeune  professeur  n'est  pas  resté  au* 
dessous  de  l'attente  publique  et  de  sa  position;  le  discours  d'ouverture 
que  nous  avons  sous  les  yeux  en  fait  foi.  Dans  ce  discours,  M.  Van  de 
Weyer  s'applique  d'abord  à  justifier  la  philosophie  des  vagues  accusations 
dont  elle  est  l'objet  depuis  son  origine,  sans  que  ces  accusations  aient 
jamais  arrêté  la  philosophie,  qui,  toujours  accusée  et  toujours  cultivée, 
a  suivi  l'esprit  humain,  dont  elle  est  un  produit  nécessaire,  dans  son 
perpétuel  développement.  Toutes  les  plaisanteries  de  I  indifférence  sur 
la  vanité  des  systèmes  philosophiques  n'ont  pas  diminué  le  nombre  des 
systèmes;  tous  les  coups  d'un  zèle  mal  entendu  sont  tombés  sur  les 
philosophes,  aucun  sur  la  philosophie.  Mais  la  vraie  apologie  de  la 
philosophie  est  dans  l'exposition  de  son  caractère  propre,  de  son  but 
et  de  sa  méthode.  Or,  la  philosophie  que  professe  M.  de  W.  ;-?r  n'est 
point  une  spéculation  ambitieuse  en  dehors  de  la  réalité,  c'est-:     ire  ici, 
de  Phumanité ,  de  ses  lois  et  de  ses  croyances;  loin  de  la ,  elle  n'-.st  c^ie 
f expression  des  idées  de  tout  le  monde;  car  c'est  tout  le  monde?  q>i  a 
raison  en  philosophie  comme  en  toutes  choses.  C'e>t  donc  sur  le  sens 
commun  que  doit  s'appuyer  la  philosophie  ;  elle  n'est  que  l'explication 
scientifique  des  vérités  du  sens  commun.  «  L'humanité  parle,  dit  M.  de 
3»  Weyer  (  pag.  16  ),  et  la  philosophie  écoute;  les  hommes  agissent, 
»  et  la  philosophie  observe,  et  elle  reconnoît  qu'il  y  a  des  vérités  natu- 
m  relies  et  primitives  déposées  dans  la  conscience  de  1  humanité,  comme 
m  dans  la  conscience  de  tout  homme Elles  sont  (pag.  1 7  et  18) 


(1)  M.  Van  Meenen  e«t  In  première  réputation  du  pays  en  philosophie.  I! 
ara  malheureusement  publié  que  quelques  articles  dans  l' Observateur ,  tom.  VI  t 
pag.  209-258;  tom.  XVI,  pag.  113-153»  que  l'on  dit  fore  remarquables. 
—  (2)  Deux  vol.  in-iS,  avec  une  notice  sur  Hemsterhuis  et  sa  philosophie. 
Inucllct,  1825. 


MARS  1830.  in 

»  en  quelque  sorte  Fa  vie  de  l'humanité »  l'air  quelle  respire.  Sans  elles  il 
*>n'y  auroit  point  de  société  humaine  possible.  Le  gouvernement,  fçs 
»  institutions  ,  les  lois,  les  religions,  les  mœurs  et  les  usages  des  notions 
*>  en  sont  profondément  empreints,  et  en  sont  comme  au  ani  de  manifes- 
ta talions.  Elles  se  révèlent  dans  les  actions ,  les  pensées  et  les  paroles  de 
»  tout  homme;  toutes  les  langues  en  portent  le  caractère;  car  il  y  a 
»  dans  les  langues  un  fond  de  philosophie  et  de  raison  auquel  on  ne 
»fait  ptu:-êre  pas  assez  d'attention.  Elles  sont  aussi  le  fondement  de 
»  tout  >ystème  de  philosophie;  car  sans  elles  les  philosophes  n'eussent 

»  été  intelligibles  ni  pour  eux-mêmes  ni  pour  les  autres Voilà 

»  (  pag.  20  )  les  richesses  que  la  philosophie  possède,  voilà  le  fond  sur 
»  lequel  elle  travaille  et  elle  opère.  L'existence  et  la  perpétuité  de  ces 
»  vérités  sont  un  grand  fait,  un  fait  qui  domine  et  embrasse  tout,  et 
*>que  la  philosophie  doit  constater  et  étudier.  L'office  propre  de  la 
»  philosophie  est  donc  de  reconnoître  ces  vérités,  de  les  classer,  de  les 
»  expliquer,  de  les  juger,  et  d'établir  que  ,  si  elles  sont  la  vie  de  l'hu- 
*>  raanié,  elles  sont  aussi  la  lumière  qui  éclaire  tout  homme  venant  au 
*>  monde;  qu'elles  brillent  et  se  révèlent  dans  toute  acîion  laisonnable, 
»dans  toute  pensée  juste;  qu'en  interrogeant  le  sens  intérieur,  guide 
»  de  nos  jugemens  et  qui  sert  à  reconnoître  et  à  constater  ces  vérités, 
»  on  apprend  qu'on  ne  peut  les  rejeter  sans  se  dépouiller  de  la  qualité 
«d'homme,  qu'on  les  adopte  et  qu'on  les  met  en  pratique  lors  même 
»  qu'on  les  nie  en  théorie,  c'est-à-dire  que,  quel  que  soit  le  système  de 
*>  philosophie  que  l'on  suive,  les  véri:és  du  sens  commun  sont  toujours, 
»  dani  le  commerce  de  la  vie,  le  gui  Je  de  nos  actions,  la  règle  de  nos 
»  jugemens ,  la  lumière  de  nos  pensées ,  la  vie  de  notre  intelligence.  .  . 
»  Ces  opinions  (pag.  25  et  26),  à  la- fois  théoriques  et  pratiques, 
»  qui,  sous  une  forme  explicite  ou  implicite,  dirigent  l'universalité  des 
*  homme».  . .  .,  sont,  par  exemple,  la  conviction  de  notre  existence 
»  propre,  de  l'existence  de  l'univers  extérieur,  du  commerce  réciproque 
»  de  l'un  et  de  (autre,  de  la  faculté  de  discerner  le  vrai,  le  beau,  le 
»  bien  ;  de  la  liberté;  de  la  lui  du  devoir,  du  sentiment  du  juste  et  de 
»  l'injuste;  du  jugement  du  mérite  et  du  démérite  de  nos  actions;  de 
*>Ia  dtg  ité  humaine;  de  la  morale;  de  la  croyance  5  la  stabilité  dès 
»  lois  de  la  nature;  de  Dieu;  de  la  providence;  de  l'immortalité  de 
»l'ame;  dune  religion.  Ces  maximes  sont  le  fond  de  la  vie  inteiltc* 
»  tuelle  ,  sociale*  morale  et  religieuse.  » 

M.  Van  de  Weyer  divise  en   trois  ordres  distincts  toutes  les, re- 
cherche s  dont  les  vérités  du  sens  commun  peuvent  être  le  sujet.      „r 


ij<  JOURNAL  DES  SAVANS, 

i.°  Les  constater  et  les  étudier  telles  qu'elles  sont  dans  l'homme 
tytont  atfcint  le  pîein  développement  «de  ses  facultés; 

2.0  Remonter  à  leur  origine  dans  l'esprit  de  l'homme; 

3.0  Rechercher  et  établir  leur  légitimité.  Et,  sur  ce  dernier  point-, 
M.  de  Weyer  remarque  d'avance  que  c'est  un  fait  qui  rend  leur  vérité 
tu  plus  haut  degré  présumable,  que  la  foi  constante  et  perpétuelle  de 
tout  le  genre  humain  (  pag.  28  ). 

C'est  après  avoir  constaté  les  caractères  actuels  des  vérités  du  sens 
commun,  recherché  leur  origine,  établi  leur  légitimité,  que  M.  Van 
de  Weyer  se  propose  de  les  suivre  à  travers  les  systèmes  philosophiques. 
«*  Ces  vérités  seront  la  pierre  de  touche  de  tous  ces  systèmes  (pag.  30), 
»  Les  méconnoissent-ils!  ils  sont  faux.  N'en  admettent-ils  qu'un  petit 
»  nombre!  ils  sont  incomplets.  Les  offusquent-ils  d'erreurs  et  de  subti- 
le lités  î  il  les  en  faut  dégager.  »  Tei  est  le  principe  de  critique  que 
M.  Van  de  Weyer  emprunte  à  la  philosophie  pour  rappliquer  à  son  his- 
toire. Ainsi  étudiée,  Histoire  delà  philosophie  cesse  d'être  un  amas  stérile 
d'extravagances  et  de  contradictions.  «Il  est  à- peu-près  certain,  dit 
»  M.  Van  de  Weyer  (pag.  1  3  ),  que  tout  ce  qu'il  y  a  de  vrai  clans  la 
»  nature  de  l'homme  a  été  observé,  constaté  ou  entrevu  par  quelque 
»  philosophe.  .  .    Les  systèmes   n'ont   peut-être  qu'une  contradiciion 

»  apparente Vrais  dans  ce  qu'ils  admettent,  faux  dans  ce  qu'ils 

*•  rejet'ent,  c'est  parce  que  chaque  philosophe  a  eu  un  point  de  vue 
p  différent,  c'est  parce  qu'il  a  tout  ramené  ou  tout  sacrifié  à  ce  point 
»  de  vue,  c'est  parce  que,  n'ayant  observé  qu'un  côté  de  l'homme, 
»  il  a  raisonné  comme  s'il  avoit  étudié  l'homme  tout  entier,  que  leurs 
»  systèmes  se  combattent  et  s'entre  détruisent.  .  .  .  Pénétrons-nous 
*»  bien  (pag.  12)  de  cette  idée  qii'il  n'y  a  point  de  grande  et  impor- 
»  tante  vcriié  que  la  philosophie  n'ait  proclamée,  ei  c'est  pouKcela 
»  quelle  s'est  fait  écouter  des  hommes;  car  si  l'erreur  peut  un  moment 
»  fasciner  les  yeux,  jamais  elle  ne  s'accrédite  ni  ne  s'étab  it.  C'est 
si  par  ce  que  les  systèmes  de  philosophie  ont  de  vrai  et  de  conforme  à 
•>  la  nature  de  l'homme ,  qu'ils  ont  eu  leurs  sectateurs  ,  leurs  enthousiastes 
*»et  leur  durée  d'existence  ;  c'est  par  ce  ou'ils  ont  eu  de  faix  ou  d'in- 
•>  complet  qu'ils  sont  tombés  et  ont  été  remplacés  par  d'autres 
•  systèmes,  qui,  également  exclusifs  ou  absolus,  s'écroulent  h  leur  tour, 
»  laissant  pour  unique  trace  de  leur  passage  quelques  erreurs  dé- 
»  trui'es  ou  quelques  vé  ités  mieux  établie*.  » 

-jiEn' résumé,  le  plan  de  M.  Van  de  Weyer  est  départir  des  vérités 
4u  sec*  commun,  d'en  reçonnoîire  les  caractères  dctutls,  d'en  déter*- 
pijner  l'origine,  d'en  établir  la  légitimité;  voilà  pour  lui  la  philosophie 


y 


/MARS  Î830.  ^j, 

proprement  dite:  puis,  de  suivre  ces  vérités  à  travers  les  systèmes  phi- 
losophiques qui  les  mutilent  plus  ou  moins  sans  les  renier  tout-à-fait^ 
de  n'épouser  aveuglément  aucun  de  ces  systèmes,  puisque  tout  système 
est  ordinairement  incomplet,  et,  en  même  temps»  de  les  absoudre  toui/ 
parce  que  tous  contiennent  et  ne  peuvent  pas  ne  pas  contenir,  plu* 
ou  moins  défigurées»  mais  non  pas  détruites,  les  éternelles  vérités  du. 
sens  commun  ;  voilà  l'histoire  de  la  philosophie.  L'histoire  de  la  philo-, 
phie  et  la  philosophie  elle-même  se  tiennent  par- là  intimement,  et 
constituent  un  seul  ei  même  corps  de  doctrine  animée  par  le  même 
esprit.  Nous  ne  pouvons  qu'approuver  un  pareil  plan ,  à-la- fois  très- 
simple  dans  ses  principes,  très-fécond  et  très-étendu  dans  ses  consé- 
quences. On  pourroit  désirer  que  M.  Van  de  Weyer  l'eût  présenté, 
dans  un  enchaînement  plus  rigoureux  qui  eût  donné  plus  de  prérîr< 
sion  à  chaque  point  particulier*  plus  de  lumière  et  de  force  à  l'en*, 
semble,  au  lieu  de  se  laisser  entraîner  au  développement  brillant  de, 
quelques  parties;  mais  il  ne  faut  pas  oublier  que  c'e*t  ici  un  discour* 
d'ouverture,  moins  austère  que  des  leçons  ordinaires,  et  qu'un  nom*' 
breux  auditoire  exige,  la  première  fois  au  moins»  quelques  ménage- 
mens.  D'ailleurs  le  style  de  ce  discours,  quoiqu'il  ait  eje  l'éclat,  est  d'une 
correction  parfaite.  La,  chaleur  y  domine  sans  doute,  mais  non  pas  aux 
dépens  de  la  lumière;  et  M.  de  Weyer  justifie  (p.  $4)  l'enthousiasme  qu'il 
montre  sùi  l'impression  naturelle  des  grandes  véri:é*  dont  ij  se  fait  l'in- 
terprète. Il  défend  l'enthousiasme  en  lui  même ,  et  réclame  pour  la  vraie 
philosophie  l'honneur  d'inspirer  l'art,  et  d'être  pour  l'aine  une  source, 
féconde  de  poésie.  On  reconnoît  ici  un  éditeur  d'Hemsterhuis;  et  il  est 
bien  vrai ,  en  effet,  qu'il  y  a  un  riche  fond  de  poésie  dans  toute  philo- 
sophie cjui  ,v appuie  sur  les  croyances  éternelles  d?  l'humanité;  mais  la 
poésie  doit  être  dans  le  fond,  non  dans  la  forme,  ou  si  elle  pénètre 
dans  la  forme,  elle  n'y  doit  être  admise  qu'avec  une  réberve  et  une 
sobritté  extrêmes,  et  sous  la  surveillance  sévère  du  goût,  qui  n'est  encore 
ici  que  le  sens  commun  lui-même. 

L'enseigi:eii/eiit  de  Al.  de  Weyer  n'est  pas  resté  stérile,  et  l'exemple 
d'écrire  en  français  sur  les  matières  philosophiques  a  eu  bientôt  des 
imitateurs.  M.  le  haroq.cje  Reiflfenberg,  professeur  de  philosophie  à. 
Louvain  „  qui  ju  quelà  -ue  s'é,toit  fait  çonnoitre  que  par  des  ouvrages 
d'un  genre  'fort  étranger  ^  Ja  philosophie,  ouvrages  parmi  lesquels  îl 
faut  pourtant  distinguer ipnp.rVit  -de  Juste  Lipse  (1),  entra  dans  la  route 
qije  M.  V;m  du  Wt'ytrjtv^|QUY*fte  le  premier  en  Uejgique,  et  pujblfâ  , 
■■    1     ■  • n->!   .■■■lit  il  n  ,;■■         '  ,  »n 


ij6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

•  •  • 

€rt]\  S28  ,  une  brochure  sur  /a  direction  actuellement  nécessaire  aux  études 
philosopkques.   Celte  brochure  reproduit  les  p  ri  nci]>es  que  nous  avons 
signalés  dans  le  discours  de  M.  de  Weyer.  Nous  avons  vu  que  M.  de 
▼eyer  distingue  toutes  les  recherches  philosophiques  en  trois  classes» 
dont   il  détermine   Tordre  :   d'abord ,  l'étude    des    caractères    actuels 
des    vérités   générales    telles    qu'elles  se    trouvent    aujourd'hui   dans 
la   conscience  de    tous    les  hommes;  puis    la  recherche  de    leur   ori- 
gine; enfin  leur  explication,  ou  l'examen  et  la  démonstration  de  leur 
légitimité.  M,  de  ReifFenberg  reproduit  le  principe  de  cette  divi>ion  et 
de  cette  classification  sous  des  formes  un  peu  différentes,  qui  ne  nous 
paroissent  point  avoir  gagné  en  profondeur  ce  qu'elles  ont  perdu  en 
simplicité  et  en  clarté.  «  Il  y  a,  dit  M.  de  Reiffènberg,  un  double  che- 
j»  min  à  suivre  en  philosophie  .  Il  faut  s'assurer  du  comment  ou  de  l'étaf 
»  des'  choses;   ensuite,  de   leur  pourquoi  ou  de  leur  raison   d'être»  » 
Celte  distinction   établie,    l'auteur   montre  fort  bien  qu'il  faut   corn* 
lïencer  par  reconnoître  les  choses  telles  qu'elles  sont,  avant  de  chercher 
leur  raison  d'être.  «  Le  comment,  dit-il  (pog.  9)»  *ans  le  pourquoi,  n'est 
»  pas  de  la  science, "mniVrenferme  les  matériaux  de  la  science.  Ceci 
a»  avertit  de  ne  rien  dédaigner,  de  ne  refuser  la  coopération  de  personne. 
»  N'êtes- vous  pas  doué  dune  tête  forte,  d'un  coup-d'œil  d'aigle!  ne 
»  vous  découragez  pas,  vous  pouvez  encore  être  utile;  observez  avec 
»  attention  ; -tôt  ou  tard  un  homme  degénfe  se  renconrrera  qui,  s'em- 
»  parant  des  phénomènes  que  vous  aurez  recueillis  et  dont  vous  aurez 
»é)ié  de  nouvelles  circonstances,  fcis  coordonnera  pour  les  réduire  à 
*»  leur  principe.  Le  comment  tout  seul  n'est  donc  pas  sans  utilité;  sans 
»  lui,  nu  contraire,  le  pourquoi-nesi  bon  à  rien;  il  y  a  plus,  il  est  dan* 
»  gereux.  D'où  nai*sent  toutes  les  aberrations  philosophiques,, toutes 
»  les  erreurs,  n'importe  dans  quelle  classe  d'objets  elles  se  manifestent! 
79  De  ce  que  l'on  construit  le  pourquoi  en  négligeant  le  (omm$nt;de  ce 
»  que  l'on  donne  un  faux  pourquoi  à  un  comment  qui  n'étoit  pas  fait 
»  pour  lui  ;  de  ce  que  l'on  s'obstine  à  assigner  un  pourquoi  à  un  comment 
»  qui  nen  comporte  pas  jusqu'ici  ;  enfin ,  de  ce  que  Ton  part  d'un  corn- 

v>  ment  vicieux Le  rationalisme  (  pag.  10  et  1  1  )  le  prétendroit 

»  en  vain  ,  il  ne  sauroit  .se  passer  de  l'empirisme;  car  que  seroit,  je 
*>vous  prie,  une  explication  sans  chose  à  expliquer!  que  seroit  une 
»  connoissnnce  quelconque  vide  de  faits,  privée  d'observation  et  d'ex- 
»  périence  !  Toutefois  l'empirisme,  abandonné  à  lui-même,  ou  le  corn* 
»  ment  9  nous  l'avons  dé;à  remarqué,  n'est  pas  de  la  science  ;  il  en  est 
•» 'seulement  la  base,  le  point  d'appui:  »  H  faut  donc  nég'iger  provi- 
soirement la  question  ultérieure  de  la  toison   des   choses,   pour  Its 


MARS   1830.  137 

étudier  telles  quelles  sont;  or,  dans  ces  limites,  on  peut  se  borner  à 
reconnoître  leurs  caractères  actuels,  ou  rechercher  les  caractères  qu'elles 
ont  pu  avoir  à  leur  origine  avant  d'être  arrivées  à  leur  plein  développe- 
ment; c'est-à-dire,  pour  parler  avec  M.  de  Rciffenbergf  «le  comment 
»  est  ou  actuel  ou  primitif,  et  il  faut  aller  du  premier  au  second  (  p.  8  ). 
Enfin ,  »  Je  comment  est  vicieux  de  deux  manières  (  pag.  n  J,  par 
»  addition  et  par  soustraction  :  par  addition ,  en  insérant  dans  l'analyse 
»de  la  pensée  humaine  un  élément  qui  ne  lui  appartient  pas;  par 
»  soustraction,  en  y  omettant  un  élément  qui  lui  appartient.  » 

Ces  principes  de  méthode  déterminent  le  point  de  vue  sous  lequel 
M.  de  KeifFenberg  considère  l'histoire  de  la  philosophie.  Là,  comme 
AI.  Van  de  Veyer,  il  reconnoît  (p.  13,  1 4>  '  J  ) c<  qu'aucune  philosophie 
»  n'étant  la  philosophie  toute  entière,  et  un  seul  observateur,  si  expert 
«qu'il  soit,  ne  pouvant  tout  observer,  la  connoissance  de  l'esprit 
»  humain  ne#se  forme  que  pièce  à  pièce.  Or,  aucun  système  n'est 
»  entièrement  faux,  le  mensonge  ne  devenant  admissible  que  par  sa 
»  ressemblance  avec  le  vrai;  de  sorte  que,  jusque  dans  l'erreur,  il  y  1 
»  manifestation  de  la  vérité  vers  laquelle  nous  tendons  de  notre  nature: 
»  donc  c'est  en  meuant  tous  les  systèmes  les  uns  au  bout  des  autres  , 
»  qu'on  formera ,  après  contrôle  et  réduction  ,  le  système  le  plus  com- 

»  plet L'histoire  de  la  philosophie  nous  mène*  du  particulier  à 

»  l'universel,  de  l'intolérance  Ma  tolérance,  de  l'exclusif  à  1  éclectisme, 
»  par  une  pente  douce  et  naturelle.  Gardons-nous  d'être  exclusifs,  sous 
»  peine  d'immobilité  ,  mais  excusons  les  autres  de  lavoir  été.  Que  dis-: 
»  je!  les  premiers  venus  n'ont  pas  besoin*  d'excuse:  ils  dévoient  Fêtre; 
»  car  ils  n'avotent  pas  à  opter,  et  étoient  hors  d'état  de  dépasser  leur 
*>  horizon.  Les  çuivans  se  prirent  de  passion  pour  l'opinion  traditionnelle 
»  qu'ils  avoient  choisie  ou  que  leur  siècle  leur  indiquoit,  ou  pour  celle 
«.qu'ils  avoient  trouvée;  mais,  en  se  renfermant  dans  une  idc'e,  ifs  far 
»  creusèrent  peut-être  davantage  et  en  exprimèrent  avec  plus  de  force 

»  ce  qu'elle  contenoit Héritiers  des  résultats  de  leurs  efforts,  ce 

»dont  nous  avons  besoin,  c'est  une  philosophie  qui  résume  et  achève 
t>  toutes  les  précécfcntes.  » 

Arrivant  à  l'objet  particulier  de  sa  brochure,  M.  de  Reiflenberg  exa- 
mine la  situation  de  la  Belgique ,  et  se  demande  de  quel  côté  la  Bel- 
gique, placée  entre  l'Allemagne  et  la  France,  doit  tourner  les  yeux  en 
philosophie  :  il  n'hésite  point  à  reconnoître  et  à  déclarer  que  le.  centre 
littéraire  et  scientifique  des  Belges  n'est  pas  du  côté  du  Rhin,  mais 
k  Paris  fil  va  même  jusqu'à  affirmer  que  ce  n'est  qu'en  passant  par  le 
territoire  français  que  l'Allemagne  pourroit  s'ouvrir  Tentrée  de  la  Bel- 

S 


138  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

gique;  et»  tout  patriotisme  à  part,  nous  ne  pouvons  nous  eçnpècher  de 
partager  l'opinion  de  l'auteur  ;  nous  croyons  que  nul  bon  esprit  ne 
sera  tenté  de  la  contester,  en  considérant  l'immense  disproportion  de  la 
culture  philosophique  en  Belgique  et  en  Allemagne ,  disproportion  qui 
n'est  pas  accidentelle,  et  qui  a  ses  raisons  générales»,  si  évidentes  qu'il 
est  inutile  de  les  rappeler.  Vouloir  transporter  brusquement  la  philo- 
phie  allemande  en  Belgique,  c'est  vouloir  un  effet  sans  cause,  c'est 
entreprendre  de  se  passer  du  temps,  c'est  agir  contre  la  loi  de 
gradation,  qui  n'est  jamais  impunément  violée;  c'est  étouffer  les  se- 
mences naturelles  qui  commencent  à  germer?  dans  une  impuissance  in- 
vincible défaire  venir  autre  chose.  On  n'improvise  point  la  philosophie 
çPun  peuple,  on  ne  la  met  pas  plus  en  serre» chaude  que  ses  mœurs  et 
sa  religion.  En  un  mot,  si,  par  sa  position  géographique,  par  ses  habi- 
tudes religieuses  et  politiques,  par  son  géniç  et  par  toute  son  histoire» 
la  Hollande  regarde  l'Allemagne ,  par  ces  mêmes  motift  la  Belgique 
regarde  la  FranOe.  Nous  sommes  encore  de  l'avis  de  M.  de  Reiffenberg, 
iorsqu'en  repoussant  l'importation  de  la  philosophie  allemande  en  Bel- 
gique ,  il  s'élève  aussi  avec  force  contre  le  matérialisme  et  le  scepti- 
cisme qui  découlent  de  la  philosophie  française  d'un  siède  qui  n'est 
plus.  II  termine  par  exprimer  le  voeu  que  les  études  philosophiques, 
dans  les  universités  belges,  soient  sur-tout  dirigées  vers  l'histoire  de 
la  philosophie,  et  de  préférence  trers  Hhistoire  de  la  philosophie  an- 
cienne, comme  on  le  fait  dans  les  universités  de  Hollande,  qui  ont 
produit  tant  de  travaux  distingués  en  ce  genre.  C'est  là  une  imita- 
lion  de  l'Allemagne  et  de  la  Hollande  (  i  )  qui  nous  parott  sans  aucun  dan- 
ger et  pleine  d'avantages  pour  la  Belgique  :  ici  encore  ïious  appuyons 
de  toutçs  nos  forces  le  vœu  de  M.  de  Reiffenberg;  et  ce  n'est  pas  seule- 
ment en  Belgique,  c'est  en  France  que  nous  desirons  vivement  que 


(i)  Après  l'Allemagne,  la  Hollande  est  assurément  le  pays  de  l'Europe  où 
f  histoire  de  la  philosophie  ancienne  est  le  plus  cultivée,  sur-tout  depuis  Wytten- 
bach.  Voyez  a  cet  égard  des  détails  curieux  dans  la  belle  préface  des  Initia 
philosophiœ  platonicœ  de  M.  Van-Heusde,  Traj.  ad  Rhon.  1827 ,  pars prior , 
pag.  41*  a  Nunc  inacademiis  nostris  etathenaeîs  non  tantùm  lectiones  ha£entur 
vplatonica?,  fréquentes  discentium  numéro;  sed  jungunt  etiam  sua  sponte 
»  juvents  sodalitia  in  quibus  Platonem  Iegant  secum  invicem  et  interpretentur. 
»Eduntur  identidem  specimina  litteraria,  eu  m  alia  de  antiquis  scriptoribus 
j»  et  historiae  philosophicae  arguments,  tum  platonica,  quae  conscripta  à  tyro- 
»nibus,  veteranis  haud  videntur  indigna;  a uc tores  autem  habent  discipulos 
»eorum  qui  ipsi  fuerunt  Wyttenbachii  discipuli.  »  Tout  le  monde  co'nnoît  les 
•  savantes  dissertations  de  MM.  Van  Heusdc,  Bake,  Mahne,  Van-Lynden, 


MARS   18^0.  i}9 

l'histoire  de  la  philosophie  ancienne  soit  cultivée;  car  cette  culture seroif 
singulièrement  propre  à  développer  l'esprit  de  critique,  qui  se  lie  inti- 
meineiit  à  l'esprit  philosophique  lui-même. 

Nous  aurions  bien  quelques  observations  à  faire  sur  cette  brochure; 
mais  elles  s'appliquent  mieux  encore  à  l'ouvrage,  plus  étendu,  dont  il 

Sous  reste  à  rendre  compte,  savoir:  /'Ec/ectiyne,  ou  premiers  Principes 
Ir  philosophie  générale. 

V.  COUSIN. 


Histoire  des  Français  des  divers  états,  aux  cinq  derniers 
siècles,  par  M.  Amans-Alexis  Monteil,  *xv.\sièck.  Paris., 
impr.  de  E.  Duverger,  librairie  de  Janet  et  Cotelle,  1 8  Jo, 
2  vol.  in-8.ê  (1),  500  et  567  pag.  Pr.  i4  fr. 

Nous  avons  rendu  compte  des  deux  volumes  où  M.  Monteif  trace 
Thistoire^t  peint  les  mœurs  des  Français  du  xiv.c  siècle,  dans  cent  cinq, 
lettres  qu'il  suppose  écrites  par  un  cordeliende  Tours,  depuis  l'an  1 380 
jusque  vers  i4oo.  JI  annonçoit  dès-lors  qu  il# donrçproit  un  autre  cadre 
au  tableau  de  l'âge  suivant;  et  en  effet,  la  première  page  du  tome  III 
expose  en  ces  termes  le  plan  nouveau  que  s'est  prescrit  l'auteur  en  ce 
qui  concerne  le  xv.c  siècle:  «  A  la  grande  salle  de  l'hôtel -de- ville  de 
»Troyes,  où,  plusieurs  fois  la  semaine,  se  rassemblent  avec  le  maire 
»  et  les  échevins  grand  nombre  d'autres  personnes,  if  s'esr  élevé  au«* 
»4<ourd'hui  (c'est-à-dire,  vers  la  fin  de  «Tannée  1  $00)  cette  question: 
»  Quel  est  des  divers  états  le  plus  malheureux!  On  s'imagine  aisément  le 
»  bruit  qu'elfe  a  dû  exciter  parmi  nos  bons  Champenois  :  tout  le  monde 

Niewland,  "Wynperssê,  M&rtini,  Hoogoliet, Peerlkamp,  Prînsterer,  Posthumus, 
Geer,  Geel,  Van-Limburg,  Thorbeke,  &c.  &c.  En  Belgique,  on  cite  déjà 
quelques  dissertations  du  même  genre;  par  exemple ,  celle  de  Baguet,  de  Lou- 
vain,  de  Chrysîppo ,  1822;  une  autre  insérée  dans  les  Mémoires  de  l'Académie 
de  Gand,  1824-1825,  de  Cameade,  par  Roulez;  une  autre  de  Hermotimo t 
par  Dentzinger,  de  Liège,  1825. 

»  (1)  Troisième  et  quatrième  de  l'ouvrage.  Les  tomes  I  et  II  concernent  le 
XIV.#  siècle.  Voyez  notre  cahier  de  novembre  1828,  pag.  069-677.  II  y  aura 
six  autres  volumes  qui  correspondront  aux  siècles  XVI.* ,  XVII  '  et  xvill.c 

s  a_ 


i4o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

5*  s'est  mis  h  crier,  à  se  plaindre  ;  cétQÎt  une  confusion  de  voix  qu'on  ne 
»  pou  voit  faire  cesser.  A  la  fin  on  est  convenu  qu'à  cette  veillée,  ou  aux 
»  veillées  suivantes,  chacun  feioit,  à  son  tour,  l'histoire  des  peines  et. 
»  des  soucis  de  son  état,  et  qu'après  avoir  entendu  tout  le  monde,  l'as- 
3»  semblée  décideroit  quel  est  l'état  le  plus  malheureux.  » 

En  conséquence,  les  4eu*  volumes  qui  viennent  d'être  publiés  onu, 
pour  titre  général,  les  Plaintes  des  divers  états,  et  se  composent  dlr 
trente  histoires  ou  exposés,  qui  retracent  successivement  les  infortunés 
particulières  d'autant  de  conditions  ou  de  professions,. et  même  d'un 
plus  grand  nombre.  La  conclusion  uniforme  de  ces  plaidoyers  est  qu'il 
n'y  a  pas  de  destinée  plus  déplorable  que  celle  de  chaque  orateur  qui 
vient  d'être  entendu.  On  sent  assez  qu'il  n'y  a  là  de  vrai  que  le  pen- 
chant de  la  plupart  des  hommes  à  se  plaindre  de  leur  sort  personnel,  et 
à  croire  celui  d'autrui  bien  meilleur;  illusion  déjà  commune  du  temps 
d'Horace  (  i  ).  Cependanî,  parmi  tous  les  plaignans  que  M.  Monteil  met 
en  scène,  il  en  est  plusieurs  dont  la  sincérité  même  pourroit  sembler 
suspecte  ;  car,  au  milieu  de  leurs  doléances,  on  s'aperçoit. qu'ils  tiennent 
encore  à  ces  professions  si  malheureuses  qu'ils  en  connoissent  les  avan- 
tages ,  qu'ils  en  apprécient  les  privilèges,  qu'ils  s'en  exagèrent  quelque- 
Ibis  l'importance.  Mais  au  fond,  ces  seruimens  opposés  ne  sont  pas  du 
Tout  inconciliables  ;  H  y  a  de  la  vérité  jusque  dans  ce  mélange  de  mé- 
contentement et  de  vaine  gloire  :  fauteur  a  placé  ces  personnages  dans 
une  situation  où  ils  Qoivertt  demander  en  effet  plus  de  pitié  qu'ils  n'en 
désirent,  et  plus  d'hommages  qu'ils  n'en  méritent.  Ce  qu'on  auroit 
plutôt  à  craindre  seroit  la  monotonie  de  tant  de  discours  qui  semblent 
tous  tendre  au  même  but:  mais  ce  but  n'est,  après  tout,  qu'un  pré- 
texte; et  si  vous  exceptez  les  formules  obligées  qui  ouvrent  et  terminent 
chaque  harangue,  les  détails  qui  remplissent  les  deux  volumes,  offrent % 
dans  leur  matière  et  dans  leurs  formes,  la  plus  riche  variété. 

En  général,  l'ouvrage  est  habilement  écrit,  sans  affectation ,  sans 
recherche,  quoique  d'une  manière  piquante  et  souvent  originale.  L'au* 
teur  ne  tente  point  de  parler  le  français  du  xv.c  siècle  ;  notre  langage 
actuel  lui  suffit  ;  seulement  il  évite  presque  toujours  les  expressions 
et  les  tournures  qui  supposeroient  des  pensées,  des  sentimens,  des 
habitudes  que  ses  personnages  ne  pouvoient  avoir.  Il  laisse  peu  d'ana- 
tfhronismes  dans  son  style,  er.  parvient  ainsi  à  retracer  beaucoup  de 

(0  Quî  fi*»  Mœctnas,  ut  nemo  quam  sibi  sortent 

•*  Seu  ratio  dederit,  seu  fors  objecerit,  iliâ 

Comemus  vivat t  laudet  diversa  sequentes!  (HOR.  sat,  !  ), 


MARS*i830.  i4i 

menus  détails,  avec  une  naïveté  expressive  qui  ne  devient  jamais  ignoble. 
On  ne  remarque  non  plus,  dans  sa  diction,  qu'un  petit  nombre  d'ar~s  4 
chaïsmes  >  entre  les  locutions  ou  constructions  vieillies  ou  inusitées  dont 
il  a  cru  pouvoir  faire  usage ,  nous  n'en  citerions  guère  qu'une  seule  qu'il 
ait  un  peu  prodiguée,  ce  Bien  sûrement,  les  courtiers,  vous  ne  voudriez 
»  pas  ê ire  relieurs.  » — «  Mais,  les  femmes,  vous  ne  pouvez  endosser  le 
»  harnois,  desservir  un  fief.  »  —  «  Autrefois,  les  moines ,  nous  pouvions 
»  recevoir  des  actes  en  matière  civile,  »  —  «  Les  francs-archers,  nous  ne 
»  sommes  pas  moins  de  seize  mille  hommes,  &c.  »  M.  Monteil  a  une 
telle  prédilection  pour  cette  tournure,  que  ses  quatre  volumes  en  offrir 
roient  peut-être  deux  cents  exemples.  II  est  du  reste  un  écrivain  très» 
correct,  élégant  dès  qu'il  lui  convient  de  l'être  :  les  négligences  qu'il  se 
permet  ont  presque  toutes  de  là-propôs  et  de  la  grâce.  Nous  en  ren- 
controns pourtant  quelques-unes  oit  le  laisser-aller  peut  sembler  excessif, 
comme,  «Je  passai  dans  un  autre  pays,  ensuite  dans  un  autre,  et  en* 
»  suite  d'un  autre  dans  un  autre ,  &c.  » 

Mais  quelque  influence  que  puissent  avoir  les  formes  de  cet  ouvrage 
sur  le  succès  qu'il  doit  obtenir,  ce  sont  les  matières  qu'on  y  traite  qui 
réclament  le  plus  d'attention.  H  s'agit  de  l'état  de  la  société  en  France 
durant  cent  années  ,  des  institutions  maintenues  ^a  modifiées  dans  le 
cours  de  ce  siècle  ;  du  progrès  des  arts  et  des  connoissances;  de  la  dit» 
tribution  dts.travaux  et  des  richesses;  du  cours  général  des  affaires  pu* 
bliques";  enfin ,  ^les  aspects  divers  que  présegtoient  les  moeurs  ou 
les  habitudes  privées.  En  quelles"  sources  M.  Monteil  a  - 1  -  il  puisé 
un  tableau  si  vaste!  ii  a  pris  soin  de  nous  les  faire, connaître;  les' 
cent  soixante -sept  dernières  pages  de  son  quatrième  volume  cou* 
tiennent,  sous  le  titre  de  Notes  du  xv J siècle,  la  citation  ou  l'indication 
de  tous  les  témoignages  ou  textes  originaux  qui  doivent  justifier  chaque 
article  de  sor\  ouvrage.  II  annonce  ce  qu'il  rapportera  Ie>  passages  de* 
»  livres  ou  des  documens  manuscrits;  qu'il  se  bornera  à  citerle  titre  et 
»  le  chapitre  des*livres  et  des  documens  imprimés.  »  Ces  notes  sont  en 
effet  beaucoup  plus  précies  que  celles  qui  accompagnoient  son  Histoire 
des  Français  du  xi  v.c  siècle  :-s'il  en  re%te  encore  d'un  pçu  vagues,  comme 
Memohes ,  Histoires  du  temps ,  Histoire  de  France,  règne  de  Charles  VI  $ 
de  Charles  VII ,  lois  fîoda/es,  Anciens  cùmpus  des  villes ,  &c. ,  elles 
$ont  en  petit  nombre.  La  plupart  dts  autres  désignent,  d'une  manière 
positive,  des  pièces  manuscrites  conservées,  soit  dans  les  dépôts  public»» 
soit  dans  le  cabinet  particulier  de  l'auteur;  ou  bien  des  livres  composé* 
par  des  écrivains  du  xy.c  siècle,  tels  qu'Alain  Cbartigr,  Monstrefet, 
Comines,  Molinet,  Jean  de  Troyes,  &c.*f  ou  enfin  des  recueils  rédigés  U 


V42  JOURNAL  DES  SAVANS, 

<fe%'  époques  plus  modernes  ,  mais  d'après  des  monumens  originaux.  Ce 
»  sont  donc  là  de  véritables  preuves  de  presque  tous  les  'détails  exposés 
dans  le  cours  de  l'ouvrage  de  M.  Monteil;  et  cette  partie  fort  essentielle 
de  son  travail  satibferoit  d  ordinaire  aux  demandes  de  la  critique  la  plus 
exigeante.       # 

C'est  un  pauvre  qui  prend  le  premier  la  parole  à  la  veillée  de  l'hôtel- 
de-ville  de  Troyes.  II  tient  son  bonnet  d'une  main,  son  chapelet  de 
l'autre;  il  porte  sa  besace  sur  l'épaule,  son  barillet  sur  la  poitrine,  tel 
que  le  mendiant  peint  en  miniature  dans  un  manuscrit  du  xv.c  siècle. 
"En  ce  moment,  dit-il,  je  ne  vous  demande  ni  pain,  ni  argent;  faites- 
»  moi  seulement  l'aumône  d'un  peu  d'attention.»  On  trouvera  peut-être 
qu'un  pauvre  de  l'an  1 500  devrdit  s'exprimer  et  sur-tout  débuter  avec 
pfus  de  simplicité:  nous  citons  ce  trait  comme  étant  du  petit  nombre 
de  ceux  qui  peuvent  manquer  de  convenance.  Du  reste,  il  faut  observer 
que  ce  pauvre  a  été  riche,  qu'il  a  voyagé  et  acquis  de  l'expérience 
aussi  est-il  en  état.de  donner,  sur  les  hôpitaux  de  Paris,  sur  d'autres  éta- 
blissemerts  charitables,  sur  les  pratiques  et  les  artifices  de  la  mendicité 
Vagabonde,  des  renseignemeiç  pareils  k  ceux  que  Ducange,  Sauvai  et 
divers  historiens  ou  jurisconsultes  ont  recueillis  dans  les  ordonnances 
vdjrafes,  dans  les  régimes  du  parlement  et  des  villes.  Le  fermier  qui  parle 
après  lui  est  bien  plus  instruit  encore  :  il  cite  Varron  et  Columelle;  il  sait 
tout  ce  qu'enseigne  le  traité  d'économie  rurale  de  Crescenzi ,  presque 
tout  ce  qu'alloit  écrire#01ivier  de  Serres;  il  n'ignore ^ucune  des  lois, 
des  'coutumes,  des  règles  de  policé  qui  concernent  l'agriculture.  A 
plus  forte  raison  conno:t-i(  parfaitement  le  prix  des  denrées;  il  vend  le 
septier  de  froment  20  sous ,  I?  meiid  de  vin  6  livres,  un  bœuf  12  livres, 
le  cent  d'oeufs  3  sous ,  la  livre  de  cire  4  sous ,  &c.  ;  prix  qui  se  trouvent 
établis  dans  le  Journal  de  P^rîs  sousOharles  VI  et  Charles  VII ,  dans  les 
.  rouleaux  de  l'abbaye  de^Longchamps,  dans  les  registres  des  Quinze- 
vingts.  Le  troisième  orateur  est  le  messager  de  la  ville  de  Troyes,  qui 
l'a  été  de  l'université  de  Paris,  et  qui  a  vu  ét&blrr  les  postes  royales  en 
1 464.  Son  discours  est  d'avance  un  résumé  rapide  de  tout  ce  qu'on  peut 
lire  sur  les  messageries  de  l'université,  soit  dans  du  Boulay,  soit  dans  un 
volume  in-jf*  (3)  exclusivement  consacré  à  cette  matière. 

On  entend  ensuite  un  comédien,  c'est-à-dire,  un  clerc,  confrère  de  la 
Passion ,  jadis  enrôlé  dans  une  troupe  qui  avoit  pour  directeur  un  curét 
vétu,   comme  tous  les  ecclésiastiques  de  ce  temps,  d!un  long  habit 

^___ _ .  .  _  9 . — ^ 

(1)  Piïces  concernant  les  messageries  de  l'université.  Parii,  veuve  Thibouit, 
«77*,  ÎA-*.'  • 


MARS  1830.  i4j 

gris.  L'état  de  l'art  dramatique  est  ici  retracé  sous  des  couleurs  vives 
et  fidèles.  C'est  un  exposé  plein  d'intérêt,  et  auquel  il  ne  manqueroit 
presque  rien ,  s'il  comprenoit  quelques  renseîgnemens  sur  les  auteurs  des 
mystères  et  des  autres  pièces  de  théâtre.'  Gringore  n'y  est  nommé  que 
comme  acteur.  H  n'y  est  fait  aucune  mention  ni  de  Pierre  Blanchet ,  aqai 
l'on  doit  f'A vocal  Patelin  ;  ni  des  frères  Gréban ,  qui  avoient  auparavant 
mis  sur  la  scène  les  Actes  des  Apôtres;  ni  de  leur  prédécesseur,  Jacques 
Millet  on  Mirlet,  qui  avoit  composé  la  Destruction  de  Troyes;  rji  de 
Jehan  Michel,  auteur  de  plusieurs  mystères  et  du  plus  célèbre  de  tous, 
celui  de  la  Passion,  Étoit-ce  J.  Michel,  évêque  d'Angers,  mort  en 
i447.  ou  J,  Michel,  médecin  de  Charles  VII,  ou  bien  le  second  a-t-il 
seulement  reiouché  l'ouvrage  du  premier!  Cette  question,  qui  a  été 
depuis  fort  débattue,  et  sur  laquelle  un  ancien  acteur  de  la  Passion 
pouvoir  bien  avoir  au  moins  un  avis  en  l'année  1500,  n'est  point 
abordée  par  lui.  Mais  il  parle  très- pertinemment  du  fond  même  des 
pièces ,  de  leurs  caractères  et  de  leurs  succès  ;  de  toutes  les  circonstances 
des  représentations,  et  des  différentes  compagnies  de  comédiens,  clercs 
de  la  Bazoche,  enfans  sans  soucis,  cornards  de  Rouen  ,  farceurs  ambu- 
lans,  clercs  ^e  collège,  &c.  Il  assure  qu'il  existe  en_  France  cinq  mille 
personnes,  et  peut-être  plus,  qui  jouent  sur  des  théâtres  profanes,  ou 
sur  les  places  et  les  carrefours  des  villes ,  tandis  q  j'il  ne  reste  au  plus 
que  cinq  cents  acteurs  des  saints  mystères.  Certaines  confréries  de  la 
passion  se  trouvoient  réduites  à  une  trentaine  de  personnes  :  en  bonne 
règle,  il  eût  fallu  sept  diables,  six  anges,  six  docteurs  de  la  loi ,  douze 
apôtres,  six  pharisiens,  quatre  scribes,  quatre  vierges,  cinq  tyrans ,  trois 
larrons ,  d'autres  personnages  jusqu'à  concurrence  de  cent  trente  ou,  cent 
quarante.  Heureusement  les  troupes  incomplètes  trouvoient  au  besoin 
des  suppléans  parmi  les  spectateurs.  A  Brigroles,  dit  le  comédien  que 
M.  Monteil  fait  parler,  «à  Brignoles,  qui  est  une  petite  ville,  Hérode  et 
»  Joseph  s'absentèrent  au  moment  de  la  représentation.  .  .  Le  public 
»  remplissoit  la  salle  ;  je  vins  annoncer  que  ces  deux  acteurs  manquoienr. 
«Aussitôt  deux  honnêtes  bourgeois  descendirent  des  loges  et  nous 
«offrirent  de  les  remplacer:  nous  acceptâmes.  Us  jouèrent  avec  une 
»>  aisance,  un  ensemble  admirable  ;  nous  étions  tous  frappés  de  la  majesté 
»  théâtrale  d'Hérode,  et  du  mordant  de  sa  voix.  Joseph,  aux  yeux  bleus, 
«  aux  cheveux  blonds,  chanta  un  virelais  avec  une  flexibilité  et  une  pureté 
»  qui  excita  de  longs  applaudissemens.  »  Le  narrateur  caractérise  aussi 
quelques-uns  des  acteurs  de  sa  propre  troupe.  «  Judas  avoit  un  excellent 
»  masque  :  son  teint  étoit  jaune,  sa  mine  basse;  mais  tandis  que  dans 
»  son    ménage  il  étoit  un  vrai  lutin  ,  il  restoît  la  plupart  du  temps 


xii  JOURNAL  DES  SÀVANS, 

*  immobile  lorsqu'il  jouoit  ses  rôles.  Disons,  en  passant,  qu'il  y  a  beaucoup 
»  de  Judas  dans  le  monde  et  peu  sur  le  théâtre.  .  .  Lucifer,  quoique 
»  vieux,  étoit  un  contra- ténor  admirable;  il  falfoit  l'entendre  chanter: 

Satilce  d'enfer,  saulce  d'enfer, 

•  'Aux  serviteurs  de   Lucifer. 

*>$.  Pierre,  bien  que  trop  petit,  trop  grêle,  trop  jeune,  avoit  de 
»  l'aplomb  et  de  la  rondeur  dans  son  jeu  ;  sa  voix  venoit  du  cœur. .  . 
»  Oti  disoit  que  Pilate  gvoit  de  la  noblesse  et  de  la  majesté  dans  son 
».port  ;  on  disoit  que  son  excellent  débit  tenoit  à  ?on  intelligence;  qu'il 
»  n'y  avoit  dans  sa  déclamation  pas  une  syllabe,  pas  un  ges>te  dans  son 
»  action ,  qui  ne  fût  profondément  calculé.  On  disoit  qu'il  faisoit  fris* 
»  sonnerie  spectateur  lorsqu'il  prononçoit  le  jugement  du  Rédempteur 
*>du  monde,  et  que  cependant,  malgré  l'odieux  de  son  rôle,  la  per- 
»  sonne. du  magistrat  n'étoit  pas  odieuse.  On  disoit  enfin  que,  par  son 
»  jeu  muet,  il  avoit  créé  des  scènes  entières.  Ces  éloges  étoient  sans 
»  (Joute  exagérés  ;  mais  la  vérité  me  force  à  les  rapporter,  et  à  vous 
*>  dire  que  c'étoh  moi  qui  remplissois  ce  rôle.  Marie  et  Madeleine  étoient 
»  deux  jeunes  garçons  de  dix-sept  et  dix- huit  ans.  Marie,  te  plus  jeune, 
s»  avoit  de  la  fraîdfeur  et  beaucoup  de  délicatesse  dans  les  traits,  &c.  » 
C'est  spr-tout  pour  donner  une  idée  du  style  de  l'ouvrage  de  M.  Monteil 
que  nous  avons  transcrit  ces  détails  :  ce  qu'ils  peuvent  avoir  de  vérité 
historique  ne  seroit  pas  facile  à  déterminer  ;  ils  ne  sont  justifiés  par 
f indication  d'aucun  document. 

L'auteur  cite,  au  contraire,  qu  produit  "des  pièces  à  l'appui  de  tout 
ce  que  dit  un  financier  dans  la  cinquième  des  trente  histoires.  Les 
finan'ces  se  divisent  en  ordinaires  et  en  extraordinaires.  Les  premières 
«ont  les  revenus  du  domaine  royal  et  de  tout  ce  qu'oTi  y  a  incorporé  de 
i>iens  féodaux,  de  droits  et  de  subsides  :  les  secondes  sont  les  tailles,  les 
gabelles  et  les  aides.  On  se  plaisoit  à  exagérer  le  nombre  des  paroisses 
du  royaume  :  (e  financier  soutient  qu'il  n'y  en  a  que  quarante  mille,  ou 
cinquante  mille  en  tenant  compte  des  états  du  duc  de  Bourgogne  et  du 
duc  de  Lorraine.  II  avoue  que  les  receveurs,  percepteurs  et  autres  com- 
mis sont  fort  nombreux;  mais  il  prétend  que  la  comptabilité  est  par- tout 
rigoureuse,  et  il  ajoute  que  la  spécialité  commence  à  s'introduire  dans 
les  dépenses,  Peut-être  convenoitjil  d'autant  plus  ici  d'éviter  une  expres- 
sion si  moderne ,  qu'elle  ne  seroit  guère  autorisée  que  par  un  seul  fait, 
savoir,  qu'en  i474»  sur  une  somme  de  447,8)5  livres  tournois  à  lever 
en  Normandie,  290  mille  livres  furent  expressément  destinées  au  paie* 
inent  des  cens  de  guerre,  6,000  livres  à  des  réparations  et  fortifia 


MARS   183O.  *  i4>* 

t  allons ,  et  le  surplus  h  de  grandes  et  Tit'cessair.s  dépenses,  troisième  article 
qui  ïietoit  pas  très-spécial.  Selon  le  Bnancier,  [a  France  s'appauvrit  en 
laissant  exporter  peu  à  peu  chez  l'étranger  les  30  millions  d'espèces 
qu'elle  possède.  M.  Monteil  remarque  lui-même ,  dans  une  de  ses  notes, 
que  celle  somme  est  bien  forte  pour  un  temps  où  [a  totalité  des  impôts 
ne  s'élevoît  qu'à  j  millions;  il  fjut  songer  toutefois  aux  exemptions  dont 
jours  scient  le  clergé,  la  noblesse  et  plusieurs  villes  Quoi  qu'il  en  soit, 
cet  te  cinquième  harangue  tend  à  prouvir  que  rien  n'est  plus  injuste  que  la 
haine  universelle  dont  les  financiers  sont  poursuivis.  «Si  les  favoris  dila- 
»  pidenl  le  trésor,  les  financiers  !  S'il  survient  des  guerres ,  des  désastres, 
1*  les  financiers  !  ...  Si  la  récolte  est  mauvaise,  les  financiers ,  et  toujours 
»  les  financiers  !  »  L'orateur  cite,,  comme  victimes  de  ces  préventions 
populaires,  Montagu „décapiié  aux  halles  en  1409,  et  Jacques  Cœur, 
lanni  en  1  4  J  J.  Il  n'est  rien  dit  des'autrcs  motifs  de  la  condamnation  de 
ce  dernier,  ou  des  prétextes  rapportés  par  les  historiens,  et  formelle- 
ment énoncés  dans  un  acte  authentique  dont  M.  Bûchon  vient  de  publier 
le  préambule  (1)  :  «  Charles  &c.  Comme  après  le  décès  de  feue  Agnès 
»  Sorelles,  la  commune  renommée  fut  qu'elle  avoit  esté  empoisonnée, 
«  et  par  icefle  commune  renommée ,  Jacques  Cuer ,  lors  notre  conseiller 
»  et  argentier,  eu  eust  esté  soupçonné,  et  aussi  d'avoir  envoyé  des  ha r- 
»  nots  de  guerre  aux  Sarrazins ,  nos  communs  ennemis ,  &c.  » 

La  cinquième  histoire  est  intitulée*  fV  Commissionnaire.  On  y  peut 
remarquer,  entre  autres  détails,  les  qualifications  qui  se  donnoient  aux 
divers  personnages  :  maître,  a  un  notaire  et  a  un  procureur  au  Châtelel; 
honorable  homme,  à  un  procureur  au*  parlement  ;  honorable  et  sage 
homme,  à  un  avocat;  noble  et  sage  homme,  a  un  conseiller,  &c.  ;  honnête 
■femme  Marboise,  damoisei'e  Maupercher,  dame  de  Noirville,  &c. 
Sauvai  a  recueilli  tous  les  renseignemens  de  celte  espèce; 

Un  bourgeois  se  présente  pour  déplorer  a  son  tour  les  malheurs  de  si 
condition.  Ce  nom  de  bourgeois,  qui,  dans  le  cours  du  XV.'  siècle,  s'aj> 
pliquoit  à  tous  les  habitans  libres  d'un  bourg,  d'une  ville,  d'une  com- 
mune, est  ici  restreint  à  une  classe  de  gens  qui,  sans  métier,  sans  pro- 
fession, vivent  de  leurs  revenus.  Celui  qui  parle  en  leur  nom  déclare 
que,  lorsqu'on  envie  leur  sort,  c'est  qu'on  ne  le  connoît  point  S'ils  sont 
rentiers,  leur  fortune  diminue  a  mesure  que  les  prix  des  biens-fonds  et  des 
marchandises  s'élèvent.  Il  faut  pourtant  qu'ils  entretiennent  honorable- 
ment leurs  familles,  qu'ils  établissent  leurs  enfans,  qu'ils  bâtissent  ou 
réparent  des  maisons,  qu'ils  renouvellent,  de  temps  à  autre,  un  dispen- 

fi)   Voyez  notre  cahier  de  Janvier  dernier ,  p.  60,  61. 


•.i4*  JOURNAL» DES  SÂVANS, 

dieux  mobilier.  Ce  propos  acnène  une  description  curieuse  des  ornemeos 
extérieurs  et  intérieurs  d'une  habitation  bourgeoise  ;  par  exemple ,  tenture 
de  drap  de  soie*  tapisserie  de  Dinan,  tapisserie  de  verdure,  loudjers  ou 
gttnds  piqués  de  coton  pour  défendre  les  couchers  de  humidité  des  murs; 
Nts;à  roulettes ,  lits  (fange ?  lits  k, pavillon  de  soie,  avec  broderie,  franges, 
et  manche-pied  drapé  pour  y  monter.  \près  de  semblables  détails  sur  fe 
hùce  des  repas,  des  noces,' des  funérailles,  de?  parures  die  femme  ,  lora- 
Iteur  bourgeois  Rengage  dans  f  histoire  du  régime  municipal  et  du  régime 
communal;  car  il  les  distingue  l'un  de  l'autre.  La  municipalité  n'est  que  fe 
gouvernement  d'une» ville:  (a  commune  embrasse  avec  cette  ville  un 
territoire  rural,  plus  ou  moins  étendu;  c'est  un  petit  état  souverain  qui 
«  droit  de  paix  et  de  guerre,  droit  de  s'imposer  et  de  se  gouverner  lui- 
.même.  Le  discoureur  trouve  en  effet  des  exemjjes  de  cette  institution  ; 
mais  l'exposé' qu'il  fait  de  ce  qu'il  a  observé  dans  le  cours  de  ses  voyages 
en  diverses  parties  de  Fa  France,  prouve  que  les  modes  et  meule  aussi 
fe systêfne* de  l'administration  locale  n'y  étoient  pas,  à  beaucoup  près, 
uniformes.  Un  des^articles  de  ce  récit  est  conçu  en  ces  termes  :  «A 
^Polrgny,  en  Bourgogne,  je  dounois  Je  bras  à  la  femme  du  maire 
'fc*. quand  son  mari  passoit  feïevue;  il  n'y  eut  pas  d'honneur  qu'on  ne  me 
->*4k  comme  fils  d'un  éçhevîir  de  TYoyjjs.  i  Nous,  croyons^qu'il  falloit 
écrire  comme  au  fils,  et  qùll  y  a  de  plus  quelque  inexactitude  à  dire  Pc- 
tigty  (n  Bourgogne  ;•  c'est  urte  TÎÏfe  du  comté  de  Bourgogne  ou  de  la 
Franche-Comté.  Ort  a  relevé  autrefois  Terreur  plus  formelle  de  Mabillon, 
qui-pfaçoit  Poligny  ht  ducatu  Bufgundiœ.  Du  reste,  on  sait  que  A1a*i- 
mjlien-,  par 'son  mariage  avec  ftiérkière  de  Bourgogne,  en  i477>  acquit 
faT  Franche-Comté,  qui  n'est  redevenue  province  française  qu'à  la  suite 
des  conquêtes»  de  Lbuis  XIV,  et -par  fe  traité  "de  Nimëgué  en  1678. 
Au  bourgeois 'fils  d'échevin,  et  depuis  échevin  lui-même,  succède  un 
•curtier,  qui  expose  comment  ses  confrères  et  lui,  par  leur  science  des" 
besoins,  des  goûts  et  des  intérêts  du  monde,  peuvent  faire  vendre, 
affermer,  échanger  toute  sorte  de  choses,  d'offices  et  d'états,  excepté 
b  leur  propre,  dont  ils  n'ont  pas  fa  faculté  de  se  défaire  ainsi,  même  en 
piyant  Içs  frais  du  contrat,  le  sceau,  la  grosse  et  la  double  expédition» 
*'*Le  neuvième  article,  qui  a  pouf  titré  l'Artisan,  est  le  plus  étendu  de 
flMvrâgê.  Tous  les  corps  de  métiers  y  défilent  sous  les  bannières  de  leurs 
pttréns,  S.  Eloi,  S.  Biaise,  S.  Fiacre ,  S.  Joseph,  <&c.  Les  détails  histo- 
ires e^echnlqtfessontidtropmultipiiésp 

(A9Hlnè»dè'les^ar«c<»uriretmème  de  les  indiquer.  Nous  né  nous  arrêterons 
qu^uUciuiei'  grbope  de-cette  fougue  procession ,  savoir,-  aux  papetiers, 
aux  imprimeurs  et  auto>rttièu#|,  qui»  mapchenl  efasenïbie  sous  la  bannière 

T 


.      MARS  J&30.  147 

de  S.  Jean  Porte-Latine.  Le  papier  est  devéhu,  au  xv.e  siècle,  plus  blanc, 
moins  grossier,  moins  cassant  qu'au  xiv.e  :  la  cause  en  est  daqs  la  pli» 
grande  abondance  et  la  meilleure  qualité  des  chiffons.  Jadis  les  rfthfek 
né  portaient  pas"  de  chemise  la  nuit,  et  bien  d'autres  pas  même  le  jour; 
maintenant,  presque  personne  ne  s'en  passe  ni  jour  ni  nuit.  Le  tiers-ét&f, 
qui  ne  fournissoit  que  des  chiffons  de  toile  grise  ou  rousse, -en  donne  de 
toile  blanche  et  en  quantité  toujours  croissante;  signes  imperceptiWea, 
mats  infaillibles,  des  progrès  de  la  société.  Aussi  s'est -il  établi  de  tsè$- 
.  belles  papeteries  ,*-sur- tout  à  Trqyes  :  cette  ville,  sur  douze  papetier*  de 
l'université  de  Paris,  en  a  vu  naître  quatre,  dont  l'un,  Guillaume  le  Bé, 
est  le  plus  renommé  de  tous.- A  l'égard  du  nouvel  art  typographique,  nous 
lisons  ici  qu'après  avoir  imprimé  une  page  commenme  estampe,  avec 
une  planche  gravée  f  on  a  rendu  mobiles  d'abord  les  mots  ,  puis  les 
lettres;  qu'on  a  cessé  de  coller  deux  feuilles  fune  contre  l'autre,  et  qu'on 
s'est  mis  à  imprimer  tes  deux  côtés  du  papier;  que,  pour  assembler  tes 
feuilles,  on  a  depuis  peu  (en  1 500  )  imaginé  les  signatures ^  qu'enfin 
cet  art  s'est  tellement  perfectionné ,  qu'on  ne  passera  jamaisTrapperel  (oit 
Trepperel  ) ,  Vérard,  Simon  Vostre,  et  les  bons  imprimeurs  de  Troyesi" 
Quant  aux  relieurs,  ils  font  moins  d'usage  du  bois  qu'au  temps  passé  : 
ils  emploient  le  parchemin,  le  cuir,  iç  damas,  le  velours,  le  maroquin. 
Les  bibliothèques,  qui,  chez  quelques  particuliers,  s'élèvent  jusqu'à  cent 
volumes,  récréent  la  vue  par  fa  richesse,  la  diversité  des  compartiménset 
des  couleurs,  par  les  peintures  déKçate*  qui  orrtfent  les  plats  ,  par  les 
gauffures  imprimées  à  petits  fers  sur  les  couvertures  et  les  tranches.  Ces 
détails  nous  paroissent  susceptibles  de  certaines  rectifications. 

Le  nombre  des  mots  étant  indéfini,  même  en  une  seule  langue,  et  à 
ph»s  forte  raison  dans  plusieurs,  il  est  peu  probable  qu'on  aif#conçu  l'idée 
de  graver  ou  de  fondre- des  types  mobiles  d'un  grand  nombre  d'articles 
des  vocabulaires  ;  ce  procédé  n'eût  étépraticablc^que  pour  quelques  pro- 
noms, prépositions,  conjonctions,  qui  reviennent  fréquemment  dansJe 
discours,  pi  qu'on  pouvoit  trouver  commode  d'avoir  sous  la  main  déjà 
composés  de  tous  leurs  élémens.  C'est  l'idée  de  la  mobilité  des  lettres 
qui  a  g-éë  la  typographie,  et  qui  en  a  fait  un  art  tout-à-fait  di$tinct  <îe 
l'imprimerie  tabéllaire ,  qui  n'étph  qu'une  application  de  la  gravure.  De* 
l'origine  de  ce  nouvel  art,  chaque  feuillet  sortit  de  la  presse  imprimé 
des  deux  côtés  :  c'ét oient  des  feuille*  gravées  qu'on  avoit  auparavant 
collées  June  contre  l'autre.  Le*  moyens  d'assembler  ét'àe  mettre  eh 
ordre  tes  feuilles  imprimées  n'ont  été. employés  que  plus  tard;  mais  ^il* 
éjoient  depuis  long-temps  imaginés  et  connus;  cap  on  remarque  des 
réclames  et  des  signatures  dans  des  manuscrit  r  fort  antérieure  à  l'invcn-^ 

T  2 


* 


1*8  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

tipn  de  la  typographie.  H  est  vrai  que  les  premiers  typographes  négli- 
gèrent <Ten  faire  usage  :  si  les  feuilles  d'un  exemplaire  du  Ratïona't 
Dufandi,  de  1 4î9  >  ètoient  détàfchées  et  mêlées  ;  ce  ne  serait  qu'après  de 
longs  et  pénibles  tAtonnemens  qu'on  parviendrait  h  recomposer  les  cahiers 
et  à  rétablir  Tordre  des  pages.  Mais  les  éditeurs  sentirent  assez  prompte- 
ment  le  besoin  d'indiquer  cet  ordre  par  des  signes  immédiatement 
visibles  :  il  y  a  des  réclames,  et  même  au. bas  de  chaque  verso,  dans  la 
première  édition  de  Tacite,  et  en  d'autres  livres  publiés  de  \\6&  à 
1*476*  Les  signatures  apparaissent  dès  i«470  ;  et  si  remploi  en  demeure 
assez  rare  jusqu'en  i4z>  »  il  devient  de  plus  en  plus  fréquent  et  ordi- 
naire dans  le  resta  du  siècle.  Ce  n'est  donc  pas  s'exprimer  avec  toute 
l'exactitude  désirable  que  de  dire,  en  Tannée  1  joo,  qu'on  a  depuis  peu 
imaginé  les  signatures.  Otn  avoit  déjà  employé  un  moyen  encore  plus 
direct  de  disposer  les  feuillets ,  savoir,  leur  numérotage  à  (a  tête  de  chaque 
recto:  il  existe.dès  i47>  un  exemple  de  cette  pratique,  et  même  avec 
des  chiffras  arabes  (1)  ;  bien  plus  souvent  ce  sont  les  chiffres  romains 
ou  les  nombres  ordinaux  du  langage  qui  remplissent  cette  fonction* 
Après  v48o,  ces  numérotages  né  sont  plus  .du  tout  rares ,"  quoique 
l'usage  n'en  soit  pas  encore  universel. 

Pour  ce  qui  concerne  les  imprimeurs  de  TrOyes,  nous  ne  saurions 
trouver  étrange  qu'ils  soient  préconisés  dans  une  veillée  qui  se  tient  à 
fhdtel  de  cette  ville,  et  &  laquelle  ils  assistent  sans  douté  eux-mêmes; 
car  c'est  une  assemblée  fort  nombreuse,  et,  pour  ainsi  dire ,  générale.  La 
vérité jest  pourtant  que  l'on  ne  connoît  aujourd'hui  que  deux  de  ces  im- 
primeurs, Guillaume  le  Rouge  et  Jean  le  Cocq,.  qui  ne  sont  pas  même 
nommés  dans  l'ouvrage  de  M;  Monteil;  et  qu'il  ne  subsiste  de  vestiges 
que  de  troisjéditiohs  sorties  de  leurs  presses  avant  iyôi  :  un  bréviaire 
deTroyes,  in-8.\  en  1483  ;  des  épîtres  et  évangiles, ^vec  explications # 
in-f.9,  eh  i4p2  (2);  et%n  misseU/»-^/,  en  1  joo.  II  est  possible  aussi 
qu'à  Troyes  une  bibliothèque  particulière  de  cent  volumes  parût  alors 

Ci)  Adrxani  Cartusïani  liber  de  Remediïs  utriu* que  fortunée.  Colonise ,  Ther- 
Hôernen,  i4fi,  8  febr.  in-foi,  143  feuillets  chiffrés.  Il  en  existe  un  exem- 
plaire à  la  bibliothèque  de  Sainte-Geneviève/  Les  chiffres  arabes  y  sont  placés 
a  la'  marge  du  recto,  au  bout  de  la  14.*  où  1  j.c  ligne,  et  Ton  pourroit  croire 
qtrtls  ont  été  ajoutés  âpre»  coup,  s'ils  ifétoient  rappelés  dans  la  table  qui  rem- 
plit à  la  fin  du. volume  21  feuillets  non  chiffiœs\  Cette  table  manquoit  apparem- 
ment dans  les  exemplaires  vus  par-Debure,  puisqu'il  dit,  n,Q- 1325-  de  la 
I^iographie  instructive,  que  la  totalité  du  volume  ne  contient  que  143  feuillets. 
—  (2)  Ce  second  article  a  étéfpar  erreur,  cité  quelquefois  avec  la  date  1480* 
Vfy  Mercier  de  Saint-Léger,  supplément  à  Pjrosper  Marchand,  pag.  86,  87. 


MARS  1830.  149 

très  riche;  ;  maïs  on  a  lieu  de  croire  qu'ailleurs,  sur-tout  à  Paris,  plusieurs 
hommes  studieux  en  possédoient  d'un  peu  plus  considérables;  et  (Test  * 
•même .ce  qu'il  seroit  permis -de  conclure  d'une  observation  générale, 
savoir,  de  ce  que  le  nombre  des  éditions  du  xv.e  siède  étai^t  supérieur 
à  treize  mille,  c'était,  à  raison  de  trots  cents  exemplaires  par  édition  et 
sans  tenir  compte  de  la  division  de  quelques  ouvrages  en  plusieurs  tomes, 
un  totaf  d'environ  quatre  millions  d^  volumes  répandus  en  Europe,  et 
ajoutés,  dans  l'espace  de  cinquante  ans,  à  tout  ce  qui  restoit  de  manuscrits 
des  âges  précédens.  II  suit  de  là  que  les  relieurs  dévoient  être  beaucoup 
plu^ occupés  et  plus  nombreux,  et  qu'ils  s'exerçoient  probablement  à 
travailler  plus  vite.  Ont-ils  en  effet  perfectionné  leur  art  dans  cet  inter- 
valle !  c'est  une  question  qu'on  ne  doit  résoudre^  qu'après  avoir  comparé 
Ie>  reliures,  quelquefois  très-belles,  des  manuscrits  antérieurs  à  i4so* 
avereelles  des  livres  imprimés  Jusqu'en  1 500.  Or,  parmi  ces  dernières,  on 
en  compterait  beaucoup  qui,  n'ayant  pu  résister  au  temps  et  à  l'usage, 
ont  été  refaites  ou  remplacées  depuis.  Le  bois  est  employé  dans  une 
bonne  partie  de  celles  qui  subsistent,  et  peut-être  en  resteroit  il  assez 
peu  de  très-précieuses. 

Après  que  les  bourgeois  et  autres  habitans  de  Troyes  ont  entendu 
l'exposé  de  tous  les  progrès, et,  comme  le  programme  l'exige,  de  tous 
tes  malheurs  des  différentes  classes  d'artisans,  ils  s'aperçoivent  que  le 
sorcier  Malchus  est  au  milieu  d'eux.  Personne  ne  Ta  Vu  entrer  ;  mais  enfin 
le  voilà,  portant-  un  chapeau  pointu,  un  habit  noir  à  bandes  bleues,  des 
chausses  rouges,  des  souliers  rouges,  et  le  -petit  bâton  courbe  avec 
lequel  il  partage  l'air  en  quatre  régions.  II  ressemble  au  sorcier  repré- 
senté dans  deux  miniatures  du  roman  manuscrit  de  Régna uh.de  Mon- 
tauban  Son  discours  remplit  à  peine  vingt  pages;  et  c'est  san$  doute  à 
cause  de  cette  brièveté,  qu'il  n'explique  pas  très-clairement,  ni  la  diffé- 
rence de  la  magie*blanche  à  la  noire,  ni  les  sottises  étranges  qui  se 
rattachent  à  L'une  et  à. l'autre.  Divers  livres,  qu^  les  notes  ne  citent 
point,  fourniraient  plus  de  renseignemens  positifs  sur  cette  branche  d'er- 
reurs populaires,  vivace  encore  et  féconde  au  xv.c  siècle  et  au-delà* 

Oq  a  dû  écouter  avec  plus  de  profit,  et  même  avec  plus  d'intérêt, 
quoique  sur  une  matière  plus  sérieuse ,  mesure  de  Taillefer ,  vicomte  de 
Troyes,  qui -est  venu  entretenir  l'assemblée  de  là  condition  des  nobles, 
de»  leurs  privilèges  et  de  leurs  obligations,  de  leur  antique  éclat  et  de 
leurs  tribulations  récentes.  II  s'étoit  senti,  dans  son  enfance,  du  goût  pour 
l'étude";  niais  son  père  ne  lui  a  pas  permis  de  s'y  livrer,  disant  que  mes- 
sire  de  Confines,  d'ailleurs  bon  gentilhomme,  s'étoit  fait  moquer  dé 
lui  pour  avoir  Voulu  être  savant.  Le  vicomte  a  bien  reconnu,  en  grau- 


V. 


rjo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

• 

dissant',  qu'en  effet  la  littérature  et  fes  sciences  sont  faines  pour  les 
*  #  avocats,  les  ecclésiastiques  et  les  médecins ,  que  Tépée  et  la  lance  doivent 
suffire  aux  nobles,  et  que,  s'il  en  étcit  autrement,  l'ordre  essentiel  dçs  ' 
sociétés  setpit  bouleversé*  Mais  enfin  c'étoit  toujours  un  premier  mal- 
heur que  de  ne  pouvoir  s'instruire  quand  on  en  avoit  si  bonne  envie.  Du 
itioins  apprit-if*  à  lire  et  a  écrire  en  un  temps  où  la  plupart  des  gentils- 
hommes savoient  à  peine  signer  I^irs  nom*  en  lettrés  copiées;  sur  les 
caractères  de  l'imprimerie.  *  Sa  seconde  infortune  fut  de  ne  pas  épouser 
la  jeune  et  belle  Irène  :  ce  nom  au  roi  t  pu  convenir?  niais  le  père  d'Irène 
étoit  un  avocat  qui  s'appeloit  maître  Guillaume  ;  une  telle  alliance  auroit 
été  un  contrer  sens,  un  scandale  dans  la  généalogie  des  Taillefer.  Ceci 
amène  un  exposé  fort  précis  des  différens  titres  nobiliaires,  de  l'origine 
des  armoiries,  de  l'hérédité  des  noms.  Le  vicomte  n'épouse  pas  noi^pfus 
Une  de  m  qi*  se  Ile  dpnt  -la  famille  a  bien  Quatre  cents'  ans  de  noblesse, 
mais  se  nomme  du  Moulin,  race  de  meunier*,  tige  vicieuse  :  d'autres 
sont  écartées,  parce  qu'elles  n'ont  que  justice  civile  et  non  justice  à  sang, 
ott  seulement  moyenne  justice,  sans  fourches  patibulaires  seus  leurs 
fenêtres.  On%préfère  l'héritière  d'une  châtellenie  ayant  justice  à  trois 
piliers,  et  pouvant  l'avoir  à  six  par  érection  en  baronnie,  attendu  qu'il 
y  a  dans  la  seigneurie  ville  close,  chapitré,  hôpital,  hôtel-dieu,  forêt,  et 
neuf  terres  homqgères*  Suit  te  détail  des  services  militaires  auxquels  un 
noble  est  tenu,  des  dépenses  énormes  qu'il  doit  faire,  des  prérogatives, 
frivoles  plutôt  que  'réelles,  dont  il  jouit.  Tout  ce  sujet  nous  paroît  fort 
bien  traité  :  il  n'y  a  de  légèreté  que  dans  les  formes  ;  les  irtatêriaux  sont 
pris  avec  discernement  dans  l'histoire  et  dans  les  lois. 

Les  mêmes  éloges  ne  seroient  xlus  qu'avec  quelque  restriction  au 
v  tableau  de  l'ordre  ecclésiastique,  tracé,  dans  la  douzième  histoire,  par  un 
vieillard  qui,  après  avoir,  dans  son  jeune  âge,  étudié  eà  théologie  à 
Troyes  çt  à  Pans,  a  été  chapelain ,  vicaire,  prédicateift,  desservant»  curé, 
chanoine  et  pourvu  de  la  prébende  préceptoriale,  novice  dans  une  abba/e 
de  bernardin*,  puis  dans  un  couvent  de  cordeliers.  II  a  pu  ainsi  observer, 
sous  presque  tous  les  a*pecrs ,  le  clergé  séculier  et  régulier  de  son  ^ècle:  il 
en  sait  lés  différens  usages,  les  lois,  les  maximes  et  les  mœurs  ;  il  a  coonois- 
sance  de  la  plupart  des  rivalités ,  des  dissensions  et  des  projets  de  réforme. 
Cependant  sa  relation  est,  à  notre  ayis,  beaucoup  trop  succincte  en  ce 
qui  concerne  plusieurs  corporations  religieuses  de  l'un  et  de  l'autre  sexe  ; 
et  l'on  peut  reproche*  à  l'auteur  une  omission  plus  grave,  celle  du  haut 
clergé  ;  car  il  ne  dit  rien  du  tout  des  abb'és  et  des  évêques,  sinon 
or  qu'ils  veulent  toujours  être,  malgré  le  siècle  actuel,  ce  qu'au  siècle 
»  dernier  ils  étoient,  et  qu'ils  sont  dans  une  continuelle»  pénible  et 


1 


MARS   1830.  1 5 1 

1 

*>  fatigante  opposition  avec  le  temps  présent»  fort  du  temps,  à  venir.*  * 
Ce.  n'est  là  qu'une  vue  générale  qui  au  roi  t  besoin  d'être  justifiée  par  des 
faits%t  des  particularités.  .  . 

Quoique,  à  la  fin  du  xv.e  siècle,  il  n'y  ait  plus  à*  Troyes  ni  champ 
clos,  ni  champion f  un  centenaire,  qui  continue  de  se  croire  et  de  se 
dire  le  champion  de  cette  ville,  fait  l'histoire  de  sa  profession  et  de  tous 
les  genres  de  services  qu'elle  a  embrassés  >  dans  le  long  cours  de  sa  vie, 
Son  discours  se  recommande  encore  par  la  singularité  des  détails  et  par 
leur  exactitude  historique.  Un  marchand  qui  prend  ensijite  la  parole* 
fait  connoître  l'état  du  Commerce  x  tant  intérieur  qu'extérieur,  ses  objets, 
ses  moyens-,  ses  entraves;  les  conditions  auxquelles  l'assujettissent les 
péages,  (es  douanes  et  d'autres  établissemens;  les  avantages  qu'il  tire  de 
fa  meilleure  construction  des  route*,  des  ponts  et  des  canaux,  comme  de 
l'institution  des  tribunaux  qui  lui  sont  propres,  et  des  bourses  ou  changtes, 
publics,  enfinrde  là  désuétude  où  plusieurs  privilèges  sont  tombés.  De 
Charles  V  à  Charles  Vfll,  la  science  commerciale  a  fait  en  France  d'im- 
menses progrès  :  l'orateur  l'assure  et  même.  H  le  prouve  ;  cependant  il 
n'en  a  pas  moins  l'intention  d'opéfer  le  plus  tôt  possible  ses  recouvremens 
et  de  renoncer  à  tout  négoce;  Mais  nous  savons  que  c'est  la  exclusion 

obligée  de  toutes  ces  harangues,  *  • 

Il  n'en  reste  plus  qu'une  dans  lé  tomçlIIdeM.Monteil;  c'est  celle  d'un 
hôtelier  faisant  noces  et  festins  :  nous  n'en  extrairons  qu'une  notice  des 
cinq  services  ou  mets  dont  se  composoit  alors  un  repas.  Le  premier  mets, 
appelé  aussi  l'entrée,  et  destiné  à  exciter  l'appétit ,  consisfoit  en  limons,, 
cerises;  fruits  tendres  et  salades.  On  servoit  en  second  lieu  des  pâtés, 
des  brouets  et  des  potage?.  Ceux  ci  se  divisofènt  en  plusieurs  espèces  : 
les  plus  communs  étoiént  au  riz ,  à  la  semoule,  à  la  fromentée .  au  millet, 
aux  herbes,  aux  légumes;  les  plus  recherchés,  au  macaroni,  à  la  chair 
pilée,  au*  pommes,  au£  poirés #et. aux  coins  :  il  y  ëif  avoit  de  blancs, 
de  bleus,  jaunes,  verts,  rouges,  dorés;  et  la  variété  de  ces'couleurrs 
ornoit  une  grande  table.  Les  rôtis  à  la  sauce  formoient  Je  troisième 
service  :  on  y  distinguoif  des  sauces  froides  et  des  chaudes  ;  sauces^  la 
citnnelfe,  à  la  noix  muscade,  à  la  moutarde,  à  l'ail,*  au  persil,  au  vinaigre, 
aux  prunes,  aux  mûres,  au  raisin,  au  genêt,  aux  roses,  &c.  Au  second 
rôt,  où  quatrième  mets,  il  s'agissoit  de  bien  épicer  et  parfumer  les 
viandes ,  de  bien  aromatiser  le  lard  dont  on  les  bardoit.  On  jonchoit  la 
table  de  fleurs,  et  l'on  paroit  le  plafond  de  rameaux  d'arbres  d'où  pen-  * 
doient  les  fruits.  Le  cinquième  service, qui  s'appeloit  fa  fruiterie,  com- 
.prenoit  aussi  des  pâtisseries,  tartes  à  double  visage,  tartes  aux  herbes, 
aux  citrouilles ,  aux  châtaignes ,  &&'  Dan*  le*  repas  de  corps ,  ces  J>âuV 


s. 


iji  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

téries  figgroîenf,  selon  les  qualités  des  convives»  une  cathédrale ,  on 
monastère,  des  balances,  des  mains  de  justice ,*de^ donjons,  des  tours, 
des  écussons,  des  châteaux  :  on  blasonnoit  (es  crèmes  par  lesquelles*  se 
terminoient  ordinairement  les  festins.  La  compagnie  passoit  dans,  une 
autre  salle,  où  l'on  servoit  les  épkes,  c'est-à-dire,  les  confitures  et  les 
sucreries,  avec  des  vins  de  Corse  miellés  et  de  Fhypocras.  Ces  détails  et 
bien  d'autres  que  nous  supprimons,  sont  empruntés  du  Viandier  de 
Taillevent,  du  traité  de  Platina/rfr  Opsoniïs  ack$ncsiâ  vxtluptatf,  de  l'Estat 
de  la  maison  du  duc  de  Bourgogne  en  1 47.4»  <^ans  'w  Mémoires  de  la 
Maivhe.  *  • 

TOpus  sommes  forcés  de  renvoyer;  à  un  second  article  l'analyse  des 
quinze  histoire»  comprises  dans  le  quatrième  volume,  de  M.  Monteil. 
Les  quinze  dont  le  tome  III  se  compose  auront  pu  déjà ,  quoique  nous 
les  ayons  trop  rapidement  parcourus ,  donner  une^  idée  des  recherches 
sivantes  auxquelles  Fauteur  s'est  livré,  et  du  talent  très-distingué  avec 
lequel  il  en  sait  présenter  les  résultats.  *         - 

DAUNOU. 


TRANSACTIONS  6f  the  royal , Society  of  literature  of  the  Unetcd 
Kingdom;  vol.  I,  part.  u.  London,  1825) ,  J.  Murray, 
in %f.ù,  a 84  et  xlij  pages. 

La  première  partie  de  ce  volume  a  été  analysée  dans  -  notre  cahier 
d'octobre  dernier.  Cette  seconde  partie  n'est  pas  inférieure  à  l'autre 
parla  variété  des#matières  et  l'importance  de  quelques  mémoires.  Nous 
allons  les  passer  çn  revue  les  uns  après  les  autres. 

I.  Inscription  ionique  sur  une  figure  de  lièvre  en  bronjt ,  trouvée  *ux 

•environs  de  Prient,  p*r  V.  M.  Leaîe. 

te  monument  qui  Eût  l'objet  de  ce  mémoire  est  une  petite  figure  d'un 
lièvre  mourant,  couché  sur  le  ventre,  la  tête  renversée  en  arrière  ;  sur  le 
flanc  et  le  ventre  de  l'animai  est  écrite  l'inscription  suivante  en 
boustrophtdon  : 

mon  no  a  AoriAinT 

AJ4IHNHIP 
«HeEN 
»  KO.  TXIAtHNW 


MARS  1830.  ij) 

En  caractères  courons  :  ri  a*om*m  ri  nom***  p  «n  dm*  Hf «*<*»• 
Ce  monument  a  déjà  été  publié  par*M.  Brôndsted  (1);  mais, 
M.  Leake  ne  le  savpit  pas  quand  il  a  composé  son  mémoire  lu  le  1 7  mai 
.1826.  L'inscription  est  intéressante,  et  sa  disposition  en  boustrophédon 
curieuse,  à  cause  de  l!époque,  qui  ne  paroit  pas  êtrç  de  beaucoup 
antérieure, au  siècle  d'Alexandre  :  c'est  le  re*te  d'un  ancien  usage/ Le 
seul  point  difficile  quelle  offre  est  Je  mot  nPiHNHI  eu  nPlHAHl, 
car  la  leçon  est  douteuse.  M.  Brôndsted  se  déclare  pour  la  première , 
M.  Leake  pour  la  seconde;  et  nous  sommes  de  son  avis;Ja  ligature 
qu'on  est' obligé  de  supposer  entre  le  A  et  la  lettre  qui  suit  n'est  pas 
dans,  l'usage  du  temps  auquel  cette  inscription  appartient-  M.  Leake 
admet,  dans  ce; cas,  le  changement  ionique  du  N.  en  A,  comme  dans 
irXkUfjuif  pour  imvpmv.  La  finale  du  mot  wfmrïï*  pour  irpiart?  est  égale- 
ment ionique» 

•  «.  . 

II.  Observations  sur  quelques  anecdotes  extraordinaires  relatives  à 
Alexandre,  et  sur  l'çrigine  orientale  de  quelques  jetions  populaires 
m  différentes  tangues  de  l'Europe ,  par  sir  William  Ouseley. 

•  *  * 

L'auteur  de  ce  mémoire' en -expose  le  sujet  et  le  résultat  en  ces 
termes,:  ce  J'ai  employé  quelque  temps  à  rassembler,  des  matériaux 
»  pour  un  ouvrage*  sur  Alexandre;  eh  cherchant,  parmf  les  raanus- 
»  crits  orientaux  ,  des  informations  à-Ia-fois  originales  et  authentiques, 
»fai  été  conduit  à  soupçonner,  quoique  ce  soit  là  un  tKste  résultat 
»de  recherches  laborieuses,  qu'à  peu  d'exceptions  près,  et  encore 
»  assez  douteuses,  toutes  les  anecdotes  qui  |>euvent  être  considères 
»  comme  historiquement  vraies  dans  les  récits  arabes  ou  persans  relatifs 
»  au  héros  macédonien ,  sont  tirées  (fauteurs  grecs  ou  latins  ;  tandis'  que 
»  tout  ce  qui  a  un  caractère  extravagant  et  fabuleux  m'a  semblé  provenir 
j»de  l'imagination  orientale.» 

Ce  résultat  ne  permet  pas  d'espéré*  que  l'histoire  positive  d'Alexandre 
puisse  gagner  beaucoup  à  Fétude  dés  sources  orientales,  qui,  jusqu'ici, 
selon  sir  William,  n'ont  produit,  pour  la  période  qu'embrassent  les  au- 
teurs classiques,  rien  qui  méritç  de*prendre  place  parmi  les  faits  de  l'histoire 
positive;  II  djtà  ce  Sujet  :  ce  A  cette  source  abondante  (  l'imagination  des 
»  Orientaux},  comme  fontdéjà  avancé  d'ingénieux  écrivains,  nousdevons 
»  plusieurs  compositions  amusantes  et  instructives  ,  connues  parmi  les 
9  r   incipales  nations  de  l'Europe.  Durant  mes  recherches  concernant 


(1)  Voy*te*Rtch€r$huenGrïc<,\,YH-*0<i^l2&* 


ïj4  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

>>  leur  origine ,  je  me  suis  toujours  senti  enclin  à  regarder  tomme  in- 
.  »  venfeurs  de  ces  fictions  clbx  dans  les  écrits  desquels  je  les  rencon  trois 
r>  pour  la  première  fois,  bien  qu'il  soit  possible  que,  sans  en  convenir, 
»  ils  (es  aient  tirées  de  la  tradition  orale,  ou  d'écrits  qui  ne  sont  pas 
»  arrivés  jusqu'à  nous.  C'est  ainsi  qu'au  prophète  arabe  ou  à  quelqu'un 
»  de c  ceux  qui  l'ont  aidé  dans  la  composition  du  Koran,  doit'  être 
»  attribué,  du  moins  jusqu'à  ce  qu'on  lui  trouve  une  origine  plus 
»  ancienne  ,  le  prototype  de  l'hermite  de  ParnelL  , . .  En  accordant^aux 
»  Arabes  et  aux  Persans 'tous  (es  éloges  qui  leur  sont  dus  pour  les 
»  preuves  nombreuses  qu'ils  ont  données  d'une  imagination  fertile, 
»  poétique  et  brillante ,  et  pour  un  grand  nombre  d'excellent  ouvrages 
»  sur  l'histoire  post-mahornitanc,  la  géographie  moderne  de  l'Asie,  (a 
*»  philotogie  et  d'autres* objets,  Je  dois  avouer  qu'ils  ont  généralement 
»  trompé  mes  espérances,  lorsque  j'ai  cherché  dans  leurs  écrits  quelques 
v>  éclaircissemens  sur  l'antiquité  classiaue,  et  notamment  sur  Alexaadre.  *> 
Les  recherches  qui  suivent  ces  oLservations  contiennent  un  grand 
nombre  de  faits  intéressans.  L'auteur  réserve  pour  un  autre  travail  les 
renseignement  qui  concordent  avec  les  récits  des  auteurs  classiques.  Il 
s'attache  principalement,  daps  celles-ci,  à  recueillir  Içs  anecdotes  im- 
prQbables  et  fabuleuses  qui,  au  premier  coup-dœil,  se  présentent 
comme  des  fictions  orientales.  II  les  divise  en  plusieurs  classes.  Quelques- 
unes  sont  évidemment  d'origine  mahométane.  Telle  est,  selon  lui, 
la  confusion  d'Alexandre  sous  le  nom  de.  Dhu'l-Karncin  ou  aux  deux 
cornes,  avec  un  personnage  ainsi  appelé  dans  le  Koran,  et  célébré  pour 
aveir  soumis  le  monde  de  Test  à  îouest ,  d'une  corne  ou  d'une  exjtrémiré 
à  l'autre.  Quelques-uns  ont  supposé  que  ce  personnage  avoit  existé  du 
temps  d'Abraham;  tandis  qu'un. petit  nombre  d'écrivains  musulmans 
ne  reconnoissent  point  que  ce  spit  lé  même  personnage ,  et  ils  reportent 
à  Alexandre  la  qualification  de  aux  deux  cornes ,  dont  ils  donnent  plu- 
sieurs explications  fort  improbables;  celle  qui  l'est  le  moins  est  qu'il 
avoit  deux  boucles  de.  cheveux  ressemblant  à  des  cornes,  ce  L'antiquaire 
»  classique,  dit  sir  William,  voudra  peut-être  découvrir  quelque  analogie 
»  avec  les  deux  cornes  de  bélier  ou  d'Ammon,  et  soupçonnera  que 
»  les.  écii vains  orientaux  ont  vu  .des  médailles  grecques  qui.  repr- 
ésentent Alexandre  avec  la  corne  en  spirale  derrière  L'oreille.  »  Çest.en 
effet  ce  qu'on  pense  généralement,  et  il  faut  avouer  que  cette  opinion 
est  assez  probable.  II  s'e^isuivroït  que  la  dénomination  de  Dhu't- 
Karnein  auroit  une  origine  grecque  et  non  mahométane,  comme* le  pense 

sir  William. 

A  une  autre  classe  de  fictions  appartiennent  certains  romans  prolixes 


\ 


MARS   1830.  1  sf 

et  insipides,  principalement  persans ,  dans  lesquels  le  chef  macédonien 
accomplit  des  exploits  merveilleux,  plus  convenables  à  A madis  de  Gaule 
ou  à  Lancelot  du  Lac  qu'à  l'Alexandre  de  l'histoiFe,  Leurs  auteur»  partent 
de  quelques  données  historiques ,  pour  se  fêter  tout  de  suite  dans  le 
sentier  de  la  fiction  ;  c'est  ainsi  qu'après  l'avoir  fait  le  fils  de  Philippe 
et  le  vainqueur  de  Darius,  ils  se  perdent  dans  une  multitude  de  fables  .' 
et  d'absurdités  dont  ifs  ne  reviennent  plu*-*  ils  parlent  de  ses- fils 
Abraham  tyFeridun  ;  et  le  conquérant  grec  commence  ses  lettres^avec 
la  formule  arabe  d'invocation  qui  se  lit  en  tête  des  écrits  des  pieux 
mahométâns. 

Ce  sont  les  fictions  de  ce  genre  que  sir  William  examine.  If  s'attache 
principalement  à  celles  que  renferme  l'ouvrage  de  Julius  Valerius , 
publié  par  M.  l'abbé  MM  en  18I17  (1).  II  pense  que  les  anecdotes 
fabuleuses  contenues  dans  le  livre  de  Firdausi,  intitulé  le  Livre  des  Rots, 
ne  sont  point  de  l'invention  de  cet  auteur ,  mais  qu'elles  dérivent  de 
traditions  orientales  ou  d'écrits,  et  que  probablement  elles  passèrent  » 
plusieurs  .siècles  ayant ,  dans  les  écrits  d'Ésope  et  tfe  Julius  Valerius  :  il 
regarde  comme  fort  possible  (quoique  ce  ne  soit  pas  son  opinion  J 
que  ces  ♦écrivains  •  aient  transmis  ces  fictions  au  poëte  persan.  Elles 
portent  un  cachet  qui  appartient  £  l'Orient. 

Sir  William  revient  à  quelques  fictions  morales  qu'il  rapporte  à  la 
même  origine.  Nous  nous  contenterons  de  citer  un  exemple.  On  a 
cru  retrouver  fa  première  idée .  de  Vhérmhe  Je  Pâme//  dans  les  G  es  tu, 
Rpmanorum,  ouvrage  du  xiv,e  siède;  sir  William  dit:  ce  Je  mentîon- 
»  neroîs  ici,  comme  une  découverte  faite  par  moi  depuis  bien  des 
»  années,  que  cette  fiction  remonte  jusqu'au <vir."  siècle,  si  un  écrivain 
»  ne  19'avoit  prévenu  9  en  observant  qu'elle  a  été  tirée  du  Koran.  » 

D'autres  r&pprochemens  de  ce  genre,  qui  intéressent  Thistofre 
littéraire,  sont  réunis  dans  le  reste  de  ce  mémoire,  dont  nous 
regrettons  de  ne  pouvoir  étendre  plus  loin  l'analyse.  Des  notes  et  de 
nombreuse*  citations  latines ,  grecques  et  orientales,  appuient  les  obser- 
vations qu'il  contient»   '  * 

*  « 

III,   Notices  historiques  sur.  Niçpmidic.,    Vqncifnne  capitak  de  la 

Bïthynie;  par  le  même. .  • 

*  • 

Le  savant  auteur  réunit  dans  ce  second  mémoire  fes  observation! 


(0    y°y*l  notre   extrait.de  cet  ouvrage  danf  le  Jçumdl  des   Sawansi 
octobre  18)8. 


i)6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qu'il  a  eu  occasion  de  faire  pendant  son  très-court  séjour  à  Nicomédie.  II 
commence  par  quelques  remarques  sur  As  tac  us  et  Nicomédie,.  qu'il,  croit 
avoir  été  la  même  ville,  contre  l'opinion  de  d'Anville  (i).  II  en  suit 
Fhistoire  presque  jusqu'à  nos  jours.  Le  mémoire  est  terminé  par  une 
courte  notice  d'une  inscription  trouvée  à  Nicomédie,  ainsi  conçue; 

APPIANOC 
AOI AAACOY 
'    ZHC    GTH 
MH 
XAIP6 

Àfpctroç  àoiJ&Xatv,  Ç*<mç  ( ou  bien  ÏÇm }  \th  mh  fc*7pt.  Sir  William 
pense  que  cepourroit  bien  être  Celle  du  tombeau  du  célèbre  Arrien  (2). 
Nous  croyons  le  contraire.  Arrien  étoit  un  assez  grand  personnage;  il 
avoit  été  gouverneur  de  la  Cappadoce  :  son  inscription  tumulaire  a  dû 
porter,  selon  l'usage,  le  titre  des  charges  qu'il  avoit  exercées.  V Arrien 
mentionné  dans  celle  qu'a  trouvée' sir  William  ne  peut  avoir  été  qu'un 
particulier  obscur, 

iy.  Extraits  de  manuscrits*  relatifs   a  V histoire  d'Angleterre,  par  fe 

rév.  Fosboke*  ' 

Ces  extraits  contiennent  9 1 .°  des  fragmens  qui  concernent  l'université 
d'Oxford;  2,°un  passage  relatif  à  une  coutume  liée  avec  une  ancienne 
loi  anglaise;  des  particularités  relatives  à  l'ancienne  pairie,  &C; 
sujets  d'un  intérêt  fort  circpnscrit. 

V.  Indication  d'un  mot  latin  qui  a  passé  dajis  le  grec  h  l Unis  tique ,  m  juron 

a  depuis  long-temps  pris  pour  un  mot  grech  par  Granville  Penn. 

•  ■•        • 

En  rapportant  le  suicide  du  traître-  Judas»  S.  Mathieu  dit  ^  **«A3»r 
imy%AT>  (  xxvil  r  j  ) ,  ce  que  la  vulgate  a  rendu  par  et  a  biens  laqueo  se 
suspendit.  S.  Pierre,  parlant  du  même  événement  dans  son  discours 
rapporté  par  S.  Luc  (Act.  Apost.  I,  18),  dit  irfninç  ytfipârûç  ïxixnei 
$ti**ç;  sefon  la  vulgate ,  et  suspensus  creptnt  médius.  Cette  discordance 
entre  les  deux  écrivains  sacrés  est  célèbre,  et  a  été  (e  sujet  de  longues 
controverses  que  nous  ne  rapporterons  pas  ici.  Selon  M.  Gr.  Penn , 


{1)  Çf  Mannert,  Geogr.  der  Gruchen  und  Ràmer.,  VI,  p.  580. —  (2)  Cf. 
CÙssical  Journal,  n.#   XXXII,  p.   394. 


MARS  1830-  \%7 

elles  n'ont  pas  réussi  h  lever  entièrement  la  difficulté;  il  en  propose  une 
explication  toute  nouvelle  qui  conctlieroit-parfaitemefitles  deux  passages. 
Le  verbe  Ixdxnct ,  dit-if,  a  été*  ramené  par  les  critiques  au  théine  ***** 
ou  Xclmjuê,  faire  du  bruit,  et  par  extension  crever,  se  rompre  en  faisant  du  bruit. 
Mais  ce.  thème  est  fort  peu  usité  ;  on  ne  peut  même  le  reçonnoître  que 
dansdeuxou  trois  passages  de  poètes.  II  doute  en  conséquence  que  ÎXclkm** 
soit  réellement  un  mot  grec.  II  rappelle  que  quantité  de  mots  latins  ont 
passé  dans  le  grec  du  Nouveau  Testament,  quoique  la  langue  grecque 
eût  des  mots  correspondans.  Tels  sont  x0v<rn»<hcL,  et  sur-tout  <p&yi>&tà<mç  y 
du  latin  JI âge  I/o  :  il  conjecture  que  le  verbe  Xctxi* ,  dont  s'est  foripé 
ihcuutaiy  est  de  même  un  verbe  latin,  laqueo , -écrit  en  caractères  grecs, 
et  que  ixitiun,  laqueavit,  répond  exactement  à  Jamy^wn  de  S.  Mathieu, 
On  peut  d'abord  objecter  que,  comme  laqueo  seroit  un  verbe  transitif 
et  actif,  on  cftvoit  dire  en  larfh  laqueatus  est,  et  qu'en  conséquence  ce 
mot,  passant  en  grec,  devoir  prendre  la  forme  Ixeutis*  ou  t  a«x.irmv. À 
cela,  M.  Gran ville  Penn  répond  que, quand  fa  langue  latine  étoit  pariée, 
le  verbe  laqueo,  qui  n'existe  qu'au  participe  passé  dans  la  latinité  à 
nous  connue ,  a  pu  être  employé,  comme  beaucoup  d'autres  de  la  forme 
active  qui  ont, un  sens  réfléchi,  tels  que  lavo,  tondco ,  duro ,  ca/ceo,  que 
cite  Priscien.  Une  autre  objection  plus  sérieuse  se  tiré  du  mot  (u<nç 

m  *  •  S 

qui  suit  *>****i,  et  qu'on  traduit  disruptus  est  médius  ;  en  citant  à 
Fappui  metuj  ne  médius  disrumpar  de  Plaute  [Curcul.  il ,  1 ,  7  ) ,  illam 
mediam  disruptam  velim  (  Casin.  Il,  j ,  8  ).  M.  Granvifle  Pénn  n'y 
répond  qu'en  citant  pinç  ipSt  içuxap  (  Joh.  1 ,  26),  ce  qui  ne  se  rapporte 
point  à  la  question ,  et  des  passages  de  Virgile ,  ConsiJit  scopùlo  mciîus 
(G.  1  v ,  4 3 6 ) ,  et  médius prorumplt  in  hostes  (  /En.  X,  396), qui  ne s*y 
rapportent  pas  davantage.  L'objection  reste  dans  toute  sa  force.  -Au" 
contraire,  dans  le  sens  adopté  pour  fÀ**»<n,  disruptus  est ,  p*<r*ç  est 
nécessaire.  Une  troisième  objection  plus  forte  se  tire  des  paroles  qui 
suivent,  l^t^r^n  *in*  7*  tirXaryx** «tv7»tï;  dans  la  vulgate,  et  diffusa' 
sunt  omnia  viscera  ejus  :  cela  s'entend  fort  -bien  d'un  homme  dont  le 
ventre  a  été  fendu,  mais  non  pas  d'un  homme  qui  meurt  de  strangula- 
tion. A  la  vérité ,  l'auteur  -dit  que,  comme  Judas  étoit  fort  replet,  sort 
ventre  a  pu  s'ouvrir  par  suite  de  la  strangulation  :  c'est  l'explication 
admise  pour  concilier  les  deux  passages.  Qa  conviendra  facilement  qu'il 
est  assez  singulier  que  S,  Luc  soit  allé  chercher  dans  la  poésie  grecque 
le  verbe  grec  inconnu  tA«*a*t,  quand  il  avok  sous  la  4nain  les  mot* 
JttffiyrvT  ou..tr£#d»;  ort'  fecotonoitra  encore  que  l'explication  de 
M.  Penn  est  ingénieuse,  et  a  l'avantage  de  concilier  très- bien  S;  Mathieu 
et  S.  Luc,  qui  se  trouvent  avoir  dit  la  même  chose  >  en  ^exprimant  f  Fitta 


ij8  JOURNAL  Ï>ÈS  SÀVANS, 

par  un  seul  mot,  l'autre  par  une  périphrase.  Mais  il  faut  avouer  aussi 
que  l'explication  n'est  guère  naturelle ,  et  pîêtè  à  bien  des  difficultés. 
Voici  du  reste  la  version  que  M.  Gran ville  Penn  propose  en  consé- 
quence de  son  opinion  iprœceps  ïn  oiafusus ,  laque avit  (  i.  e.  implicuît 
se  laqiïeo  )  médius  fi,  e.  in  medio  ,  inter  trabejn  et  terram J ,  et  *ffusa 
surtt  omnia  viscéral  jus.  .  -~  '  . 

*  •  . 

VI.  Sur  U  Cartulaire.de  FlaxUyt  Abbey ,  dans  le  comté  de  Gloçtftcr, 

par  sir  Thomas  Philipps. 

,  Ce  cartulaire,  écrit  sous  le  règne  du  roi  Jean ,  ne  renferme  que  des 
dispositions  de  peu  d'intérêt  ,■  rejatives.à  cette  abbaye. 

Vf  I.  Copie  d'un  manuscrit  relatif  h  Henri  V  d' Angleterre?  conservé-  dans 
ta  Bibliothèque  du  Rai  à  Paris,  avec  préface  et  notes  supplémentaires , 
par  John  Gprdon  Smith,  M.  D. 

E(i  tête  de  ce  manuscrit  est  la  note:  Factum  du  sieur  de  Caucourt 
cçnire  Louis  seigneur  d  Estoutevitle ,  ou  il  y  a  plusieurs  choses  curieuses 
sur  la  bataille  d'Ayncourt  (  collection  Baluze ,  n.°  $44  )•  H  n'y  a  rien  de 
curieux  dans  ce  manuscrit  qu'une  allégation. du  sieur  de  Gaucourt  • 
prisonnier  de  guerre,  contre  la  sincérité  de  Henri  Vrqi)i  auroït  manqué 
à  la  parole  qu'if  avoif  donnée  de  lui  rendra  la  liberté,  moyennant 
certaines  conditions»  M*  Gordon  Smith,  pour,  défendre  .Henri  J/, 
rejette  cel^  sur  le  mécontentement  et  la  mauvaise  humeur  du  prisonnier 
français.  Mais  les  faits  sont  trop  circonstanciés  pour  que  l'excuse  soie 

admissible.  - 

.   .  .     • 

VIII,  Sur  le  sens  qu'on  attache  le  plus  ordinairement  et  le  plus  correcte- 
ment i  l'expression,  valeur  d'une  marchandise  ;   par  le  rév.  TT  R. 
-  Malthus.  r 

s  »  * 

* 

Dans  un  précédent  mémoire ,  inséré  cfans  la  première  partie  de  ce 
volume,  M.  Malthus  a  montré  que  la  quantité  du  travail' moyen  qu'exige 
mie  marchandise  représente  et  mesure  lés  conditions  ordinaires  aux- 
quelles on  peut  les  fournir,  comme  ce  que  coûte  naturellement  et 
jlëoessairement  sa  production.  II  s'est  proposé,  dans  celui-ci ,»  qui  est 
.  «ne  suite  du  premier,  de  faire  voir  que ,  quand  on  parle  de  la  valeur 
d'âne  marchandise,  sans  mentionnera  quelle  autre  marchandise  cette 
véérbr  est  rapportée  ,if  est  généralement  entende  qu'on  fa  rapporte  k 
Ce  ty*ê ^oÛte  sa  production»        •    M  '   .1     .  *       .\»  -    :■.»■.  . 


MARS  1830.  159 

IX.  Quelques  Remarques  sur  une  partie  du  premier  litre  des  Guerres  civile} 
ttApplen  (c.  4o  $<!•)  »  avec  une  tentative  pour  donner  une  généalogie 
plus' exacte  de-la  famille  julienne  ou  césarienne;  par  le  très-honorable 
C.  Yorke;     , 

Ce  mémoire  est  pn  commentaire  du  récit  que.  fait  Appien  de  la 
guerre  sociale,  ou  italique  (  À*  U«  66^*666  ) ,  principalement  pour 
lever  une  difficulté  du  texte  de  cet  auteur,  qui  consista  dans  la  confusion 
des  noms,  Scxtuç  Juttus  César  ex  Luc i us  Julius  QIsqK  Celte  diffi- 
culté avoit  été  sentie  ,  mais  non  résolue ,  par  le  savant  Schweighaeuser* 
M.  Yorke  reconnoît  la  nécessité  dé  faire  une  addition  au  texte  d'Appien. 
A  la  suite  de  ces  remjr.oues  critiques,  l'auteur  a  dressé  une  table  généa- 
logique; fort  détaillée,  et  plus  complète  que  celle  qu'a  voient  dressée 
ies  premiers  Commentateurs,  de  la  famille^ uiieiine»  depuis.  lès  plus 
anciens  temps  de  Rome  jusqu'à  r son  extinction  4*ns  la  personne  et 
Néroni.  Y      -  i         "  '   '•  .".■<••  < 

.     •:.  .    .v     ;      ..,•■  •  '    '"     ,•  .■    • 

X.  Sur  la  date  de  quelques-unes  des  Médailles  de  Zaocle  en  Sicile, 

par  Jaine*  MiHingen..-*  '  - 


1  -  -  ...•. 

M.  Millingcn  cm  un  antiquaire  aune  espèce  assez  rare  ;  il  dit  beau- 
coup en  peu  de  mots;  il  marche  droit  à  son  t>ut 4  sans  se  laisser 
détourner  par  l'envie  de  montrer  une  éruditiçn  inutile  et  intempes- 
tive^ II  en  résulte  que  ses  dissertations  et  ses  notices  sont  ordinaire- 
ment courtes ,  substantielles  et  concluantes.  Telles  sortira  qualité*  que 
nous  paroît  avoir  celle-ci. 

Les  révolutions  diverses  qu'a  éprouvées  h  ville  de  Zancle  ,  et  Je 
changement  de  son  nom  en  celui  de  Messie  ,  sont  liés  à  tant  d'éyé- 
nemen*  de  l'histoire  grecque  ,  qu'rf  iniporte  d'en,  déterminer  l'épogpe 
précise  et  d'éclaircir  les  circonstances  qui  ;'y  rapportent;  mais. (es 
contradictions  des  auteurs  latins  à  ce  sujet  ont  enveloppé  la  questjkfti 
de  difficultés  Que  les  efforts  de  Bentley. non t  point  réussi  à  le^fr 
complètement.  Ce  «succès  ne  pouvoit  être  que  le  résultat  de  la  com- 
paraison des  textes  et  des  médailles  ;il  étoit  réservé  à  M»  JVUIJingaq. 

Selon  Hérodote  (vi  ,22,  23  ),  après  la  batajlle  navale  djçvant 
Miiet  (  4^3  avant  J.  C.)  ,  uç  grand  nojr^re  de  Samiens  et.  d'aufnss 
Ioniens  résolurent  d'abandonner  ce  pays ,  pour  échappef  au.  joug  des 
Pênes.  '  Alors  ils  reçurent  des  Zancléens  l'invitation  4e  vfnif,^  âj^Use 
et  de  s'établit  sur  la  cfo^Qùest  de  file  f  k  rendroii4^pj^^  t/^^|^ 
[  le  beau  $£?/].  Lej  Sa.rpkiu^^Ts  f  |^ j*!^ 


M 

\ 


i6o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

acceptèrent  l'offre  ,  et  s'embarquèrent  pour  la  Sicile.  En  passant  à  , 
jLocres  des  Epizéphy riens ,  Anaxilas  ,  tyran  de  Rhégium ,  Jeur  envoya 
de*  émissaires  pour .  les.  engager  à  renoncer  au  projet  de  s'établir  sur 
le  beau  rivage  et  V  s'emparer  de  Zancle  ,  ce  qu'ils  firent  Ail  le  uf  s, 
Hérodote  (vil,  i64)  mentionne  le  changement  du*  nom  de  Zancle 
en.  Messane  %  sans  .en  spécifier  le  temps  ni  les  circonstances*    ' 

Thucydide  rapporte  ferait  plus  brièvement.  II  dit  que  les  Zan* 
décris  furent  chassés  de  leur  ville  par  les  Samiens.  et  d'autres  Ioniens 
qui  fuyaient  le  joug .  des  Perses  ;  qu' Anaxilas  ,  ty/an  de  Rhégium , 
chassa  lés  Sa  miens  peu  après  ,  et,  ayant  peuplé  la  ville  avec  un  mé- 
lange de  diverses  .nations ,  changea  son  nom  en  celui  de   Messane 

(vi,. 4).      •      .  . 

.  Sirabon  et  Pausanias  racontent  le  <âit  d'une  manière  différente,  lis 
ne  font  nulle  mention  des  Samiens,  mais  attribuent  l'expulsion  des 
Z#ncléeti*  à  un  corps  de  Messéniens  qui.  vinrent  directement  du  Pé- 
loponnèse. Le  premier  ne  dit  rien  de  l'époque;  le  second  place 
cet  événement,  environ  160  ans  avant  l'époque  assignée  par  Hérodote 
et  Thucydide 

-  Une  si  grande  diversité  a  donné  lieu  de  supposer  qu'il  s'agit  de 
d#Ux  événemens  distincts  et  de  cb«  tyrans  de  Rhégium  portant  le 
itfitt  d'Anaxilas.  Mais  Bentley  a  prouvé  que  tous  les  passages  anciens 
*e  rapportent  &pun  seul  et  même  personnage,  qui  vivoit  à  l'époque 
delà  guerre,  des  Perses* 

Cest  au  récit  contradictoire  sur  le  peuple  qui  chassa  les  Zancléens 
tj*e  M.  Millingen  s'arrête  avec  le  plus  de  soin.  Les  médailles  lui 
strvéht  à  découvrir  la  vérité.  En  comparant  celles  de  Rhégium  et 
ilr Messane ,  il  concilie  Hérodote  avec  Strabon  ,  en  montrant  que» 
dans  leur  entreprise  contre  Zancle ,  les  Samiens  furent  unis  avec  les 
Mièssétriens,  et  pendant  quelque  temps  habitèrent  la  ville  en  commun , 
jusqu'à  ce  que  les  premiers  furent  expulsés  par  le?  derniers ,  à  l'ins- 
tigation d'Anaxilas.  Ces  médailles  prouvent  encore  que  le  nom  de 
Jktilfe  fût  changé  immédiatement  après  qu'elle  eut  été  prise,  et  non  > 

•pas  ensuite  ,  comme  le  dit  Thucydide  ,  lorsque  les  Samiens  eurent 
été  chassés  et  qu9 Anaxilas  s'y  fût  établie  leur  place. 
v  M.  MHImgen  termine  son  mémoire  en  ces  termes  :  «  La  question 
»' présente  n'est  pas  seuMhent  intéressante  pour  f  histoire  et  la  chro- 
~*-fialbgié  i  die  est  encore  d'une  grande  importance  pour  l'histoire 
*de  Part. 'Les  médailles  de  Zancle  et  de  Messane  sont  au  nombre 
*des  ptUs  anciennes  dont  la  date  peut  eut  déterminée  ;  elles  forment 

*  une  espèce  de  poitit  de' départ  pour  fixer  Fétat  des  arts ,  eh  Sicik 


MARS  1.830.  tir 

»du  moins ,  à  l'époque  de  l'invasion  persane.  La  fixation  de  ce  point 
»  est  (fautant  pfus  impartante,  que  de  savans  hommes ,Winckelmah»  et 
»  Barthélémy ,  adoptant  le  récit  de  Pausanias ,  ont  reculé  l'époque 
»  de  la  perfection  des  arts  d'une  manière  qui  ne  peut  se  concilier 
»  avec  l'histoire  et  les  anciens  monumens.  Reportant  jusqu'à  la  29/ 
»  olympiade  les  médailles  de  Zande  ,  ils  ont  attribué  *  Gélon  I.*f  et 
*>  Hiéron  I.er  les  villes  qui  appartiennent  à  d'autres  princes  de  même 
»  nom  qui  ont  vécu  deux  siècles  après.  D'autres  erreurs  sont  nées-  de 
»  cette  opinion.  » 

XI.  Sur  fe  Vase  de  Portîand  •  par  le  même. 

Tous  les  antiquaires  connaissent  ce  vase ,  qui ,  après  avoir  appar- 
tenu à  la  famille  Barberini,  et  avoir  été  acheté  par  sir  W.  Hamilton, 
•tt  maintenant  en  la  possession  du  duc  de  Portîand,  qui  l'a  déposé 
dans  le  musée  britannique.  Le  sujet  des  élégantes  sculptures  dont 
îl  est  orné  a  été  diversement  interprété  par  les  antiquaires.  Mais 
Vinckelmann  ,  Visconti  et  Zoëga  n'ont  point  hésité  à  y  reconnaître 
un  sujet  relatif  à  Pelée  et  Thétis.  M.  Millingen ,  dans  un  précèdent 
ouvrage ,  a  parié  précédemment  de  cette  explication ,  admise"  aussi  et 
confirmée  par  M.  Raoul-  Rochet te  :  il  y  revient  aujourd'hui  pour 
la  développer  avec  plus  de  détail  ,  expliquer  toutes  les  circonstances 
des  deux  sujets  sculptés  sur  ce  vase ,  et  dire  son  opinion  sur  l'époque 
de  sa  fabrication.  Nous  n'insisterons  pas  sur  ces  diverses  parties  de 
l'explication  archéologique ,  qui  auraient  besoin ,  pour  être  bien  com- 
prises de  nos  lecteurs ,  du  secours  d'un  dessin  ;  ndus  aimons  mieux 
rapporter  ce  que  le  savant  antiquaire  dit  de  l'âge  de  ce  monuipem 
curieux.  II  est ,  comme  on  sait ,  d'une  composition  de  verre  imitant 
la  sardoine  ;  l'imitation  est  même  si  parfaite,  que  pendant  deux  siècles 
il  fut  pris  pour  une  vraie  sardoine  et  évalué  eh  conséquence  de 
cette  idée  :  «  Sous  ce  rapport ,.  dit  M.  Millingen ,  il  mérite  haute- 
»  ment  l'attention,  comme  montrant  fes  progrès  des  anciens  en  chimie 
»  et  avec  quels  succès  ils  Fappliquoient  aux  arts;  on  pourvoit  même 
*  en  inférer  ce  que  dévoient  être  lès  vases  murrhins ,  si  célèbres 
»dans  l'antiquité.  L'origine  de  ce  rase  a  été  attribuée  par  quelques 
3r  antiquaires  au  siècle  de  Phidias ,  par  d'autres  à  celui  d'Alexandre. 
»  Beaucoup  de  raisons  me  font  croire  qui!  est  d'une  époque  bien 
»  plus  récente.  Les  vases  dé  sardoine  et  d'autres  matières  précieuses 
»  me  semblent  avoir  été  en  Usage  assez  tard  ;  on  n'en  trouve  aucune 
«mention  avant  la  guerre  de  Mithridate,  lorsque  Lucullus  en  ap- 

x  *  - 


1*2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

w  porta  un  grand  nombre  à  Rome,  L'imitation  de  semblables  objets 
19  ëoit  être  naturellement  dune  époque  plus  récente  ;  et  de  Ait , 
*  d'après  plusieurs  circonstances ,  nous  devons  inférer  qu'ayant  le 
»  siècle  d'Auguste ,  la  manufacture  du  verre  n'avait  pas  fait  assez  de 
»  progrès  pour  produire  un  tel  monument,  qui  atteste  que  cet  art 
,  »  avait  atteint  le  plus  haut  point  de  perfection.  On  doit  observer 
m  aussi  que  les  objets  déposés  dans  les  tombeaux  sont  ordinairement 
»  du  même  temps  que  les  personnes  qui  y  ont  été  enterrées  ;  et  Ton 
»  sait  que  le  costume  des  figures  qui  surmontaient  le  Sarcophage  où 
»  le  vase  a  été  trouvé  ,  se  rapporte  à  la  mode  qui  commence  à  Sep- 
»  time  Révère  et  fût  donfinante  sous  Alexandre  Sévère.  Ces  divers 
»  motifs  combinés  me  portent  à  assigner  au  vase  Portland  l'époque 
»  des  Antonins  ,  ou .,  tout  au  plus ,  d'Adrien.  » 

XII.  Sur  la  religion  et  la  divination  de  Socrate ,  par  M.  Arcbdéacon 

Nares. 

L'opinion  que  fauteur  expose  dans  ce  mémoire  a  déjà  été  avancée 
par  lui  dans  un  Essai  publié  eu  1780  ;  elle  a  trouvé  des  contra- 
dicteurs: d'autres  l'ont  approuvée;  et  feu  Sweighaeuser,  sans  connaître 
apparemment  l'essai  de  M.  Nares»  en  a  présenté  une.  toute  semblable 
dans  ses  Opuscula  academica.  C'est  ce  qui  détermine  celui-ci  à  lex- 
.  poser  de  nouveau  avec  plus  de  développement.  Elle  repose  principale- 
ment sur  Tidée  que  la  véritable  doctrine  de  Socrate»  son  genre  d'esprit, 
son  caractère  ,  ses  mœurs,  sa  méthode  de  dialectique,  ne  sont  bien 
connus  que  par  les  Afémprables  de  Xénophon  ,  et  le  sont  complè- 
tement d'après  cet  ouvrage»  sans  qu'on  soit  pbligé  de  recourir  tfux 
écrits  de  Platon»  qui  en  présentent  une  image  plus  ou  moins  altérée* 
En  $e  fondant  sur  l'autorité  unique  de  Xénophon ,  M.  Nares»  comme 
Schweighaeuser,  établit  que  Socrate  n'a  voit  pas  d'autre  religion  que 
cel(e  de  l'état  ;  qu'il  sacrifioit  aux  dieux,  comme  tout  autre  Athénien* 
qu'il  croyoit  fermement  à  la  divination»  telle  que  la  pratiquoient  les 
prêtres  ;  qu'il  s'en  servoit  et  invitoit  les  autres  à  s'en  servir  ;  seulement 
il  parloit  en,  termes  différens  de  ceux  du  vulgaire  ;  il  fàisoit  dériver 
s  pronostics  des  dieux  eux-mêmes;  if  désignoit  l'intervention  divine» 
et.  eu  général»  le  pouvoir  divin,  abstraction  faite  de  toute  divinité  parti-* 
culière,  par  ces  mots  »  i  duc,  79  «Auftprior,  to  diïw ,  termes  »  à  ses  yepx, 
parfaitement  synonymes ,  niais  qui  donnèrent  lieu  k  ses  ennemi*  de 
l'accuser  de  nier  les  dieux  du  .pays,  pour  les  remplacer  par  d'autres  dieux; 
accusation  queXéaophctn  repousse,  et  qui  est  eu  jaffet  rtpou*séef*r toute 


MARS  ,1830.-    •  tfi 

I4,  conduite  et  toutes  les  parole*  4a  Socrate.  Nous  devons  nous  con- 
tenter d'indjqueç  ce  point  de  vwe,  que  Schweignaeuier  a  fort  bien 
développé.  .'-•-.■ 

,  "Les  douze  mémoires  que  nous  venons  d'analyser,  n'occupeut- que 
fa  moiué  de  cette  seconde  partie  du  1,"  volume;  l'autre  moitié  tojin 
entière  est  occupée  par  un  seul  mémoire  de  1 70  pages  sur  Us  Dêmts 
dt  t'Jftiqut ,  par  M.  W,  M.  Lwke ,  travail  fort  savant ,  où  l'auteur 
touche  un  grand  nombre  de  points  curieux.  Nous  en  ferons  l'objet 
d'un  second  article.  a 

LEtRONNE.  • 


Tua  vbiâ  m  Arabia ,  comprehending  m  account  ofthose  tertitories 

in  Hedfai  which  ihe  Àfvhammedans  regard  as  sacred,  hf  (he 

iate  John  Lewis  Burckhardt;  publîshed  by  autltorhy  ôfWe 

association  for  prqmoting  ihe  dtscovery  ofthe  interior  of/4fri'cà. 

K.  • —  Voyages  eu  Arabk ,  contenant  la  description  des  parties  du 

Hedjaz  gui  sont  regardées  coipme  sacrées  par  les  Mahométans, 

■  •  par  feu  i.  L.  Burckhardt;  publiés  par  ordre  de  l'assoeiatiou 

*'  formée  pour  le  progris  de  la  découverte  de  l 'intérieur de  l'Afrique, 

Londrei,  182^,  xyj  et  478  pages  in-f,* 

■''  TROISIÈME    ET  DERN»ER  ARTICLE.  "' 

*  No  u  S  ayons  f aïssé*  lé  voyageur  Burckhardt  k  ïâ  Mecque ,  d'où ,  après 
avoir  accompli  toutes  les  cérémonies  du, pèlerinage  musulman,  il  lui 
tafdoit  de  se  rendra»  Médine.,  ville  cou  sacrée  par  le  souvenir  de  Tasyle 
qu*èïle, offrît  >  Mahomet  et  de'ses  triomphés-,  et  sur-tout  par  le  tom- 


a  !Meciwe  a  Muante  '  Té*  séjour  dans  cette  aèrnière  vîïJè.ïi  déscfip- 

ttojràe  Médine.,  celle  des'lieu*  voisins  de  cette  capitate'  qui  sont  con- 
sacrés, par  quelques  pieux  souvenirs  et  par  ' la  dévotiqn  des  péferlns; 
dès  observations  sur  les  habitans  éè  Médine t 'sût  le  gouvernement  Je 
cette  *îlie  adîverses  époques,  sur,  son  çpmat,  'ètJçs  hjafadies  qui  y  sont 
lepius'cçmmunei;  le  voyage  de  Mécfihe  "j  ïàmbo,  la  description  do 
*^*"uiô-  et'enfirt le,  retour  au  Caire. "" '*  '  V    '' '  '* 


1*4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Parti  dé  la  Mecque  le  1 5  janvier  1815,  avec  une  petite  caravane 
composée  d'une  cinquantaine  de  chameaux  9  notre  voyageur  n'arriva  à 
Médine  que  le  28  du  même  mois;  et  là,  comme  à  fa  Mecque»  il  dut, 
a  vint  de  s  occuper  d'aucun  autre  soin,  aller  rendre  visite  aux  lieux  saints 
et  au  tombeau  du  prophète.  lit  aussi,  comme  à  la  Mecque,  se  trouvent 
des  hommes  dont  le  métier  est  de  servir  de  guides  et  de  cictroni  aux 
étrangers  qui  arrivent;  de  les  conduire  aux  lieux  qu'ils  ont  à  visiter* 
et  de  leur  indiquer  les  pratiques  de  dévotion  et  les  prières  dont  doit 
être  accompagnée  cette  visite.  On  les  nomme  Me^awar,  sans  doute 
jjjj*  ou  jjj*.  Cette  pieuse  cérémonie  ne  retint  pas  ici  long- temps  le 
voyageur,  et  il  lui  fallut  à  peine  un  quart  d'heure  pour  s'en  acquitter. 

La  caravane  avec  laquelle  Burckhardt  se  rendit  de  la  Mecque  à  Mé- 
dine, se  composoit  principalement  de  Malais ,  natifs  des  îles  de  Sumatra 
ttde  Java ,  et  de  la  côte  de  Malabar;  quelques-uns  étoient  venus  de  la 
CÔte  de  Malacca.  Le  voyageur  observe  que  les  Malais  viennent  réguliè- 
rement s'acquitter  du  devoir  du  pèlerinage,  et  que  souvent  ils  sont 
accompagnés  de  leurs  femmes.  Plusieurs  font  un  séjour  de  quelques 
-aimées  à  la  Mecque»  pour  se  livrer  à  fétu  de  de  FÀkoran  et  de  fa  juris- 
prudence. Us  ont,  parmi -te*  Indgn^cpri  habitent  te  Hedjaz,  la  réputa- 
tion d'hommes  scrupuleusement  attachera  ta^i^iKjuc  ^—  préceptes,  ou 
du  moins  des  rites  de  leur  religion*  Peu  d'entre  eux  parlent  couramment 
b  langue  arabe ,  mais  tous  lisent  FÀfcoran ,  et  s'occupent  de  l'étude  dç  ce 
livre ,  même  en  voyageant.  On  les  appelle  dans  Te  levant  Javas.  Leur* 
femmes  ne  portent  point  de  toiles;  leurs  habillemens  sont  en  général 
faits  d'étoffes  de  soie,  de  fsbriqjue  chinoise.  Ces  Malais  sont  cf  un  carac- 
tère paisible  et  de  mœurs  bien  réglées ,  mais  (Tune  avarice  extrême. 
Ceux  avec  lesquels  Burckhardt  fit  le  voyage  de  la  Mecque  à  Médine , 
.jpe  vivoient  que  de  riz  et  de  poisson  salé;  et  le  beurre  étant  une  dehrée 
f  un  prix  assez  élevé  dans  le  Hedjaz,  ils  n'en  faisaient  pas  ùiage,  Vmbin* 
<ju  ifs  ne  pussent  en  obtenir  en  cachette  de  l'esclave  qui  servoit  notre 
voyageur  et  lui  apprêtoit  lui  nourriture  ;  ils  se  contenaient  de  faire 
bouillir  leur  riz  dans  feau,  et  le  mangeoient  ainsi.  Toute  leur  vaisselle 
étort  de  cuivre  et  de  manufacture  chinoise.  Quoique  ces  Malais  manifes- 
tassent de%  sentiment  de  mépris  et  de  haine  pour  les  Anglais  dont  pour 
la  plupart  ifs  étoient  sujets,  et  qu'ils  ne  négligeassent  aucune  occasion 
de  témoigner  leur  opposition  pour  les  usages  sociaux  et  la  manière  de 
vivre  de  leurs  maîtres,,  ils  renooient  volontiers  justice  aux  principes  de 
;|eur  gouvernement.  L'avarice  de  ces  Malais  fut  ni^se  dans  tout  son  foàr 
fêx  le  refus  qu'As  firent  de  contribuer  4e  (a  plus  légère  somme  poÉr 
racheter  un  des  leurs  qui,  étant  resté  eu  arrière  <Se  ta  caravane  <{&  Pm^k 


MARS  1830.  165 

k  -pied ,  avoh  été  pris  par  quelques  Bédouins.  Ce  ne  fut  qu'en  employant 
les  menaces  et  la  violence  qu'on  parvint  h  leur  arracher  une  vingtaine  dé 
piastres.  # 

Dans  la  route,  un  Afghan  se  joignit  à  la  caravane  :  c'était  un  vieil* 
lard  qui  étoit  venu  à  pied  de  Caboul  à  la  Mecque ,  et  qui  se  proposait 
de  retourner  pareillement  à  pied  à  Caboul. 

Pamû  les  villages  et  hameaux  qui  se  trouvent  sur  la  route  de  la 
Mecque  à  Médme,  et  qui  servent  de  marchés,  que  fréquentent  les 
Arabes  bédouins  du  voisinage,  se  distingue  Sqrfr*  (sans  doute  *tjjuJU). 
C'est  le  nom  cTnn  village, et  en  même  temps  celui  (Tune  vallée  fertile* 
quoique  sablonneuse,  dans  laquelle  le  village  est  situé.  Les  principaux 
objets  dont  ce  marché  est  abondamment  fourni ,  ce  sont  les  dattes  et  le 
miel.  On  y  trouve  aussi  des  drogues ,  des  épices ,  et  des  parfums,  que  les 
Bédouins  de  ces  contrées  aiment  passionnément. 

A  l'occasion  de  ce  viikge,  Burckhardt  observe  que  Srafra,  etjRédtr* # 
dont  il  sera  question  plus  loin,  sont  \t%  seuls  lieux  de  tout  le  Hedfa*  où 
il  est  possible  de  se  procurer  le  baume  de  k  Mecque  dans  son  étal  de 
pureté  naturelle.  Je  traduirai  littéralement  ce  passage.  «  L'arbre  duquel 
»  on  recueille  le  baume  croît  dans  les  montagnes  voisines ,  mais  princi- 
»  paiement  dam  c«He  qu'on  nomme  J>fcM  Sofik;  il  est  appelé  pat  les 
»  Arabes  Btstèm  {&)*  J'ai  appris  que  cet  arbre  a  une  hauteur  de 
»dtx  à  quine  pieds,  le  tronc  lisse  et  fécorce  mince.  Vers  k  milieu  dis 

*  Tété, «on  pratique  des  incisions  dans  l'écorçe  ;  le  suc  qui  tort  à  l'instant 
»  est  enlevé'avec  l'ongle  du  pouce,  et  mis  dans  un  vase.  Il  paroît  qu'on 

*  distingue  dem;  espèces  de  cette  gomme  ;  Tune  est  blanche,  l'autre  ** 
»  d!un  blanc  faonâtre;  k  première  est  la  plus  estiméç.  J'*a  tjfc  4e  la  <kr- 
»  nJère sorte  dans  «ne  petite  peau  de  mouton  ;  c'est  ce  dont  les  Bédouins 
»  se  servent  pont  f apporter  an  marché  1  ce  baume  avoit  une  odeur  Jôrie 
»  de  térébenthine  ,  *t  sa  saveur  étoit  amère.  Les  habitais  de  Ss*(hrsout 
*•  dans  rusage^dt  le  sofisâquer  avec  de  l'huile  de  sésame  et  du  goufibon. 

*  Quand  on  veut  ressayer ,  on  trempe  le  doigt  dans  te  baume,  et  Jon  / 

*  met  le  dm  5  si  k  hampe  brûle  sans  fike  du  mal  ou  laisser  une  umque 
»sar  le.  doigt,  on  Juge  qu'il  est  de  bonne  qualité;  ms<|  s'il  irtk 
»  Jedoigt  amsiiàt  qu'on  yjrtptskfeu»  on  k  ^onskkre  comme  ekfcfé» 

*  Je  me  rappelai  avoir  fat*  dans  les  Voyages  de  Bruce,  qu'on  essaie- 1# 

*  baume  en  en  laissant  tomber  une  gouue  dans  un  vase  pkk  4*W£ 
~«4itquieftpm  $m coeguk  et  se  précipite, sm  fond  du  va*,  jeudi* 
m  qné  4eW  <q*L  est  àkétà  m  dissout  et  surnage  sur  k  liqWe,  U  as 

*  ossse  épeeÉi ve^  qui  éfteîl  incoow^  aux  gew<Je  ce  pays»  *  je  <*k  k 

*  f0utle^eum|grt4  k  smfcc*  de  f^ut*  J'^proujsai  «as» k  JfcMite  Vleur 


i<M  JOURN3riiïDÏ»-«ilVANS, 

^mtiîB&itX'ti?  «rf^f  cPuh.BÀJo^m;  q«q^wrfÎH|  d*;$è:f6f*ntiridé  M 
iMAhiS^J  (Te^g^lfWici r^de  tofratxne  qqVmTehdid  »i  firiufiéMl 
?étoit  dune  densité  moindre  que  celle  du  miel.  . .  Les  Bédoum*-quj 
'iVtipftiMht  M  éiVÛêimnieàt^OTdimivt  10*  $/doItar*parifrre*«piknd 
â4t'*ét*fetfil  ftmfe*  s?yitfr*&,  *)t  les  Aiafceixlë  Sqafra  le  retendent  aux 
-»  pèlerins  de  la  grande  cara và&e,  apnês' ravoir  «itéré,  à  faisan  'çfe  *  à 
**ili  ddfttrt  fti  lf?*e  Vcc'tton*  pridc%>akment  Jer>P*i^ 
*-*Leb*ttmëïftt^o«*ièn«wii«.à  Dffetd»  ecfeiat  jyiet^uetdroi'oit  l%#por* 
^  fttt  Gairey*ùbff WUJWrt*  <|ueiqttQ*  «kénikuii-;  et  k  nicha*  qtfml  péferih 
*><M  rentdhtr* «par  hasard  un  Bédouin*  de  jqurij  puisse  Tacheter  de  J* 
»<pretn!ér*  fnaïn, "Un  ne  peut  pas  4e  ffeuer  de  l'obtenir  dan»  son  état  de 
*  tfttreté.  Les  pélef im  q«i  appartiennent  M  -elasies;  riches  y  sent  dans 
«'«fcàgeée  rtiettre  une  goutte  dé  baume  tianfcfo  première tasje  de, wft 
»  qu'ils  prennent  le  màtitu  ifc'K>nt^rtefKJée<^ 
*  wifW^emences^de^a/bre  <|uf  produit  ta  baume ,  sont- employée  s  Aans 
*<le*Hfedfâz  pour  procurer  f'avoitetotnt.  *r  ".:  <  -  ;  «■    ■ 

^'torcHferdft  à  observé  parmi  tê$  Hénofc  Salera  t;Àrab*s  qui  s©çc*»ne 
brcttAe'tfe  la  grande  tribu  de  Harb  etquf  JÎabkent  fa  vafiéedt 
Smfat  frne<çotitiMfie  qui  lui^t  païuextt-aordiiiair^rquancrila  été  commis 
mi  Mèrtîfei  *<iei<qué  te'fiinlBra»  «buwMùi/juu^j^ii^corr^iii^^i^ 
gkutf'#é'«É  tlWgéiartdfr? Hîdyenrtttit  te  pctieiient  4e  foiiierâe  mm*ié* 
^Mvfe'V*fl***fe  qui^  tflana*  cette  fejmrée,  en  de  8d<*  tfc>Uars;>  fa  éomfte 
êt*pèyée  èri  çârfte  parie  meortrier  et  saiami&e,  et  f**p«r fie* parles 
f*xe*5lrlë-ïb*hrtrict  ev  sa  fttaitfe  en  paient  un  tfere^ettvScfeiix  autres 
•wr$-*ent?  acquittés  par  les-  ptifcm^jjà  woyiigemr  q'<*  pm*oncpns&nce 
qtfon  •sefo?bfet*fe  usage  abit  réçjudâm  eocune  Wi^pàitJaidiuteeit.iJe 
pMseqptf il  ^  i*oi  t  quelque  ehdse  de  iembl^b*B?ofaper  les  «drieîKkAitfaes , 
qtthdérfgnofertt  «ous  la  dénomination  d»  iiilW  ;ipsi  paatpr  paternels, 
pare9<jJiiéf<!anHec&*d'un  nffeurti*,lea» parent  petereeia'dfu»  foeurtrier 
étoiem  obligé»  d'acquitter  ett  ton*  eu  «n  'pmfe'de1.  prisse  sang  oh 
itriviefadt  qfafat  appelait  Jjl*i  -    ■«.'■;■••  ".  *:■•  .  ^   .>»1;m     ji  =  '  »  - 

•»T&|*è3faVott quitté  (à  vallée  éê  Sftôa  ;  la  ttaraea»  tiairertaVme  aum 
#*ft*è  <fceif»*éè  DjhtêlslékV  D*nr<ett#  iko>pe-<|eiIa^«routï|^ën-k<MatK 
^**«#  **«**,- on 'défeedihe  dana  *hr<plaine  dtapifefttdm  «tMes»en 
fc*iff*eat  /Hfrnfrnéte  EÏka^lyth,  i^jUJK  étcrievertelcrtcad^  fct  9- Arabes 
four  £ttftfî  tftage  <du  feuiHage  de  ces  «arbres  pourdoofrir 'Iqnrs  cfca*» 
mfe>ifc.«  **fetH*ffètV  on- étend  une  natte  i  sons  % arbre»  tl^mo  qfo  longs 
Mtefist^l^i^e'tes  tataohes*  Let<fcuillts  fe*pàil>i»psiei-iea  pi« 
MiM(e»té«hbéM'He4>ki«mjt»  de*  frmee  JUwièiiej*  an rfe»|èo— btért 
MRÎiiîelè^MèfrteMr^âmgë  jpiW  pûiak  ttot— trfcUbo  q|gaiMu«M%tt 


>'i4.    M  Ait  S  183a;  167 

cette  action  de  battre  le*  arbres  avec  des  .bâtons  pour  en.  fcine  loWibcr 
les  feuilles»  que  ks  Arabes  désignent, par, le  mot^k**»  mot  <jui  à  reçu 
cpifuite^pleôeuri  acceptions  métaphoriques.  On  peut  voir  à  est  jégerd 
W*n  Commentaire  arabe  sur   tes.  Séances  de  Harlri$   séance  »  x«  > 

f  Je  passerai  I6ut~à«fait  sous  silence  la  description  topographique  de 
Médiat,  celle  delà  mosquée  où  reposent  les  restes  du  prophète,  de  sa 
tombe*  ej  des  lieux  que  h  piété  des  musulmans  a  consacrés,  tant  dans 
Ja,  VÎUei  et  les  faubourgs  que  dans  le  voisiftage  de  Médine.  II  me  suffira 
de.  dire  que  Médine  est  tien  bide ,  que  \t%  maisons  y  ont  en  général 
deux  étages  avec  des  toits  plats,  et  quea  sous  ce  point  de  vue,  notre 
voyageur  la  compare  à  Aiep.  Les  rues  sont  dçrdiràire  fort  étroites  ; 
quelques-unes  sont  pavées  avec  de  grands  blocs  de  pierre.  Cette  ville  a 
beaucoup  souffert  par  suite  de  l'invasion  des  Wafafiahites,  qui  font  bien 
moins  épargnée  que  ht  Mecque»  et  par  l'interruption  du  pèlerinage. 
Médine  a  peu  d'édifices  .publics.  Elle  est  abondamment  pourvue  d'eau* 
Tout  ce  qui  tient  au  service  de  la  mosquée ,  à  son  entretien ,  4  sa  police» 
fcs?s  revenus,  a  beaucoup  de  rapport  avec  ce  qui  a  Keu.ti  la  Mecque; 
et  pour  tom  ces  détails»  akisi  qqfe  pour  tout  ce  qui  concerne  le  tombeau 
de  Mahomet  et  les  exercices  de  dé vorio*  «jw'u*  y  pratique,  je  me  cotv» 
leyte.de  convoyer  Ir  l'ouvrage  Èiâme. 

Les  maisens.de  Médine,  de  trois  cfoés  du  moins,  sont  remplies  de 
jardins  et  de  plantations  appartenant,  mus  babitans  de  la  ville ,  et  dont 
le  séjour  est  très-agféaUff.  Les  palmiers  ta  font  le  principal  ornement 
et  la  plus  grande  richesse.  On  y  récolte  plus  de  cent  'espèces  dtâtantes 

il  j'/en  &|U  beaucoup  que  la  ville  de  Médine  et/  son  territoire  qui 
autrefois  étoit  réputé;sacré  k  douie  milles  à  la  ronde,  conservent  eu;ptftT 
d'huj  les  privilèges  que  leur  avoit  /rcetedés  Ja  piété  des  andeas  mti*td~ 
Hians.  Aucun  de  ces  privilège  ne  subsiste  aujourd'hui*;  seulement 
l'entrée  de  b  ville  n'eu  p^fcit  permise  à  d'autres  qu'aux  sectateurs  de 
Cdamisme,  .  r  -  ■     .  .  .  *.,  1. 

Ce  que  Burclhardt  dit  des  mœurs  et  def  coutumes  des  Médimia* 
m'arrêtera  yn  peu  davapttige,  et  j'en,  choisi  rai  les  tmt*  K|ui  me,?*!**» 
iront  I^s  plus  remarquables.  «u.,.  .'  '•■    :.,•  ni.   4; 

A  Médine  comme  à  la  Mecque,  la  fh*s  grande;  pactie  des  babetasis 
sont  des  étraqg^rs  v4nuy.de  toiles  JefcFOfMrées  musulmanes»  et  qpiiont 
fixé  leur/ésid^^  4^1*  ççxut  viUt».QftjJT .^n^  fr  peinât*  inities 
considérées»  yw^jgg-,teice«dant  df  vCes,aW^tfi^édinoisiiyi-  iuéri> 


i6l  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  Mahomet  ;  ce  sont  de  pauvres  gens  qui  ment  comme  des  paysans 
dans  le*  faubourgs  ou  les  Jardins*  On  y  trouve  une  classe  asseï  nom* 
breuse  de  schérifc,  c'est- à-dire,  de  descendans  de  Mahomet,  soit  par 
Hasan,  soit  par  Hoséin.  Les  âescendans  de  ce  dernier  ne  ferment 
guère  aujourd'hui  que  douze  familles  réunies  dans  un  même  quartier; 
ils  passent  généralement  pour  être  attachés  k  la  doctrine  des  partisans 
d'Ali,  mais  cependant  ils  se  conforment  extérieurement  k  toutes  les  pra- 
tiques du  rite  orthodoxe  ou  sunnite.  Le  même  soupçon  s'applique  aussi 
aux  restes  des  familles  des  Ansar,  et  k  une  grande  partie  des  paysan* 
arabes  qui  cultivent  les  jardins  et  les  terres  dans  le  voisinage  de  Médine, 
et  qu'on  appelle  Nawakkittk,  i\±\j ,  k  cause  de  la  culture  des  pal- 
miers k  laquelle  ils  se  Jivrent.  «  On  dit,  ajoute  Burckhardt*  qu'ils  sont 
»  (es  descendans  des  partisans  du  khalife  Yéxid,  fils  de  Moawiar  qui 
»  prit  et  saccagea  Médine  soixante  ans  après  l'hégire  (  en  Tan  63  ).  ».  Je 
crains  qu'il  n'y  ait  ici  une  méprise  :  car  Yéxid  étoit  Pennemi  déclaré  de 
la  famille  (TAU  ,  comme  l'histoire  nous  l'atteste.  Quoi  qu'il  en  sort*  las 
partisans  de  la  doctrine  des  schihes  sont ,  à  ce  qu'il  paroi t ,  très-nom- 
breux parmi  les  Arabes  qui  habitent  Médine  et  les  contrées  voisines;  et 
comme  le  remarque  nôtre  voyageur ,  il  est  asseï  singulier  de  voir  que 
las  deux  lieux  les  plus  saints  au*y»u*des  musulmans  orthodoxes,  soient 
entourés,  l'un  par  les  sectateurs  de  Zéid,  l'autre  par  ceux  dTAfi,  sans  que 
les  orthodoxes  fassent  aucun  effort  pour  les  en  éloigner.  Il  se  trouve  aussi 
à  Médine  quelques  descendans  de  la  famille  dea  khalifes  Abbasides, 
qu'on  nomme)  il  cause  de  cela»  Kkéklifyyéh  CmJ^x  ils  sont  réduits  k 
une  grande  pauvreté. 

Les  familles  d'origine  étrangère  qui ,  comme  nous  l'avons  dit , 
forment  fa  masse  de  (a  population  de  Médine,  sont  originaires,  pour  la 
plus  grande  partie,  des  contrées  méridionales  de  la  péninsule,  c*est-fc- 
drre,  du  Yémen  et  du  Hadhramaut,  ou  bien  de  la  Syrie,  de  TÉgypfe  et  de 
la  Barbarie.  Les  familles  originaires  desfontrées  septentrionales  de  Tenf- 
pire  turc,  y  sont  aussi  en  grand  nombre.  Il  y  a  encore  des  Indiens, 
mais  ils  sont  moins  nombreux  ici  qu'à  la  Mecque.  Toutes  ces  familles 
étrangères,  k  l'exception  des  Indiens ,  se  distinguent  k  peine  des  Arabes 
indigènes,  k  la  seconde  ou  k  la  troisième  génération  ;  il  y  à  cependant 
dans  leurs  traits  et  dans  leur  couleur  quelque  chose  qui  ne  permet  pas  de 
les  confondre  avec  lea  Mecquoia. 

Il  y  a  beaucoup  moins  de  mendtans  k  Médine  qu'à  la  Mecque  ; 
mais  si  les  Médinois  ont  quelque  avantage  sous  ce  point  de  vue,  H  se 
trouve  compensé  par  pu  usage  asset  bicarré  qui  leur  est  particulier.  If 
est  peu  dliaMtans  de  Médite  qui*  aykf*  *eç»  quelque  éducation,  et 


•  MARS   1830:  *tf> 

sachant  lire  et  édrire ,  «ne  fasse  une  fois  ou  deux  en  sa  vie  un  voyage  en 
Turatue,  exprès  pour  y  mendier  et  recueillir  des  aumônes.  Ces t  surtout 
à  Constantinopie  qu'Us  Vont  exercer  ce  genre  # industrie  ;  et  en  leur 
qualité  de  natifs  de  la  vil  Je  qui  possède  le  tombeau  dû  prophète ,  fis  sont 
généralement  bien  accueillis  des  grands  et  des  hommes  riches.  Après  y 
avoir  résidé  une  couple  dVvnnées,  ils  achètent  une  pacotille  avec  les 
aumônes  qu'ils  ont  recueillies,  et  retournent  dans  leur  patrie.  Constanti- 
nopie n'est  pas  la  seule  ville  qu'ils  mettent  ainsi  à  contribution  ;  on  en 
trouve  au  Caire  et  dans  toutes  les  grandes  villes  de  la  Syrie,  de  la  Natolie 
et  de  la iTucquië d'Europe:  Par-là  ils  apprennent  quelque  peu  de  turc, 
et  ils  ne  manquent  pas  ensuite  de  se  prévaloir  4e  cet  avantage  avec  les 
pèlerins  turcs  qui  viennent  à  Médine,  et  auprès  desquels  ils  tâchent  de 
se  faire  passer  pour  Turcs.  ... 

• .  Les  Médinois  sont  généralement  dtia  naturel  moins  gai  et  moêrfs' vif 
que  Ie&Mecquois  7 :ils  x>nt|  dans  toutes  fëurS  manières  plus  de  sérieux, 
beaucoup  moins  cependant  que  les  Turcs;  A  l'extérieur,  ils  paraissent  plus 
religieux  que  leurs  voisirts  du  midi  fils  observent  avec  une  exactitude  plus 
rigoureuse  les  rites  sacrés ,  et  la  décence  publique  e$t  bien  phts  respectée 
à  Médinequ'à  Ja  Mecque;  mais  dltate  Je  particulier, leur  moralité  est  à;péu- 
prèf  an  même  jriî*eau.  Toi»  le*-«*oyam  possibles  sont  mis  en  jeu  p$Ur 
eircQii venir  tes. pèlerins.  Les  vices  qui  déshonorent  les  Mec^uois  régnent 
aussi  à  Médrne ,  et  entre  autres  Tabus  des  liqueurs  enivrantes.  Au  total, 
si  l'on  en  croit  Burckhardt,  tout  ce  qu'on  peut  dire,  c'est  qu'il -y  a  phts 
d'hypocrisie  cher  les  Médinois;  ils  cherchent  à  se  rapprocher  du  cafac- 
tère  des  Turcs  ,  et  par  suite  de  cela  ils  renoncent  aux  «eu les  qualités  ësti- 
mables.qui  distinguent  le*  ha|)it3n* de  la,  Mecque*  On  cr^oirtofonrierè 
qu'il  y  a  plus. dé  richesses  à  Médine  qu'à  le  Mecque,  parce  tjfce  les  habf- 
tans  de  la  première  de  ces  villes  sont  vêtus  avec  plus  de  recherche  et 
d'élégance;  et,  tout  au  contraire,  il  n'y  a  aucune  comparaison  à  cet 
égard  entre  la  niasse  des  proprié  tés  des  Médinois  et  celles  des  Mecqtio& 
Dans  leur  intérieur,  les  habit  ans  de  Médine  vivent  avec  une  grande 
économie;  .mai*  leurs  maisons  sont  bien  meublées, > er, ils  déjrièniserft 
considérablement  pour  leurs  vêtemens.  Los  esclaves  sont  en  -moiifc  jgrëàtl 
nombre  ici  qu'à  la  Mecque  ;  on  y  trouve  cependant  des  ^c'avesabjsslhs. 
Les  (tînmes  des  cultivateurs  et  des  ha  bilans  des  faubourgs  servant 
cotntne  dotaient  jques  dans  les  maisons  de  la  ville;  A  Médbie ,  Jes  ftirùriéi 
se, (conduisent  avec  beaucoup.de  décence, *t  elles  jaufssëm  en  géri&f 
d'une  meilleure  réputation  que  cetieâde  Ppdda  et  de  fa  Mecque* (;  -'jJ 
:  l* commerce  à  Médme est  Bien  Jcài  d'être cqmpaaahAeà'  cèfi« cfirt se 
6it  k :  far»  AftfHfif,  ,  Utflfagéèf  e  ipopa  objet;  que  fc  consens  rciwt/  ftétaéHfei 

Y 


i/o  JOURIUfc  DES  SAVÀNS, 

la  yill^  et  TapiMV^iQontMiiet^  de*  Bédouins:  voisina  1*3  xnarchaiidiee* 
y.^tr^çvç»  pv  b  V4>i^4e  iKstaba*  et  «ont  presque  exdujiveraenom- 
portai  de  i'£g¥ptftiitJ  ^V*  point -à  Médine  de  négocians  qui  nient  des 
capi^x_çoftf^rftbIc£» .et  il  oie  t'y  fait  guère  d'autre  négoce  qu'un 
commerce  de  déuûl,  Toute  personne  qui  possède  un  capital,  le  placé, 
cqmjçe.  c>rt  aussi  fumage  en,  Syrie  et  en  Egypte;  en  mardtandisçs*  parce 
qty*  c'est  le  s^uj. moyen  de  lui  faire  produire  des  intérêts;  car  il  n'y  a  ni 
banques,  ni  compagnies». ni  fonds  publics  dans  lesquels  un  capitaliste 
pufc$e  verser  ses  économies  pouf  s'assurer  un  revenu.  La  loi  musulmane 
(Tableurs  prohibe  tout  placement  à  intérêt,  lie  plus,  H  rç'est  pas  sans 
fbpiger  d'acquérir  des  propriétés  foncières.  II  ne  reste  donc  qu'un  -seul 
J^oyen  de  tir  et;  parti  de  ses  capitaux ,  c'est  de  contracter  société  avec  de 
petits  marchands  vendant  au  détail,  et  d'entrer  en  partage.de  leurs 
btat£ççs :  ^'a  méll^e  n*e$t  pas  exempt  d'embarras  ,v  parce  qu'if  faut 
s?n$  cesse  avoir  l'œil  ouvert  sut4  eux»  et  compter  souvent  avec  eux. 

Burclc^ardt  entre  d*ns  de  grands  détails  sur.  les  effets  que oq tétât  de 
çj^pses .  produit  sur  les  mœurs,  le  caractère  et  la  manière  d'être  des 
nations  spiMnise^  ï  fojçi  musulmane  et  au  despotisme  oriental  :  il  s'étend 
^u^i  beaucoup  su*-  b  nature  du  commerce  qui  occupe  les  habitans  de 
^é^ine.  £p  envoyant  £  son ^wuajgt.fa  In  U  iqjjimnji  de  connoître 
tputes  ç^  particularités.,  je  o$  pvtf  m'empêcher  de  ^ignifer  un  Ait 
rtfotif  au  goAver oeineai  de  Mébéns*t-Ali ,  ftk  que  Fauteur  a  consigné 
d^s  une  note. 

j*  ïV  une  ordqngptKe  9  dit-il ,  de  Mjéhémet-ÀK ,  rendue  en  1 8  j  3  , 
»  tqme  acquisition  .de. terre  en  Egypte  a  élé  renduç  impraticable;  car 
^çi^e  $taiuç  que  tous  (es  m/âr^cjn  ou  propriétaires,  de  terres  qui  parta- 
»g$pient  la  possession  .«Ife*  vtiltegts.et:  dés  biens -fonds,  et  qui  for- 
»  tqçîent  une  classe  <jTboroio#s  vivant  de  leurs  rentes  dans  le*  villes  pro- 
».  v incites ,  reoevfofet  à  l'avenir  du  trésor  du  pacha  leur  revenu  annuel... 
»  I^r  cette  même  ordonnshce»  tout  le,  soj  de  l'Egypte  est  déclaré  fa 
*  propre  tè  du  Gouverneme»*,  ou*  en  dauires  termes ,  de  Méhémet  Ali 
»  luwnème,  qui  en,  abandonnera  culture  aux  fellah,  à  telles,  conditions 
$  qu'il  jvgej:oi)yenabIes.  Il  est  arrivé  en  dernier  lieu  que  le»  ftlfoh  qui 
r afftrmpient  cinq  iniiie  acres  de  terres  dépendant  du  village  de  Dam- 
vJ^Qip,  près  du  Caire,  ont  été  dépouillés  de  leur  location  lorsque  les 
^çife>.  on  ré  té  déc  tarées  propriété  publique,  f>arce  qu'H  a  plu  à 
Y^4éWti^i-ÀH  ote/aire  semer  de  la  luzerne^  pour  sa  cavalerie,  dans  les 
»  champ*,  que  cuôi  voient  ces  fellaL  ià 

,£o  remont aut  è  l'origine  des  droits  des  mmlté^tm,  on  reconnoîtrbit 
ys^kiUf  que  le  gouvernement  pouvok,  spns  vgustké,  réparer  dans  la* 


MARS  1830.  *7* 

propriété  des  villages  qui  ne  leur  .avoient  jamais  été  légalement  et  corn- 
pleuraient  aliénés;  mais  c'est  véritablement  à  l'égard  des  fellah 
qu'une  telle  mesure  est  éminemment  vexatoire,  en  même  temps  qu'elfe  est 
impoli  tique  *  et  qu'elle  ne  peut  que  tarir  la  source  des  revenus  publics. 

Aucun  habitant  de  Médine,  excepté  le  schéikh-elharam ,  c'est-à-dire 
l'intendant  de  la  mosquée  et  quelques  gens  de  sa  suite ,  n'entretient  de 
chevaux.  Quelques  familles  riches  ont  des  mulets  et  des  dromadaires. 
Les  ânes  y  sont  très-communs,  sur  ?  tout  parmi  les  cultivateurs;  qui 
sren  servent  pour  apporter  à  la  ville  le  produit  des  terres,  qu'ils  fonk 
valoir.  Les  besoins  de  l'armée  turque  ont  diminué  considérablement  le 
nombre  des  chaifieaux  qu'entretenoient  précédemment  les  cultivateurs  ; 
car  ceux-ci  se  sont  empressés  de  les  vendre,  dans  la  crainte  de  les  voir 
iheme  en  réquisition.  Les  Bédouins  qui  habitent  le  désert  à  l'orient,  & 
trois  ou  quatre  journées  de  distance  de  Médine,  possèdent  de  nombreux 
troupeaux  de  chameaux. 

II  rt'est  pas  indigne  de  remarque  qu'on  ne  souffre  aucun  chien  dans 
l'intérieur  de  la  ville;  ces  animaux  sont  rélégués  dans  les  faubourgs;  et 
l'on  veille  rigoureusement  à  l'exécution  de  celte  mesure,  dans  la  crainte 
sans  doute  que  quelque  chien  entrant  dans  la  mosquée  ne  profane  par 
des  ordures  la  sainteté  de  c©  lieu.  On  les  tolère  au  contraire  à  la  Mecque. 

Les  Médmois  ont  quelques  usages  particuliers  pai*  rapport  aux  morts, 
aux  enterremens  et  au  deuil.  Médine  est  peut-être,  dit  Burckhardt,  là 
seule  ville  des  contrées  orientales  où  l'on  n'entende  point  lés  femmes 
crier  et  hurler  à  la  mort  d'un  des  membres  d'une  famille.  On  sait  que 
cet  usage  est  général  dans  le  Levant»  et  que  même,  dans  certaines 
contrées,  on  loue  potfr  cela  des  femmes  qui  n'ont  point  d'autre  moyen 
de  gagner  leur  vie;  Rien  de  semblable  ne  se  pratique  à  Médine,  quoique 
cet  usage  soit  reçu  dans  d'autres  parties  du  Hedjaz  ;  on  rougirait  même 
de  se  laisser  aller  k  de  tels  cris.  «  Un  père  de  famille,  dit  notre  vajra- 
»  geur,  mourut  dans  une  maison  voisine  de  celle  où  je  demeurois.  Son 
»  décès  arriva  à  minuit,  et  son  fils  unique,  par  un  sentiment  tout  naturel, 
»  éclata  en  pleurs  et  en  lamentations.  J'entendis  alors- sa  mère  s'écritis: 
»  Pour  /'amour  de  Dieu,  mon  fils,  ne  etie^  pat.  Quelle  honte  de  crier  f 
m  Vous  al/e^  nous  rendre  la  fable  de  tout  le  voisinage.  Après  quelques 
»  momens,  elle  parvint  à  l'apaiser.  » 

Cet  usage  particulier  aux  Médinots  ne  tiendront- il  pas  au  sentiment 
qu'exprimoit  un  ancien  poète  arabe ,  qui  pensoit  que,  depuis  que  la  mort 
a  voit  frappé  Mahomet,  il  n'étoit  plus  permis  de  s'attendrir  sur  la  perte 
d'aucun  mortel! 

Lei femmes,  à  Médine,  ne  portent  point  fa  ctauf?  et  tous  ce  mp* 

Y  a 


i78  JOURNAL  DES  SAVANS, 

)K>rr,  elles  h  éloignent  dé  l'usage  observé  en  Egypte.  Burckhardt,  &  cette 
occasion  ,  fait  remarquer,  que  beaucoup  de  voyageurs  ont  avancé  qu'on 
-    tie  porte  point  de  vêtemens  de  deuii  dans  le  Levant  ;  mais  il  dit  que  cette 
assertion  est  fausse,  ou  du  moins  ne  s'appliqtfe  pas  à  l'Egypte  et  à  une 
partie  de  la  Syrie.  II  est  vrai  que  les  hommes  ne  portent  point  d'habits 
4e  deuil»  ce  qui,  si  Ton  en  croit  le  voyageur,  seroit  contraire  à  1  esprit 
de  la  loi  musulmane;  mais,  par  toute  l'Egypte,  (es/femmes  en  portent 
dans  Tinté  rieur  des  maisons.  Leur  costume  de  deuil  consiste  à  se  teindre 
les  mains  en  bleu ,  à  se  couvrir  la  tête  avec  un  bourko,  ^j,  ou  voile 
mûr,  et  à  suivre  ainsi  tes  convois  dans  les  rues  ;  elfes  ajoutent  à  cela ,  si 
elles  en  ont  le  moyen,  une  jupe  et  même  une  chemise  rtoire.JLIles  conti- 
nuent à  porter  le  deuil,  sept  jours  ou  quinze,  parfois  même  quarante  jours; 
Il  est  vrai,  comme  le  dit  notre  voyageur,  que  les  habits  de  deuil,  et 
surtout  les  vêtemens  noirs  r  ne  sont  point  en  usage  pour  les  hommes 
dans  les  contrées  musulmanes.  Je  doute  cependant  que  cela  tienne  à  la 
religion  ;  car  nous  apprenons  de  M.  Mouradgea  d'Ohsson,  qu'à  la  mort 
des  sultans  ottomans,  toute  la  cour  portoit  autrefois,  pendant  trois 
jours,  des  habits  de  camelot  noir  ou  bran,  et  qu'on  couvroît  là  turban 
cTane  mousseline  noire-  Nous  savons  aussi  que  les  descendons  d'Abbas 
avorent  adopté  la  couleur  nfrirTrmSfnr-Trri  li^m  fia  rritfrnr  iJl  l'occa-' 
$ion  de  la  mort  violente  de  l'imam  Ibrahim,  fils  de  Mohammed.  Saâftr , 
dans   le  Gulistan,  parle  expressément  des  habits  de  deuil,  comme 
étant  de  couleur  noire.  Dans  le  deuil,  suivant  Chardin,  les  Persans 
portent  des  vêtemens  de  couleur  brune  ou  pâle.  Le  bleu  étoit  autrefois  „ 
en  Perse,  la  couleur  consacrée  aux  habits  de  deuir« 

Les  habitans  de  Médine  fêtent  d'une  manière  toute  spéciale  l'anni- 
versaire de  la  naissance  de  Mahomet,  fixé  au  douzième  jour  du  mois  de 
rébi  second.  C'est  pour  eux  comme  une  fête  nationale.  Les  boutiques 
soni  fermées  pendant  le  jour,  et  chacun  paroît  en  public  a\*c  ses  plus 
beaux  habits.  Les  ouléma*  et  un  grand  nombre  de  personnes,  se  réu- 
nissent de  grand  matin  dans  la  mosquée,  où  l'un  des  Matib  ou  prédi- 
cateurs, après  un  court  sermon,  lit  un  récit  de  la  vie  de  Mahomet,  depuis 
le  moment  de  sa  naissance  jusqu'à  sa  mort»  Ensuite  on  présente  à  (a 
compagnie  de  la  limonade  ou  de  l'infusion  de  réglisse.  Les  musulmans 
dévots  passent  en  prières  la  nuit  qui  précède  la  fête.  Cette  fêre  ayant 
eu'fteu  pendant  que  Burckhardt  étoit  à  Médine,  il  fut  témoin  de  la  manière 
dtmt  la  célébra  la  femme  de  Méhémet-Ali  pacha.   Cette  dame  qui, 
comme  on  l'a  vu  précédemment,  étoit  venue  cette  année  en  pèlerinage 
k  la  Mecque  avec  une  suite  nombreuse  et  tout  le  train  d'une  sultane,,* 
se^ftndh  ensuite  de  la  Mecque  à  Médine, riant  pour*  satisfaire  sa:  dévo- 


r 
1 


MARS  1830.  17} 

tion  que  pourvoir  son  fils  Tousoun-pacha.  Elle  passa  la  plus  grande  partie 
de  la  nuit  dans  la  mosquée.  De  retour  dans  une  maison  située  dans  le 
voisinage  immédiat  du  temple  *et  qu'elle  avoit  louée  exprès  pour  cela,  elle 
y  reçut  une  courte  visite  de  son  fils.  Lorsqu'elle  se  retira  pour  prendre 
quelques  heures  de  sommeil»  Tousoun  fit  placer  un  tapis  au  milieu  de 
la  rue,  et  y  dormit  près  du  seuil  de  la  ma^on  qu'occupoit  sa  mère, 
Hurckhardt,  à  cette  occasion,  fait  l'éloge  de  la  mère  et  du  fils.  Tousoun 
lui  paroît  être  le  seul  personnage  de  toute  la  famille  de  Méhémet-Ali 
qui  eût  un  caractère  noble  et  des  sentimens  élevés  ;  ses  ennemis  mêmes 
ne  lui  refu  soient  pas  de  la  valeur,  de  la  générosité,  de  la  piété  filiale  et 
un  bon  naturel.  Notre  voyageur  reconnoît  au  reste  avec  regret  que ,  pour 
les  talens  de  l'esprit ,  il  étoit  aussi  inférieur  à  son  père  et  à  son  frère  Ibra- 
him, qu'il  leur  étoit  supérieur  sous  le  point  de  vue  du  caractère  moral.  La 
mère  de  Tousoun  lui  fit  des  présens  magnifiques ,  évalués  à  25,000  liv. 
sterling.  Les  sommes  qu'elle  distribua  pour  le  service  de  la  mosquée  et  le 
soulagement  des  pauvres,  la  firent  considérer  à  Médine  comme  un  ange 
envoyé  du  ciel. 

.Sous    le  point   de  vue   du  gouvernement   et  de-  l'administration 
publique,    le  sort   de  Médine  n'a  pas  moins  varié  que  celui   de  la 
Mecque.  Pour  ne  pas  remonter  pîu3  haut  que  la  domination  ottomane, 
une  garnison  turque  y  fut  placée ,  du  temps  de  Sélim  I  et  de  son  fils 
Soliman,  sous  le  commandement  çfun  aga  qui  fût  le  gouverneur  mili- 
taire de  la  ville ,  tandis  que  le  gouvernement  civil  demeura  entre  les 
mains  de  l'intendant  ou  prévôt  du  temple,  nommé  Schéikh-elharam  ou 
Aga-elharam.  Celui-ci  avoit  le  même  rang  qui  appartient  aux  pachas 
dans  les  autres  villes,  et  il  devoit  entretenir  une  correspondance  régu- 
lière avec  la  capitale  de  l'empire.  Ce  mode  de  gouvernement  subsista, 
du  moins  de  droit,  jusqu'à  l'invasion  des  Wahhabites ,  si  Ton  excepte 
un  court  espace  de  quelques  annnées  vers  la  fin  du  XVI 1/  siècle,  pendant 
lequel  toute  la  ville  et  le  schéikh-elharam  lui-même  tombèrent  sous 
la  juridiction  du  schérif  de  la  Mecque.  Mais,  quoique  le  pouvoir  fût 
partagé  en  apparence  entre  l'aga  de  la  garnison  et  l'intendant  du  temple, 
ce  dernier,  ainsi  quelle  kadhi  envoyé  chaque  année  de  Constantinople , 
n'a  voit   qu'une    autorité    nominale»  et   le  gouverneur    militaire   lui* 
même  n'avoit  pas  assez  de  pouvoir  pour  empêcher  les  partis  qui  divi- 
soient  (a  population  de  la  ville  et  des  faubourgs ,  d'en  venir  aux  mains 
et  de  se  battre  quelquefois  des  mois  entiers.  Dans  (es  dernières  années 
du  xvii!.'  siècle,  et  les  premières  du  siècle  actuel,  un  n#mmé  H  as  an 
elkalaï,  aga  du  château ,  étoit  parvenu  à  concentrer  en  lui  seul  toute, 
l'autorité,  et  à  exercer  une  vraie  tyrannie.  Hasan  résista  d'abord  aux 


174  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Vahhabitcs  ;  mais  quand  il  vit  l'impossibilité  de  leur  tenir  tête  plus 
long- temps ,  il  rendit  (a  ville  à  Saoud  >  qui  fui  en  conserva  le  commande- 
ment. Hasan  se  montra  alors,  pour  (e  mafheur  des  habitant  de  Médine, 
sèlé  partisan  de  la  doctrine  des  Wahhabites,  et  empressé  de  lever  9  à 
quelque  prix  que  ce  fût,  les  taxes  imposées  à  cette  malheureuse  ville» 
qui  fut  traitée  avec  bien  plus  de  rigueur  que  la  Mecque.  Mais  la  fortune 
ne  parut  pas  plus  tôt  se  décider  en  faveur  de  Tousoun  et  contre  les 
Vahhabites ,  que  Hasan  négocia  avec  (e  général  turc  et  se  joignit  à  son 
armée.  II  fut  bien  accueilli  de  l'officier  qui  commandoit  les  troupes 
turques,  et  qui  se  nommoit  Ahmed  Bonaparte  ;  mais  quand  1er  Turcs 
n'eurent  plus  rien  à  attendre  ou  à  craindre  de  lui ,  il  fut  pris  et  envoyé  à 
Constantinople ,  où  H  périt  comme  iJ  J'avoit  mérité»  Tousoun  arriva  à 
Médine,  pour  prendre  le  gouvernement  de  cette* ville,  vers  la  fin  de 
i8*4*  H  s'y  conduisit  d'une  manière  tout  à-fait  impolitique,  et  il  y  fut 
remplacé  en  avril  1815  par  Méhémet-Aii ,  qui ,  mieux  avisé ,  s'occupa 
immédiatement  à  réparer  les.  fautes  de  son  fils.  Au  moment  où  Burclc- 
hardt  écrivoit,  (e  gouvernement  de  Médine  étoit  entre  les  mains  des 
Turcs;  et  l'autorité  ecclésiastique,  ainsi  que  les  intérêts  et  l'administra* 
don  financière  de  la  mosquée,  étoient  confiés  à  Xaga-ilharam,  qui  «voit 
à  son  service  soixante  ou  qnaffFTlrqjt*  nolrfntc,  m/lançr  dé  Turcs, 
d'Arabes ,  de  Mogrébins  et  de  Médinois.  Le  kadhi  et  le  chef  des  schérifii 
jouissoient  aussi  d'une- sorte  cfautorifé  et  de  considération.  La  place  de 
gouverneur  avoit  été  remplie  quelque  temps  par  un  Écossois,  Thomas 
Keïth,  autrement  Ibrahim  aga,  qui  avoit  été  trésorier  de  Tousoun- pacha, 
II  est  temps  de  revenir  &  notre  voyageur.  A  peine  arrivé  à  Médine, 
il  y  fut  pris  d'une  fièvre  intermittente,  qui  bientôt  devint  quotidienne,  et 
fat  accompagnée  de  fréquens  vomissemens  et  de  sueurs  abondantes.  Au 
bout  cf un  mois,  il  y  eut  dans  son  état  une  amélioration  qui  dura  une 
feroame;  mais  ensuite  fa  fièvre  reparut  avec  plus  de  violence,  prit  déci- 
dément (e  caractère  de  fièvre  tierce,  accompagnée,  comme  dans  le 
principe ,  de  vomissemens  et  quelquefois  de  défaillances ,  et  produisit 
une  prostration  absolue  des  forces.  Le  malade  croyoit  que  Médine4 
seroit  son  tombeau.  Toutefois,  au  commenoemtht  d'avril  181  j,  le 
retour  de  la  chaleur  du  printemps  mit  fin  à  sa  maladie,  dont  H  lui  resta 
néanmoins  une  fbiblesse  extrême.  Abandonnant  alors  le  plan  de  voyage 
qu'il  s'étoit  d'abord  tracé,  et  qui  aurait  exigé  des  forces  et  du  temps,  il 
résolut  4e  se  rendre  au  port  de  Yambo,  et  de  s'y  embarquer  pour 
retourner  immédiatement  en  Egypte.  Ii  partit  donc  de  Médine  pour 
Yambo ,  le  i  1  avril  :  il  avoit  séjourné  k  Médine  trois  mois  moins  *ix 
jours,  espace  de  temps  dont  H  avoit  passé  huit  semaines  au  lit. 


MARS   1830.  *7$ 

Xi  partie  la  plus  remarquable  de  la  relation  de  son  voyage  h  Yambo 
e$l  la  description  de  h  ville  et  des  environs  de  Béder-Honéin ,  lie»  si 
ftmeux  dans  l'histoire  de  Mahomet  et  de  fa  fondation  de  l'islamisme  ; 
mais  |e  me  borne  à  l'indiquer.  Béder-Honéin  a  un  marché  pareil  à  celui 
de  Ssafra ,  et  n'est  éloigné  de  la  mer  que  d'une  journée  de  marche. 

A  peine  arrivé  à  Yambo,  le  voyageur  soupçonna  que  la  peste  régnoit 
dans  cette  ville:  quoique  d'abord  les  Musulmans  à  qui  il  fit  part  de  ses 
craintes  regardassent  un  pareil  soupçon  comme  un  blasphème,  persuadés 
que  la  contrée  sanctifiée  par  la  possession  des  deux  villes  saintes  est 
préservée  de  ce  fléau  par  la  providence,  Burckhardt  acquit  bientôt  la 
certitude  qu'il  ne  s'étoit  point  trompé  ;  la  peste  y  étoit  même  d'une 
nature  très-maligne,  et  y  foi  soit  beaucoup  de  ravages.  Le  voyageur  exa- 
mine, à  cette  occasion ,  à  quoi  se  bornent,  dans  la  réalité,  les  consé- 
quences 8e  la  doctrine  musulmane,  relativement  aux  précautions  qu'on 
pourrait  prendre  pour  arrêter  les  effets  de  la  contagion  ou  prévenir 
l'introduction  de  la  maladie.  Pressé  de  terminer  cet  article ,  je  dirai  seu- 
lement que,  dans  son  opinion,  ce  qui  s'oppose  le  plus,  en  Egypte  sur- 
tout, à  rétablissement  d'un  système  de  quarantaine,  c'est  la  cupidité 
du  pacha,  dont  le  trésor  s'enrichit  des  successions  de  ton*  les  étrangers 
que- la  peste  moissonne.  Fn  un«  »<mIc  année,  ce  droit  d'aubaine  a  Valu- 
dix  millions  de  piastres  à  Méhémet-AIi.  On  conviendra  facilement  que, 
pour. un  homme  comme  lui,  il  est  difficile  de  renoncer,  de  gaieté  de' 
cœur,  à  un  bénéfice  qui  coûte  si  peu. 

Les  Arabes  ont  recours  à  une  singulière  pratique  superstitieuse  pour 
se  délivrer  de  la  peste.  Lorsque  la  maladie  étoit  dans  sa  plus  grande 
violence,  les  Arabes  domiciliés  à  Yambo  prirent  une  femelle  de  cha- 
meau qu'ils  conduisirent  en  procession  dans  la  ville,  après  lavoir  cou- 
verte de  toute  sorte  oTornemens,  comme  plumes,  grelots,  Ac.  Attiré* 
au  cimetière,  ils  la  tuèrent,  et  en  jetèrent  la  chair  aux  vautours  et  aux 
chiens.  11$  espéroient  que  la  peste,  disséminée  par  toute  la  ville,  vien- 
drait se  réfugier  dans  le  corps  de  cet  animal,  et  qu'en  léguant  ils 
seroient  délivrés  de  cette  maladif.  * 

La  description  de  Yambo  mértteroit  de  m'arrêter  quelque  temps;  maïs 
je  dois  la  passer  sous  silence,  et  terminer  cet  article  en  disant  un  mot  du 
retour  du  voyageur  au  Caire.  II  s'embarqua  le  1  j  de  mai  sur  une  grande 
barque,  chargée  de  grains  qu'elle  devoit  débarquer  à  Koséir.  L'espérance 
qu'il  a  voit  conçue  d'échapper  à  la  peste  en  quittant  Yambo,  ne  se  réalisa 
point  ;  du  moins  eut-il  tout  lieu  de  croire  que  quelques-uns  des  passagers 
portaient  le  germe  de  cette  maladie,  et  que  deux  d'entre  eux  en  mou* 
rurent.  Il  suppose  que  les  fréquens  vomissemenf  causés  par  le  mal  de  mer, 


\76  JOURNAL  DES  SAVANS, 

empêchèrent  chez  les  autres  le  développement  de  la  maladie.  Pour  lui, 
il  souffrit  beaucoup  de  la  fièvre  pendant  la  traversée.  Arrivé ,  après  vingt 
jours  de  navigation ,  à  Ras-Abou-Mohammed,  qui  forme  la  pointe  de  la 
presqu'île  du  mont  Sinaï,'  il  désira  se  faire  mettre  à  terre,  la  route  étant 
bien  moins  longue  de  là  au  Caire»  que  de  Koséir  à  la  même  ville..  Au 
mpyen  de  quatre  dollars,  il  persuada  au  pilote  de  se  déranger  un  peirde 
sa  route,  et  d'entrer  dans  le  port  de  Scherm ,  éloigné  de  quatre  ou  cinq 
heures  de  distance  de  Ras-Abou-Mohammed.  Scherm  est  à  l'entrée  du 
golfe  cTAkaba,  et  'c'est  le  meilleur  port  du  rivage  occidental  du  golfe. 
Delà  Burckhardt  se  rendit,  avec  cinq  ou  six  militaires  qui  a  voient 
quitta  Yambo  six  jours  avant  lui  sur  un  autre  bâtiment ,  et  avec  quelques 
autres  personnes, à  travers  le  désert,  à  Tor,  où  ils  arrivèrent  le  8  juin,  et 
trouvèrent  l'épouse  de  Méhémet-Ali,  qui  y  étoit  depuis  quelques  jours. 
Burckhardt,.  instruit  que  la  peste  régnoit  à  Sues  et  au  Caire,  e't  pensant 
que  le  retour  de  la  belle  saison  ne  tarderoit  pas  à  la  faire  disparaître, 
désirant  d'ailleurs  prendre  quelques  jours  de  repos  pour  rétablir  sa  santé, 
alla  se  loger  dans  un  petit  village  nommé  Eiwadi,  village  situé  dans  une 
plaine  élevée,  à  peu  de  distance  de  Tor.  Ce  séjour  lui  fut  très- salutaire. 
II  ne  le  quitta  que  le_xzjujn ,  et  arriva  le  a4  du  même  mois  au  Caire , 

dans  un  état  de  santé  mrorfTTTnmri  U jj.,  (jnj  sjmrfmhi  bientôt 

par  le  repos ,  la  bonne  nourriture ,  tin  exercice  modéré ,  et  le  plaislr-da  se 
retrouver  avec  ses  amis ,  et  de  recevoir  des  nouvelles  satisfaisantes  de 
l'Europe. 

A  (a  relation  de  Burckhardt  est  joint  un  Appcndix  composé  de  dix 
articles  qui  complètent  plusieurs  des  notices  ou  des  descriptions  con* 
tenues  dans  l'ouvrage ,  puis  un  Index  des  mots  arabes  répandus  "dans 
la  relation,  et  qui  sont  écrits  ici  en  caractères  arabes,  avec  l'indication 
des  pages  où  ils  se  trouvent.  M  est  à  regretter  que  cet  Index  soit  loin 
d'être  complet. 

SILVESTRE  DÉ  SACY. 


r*T- 


MÀRS-1830.  l77 

C ATA  LOGO  di  scche  Antichità  ctrusche  trovate    tiegli   suivi  del 
principe   di  Canino,    1828-182^.    Viterbo,  f'/i-^t.'  ,    135 
pages,  182p. 

SECOND   ARTICLE. 


Cest  sur  tout  la  classe  des  vases  historiques,  si  nombreuse  et  si 
intéressante  dans  cette  collection  de  Canino ,  qui  montre  d'une  double 
manière,  et  par  la  présence  des  mythes  helléniques,  et  par  celle  des 
inscriptions  grecques  qui  s'y  produisent,  à  quelle  source  et  à  quelle 
école  avoient  été  peintes  ces  représentations ,  d'un  art  et  d'une  industrie 
réputés  étrusques.  Telle  est  la  quantité  des  sujets  découverts  jusqu'ici 
dans  cette  seule  partie  du  territoire  de  l'antique  Etrurie,  que  notre  cycle 
héroïque  s'en  trouve  considérablement  agrandi  sur  tous  les  points,  et 
l'on  peut  dire  presque  au-delà  de  toute  attente.  Dans  le  nombre  de  ces 
sujets,  les  plus  rares  et  les  plus  remarquables  par  la  représentation  même 
ou  par  les  circonstances  nouvelles  qui  s'y  produisent,  j'indiquerai  d'abord 
le.  mythe  de  Thétis  et  de  Pélie.  q«»  «V  UIontre  quatre  fois  ,  une  fois  sur- 
tout avec  les  noms  eEJls<>  riELEvs,  nONTMEAA  (  sic  ) ,  pour  hONTO- 
MEAA  ,  XIPON,  noms  qui  désignent  si  manifestement  les  qua:re  per-  * 
•onnages  de  cette  scène  mythologique,  Thétis ,  Pelée,  la  nymphe 
marine  Pontom.'da,  et  le  centaure  Chiron.  Un  cinquième  nom,  nATPO- 
KLIA,  qui  n'est  en  rapport  avec  aucun  personnage,  me  paioît  devoir 
désigner  des  jeux  funèbre*  célébrés  en  l'honneur  de  Patrbcle,  et  dans  lesquels 
jdes  vases  semblables  à  celui-ci  auraient  pu  être  distribués  en  prix;  de 
manière  qu'il  faudroit  sous-entendre  ici  le  mot  A0AA,  ou  tout  autre 
terme  équivalent.  Les  sujets  relatifs  à  Achille  sont  pareillement  du 
nonîbre  de  ceux  qui  se  recommandent  par  la  nouveauté  des  faits, 
l'importance  des  compositions ,  et  Je  mérite  des  inscriptions  qui  les 
accompagnent.  Huit  peintures,  dont  six  ornées  des  noms  des  per- 
sonnages qui  y  figurent,  nous  montrent  la  dispute  d'Achille  et  d'Aga- 
memnon,  n.°  1737;  la  mort  de  Patroc/e,   avec  les  noms  homériques 

•ONIXS    (sic),    ANTILOXOS,  AIOMEDES,   IPIS,   IIATPOKLOS,  AÎAS, 

NESTQP,  AINEAS,  HimsOs  (sic) ,  et  de  plus  avec  le  nom  du  peintre 
[l]ETXSieEOS  EHOIESE,  n.°  i  i2o;  la  mort  de  Troilus,  sujet  représenté 
deux  fois  en  deux  compositions  différentes ,  *n.°  $29  et  n.°  5 68,; . le 
combat  d'Achille  centre  Hector  ,  en  présence  de  Minerve  et  de  Merciire t 
où  )%  ne  puis  m'empêcher  de  remarquer,  à  l'appui  des  observations  qui 

z 


178  JOURNAL  DES  SAVANS, 

fai  présentées  ajjleurs  (  i  Jf  que  le  héros  grec  est  caractérisé  par  le  scorpion 
peint  sur  son  bouclier,  et  par  le  loup  qui  décore  son  casque  :  doublé 
signe  héraldique"  tout-à-fait  propre  à  Achille,  n.°  1381;  Achille  traînant 
le  corps  d'Hector,  n.°  527;  Priant  aux  pieds  d'Achille,  n.°  806  j  et  enfin 
la  mort  d'Achi  le  lui-même,  vaste  et  superbe  composition,-  où  figurent  les 
personnages,  tous  désignés  par  leurs  noms,  dePAPis,  MENELEOS  (sic  ), 

AXILE05   (sic),  AIAS,  NE.  TITOLEMOS  ,    AINEA3,  N.  1PIOS    (sic\  Je 

ne  ferai,  sur  un  seul  de  ces  vases,  qu'une  courte  observation;  c'est  re- 
lativement à  la  peinture  qui  représente  Hector  traîné  au  char  d'Achille, 
avec  une  troisième  petite  figure  volant  en  l'air,  que  j'avois  ccu  pouvoir 
interpréter,  sur  une  peinture  semblable  d'un  vase  trouvé  à  Girgenti, 
par  Photos,  le  Génie  de  la  Terreur  personnifié.  Lès  inscriptions  qui  se  lisent 
*Ùf  celui-ci  :  A XI LE vs,  HEKTOP  ,  nTPOKLOS  (sic),  ne  laissent  plus 
aucun  lieu  de  douter  que  cette  petite  figure  ne  soit  le  spectre  de 
Patrocle  excitant  la  vengeance  d'Achille,  et  justifiant  par  cette  apparition 
l'excès  oïi  se  porte  la  fureur  du  héïos  (2).  Un  autre  mot  qui  se  lit  dans 
le  champ  de  cette  peinture,  KONIOS,  fait  sans  doute  allusion  au  sujet 
qu'elle  représente,  par  le  rapport  qu'offre  ce  mot  avec  ce  corps  traîné 
dans  la  poussière  \  et  il  est  probable  que  c'était'  par  ce  nom  de  KONIOS 
qu'nn  ftesignnifT  sur  lesmoiîmngrTrfigrH-^^t^Tc  pnre3r^2çK  rjng  Ja  Table 
iliaque,  la  circonstance  dont  il  s'agit.  J  a jouterai.qu'au- dessous  de  crm<? 
•peinture  se  trouve  une  seconde  composition ,  d'un  ordre  pareillement 
héroïque,  représentant  cinq  femmes  armées  et  à  cheval ,  où  l'on  ne  peut 
méconnoître  des  Amajones ,  sousie  costume  quelles  avoient  reçu  de 
Fart  grec ,  deux  desquelles  sont  désignées  par  des  noms  pufement 
grecs,  an[«T]pomaxe,  AlPEno  (pour  AiPQrra),  déjà  connus,  lèpre-  * 
inier  du  moins,  par  d'autres  monumens  du  même  genre  (3). 

J'excéderais  de  beaucoup  les  bornes  où  je  dois  me  renfermer,  si  \q 
me  laissais  entraînera  citer,  même  dans  une  simple  énumération,  tous 
les  sujets  remarquables ,  constatés  par  les  noms  grecs  qui  les  accom- 
pagnent, que  présente  la  collection  des  vases  de  Canino.  Les  principaux 
héros  d'Homère,  l/lysse ,  Diomide ,  Mené  las,  Paris  ,,Hectorm,  Pria  m  , 
sont  ceux  qui  y  figurent  le  plus  souvent,  soit  réunis  et  groupés  dans 


?**■ 


,  î.(j)  Afcmnàens  Inédits,  Achilléide,  p.  34»  note  2*  —  (2)  ^y*  mes  Monument 
inédits,  Achilléide,  pi.  XVIIÎ,  i  ,  p.  86.-—  (3)  Le  nom  ANûPOMAXE  se  lit  sur 
oh  vflse  de  la  collection  de  M.  Dorow,  représentant  le  combat  d'Hercule  et 
dune  Amazone  ;  vase  à  l'.occasion  duquel  j'ai  cité  moi-même,  Journal  des 
Skvàrh ,  mars  1829,  p.  140,  un  autre  vase  du  musée  de  Naplcs,  décrit  par 
$4i&*nofkarJYfapels  i»f.  Bildwerke t  1,  350,  où  le  même  nom  est  donné  è 


.  * 


MARS    1830.  -  179 

une  action  commune,  soit  isolés,  dans  des  actions  particulières.  Mah 
parti)!  ces  héros  célébrés  par  les  traditions  helléniques,  celui  dont  fe 
nom  ne  s'étoit  encore  produit  sur  aucun  monument  de  Part  grec,  dont 
la  présence  même  y  étoit  si  rare  (  1) ,  et  dont  la  renommée  ne  sembloit 
guère  dater  que  de  la  période  romaine,  Enée  doit  être  signalé  comme 
un  des  personnages  héroïques  directement  puisés  dans  les  poésies 
cycliques',  dont  l'apparition  nouvelle  constate  de  plus  en  plus  {origine 
et  la  YabriqiJe  grecques  des  vases  qui  en  sont  ornés.  Voy.  les  vases  ' 
n.°*  58,  66.  et  )6y.  La  même  induction  résulteroit  encore  de  cette  foule 
de  noms  propres  tracés  sur  ces  vases ,  avec  ou  sans  l'acclamation 
ordinaire  kalos,  KAle,  qui  enrichissent  nôtre  nomenclature  de  noms 
grecs  régulièrement  formés,  et  presque  tous  significatifs,  la  plupart 
appartenant  sans  doute  aux  personnes  mêmes  à  qui  les  vases  étoient 
destinés,  quelques-uns  en  rapport  -avec  les  personnages  représentés, 
ttls  par  exemple  que  le  nom  ZEYXsinnos  (#U  pour  désigner  le  cocher 
de  Ménélas,  n.°  1757,  ou  le  mot  yOîlOUOS,  il  Canuto  (3)  ,  pour 
indiquer  Je  Vieux  (Priam)  ,  ou  celui  d'oiO0OPA-J-2  ,  OioôwpaÇ,  pour 
désigner  Ulysse,  suivant  une  conjecture,  qui  me  paroît  pourtant  plu* 
ingénieuse  que  solide,  de  M.  Panofka  (4);  noms  sur  la  formation  et 
l'orthographe  desquels  il  y  nu  mît  tout  de  remarques  philologiques  à  faire, 
que  le  défaut  d'espace  m'oblige  de  supprimer.  Mais  il  est  une  observation 
générale  qu'on  me  permettra  de  consigner  ici,  et  qui  n'est  pas  sans 
quelque  importance  pour  la  décision  de  la  question  qui  nous  occupe: 
c'est  que  la  plupart  des  noms  propres  dont  il  s'agit,  même  sous  la  forme 
incorrecte  qu'ils  ont  reçue  de  la  main  de  l'ouvrier  subalterne  chargé  de 
cette  partie  du  travail ,  accusent  manifestement  la  source  grecque  ou  ili 
étoient  puisés,  par  des  fautes  qui  tiennent  à  la  prononciation  grecque,  et 
qui  sans  doute  n'avoient  rien  de  commun  avec  la  langue  étrusque.  J'en 
citerai  un  exemple  remarquable ,  dans  le  vase  p.  1 <$4  J ,  n.°  1 4)  >  ou  se 

«<^ -  ■     ■   ■      ■— ■— — — -■     .  ■  ■ .  ii  ■  — — — ■ — — —  ■■  11  ■  — — — — *— »^ » 

(1)  Effectivement,  après  le  célèbre  vase  de  Vivenzio,  on  ne  connoissoit 
guère  de  composition  grecque  relative  à  Enée,  qu'un  vase  de  Tischbein,  ÏW\ 
60,  et  un  second  vase  a-peu-près  pareil,  ibid.  IV,  53,  mais  où  Ton  pourrott* 
tvee  plus  de  probabilité,  voir  A) ax portant  le  ctfrps  d' Achille ,  ainsi  que  ytn 
11  hasardé  la  conjecture,  dans  mes  Monument  inédits,  Acbilléide,  p.  109, 
—  (2)#Ce  mot  est  écrit,  dans  le  catalogue,  p.  155,  IvXsinilOS;  mais  je  nç 
trois  pas  que  Ton  puisse  le  lire  autrement  que  ZETEiniTOS,  ni  que  cerft 
lecture  soit  sujette  au  moindre  doute.  —  (])  Ainsi  que  1'inteTprètc  trés-)«4t* 
«feulement,  à  mon  avis,  le  tavant  Od.  Gerhard,  BuUetino  Ac,  J.  f<4 
— *  (4)  BuLctino  &c,  pag.  141. 

Z  X 


i8o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

lisent,  entre  autres  noms  grecs,  parfaitement  tracés  et  régulièrement 

composés,  EPATOS0ENES,  KE<DISO*ON,  ANBPOSION  (sic)j  AOPOeBOS, 
OLVMriJOAOPOS,  BATPAXOS,  EV.  AOPAS  (  ETATOPAS),  XArPES,  KlEON, 
TIMON,    PAXOS  ,  <ï>OPMOS    (  AfcOPMOS  l  )  ,   GP1NHIS,   d'autres    noms 

altérés  par  suite  de  fa  prononciation  vulgaire,  XLlSOGOS/pour  KLEO- 
SO<I>OS ,  et  Klibvlon,  pour ^KleOBOYlOs.  II  est  évident  que,  dans  ce 
cas  et  dans  beaucoup  d'autres  semblables  »  Jes  fautes  commises  dans  la 
'  transcription  des  mots  grecs,  résultent  de  la  routine  de  PouVrier  grec,  et 
deviennent  ainsi  une  sorte  de  certificat  de  la  fabrique  grecque  des  vases 
qui  les  présentent. 

Pressé  par  le  défaut  de  temps  et  d'espace ,  je  suis  obligé  de  supprimer 
les  observations  auxquelles  pourroient  donner  lieu  ces  nombreux  traits 
de  mœurs  grecques  que  présente  la  collection  des  vases  de  Canino, 
de  particularités  relatives  aux  jeux  et  aux  festins,  aux  mariages,  aux 
cérémonies  sacrées,  aux  exercices  gymnastiques,  toutes  représentées  dan* 
Je  costume  grec  le  plus  pur,  et  joutes  conséquemment  conduisant  au 
même  résultat,  c'est  à  savoir  que  des  monumens  liés  aussi  intimement 
au  système  de  la  civilisation  hellénique  n'ont  pu  provenir  que  d'une 
fabrique  grecque.  Mais,  forcé  de  me  renfermer  dans  l'argument  qui  m'a 
paru  d'abord  le  plus  décisïrXcè^r^gjn^-^JnLd^^^tures  qui  accom- 
pagnent les  compositions  figurées,  je  passe  à  la  dernière  classera* 
inscriptions  que  je  me  suis  proposé  d'examiner,  et  d'où  résulte,  à  pion 
aviSj  fa  preuve  sans  réplique,  que  les  vases  ornés  de  ces  inscriptions 
appartiennent  exclusivement  à  la  Grèce,  à  ses  croyances  historiques 
ou  religieuses ,  à  ses  arts  et  à  ses  fabriques. 

*  II  s'agit  des  inscriptions  qui  offrent  ou  une  formule  générale  sou- 
vent répétée  ,  ou  quelque  sentence  particulière  en  rapport  avec  Pusage 
et  avec  la  destination  du  vase  qui  la  présente.  Telle  est  Pexclamation 
ordinaire:  HOIIAISKALOS,  qui  se  lit  sur  une  foule  de  vases,  parmi 
lesquels  j'en  citerai  un  seul ,  de  la  forme  depatère%  n."  571,  p.  8  3  ,  oit 
cette  formule  ,  si  commune  sur  les  vasçs  campaniens  et  siciliens  de  tout 
âge  et  de  toute  fabrique,  se  trouve  répétée  jusqu'à  on^e  fois,  tant  au 
dehors  qu'au  dedans  de  la  patère,  avec  cette  particularité  neuve  et 
curieuse,  que  le  mot  KALE  s'y  lit  de  plus,  gravé  dans  le  champ  d'un  miroir 
tracé  de  même  à  la  pointe:  ce  qui  établit  si  clairement  et  le  sens  de 
éè  motet  Pintention  de  cet  instrument.  Une  inscription  dont  le  sens 
jraalôgue  à  celui-là  n'est  pas  moins  manifestement  puisé  dans  la 
lijBgue.ét  dans  les  usages  de  la  Grèce,  est  celle  de  KALOS  El,  tu  es 
Jqpt ,.qui jse  lit,  d'une  manière  plus  ou  moins  incorrecte,  sur  quatre 


MABS  1830.  181 

vases  différens  (1),  et  qui  s'éloit  déjà  produite  sur  un  vase  campanien 
de  ia  seconde  collection  d'Hamifton  (2).  Une  sentence,  sinon  équiva- 
lente pour  le  fond  ,  du  moins  assez  semblable  pour  la  forme,  XAIPeSy, 
je  te  salue,  se  trouve  répétée  sur  deux  vases  de  cette  collection  de 
Canmq,~n.°  5 47 >  P-  67,  et  560,  p.  74,  et  s'étoit  déjà  présentée 
aussi  sur  plusieurs  coupes  de  Nola  ($).  J'en  dirai  autant  de  l'inscription 
nPOSATOPEvO  ,  TTfûoupptCu  ,  je  proclame ,  je  salue  (  le  vainqueur  ),  qui 
ojne,  de  chaque  côté  (4)>  une  coupe  de  Canino,  n.°  56  $  ,  et  qui  se 
lit  pareillement  sur  un  vase  campanien  de  la  collection  de  M.  de  Witte, 
à  Paris.  L'une  des  plus  remarquables  de  ces  inscriptions ,  par  le  rapport 
qu'elle  offre  avec  la  destination  même  du  vase  qui  la  présente,  est  celle 
d'une  coupe  ,  n.°  575  ,  p.  .85  ,  où  se  lit  d'un  côté  :  KALEHOnoz,  pour 
KALE  HE  J1AI2,  et  de  l'autre  le  mot  niESSOE  (sic) ,  *iW6i,  buve^  (j!  ;  « 
l'occasion  de  laquelle  je  ferai  connoitre  deux  inscriptions  très-curieuse$ 
et  parfaitement  tracées  ;  l'une  qui  se  lit  sur  un  vase  inédit  de  la  collec- 
tion de  Al.  Durand:  nPOniNE  MH  KAT0HI2,  vrplmvt  pu  k£t8wç, 
formule  dont  M.  Panof  ka  me  paroît  avoir  donné  la  véritable  interpré- 
tation :  avale^,  en  buvant  à  la  santé  et  sans  déposer  le  vase^â);  fa 
seconde,  tracée  à  la  pointe,  sur  un  vase  pareillement  inédit,  du  cabinet 
de  M.  Carelli,à  Naples,  et  qui  *«*  oitwi conçue  et  divisée  en  trois  lignes: 

TIAPAI 
KTGI 
AT2I 

que  je  crois  pouvoir  lire  et  rétablir  ainsi: 

TI   APA/f  77  <fy£c, 

0-KYd>l3r;  oxùçtoy  ; 

ATZlt.  huenr. 


^■^ti 


(1)  Voy.  n.°  564,  p.  78,  où  cette  inscription  est  tracée  ainsi,  KALOXEX, 
et  XÀLQEKO;  n.°  1004,  p.  96,  où  elle  se  Iit,KALONEI;  n.°  1378,  p.  11 1  , 
XÀLOSEr,  et  n.°  1659,  p.  145,  KAlOsXI  —  (2)  Tischbein,  IV,  30.  M.  Inghi- 
rami  s'est  servi  de  ce  vase  et  de  l'inscription  qui  s'y  lit,  Monum.  etr.ined.  ser.  V, 
tav.  XXV,  p.  280,  pour  appuyer  une  interprétation  ingénieuse  du  mot  KAAOS. 
—  (3)  Panof  ka,  Bulletino ,  &c.,p.  140.  —  (4)  Le  mot  IIPOSArOPEVO  se 
Ht  d'un  côté,  parfaitement  tracé;  et  de  l'autre,  le  même  mot  est  écrit 
TADNArOPEVO,  exemple  qui  suffiroit  seul  pour  montrer  avec  quelle  négli- 
gence étoient  généralement  tracées  ces  inscriptions,  par  la  main  d'ouvriers 
ignorans  et  subalternes.  —  (5J  M.  Panofka,  Bulletino,  &c,  p.  140,  a  lu , 
HOnOS  niEs  SOE  KAlE,  otiuç  *inç,  29*rà  ****>  interprétation  ingénieuse,  mais 
qui  me  paroît  tout-à-fait  arbitraire.  —  (6)  Recherches  sur  Us  noms  des  tan* 
grecs,  p.  30-3  i,  pi.  y,  n.*  75.    • 


1*2  JOURNAL  DES  SAVANS- 

«  Que  fais-tu,  coupe  bachique!  la  délivrance  (et  l'oubli  des  maux).» 
Je  ne  crois  pas  qu'il  soit  nécessaire,  pour  justifier  cette  explication*» 
d'alléguer  des  exemples  de  suppression,  de  redoublement,  de  transposi- 
tion de  lettres,  dans  les  inscriptions  de  vases  peints;  de  pareils 
exemples  sont  trop  nombreux  et  trop  familiers  aux  personnes. versées 
dans  la  connoissance  de  cette  classe  de  monumens  antiques,  pour  avoir 
besoin  d'être  cités.  Le  mot  KTGlor  ,  pour  ffKXQUf  ,  peut  également  se 
justifier,  soit  par  une  négligence  de  l'ouvrier  qui  auroit  omis  fa  Jetfge 
initiale  r,  soit  par  quelque  forme  locale  de  langage  qui  auroit  employé 
le  mot  xupjor,  pour  ntupior,  d'accord  avec  une  des  étymologies  de  ce 
mpt  qu'un  grammairien  grec  dérive  de  *v$oç  (i;.  Mais  je  ferai  te* 
marquer  que  je  mot  AY2I2  a  déjà  été  reconnu,  sur  un  vase  du  musée 
royal  Bourbon,  à  Naples,  avec  cette  même  signification  que  je  crois 
pouvoir  lui  donner  sur  celui  qui  nous  occupe  (2)  ;  signification  con- 
forme d'ailleurs  à  l'usage  de  la  langue  grecque  (3)9  et  de  laquelle  fut 
emprunté,  comme  on  sait,  l'un  des  surnoms  les  plus  populaires  de 
Uacchus,  celui  de  Avaioç  (4).  Je  reviens  à  nos  vases  de  Canino,  deus  m 
desqiMJs  présentent  des  inscriptions  plus  étendues  que  la  plupart  de 
celles  qui  se  sont  rencontré^  jusqu'ici  sur  les  vases  peints,  inscriptions 
qui  mériteraient,  à  ce  "titré  ,^1^42*440*^^10^  particulier, 

mais  sur  la  vraie  leçon  desquelles  il  faut  d*abord  êtrebTen  fixê~7  p», 
une  copie  figurée  exacte ,  avant  d'en  hasarder  une  interprétation  quel- 
conque; c'est  l'inscription  du  vase  ,  n.°  1  386,  p.  1 1  3  ,  où  se  lit,  a»- 
dessous  de  ht  peinture  qui  représente  trois  hommes  nus,  couronnés  de 
fleurs,  Pun  deux  avec  un  dïbta  en  main:  HOSO  vAEnOTEETflpON , 
paroles  que  M.  Od.  Gerhard  a  lues  de  cette  manière ,  qui  me  paroît 
assez  probable  :  oç  oJJtWn  tvty ar  (5)  ;  et  l'inscription  du  vase,  n.°  ioo4> 
HOAErOTENTLEINOl ,  que  le  même  savant  lit  trés-ingénieusement  t 
i/i  wr  nvXu  fjLo!  (6) ,  mais  au  sujet  de  laquelle  il  n'y  a,  quant  à 
présent,  rien  de  bien  certain  à  proposer. 


■■MbaWMi 


(1)  Eustath.  in  Homer.  Odyss,,  p.  1775,  19*  éd.  Rom. —  (2)  Panofka, 
Afiapeb  an  t.  Bildwerke ,  J,  350.  —  (3)  Je  nie  borne  à  citer  un  exemple  re- 
marquable de  ce  mot ,  dans  Pausanias,  VU,  2.1  3  1.  C'est  dans  le  même  sent 
qu'un  mot  dérivé  de  la  même  racine  est  employé  par  Euripide,  Electr.  135- 
1  j6 ,  où  Zeus  est  invoqué  comme  *u7ty  Wrw.  —  (4)  Sur  le  culte  de  ce  Baccho* 
Ap**,  voyez  le  passade  curieux  de  Pausanias,  11,7,6;  conf.  IX,  16,4  ;  et  sut 
l'origine  et  le  motif  de  cette  qualification ,  consultez  Plutarque,  de  Discrim. 
amie.  68 ,  D  :  t5  AvJV?  [  1-  Av«»  ]  0*2  x#i  A'TONTI  ii  làr  JW$op»r  r^itUi  *j£ 
/tf%Miif«f ,  çonf.  Phuarçh,  Sympos.  i,  613  B;  Wyttenbach,  Animadv.  I,  520. 
—  fj)  Gerhard» Bullcùno,  &c, p.  143.-— (6)  Le  même,  au  mçuie  endroit, p.  *4t 


MARS   1830.  i&j 

Une  autre  sorte  d'inscriptions,  qui  dérivent  plus  positivement  encore, 
s'il  est  possible,  de  la  langue  et  de  la  main  des  Grecs ,  ce  sont  celles  qui 
ont  rapport  aux  jeux  et  aux  exercices  gymnastiques  de  ce  peuple.  La 
plus  remarquable  de  ces  inscriptions,  sur  un  vase -représentant  quatre 
Athlètes  nus  qui  se  disputent  le  prix  de  la  course,  est  ainsi  conçue, 
STADIOANAPONNIKE,  vittoire  du  stade  des  hommes;  au  revers,  à 
côté  de  l'effigie  ordinaire  de  Minerve ,  debout ,  entfe  deux  colonnes  sur- 
montées de  deux  coqs ,  se  lit  cette  autre  inscription  ,  TONA0ENE0ENA- 
eLON  ,  [  un»]  des  prix  décernés  par  ceux  df  Athènes.  On  sait  que  celte 
dernière  inscription ,  qui  s'est  produite  pour  la  première  fois  sur  le 
célèbre  vase  de  M.  Burgon ,  trouvé  à  Athènes  même  (  1  ) ,  s'est  reft- 
contrée  depuis  sur  des  vases  de  fabrique  et  de  forme  absolument  sem- 
blables ,  découverts  à-NoIa  (2);  d'où  est  résultée  la  notion  certaine  qu'il 
se  faisait,  dans  l'antiquité,  un  grand  commerce  de  ces  sortes  de  vases 
donnés  en^rix,  entre  la  Grèce  et  ses  colonies.  Nous  avons  maintenant 
la  preuve  que  ce  commerce  s'étendait  jusque  dans  l'antique  Etrurie, 
puisque,  outre  le  vase  de  Canino  que  je  viens  de  citer,  le  propriétaire 
de  cette  collection  nous  assure  que  la  même  inscription  se  lit  sur  peuf 
autres  vases,  et  qu'elfe  se  rencontre  sur  une  foule  de  fmgmens  de  vases  tout 
pareils  (3).  Mais  une ^nnc£<juc»iv.e  de  ce  fait  à  laquelle  on  ne  se  seroit 
j>«ui-etre  pas  attendu ,  c'est  celle  qu'en  déduit  M.  le  prince  de  Canino 
lui-même,  encest  ermes,  que  je  dois  me  bornera  traduire  ici  littérale- 
ment :  Oh  ne  dira  plus  que  ces  vases  viennent  d'Athènes  ;  comme  si  Athènes 
avoit  donné  son  nom  a  'Minerve,  au  lieu  de  le  recevoir  de  cette  déesse  ;  et 
comme  si  les  anciens  Etrusques  navoidht  pas  adoré  Minerve  avant  quA- 
thenesjût  bâtie.  Je  crains  qu'il  n'y  ait,  dans  ce  peu  de  paroles,  quel- 
ques graves  méprises  historiques;  et  c'est  pourquoi  je  prendrai  la  liberté 
d'observer,  i.°  que  la  forme  du  mot  A0ENE0EN,  ne  pouvant  se  rap- 

(1)  Ce  vase  a  été  publié  par  M.  Millingen,  Ane.  uned.  nvomtm.  part.  Ir 
pi.  l-IV.  Un  Vase  semblable,  de  la  collection  de  KoIIer,  trouvé  à  Nola,  se  voit  ' 
dans  les  Antike  Bildwerhe  de  M.  Gerhard,  I,  V-VII.  Il  en  existe  un  autre, 
provenant  du  même  lieu  ,  avec  l'inscription  antique ,  TONA0ENE0ENA0AOfï  j 
dans  la  collection  de  M.  le  comte  Pourtalès-Gorgier ,  à  Paris,  sans  compter 
ceux  qui  existent  encore  ailleurs;  voy.  Panofka,  JVeapels  ont.  Bildw.  \,  334- 
—  (2)  Voy.  une  observation  faite  à  ce  sujet  dans  mes  Mopumens  inédits, 
Orestéide,  p.  233,  note  2.  —  (3)  Catalogo ,  p..  93:  Molli  altri  vasi  simili 
frammentati  si  sono  pure  trovati  nei  nostri 'scavi ,  e  vi  si  trova no  frequentissi- 
mamente  con  quella  iscri^ione,  e  non  si  dira  più  che  questi  vasi  vengono  dt 
Atene,  corne  se  Atene  avesse  datp  jl  suo  nome  a  Minerva,  in  vece  di  averlo  rice-. 
vuto ,  e  corne  se  gltantichi  Etrusçhi  non  avessero  adorato  Minerva  prima  che 
si  faoricasse  Atene. 


iti  JOURNAL    DES   SÀVÀNS, 

porter  qu'aa  nom  de  la  ville  d'Athènes',  et  nullement  à  celui  de  la  déesse 
Atkéni,  il  est  de  toute  nécessité  que  les  vases  arec  cette  inscription 
soient  reconnus  d'origine  et  de  fabrique  athéniennes  ;  2.0  qu'il  n>st  point 
prouvé,  comme  rassure  M.  le  prince  de  Canino,  que  les  Étrusques 
arent  adoré  Minerve  sous  son  nom  hellénique  S  Atkéni  t  sur-tout  à  une 
é: oque  aussi  ancienne  qu'il  le  suppose,  pufsque  tout  au  contraire,  sur 
fous  Its  monumens  de  l'art  étrusque  connus  jusqu'il»  où  cette  déesse 
+*:  figurée ,  et  accompagnée  de  son  nom  en  caractères  étrusques,  c'est 
par  le  mot  MESERFA,  menrfa,  qu'elle  est  constamment  désignée  (1). 
Un  phis  long  détail,  sur  un  point  aussi  évident,-  seroit  inutile  pour  les 
j>érsonnes  qui  observent  et  qui  étudient  sans  prévention  les  monumens 
antiques,  et  peut-être  aussi  pour  M.  le  prince  de  Canino  lui-même,  qui 
paroît  s'érre  fait,  nu  sujet  de  ses  vases,  un  système  rebelle  à  tous  les 
faits  de  la  science,  comme  à  tous  les  témoignages  de  la  langue;  mais, 
puisque  Tocca«ion  s'en  présente,  je  citerai,  à  l'appui  de*  cette  fabrique 
athénienne  de  vases  de  prix,  imités  jusque  dans  les  colonies  grecques 
de  la  Campanie ,  in  vase ,  de  la  fabrique  de  Nofa ,  qui  se  trouve  dans  la 
collection  de  M.  Durand,  et  sur  lequel  sont  représentés  trois  Hoplites  se 
disputant  le  prix  J+1+  *aurx£  armée ,  avec  les  trois  lettres  AGE,  initiales 
si  connues  des  monnoies  <T  Athènes,  fr^ceevTmi-4o%vJWr/z^r_CaJ. 

II  me  reste  à  parler  dune  inscription  qui  se  rapporte ,  suivant  toliro 
apparence,  au  même  "système  que  les  précédentes,  et  qui  mérite,  en 
tout  cas,  une  attention  particulière,  ne  fût-ce  qu'à  cause  de  f  extrême 
importance  qu'y  attache  M.  le  prince  de  Canino,  et  des  grandes  consé- 
quences qu'if  e/i  déduit.  C'est  IliAcription  vieLONOXEi ,  tracée  sur  un 
vase,  de  sujet  dionysiaque,  n.°  1887,  page  157,  de  laquelle  l'illustre 
auteur  du  catalogue  croit  pouvoir  conclure  que  le  mot  VIOHLON 
représente  le  nom  de  l'antique  cité  étrusque  de  Vétulonia>  sans  ajoute* 


rf» 


{ 1)  Ce  nom  MENErfA,  ou  MENrfA,  se  lit  en  effet  sur  sept  miroirs  étrusques, 
Lanzi,  Sagg'w,  tom.  II ,  tav.  6,  n.p*  4,6;  tav.  7,n.°*  1 ,  3,  4î  Micali,  tav.  63  ; 
Inghirami,  ser.  II  ,  tav.  38  et  81  ,  où  ce  nom  est  écrit  MNRFA.  D'après  ces 
exemples  authentiques,  M.  Ott.  Millier  n'auroit  peut-être  pas  dû  supposer  que  le 
mot  THANA,  de  la  célèbre  patera  dite  cospiana,  fut  écrit  pourÀ0i»a,  et  qu'il  se 
rapportât  a  Minerve  ;  voy.  ses  Etrusher,  III,  3  ,  2,  48,  24)-  ^c  pense,  avec 
M.  Creuzer ,  SymboWck ,  II  ,  959,  que  Thana  est  la  forme  étrusque  de  D)anaM 
ou  Diana,  d'ap'ès  le  même  principe  qui  produisit  le  nom  étrusque  de  TINA 
f  ZET2]  dérivé  du  dorique  AHN,  pour  2HN,  comme  ^AHCLE,  pour  ZAFKAE. 
—  (2)  M.  Panofka,  qui  vient  de  publier  ce  vase,  Recherches  sur  les  noms  des 
vises,  pi.  J  ,  n.°  10,  p.  8,  y  a  vu  ,  je  ne  sais  pourquoi,  dft  enfans  vainajieuri 
à  U  Cêurse  :  ce  sont  réellement  des  fioplitodromes* 


.'.    MARS  i  1 83a      j  ;  ;i  85 

toutefois  la  moindre  interprétation  et  sans  faire  le  moindre  usage  du  mot 
suivant  OCHEI;  et  c'est  cependant  $urcet  unique  fondement  que  M,  le 
prince  de  Canino  établit,  d'une  manière  qui  lui  semble  incontestable, 
i*°  que  les  hypogées  étrusques  des  environs  de  Canino  appartiennent 
à  l'antique  localité  de  Vetulonia;  2.0  que  tous  les  vases  trouvés  dans  ces 
.hypogées  remontent  à  la  plus  ancienne  période  de  la  prospérité  étrusque, 
celte  où  florissoit  Vetulonia  (1).  Il  seroit  pénible  d'avoir  à  détruire  des 
illusions  de  cette  nature ,  si  l'intérêt  de  la  science  ne  pa>soit  avant  toute 
autre  considération.  Or,  l'inscription  vieLONOXEl  n'est  très-proba- 
blement que  (a  représentation ,  légèrement  altérée ,  comme  à  l'ordinaire, 
par  la  négligence  de  l'ancien  ouvrier,  des  mots,  A0LON  OXEI,  iixov 
êfcw,  emporte  le  prix  ;  à  moins  qu'on  ne  veuille  lire,  avec  M.  Panoflca  (2} , 
vt\cv  «£•?,  il  [Bacchus]  conduit  la  Folie,  interprétation  qui,  je  l'avoue, 
me  paroît  bien  moins  satisfaisante.  Mais,  dans  toug  les  cas,  il  me  semble 
certain  qu'il  n'y  a  dans  cette  inscription,  purement  grecque,  rien  qui  ait 
Je  moindre  rapport ,  ni  direct,  ni  indirect,  avec  l'antique  cité  étrusque 
de  Vctuhnia* 

J'ai  parcouru,  le  plus  brièvement  qu'il  m'a  été  possible,  les  trois 
classes  d'inscriptions  des  vases  de  Canino;  et  comme  il  y  auroit  un  livre 
à  faire  sur  ces  inscriptions  seules,  sans  parler  de  celui  auquel  pourroient 
donner  lieu  (es  sujets,  si  curieux  et  en  si  grand  nombre,  que  présente 
cette  inestimable  collection,  je  suis  loin  de  me  flatter  d'avoir  même 
indiqué  toutes  les  questions  qui  sortent  en  foule  de  cette  mine  nouvelle 
ouverte  à  l'archéologie.  Mais  l'en  ai  dit  assez  peut-être  pour  établir , 
avec  quelque  certitude ,  la  conséquence  principale  que  j'ai  voulu  tirer 
de  cet  examen  rapide,  conséquence  qu'il  est  temps  de  poser  maintenant 
en  termes  clairs  et  précis  :  c'est  que  toute  cette  immense  série  de  vases 
peints,  ornés  de  sujets  grecs,  et  couverts  d'inscriptions  grecques,  bien 
que  trouvés  dans  des  sépultures  de  l'antique  Étrurie ,  appartient  uni- 
quement et  exclusivement  à  la  Grèce  (3)  »  et  qu'elle  n'a  pu  être  produite 
que  dans  le  cours  du  plus  grand  développement  de  l'art  grec ,  à  une 
époque,  sans  doute  peu  éloignée  de  celle  ou  l'alphabet  grec  se  trouva 
entièrement  complété  par  l'addition  des  voyelles  longues  H  et  û,  et 
des  lettres  doubles  H  ett,  puisque  les  deux  premières  ne  figurent  ja- 

(1)  Catalogo,  p.  173-174*  —  (*)  BulUtino ,  Sac. ,  p.  140;  voy.  la  remarque  de 
M.  Od,  Geshard,  à  ce  sujet,  ibid.  p.  i43*  —  (3)  On  ne  saurait  supposer,  pour 
peu  qu'on  ait  quelque  connoissance  de  ces  sortes  de  monumens,  que  les  vases  en 
question  aient  pu  être  fabriqués  *n  Étrurie  d'après  des  vases  grecs,  parce  que  la 
matière,  Informe,  la  fabrique,  le  vernis ,  tout,  en  un  mot,  conspire  pour 
assimiler  les  vases  de  Canino  aux  vases  peints  de  fabrique  gréço-siciliennc* 

Aa 


t%€  JOURNÀLDEBSAVÀNS, 

.    mais,  Va.  du  moins,  et  Fh  seulement  avec  la  valeur  de  l'aspiration,  sur  ces 
innombrables  inscriptions  ;  et  les  deux  autres  y  sont  constamment  sup- 
pléées par  les  lettres  doubles  K2  ou  X2,  et  112  :  cToii  il  suit  encore 
que  ces  vases ,  exécutés  dans  le  cours  des  v.c  et  I V.c  siècles  avant  notre 
ère ,  furent  portés  en  Étrurie  par  la  voie  du  commerce,  et ,  sans  doute, 
à  raison  d'anciens  rapports  d'origine  ou  de  civilisation ,  à  cette  époque , 
qui  est  celle  où  l'influence  de  l'art  grec  commença  précisément^  s'exer- 
cer sur  les  monumens  étrusques ,  comme  on  le  voit  sur-tout  par  les 
pierres  gravées  et  par  les  miroirs  de  style  étrusque.  L'opinion  que  je 
viens  d'exposer  résultant  invinciblement,  à  ce  qu'il  me  semble,  de  l'ob- 
servation des  monumens  eux-mêmes ,  il  devient  à-peu-près  inutile  de 
combattre  les  argumens  que  M.  le  prince  de  Canino  croit  pouvoir  tirer 
de  quelques  phrases  de  Winckelmann,  à  l'appui  d'une  opinion  contraire. 
Winckelmann  avoit  dit,  suivant  M.  le  prince  de  Canino,  que  les  Grecs 
ne  marquaient  pas  les  noms  des  dieux  et  des  héros  sur  leurs  figures ;  et  là- 
dessus,  M.  le  prince  de  Canino  de  s'écrier  :  Plusieurs  de  nos  monumens 
portent  les  noms  des  héros  et  des  dieux  ;  donc  ils  ne  sont  pas  grecs,  de  Taveu 
de  Winckelmànn  (i).  Mais,  s'il  étoit  possible  de  supposer  que  Winc- 
kelmann  ignorât  l'usage  antique  des  Grecs ,  attesté  par  une  foule  de 
leurs  monumens,  depuis  le  coffre  de  Cypsélus  jusqu'aux  peintures  de 
Polygnote,  ou  s'il  étoit  nécessaire  de  rappeler  à  M*  le  prince  de  Canino 
Cet  usage  grec ,  d'inscrire  les  noms  à  côté  des  personnages ,  que  faudroit- 
il  conclure  de  cet  oubli  de  l'un  et  de  l'autre,  en  faveur  d'un  système 
qui  tendrait  à  revendiquer  pour TJEtrurie  des  représentations  et  des  ins- 
criptions uniquement  et  purement  grecques  !  II  suffit,  du  reste,  de  cette 
seule  citation  pour  faire  apprécier  à  F  Académie  la  méthode  d'argumen- 
tation et  l'esprit  de  critique  qui  ont  présidé  à  la  rédaction  de  ce  cata- 
logue, et  pour  me  dispenser  de  réfuter  en  détail  les  autres  motifs  sur 
lesquels  se  fonde  l'opinion  de  M.  le  prince  de  Canino.  Je  crois  pouvoir 
également  supposer  qu'une  autre  idée  de  l'illustre  auteur,  dont  il  paroît 
fortement  convaincu,  c'est  à  savoir,  qu'on  n'a  pas  trouvé  de  vases  peints 
dans  la  Grèce  proprement  dite,  ou  bien  que  ceux  qu'on  prétend  y  avoir 
découverts  y  avoient  été  portés  de  fÉtrurie ,  de  telle  sorte  que  tout  ce 

Îi)  Catalogo,  p.  182  :  Molti  deî  nQstri  monument*  portanro  i  Tiomi  degH  eroi 
egfi  dèi;  dunque  non  sono  greci ,  per  confessione  di  Wiackelmann. — 
"fl)'  M.' le  prince  de  Canino  avoit  indiqué  d'abord  cène  idée,  pw  177-179  de 
r  Am  catalogue  ;  plus  tard ,  il  y  est  revenu  dans  une  lettre  adressée  à.  M.  Gerhard , 
ettftérée  dans  le  Bul/etino  degli  annali,  n.  IX,  p.  113-116;  et  il  paroît,  par 
une  seconde  lettre ,  imprimée  dans  le  même  recueil ,  p.  177-160,  que  l'illustre 
lutttirtr'à  Tenoncé  à  lucane  de  ses  opinions. 


MARS  1830.  187 

qu'il  y  a  de  rases  peints  dans  le  monde  devroit  être  reconnu  comme 
provenant  uniquement  de  TEtrurie  ;  que  cette  idée,  disons-nous,  n'a  pas 
trouvé  assez  de  partisans,  même  en  Italie,  pour  nous  mettre  dans  la 
nécessité  de  la  combattre.  Mais,  en  terminant  cette  analyse,  où  je  me 
suis  vu,  à  regret,  obligé  de  contrarier  quelques-unes  des  opinions  litté- 
raires de  M.  le  prince  de  Canino,  j'ai  un  devoir  plus  doux  à  remplir,  en 
proclamant,  en  mon  nom,  et  je  voudrois  pouvoir  ajouter  au  nom  de 
r Académie  qui  m'écoute,  la  reconnoissance  que  doivent  à  ce  prince,  sans 
distinction  d'opinions  ou  de  systèmes,  tous  les  amis  de  l'antiquité,  pour  k 
zèle  qu'il  a  mis  dès  l'origine,  et  qu'il  ne  cesse  de  déployer,  dans  Pexploi- 
fation  d'une  mine  archéologique,  l'une  dçs  plus  riches  et  des  pfus 
.  fécondes,  sans  contredit,  qui  aient  été  ouvertes  depuis  la  renaissance  des 
lettres.  Déjà,  par  la  découverte  de  l'antique  ville  de  Tusculum ,  opérée 
sous  sa  direction  et  à  ses  frais ,  M.  le  prince  de  Canino  avoit  enrichi  et 
étendu  le  domaine  de  l'histoire  et  de  (antiquité  romaines.  Mais  la  seule 
collection  de  vases  peints  déjà  trouvés  sous  ses  yeux,  et  qui. con- 
tinuent d'être  déterrés  journellement  en  sa  présence,  dans  des  tombeaux 
de  l'antique  Etrurie ,  sans  parler  de  la  découverte  d'une  foule  d'autres 
monumens  sortis  de  ces  mêmes  sépultures ,  étoit  peut-être  le  plus  grand 
service  que  pût  recevoir  l'archéologie  toute  entière,  dans  l'état  où  elle  est 
aujourd'hui  parvenue;  et  si,  comme  nous  le  promet  M.  le  prince  de 
Canino,  cette  collection  est  publiée  avec  tout  le  soin  qu'il  est  capable 
d'y  mettre,  et  avec  tout  l'éclat  qu'elle  mérite  à  tant  de  titres,  ce  sera  sans 
doute  un  des  plut  beaux  monument  scientifiques  de  notre  âge,  digne 
d'honorer  à  jamais  le  nom  de  M.  le  prince  de  Canino ,  et  plut  que  suffi- 
sant pour  racheter  quelques  idées  systématiques  produites  par  un  enthou* 
siasme  presque  légitime,  ou  du  moins  bien  excusable. 

.     RAOUL-ROCHETTE. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

Le  8  mars,  l'Académie  des  sciences  a  élu  M.  Auguste  Saint-Hîlaire  pour 
remplir,  dans  la  section  de  botanique,  la  place  vacante  par  le  décès  de  M.  de 
Lamarck. 

M  Chemol,  neabfffr  de  f Académie  des  sciences,  et  fan  des  rédacteurs 

Ai  a 


iM  JOURNAL  DES  SAVANS, 

du  Journal  des  Savans,  a  été  nommé  professeur  de  chimie  au  Muséum  d'histoire 
naturelle  ;  il  succède,  en  cette  qualité,  à  feu  M.  Vauquelin. 

M,  de  Lally-Tolendal  ,  membFe  de  l'Académie  française,  est  mort  le 
1 1  mars;  et  le  1 3 ,  un  discours  a  été  prononcé  à  ses  funérailles  par  M.  Arnault, 
directeur  de  cette  Académie.  «  La  source  de  l'éloquence  est  dans  le  cœur  tins 
»  doute,  a  dit  M.  Arnault;  mais  lors  même  qu'il  a  l'esprit  pour  auxiliaire, 
»  l'éloquence  suffit-elle  au  triomphe  de  l'orateur,  s'il  n'a  pas' acquis  Fart  de 
»  mettre  en  œuvre  les  inspirations  du  cœur  !  Tel  fut  le  premier  objet  des  travaux 
»de  M.  de  Lally.  Stimulé  par  le  besoin  de  venger  un  père  à  qui  un  assassinat 
»  juridique  n'a  voit  pas  ôte  seulement  la  vie,  il  consacra  à  l'étude  de  l'art 
»  oratoire  sa  jeunesse,  qui  n'a  pas  connu  d'autre  passion  que  la  piété  filiale.  Ses 
»  travaux  n'ont  pas  été  vains.  Grâce  à  un  talent  qui  s'est  élevé  au  niveau  de  sa 
»  vertu,  il  obtint,  en  en  faisant  l'essai,  la  révocation  d'un  arrêt  doublement 
»  meurtrier,  et  mérita  que  Voltaire  mourant  se  ranimât  pour  le  féliciter  d'un 
»  triomphe  que.ee  grand  homme  avoit  appelé  de  tous  ses  vœux,  préparé  par 
a»  tous  ses  efforts ,  et  qu'il  a  salué  de  ses  dernières  paroles.  Dès-lors,  M.  de  Lally 
9»  a  pris  rang  parmi  les  hommes  les  plus  remarquables  de  l'époque.  L'éloquence 
a*  qu'il  déploya  en  cette  circonstance  s'est  retrouvée  dans  toutes  celles  où  il  a 
»  parlé  depuis;  c'est  l'éloquence  d'un  cœur  essentiellement  honnête  et  généreux, 
»  d'un  cœur  dominé  par  une  sensibilité  quelquefois  exubérante.  Dans  les  dis- 
»  eussions  politiques  même ,  où  les  meilleures  esprits  peuvent  être  séduits  par  des 
»  illusions  nées  de  leur  position  sociale,  la  droiture  de  ses  intentions  se  manifeste 
»  encore;  elle  se  reproduit  dans  toutes  m  opinions,  qui  souvent  n'ont  été  que 
»  l'expression  de  ses  affections.  » 

Le  19  mars,  M.  Van-Praet,  l'un  des  conservateurs-administrateurs  de  la 
Bibliothèque  du  Roi,  a  été  élu  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles- 
lettres,  en  remplacement  de  feu  M.  Gossellin. 

L'Académie  des  beaux-arts  a  perdu,  le  20  mars,  son  plus  ancien  membre, 
M.  Taunay  ,  dont  les  funérailles  ont  eu  tteu  Te  22;  M.  Castetlan  y  a  parlé  en  cet 
termes:  ce  11  est  de  la  nature  des  sociétés  qui  se  perpétuent,  de  voir  tout 
*> s'anéantir  et  se  renouveler  autour  d'elles.  Un  seul  d'entre  nous,  Messieurs, 
a»  avoit  assisté  à  la  création  de  l'Institut,  en  avoit  subi  les  vicissitudes,  et  vu 
»  l'Académie  des  beaux-arts  se  renouveler  toute  entière  :  triste  avantage  de 
»  survivre  à  ses  contemporains,  à  ses  amis!  Son  cœur  en  a  souvent  saigné; 
»  et  l'idée  affligeante  qu'il  restoit  seul  debout  au  milieu  des  ruines ,  et  privé  des 
s»  soutiens  naturels  qui  l'attachoient  à  la  vie,  cette  idée  toujours  présente,  peut 
savoir  contribué  à  le  faire  tomber  à  son  tour.  En  effet,  à  peine  avions-nous 
»  quitté  le  deuil  du  dernier  des  fondateur  de  l'école  moderne  de  peinture, 
»que  nous  sommes  forcés  de  le  reprendre  pour  le  doyen  de  l'Académie,  qui 
»  est  presque  celui  des  peintres  de  l  époque  actuelle,  et  l'un  de  ceux  qui  possé- 
»doient  le  mieux  la  tradition  des  vrais  principes  de  l'art,  M.  Taunay,  que 
»  l'on  peut  mettre  au  nombre  des  régénérateurs  du  bon  goût  en  France,  a  exercé 
»  cependant  moins  d'influence  par  ses  conseils  que  par  ses  exemples.  N'ayant 
»  point  eu  d'école  proprement  dite,  il  n'a  pas  plus  d'imitateurs  qu'il  n'avoit  eu 
»de  modèles;  et  s'il  est  une  sorte  d'originalité  inimitable,  cest  celle  qu'a 
»  possédée  M.  Taunay,  et  dont  il  a  apposé  le  cachet  sur  ses  ouvrages.  Toutefois, 
»  ce  n'est  point  par  la  bizarrerie  qu'il  a  été  original:  dans  ses  tableaux,  rien  ne 
»  s'écarte  dt$  lois  de  la  nature;  tout  en  rappelle  les  traits  caractéristiques, 


MARS  1830.  1&9 

*mais  combinés  par  un  génie  créateur,  et  animés  d'un-  esprit  enjoué  ou 
*  mélancolique ,  suivant  les  impressions  qu'il  éprouvoit ,  et  auxquelles  il  subor- 
«donnoit  le  sujet  de  ses  compositions.  C'est  ainsi  que  nous  croyons  retrouver, 
3» dans  son  dernier  ouvrage,  les  préoccqpations  d'un  esprit  frappé  d'avoir  vu 
>0  tomber  successivement  les  artistes  amis  de  sa  jeunesse;  il  représente  la  statue 
n  colossale  du  vertueux  Charles  Bogromée ,  s'isolantau  sommet  d'un  promon- 
toire du  lac  Majeur,  et  la  tête  couverte  d'un  voile  de  nuages. ...» 

Le  25  mars,  l'Académie  française  a  élu  M.  Philippe  de  Ségur,  en  rem- 
placement de  feu  M.  de  Lévis.  Le  1."  avril,  elle  a  tenu  une  séance  publique 
pour  la  réception  de  M.  de  Lamartine  :  on  y  a  entendu  le  discours  du  réci- 

[>iendaire ,  la  réponse  de  M.  Cuvier,  directeur,  et  deux  odes  de  M.  Lebrun, 
'une  sur  le  ciel  d'Athènes,  l'autre  sur  le  mont  Liakoura,  l'ancien  Parnasse. 
Ces  odes  et  les  deux  discours  ont  été  imprimés  chez  M.  Fircnin  Didot, 
44  pages  in-jS 

LIVRES  NOUVEAUX. 

FRANCE. 

• 

La  Fjrance  littéraire,  ou  Dictionnaire  bibliographique  des  savans,  historiens 
et  gens  de  lettres  de  la  France,  ainsi  que  aes  littérateurs  étrangers  qui  ont 
écrit  en  français,  plus  particulièrement  pendant  les  xyin.e  et  Xix.c  siècles,  &c, 
par  M.  J.  M.  Quérard;  tome  III,  2.c  livraison  (GAB-GYU).  Paris,  Firmin 
Didot,  1830,  in-8.9 ,  pages  229  -  262,  Nous  avons  annoncé  les  livraisons 
du  tome  I.er,  du  tome  II ,  et  la  première  du  tome  III ,  dans  nos  cahiers  de  mars 
et  d'août  1828 ,  p.  189  ,  190,  506  ;  de  juin  et  de  novembre  1829,  p.  382  et  687,. 
On  ne  connoît  pas  en  ce  genre  et  dans  les  limites  que  l'auteur  s'est  tracées, 
de  recueil  plus  complet  et  plus  exact.  Nous  indiquerons  particulièrement 
dans  la  nouvelle  livraison  les  articles  Oagnter  (  orientalUto  ) ,  Gail,  Galliani, 
Gali,  A.  Galland;28  articles  Garnier,  45  Gauthier,  Gautier  ou  Gauttiers; 
8  Gibert ,  1 1  Gilbert,  27  Girard ,  &c.  Nous  avions  fait  remarquer,  dans  notre 
cahier  de  novembre  dernier,  que  la  traduction  des  sept  premiers  livres  de  Télé- 
maque,  en  vers  français ,  par  M.  Gamon ,  éioit  imprimée  (  Vevey ,  1817,  in-16, 
280  pages  )  ;  M.  Quérard,  qui ,  à  l'article  Fénélon ,  avoit  omis  cette  traduction, 
dit  aujourd'hui,  à  l'article  Gamon,  que  cet  auteur  ce  s'est  assez  bien  tiré  de 
»  cette  périlleuse  entreprise ,  et  qu'on  n'a  pas  connorssance  que  sa  version  ait 
»  été  imprimée:»  nous  en  avons  sous  les  yeux  un  exemplaire.  Mais  il  reste  fort 
peu  de  ces  inexactitudes  légères  dans  les  notices  très-instructives  de  M.  Que* 
rarrd ,  qui  nous  paraissent  dignes  des  plus  honorables  encouragemens. 

M*  Beuchot  vient  de  publier  les  Tables  de  la  XVIII.0  année  (1829)  de  fa 
Bibliographie  de  la  France  ou  du  Journal  général  de  l'imprimerie  et  de  la  li- 
brairie 9  des  cartes  géographiques,  gravures,  lithographies,  œuvres  de  musique; 
Paris,  Pillet  aîné,  in-8.°,  279  pages,  comprenant  la  table  alphabétique  des- 
ouvrages,  la  table  alphabétique  des  auteurs,  la  table  systématique  des  ouvrages. 
Le  nombre  des  publications  typographiques  en  France  a  été,  en  1829,  ^è  7823. 
Oq  a  compté  de  plus  840  articles  de  gravure  ou  lithographie,  60  de  cartes 
géographiques ,  et  304  de  musique.  A  ces  apnonces,  rédigées  avec  une  extrême 
exactitude ,  M.  Beuchot  a  continué  de  joindre  des  notices  nécrologiques"  >  4r>èr 


190  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

des  observations  relatives  à  l'histoire  des  livres ,  l'indication  dés  ventes ,  6t. 
les  actes  de  l'autorité  publique  qui  concernent  la  librairie  et  l'imprimerie.  Le 
prix  annuel  de  ce  journal,  y  compris  les  tables,  demeure  fixé  a  20  fr. 

Histoire  littéraire  de  la  France  ;  tome  Xll ,  publié  par  les  Bénédictins  en  1763V 
Paris,  Nyon,  i/i-^.0/  nouvelle  édition ,  conforme  à  la  première,  Paris,  Firmin 
DÛot,  1830,  in-+S,  vij,  xxxij,  et  723*  pages.  Ce  tome  XII  manquoit  de* 
puis  long-temps  dans  le  commerce  de  la  librairie.  En  réimprimant  ce  volume, 
ob  s'est  abstenu  de  tout  changement;  et  la  seconde  édition  correspond  si  bien 
à  la  première ,  que  la  même  table  des  matières  (  pag.  689-700  )  a  pu  servir 
peur  l'une  et  pour  l'autre.  Mais  la  deuxième  contient  de  plus  les  pages  701* 
7*3  >  que. remplissent  6j  remarques  critiques,  destinées  à  reparer  les  omissions 
çf  les-  inexactiudes  qui  se  rencontraient  dans  quelques  articles,  et  qui  sont 

Snssque  inévitables  en  ce  genre  de  notices  biographiques.  L'Histoire  littéraire 
e  la  France  a  été  entreprise  par  D.  Rivet,  qui  en  a  publié  le  tome  I.cr  en  1 723. 
On  lui  doit  les  suivans  jusqu'au  IX.C,  qu'on  imprimoit  lorsqu'il  mourut  en 
'74S  >  et  qui  parut  en  1750  par  les  soins  de  D.  Taillandier:  le  X.c  est 
de  P.  Clémencet,  qui  a  coopéré  au  XI.C  avec  D.  Clément,  seul  auteur  du 
XII.e,  que  l'on  vient  de  reproduire.  Les  tomes  XIII ,  XIV,  XV  et  XVI ,  qui 
ont  paru  depuis  18 14,  et  le  XVII.',  dont  l'impression  est  fort  avancée, 
ont. été  composés  par  des  membres  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles» 
fettres,  feu  M.  Brial,  feu  M.  Ginguené,  MM.  de  Pastoret,  Daunou,  Amaury- 
Duval,  Petit-Radel,  Émeric  David. 

Af*  Accii  Plauti  Comœdiœ,  cum  selectis  variorum  notis  et  novis  commen- 
tariis,  curante  Josepho  Naudet;  volumen  priuium  (Amphfitruo,  Asinaria , 
Aulularia,  Bacchides,Captivi,  Casina  );  Parisiîs,  typisFirmini  Didot,  1830; 
in-S.9  (4.1  feuilles  3/4).  On  a  joint  à  ces  six  comédies  latines  le  texte  entier 
des  Sosies  et  des  Captifs  de  Rotrou.  Nous  nous  proposons  de  rendre  compte 
de  cette  édition  de  Plaute,  qui  fait  partie  de  la  collection  des  classiques  latins 
de  M.  Lemaire  {rue  <U*  Quatrc-FH*T-».°  16  ). 

Mémorial  portatif de  chronologie ,  d'histoire  industrielle,  d'économie  poli* 

tique,  de  biographie,  &c.  (par  M.  de  l'A in.  ) ,  3.°  et  4-e  parties;  Paris, 

imprimerie  de  Firmin  Didot ,  librairie  de  Verdière  ;  in-tz,  pag.  i*vj;  777-1 1 10, 
I-208  ,.1-XLH,  avec  un  cahier  in-jJ  oblong  contenant  5  tableaux.  Nous  re- 
viendrons  sur  cet  ouvrage ,  dont  les  deux  premières  parties  ont  été  annoncées 
dans   notre  cahier  de  novembre  1 828 ,  p.  699. 

Charte  de  commune,  en  langue  romane,  pour  la  ville  de  Gréalou  en  Quercjv 
publiée  avec  sa  traduction  française  et  des  recherches  critiques  sur  quelques 

Joints  de  l'histoire  de  la  langue  romane  en  Europe  et  dans  le  Levant,  par 
1.  Champollion-Figeac;  Paris,  Firmin  Didot,  1829;  in-8f,  xxiij  et  131  pag. 
Ce  volume  est  dédié  à  M«  Raynouard, 

Nouvelles  conjectures  sur  [emplacement  du  champ  de  bataille  où  César  défit 
l'armée  des  Nerviens ,  par  M.  A»  Leglay ,  membre  de  la  Société  d'émulation 
<l*  Camb.rai,  &c.  Cambrai,  Hurez; -février  1830,  20  pages  in*S.°  Les  résul- 
tats de  ces  recherches  de  M.  Leglay  sont  que  la  défaite  des  Nerviens  a  eu 
lieu  sur  1<  s  bords  de  l'Escaut,  et  non  près  de  la  Sambre  ;  que  l'espace  de 
terrain  compris  entre  fionavis  et  Vaucefles  présente  toutes  les  circonstances 
indiquées  par  César,  et  par  conséquent  pourrait  bien  avoir  été  le  théâtre  de 
•#  victoire. 


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s  : .  ;    MARS,  1830.  >  \  r?t 

-  Maniai  de  numismatique  ancienne ,  contenant  les  élémens  de  cette  science  et 
les  nomenclatures,  avec  l'indication  des  degrés  de  rareté  des  monnaies  et 
médailles  antiques  et  les  tableaux  de  leurs  valeurs  actuelles ,  par  M.  Hennin. 
Paris,  impr,  de  M.m*  Huzard,  librairie  de  Merlin,  1 830, 2  vol.  in-8.°,  ensemble 
de  59  feuilles  1/2.  Prix  20  fr. 

Histoire  du  commerce  entre  le  Levant  et  l'Europe ,  depuis  les  croisades  jusqu'à 
la  fondation  des  colonies  d'Amérique,  par  M.  Depping. . . . ,  de  la  Société 
royale  des  antiquaires  du  Nord,  à  Copenhague,  flrc;  ouvrage  couronné  en 
1828  par  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres  de  l'Institut  royal  de 
France.  Paris,  Imprimerie  royale ,  librairie  de  MM.  Treuttel  er  Wiirtz,  1830, 
a  vol.  in-S.0,  viij,  344  et  375  pages.  Il  sera  rendu  compte  de  cet  ouvrage  dans 
l'un  de  nos  prochains  cahiers.  Dans  ceux  de  mars  et  mai  1826 ,  pag.  171-178, 
281-291,  nous  avons  fait  connoftre  un  autre  ouvrage  de  M.  Depping, 
l'Histoire  des  expéditions  maritimes  des  Normands,  couronné  en  1822  parla 
même  Académie. 

Droit  public  et  administratif "français ,  ou  analyse  et  résultat  des  dispositions 
législatives  et  réglementaires  publiées  ou  non  ,  sur  toutes  les  matières  d'intérêt 
public  et  d'administration ,  par  M.  Bouchené  le  Fer,  avocat  à  la  cour  royale 
de  Paris;  première  livraison,  tome  II  :  ministères  de* la  justice  et  de  l'intérieur. 
Paris,  imprimerie  de  la  veuve  Thuau,  librairie  de  Sédillot,  1830,  in-S.9, 
x  et  532  pages.  Cet  ouvrage  sera  divisé  en  trois  parties  principales,  qui  corres- 
pondront aux  trois  pouvoirs,  législatif,  exécutif  et  judiciaire.  Le  tome  I.er, 
non  encore  imprimé,  contiendra  la  première  partie  et  les  quatre  premiers  titres 
de  la  seconde  :  le  titre  V ,  Ministères  ou  administrations  centrales,  est  soudivisé 
en  plusieurs  chapitres,  dont  le  premier  (  ministère  de  la  justice) ,  et  la  première 
section  du  deuxième  (ministère  de  l'intérieur),  remplissent  le  volume  qui 
vient  d'être  publié.  Nous  reviendrons  sur  cet  ouvrage  quand  le  premier  tome 
aura  paru  ;  mais  déjà  l'on  peut  juger  de  l'étendue  et  de  l'exactitude  du  travail. 
Il  y  règne  une  méthode  lumineuse  et  sévère  :  on  voit  que  l'auteur  n'a  négligé 
aucun  soin  pour  rapprocher  les  lois,  les  ordonnances ,  les  décisions  relatives  à 
chaque  détail  du  droit  administratif,  et  pour  en  tirer  les  résultats  les  plus 
constans  ou  les  plus  plausibles. 

De  la  contrainte  par  corps  ,  considérée  sous  les  rapports  de  la  morale,  de  la 
religion ,  du  droit  naturel  et  du  droit  civil ,  et  dans  l'intérêt  de  l'humanité  en* 
général,  par  M.  J.  L.  Crivelli,  avocat  à  la  cour  royale  de  Paris/Paris.,  impr. 
de  Crapeîet,  librairie  de  Gust.  Pissin,  successeur  de  Rbndonneaù,  au, dépôt 
des*  lois,  1830,  172  pages  in-8,9  Après  avpir  tracé  une  esquisse  historique  de 
fa  législation  *ûf  la  contrainte  par  corps,  l'auteur  en  examine  le  principe* et 
les  effets.  Il  trouve  cette  législation  inconciliable  avec  notre  droit  publie  actuel, 
inutile  au  gtarid  et  au  petit  commerce,  contraire  aux  plus  saines  maximes 
religieuses,  «c.  Cet  ouvrage,  écrit  avec  beaucoup  de  chaleur,  comme  avec  une 
parfaite  cohnoissânee  des  lois  relatives  à  la  contrainte  par  corps ,  sera  s^ns 
doute  distingué  parmi  ceux  qui  soutiennent  Tune  des  deux  opinions  opposées 
qui  paroissent  exister  encore  sur  cette  matière:  \ 

Troisième  Mémoire  sur  les  projets,  présentés  pour  la  jonction  de  ta  Aftupe  à 
la  Seine,  la  dérivation  de  la  peine  9  et  les  docks  ou  bassins  écluses  à  établir 
dans  les  plaines  de  Choisy,  d'ivry  et  de  Crénelle,  par  M.  Cordier,  inspecteur 
divisionnaire  des  ponts  et  *b*ft*4es*  Valfi**  khpt.  de  Lachevardière,  librairie 


î 


192  JOURNAL  DES  SAVAN S. 

de  Carillan-Gœury,  1829,  in-2f  ,  xi  et  198  pages,  avec  deux  planches  lîthq- 
raphiées.  Voyez  Journal  des  Savans,  mars  1829,  p.  190,  l'annonce  de  l'ouvrage 
e  M.  Cordier  sur  les  ponts  et  chaussées. 
Let  dix  Soirées  'malheureuses ,  ou  contes  d'un  endormeur,  traduits  de  l'arabe 
par  M.  J.  J.  Marcel.  Paris,  impr.  de  Paul  Renouard,  librairie  de  Jules  Re- 
nouard,  1825^,  3  vol.  in-12,  xxxvj,  214»  260  et  284  pages,  avec  les  figures 
Iithographiées.  M.  Marcel  tient  le  manuscrit  de  cet  ouvrage  du  cheyfch 
Mohammed-el-Mohdy»  qu'il  en  croit  l'auteur.  Le  titre  arabe  est  TohhfeT 

EL-MOSTEYQIDH    ÊL-A'ANIS   FY    NOZHET    ÊL-MOSTENYN     OU-EL-NA'lS. 

«Présent  du  réveilleur  célibataire  pour  l'amusement  de  celui  qui  aime  l'assou- 
»  pisse  ment  et  le  sommeil.  »  Ces  contes  sont  composés  à  l'imitation  de  ceux  des 
Mille  et  une  Nuits,  et  entremêlés  de  vers  arabesque  M.  Marcel  traduit  tou- 
jours en  vers  français»  Chaque  volume  est  terminé  par  des  notes  du  traducteur 
sur  plusieurs  points  d'histoire  et  de  littérature  :  elles  remplissent  en  tout  265  pag. 
On  annonce  une  seconde  édition  de  ces  trois  volumes ,  qui  se  lisent  en  effet 
avec  beaucoup  d'intérêt. 

DANEMARK.  Scripta  historien  Islandorum ,  de  rébus  gestis  veterum 
BoreaKum,  curante  Societate  regiâ  antiquariorum  septentrionalium.  Hauniae, 
1828^  2  vol.  in*8.ô>  dont  il  doit  être  rendu  compte  dans  un  de  nos  prochains 
cahiers, 


NOTA.  On  peut  s'adressera  la  librairie  de  M»  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la 
Harpe,  n.ê  8/;  et  à  Strasbourg /  rue  des  Serruriers,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savans»  Il  faut  affranchir  la  leftres 
jet  le  prix  présumé  des  ouvrages* 

TABLE. 

• 

Discours  prononcé  à'I* ouverture  du  cours  de  V histoire  de  ht  philosophie 
au  Musée  des  sciences  et  des  lettres  ,U  18  avril  1827,  par  Aï.  van 
de  Vever.  —  De  la  direction  actuellement  nécessaire  aux  études  phi- 
losophiques ,  par  M.  de  Reiffenbcrg* —  De  V Éclectisme  >  par  le 
même.  [Article  de  M.  Cousin.  ) Pag.  13t. 

Histoire  des  Français  des  divers  états,  aux  cinq  derniers  siècles,  par 

M.  Amans-Alexis  MonteiL  (  Article  de  M.  Daunou.  ) 139. 

Transactions  ofthe  royal  Society  qfliterature  ofthe  unitcd  Kingdoms. 

(  Article  de  Al.  Letronne.  ) , 1 52. 

Voyages  en  Arabie,  par  feu  J.  L.  Burckhardt.  (  Troisième  article  de 
nf\  Silveitre  de  Sacy.  ) , , . .  f 163  • 


Catalozo  (fi  scelte  antiçhità  di  Canino.  {Second article  de  Aï.  Raoul- 

Rbcnette.) ;.  . ■ 177. 

NmtPélet  litterairts . 0 , 187. 


FIN  2>S  LA  TABXS. 


■  1 


JOURNAL 
DES  SAVANS. 

AVRIL     183O. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 
1830. 


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Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  &•  Par  'a  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
librairie  Levrault,  à  Paris,  nie  de  la  Harpe,  n.°  85;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  II  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouveaux,  lis  lettres,  avis,  mémoires,  &c,  qui 
peuvent  concerner  la  rédaction  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris,  rue  de 
Ménil-montant,  n.°  22. 


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JOURNAL  ^ 

DES.  S  AV  ANS. 

AVRIL    1830. 


• 

—Fabliaux  ou  contes,  fables  et  romans  du  xn.€  etduxu/S  stècle, 
traduits  ou  extraits  par  M.  Legrand  d'Aussy;  troisième 
édition,  considérablement  augmentée.  Paris ,  Jules  Renouard  9 
libraire,  rue  de  Tournon,  n.°  6,  1825),  5  voï.  ln-8.* 

«J'Ai  eu  plusieurs  fois  occasion  d'annoncer  diverses  publications 
d'ouvrages  des  trouvères;  mais  elles  avoient  seulement  pour  but  de  satis- 
faire et  d'instruire  les  personnes  qui  vouloient  remonter  aux  origines 
de  notre  ancienne  littérature,  et  se  familiariser  avec  les  vieux  monumens 
de  notre  langue. 

Aujourd'hui  j'ai  à  rendre  compte  de  la  réimpression  d'un  recueil 
publié  pour  ia  première  fois  en  1 779,  4  vo'-  in*$'  $  et  pour  la  seconde 
fois  en  1781 ,  $  vol.  in- 12,  dans  l'idée  principale  de  faire  connohre, 
par  des  analyses  et  par  des  extraits  en  langage  moderne ,  le  fond  des 
compositions  de  ces  poètes ,  et  offert  au  public  en  lui  promettant  de 
l'amusement  plutôt  que  de  l'instruction*  * 

Dans  sa  préface ,  M.  Legrand  d'Aussy  se  glorifia  de  donner  l'exemple 
de  rechercher  les  anciens  monumens  de  notre  littérature,  et  il  disoit  : 
.ce  Je  croirois  avoir  bien  mérité  des  lettres ,  si  mon  exemple  animoit  à 
»  cette  laborieuse  entreprise  des  mains  plus  habiles  que  les  miennes*  » 

II  est  pourtant  vrai  que  la  première  gloire  devroit  être  acquise  à 
Barbazan,  qui,  plusieurs  années  avant  M.  Legrand  d'Aussy»  avoit  ouvert 
la  carrière  ,  en  publiant  en  original  l'Ordène  de  la  chevalerie  et  trois 
volumes  de  fabliaux. 

M.  Legrand  d'Aussy ,  à  l'époque  où  il  écrivoit,  eut  peut-être  raison , 
<du  moins  il  ne  fut  pas  blâmable  de  ne  présenter  que  le  canevas  des 
fabliaux,  en  résumant  et  traduisant  les  compositions  des  trouvères:  il  fût 

Bb  2 


i96  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

plus  heureux  dans  cette  entreprise" que  aans  les  analyses  et  extraits  qu'il 
fît  des  compositions  de  ces  poètes ,  pour  les  insérer  dans  les  Notices 
des  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi  ;  dans  ces  notices ,  destinées 
aux  personnes  qui  voudroient  étudier  notye  ancienne  littérature ,  il 
auroit  dû ,  après  avoir  analysé  les  ouvrages ,  en  faire  connoître  les 
détails  les  plus  curieux  et  les  plus  intéressans,  non  par  sa  traduction, 
mais  en  rapportant  soigneusement  les  textes  originaux,  ce  qu'il  a  fait 
trop  rarerftent  ;  aussi  son  travail  n'a  été  ni  agréable  aux  gens  du  monde 
ni  utile  aux  gens  de  lettres. 

Mais  le  recueil  des  fabliaux  et  contes  dont  j'examine  la  troisième 
édition,  obtint  dans  le  temps  une  juste  estime,  que  cette  nouvelle 
édition  servira  à  maintenir. 

Elle  a  été  dirigée  par  M.  Ànt.  Àug.  Renouard,  qui,  possédant  le 
.manuscrit  que  M.  Legrand  d'Aussy  avoit  retouché,  y  a  joint  des 
augmentations  qui  donnent  un  nouveau  prix  à  cet  ancien  ouvrage, 

Le  nom  de  M.  Legrand  d'Aussy  et  son  recueil  ne  peuvent  guère 
être  cités  sans  rappeler  la  vive  querelle  et  les  longs  débats  qu'occasionna 
l'agression  contre  les  troubadours,  pour  fes  déposséder  de  leur  vieille 
'renommée,  que  les  éloges  et  l'admiration  de  Dante  et  de  Pétrarque  leur 
Confirmèrent  jadis,  mais  qui,  après  un  long  laps  de  temps  et  une  sorte 
d'oubli ,  n  avoit  pas  été  suffisamment  réhabilitée  par  la  publication  du 
travail  de  M.  l'abbé  Milfot. 

Au  lieu  de  profiter  de  ce  que  les  troubadours  et  les  trouvères  four- 
nissement d'utile  pour  étudier,  avec  plus  de  facilité  et  de  succès,  l'histoire, 
les  moeurs,  la  littérature  et  la  langue,  on  ne  s'occupa  qu'à  disputer  sur 
fa  prééminence  de  ces  poètes ,  sur  le  génie  des  auteurs  produits  par  les 
pays  situés  au  nord  ou  au  midi  de  la  Loire  ;  et  dans  cette  dispute ,  qui 
ne  pouvoit  guère  amener  de  résultat  intéressant ,  chaque  combattant 
s'occupoit  exclusivement  à  exalter  les  poètes  du  nord  en  rabaissant  ceux 
du  midi,  ou  à  relever  le  mérite  des  troubadours  aux  dépens  de  celui  des 
trouvères.  C'étoit  là  un  amour-propre  ou,  si  l'on  veut,  un  zèle  national 
bien   mal  entendu:  de  bons  esprits,  des  esprits  vraiment  français, 
auroient  employé  sagement  leurs  talens  à  faire  apprécier  à-Ia  fois  et 
concurremment  le  mérite  respectif,  quoique  diffèrent ,  des  troubadours 
iet  des  trouvères ,  et  auroient  cherché  à  faire  honneur  à  la  France  des 
productions  des  uns  et  des  autres.  On  ne  voit  pas  que  jadis  les  trouba* 
dours  et  les  trouvères  aient  eu  des  querelles  sur  la  prééminence  de 
leurs   productions  littéraires,  qu'ils  aient  été  jaloux  de  leurs  succès 
rivaux  ;  et  certes  c'est  se  connoître  bien  peu  en  gloire  et  en  amour  du 
pays ,  que  de  vouloir  élever ,  au  préjudice  des  uns  ou  des  autres ,  ces 


AVRIL  1830.  197 

poètes  qui  ont  chacun  mérité  ua  rang  distingué.  La  meilleure  manière 
de  louer  leurs  ouvrages,  c'est  d'en  profiter  soi-même,  et  de  mettre  le 
public  à  portée  de  jouir  du  même  avantage. 

Je  n'ai  pas  attendu  jusqu'à  ce  jour  pour  manifester  mes  sentimens 
sur  ce  sujet.  Voici  comme,  en  novembre  1 8 1 6,  je  m'exprimais  dans  ce 
journal  1  à  l'occasion  d'un  ouvrage  de  M.  de  la  Rue  :  ce  L'utilité  et  le 
»  juste  succès  de  la  dissertation  de  M.  de  la  Rue  prouvent  combien  il 
»  pourra  devenir  avantageux  aux  lettres  de  publier  en  original  les  pro- 
ductions des  troubadours  et  des. trouvères,  ces  anciens  poètes  natio- 
»  naux  que ,  dans  le  dernier  siècle ,  on  a  mal  à  propos  affecté  d'opposer 
»  les  uns  aux  autres ,  en  disputant  sur  le  degré  de  mérite  qu'ils  ont , 
»  quoique  dans  des  genres  très-différens.  N'est-il  pas  plus  convenable 
»  que  nous  mettions  notre  zèle  et  nos  soins  à  les  faire  connoître  et 
»  apprécier ,  afin  de  profiter  de  tout  ce  qu'ils  offrent  d'utile  pour  la 
»  connoissance  des  moeurs ,  des  usages ,  des  opinions ,  des  faits  histo- 
»  riques  et  des  progrès  de  la  langue  !  »  Si  M.  Legrand  d'Aussy  n'avoit 
fait  qu'un  recueil  agréable  contenant  les  extraits  des  contes,  plus  ou 
moins  plaisans ,  que  les  manuscrits  des  trouvères  pouvoient  offrir  à'  la 
curiosité  des  lecteurs  frivoles,  son  travail ,  après. avoir  occupé  un  instant 
lé  public,  n'auroit  peut-être  pas  survécu  au  succès  du  moment;  mais 
deux  causes  principales  ont  contribué  à  prolonger  ce  succès  et  à  faire 
rechercher  l'ouvrage. 

L'une,  c'est  la  querelle  que  M.  Legrand  cTAussy  engagea  en  attaquant 
la  renommée  des  troubadours;  le  public  ne  pou  voit  guère  rester 
étranger  à  des  débats  auxquels  leurs  auteurs  prétendoient  que  la  gloire 
nationale  étoit  en  quelque  sorte  intéressée. 

La  seconde  cause,  c'est  que  les  traductions  ou  imitations  des  fabliaux, 
contes  et  autres  productions  des  trouvères,  sont  accompagnées  de  notes 
très-curieuses,  qui ,  aujourd'hui  même  qu'on  a  étudié  avec  quelque  soin 
et  quelque  succès  les  mœurs,  les  usages  des  XII.%  xill.e  et  XIV.C  siècles, 
ne  laissent  pas*d'offrir  beaucoup  d'intérêt  et  d'instruction:  ces  notes, 
séparées  de  l'ouvrage  et  disposées  par  ordre  de  matières ,  forme- 
roient  un  recueil  digne  de  l'attention  des  gens  du  monde  et  même  des 
littérateurs  ;  je  regrette  de  ne  pouvoir  entrer  à  cet  égard  dans  tous  les 
détails  qu'elles  mériteroient ,  pour  qu'on  pût  les  apprécier  justement. 

Au  sujet  de  l'origine  des  cours  piénières ,  l'auteur  nous  apprend  que 
les  rois  et  les  princes  du  moyen  âge  ne  tenoient  pas  leurs  cours  ouvertes 
dans  tous  les  temps  ;  en  général  ils  n'en  déployoient  la  magnificence 
qu'aux  trois  ou  quatre  grandes  fêtes  de  l'année.  Des  messages  invitoient 
les  barons ,  les  seigneurs  relevan  t  du  fief,  et  même  les  étrangers  :  ces 


ip*  JOURNAL  DIS  SA  VANS, 

réunions  s'appelofent  cours  pîénières.  Aux  festins  et  aux  danses  se 
réunissoient  tous  les  amusemens  connus  dans  ces  siècles:  on  intro* 
duisoit  les  ménétriers  et  les  jongleurs;  des  dons  étoiënt  distribués 
avec  profusion  ;  l'argent  étoit  jeté  au  peuple  en  criant  largesse.  Mais 
qui  fais  oit  les  frais  de  ces  fêtes  !  les  vassaux  ;  ils  étoient  tenus  d'offrir 
des  présens;  la  ville  oit  se  tenoit  la  cour  plénière  supportoit  une  partie 
des  frais. 

L'auteur  fait  remonter  l'origine  des  cours  plénières  aux  célèbres 
assemblées  que  Charlemagne  convoqua  souvent.  Lorsque  Hugues 
Çapet  fut  monté  sur  ie  trône ,  il  les  rétablit.  S.  Louis ,  tout  modeste  et 
tout  économe  qu'il  étoit  ,  mit  beaucoup  de  faste  et  employa  beaucoup 
de  dépenses  à  tenir  à  Saumur  la  cour  plénière  où  il  reçut  chevalier  son 
frère  Alphonse.  Charles  VII,  sous  le  prétexte  des  guerres  contre  les 
Anglais,  se  dispensa  de  donner  de  ces  fêtes  ruineuses,  qui  ne  furent  plus 
renouvelées  depuis.  Le  fabliau  de  la  Cour  du  paradis  offre  une  image  de 
la  cour  plénière,  et  celui  du  Siège  prêté  et  rendu  contient  des  détails*  de 
ce  qui  s'y  passoit. 

%Au  sujet  de  l'usage  de  faire  manger  avec  soi  quelqu'un  dans  son 
assiette,  M.  Legrand  d'Aussy  avance  que  c'étoit  la  plus  grande  marque 
d'amitié  que  f on  pût  donner ,  et  que  de  Ik  est  venue  la  locution  que 
deux  personnes  ont  mangé  dans  la  même  écu elle,  pour  désigner  leur 
amitié.  Dans  les  grands  repas ,  on  étoit  réuni  par  deux ,  et  les  deux 
personnes  n'avoient  qu'une  même  assiette  ou  qu'un  même  plat;  la 
galanterie  du  maître  du  logis  consistoit  à  savoir  bien  assortir  les  couples. 

Perceforest  parle  ainsi  d'une  fête  :  «  Y  eut  huit  cens  chevaliers  séant 
»  à  table ,  et  si  n'y  eust  celui  qui  n'eust  une  dame  ou  une  pucelle  à  son 
»  escuelle.  » 

Un  fabliau  a  dit  figurément  d'un  orçcle  qui  étoit  amoureux  de  sa 
nièce: 

Et  si  sachiez  que  chascun  jour 
En  une  escuelle^manjoient. 

Après  les  détails  par  lesquels  j'ai  fait  connoître  le  mérite  de  deux  de 
ces  notes ,  je  me  bornerai  à  de  simples  indications  relativement  à  une 
très-grande  quantité  des  notes  répandues  dans  l'ouvrage,  et  je  nommerai 
seulement ,  par  ordre  de  matières ,  celles  qui  traitent  des  objets  suivans  : 

Chevalerie  ,  noblesse ,  barons ,  damoiseaux ,  varlets,  fiefs ,  vavasseur  , 
sobriquet; — tournois,  joutes,  armes,  guerre,  armée,  milice,  attaque 
et  défense  des  places;  —  fées,  théâtres,  jeux-partis,  cours  d'amour, 
monnoies,  besans,  usure,  Juifs; — jeux  de  dés  et  de  tables»  jeux 


AVRIL  1830.  199 

échecs,  oiseaux  de  chasse»  bains,  horloge^  valeur  des  terres,  aïirçens, 
yûis  ;  —  habilfemens ,  vétemens ,  parure ,  pourpre ,  soie ,  capes  ;  — 
musique,  musiciens,  instruirons; —  pèlerinages,  tribunaux,  procé- 
dures; —curés,  legs  obligés  en  faveur  des  églises. 

J'ai  remarqué,  dans  les  notes  diverses ,  une  érudition  choisie  et  suffi- 
sante, et  plusieurs  offrent  des  détails  encore  curieux  aujourd'hui, 
quoiqu'elles  datent  d'un  demi-siècle. 

II  y  auroit  par  fois  des  observations  à  faire  sur  quelques  opinions  ou 
assertions  de  M.  Legrand  cTAussy  ;  mais  aujourd'hui  il  n'est  plus  à 
craindre  qu'elles  induisent  en  erreur  les  gens  de  lettres ,  ni  même  les 
gens  du  monde,  qui  sont  suffisamment  avertis  par  d'autres  ouvrages  ou 
par  leur  propre  instruction.  Je  me  bornerai  aux  observations  suivantes. 

M.  Legrand  d'Aussy  dit  que  le  roman  de  Gérard  de  Roussillon, 
écrit  en  vers  provençaux,  n'est  qu'une  chronique  rimée  contenant 
l'histoire  des  croisades  contre  les  Albigeois  :  c'est  là  une  erreur  que  la 
troisième  édition  reproduit  pour  la  troisième  fois  ;  il  convient  de  la 
relever. 

Je  dirai  donc  que  la  chronique  rimée  des  croisades  de  la  guerre 
contre  les  Albigeois  est  de  Guillaume  de  Tudela,  et  n'a  rien  de  commun 
avec  le  roman  de  Gérard  de  Roussillon. 

L'auteur  de  ce  roman  n'est  point  connu;  cet  ouvrage  contient  des 
faits  d'armes  de  Gérard  de  Roussillon  et  d'autres  preux  :  Gérard  refuse 
de  rendre  hommage  à  Charles  Martel  ;  ce  refus  occasionne  une  longue 
guerre.  •  # 

J'ai  parlé  de  l'un  et  de  l'autre  de  ces  ouvrages  au  tome  II  du  Choix 
des  poésies  dç*  troubadours,    . 

M.  Legrand  d'Aussy  manqua  l'occasion  de  relever  le  mérite  des 
trouvères,  lorsqu'il  ne- sut  pas  désigner  sous  le  nom  de  sir  ventes  les 
ouvrages  qu'ils  avoient  composés  en  ce  genre. 

L'Excommunication  du  ribaud ,#qui  se  trouve  au  tome  III,  pag.  74 
de  la  nouvelle  édition,  n'est  ni  un  fabliau  ni  un  conte;  c'est  un  vrai 
sifvente. 
"II  en  est  de  même  de  la  Patenotrc  de  l'usurier,  &c.  &c. 

Dans  la  première  édition  des  fabliaux,  après  avoir  analysé  le  conte 
des  Trois  bossus,  M.  Legrand  cT Aussy  ajouta  en  note: 

ce  Les  imitations  de  ce  fabliau  sont  assez  nombreuses ,  mais  je  ne  puis 
»  en  citer  aucune;  elfes  étoient  parmi  celles  qu'on  m'a  égarées.  Je  me 
»  rappelle  seulement  qu'il  se  trouve  copié,  à  quelque  légère  différence 
»  près,  dans  les  Contes  ta  r  tare  s  par  Gueulette  ,  &c.  »  Je  crois  avoir  lu 
aussi  le  conte  des  bossus  dans  les  Mille  et  une  nuits» 


V 


aoo  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

M,  Legrand  cTAussy,  après  son  analyse  du  conte  du  Sacristain  lit 
Cluny ,  déclare  aussi  avoir  perdu  les  preuves  qui!  avoit  rassemblées 
des  nombreuses  imitations  de  ce  conte ,  et  il  n'en  cite  que  trois* 

N  est-il  pas  surprenant  que ,  dans  la  deuxième  édition ,  sur-tout  dans 
la  dernière,  de  semblables  lacunes  n'aient  pas  été  remplies! 

Lorsqu'il  analy soit  ou  abrégeoit  les  productions  des  trouvères , 
M.  Legrand  d'Aussy  ne  résistoit  pas  toujours  au  désir  que  sans  doute 
il  éprouvent  quelquefois  d'enrichir  son  travail  de  quelques  citations  des 
vers.  les  plus  faciles  et  les  plus  agréables  que  les  originaux  lui  pré- 
sentent; et  il  faut  dire  que  si  Ton  n'avoit  eu  à  juger  les  trouvères  que 
sur  ces  citations ,  on  se  seroit  fait  une  haute  idée  de  leurs  talens. 

Ainsi  y  dans  les  notes  du  conte  de  Guillaume  au  Faucon,  il  rapporte 
ces  vers ,  qui  peignent  la  beauté  de  la  dame  : 

La  florete  qui  naist  ei  pré, 

Rose  de  mai ,  ne  flor  de  lis , 

N'est  tant  bêle,  ce  m'est  avis. . . . 

Et  de  sa  bouche  etoit  merveille 

Que  ele  sanbloit  passe-rose.  • . . 

Nature  qui  fête  I'avoit 

Y  ot  mise  tôt  son  sens,  • 

Tant  qu'el  en  fa  povre  long  tens. 

Dans  le  fabliau  de  Celui  qui  enferma  sa  femme  dans  une  tour,  M#  Le- 
grand cTAussy ,  après  avoir  exposé  comment  la  fenfine  trompa  son  mari, 
rapporte  les  vers  suivans ,  que  le  trouvère  a  insérés  dans  son  conte  pour 
prévenir  les  conséquences  qui  seroient  défavorables  aux  femmes  : 

Mais  ne  sont  mie  totes  maies*  (  *  mauvaises,  de  malus.  ) 

Aucunes  en  i  a  loyales  : 

Quand  feme  velt  torner  à  bien.  & 

Ne  la  f  uet  contrevaloir  rien. 

Dans  10  Confession  de  la  belle  file ,  une  pucelie  vient  se  confesser  au 
chapelain  <Ju  manoir  d'amour.  Le  chapelain  lui  répond  : 

Vous  estes  belle,  jeune  et  tendre. 
Digne  de  venir  à  grant  bien  , 
Car  je  vous  jure  qu'il  n'est  rien 
Qui  tant  au  dieu  d'amour  déplaise 
Que  laisser  mourir  un  chrestien 
Que  povez  sauver  à  vostre  aise. 


AVRIL  1830.:  ;    t.  .  *t£ 

À  la  fin  de  chaque  volume,  l'éditeur  a  placé  Jes  textes  origirw**  4e 
quelques-uns  des  ouvrages  que  M.  Legrand  d'Aussy  avoit  f5ut  corç- 
noître  par  des  analyses  ou  par  des  extraits.  La  plupart  de  ces  textes 
avoient  été  imprimés  avant  ou  depuis  la  première  publication  de  Jow- 
vrage  de  M.  Legrand  d'Aussy ,  et  l'éditeur  en  ?  soigné  la  réimpression  ; 
d'autres  sont  publiés  pour  la  première  fois ,  et  c'est  un  service  que 
l'éditeur  rend  aux  gens  de  lettres,  qui  aujourd'hui  étudient  notre  ancienne 
littérature  plus  que  les  gens  de  lettres  d'autrefois  ne  s'en  occupoient< 

Parmi  les  pièces  inédites,  on  distingue  h  Chien  et  le  Serpent,  un 
fragment  considérable  de  Partenopex  de  Blois,  les  deux  Grisélidis,  le. 
Gieus  de  Robinet  de  Afarion,  &c.  Ce  dernier  ouvrage  est  en  scènes  et 
en  dialogues ,  et  peut  être  considéré  comme  une  petite  comédie  pasto- 
rale :  elle  contient  huit  cent  cinquante-deux  vers,  dont  quelques-uns 
éloient  destinés  à  être  chantés;  c'est  un  opéra  comique  de  l'époque. . 

M.  Legrand  d'Aussy  observe  avec  raison  que  cette  petite  pièce 
dramatique ,  comparée  aux  mystères  et  autres  pièces  que  produisirent 
les  premiers  âges  de  notre  théâtre ,  offre  un,  certain  mérite ,  que  la 
marche  en  est  claire ,  les  mœurs  vraies ,  et  qu'on  y  trouve  des  détails 
agréables. 

Les  diverses  lectures  que  j'ai  faites  attentivement  de  cette  pastorale, 
qui  intéresse  sous  plusieurs  rapports  notre  ancienne  littérature,  me 
portent  à  croire  que  c'est  un  ouvrage  dont  la  composition  remonte  au 
milieu  du  xiii.c  siècle. 

On  y  trouve  encore  des  participes  passés  et  des  substantifs  en  ET  : 

Qui  te  donroit  un  horion, 
Ne  Tarait  il  bien  em  ploiet! 
—  Ah ,  sire,  vous  fériés  PECHIET. 

Ni  est  employé  pour  et  comme  dans  la  langue  des  anciens  trouvères, 
et  sur-tout  dans  celle  des  troubadours  : 

Je  vous  pardoîns  tout  le  méfiait 
C'a  mi  Ni  as  miens  avés  fait 

Mais  ce  qui  fortifie  mes  conjectures ,  c'est  qu'on  y  lit  le  juron  de 
par  dieu. 

Cette  circonstance,  d'après  mon  opinion,  sert  à  prouver  que  la 
composition  de  l'ouvrage  est  antérieure  à  l'ordonnance  que  Louis  IX 
rendit  en  1 268  ou  1 269 ,  portant  ce  que  nu!  ne  soit  si  hardy  que  il  jure 
»  par  aucuns  des  membres  de  Dieu,  de  notre-dame,  ni  des  sainz,  Sec.» 

Depuis  long-temps ,  j'ai  pensé  que,  pour  échapper  aux  peines  portées 

ce 


*tf*  JOURNAL: 

par  <*ttê  ordonnance  ef«m  d^utres  pGHérietrfei,.fe$  personnes  qui 
se  perinettoietft  les  Juremétts,  et  sur-tout  le|  écrivains  qui  les  rap- 
pèftèierit;  feu  fiai  de  dire  /nxr  DIEU,  màrt  Dise,  cor  dieu,  pro- 
néncèrérit  et  écrivirent  par&LEU ,  mors leu ,  torSLEU,  et  j'ai  quelque»» 
ibis  employé  avec  succès  cette  conjecture  pour  «n  fortifier  d'autre* 
relativement  à  la  fixation  des  époques  où  avoiem  été  composés  les 
oâtftges  dans  lesquels  se  rencontrent  ces  énonciations  différentes. 

Peur  reconnoître  que  les  additions  du  nouvel  éditeur  donnent  un 
rtouveau  prix  à  la  collection  de  M.  Legrand  d'Àussy,  je  comparerai 
un  passage  original  avec  la  traduction  ou  l'imitation. 

II  n'avoit  donné  qu'un  extrait  très-court  de  la  description  du  pays  de 
Cocagne. 

ce  Sur  tous  les  chemins  et  dans  toutes  lès  rues  sont  des  tables  dressées 
»  où  Ton  vient  librement  s'asseoir,  et  des  boutiques  ouvertes  où  Ton 
»  peut  prendre  sahs  payer.  Là  se  trouve  une  rivière  de  vin  et  un  prin- 
temps éternel.  » 

Les  détails  de  Forigrnal  sont  poétiques,  et  donnent  une  vraie  idée  du 
pays  dont  le  nom  est  resté  dans  notre'  langue  pour  exprimer  un  lieu  où 
tout  est  à  souhait. 


>  < 


r      •     Le  ppys  a  à  non  Cocaingne , 
:t         .  Qui  jlus  i  dort,  plus  i  gaaigne;- 

Cil  qui  dort  jusqu'à  miedi, 

Gaaigne  cinc  sols  et  demi;  - 

De  bars  (*) ,  de  saumons  et  d'aloses  .      (*)  Barbots 

Sont  toutes  les  mesons  endoses  ; 

Li  chevron  i  sont  d'esturjons, 

Les  couvertures  de  bacons 

Et  Us  Iates  sont  de  saussices 

Moult  a  où  pays  de  délices, 

Quar  de  hastes  et  de  courz  os 

I  sont  li  blé  trestuit  enclos; 

Par  les  nies  vont  rostissarrt* 

Les  crasses  oes  et  tournant. ... 

Si  I'auroit-il  à  son  talant; 

Char  de  cerf  ou  d'oisel  volant. 

Qui  veut  en  rost,  qui  veut  en  pot  ;  '.        ... 

Ne  j*  n'i  paieront  escot, 

N'a  près  raengier,  n'i  conteront/ 
,      .  Àusi  corne  en  cest  pays  font  :  r 


?::     .AVRIL  18304;    ;  .-,».  ao* 

_  :     C'est  fiâfe  vérhc*  prôVfi*    ,.  .-,  ;.    ..  4.      - 

Qu'en  la  terre  beneurée  ,     •. 

Çort  une  liyiefc  dç  vip, ' 
Si  arrivent  li  nwerin, 

Et  U  vôiftç  i  vont  arrivant,  ./ 

;  Et  H  hansp  d'<>r  et  d'aidant.  l 

31  ny  a  cïe'I&grà^eçtc^  ces  vers ,  et  fe  pro$e  dfe  M.'.Efe- 

grthd  tfAiissy  rie  permettait  pas  de  croire  Qu'ils  offrissent  une  dekiip-' 
don  aussi  agréable.  l       '  '*•*.•$> 

La  première  Içttjre  <fti  mot  ma^rln  a  été  imprimée  en  majuscule; 
cette  faute  typographique,  dans  un  ouvrage  aussi  soigné  que  celui-ci, 
échappée  relativement  à  un  mQU.da  l'ancienne  langue  qui  n'est  pas 
resté  dans  la  langue  actuelle,  pourroit  induire  en  erreur  quelques  lecteurs, 
sur-tout  les  étrangers  ;  je  croi^  donc  utile  de  la  prévenir. 
-    MAZEirrai  dàrisîâ  làri^ue'dés  trWèïe^  sîgfiifibh  coùpe^  tàle r  '  ^ 

Et  .apportèrent  estrelins, 

Hànas,  coupes  et  mazerins.  (  Philippe  Mouskes.  ) 
Mais  prudom  ,  plus  qu'ors  ne  qu'argens ,    v"        ,     t 
Est  vrais  et  purs  et  enterrins , 
►  ;;.,.  *   Et  ûei  plus  quel  nus  MAZEKÏNS.  *    •  'i~>\* 

:        (  Fabl.  et  contSunc.  tom.  I,  pég.  318.) 

Cette  expression  nés  (net)  plus  que  nus  majttins *.  permet  de  créait 

à  Ja%  pureté  et  à  Fécla  t  des  coupes  de  cette  matière* .    '  ;--.",  v.  :  ..  T- ,.  -, 

;  On  trouve  dans  les  auteurs  du  moyea  âge,  depuis  le  Kll/  siècle* 

fçyphi  maqttini,  de  macère  cupet  ma%èrinœ>  hanap  de  ma<ke,&c.  Le  nota 

4cs  la  matière  de  ces  coupes  avoit  été  donné  k  .ces  coupes  mêmes*   j 

Quand  M.  Legrand  d'Aussy  eut  publié  les  fabliaux  et  contes  &c*, 
en  i779t  l'auteur  du  poème  du  Jugement  de  Paris*  M.  Imbert,  mit 
#n  vers  plusieurs  de  ces  contes;  et  lors  de  la  seconde  édition  t  faite 
rei>  $78 1 ,  M.  Legrand  d'Aussy  indiqua  au  bas  des  extraits  des  £ibiâlik 
^ucwtes,  ceuxquiayoknté^imités  pat JV3/Inibert.  -,:< !.)--uy*t  i>2un 
Wj  L^  nouvel  éditeur  a  été  fAxs  généreux  ;  il  a.  fait  imprimer  qoeiquei- 
fUtrçsr  de  oe&  imitations.,  dont  lès  (détails  ont  souvent •  de  ia  gtâce^et 
?ptêsque  tpupntr&upè  aimable  raaps dàmgepeitsQ  ftbHbé.i  un  ;>  îj  <\vsa 
•?"j  aïiîf  dk  que  A^oiin  raiidit  publié  pâisieuw  cbme*ctifaidiqsr:«ti 
-OOgffc*!;  fit  M>  Lcjpndijd\àuas^!diAsf^ 

JrfT[f n  tirfç'pl'^ — ' *-j~-*i  i^.^i^^;^^^^^.^^^  j^jj 

CC    2 


j0 


io^  JOURNAL  DÈfS  SAVANS, 

Le  nouvel  éditeur  a  ajouté  à  ces  indications  celles  du  renvoi  aux 
recueils  publiés  par  M.  Méon. 

:Me  seroit-il  permis  de  taire  que  de  très-belles  gravures ,  composées 
par  des  artistes  habiles,  ornent  en  grand  nombre  les  cinq  volumes,  et 
que  tout  l'ouvrage  est  imprimé  avec  luxe  \  II  semble  que  l'éditeur  ait 
voulu  donner  tous  les  genres  de  recommandation  à  la  nouvelle  édition 
d'un  recueil  déjà  recommandé  par  son  succès  précédent ,  et  qui  doit 
également  plaire  aux  personnes  qui  lisent  pour  leur  amusement  et  à 
celles  qui  lisent  pour  leur  instruction. 

RAYNOUARD. 


c     - 


• 


Transactions  ofthe  Uterary  Society  of  Madras ,  part,  i,  whh 
engravings.  —  Mémoires  de  la  Société  littéraire  de  Madras; 
première  partie,    avec  planchés  gravées.  Londres ,    1827; 
120  pages  in-4.0  , 

Quel  que  soit  le  sort  que  la  Providence  réserve  à  l'empire  prodi- 
gieux formé  par  la  compagnie  anglaise  des  Indes  orientales  sur  les 
ruines  de  celui  des  grands  mogols  et  des  états  gouvernés  soit  par  des 
pinces  musulmans,  soit  par  des  familles  indiennes  d'origine  et  de 
croyance ,  les  sciences  et  les  lettres  auront  toujours  à  se  féliciter  des 
Conquêtes  nombreuses  et  impérissables  qui  auront  été  pour  elles  le 
itffuitat  de  cette  révolution  politique.  Sans  parier  d'une  innombrable 
multitude  d'ouvrages  en  tout  genre  dont  l'Europe  savante  est  redevable 
amt  recherches  et  aux  talens  de  tant  d'écrivains  qui ,  aux  devoirs  que 
Jeur<  împosoient  des  fonctions  administratives  ou  le  service  militaire 
4ht  joint  un  zèle  constant  pour  le  progrès  de  nos  Connoissances  sur 
ittode  ancienne  et  moderne,  chacun  sait  de  quel  trésor  de  renseignemens, 
aussi  importons  que  variés,  nous  sommes  redevables  aux  travaux  de  la 
-Sbcpité  asiatique  de  Calcutta,  dont  la  collection  comprend  aujourd'hui 
;§6t  volumes.  Xa* Société  littéraire  de  Bombay.,  formée  beaucoup  plus 
t?rd ,  et  dont  {'.activité ,  suspendue  pendant  quelque  temps ,  ne  peut 
banquier  de  recevoir  une  nouvelle  impulsion  du  génie  et  des  talens  de 
— l(ttAsi<taili  JCtuf  I*  *ir  John  Malcolm ,  à  aussi  acquis  des  droits  incon- 


UWtt^  jet  è:  J«t  jtcortneàttance  de  l'Europe  savante,  par  h  publication  de 
troâ.Abiwneavbdoab^aTiéléi fnecc^iremeat $nàxt  compte 


dant-ioe 


& 


AVRIL  1830.  ioj 

journal.  La  présidence  de  Madras  n'avoit  point*  jusqu'à  ces  dernières 
années ,  pris  part  à  ces  efforts  généreux  :  c  est  au  zèle  de  feu  sir  John 
Newbolt,  premier  magistrat  de  la  cour  suprême  de  justice  de  Madras, 
et  aux  efforts  de  M.  Benjamin  Guy  Babington ,  du  service  civil,  que  la 
Société  littéraire  de  Madras  a  été  redevable  de  son  institution.  Cette 
société,  dont  rétablissement  remonte  au  1  o  février  1 8 1 8 ,  et  qui  a  reçu 
son  organisation  définitive  le  19  mars  suivant,  n'avoit  encore  rien 
publié,  lorsque  parut,  en  1827,  le  volume  dont  nous  allons  rendre 
compte.  II  est  à  regretter  qu'on  n'ait  point  jugé  à  propos  de  donner  à 
la  tète  de  ce  volume  une  notice  sur  la  formation  de  la  société,  et  sur  le 
but  de  son  institution  et  ses  réglemens,  une  liste  de  ses  membres  actuels, 
et  les  noms  des  hommes  qui,  depuis  18 18  jusqu'en  1827,  ont  rempli 
les  fonctions  de  président  et  de  secrétaire.  On  peut  en  être*  surpris , 
puisque,  dès  Tannée  1824,  la  société,  en  s'occupant  de  la  publication 
de  ses  mémoires,  avoit  arrêté  qu'une  notice  de  ce  genre  seroit  placée  en 
tète  du  premier  volume ,  et  que  l'honorable  sir  Charles  Edouard  Gréy, 
qui  la  présidoit  à  cette  époque,  s'étoit  chargé  de  la  rédaction  de  cette 
introduction.  Les  rçnseignemens  que  nous  donnons  ici  sont  tirés  de 
VAsiatic  Journal,  qui  a  rendu ,  de  temps  à  autre ,  un  compte  succinct 
des  séances  et  des  procédés  de  la  société. 

La  première  partie  des  Mémoires  de  la  Société  littéraire  de  Madras , 
qui  a  paru  à  Londres  en  1 827,  se  compose  de  douze  articles.  L'éditeur, 
qui  ne  s'est  point  nommé,  observe,  dans  un  très-court  avertissement , 
que  la  société  fut  privée ,  peu  de  temps  après  sa  formation,  de  plusieurs 
de  ceux  de  ses  membres  sur  qui  elle  avoit  dû  fonder  ses  plus  grandes 
espérancrs,  et  parmi  lesquels  elle  eut  sur-tout  à  regretter  M.  Francis 
Vhyte  EJIb ,  qui  avoit  amassé  une  immense  quantité  de  matériaux  sur 
toute  sorte  de  sujets ,  mais  qui  s'étoit  fait  une  loi  de  ne  rien  publier  ou 
plutôt  de  ne  rien  rédiger  jusqu'à  ce  qu'il  eût  atteint  l'âge  de  quarante 
ans.  Parvenu  à  l'époque  de  sa  vie  où  ildevoit  commencer  à  mettre  en 
oeuvre  ces  matériaux,  il  fut  enlevé  pal*  une  mort  aussi  soudaine  que  pré- 
maturée. Cet  avertissement  nous  apprend  en  outre  que  les  morceaux 
que  renferme  cette  première  partie,  ont  été  examinés  et  choisis  pour 
la  publication  sous  les  auspices  du  dernier  président  de  la  société,  Sir 
Ch.  Ed.  Grey  ;  que  dans  chaque  morceau  on  a  conservé,  pour  les  noms 
propres  étrangers,  l'orthographe  adoptée  par  les  auteurs;  enfin,  que 
l'édition  ayant  été  faite,  non  d'après  les  manuscrits  originaux,  mais 
d'après  une  copie  peu  exacte ,  il  est  à  craindre  qu'il  ne  s'y  soit  glissé  des 
fautes  que  l'éditeur  n'ait  pas  aperçues  ou  qu'il  n'ait  pas  été  à  même  de 
corriger. 


1  J 


xot  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Parmi  les  douze  articles  contenus  dans  ce  volume,  H  en  est  pli»* 
sieurs  qui  ont  pour  objet  la  géologie»  la  météorologie  ou  l'histoire  natu- 
relle, et  sur  lesquels  nous  ne  nous  arrêterons  point.  Nous  passerons 
aussi  sous  silence  un  mémoire  de  M.  l'abbé  Dubois ,  sur  la  forme  des 
jugemens  de  Dieu  ou  ordalies,  qui  sont  usités  chez  les  Indous;  ce 
mémoire  curieux  ayant  été  compris  paf  soft  savant  auteur  dans  l'ouvrage 
qu'il  a  publié  depuis  son  retour  étl  Frtuice ,  sous  le  titre  de  Mœurs  et 
Institutions  des  peuplés  dît- Inde.  î4ous  allons  faire  connoître,  Ie:  plus 
"brièvement  qu'il  tious  sera  possible,  (es  autres  morceaux  compris  dans 
ce  volume,  et  qui  appartiennent  àl'hiistoire  ou  à  la  philosophie. 
•     Le  premier  a  pour  objet  les  livres  qui  servent  de  base  à  la  législation 
fie  PInde.  Peu  après  la  formation  de  la  Société  littéraire  de  Madras, 
<M.  Eîfîs",  dont  nous  avons  déjà  parlé,  àvôh  communiqué  à  cette  com- 
pagnie un  travail  très-é  tendu  sur  là  législation  indienne;  et  ce  travail 
manuscrit ,  qui  forme  cinq  cents  pages  in-folh,  à  été  déposé  plus  tard 
dans  la  bibliothèque  dé  la  société.  II  est  divisé -en  trois  parties,  et  contient 
en  outre  une  réfutation  de  quelques  observations  de  M.  Mills  sur  les 
lois  indiennes,  observations  consignées  par  cet  écrivain  dans  le  quatrième 
chapitre  du  second  livre  de  son  Histoire  de  l'Inde  anglaise.  Des  trois 
grandes  divisions  de  l'ouvrage  de  M.  Ellis ,  la  première  traite  principa- 
lement dés  livres  dé  lois  dés  Indiens;  la  seconde,  de  fa  constitution  des 
tribunaux  et  des  fonctions  des  magistrats  et  des  officiers  de  justice;  la 
^troisième  enfin ,  des  formes  de  la  procédure  et  des  fugemens.  C'est  un 
aperçu  du  contenu  de  la  première  division  que  Sir  Ch.  Ed.  Grey  donne , 
en  conservant,  autant  que  possible , les  expressions  mêmes  de  l'auteur, 
dans  le  premier  article  de  ce  recueil.  Il  est  partagé  en  trois  sections: 
ddns  la  première  on  apprend  à  connoître  les  livres  qui  forment  la;  base 
^e  la  législation  indienne ,  et  qui  sont  en  grand  nombre ,  et  écrits  à 
^diverses  époques  et  en  différentes  contrées  de  l'Inde.  De  ces  livres,  les 
'uns  sont  des  textes  originaux  et  les  autres  àe%  commentaires  ;  mais  c'est 
-plutôt  sur  les  commentaires,  ou,  pour  mieux  dire,  sur  les  opinions 
adoptées  par  les  commentateurs  et  sanctionnées  par  leur  autorité ,  que 
sur  les  textes  mêmes,  que  se  fonde ,  dans  la  pratique ,  la  législation  de 
Tlnde.  Les  instituts  de  Menou,  à  cause  de  leur  antiquité  .même,  et 
'ftute  d'un  commentateur  qui  en  règle  l'application  à  l'état  moderne  de 
Jaf  société,  ne  sont  que  de  très-peu  d'utilité  pour  la  pratique  actuellp. 
^ La  grande  autorité  accordée  aux  commentateurs,  qui,  comme  on  peut 
bien  s'en  douter  *  ne  .sont  pas  toujours  d'accord  entre  eni,  a  fprmé 
diverses  écoles,  et  par  conséquent  a  donné  naissance ,  futtaatjet  loca- 


•t  >  •  *  t  ••  i 


p 


AVRIL  l8jO.     -  ±07 

Etés ,  à  des  différences  dans  l'application  des  fois  et  dans  la  jurispru^- 
dence  des  tribunaux. 

Dans  la  seconde  section ,  Fauteur  s'attache  à  montrer ,  par  un  grand 
nombre  d'exemples ,  combien  les  écoles  de  jurisprudence  du  sud  de 
l'Inde  diffèrent  de  celles  du  nord ,  dans  une  multitude  de  points  d'une 
grande  importance.  II  croit  que  cette  différence  vient  surtout  de  ce  que 
la  doctrine  brahmanique,  toul  en  obtenant  la  supériorité  sur  celle  des 
Samanéens  ou  Djaïnas  dans  Tlnde  méridionale  (  1  ) ,  a  dû  cependant 
transiger  avec  les  anciens  usages  et  les  anciens  préjugés  dont  elle 
n'espéroit  pas  de  pouvoir  triompher. 

Enfin,  dans  la  troisième  section,  Fauteur  fait  connoître  quels  sont 
les  livres  qui  jouissent  de  la  plus  grande  autorité  dans  (es  provinces 
méridionales  de  Flnd^,  et  auxquels  par  conséquent  on  devroit  s'attacher 
de  préférence»  si  l'on  vouloit  former  un  nouveau  digeste  ou  corps  dp 
lois  pour  ces  provinces. 

Ce  morceau  annonce  dans  son  auteur  une  profonde  connoissance  de 
la  matière ,  et  une  vaste  et  solide  érudition;  il  fait  regretter  que  M.  Ellis 
n'ait  pas  laissé  en  mourant  d'autre  produit  de  ses  longs  travaux.  Le  sujet 
traité  par  M.  Ellis  avoit  déjà  occupé  le  célèbre  W.  Jones,  M.  Cole-» 
brooke,  à  qui  la  littérature  indienne  a  de  si  grandes  obligations,  et 
M.  Ward.  Sir  Ch.  Ed.  Grey,  dans  les  notes  judicieuses  qu'il  a  ajoutées 
au  travail  de  M.  Ellis,  a  comparé  ces  divers  écrivains  mec  les  opinions 
de  fauteur ,  et  a  ajouté  par-là  un  nouveau  mérite  à  ce  mémoire. 

Le  second  article  du  recueil  dont  nous  rendons  compte,  a  pour  auteur 
le  capitaine  Robert  Young ,  et  pour  objet  certains  monumens  funéraires 
existant  dans  la  province  de  Haïderabad,  et  connus  dans  le  pays  sous 
le  nom  tf  Habitations  des  racschasasou  géans.  Ce  sont  des  caveaux  dont 
plusieurs  ont  été  ouverts,  et  qui  sont  décrits  dans  ce  mémoire;  ils  ont 
beaucoup  de  rapports  avec  une  espèce  un  peu  différente  de  monumens 
également  funéraires,  très-communs  dans  la  contrée  située  à  l'orient  des 
Ghâtes  et  en  diverses  parties  de  la  côte  de  Malabar,  et  nommés 
Pandou-coulic,  et  aussi  Kodcy-kall  et  Topic-ka/I.  Dans  les  uns  comme 
dans  les  autres ,  on  trouve  des  vases  de  terre  remplis  cTossemens  qui 
Croissent  avoir  éprouvé  l'action  du  feu.  Le  troisième  volume  des  Mé- 
moires de  la  Société  littéraire  de  Bombay  contient  une  description  des 

— .— I— M^ B^t— ,^^ ^fc— — — ,^ — — — ■  Il      — — — 

(1)  L'éditeur  du  mémoire  de  M.  Ellis  observe  ici  qu'il  y  a  de  fortes 
raisons  dé  croire  que  les  Samanéens  étoient  des  Bouddhistes,  et  rion  des 
Djaïnas,  et -renvoie  à  cet  égard  à  un  mémoire  /le  M.  Erskiite,  inséré  dans  I# 
tome  111  des  Transactions  de  la  Société  littéraire  de  Bombay. 


ao8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Pandou-coulies  du  Malabar»  et  des  objets  qu'on  a  trouvés  dans  ces 
sépultures  ;  description  dont  fauteur  est  M.  J.  Babington.  On  ignore  à 
quelle  nation  et  à  quelle  époque  on  doit  les.  rapporter.  Une  chose 
remarquable ,  c'est  que,  dans  la  province  de  Haïderabad,  ces  tumulus, 
si  pourtant  on  doit  leur  donner  ce  nom ,  puisqu'il^  s'élèvent  d'ordinaire 
très-peu  au-dessus  du  sol ,  sont  enfermés  dans  une  enceinte  circulaire  de 
pierres  brutes ,  placées  perpendiculairement  sur  la  terré  ,  et  fort  rap- 
prochées les  unes  des  •  autres ,  ce  qui  rappelle  certains  monumens 
druidiques  ou  Scandinaves  des  peuples  du  nord  de  l'Europe.  D'un  autre 
côté  i  les  Pandou-coulies  du  Malabar ,  décrits  par  M.  Babington ,  et  qui 
portent  le  nom  de  Kodey-kall,  c'est-à-dire,  ombrelles  de  pierre,  et  ont 
la  forme  d'un  champignon,  offrent  quelque  analogie  avec  les  pierres 
levées  des  Celtes.  Toutefois  nous  doutons  beaucoup  qu'orç  doive  tirer 
<Jes  conséquences  historiques  de  ces  analogies;  car  rien  n'étoit  plus 
naturel  que  de  désigner  par  une  enceinte  de  pierres  brutes  le  sol  qui 
avoit  reçu  les  restes  des  morts»  afin  de  le  consacrer  en  quelque  sorte,  et 
de  le  soustraire  à  toute  profanation;  et  quant  aux  Kodey-kall ,  ils 
semblent  aussi  n'avoir  eu  d  autre  but  que  d'indiquer  que  le  terrain  qu'ils 
couvroient  recéioit  quelqu'un  de  ces  vases  de  terre  où  Ton  remfermoit 
les  ossemens,  et  ils  paroissent  n'avoir  été  employés  que  quand  la  nature 
du  sol  ne  permettoit  pas  d'enfouir  profondément  ces  vases  et  de  les 
recouvrir  d'un  cénotaphe  de  pierres  taillées,  sur  lesquelles  on  pût  encore 
jeter  une  couche  épaisse  de  mortier  mêlé  de  pierres,  et  amasser  par 
dessus  le  tout  de  la  terre  à  quelques  pieds  de  hauteur.  C'est  de  cette 
'dernière  6orte  que  sont  les  caveaux  ouverts  et  décrits  par  M»  Robert 
Young.  Chaque  caveau  renfermoit  un  nombre  considérable  de  vases  de 
terre ,  et  en  outre  des  crânes  humains  et  des  os  qui  ne  paroissoient 
point  avoir  subi  l'action  du  feu  et  n'avoient  point  été  renfermés  dans 
des  vases.  M.  Young  ne  paroît  point  avoir  observé,  comme  M.  Ba- 
bington ,  que  les  grands  vases  en  contiennent  de  plus  petits  ;  mais  il 
a  cru  pouvoir  supposer  que  les  ossemens  qu'ils  renferment  y  avoient 
été  déposés  à  diverses  reprises ,  ce  qui  donne  lieu  de  penser  que  le 
même  vase  renfermoit  les  restes  de  plusieurs  individus. 

Nous  passerons  immédiatement  au  quatrième  article ,  dont  l'objet  est 
de  démontrer  que ,  quoique  les  Indiens  possèdent  de  temps  immémorial 
le  système  de  chiffres  que  les  Arabes  ont  emprunté  d'eux  et  nous  ont 
transmis ,  ils  connoissent  aussi  une  autre  sorte  de  notation  arithmétique, 
à  bquelle  ils  emploient  les  lettres  de  leur  alphabet.  Nous  nous  bornerons 
à  rapporter  les  conclusions  par  lesquelles  M.  C.  M.  Whjth  termine  ce 
Mémoire. 


I 

r 


«Qu'il  nous  su,ffise  de  dire  que,  bi«, -que  Fépfalle  arithriiétifqp 
»  décimale  fît;  existé  dans  flnde  de .  temps  itnméroprjtl  •*  il  «t  ;  aimt 
»  incontestablement  bien  établi  qu'un  système  de  notation  alphabétique 
»  a  été  en  usage,  i\y  a  i  &#o  ans»  dans  Ilnde  sep tentriomte /sans  qu*bg 
»  puisse  présentement  fixer  avec  quelque  probabilité  l'époque  de  soh 
»  origine;  qu'un  autre  système  de  notation  totalement  différent,  cjUai» 
»  que  fondé  aussi  sur  remploi  des  lettres  du  même  alphabet*  a  eu  oèurs 
»  dans  fa  partie  méridionale  de  la  péninsule ,  systèipe  dont  la  date  pri» 
»mitive  ne  sauroit  non.  plu£  être  déterminée»  quoiqu'on  puisse  établir 
»  son  existence,  eh  remontant  d'âge  -en  âge,  pendant  un.  espace: dt 
y>  près  de  a,ooô  ans-  »  Pour  juger,  en  parfaite  connoissançe  de  cause, 
des  assertions  de  fauteur  par  rapport  au  dernier  système  donc  il  parie i 
il  faudrait  pouvoir  se  rendre  compte  des  textes  lanKfits  dont  U  J«s 
appuie.»  et  peut-être  desireroit-on  encore  qu'il  eût  d<HU*é#pfc  de  dé*e* 
ioppemens  sur  l'usage  de  ce  système  de  notation.  Toutefois  nous  ptn+ 
sons  qu'il  ne  doit  rester  aucun  doute  sur  les  points  £*$eruiels  qu'A  a 
entrepris  de  démontrer  ;  l'usage  des  chronogramme*  dont  il  domiié 
des  exemples ,  nous  paroit  en  confirmer  suffisamment  la  vérité.  )l 

C'est  encore  k  M.  Wbith  qu'est  dû  un  mémoire  sur  l'origine  et  Tantë- 
quhé  du.^Qdiaque  indien,  mémoire  qui  est  placé  sou?  le  n.°.  j^iLqs 
textes  que  M.  Vhith  rapporte f  pour  établir,  contre  l'opinion  de  W* 
Jones.,  qye  Les  Indiens  ont  reçu  des  Grecs  la  division  du  zodiaque  eu 
douze  astéxismes,  et  les  noms  ainsi  que  les  figures  de  ces  astérisques* 
nous  paraissent,  np.Iabser  aucun  doute  sur  la  vérité  de  cette  assertkfa» 
et  avoir  d'autant  plus  de  poids,  qu'il  est  contre  tpute  vraisemblance  que 
les  écrivains  de  ïtndè  eussent  déguisé  la  vérité,  pour  faire  honneur  à  des 
étrangers. de  quelque  partie  de  leurs  conttoissances  astronomigueaet 
astrologiques  v  on  retrouve  chez  les  astronomes  indiens  les  nomg  grecs 
des  douze  signes  dg  zodiaque,  et  ils  reconnaissent  que  cp  $ontdes  noms 
çtrangçpqui  aont  point  de  racine  dans  leur  langue*  Ils  citentcoiVime  les 
plus  anciennes  autorités  en  fait  d'astrologie,  Maya  et  Yav&ia.fA*  Wbtth 
entend  les  ,  astronomes  de  la  Cbaldée  par  Afay a,  mot,  qui  lui  paroît 
n'être  autre  que  çejui  de  Mages  t  et  par  Yvvana*  il  entend  les  Grtcs*  h» 
écrivains  indiens,  £U  disant  que  Mayaètoii\m  Asoura,  semblent  indiquer 
euxrnêimç*  fAssyrie  pour  sa  patrie.  Quanta  Yavana,  ou  Yavanistara, 
ifs  assurent  qqe  c'étpfy un  MUtcha,  c'est-}-$re  ,  un  barbare,  un  étran- 
ger, i,e  pom  feYflv&na,  H  est  vrai »  dans  Fusage  actuel ,  «'est  guère  \nu 
qu'en  mâuvàse  part,  et  s'applique,  comme  lerme  de  mépris,  à  tous  Us 
n^itfjnaijs, TÇ',^,ea,çe, sens.qu'il est emplfty dans  ce  pjrçyerbe  cètéî par 

,^?^  *  v>  ******* 

Dd 


»«o  JQURNJ|t'I>Ë^;ÏXVAN5, 


\*\ 


ipç  tort  aUHleite«  tim.yàïnfla  ]VViAVm  ^Htftfi  .aéttiotlt^è  ^ué  ce 
mot  rfrpirint  «  sera  ^ând  îf  tf àgfc  dé*  t^^  a 

communiqué  -feu*  Iridiens  âès  éonnoissances  isttoitomiques  et  asttolo- 
giqqes,  quoique  barb^ir/fm  considéré  par  eific  comfcrté  un  rischi,  à  cause 
des*  scienee  et  de  fa  pureté/de  son  caractère1.  H  fût ,  dit-on ,  Tarmi  intime 
de  Caria,  gourou  on  maître  spirituel  de  Krrschrta;  ori  recueiîKt  par 
écrit  et  Ton  traduisit  eft  sanscrit  le*  leçons  qu'on  avoit  reçue*,  de  lui, 
non-seulement  sur  f  astHonortffé  et  Pàsfrblogîe ,  mafe  aussi  sur  la  rhoraîe, 
nr  cfertam*  pofatéde*  p^kjéeS  î^g?etise$,  et  éai  le  pou  voir  illogique  des 
chamie*.  Elles  9e*éôMervêjféfcf  «t  existent  étttotfb;  *<&  sous  Fa  formé  cf  un 
recueil,  ou  sefci  ta  forme  dé  «ifàtiems  disperser  dans  dîvers  cotvimehtiîres 
trirtet  tetefttes  de  I'feide.  «Je  ne  f^s  àucunei difficulté,  dit  M.  Whith^  (^ 
•proposer  h^drment  cefté  qu&tftrti  f1  GrAM  ^iri  ràherchetoltaVec  sùht'fù 
**jmv{tt  ék  YaranisvaTa ,  tk  pot&tirit-ll  pas  découvrir  (t$  icti  dorés  Je 
pêjfytÂdaré!*^        '«••*:   "  >~  •  '•  ^  •'•  * 

'  M«  whith  pensé  aussi  que  c'est  aux  Grecs  que  lés  Indiens  doivent 
it  connoissance  de  la  division  du  temps  en  semaines;  et  il  fait  voir  que 
les  nom*  grec»  dei  sept  planètes ,  d'après  lesquels  sont  dénommés 
Tes  Jours  de  ia  semaine ,  ne  leur  sonrpbiht  ïncortnus.  II  assuré  ffe  plus 
<p&uçun*  mention  de  la  dwisfàn  hëftfchiàdaire  du  tçjnpi.  jrià»  pfa*  que 
dtt  dourairignes  du  zddiàqbë; 'nVftf  trôtrre  dan^  le^  téc^s. 
'--  Nott*  auteur  répond  a  quelque*  objections  de  détail  dç  V.  Jones, 
erafopte  encore,  en  foreur  de  son  opinion,  d'autres  cofisidératfons 
qtfe  fesuis  obligé  de  supprimer.  Je  rhë  stris  déjà  p^Ut4rtre  arrêté  frop 
Jong-temps  sur  ce  mémoire,  qui  rh'a  parti  dton  grand  intérêt.  Je  rtr 
grette  que  Fauteur  n'ait  pas  toujours^  fùgé  nécessaire  dé  {faduire  fes 
textes  .sanscrits  qu'il  cite,  et  qute  Hés  éditeurs  dt  ce  fétlièîl ' n'aS^V pas 
rempH  cette  lacune.  On  pourrait  aussi  désirer  que  figed^s  écqVarhs 
cités  ftt  fixé,  si  la  chose  est  pôésïblé,  âtfec  plus  de  Ttgifiïp.'    ::i;  # 

Le  douzième  et  dernier  article  du  vofutnç  est  h  trac&ctîoW<ftin  aricien 
acte  de  donation ,  écrit  en  langue  carnatl^ue,^  gravé  sui"  des,p(a'hches 
idrcuiv».  Ofte  doriatkni  d\m  viHagerfoiWnté }Pdtâver'dâ',:eiï\ïiie  Ixbé- 
taltéd'un  prince  indien,  appelé  Vbraoîl  Ôà\apàÛ  Cbndèjyrkta  >  'èl  îes 
reverius  provenant  de  cettfe  tfotarion  afevôfant1 fctft i^ptàf€i  à  délabrer 


les  ftte*de  Sri  Maholingodbàava]  ù  ihèu  àcTçh&ômtoilélï.VzuXew 
de  cette  traduction  test  un  indigène,  notàvrié'1  RûmT~}ïq£,  attàiché  au 
collège  du  fort  Saiht- George.  Plusieurs  pliitchéV  'mtéës  hiëttettt  spus 
les  yeux  du  lecteur  Fa  copié  dé  Forfginal.     .      r  *     r*  i  .     ;  ' 

H  y  a  lieu  de.s'étqnner  qtfôÂ  Vart ;  Joilit'  i  !a  pilfflkiiûpti dfe  tfe' mo- 
nument et  de  sa  tradtittlbn,  aûcurt  m^merfre,  aucun  tedséighiftiett , 


». 


.  I A  A  VIT  ttlftl  I J^Oî  n  U  O  l  M J 

Mtflriè  doté ,  pas  même  k  tr^nicrlpl^f»i4i^  tô^  ftfigi#^i;  :^i^ jine 
eftose  encore  plus  étorinaata  et  tou&à-&ii  iii£*plica^Iç  #  ;c'es  t  qu'w  *fc 
ptffeKé ,  sotfs  le  titré  <T^w/mi  û^rir^»  4Ppimjt^pp^rt^paA^à  fcet  acte  d* 
tlohknorr ,  due  planche  qui:  représente  iVO.'fi'aggieAt  ;d'ufl  jiionugHIQ? 
baby  foAien ,  découvert  entre  le  Tigrfe  et rEvphrata*  fttnrfi*  q^e,  çfftf 
)>tàridftë  te rapporte  évidemment àtun  autre  artkta  du  volume,  qui  ofcst 
-tjtiru ne  simple note piqoée sous le n.°6*  ;.:i  -  :  .,-.»;..-;  :<•.  .  ■••  ;</u 
'  Quoique  nous  nous' soyons bornéfe  ^  Jtendrtricotnpte,  des  mémoirff 
qu  te  vident  peiir  nous  un  intérêt  particulier  ♦  nous  croyons  en  avoir  dit 
assez  pour  faire  désirer  la  suite  des  Mémoires  de  la  Société  littératft)  jdf 
Madrés.  Nous  exprimerons  seulement  na  vcfett  pour  :qu*  les  objets  y 
t&ikht  traités  irvefc-  plus  de  détail,  et  qu'on  apporte  plus  dç  soin  &  leur 
publication.  Il  serait  aussi  à  souhaiter  que  les  textes  sanscrits  fussent 
dinnéîrdans  leurs  cacract*ret  originaux.         >  . 

,  StLVESTRE  Dï  $ÀCY.  . 


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•    4  »       * 


BiBLÏottiÈQpE  des  Cëoïsades,  par  Ât.  -■  Micfoaud . .  v  ; 
Quatrième  partie  :  chroniques  arabes ,  traduites  et  mises  en 
ordre  par  A4.  ReinauJ,  employé  au  cabinet  des  manuscrits 
de  la  Bibliothèque  du  Roi.  Paris,  Imprimerie  royale, 
librairie  deDucoiiet,  1829,  im*8.0 ,  xlvij  et  >8  a  pages» 


«.'... 


SECOND   ARTICLE. 


c . 


Plusieurs  exemplaires  de  ce  volume  ont  un  frontispice  partiqrfip% 
at  y  sontimitulé*:  jx  Extraits  des  historiens  arabes  .  relatifs  aux  guerres 
»-des  croisades;  ouvrage  formant,  d'après  las  écrivains  mu^ulpians ,  un 
»  récit  suivi  des  guerres  saintes  ;  nouvelle  édition,  entièrement  refondue 
»  et  considéfablement  augmentée.  »  En  effet,  un  travail  déjà  fott;>té» 
commandaBIe  de  M.  Reinairtf  $eryoi^  de  seconde  partie  à  T^âifiàA 
précédente  de  la  Bibliothèque  des  croisadf  s  .'«ft  M/ Wic^aud  ^  flfojfe 
cette  deuxième  partie  prend  aujourd'hui*'  ainsi  que  .la  .premiàri..  (*j  » 
beaucoup  pfpr  détendue,  et  acquiert  plus  cf*caithude^     >  *  ■        r  as; 

1    "  1  '1        i    ^       1  *  1  "  ■    |    i     ■■  ■"  ' 

(j)»Uft/«iMtt.cttyeM*^fr^  *iuA  9ii.-i  £  ubncM  .r 

Dd    2 


*<ii  JOURK>Jl£'DSSISAVÂNS, 

-  4  Là  première  occupé/ comme  on  Ta  vu,  trois  volumes,  dpm  le  4ernier 
*é  fcitttifte  (  pag.  3 8 y-jo4  )  par  des  extraits  d'historien*  grecs ,  Anne 
<5oHmèhe,  Nice  tas  Chonmte,  Jean  Cinnamus  ,  Nicéphore  Grégora*, 
MfehelDuct**  Georges  Phrantxa;  puis,  dû  plus  célèbre  des  historiens 
turcs ,  Saad-Uddin ,  et  de  deux  chroniques  arméniennes  (4).  Ii  reçoit  à 
firfre  connoître  tei  écrivains  arabes,  plus  nombreux ,  qui  ont  jwfâ  des 
croisades  :  M.  Reinaud  a  rempli  cette  tâche.  En  profitent  de*  matériau* 
rassemblés  par  D.  Berthereau,  H  a  revu,  achevé»  et  présenté  sous  de 
teellletires  formes ,  le  travail  souvent  défectueux,  de  ce  savant  bépé- 
ifictin. ••  •  ■ .    1  •  "'  . 

'■'  '  Lea  observions  préliminaires  qui .  ouvrent  h  volume  que  nous 
arakonçons,  contiennent  des  notices  biogwpWqui$Sr  ^  bjibliygrapbiqpes 
sûr  environ  trente  auteurs  arabes,  mais  envisagés  seulement  cpmrpe 
historiens  des  expéditions  entreprises  par  les  Européens  eq  Orient.  Le 
plus  ancien  (1)  ctsjt.Émad-eddiu,>qiji,  né  en  112;  à  Ispahan,  mourut 
à  Damas  en  1 201 .  II  avoit  été  attaché  en  qualité  de  secrétaire  à  Nour- 
eddin  et  à  Saladin  (  Salah-eddin  )  ;  il  a  célébré  tes  exploits  du  second 
dans  un  ouvrage  intitulé  V Eclair  de  ta  Syrie,  dont  il  ne  subsiste  que  des 
extraits  ;  mais  ii  a  traité  le  même  sujet  dans  un  livre  qui  s'est  conservé 
sous  lé  tint  dt  Modèle  4f  l'éloquence  de  Kos  (  nom  (Ton  contemporain 
de  Mahomet)  :  on .  a.  aussi  cfÉmad-eddin  une  histoire  des  sultans 
Selgioukides  de  Perse.  Il  n'est  pqînt  dit  à  quelle  époque  Ibn-Àbou-Taï 
tèrinma  sa  carrière  ;  et  d'ailleurs  ses  livres  nous  seroient  inconnus ,  s'ils 

*  •  S  a 

n'étoiem  cités  *ert  de  moins  anciens  ;  mais  on  voit  que  se%  récits  corn- 
prenoient  au  moins  les  dix  années  1 1 64  à.  1 17 A  •  «U  viyoit  e$  ce  temps- 
ii,  et  Ton  peut  le  regarder  comme  un  contemporain  d'Émad  eddin. 

Entre  les  auteurs  arabes  morts  durant  le  Xlil."  siècle  et  à  placer 
dans  la  Bibliothèque  des  croisades,  Tordre  chronologique  ameneroit 
d'abord  .Abdallatif(i),  dont  la  vie  correspond  aux  années  1 1 6 1  à  1 2 $  1 . 
Sa- Relation  de  l'Egypte  est  umvertellemettt  connue ,  dejtufc  181  o ,  par 


*fa 


:lu(i)  D'après  des  notices  rnsérées  par  M.  Cirbwd  dans  le  tome  IX  des 
£nraits  des  manuscrits  de  U  Bibliothèque  dii  Rqi*— (2).  M.  Reinaud  a 
4a p s  sa  Mfek  alghabtâqqe  des.  chroniques  arabes,  tes  noms  d'Édrist 


Ht*)  det  ctohéflé*:  semlemeâs  Ibw^Àbou-Taï  t  en  rapportant  <ra4ques  cipcons- 
tances  d'une  campagne 4e ;£hirçQti  en*  H$7>  4".  &l  stair-aji  shérif  I^drisi, 


/ 


la  tâdttctiéft  français*  quW  a  frite  M.  Sihésti»  drfcwy  (1)  i'Ie^Be*te 
arabe  et  une  terapo  iadnr  avoient  été  auparavant  pfcbfiét ,  particulière* 
ment  1  Oxford  en  i8ck>  (*).  Abddfetif  eut  polir  c^témporfin*  Ibrt- 
Alatir  ())  et  Boba**ddirc  {4)«i  Le  premier  a  laissé  une  Histoire  des 
Atabec*  ou  pères  de  princes,  et  une  chronique  c+mptiu  (é'est  son  titre) , 
tuais  dont  il .  n'y  a  qu'une  copie  défectueuse  \  la  Bibliothèque  du  Roi. 
Cet  historien é toit  né  à  Géziré  sur  les  bords  du  Tigre,  en  1  f  60;  il  a 
vécu  jusqu'en   1233.  Boha-eddin,  qui  mourut  deux  ans  plus  tard,  à 
f  âge  de  quatre-vingt  «-dix  ans,  avoit  composé  un  Traité  de  la  guerre 
sacrée,  qui  nfcjipipreit  point  parvenu;  mais  son  Histoire  de  Safadm  a 
-été  publiée  en  arabe  ot  en  latin  par  Schultens  (5)  ;  et  ce  livre ,  quoique 
écris  arec  trop  de  négligence  et! de  désordre;  est  l'un  des  plus  utiles 
à  consulter. sur  oçtsetDatàkei  Un  Ouvrage  d' Abcnt-Yafy  ettibrassoit  plus 
de  cent  cinquante  «fis,  depuis  1097  jusqu'au  milieu  du  xiiï.*  siècle, 
et  n'est  connu ,  dtr  irtoins  en  Europe ,  que  par  les  citations  qui  en  sont 
faites  en  d'autres  Imes ,  spécialement  dans  le  Miroir  des  temps  dlbn- 
Giouzî  (6).  Ce  miroir  est  une  chronique  universelle  qui  s^étfendoit  jus- 
qu'en 1,257,  époque  de  la  mort  de  l'auteur ,  mais  qui  n'atteint  que 
l'année  1 1  i.prdaiis  le  manuscrit  n.°  64 1  de  fa  Bibliothèque  royale. 

Kémal-edcEny  c|ui  vivoi t  encore  en  1261 ,  est  fauteur  d'une  sorte  de 
actionnaire  historique  dont  il  a  lui-même  rédigé  un  abrégé ,  mais  sous  là 
forme  de  chronique  (7).  Ji  répète  ce  qu'ont  dit  Ibh- Alatir  et  Boha-*eddin; 
cependant  sop  travail  jette  du  jour  sur  l'histoire  d*ÀIep  et  de  tout  le  nord 
de  la  Syrie,  aux  temps.de  Noureddin  et  de  Saladin.  Les  règnes  de  ces  deux 
princes  sont  ia  principale  matière  d'une  au* te  compilation ,  Intitulée  les 
Deux  Jardins,  et  faite  par  Abou-schàmé  (8) ,  contemporain  de  S.  Louis. 
Les  historiens  précédens  y  sont  rais  à  contribution,  à  partir  «FÉtnad-eddin, 
et  y  compris,  des  chroniqueurs  dont  les  écrits  n'ont  point  pénétré  en  occi- 
tfent~  Ce  qui  ajoute  du  prix  aut  Deux  Jardins ,  c'est  la  Correspondance 
politique  de  Noureddin  et  de  Saladin,  qui  s'y  trouve  insérée,  année  par 


***» 


(i)  Péris,  Treûttel  etWïïrtz,  i/i-*/  —  (2)  Aba.alfatipdi  Historié  AEsypti 
cempindiHM,  arabic}  et  latine:  part iminse  vertit,  partim  à  PocockM  versum 
edtndwn^uravU,  notfcaue  Ulustravit,  J.  Whte.  Oxonii,è  rypogr.  ClaTtnd.  1800, 
1/1-4/  _  (3)  (Ezz-eduin  Ah  )•  *-  (4)  (  AbouUMahassen  Yousouf  Ibn-scheddad  ). 

—  (j)  Vim  ttrts  gestœ  sultani  Saladin  i.  L.-  B.  173a,  in-fol.  —  (6)  (Scnems* 
eddin  Ab^H-mooaffcr  Youssouf^— -  (7)  M-  Rcinaud  a  Oublié  d'avertir  qu'un 
morceM  *M*&con  «diable  de  cette'  chjoonkitfe  a  été  publié  en  arabe  et  en  latin, 
avec  <Uft*9t$s  tmrsavantet ,  parM.-Freitag,  à  Parii,  en  1819,  hi-8.9,  souHe 
tigre  ùe&kçt+fK  WtUrU  Haltki.  Voye^  noire  cahier  dje  février  18191p.  67*77' 

—  (8)  (S<bv4>*b^ddio,Abd-«Jubiiia«>:;. 


2,4  JOURAtfli  DE8  6AVANS, 

^f¥^(A^*0toH^^fÀ4Qm^6sé  de  pI»^»JiÛ03i«^qui*dwcentlMt 
J9*qtf».fW[iW 4W.aqy*l*ifà(b* utàs.&M  iwaM  posivonajcenaétift 
q^cft  ?jvi  f*4rété  wté<? prist cette  éftocjuç.  Gt*  atteint  pàtkittemmt 
£*  Mfltait4^*';4l2j:<Vk  Je;  fia  cfaâe  HfetoMe  dés  ^friarchès 
cT^lfj^i^i^ '^Um^mq  «iècie  par .  Sévère,  évéqec  égpptfef), 

V  tfi  j4e§  ^itttflU|«urt  dont  Je>  dernier  s'a  ppefop  A\anHoud,ï>fifede 
Maas^nn  fttfe  *#S*  Vfcs  docUmëm.pfétieuac  sur  lé»  entreprises,  Us 

-  -ISquf  p&£<MK*nsi<â,  conime  Abdkàé  *n  :iiif  v^Agetét;>cMqtt^% 
?n*  y  .fà*>«ges  £Up*ia  om  Ehfiîkin.r  chrétien  jcFÉgypie,  qui  rproplmoét 
ïçç  fcpçtf cms  $4çri y^in,  à  la  Cour  du  ^ulmii*  Si  Jcfoomque^  pdtfiié|e^eh 
£3f|i/e  {^  Etmihui  avec  une  ^Tertio»  latine-  ^  *  &  h|»ontoit  à  la  tréariori, 
et  s^1m^poif  ^  J'*ti  de  outre  ère  ia6<*  On *fescti»é)Qsqa!à  làftwcbi* 
un  wle.mq  in^l£  jft^^ 

à  L'Jiif&irt  dps  tetf^dei  talifu  &  Mf  suhans  de  iHsiàmismt.  LWteia-y 
nomrpé  X?£i  >  ^  qu'il  écrit  en  l'année  .679  de  ' flfcégîre  j*  c'est  *  aUb 
de  J.  C  ;  pt  cependant  le  (ivre  Ait  mention  de  princes  qui  n'ont  régne 
qu'au  xv.'  siècfc,  sait  qu'il  y  ait  interpolation  de  ces; artples*  soit  qnè  (a 
préface  e;  Fou v rage  meute  aient  été.  fabriqués  après  ftui  a4oo+>  Oh  h 
^IburKalIeç^n  (*}  we  production  phi&auihentique:é4èvedeBGlia^eddin, 
puis  ça#  4m  Caire*  ensuite  grand  çacfîde  Damai, il  **oit  sorxante*onfe 
4ns  lo&qu'fl  raqun^en  128*,  laissant  un  dictionnaire  de  personnage 
éminens.  ,Çe  pÎQH  encore  qu'une  compilation ,  mns  qui  tient  lieu 
d'un  grand  nombre  cffètoires  et  tfcs  mémoires  qu'il  *?ok  il  »  fEspbst*» 
tion  et  qui  nous  manquent*  - .  .'*"'■     :  • :  * :  t 

.  On  fixe  à  Tannée  1  286  la  mort  de  Grégoire  Aboulfantge  »  qui*  Hé 
de  4>arens  syriert*  vers  4  226,  a  été  luccessiveinem  évéqqe  de  Gouba  -dt 
d'AIep,  ex  fripât  des  chrétiens  jâcobitea,  ii  a  écrit  deuxi  fiistoiies, 
lune  en  syriaque  9  Tau  tre^en  arabe;  toutes  deux  on  té  té  imprimées  avec 
des  versions  latines  (}),  La  première  finit  à  Tan  ta84;  '»  seconde, 
qui  n'est  souvent  qu'une  traduction  de  la  syriaque  »  présente,  néanmoins 


9"<¥ 


(1)  Historia  saraeenica  ,  quâ  res  gesta  Muslimorum.  .'■. .  ttfqué  ai  fcrfrfi** 
hnperU  Aetabecœi  per  4g  imperatotum  stucessicnem  JUniiUHhè  e*plfc**twr\ 
\nsertis  niam  passé  m  ckristianorum  rtbus  itt  Orient**  petissimim  ecclesHs  eùdèm 
tanflrt  gestis  ;  arabici  olim  exarata  à  G,  iElmaeinv,  st  latin)  réédita  taré 
ÈrpmiU  L.  B.  1625,  in-8.'  Une  traduction  franc*  if«,  par  Vattto,  a  été 
imprimée  à  Paris,  eo  1657,  m-^.'  —(2)  {  Schemt*eddl*  Awul^atbhei  Ahmed). 
-»— (3)  Abulftragi^  Chronicum  syriacum ,  cum  iari*Û  version*  IffàitÇ*  ijty» 
2  vol.  /n^S  publiée  par  M*  Bruns  et  Kuch.  fJisSôïi*  Âompwn&osa  dynts* 
tiarum,  arabici  et  latine,  interprète  fotûetâ*.  0*O*ti ,  1663  ,^2  «wrf,  f/f-^/.  .    ~ 


ciwtfHk  <A^^às  ^inowrrikriâces;  tlie  a  étàtfaiHeuf^jçpnttnuée 
JWtjtfWi  WpV  paf  tfffibnônynie*  Cet  ouvrage  !o«  «e#  ;tf«*  ouvrage* 
êtf^tatrie«rt,i  Sur  lek  guerre*  d'Orient,  quelque*  détiih  qu'on  ne 
£ttfe&^  4^  atitatfe  aJtrt  s<rtirc&.  Nous  n'avons  poiàt  à  nous  occuper 
dts-2ctirt  ^didgiquésr2^  ^hHp  Us   so/u 

étrthgefe  *uk  ^flfeadtfci  If  tff  .'anpasi  lieu  nor»?pius;<te  .s'ari£t&'  à  un 
Stitf-éddih  dont  <tfi  tfa  ftohrt  le» litte^  pt  qtafcst  seulement  ;ci^  flair 
«A^mtétir  ah&é  du  ivAi^ey^tyraine  ayàhtpéorit  dans  ïq  XJii/ 
ét^dmhé1 qu^uetf'd^taJIt'WriW  oonbats*  i*4 iwfrrs  et  tes  traita 
4P  5/  Loftfs.  Mai*  1er  Téuife,  mfeux  coa serrés  i  dé  Àfafcéddinj  font 
(teirthMtrè  lé*  «uhftirè  Blfcm  wr  Ktftomi,  et  s'étendent  j*wqt&  £?i&née 
ï'ÏJf  K  Gémal'éddln  (i tyifài mcfoiit nonagénaire  ehri^a^^ex^ 
ëesJ  ftrtetiôns  ffcifcJiques*  «r  troàvé  néknAioiat  lei  templ  À£<We  des 
t&fër&dmtkî  i'*AWë  autres-but  hietofse  teèfrriifi»*  jta^$Hibite4!0* 
fttfté&.fl*  la  A»fwvri'ld^  Sahidm,  qui  4taitkttmdé#  Rmt*t  cvm M 
r/MjgrHti  et  tjàhàité  commuée  avec  encore  pbts  dèjirottftiti.  pflr  Ibivr 
AW%to*lî^<£e*  p^btbfemetit  *ér*iaiâà  du  xuu\ài&L  Q}&&-. 
-Môfi9tot\  et  ibh-Zoufe*  compiioientbrfeti  biftoira»^  fdç î'jE^p^.  qw 
^*^^hf  inai^mftai;4a:*«it)îroth*qti^  du  Rfa**  *t  ^r«fl#eftn«t 
^dqd^tfftlirtrêhHfe^r*crc*l«des.î  ,  -  •  -:>  .  ....;  ^  v  .ir>.«iiî 
^'  Bfcîfe  tttfe  éi^éfttfon  de*  bbtoiims  arabe»  fusqi^e^j  Ta^n^  i  j^ci, 
hcfcs  rftJirt  $0faWel<éttttés  quelquefois  deTprArç  «*¥i  ptf^jRf^wl, 
tfffii  dfei  fcdus^pproobep  <de  «lui  deslemps,  le  piuiqitflppjus  éiojt 
possibfe.  ï'^.       '        .']ii    >  .^   !••■:»-'-•■ 

;  Le  ktf  .•T*î«tlrfotti^ 
•  t  jty  Wd?|4cfc;  ^<tbvégèflim^MbfaÎHeUîfi  9  <ro  ai^cWjW**  «flÇ**lW 
de'Bfbatëj  niiiiNwl  «tttimepoe  cetyném^i'o»  ne  jKwftle  pokft.46u? 
anttés?  Vîèi  de ;  Ifbars ,  écfiteajf  ime' pa».  £zz-ed^Q  (^n7s^h^a4# 
r^iHrt,  1)eâiîtoûf3i  pt«t  tard,  par  Çoyorfthû  En  \  1 3  »  vWwapw  Afe<*& 
flKHf  f S) ,  qài  étoitf  «*>à  Damier  au  sein  de  J»  jamîtfe  fies  Àya^jf^ 
êWfJ  i;r <..M«grt  Fécto'd*  iër  exploit*  guefrier**  il  *'%J9W  V#h( 
tftëhPdë  sa  pHiitfflàlrtÉ  *  Hânàh  ^'«ptès  1^1^  Cei^  4i  $W5>^Wgef 
tjîliStiWit  fè  ^fa9H  PfefetriM.derfiroisàd^^ 
gettfr" liuiiiain ,  -abrégé  - fert  rapide  i  fégard  rie* 


du  ^mpV ou VïvSTthWei^:  AboaRéda &A*çmkâ~mh± ëès em 

dm»  ite%k>«raM  les  ,pl»  pure»  ;  if  ,qpyvwf..% ^x^tfS^M 


(i)  (  Mohammed  Ibn-Saiem  )—  (2)  (  Émad-tddnr4«Miil^  v»  t^uWv>n*\ 


il*  JOURNAL  îDESlS^VANS, 

<f  inexactitudes  et  dfeàéurs  en!  ce  qui;  conàtaniertcit  les  dyn*srie6  musul- 
mânes  de  PAfrfqtwet  def£spagnef  fcHtte^eévoJmipns  deJ'Àsje  mineure 
aux  époques  des  Croisades  ;^et  trop  de  IrétitTaces  dans  l&  partie  relative 
aux  sultans  mamèiou^ks  d'Égjrp te  •  et  de  £prie«.Les  léçiis  d'4boulftda 
•  n'en  ont  pat  meiitt  wte  t ràs^aote;  impoHame  ,r  surtout  une  foi*  qu'ils 
atteignent  Pan  da^if  fis  ont  été  imprimas*  ai  4>vtir  de  ce  terme ,  avec 
une  versit^larinede^Rèi^ke  (i,);et  M^iJiWeMfe  de  Sacy  *  traduit  dan? 
la  même  langue  ce  qtrti  jt  a  de:  fju^fatftrut tff  dans  pe  qui  précède  t, 
savoir,  ffcistoire'rieeiAailxss  aVant  Mahomet  (a).  Novaïrj  (j),  qsuj  n'a 
survécu  qu'urt  an  4  AboulfédaY  est  auteur  tfùït  ouvrage;  intitulé  ;7>nn* 
te  4'iàtelligeWe iretèthement  4**i  Jlfffrew  gnttr  de  sciences  i  c'e*t<  upe 
sôrted,etM^fopé(Mei«3îorique quia  delà fféléb^  et  dont  M.  Reipaud 
a  extrtihqueiqpea 'articles,  ît  a  Ait  également  usage  d'une  chronique  cfa 
l'islamisme,  dont  M  «P étante  à  Pari*  .que*  deux,  tome»  »•  et  dans  fequellg 
t)éhebi^4)  *  niègéfiafiljèclès  tes  ^ri vains  musulman*»  Ce  fompifay^ur. 
qlii  a  hissé  d*autft$  livres:,  était  né  à  Damai  en  *  1 274  ;  il  est  mort  eq 
."t'H^**  Lrf^p^Féd'lbmféiit^nes'mtîtermitiée  qu'à  fa)dnqt*ijème  année 
dii  xv.e  rfèderm^i*iavbit^(m  jbix^teM:i«|  adfi  dafts  le  précédent. 
Sa  «htoritqué  tfnh»ei*rftt  efc  pept-Ôti*,  Jifc  JVt  Renaud  te  recueil 
historique  le  plus  complet  qui.«itttè.ienr'X>iiMlt:il,li,fnipIit,  à  la 
èMdthèt|tfë*  W^VîenMy  '4ix  *ufooieai  wânnwtri»  qm  embrassent  les 
a^nrfes  de^t^c^tikfei^t/l^il'ôii  «possédés  pendant  quelque  temps  à 
Pàrfs;  Feu  fc**  JémtdÀi  *  tqrfrjfaftMês  tranmripdom  «f  «le*  traductions 
qui  sont  restées  à  la  Bibliothèque  du  Roi. 

-  Nous  riêfêni  j^Us  Jrïhdkjuerque  deux  hbtoraen**rafca  da  *y  /  siècle, 
Mafcrizf  et  Abb€fl^MahaMen;erdeitK.du^vi.%  Sof^Mlbi  ftt^Mogir-eddin. 
Le  plus  savant  et  le  plus  retro*mmé  fies  quatre,  Ma\*vi £$) \  parie  fort 
souvent  -ries  crdlitadésy  tant  dans  soit  Histoire.de  l'Jsgypte  depuis 
&fa<&n  ^  t^ée;  tdahs  sa  Description  géographique  de  h  même 
cbhtrée  {f).  Il  «*est  pas  un  témoarç -des  .4? éneftens  de  ces  guerres, 
péi*Jtf9  n'a  vu  le  jow  qu'en  1 36  5  f  t  quîl  airécu  jusqu'en  r44*  ;  mais 
VF  à  rWueHH vm  frés-gwid  nombfe.de  iériis*  de  traditipqs  et  de  docu- 
ttienssôrt'ifc'esoJii  toutefois, cie  iea  eppuéoer  atfeq  uae  critique  plus 

it     ftik'Jk\tiài\L     f    ij|i        1        "■      1   Vj      lé       >i       >iim)i   |       m*)*       ■»!■;■■!  1    11  il  ;      f.    f 

*^<Wo«à*>  ^Mfti  .tnviiffflricîy  tfnrôr*  H à^\,  offertes  studio.  J.  J. 

~  '  **>TitttA^WMf»i*i4f!i«^^7^9«»79i»  5  voL /*-*,'—(*)  A  la  suite  du 

m  %  V&^&V*  # &)™tikTH*-  Oxfoùl,  1866,  tn-4/  —(3)  (  Sche* 

MirAHçied  j.  —  WW  ScVros-eddid  McAatfriéd).—  (fl  (  Taky-eddin 

lammeffi^ffif  TWft»  delà  rèhte  fyti  mène  W  **'  <onmis**wa  des  dynasties 

fbyâlM.  —  ff)  Livre  l/u  uteiiijjcnifiu  -et  Je  4**éfl**ion  du  su/ci  des  divisions 

territoriales  et  d*i >mmmkmiùis,  -l» ■•-,  —    fnvî;.-'-;i«: 


•# 


-saine  et  plus  s^ère  ^e  k  $ienh«i  Abodl-ftfcAawen  (i),  lié  kAjepIettëls 
<fun  éfirmry  albrsJétabfoau  Cake,  oè  i*^obttnt  Ixi»émedfg«ftévCeilë  A 
^ei  productions  qu'il  a  nomvnëtLivtc  dek  tuiles  rttplendittant wïei uti- 
lement &ux  rois  d'Egypte t  est  une  ccmpifatiqn  qui  répare  etvftttftifcJ  la 
perte  ou  supplée!  l'absence  de \ plusieurs  ouVrages-  pf us . origittSiflr. 
Nous  avons  déjà  fait  mention  d'une  rie  de  Bibars  par  Soyouthi,?  mais 
pour  dire  quelle  né  se  tfoutve  point  en  Occident.  I^>  bibliothèque 
royale  possède  un-autre  litte  de  cet  auteur»  savoir-,  4ès  Beaux  ptMtsde 
vue  de  l'histoire  d'Egypte:  il  y  remopte  à  la  création;  et  descend  jusqu'au 
Xlv/  siècle  ;  il  n'est  mort  lui*inème  qukprès  l'ouverttite  du  acv;%  '  fiéiw  te 
temps  où  Mogir-eddin  (2),  cadi  de  Jérusalem ,  et  le  dernier  historien 
-  arabe  que  nous  ayons  il  nommer/  composoit  la  chronique  qui  porte  le 
troe  <lt  Corlfident  agréable  par  rapport  à  l'Jiistfiirt  de  Jérusalem  et 
ÏFHibron.  Elle  embrasie  aussi  nous  ietâges ,  mais  en  se  restreignant  à 
ce  qui  concerne  ou  intéresse  ces  deux  villes.  ...1    ;i.( 

C'est  ainsi  qu*  se  sont  s|uccédé  les  écrivains  dont  M.  Reîriaud 
entreprend  de  recueillir  ou  d'abréger  les  relations ,  fa  plupart  inédites 
ou  non  tradurtesv  II  en  regrette  de  très-importante* ,  dont  l'existence 
seule  est  connue,  et  qui  manquent,  comme  on  vient  de  le  voir,  à 
nos  bibliothèques.  II  avertit  &ai(feu*s  que  plusieurs  de  celles  que  àous 
possédons  sont  incomplètes  ou  informés ,  et  il  ne  dissimula  pas  qu'il 
y  en  a  peu  d'originales  :•  beaucoup  dé  ces  chroniques  ne  sont  que  des 
compilations,  que*  des  tissus  ou  amas  d'extraits  et  de  documens  em- 
pruntés. Mais  de  peur  que  ces  désavantagea  n'inspirent  trop  de 
défiance,  il  ajoute  qubprèa.tbut,  «les  grands  écrivains,  les  historiens 
?  les  plus  dignes  de  ce  nom  ,  ne  sont  pas  toujours  ceux  qui  instruisent 
>»  le  mieua^qb^y^ntianeinesute  à  garder; que,  pour  ne  pas  détourner 
i*  I>tteiwion,  ilsf^nt'oMrgés*  de  cacher  ou  de  ne  montrer  quVdémî  les 
*>  éonsidéràtioQrf  fe*  plus  importantes;  que  beaucoup -de  faits  précieux 
*  de  l'antiquité  feeroient  ignorés,  s'il  ne  restoit  que  les  ^mortels 
m»  ouvrages  -dès  Tatfife»  et  des  Tite-Live.  »Ce  sont  là  des  idées  dont 
nous  noterions»  garantir  ia  justesse,  lise  peut,  il  la  vérité  >  que,  sans 
jouin  cFuhe  réputation  très-briflàtite ,  un  historien  contemporain  des 
événemens  qu'il  rapporte  en  éclairasse  parfaitement  quelques-uns,  et 
qu'on  lui  doive  ainsi  «les Jut*ièi*s <qa'od  ne  ptiiseroit  pas  en-dés  KVres 
phis  renommés  que  le'  iiettr  mafe  s'il  1  s'agit  des  compilateurs,  <Jes 
abréviateurs ,  des  glossateurs  siffvienos  à  travers  les  âges  suivais ,  nous 
croyons  ipkttôt  que  î  ce  éwrt  euxrqul  ont;  introduit  le  plus  d  erfèur*  et 
i,   <yi.    iii|iijBniQifir,nrlj  ei-ii  1  ftl  il  in  |e^sivi<ii>  êiurtij  f  1       ii 

Ee 


\ 


*rf  JOU^iÇi  D»$\SAVÀNS, 

2jtté  Jq  J*i*  ^ftér)èb*»fdatol^  »v« ,  Ja 

(Confiance  toute  gratuite  i  qui  leus  est  ^ocorfée^  Iconltibtie  à  imprimer 
.UBOï&usse  direction  aux  études  historiques  y  à  substituer  les  traditions 
ring  témoignages  f  lesi  hypothèses  aux  notions  positives»  la  divination  à 
.]*  saine  critique.  Les  historiens  lis  plus  dignes  de  ce  nom  sont  précisé- 
ment ceux  qui  ont  fait  les  recherches. les  plus. exactes,  et,  à  tous,  égards, 
le  meilleur  choix,  entre  les  récits*  C'est  Ja  perte  «Tune  partie  considé- 
rable des  livres  de  Tite-Live ,  de  Tacite ,  et  de  quelques  autres  grands 
écrivains  ,  qui  est  fr>  nos  yeux  la  principale  cause  de  l'ignorance  irré- 
médiable àjaquelle  nous  sommes:  condamnés,  relativement  à  des  articles 
fort  essentiels  de  l'histoire  ancienne* 

A  Fexception  cf  Àboulfàrage  et  des  auteurs  de  b  chronique  des 
patriarches  d'Alexandrie,  tous  les  historiens  arabes  dont  nous'  venons 
de  présenter  le  tableau  chronologique  .sont  <fes  musulmans  :  ils  ont 
contre  les  chrétiens  des  préventions  aveugles»  qu'ils  expriment  par  des 
formules  injurieuses ,'  et  qui  ne  leur  permettent  pas  de  garder  une 
constante  impartialité.  Cependant  leurs  récits  sont  assez  ordinairement 
véridiques;  ils  exposent  les  faits  tels  qu'ils  les  savent,,  sans  altération , 
sans  addition,  sans  réticence*  Sobres  sur-tout  de  réflexions  philosophiques 
ou  politiques,  ils. écrivent  avec  plus  de  simplicité  que  n'en  promettent 
les  titres  pompeux  de  leurs  livres  et  leur  caractère  d'auteurs  orientaux. 
M»  Reinaud  n'en  désigne  que  trois  auxquels  on  ait  à  reprocher  des 
déclamations  et  de  l'emphase;  Bgha-eddin,  Ihn-ahtir,  et  sur-tout 
Êmad-eddin,  qui  emploie,  k  la  manière  des  rhéteurs  ,.  uAe.  prose  rimée 
et  cadencée ,  au  risque  de  sacrifier  quelquefois  à  la  rime  l'exactitude 
historique.  Mais  les  défauts  des  autres  chroniqueurs  9  moins  anciens 
que  ces  trois- là  ,  sont  plutôt  l'incohérence  des  détail* ,  la  diffusion  du 
discours,  et  souvent  fa  trivialité  do.  langage*  Il  va  «ans  dire  qu'ils 
prennent  leurs  dates  dans  Père  de  l'hégire  t  M.  Reinaud  y  Joint  toujours 
.Fannée  de  1ère  chrétienne.  II  explique  aussi ,  vers  la  fin  de  ses  observa- 
tions préliminaires ,  le  mot  tddin,  qui  entre,  daiy  plusieurs  «oms  propres 
de  ces  écrivains  et  des  personnages  dont,  if  s  parlent*  £ddio  signifie 
religion;  Nour-eddin,  Emad-eddin,  Kémal-eddin ,  Schetm-eddîh ,  &c, 
lum'ùrc 9  colonne ,  complément  9  soleil ,  &c. ,  de  la  religion» 

Pans  les  trots  premiers  volumes  de  h  Bibliothèque  des  croisades , 
M.  Michaud  a  successivement  analysé  tous  les  historiens  occidentaux, 
à  mesure  qu'il  les  a  rencontrés  en  des  recueils  ou  en  des  éditions  par- 
ticulières. AL  Reinaud  suit  une;  anpe  méthode  :  il  ne  s'attache  plus  à 
la  contexture  de  chaque  ouvrage  »  m  4  la  série  chronologique  des  au- 
teurs, mais  à  celle  des-  évéaemens  qirtl*  maooirm.  i&àk  avoir  jeté 


AVRIL  il  830.  xty 

un  coujvcTceif  sur  Tétat  des  contrées  orientales  à  la  fin  du  xi/  siècle, 
suc  les  dissensions  politiques  et  religieuses  qui  les  agirent,. il  suit' 
le  6)  des  grands  faits  donf  se  compose  l'histoire  des  croisades  J  depuis- 
l'attirée  des  Européens  en  Syrie»,  l'an  1097,  et  la  prise  <tf  Arçtioche  par 
Bpémond,  en  ro  9  8,  jusqu'à  la  reprise  de  Saûit-Jean-cTAcrè  par  les  musuK 
iqtift ,  en  1295  ,  et  à.  la  destruction  des'  colonies  chrétiennes,  qui  tit 
fi*  la  sifita  iminédiate.  U  distribue  dans  le  coups  de  ces  deux  siècle* 
cçat  six  événfemens  principaux  r  autour  desquels  tous  les  autres  se  grou- 
pent ;  et  sur  chaque  article ,  il  donne  des  extraits  ou  des  abrégés  de 
tout  ce  qu'en  ont  dit  les  écrivains  arabes.  II  compare  leurs  divers 
récits,  en  rapproche,  ceux  des  occidentaux ,  et  souvent  édaircit  les  un» 
et  les  autres  par  les  observations  des  savans  modernes  et  pal*  les  siennes 
propres.  Ce  volume  offre  donc  un  précis  de  l'histoire  entière  dès  croi- 
sades i  et  par  conséquent  nVst  point  susceptible  cf  une  analyse'  propre- 
ment dite.  La  meilleure  manière  d'en  rendre  compte  serait  de  trans- 
crire, comme  exemples,  deux  ou  trois  des  106  a  rudes;  mais  ils  occu- 
pproieàt  ici  trop  d'espace ,  et  nous  n'en  pouvons  offrir  que*  de  simples 
aperçus.  •• 

Entrée  des  croisés  à  Jérusalem,  bataille  d'Ascalon  en  topp  (pag.  1 1-1 5). 
Ibn^Giouzi  assure  qu'il  partit  cTAntioche  un  million  de  Francs  dont 
la.  moitié  étoit  capable  de  service  militaire.  Kémal-eddrn  n'évalue  le 
nombre  de  ces  guerriers  qu'à  32o,ooo7"Cette  armée,  en  côtoyant  la 
mer  1  s'approcha  de  Jérusalem ,  qui  appartenoit  alots  aux  Égyptiens  et 
avoit  un  commandant  nommé  Iftikhar-eddaulé  [  gloire  de  l'empire].  Le 
siège  dura  quarante  jours»  Les  Francs  élevèrent  deux  Yottrs  qui  dévoient 
dominer  les  murs  dé  la  place  ;  Fuhe  du  coté  de  ta  porte  de  Sioft  i  l'autre 
vers  les  portes  d'Asbat  et  d' A  moud  [des  Tribus  et  de  la  Colonne].  t*es 
assiégés  brûlèrent  la  première  de  ces  tours;  h  seconde  s'avança  tort 
près  de  leurs  murailles.  Les  chrétiens  mirent  en  feu  toittea  faits  ma- 
chines ;  et  s'élançam  eux-mêmes  eomme  un  seul  komwH»  sttr  les  musul- 
mans 9  ils  les  dispersèrent;  et  forcèrent  rentrée  dfe  la  ville.  La  foule 
dc*«  faabitaos  se  réfugia  dans  f*  mosquée  tFAlacsa  /  Bfttié  par  Ovttà* 
sur  remplacement' du.»  temple  -de  Salomon:  lé*  vainqueurs*  les  ypou*-* 
suivirent,  en  tuèreàit  cent  mille  s^Ion  lbrt^Giouzi ,  et  firehr  un  égfel 
nombre  de  prisonniers  Mogir-eddin  dit  qu'il' n'a  voit  été  atconlé  au* 
musaUstaasquWdébédeitrofc  jours  pour  sorâfd*  Jérusalèmy  et  qu'im- 
patiens de^évadèr,  ib«ipressèré«tfeHeméntéiut  ipwte*<te  1*  mosquée,; 
que  plusieurs  y  périrent  étoufës*!^^  <*  temple 

ua  riche  butHvvmgt4ampe*ePoi%  cinquante  «forgent,  et  une  plus  grande- 
qui  pesoit  4 1  •  rt*ts<*it  4iwta"tfc  Syrfév  >lbii-Gioint^të^6h  £*• 

Ee  a 


2$oz  JOURtf^BinJESlSr^VANS, 

fçrjW  le^. Juifs  danà  lebn:  synagogue,  ètiqtfoa  fca<y  ï*Ûla;^H*i*^!àk; 
qja'au  jnproenticle  i'ehtrée  des  Infidèles  dans  (a  ville  sainte;  une  éclipse 
ds  spfeil  là  couvrit  d'épaisses. ténèbres.  Cependant  le  visir  Aftfal  ac-  ' 
cojiroif  d'Egypte  à  h\  téde  de  2.0,000  guerriers;  et  se  portoit  sur  Ascsfotî. 
II  .envoya ^du  Ibn^Moyassar*:rin  député;  «ux  chefs  des  chrétiens,  pour 
se  plaindre  des  attentats  oofamis  contré  tant  de  milliers  de  victimes.  Mais 
f  approche,  <f  un« formidable  àrméé  de  croisés  cthuiignit  Àfdal  à  prendre 
la,. Alite  ;  ses:  musulmans  éperdus  se  cachèrent  dans  des  hranthes  de 
sycomores;  on  y  mit  le  feu:  ils  périrent'  au  toi  Heu  des  flammes.  Ibn- 
Giouzi  ne  fait  quune  mention  jrés^sômmaire  du  siège  et  de  la  bataille- 
cTAacalon. , (Ce. que  Mogir-eddui' rapporte  de  plus,  c'est  qu'un  poète 
musulman;  pour  frire  ,*a  cour  k  Raymond  de  Saiht-Gilles,  à  qui  Ton 
attrifeuoit  tout  l'honneur  de  cette*  (victoire  f  ■  kit  adressa  ces  paroles  : 
ce  Tu  as  v&iricu  par  fépée  du  Messie;  Dieu  1  quel  homme  que  Saint- 
*>  Gilles  !  Jamais  la  terre  n'avoit  vu  de  déroute  pareille  à  celle  d'Àfdaf.  » 
Ces  mots  blessèrent  si  vivement  l'orgueil  du  visir ,  qu'A  fit  assassiner 
le  poète.  Des  fuyards  portèrent  à  Bagdad,  à  ce  que  dit  Aboulféda, 
la  nouvelle  de  ces  désastres:  on  étoit  au  mois  de  ramadan;  le  peuple 
concerné  se  répandit  dans  les  mosquées,  et  les  esprits  se  troublèrent 
à-  tel  point  qu'on  oublia  d'observer  ie  Jeûne.  Dans  ces  tristes  conjonc- 
tures,  le  poète  Àbiv&rdi  composa  une  sorte  de  complainte  que  Mogir- 
eddjn  a  recueillie,,  et  que  M.  Reinaud  a  traduite. 

Nous  retrouvons  quelques-unes  de  ces  par  ticu  fa  ri  té  s  dans  le  tableau 
que  M.  Michaud  (1)  a  tracé  de  ces  taémes  événemens }  mats  les  his- 
toriens occidentaux  lui  ont  fourni  des  détails  plus  nombreux  et  plus 
précis.  Chez  eux,  les  guerriers  européens  qui  marchenbà  la  conquête 
de  Jérusalem  sont  k  peine  cinquante  mille,  et  ne  traînent  aucupe  multi- 
tude à  leur  suite.  Us  traversent  en  bon  ordre  les  territoires  de  Bérithe, 
de  Tyr  et  de  Sidon,  s'emparent  de  Lydda  et  de  Ramla,  arrivent  sous 
le)  murs  de  Ja  cité  sainte ,  et  font  les  préparatifs  du  siège.  Des  chré- 
tiens sortent  de  la  ville  et  se  joignent  à  eux.  Trois  assauts  se  livrent  ; 
uftç  irruption  plus  vive  rend  les  croisés  maîtres  de  la'  place.  Quant 
aux  massacres  horribles  qui  ont  souillé  cette  victoire,  c'est  un  point 
sur  lequel  les  écrivains  des  deux  partis  sont  malheureusement  trop 
d'accord,  sauf  pourtant  des  variantes  légère*.  Les  relations  latines  attri- 
hitëiu  ï  Çodefroy  de  Bouillon,  et  non  &  Raymond  de  Sarnt-GrHes,  la 
principale  p*rt  au  triomphe  de  Farmécr  chrétienne  à  Ascalon. 

Siegf  44  priu  dt  Jérusalem  \par  Salëdi**  in  11  ï?  (  pag.  2o4-2oj>  )- 

.    ..  ?;_ 

(1)  Jiiftqitf  dfttrtisada,  4Aé4iûo0;  locvlrjfcg.  392-4&1. 


^      l 


«,■/ 


avril  1850.1  :  •.''.  M.  2a  1 

ÂuTdire  de  Mognveddîn ,  paladin ,  qui  hésitoit  à  tenter  l'attaque  de 
Jérusalem ,  n'en  prît  la  résQlution  qu'en  recevant  une  lettre  en  trois 
ver?,  où  cette  ville  elle-même  le  pressoit  de  la  délivrer  :  ce  serait  une 
bien  petite  cause  d'un  grand  événement.  Émad-eddin  en  suppose,  une 
autre  qui  n'auroit  guère  plus  de  valeur f  3a voir,   la  prédiction  d'un 
astrologue  qui  assuroit  qu'il  n'en  coûteroft  qu'urt  œil  au  sultan  pour 
emporter  fa  place.  Je  la  prendrai»  s'écria  Saladin,  dussé-je  y  perdre 
les  deux  yeux  ;  et  quittant  aussitôt  les  environs  cTAscalon ,  il  s'élança 
sur  Jérusalem.  Il  y  avoit  alors  dans  cette  ville,  dit  Ibn-AIatir,  un  pa- 
triarche plus  révéré  que  le  monarque ,  et  un  seigneur  de  Ramla,  Balian» 
que  son  rang  et  ses  exploits  élevoient  presque  au  niveau  de  la  dignité 
royale.  Ces  deux  personnages»  beaucoup  d'autres  chrétiens»  et  surtout 
les  réfugiés  des  villes  voisines  déjà  tombées  au  pouvoir  des  musulmans» 
se  montroient  disposés  à  tout  sacrifier  pour  défendre  leur  dernier  asile. 
Un  émir  qui  s'avança  trop  près  des  remparts ,  fut  massacré  avec'  une 
partie  de  sa  troupe.  Mais  Saladin  achevoit  de  rassembler  son  armée.  • 
Durant  cinq  jours,  il  examina  les  dehors- de  la  place»  et  adressa  ensuite 
à  ses  émirs  un  discours  que  rapporte  Émad-eddin.  L'attaqué  eut  Heu 
par  le  côté  du  nord,  vers  la  porte  d'Amoud  ou  de  (a  Colonne»  près  de 
l'église  de  Sion,  dit  Ibn-AIatir:  mais  il  faut,  comme  l'observe  M.  Rer~ 
naud,  qu'il  y  ait  là  quelque  erreur;  car  I église  de  Sion  est  au  sud,  et, 
selon  Mogir-eddin  »  la  partie  méridionale  du  rempart  fut  renversée  la 
première.  Plusieurs  petits  combat*  se  livrèrent»  également  funestes  aux 
deux  partis;  et  à  ce  propos»  Ibn-AIatir  cite  le  verset  de  l'AIcoran: 
ce  Ils  combattront  pour  la  cause  de  Dieu  ;  ils  tueront  et  seront  tués.  » 
Enfin  les  musulmans  ouvrirent  la  brèche»  creusèrent  h  mine  »  et  sap- 
prétèrent  à  y  mettre  le  feu.  Un  si  pressant  péril  inspira  aux  cheft  des 
assiégés  l'envie  de  capituler  ;  ils  étoient  d'ailleurs  découragés  par  l'éclat  ' 
d'une  conspiration  que  des  chrétiens  melkites  avoient  tramée  au  sein  de  la 
ville» et  dont  l'historien  des  patriarches  d'Alexandrie  rend  uit  compte  par- 
ticulier. Les  principaux  habitans»  députés  vers  Sâladin,  lie  reçurent  de  lui 
qu'une  réponse  menaçante  ;  il  leur  signifia  qu'il  passeroit  tous  les  hommes 
au  fil  de  l'épée  »  et  réduirait  le  reste  de  la  population  en  servitude,  ainsi 
qu'en  avoient  usé  les  chrétiens  quatre-vingt-huit  ans  auparavant.  Mais» 
fléchi  par  les  discours  de  Balian»  et  cédant  aussi  aux  conseils  de  ses  émirs» 
il  consentit  à  recevoir  une  rançon  de  dix  pièces  d'or  pour  chaque  homme» 
de  cinq  pour  chaque  femme,  de  deux  pour  chaque  enfant.  II  accorda 
pour  le  paiement  de  ce  tribut  un  délai  de  quarante  jours.  Balian  contracta 
l'obligation  de  payer  trente  mille  pièces  pour  les  pauvres»  dont  le  nombre 
fut  approximativement  évalué  à  1 8,000.  Après  cette  convention»  Jéru- 


222  JOURNAL  DES  SAVANS, 

salent  ouvrit  ses  portes,  et  l'étendard  musulman  flotta  sur  ses  murs.  Tel 
est  te  récit  d'Ibn-Alatir  :  il  en  résulterait  que  la  ville  auroit  été  prise  en 
quatre  jours  ;  ce  qui  ne  surprend  point ,  lorsque  Ton  songe  à  fa  conspi- 
ration des  melkkes ,  et  à  l'extrême  fbiblesse  des  assiégés ,  qui  n'avoient 
aucun  secours  à  espérer  contre  les  forces  redoutables  dont  le  sultan 
disposoit.  Toutefois  dés  auteurs  occidentaux  ont  vu  dans  cet  événement 
un  effet  de  certains  phénomènes  célestes,  et,  comme  eux,  Aboulfàrage 
fait  remarquer  que ,  huit  jours  avant  l'entrée  de  SaJadin  k  Jérusalem , 
il  y  avoit  eu  une  conjonction  de  toutes  les  planètes,  excepté  mars,  dans 
le  signe  de  fa  balance,  pareille  à  celle  qui  jadis  s'étoit  accomplie  dans 
ie  signe  des  poissons ,  à  l'approche  du  déluge  universel.  % 

Sur:  tes  principales  circonstances  -de  cette  occupation  de  Jérusalem 
par  les  musulmans,  les  récits  des  chroniqueurs  européens,  Raoul  de  Cog- 
ghesale,  Roger  de  Hoveden,  Bernard  le  Trésorier,  et,  d'après  eux  »  de 
M.  Mkrhaud  (i),  sont  à-peu-près  conformes  à  ceux  des  Arabes; 
la  plus  notable  différence  auroit  pour  objet  la  durée  du  siège  qui ,  au 
lieu  de  Quatre  jours»  est  portée  à  treize  par  des  écrivains  d'Occident, 
et  même  à  vingt-trois,  mais  fort  mal  à  propos»  à  ce  qu'il  semble,  par 
quelques-uns. 

Seconde  croisade  de  S.  Louis  en  12/0  (  p.  5 16-524).  Ibn-Férat  expose 
que  les  Tartares  de  la  Perse ,  ennemis  du  sultan  Bibars,  s'efforçoient 
de  «lever  les  colonies  chrétiennes;  qu'Abaga,  chef  de  ces  Tartares, 
envoya  des  députés  il  des  princes  européens ,  que  le  roi  cTArragon  fit 
alliance  avec  lui,  et  qu'ils  se  donnèrent  un  rendez -vous  en  Arménie. 
Une  flotte  partit  des  ports  de  Catalogne  ;  et  malgré  la  tempête  qui 
détruisit  une  partie  pies  vaisseaux  qui  la  composoient,  plusieurs  abor- 
dèrent au  port  d'Acre ,  ainsi  que  des  navires  venus  des  autres  régions  de 
l'Occident,  Encouragés  par  ce  secours,  les  Francs  reprirent  les  armes, 
mais  s'avancèrent  avec  tant  d'imprudence,  qu'ils  furent  surpris  et  mis 
en  fuite  par  les  troupes  musulmanes.  Bibars  étoit  alors  en  Syrie  avec 
sou  armée  ;  et  Mogir-eddin  raconte  que  ce  prince,  allant  en  pèlerinage 
à  Jérusalem ,  s'effraya  de.  trouver  à  une  demi-lieue  de  cette  cité  un 
monastère  chrétien  renfermant  plus  de  trois  cents  religieux:  il  en 
ordonna. la  destruction,  de  peur  que  les  Francs  n'en  fissent  un  lieu  de 
retraite  pour  leur  armée.  En  vain  les  moines  lui  offrirent  de  riches 
présent  et  s'efforcèrent  de  le  rassurer:  il  resta  inexorable.  S'étant 
ensuitrreridu  en  Egypte  pour  mettre  le  pays  en  état  de  défense,  il  envoya 


■ 

(1)  Histoire  des  croisades,  4-#  édit;  tom.  II,  pag,  336*355. 


AVRIL    1830.  ai; 

des  ambassadeurs  et  des  présens  à  divers  princes  occidentaux.  Sur  ces 
entrefaites,  on  apprit  que  le  roi  de  France  faisoit  voile  pour  Tunis, 
se  souvenant ,  dit  Gémai-eddin  ,  des  revers  qu'il  avoit  essuyés  vingt  ans 
auparavant  en  Egypte,  et  ne  voulant  y  retourner  qu'après  les  avoir 
réparés  par  d'autres  conquêtes.  Voici  comment  s'exprime,  sur  fa  dernière 
expédition  de  S.  Louis,  Makrizi,  traduit  par  M.  Reinaud  :  «  Le  roi 
n  de  France,  avant  de  se  mettre  en  mer,  avoit  fait  part  de  son  dessein 
»à  tous  les  rois  de  la  chrétienté,  particulièrement  au  pape,  qui 
»  est  comme  le  vicaire  général  du  Messie.  Le  pape  s'empresss  d'in- 
»  viter  tous  les  princes  chrétiens  a  prendre  les  armes.  Il  permit  même 
•>  au  roi^e  France  d'appliquer  aux  frais  de  cette  guerre  tous  les  biens 
"des  églises  qui  seroient  à  sa  bienséance.  Les  rois  d'Angleterre, 
»  d'Ecosse  et  d'Aragon  consentirent  aussi  a  le  seconder.  Tunis  étoit 
*>  désolé  par  la  famine  et  la  misère.  Le  prince  de  Tunis  (  il  s'appeloit 
»  Mohammed  Mostanser-Billah  ) ,  ayant  appris  que  cet  armement  se 
»  dirigeoit  contre  lui,  envoya  un  député  au  roi  de  France  pour  lui 
»  demander  la  paix;  il  joignit  même  à  sa  demande  une  somme  de  80 
»  mille  pièces  d'or.  Le  roi  prit  l'argent,  mais  il  persista  dans  ses  projets 
»  hostiles.  Il  débarqua  sur  les  côtes  d'Afrique  avec  six  mille  cavaliers 
»  et  trente  mille  fantassins,  et  aussitôt  le  siège  commença.  A  cette  nou- 
»  velle,  le  sultan  Bibars  se  hâta  d'écrire  au  roi<le  Tunis  pour  l'exhorter 
»  à  avoir  bon  courage,  et  promit  de  le  soutenir  de  tous  ses  efforts. 
»  II  engagea  les  Arabes  nomades  de  Barka  et  des  déserts  d'Afrique 
»k  marcher  au  secours  des  assiégés;  par  ses  ordres,  on  creusa  des 
»  puits  sur  toute  la  route ,  et  ses  troupes  se  disposèrent  a  se  mettre 
»  en  marche.  Tunis  étoit  dans  le  plus  grand  danger.  Au  milieu  de 
»  moharram  (  août  1 270  ) ,  il  se  livra  un  combat  terrible  entre  les  deux 
»  armées,  où  il  périt  beaucoup  de  monde.de  part  et  d'autre.  Déjà 
»  les  musulmans  étoient  sur  le  point  de  succomber,  lorsque  Dieu  permit 
•j  que  le  roi  de  France  mourut.  Alors  on 'fit  la  paix,  et  l'armée  chré- 
m  tienne  remit  à  la  voile.  Une  chose  fort  singulière,  ce  sont  les  deux 
»  vers  suivans,  par  lesquels  un  citoyen  de  Tunis,  faisant  allusion  à  ce 
»  qui  étoit  déjà  arrivé  au  roi  de  France  en  Egypte,  lui  prédit  dès 
«  le  commencement  du  siège  un  sort  encore  plus  funeste  :  O  Français  ! 
»  Tunis  est  .la  sœur  du  Caire  ;  attends-toi  à  un  sort  semblable  :  tu  y 
»  trouveras  une  maison  du  iils  de  Lokman ,  qui  te  servira  de  tombeau, 
«  et  l'eunuque  Sabih  fera  place  aux  anges  Monkir  et  Nakir.  » 

La  maison  du  fils  de  Lokman  avoit  servi  de  prison  et  l'eunuque 
Sabih  de  geôlier  à  Louis  IX,  durant  sa  captivité  en  Egypte.  Nakir  et 
Monkîr  sont,  chez  les  musulmans,  les  deux  anges  qui  reçoivent  les 


ai4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

âmes  des  .mort*.  Du  reste ,  çt  ces  deux  vers  et  d'autres  traits  du  récit 
de  Makrizi  ont  déjà  trouvé  place  dans  l'Histoire^des  croisades  de  M.  Mi* 
chaud  (i),  au  milieu  d'une  narration  beaucoup  plus  étendue  de  la 
mort  de  S.  Louis.  M*  Reinaud  cite  de  plus  Gémal^eddin ,  qui ,  en  parlant 
de  cet  événement  et  de  l'épidémie  qui  ravageoit  l'armée  chrétienne, 
ajoute  que  Bibars,  dès  que  la  nouvelle  en  parvint  au  Caire,  se  bâta 
de  la  transmettre  en  tout  lieu ,  particulièrement  à  Hamah ,  où  vivoit 
alors  f  historien.  Quoique  ayant  été  si  bien  informé  ;  Gémal-eddin  ne 
se  souvient  plus  de  l'époque  d'un  si  grand  fait  :  il  le  place  à  l'an  660  de 
l'hégire ,  1  ad  1  de  J.  C,  ;  et  il  est  arrivé  de  ik  que  Makrizi  l'a  rapporté 
4eux  fois s  Tune  sous  cette  année  660 ,  l'autre  sous  sa  véritable  date 
609  (1270).* 

M.  Reinaud  donne  ensuite  la  traduction  du  traité  conclu  entre 
PhHippe  le  Hardi  et  le  roi  de  Tunis,  traité  dont  l'original  arabe  existe 
aux  archives  du  royaume,  et  que  M.  Silvestre  de  Sacy  a  fait  connoître. 
.«  On  voit  que  ce  quatrième  volume  de  la  Bibliothèque  des  croisades  in- 
dique tous  les  documens  en  langue  arabe  qui  doivent  éclairer  et  com- 
pléter l'histoire  de  ces  expéditions,  ceux  du  moins  qu'il  a  été  pqssible  de 
rechercher  et  d'examiner  en  France.  Peut-être  n'eût-il  pas  été  inutile 
d'y  joindre ,  d'après  les  catalogues  des  deux  ÂJssemani  et  de  Casiri ,  les 
litres  des  manuscrits  acabes,  relatifs  à  la  même  matière,  qui  se  conser- 
vent à  Vienne ,  à  Rome ,  à  Florence ,  à  fÇscurial.  En  général ,  la 
partie  bibliographique,  qui  sans  doute  n'est  pas  la  plus  importante, 
mais  qui  a  bien  aussi  son  utilité,  n'est  pas  celle  à  laquelle  les  auteurs 
de  cette  bibliothèque  ont  apporté  le  plus  de  soin  :  on  en  est  dédom- 
magé, dans  ce  tome  IV  comme  dans  les  .trois  précédera  r  par  l'étendue 
et  l'intérêt  qu'ils  ont  su  donner  à  la  partie  historique ,  ainsi  que  par 
la  rédaction  claire,  précise,  élégante,  de  leurs  notices  et  de  leurs  extraits. 
Qe  mérite  s'étend  même  à  leurs  notes,  dont  la  plupart  auraient  pu  , 
à  ce  qu'il  nous  semble,  passer  dans  le  texte;  car  elles  contiennent 
le  plus  souvent,  et  sur-tout  dans  le  tome  IV,  des  faits  et  des  détails 
,<Je  la  même  nature.  Nous  pensons  qu'il  seroit  plus  commode  pour  les 
lecteurs  de  n'avoir  à  remarquer,  au  bas  des  pages,  que  de  simples 
•renvois  à  des  livres  imprimés ,  et  que  les  transcriptions  de  textes 
pçîçntatuç  inédits.  Mais  nous  conclurons  avec  plus  de  confiance,  du 
<$mptp  que  noqs  yenons  de  rendre  de  ces.  quatre  volumes ,  y  compris 
le  cahier  de  tables  qui  les  accompagne,  qu'ils  suppléent,  autant  qu'il 

è^l   '         '      1     ■   ■     ■     1        1    |     ■ ■    1     •  m  ■  ■■  , .  «    m 

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AVRIL  1830.  iVf 

se  peut,  Vf  absence  d'une  collection  générale  de  tous  les  historiens 
des  croisades ,  et  qu'à  beaucoup  d'égards  ils  préparent  le  travail  des 
éditeurs  qui  la  doivent  un  jour  entreprendre;  Conviendra-t-H  alors  de 
suivie,  comme  Ta  fait  M.  Rêinaud,  Tordre  des  événemens  y  et  de 
distribuer  sous  chaque  article  de  l'histoire  les  textes  arabes  qui  le 
concernent!  ou  bien»  en  descendant  d'Émad-eddin  à  Mogireddin,; 
fai$sera-t-on  les  textes  de  chaque  auteur»  relatifs  il  ces  guerres,  ras- 
semblés ~  en  un  même  corps  d'ouvrage!  Nous  présumons  que  fort" 
préférera  ce  second  système  ;  mais  nous  devons  avouer  que  M.  Reinaud 
a  tiré  un  très-heureux  parti  du  premier* 

•  DAUNOU. 


De  l'Éclectisme,  ou  premiers  principes  de  philosophie  géné- 
rale, par  M.  de  Reiffenberg,  professeur  de  philosophie  a 
Loutain;  i.re  partie ,  divisée  eu  4  sections,  in-S.°  Louvain, 
i8a8,  1829. 

SECOND    ARTICLE. 

Cet  ouvrage  est  un  manuel  destiné  k  servir  de  texte  aux  leçons  dir 
professeur ,  et  de  guide  à  ceux  qui  viennent  l'entendre.  L'auteur  déclare 
qu'il  ne  l'a  pu  écrit  dans  la  langue  académique  »  parce  qu'il  n'est  pis 
fâché  de  rendre  compte  de  son  enseignement  J  quel  qu'il  soit,  à  tout  le 
monde,  et  qu'il  regarde  même  cette  publicité  comme  un  devoir;  et  si 
tout  y  est  abrégé ,  il  rappelle  que  ses  explications  de  vive  voix  doivent 
être  le  commentaire  et  le  complément  de  son  livre. 

Il  commence ,  dans  des  préliminaires ,  par  diviser  la  philosophie  en 
quatre  parties.  La  philosophie  traite,  1  •*  de  la  sensibilité,  de  la  génération 
des  Acuités  de  l'entendement  et  de  la  volonté  (psychologie)  ;  2/  des 
produits  de  l'entendement  ou  idées  (  métaphysique  );  3.0  des  produits  de 
la  volonté  ou  actes  moraux  (  éthique  )  ;  4«#  des  formes  rationnelles  et 
méthodes  à  l'aide  desquelles  on  peut  augmenter  les  forces  de  l'esprit 
en  rendant  ses  opérations  plus  faciles ,  plus  promptes  et  plus  sûres 
(logique).  La  théorie  du  beau  dans  les  arts  (xstbétique)  est,  selon 
fauteur  >  une  dépendance  directe  de  la  morale.  De  ces  quatre  parties ,  il 


xifi  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

ne  donne  ici  que  la  première»  la  psychologie,  qui  est  le  fondement  de» 
trois  autres. 

11  annonce ,  dans  ces  mêmes  préliminaires ,  qu'il  appliquera  k  ce 
nouveau  travail  les  principes  de  sa  brochure  de  1828.  II  prendra  la 
vérité  par- tout  où  il  la  trouvera,  «  avec  empressement  et  sans  rougir  de 
»  êes  emprunts  tJetix  do  Urina  prœdo,  comme  dit  Bacon  (  1  ).  Le  vice  de* 
»  philosophes  est  moins  d'avoir  mal  vu  que  de  n'avoir  pas  tout  vu* 
»  Vouloir  refaire  ce  qu'ils  ont  bien  fait  est  une  vanité  téméraire  et 

»  absurde C'est  éteindre  la  lumière  qu'on  n'a  point  soMnémft 

»  allumée.  Ne  méprisons  pas  l'héritage  de  la  sagesse  des  siècles,  mai* 
»  choisissons  parmi  ces  richesses,  .auxquelles  se  mêle  tant  d'alliage, 
»  et  vérifions  leur  valeur,  en  ne*ïenonçant  point  à  juger  par  nous? 
»  mêmes  (page  10).  »  Telle  est  la  pensée  fondamentale  de  l'ouvrage  ' 
de  M.  de  Reiffenberg.  De  Ik  le  titre  de  cet  ouvrage  et  la  manière 
de  fauteur  :  elle  consiste  à  présenter  d'abord,  sous  une  forme  concise  et 
presque  aphoristique,  les  vérités  relatives  au  sujet  qu'il  traite;  ensuite 
à  citer,  sous  le  nom  de  lectures,  les  différens  auteurs  dont  il  a  fait  usage» 
et  auxquels  il  renvoie  les  élèves. 

Cette  première  partie  de  l'ouvrage  entier,  la  psychologie,  ou  traité  dès 
facultés  de  l'entendement  et  de  la  volonté,  considérées  dans  leur  origine, 
est  divisée  en  cinq  sections,  qui  forment  quatre  livraisons,  lesquelles  ont 
paru  successivement. 

La  première  section  renferme  huit  chapitres.  Le  premier  établit  le 
point  de  départ  de  la  psychologie  dans  l'analyse  des  phénomènes  de  la  con- 
science, abstraction  faite  de  lanature  de  Pétre  pensant,  soit  spirituel,  soit 
matériel ,  méthode  qui  tient  à-la -fois  de  celle  de  Descartes  et  de  celle 
de  Bacon;  et  M.  de  Reiffenberg  cite,  k  cet  égard,  un  passage  curieux 
et  peu  connu ,  de  Spinosa  *  où  ce  disciple  immédiat  de  Descartes  ne  croit, 
point  abandonner  la  méthode  de  son  maître,  en  recommandant  de  00m* 
mtneer  par  une  histoire  de  lame ,  non  dans  sa  nature ,  mais  <fans  set 
phénomènes  ou  perceptions,  d'après  la  méthode  tracée  par  Bacon  poar 
les  sciences  naturelles  :  Aon  est  opus  naturam  mentis  et  primnm  e}us 
cëusam  tognoscere,  sed  sufficit  mentis  sive  pe^ceptiçnum  historiolam  conci*- 
nare  modo  illoquo  Verni amius  doctt  (2).  Les  chapitres  suivans  traitent  de1 
l'exiaience  des  lois  à  priori;  de  l'uni  ïé  coiftme  loi  fondamentale  du  mot? 
de  la  paiaiveté  et  de  l'activité  de  l'être  pensant  ou  de  famé;  des  diverse» 

: ■ ■ : ■ - •     ■    ■• .1   .   , 

1 

(1)  De  Augm.  scient,  ni;  4.  _  (s)  -Sptnoss  Opéra  quee  topersunt,  éd. 
PnuL  toi*»  1>  p.  600,  rpîst  ' 


r  ■    * 


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ë      i 


AVRIL  1830.  iif 

hypothèses  pour  expliquer  finfluence  réciproque  du  corps  sur  Tarne ,  et 
w  Famé  sur  le  corps  ;  si  je  cerveau  ne  jouiroit  pas  de  la  faculté  de  peri- 
1er»  &c.  . . .  •  Chacun  de  ces  chapitres  est  suivi  d'un  tableau  de  lectures 
correspondantes  ;  et  fa  section  entière  est  terminée  par  des  questions  sur 
h  qui  précède +  questions  dont  le  but  est  de  s'assurer  si  les  élèves  ont  bien 
compris  tous  les  points  traités  directement  ou  indirectement  dans  les 
différentes  leçons  que  représentent  les  chapitres  antérieurs. 

La  deuxième  section  entre  dans  l'analyse  des  facultés  de  Temende- 
tttehtt  Voici  les  titres  des  chapitres  dont  elle  se  compose  :  La  sehsîbifité. 
"— *•  Faut-il  s'attacher  à  découvrir  une  faculté  élémentaire  et  doiir  roulés 
les  autres  ne  soient  que  des  transformations  !  —  La  conscience/—  L'at- 
tentiôn.  —  La  mémoire.  —  La  comparaison  et  le  jugement.  —  L'imagfc 
hatiorffe — La  raison.  —  Chaque  chapitre  est  accompagné  de  lectures, 
et  le  tout  terminé  par  des  questions  sur  ce  qui  précède. 

Troisième  section.  De  la  volonté  ou  faculté  morale.  —  La  Hbérté. 
**-  Objections  contre  la  liberté  ou  le  libre  arbitre.  —  De  quelques  fois 
de  fa  volonté ,  des  principes  cTactrori  qui  influent  sur  elle.  —  L'habitude. 
- — L'imitation  et  la  sympathie.  —Toujours  avec  des  fectures  et  dès 
questions. 

Quatrième  section.  —  Digression  sur  le  magnétisme  animal,  à  propos 
<fc  la  volonté.  —  Des  esprits  autres  que  famé  humaine»  et  du  démon  de 
Socrate.  —  Apparition,  vision.  —  Pressentiment,  seconde  vue.  — 
Sommeil,  songe,  Somnambulisme.  —  Le  sentiment  est-il  contenu  chns 
famé  î  — Comment  Tarne  est  unie  au  corps.  —  Si  tous  les  hommes  ont 
originairement  une  égale  intelligence.  —  Lectures  et  questions. 

La  cinquième  section,  annexée  à  fa  quatrième  dans  la  même  livrai- 
son, ne  contient,  au  moins  dans  notre  exemplaire,  qu'un  seul  chapitre 
sur.  fa  séparation  des  deux  principes  constitutifs  de  l'homme ,  ou  de  la 
mort ,  sans  lectures  ni  questions. 

Maintenant ,  si  Ton  examine  le  fond  de  tous  ces  chapitres ,  on  y  trou- 
vera que  fauteur  y  reste  assez  fidèle  à  son  principe  général  de  consulter 
toutes  fes  écoles,  sans  épouser  les  préjugés  d'aucune.  Ainsi  par-tout 
il  se  prononce  contre  la  direction  exclusive  de  cette  école  qui  pré- 
tend tirer  de  fa  sensibifité  toutes  nos  acuités,  celles  de  l'entendement 
et  celles  de  fa  volonté,  ainsi  que  toutes  fes  idées  qui  dérivent  de  l'exer- 
cice de  Pun  et  de  Fautre,  et  toutes  les  règles  qui  doivent  les  diriger.  Au 
chapitre  v  de  la  première  section,  il  distingue,  avec  toute  l'école  spiri- 
tualiste,  le  genre  humain  et  les  langues,  l'activité  et  la-  passiveté;  et  il 
établit  que  Famé  est  douée  d'une  énergie  propre ,  et  de  la  puissance  de 
se  modifier  elle-même.  Au  chapitre  vu  de  fa  même  section ,  fi  s*éfêve 

Ff  % 


VLDESSAVANS. 


118 

contre  celle  classe  de  philosophes ,  Pries tley  et  autres ,  qui  attribuent  au 
cerveau  la  faculté  de  penser.  Au  chapitre  XIV  de  la  seconde  section,  il 
distingue,  contre  Condillac,  la  mémoire  de  la  sensation  continuée,  la 
mémoire  étant  souvent  le  rappel  de  sensations  ou  de  modifications  qui 
ont  disparu  complètement.  Dans  la  section  troisième,  il  se  prononce 
j>our  la  liberté  de  la  volonté  contre  la  doctrine  de  la  nécessité  des  motifs. 
D'un  autre  côté ,  il  reconnoit  hautement  que  la  sensibilité  est  la  condition 
de  tout  développement  intellectuel  et  moral;  et  dans  la  section  qua- 
trième, chapitre  XXIX,  sur  la  question  délicate  de  savoir  si  l'ame  pense 
contlnuement,  il  garde  une  sage  circonspection  entre  l'opinion  de 
Locke,  qui  soutient  que  l'ame  ne  pense  pas  toujours,  et  celle  des  car- 
tésiens et  de  M.  Royer-Coilard  (1) ,  qui  défendent  la  continuité  de  la 
pensée,  et  il  conclut,  comme  'sGravesande  (2) ,  par  laisser  la  question 
indécise.  «  Autre  chose,  dit-il  avec  raison,  est  de  se  tenir  a  l'entrée 
»  des  difficultés  par  paresse  ou  incapacité  ;  autre  chose  de  séparer  les 
»  vérités  des  simples  conjectures.  L'ignorance  ainsi  motivée  est  de  la 
•>  science  pour  l'homme  (p.  1 4p )•  "  Dans  la  digression  sur  le  magné- 
tisme animal,  à  propos  de  la  volonté,  if  convient  de  la  puissance  de  fa 
volonté  sur  l'organisation ,  puissance  qui  produit  une  foule  de  phéno- 
mènes qui  ne  sont  point  toujours  des  fables  ou  des  fraudes ,  sans  adopter 
légèrement,  ni  tous  les  phénomènes  que  rapportent  fes  partisans  du 
magnétisme,  ni  sur -tout  l'explication  qu'ifs  en  donnent.  11  garde  la 
même  réserve  sur  fes  pressentimens  { chapitre  27  ) ,  sur  les  songes  et 
le  somnambulisme  (  chapitre  28  }.  Nulle  part  on  ne  rencontre  ,  dans 
t'écrit  de  M.  de  ReifTenberg,  aucune  de  ces  hypothèses  ultra-psycholo- 
giques qui  égarent  souvent  l'école  spirilualiste,  ni,  malgré  son  antipa- 
thie pour  le  scepticisme,  aucune  trace  de  mysticisme.  Enfin  de  nom- 
breuses citations,  non-seulement  de  philosophes,  mais  d'auteurs  de  toute 
espèce,  de  tous  pays  et  de  langues  très-différentes,  montrent  une 
assezgrande  variété  de  connoissances  et  de  lectures  Voilà  fa  part  du 
bien;  et  nous  l'avons  faite  d'autant  plus  volontiers  aussi  étendue  que 
nous  allons  faire  celle  de  la  critique  plus  considérable  encore.  En  effet, 
tout  en  approuvant  l'idée  fondamentale  de  l'ouvrage  de  M.  de  ReifTen- 
berg, et  sa  dire»,  tion  générale ,  nous  sommes  forcés  d'avouer  que  l'exécu- 
tion est  loin  d'être  satisfaisante.  L'ouvrage  entier,  dans  son  ensemUa 
comme  dans  chacune  de  ses  parties,  est  dominé  et  comme  pénétré  par 


(t)  Œuvres  de  Reid,  tom  IV,  p.  436. — (2)  'sGrav.  Introduct.  ad yhilotoph.  VX. 
Imtr  inceria  relinjuendum  utrùm  ment  semper  cogxtet,  rtrcnr. 


AVRIL  1830.  229 

un  défaut  grave,  très-fâcheux  sans  doute  dans  toute  espèce  de  livres, 
mais  bien  plus  encore  dans  un  livre  élémentaire,  et  qui  malheureusement 
se  reproduit  ici  par-tout  ;  nous  voulons  dire  le  désordre  et  la  confusion. 
Nous  signalerons  successivement  les  points  principaux  où  se  montre  ce 
défaut  général  dans  l'écrit  de  M.  de  Reiflenberg. 

1 .°  II  y  a  quelque  confusion  dans  le  choix  des  matières.  Puisque  cej 
écrit,  n'étant  que  l'introduction  d'un  cours  entier  de  philosophie, 
étoit  uniquement  consacré,  comme  le  vouloit  la  méthode,  à  la 
psychologie  f  la  méthode  vouloit  aussi  qu'il  n'y  fût  inséré  et  agité  au- 
cun problème  dont  l'observation  psychologique  ne  fournît  la  solution. 
Or,  par  exemple,  le  chapitre  xxv  de  la  quatrième  section,  qui  traite 
des  esprits  autres  que  l'être  humain,  appartient  évidemment  à  l'ontolo- 
gie, et  même- aux  questions  les  plus  délicates  de  l'ontologie.  Non  erat 
hic  locus. 

2.°  II  y  a  confusion  dans  la  distribution  des  matières  psychologiques 
elles-mêmes,  dans  Tordre  des  sections  dont  ce  traité  de  psychologie  est 
composé.  Ainsi  la  première  section  renferme  bien  des  chapitres  qui 
eussent  été  beaucoup  mieux  placés  dans  la  seconde  ou  dans  la  troisième, 
ou  même  rejeté  s  darjs  la  quatrième.  Cette  première  section  commence 
et  devoit  en  effet  commencer  par  déterminer  le  point  de  départ  de  la 
psychologie,  c'est-à-dire,  l'ordre  de  phénomènes  dont  s'occupe  la  psycho- 
logie et  la  méthode  qu'elle  y  applique.  II  étoit  naturel  de  procéder 
ensuite  à  l'analyse  des  phénomènes  qui  se  rapportent  à  la  psychologie, 
à  l'analyse  des  facultés  de  Came,  de  l'entendement  et  de  la  volonté.  Or 
cette  analyse  ne  se  trouve  que  beaucoup  plus  loin ,  chez  M.  de  Reifien- 
berg, dans  la  deuxième  et  dans  la  troisième  section.  Entre  le  premiet 
chapitre  de  la  première  section,  et  les  deuxième  et  troisième  sections, 
où  vient  enfin  l'analyse  des  facultés  de  l'ame,  se  trouvent  plusieurs  cha- 
pitres qui,  n'étant  précédés  ni  de  l'analyse  de  l'entendement,  ni  de  celfa 
de  la  volonté,  manquent  tout-à-fait  de  lumière,  et  contiennent  des 
questions  méthodiquement  insolubles ,  faute  cTantécédens  convenables. 
Le  chapitre  qui  traite  du  point  de  départ  de  la  psychologie  est  suivi  immé- 
diatement d'un  chapitre  sur  l'existence  des  lois  à  priori  ;  mais  ces  lois 
doivent  être  attachées  à  l'exercice  de  nos  facultés,  des  facultés  de  l'en- 
tendement ou  des  facultés  de  la  volonté  ;  elles  ne  peuvent  se  développer 
qu'avec  ces  facultés;  c'est  donc  dans  l'analyse  de  ces  facultés  qu'on  peut 
les  observer  et  les  recueillir  :  pai  1er  des  lois  qui  président  à  l'action  de  nos 
facultés,  avant  d'avoir  pat  lé  de  ces  facultés,  est  un  vice  d'exposition  qui 
ne  va  pai  à  moins  qu'à  donner  à  des  lois  réelles  ^apparence  de  pures 
hypothèses.  Qu'est-ce  que  l'unité  comme  loi  fondamentale  du  moi, 


ïjo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

pour  qui  ne  sait  encore  ce  que  c'e>t  que  le  moi,  qui  ne  connoîi  encore 
ni  la  conscience  ni  la  mémoire,  facultés  sans  lesquelles  on  ne  sauroit 
jamais,  ni  que  le  moi  existe,  ni  qu'il  esl  un,  ni  bien  moins  encore 
qu'après  avoir  été  découverte  et  puisée  dans  le  moi ,  l'unité  est  imposée 
a  tontes  ses  conceptions  ullérieures!  Comment  savoir  si  lame  est  passive 
ou  active,  quand  on  ne  connoît  aucun  des  phénomènes,  aucune  des 
fatuités  par  lesquelles  l'ame  se  manifeste,  el  dont  le  caractère  actif  ou 
passif  peut  éclairer  sur  la  passiveté  ou  l'activité  de  leur  principe!  Com- 
ment ir.iîner  les  élèves  dans  les  obscurités  des  différentes  hypothèses  qui 
ont  été  imaginées  pour  expliquer  l'influence  réciproque  du  corps  sur 
l'aine,  et  de  l'ame  sur  le  corps,  avant  de  leur  avoir  expliqué  c%  que 
c'est  que  l'ame,  et  si  elle  est  distincte  du  corps!  Comment  agiter  ta 
quesittm  si  le  cerveau  ne  jouiroit  pas  delà  faculté  de  penser  ,  quand  on 
n'a  point  dit  encore  ce  que  c'est  que  fa  faculté  de  penser  qu'il  s'agitd'at- 
tribuer  ou  de  ne  pas  attribuer  au  cerveau!  H  est  évident  que  toutes  ce* 
questions  exigent,  pour  être  résolues  avec  méthode ,  une  analyse  ap- 
profondie de  nos  facultés. 

3 ."  Non-seulement  l'ordre  des  sections  et  des  chapitres  est  défectueux , 
mais  il  s'en  faut  que,  dans  chaque  chapitre,  celui  des  differens  para- 
graphes dont  îl  se  compose  soit  irréprochable.  Au  lieu  de  procéder  du 
connu  à  l'inconnu,  et  de  répandre  ainsi  sur  les  divers  paragraphes  de 
chaque  chapitre  une  lumière  croissante,  l'auteur  semble  jeter  au  hasard 
des  paragraphes  scrupuleusement  numérotés,  mais  dont  les  uns  ne  con- 
duisent point  aux  aulres,  de  sorte  que,  faute  de  gradation,  l'ensemble 
est  obscur.  Fallait-il ,  dans  le  premier  chapitre  sur  le  point  de  départ  de 
lapsythologie,  présenter  d'abord  les  problèmes  les  plus  difficiles  sous 
leurs  formes  les  plus  ardues,  et  dans  la  phraséologie  scientifique  la  plus 
raffinée,  antérieurement  a  toute  analyse!  Je  lis  au  paragraphe  20  les 
phrases  suivantes:  «  Le  moi  se  pose  et  se  fixe  lui-même  ;  mais  toute  affir- 
»  mation  supposant  une  négation  el  réciproquement ,  il  ne  le  peut  qu'en 
»  sedistinguant  du  non  moi.  .  .  .  Paragraphe  23.  Le  moi  est  ou  spon- 
»  tané  ou  réfléchi  ;  pour  qu'il  soit  à  ses  propres  yeux,  il  faut  qu'il  agisse  ; 
»  son  action  est  la  condition  nécessaire  de  son  apperceplion  :  mais  cette 
»  action  est  ou  spontanée,  c'est-à  dire  qu'elle  s'accomplit  d'abord  sans 
»  que  le  moi  prévoie  son  résultat  et  y  consente  ,  ou  elle  est  réfléchie , 
»  c'est-à-dire  qu'elle  s'accomplit  parce  que  le  moi  y  consent,  et  qu'il 
>»  en  connoît  les  conséquences.  »  Suivent  des  jugemens  sur  le  cogiio,  ergo 
sum  de  Descartes,  et  le  principe  analogue  de  Fkhte.  Ces  phrases 
nous  sont  irèsconmies ;  elles  peuvent  être  vraies,  et  même  claires  avec 
leurs  antécédens  et  leurs  conséquent  ;  mais  tirées  violemment  "de  leur 


AVRIL  1830.  431 

place,  et  transportées  de  toutes  pièces  à  l'entrée  d'un  livre  élémentaire  , 
elles  y  sont  profondément  inintelligibles;  car  l'élève  ne  sait  ni  ce  que 
c'est  que  le  moi ,  ni  ce  que  c'est  que  la  spontanéité  et  la  réflexion  ; 
et  pour  peu  qu'il  ait  de  sens,  il  doit  être  fort  embarrassé  de  se  trouver, 
au  début  de  ses  études,  entre  Descartes  et  Fichte.  II  y  a  peu  de  cha- 
pitres sur  lesquels  on  ne  puisse  faire  la  même  critique. 

4'°  Même  confusion  dans  l'érudition  de  M.  de  Reiffenberg.  II  y  a 
un  grand  luxe  de  citations;  on  pou rr oit  dire  que  le  texte  en  est  com- 
posé tout  entier.  Le  mal  n'est  pas  là;  il  est  dans  l'inexactitude  de 
quelques-unes  et  dans  le  désordre  de  toutes.  II  n'est 'pas  impossible 
de  faire  un  très-bon  chapitre  avec  des  emprunts;  m«ûs  des  phrases 
d'emprunt  mises  les  unes  au  bout  des  autres  ne  font  pas  toujours  un 
bon  chapitre.  Quant  aux  lectures,  assurément  il  et  oit  utile  de  renvoyer 
les  élèves  aux  sources  où  ils  peuvent  puiser  une  instruction  plus  abon- 
dante; mais  il  falloit  déterminer  les  points  sur  lesquels  on  les  renvoie 
aux  auteurs  désignés;  autrement  ce  n'est  plus  qu'une  liste  d'indications 
bibliographiques  sans  aucune  utilité  philosophique.  Nous  regrettons 
vivement  que  M.  de  Reiffenberg  n'ait  pas  marqué  sur  quels  points 
précis  on  doit  consulter  les  livres  dont  il  donne  les  titres  et  les  dates. 
Nous  regrettons  encore  qu'il  ait ,  dans  ses  Lectures ,  tellement  mêlé 
les  auteurs  les  plus  difficiles  à  comprendre  à  côté  des  plus  élémen- 
taires, les  plus  rares  avec  les  plus  usuels,  les  étrangers  avec.  les  natio- 
naux, les  plus  modernes  avec  les  plus  anciens,  qu'en  vérité  il  est 
extrêmement  difficile,  sur- tout  à  des  élèves,  de  s'orienter  dans  un 
pareil  dédale. 

$.°  Enfin ,  comme  il  arrive  d'ordinaire ,  le  vice  du  fond  passe  jusque 
dans  la  forme,  et  la  critique  la  plus  indulgente  ne  peut  s'empêcher 
de  reprocher  à  l'écrit  de  M.  de  Reiffenberg  un  style  souvent  inégal 
et  négligé.  Les  tons  les  plus  divers  y  sont  mêlés  ensemble,  mais  non  pas 
fondus.  Des  aritcdotes  ou  des  détails  bibliographiques  s'y  rencontrent 
brusquement  à  coté  des  réflexions  de  l'ordre  le  plus  élevé.  Ainsi,  à  propos 
.  de  la  liberté  de  la  volonté  au  milieu  des  plus  pressans  motifs  d'agir ,  sec* 
tion  3/,  après  le  paragraphe  1 3  8,  d'une  gravité  et  d'uncsécheresse  toutes 
métaphysique,  vient  le  paragraphe  suivant,  n.°  1 39  :  «  Mais  Ta  ne  de 
»  Buridan  !.....  Qu'est-ce  que  l'âne  de  Buridan  !  C'est  un  conte  puéril. 
»  qu'il  faut  pourtant  connoître  pour  n'être  pas  dépaysé  dans  l'ancienne* 
»  philosophie  scolastique.  »  Suit  l'explication  de  Bayle ,  avec,  cette  re- 
marque que  «  Spinosa  ne  parle  point  de  l'âne ,  mais  de  l'ânesse  de 
»  Buridan.  m  Nous  doutons  fort  que  ce  ton  léger,  trop  familier  à  l'auteur,.. 


■>* 


JOURf 


et  dont  nous  pourrions  multiplier  les  exemples,  soit  de  très  bon  goût 
dans  un  livre  de  philosophie  élémentaire. 

En  résumé  ,  l'ouvrage  que  nous  annonçons  nous  paroît  recom- 
mandable  par  l'esprit  général  qui  l'a  dicté  et  la  variété  de  connois*ances 
et  de  lectures  qu'il  atteste;  mais  l'estime  même  que  nous  en  faisons 
nous  permettait  à-Ia-fois  et  nous  faisoit  un  devoir  de  ne  pas  dissi- 
muler les  défauts  qui  le  déparent.  Les  idées  et  l'érudition  n'y  sont  point 
assez  digérées,  et  il  ne  porte  point  l'empreinte  d'une  méditation 
préalable  suffisante  et  d'un  assez  grand  travail  dans  J'exècution.  Nous 
terminerons  par  quelques  observations  que  nous  soumettons  à  fauteur, 
et  dont  nous  serions  heureux  qu'il  voulut  bien  profiter  dans  la  suite  de 
son  ouvrage.  Nous  persistons  à  considérer  comme  utile  et  féconde 
l'opinion  qui  commence  Si  se  répandre  aujourd'hui,  que  toute  école 
exclusive  est  condamnée  a  l'erreur,  quoiqu'elle  contienne  nécessaire- 
ment quelque  élément  de  vérité.  De  la  l'idée  très  philosophique ,  selon 
nous,  d'emprunter  à  chaque  école  sans  en  adopter  aucune.  Cette  im- 
partialité supérieure  qui  étudie  tout,  ne  méprise  rien,  et  choisit  par- 
tout avec  un  discernement  sévère  les  vérités  partielles  que  l'observation 
et  le  sens  commun  ont  presque  toujours  introduites  dans  les  systèmes 
les  plus  défectueux,  est  ce  qu'on  est  convenu  d'appeiler  d'un  nom 
en  lui-même  aussi  bon  qu'un  autre,  écleciisme.  Le  mot  n'est  rien, 
la  chose  est  tout.  Or,  il  n'y  a  rien  qui  n'ait  ses  mauvais  et  ses  boni 
côtés ,  ses  périls  comme  ses  séductions.  La  séduction  est  ici  dans  l'étendue 
et  la  richesse  des  matériaux  qui  se  présentent  en  foule  aussitôt  qu'on 
ne  repousse  aucun  système  en  totalité,  et  qu'on  les  admet  tous  pour 
quelque  chose  dans  la  composition  de  son  propre  édifice.  Encore  une 
fois,  là  est  la  séduction,  mais  là  aussi  est  le  danger.  Les  matériaux 
sont  abondans  sans  doute,  car  l'humanité  n'est  pas  d'hier;  la  philo- 
sophie compte  déjà  bien  des  siècles,  et  les  génies  qui  ne  sont  pluj 
nous  ont  légué  mille  vérités;  mais  ces  vérités  sont  enfouies  dans  des 
systèmes  où  elles  sont  liées  à  de  spécieuses  erreurs.  Il  faut  donc  savoir 
discerner  ces  vérités  des  erreurs  qui  les  entourent;  il  faut  savoir  recon- 
naître que  ces  vérités  sont  des  vérités  et  non  des  eneurs;  et  l'on  ne 
peut  le  faire ,  si  l'on  n'a  pas  une  mesure  d'appréciation ,  un  principe  de 
critique,  si  l'on  ne  sait  pas  ce  qui  est  vrai,  ce  qui  est  faux  en  soi;  et 
l'on  ne  peut  le  savoir  qu'autant  qu'on  a  fait  soi-même  une  étude  suffi- 
sante des  problèmes  philosophiques  de  la  nature  humaine,  base  de  ses 
facultés  et  de  leurs  lois.  C'est  quand  une  uiafyH  scientifique,  patiente 
et  profonde,  nous  a  mis  en  possession  des  élément  réels  et  de  tous  les 
Siemens  réels  de  l'humanité,  que,  nous  achetant  aux  systèmei  des 


;     AVRIL  I&30.  :    ; .  )\  a 3  j 

philosopher,  et  les  étudiant  avec  le  même  soin  quç  rççus  avions  mis 
h  Fétude  des  questions  philosophiques,  nous  pouvons  reconnaître  ce 
que  ces  systèmes  possèdent  et  ce  qui  leur  manque ,  discerner  en  eftx 
fe  vrai  et  le  faux ,  pégliger  Tun ,  rtous  approprier  Taûtre  9  et  «grandir 
et  étendre  nos -propres  pensées  par  d'habiles  et  judicieux  emprunts. 
Alors  seulement  vient  le  tour  de  l'analysé  historique,  qui  doit  être  pous- 
sée extrêmement  loin  pour  arriver  jusqu'aux  entrailles  mêmes  des  sys- 
tèmes qu'elfe  étudie  et  en  saisir  les  élémens  constitutifs.  L'analyse 
historique  des  systèmes  n'a-t-elfe  pas  été  précédée  de  l'analyse  scien- 
tifique des   matières  en  elfes-mêfnes,  elle  manque   de  guide  et  de 
flambeau ,  et  elle  se  perd  dans  les  ténèbres  ;  oq  bien  a-t-elfe  été  pré- 
cédée par  Tanalyse  scientifique;  mais  manque-t-elfe  elle  même  de  pro- 
fondeur et  s'arrête- t-elle  à  fa  surface   des   systèmes,  l'objet   même 
qu'elle  s'étoit  proposé  lui  échappe.  Ainsi  deux  conditions  de  l'éclec- 
tisme bien  entendu  ,•!.*  Tanalyse  scientifique,  2.*  l'analyse  historique, 
c'est-à-dire, Tesprit  philosophique  et  une  érudition  aussi  sévère  qu'éten- 
due: voilà  l'idéal  qu'il  faut  encore  se  proposer  quand  même  on  déses- 
père de  l'atteindre;  voilà  le  but  dont  il  faut  approcher  plus  ou  moins; 
et  sur  cette  route  bien  dessinée ,  il  est  des  degrés  divers  où  chacun  peut 
arriver  dans  fa  mesure  de  ses  forces ,  avec  quelque  utilité  pour  (a  science, 
et  non  sans  honneur  pour  soi-même.  Mais  supposez  que  Tanalyse 
scientifique  soit  vague  et  superficielle ,  et  que  Tanalyse  historique  ne 
fe  soit  pas  moins ,  et  jugez  ce  qui  pourra  sortir  d'un  travail  aussi  léger. 
Au  lieu  de  fa  combinaison  réelle  des  élémens  organiques  des  divers 
systèmes,  vous  n'aurez  que  fa  fuxta-posrtion  arbitraire  de  quelques 
phrases  extraites  çà  et  là  des  écrivains  philosophiques  :  quelque  impar- 
tialité sans  doute  y  seroit,  mais  Timpartialité  de  fa  foiblesse  et  de 
l'impuissance  ;  nulle  précision  dans  les  détails ,  nulle  lumière  dans  Ten- 
semble,  en  un  mot  fe  syncrétisme  au  lieu  de  l'éclectisme.  Mais  même 
alors  H  ne  faudrait  pas  oublier  que  tout  commencement  est  foîble, 
toute  direction  naissante  nécessairement  un  peu  vague  ;  que  rien  ne 
peut  se  passer  du  temps,  et  que  la  philosophie,  comme  toute  autre 
science,  est  progressive,  et  vit  (fessais  et  dé  tâtonnemens.  Depuis 
quelques  années ,  en  France  et  ailleurs,  plus  d'un  esprit  distingué  est 
entré  dans  la  route  que  nous  venons  de  signaler  et  que  nous  croyons 
bonne.  En  Belgique,  MM.  Van  de  Veyer  et  Reiffenberg  ont  trans- 
porté Téclectisme  dans  leur  enseignement ,  et  le  répandent  par  leurs 
écrits.  Nous  ne  pouvons  qu'applaudir  à  leur  entreprise  et  encourager 
leurs  essais,  mais  en  les  invitant  à  redoubler  d'efforts  et  à  ne  point 
s'arrêter  dans  leur  honorable  carrière.  V.  COUSIN. 

Gg 


±}4  JOURNAL  DIS  SAVAIS, 

Voyage  akchêolùgtqve  dans  T ancienne  Étrurie,  par  M.  U 
D.T  Dorow't  &c. ,  avec  Xvi  planches;  i  vol.  in-j..* , 
pag.  1-46.  Paris,  1829,  Merlin, 


Nos  lecteurs  connoissent  déjà,  par  la  wr/V*  que  nous  avant  donnée, 
dans  ce  journal  (  1  ) ,  d'une  collection  de  vases  peints  et  autres  momtmens  de 
l'art  étrusque y  fermée  dans  l'Étrurie  même  par  M.  ie  docteur  Dorow, 
les  services  rendus  par  cet  antiquaire  à  une  branche  importante  de 
l'archéologie.  Le  voyage  dont  nous  allons. rendre  compte  lui  assure  de 
nouveaux  droits  à  la  reconnoissance  des  amis  de  l'antiquité,  par  les 
fnonumens  nouveaux  qu'il  y  publie ,  ou  dont  il  y  donne  une  description- 
exacte  et  précise»  d'après  le  résultat  de  ses  propres  observations. 

La  connoissance  de  l'antiquité  étrusque»  sur  .laquelle  l'important 
ouvrage  de  M.  K.  Ott.  Millier  vient  de  fixer  de  nouveau  l'attention  de 
l'Europe  savante,  est  peut-être  encore  celle,  au  sujet  de  laquelle  il  règne 
le  plusd  opinions  fausses  ou  contradictoire?,  malgré  le  grand  nombre  d  ou- 
vrages dont  elle  a  été  l'objet,  et  peut-être  à  cause  de  ce  nombre  même 
de  livres  jrédigés  sans  critique,  d'après  des  roontunens  trop  souvent 
recueillis  au  hasard.  C'est  aussi  de  toutes  les  branches  de  l'antiquité 
figurée  celle  où  l'emploi  de  dénomination*  abusives,  introduites  par 
•accident  et  maintenues  par  habitude,  a  occasionné  le  plus  de  ces  méprises 
systématiques  qui  résistent  opiniâtrement  à  toutes  les  données  dp 
la  science.  Ainsi  le  nom  de  vases  étrusques,  donné  dès  l'origine  à  la  classe 
nombreuse  de  vases  peints  qui  se  rencontreut  maintenant  en  plus  ou  moins 
grande  abondance,  et  avec  des  variétés  plus  ou  moins  considérables  de 
style  et  de  fabrique,  sur  tout  le  domaine  de  la  civilisation  hellénique, 
a  couvert  celui  de  l'archéologiaue  étrusque  d'une  obscurité  qui  n'est 
pas  encore  dissipée;  et  aujourd'hui  même,  ce  nom:,  que  l'on  croyoit 
tout-à-fait  banni  du  vocabulaire  de  la  science,  semble  prêt  à  reprendre 
une  nouvelle  faveur,  d'après  les  nombreuses  découvertes  faites  récem- 
ment, sur  un  territoire  étrusque,  de  ces  vases  peints  qu'on  voudroit 
pouvoir  considérer  exclusivement  comme  des  productions  du  sol  et  de 
l'art  de  l'antique  Étrurie. 

Sans. parler  de  la  langue,  dont,  i|  faut  bien  P^rouer,  l'intelligence  est 
encore  si  peu  avancée,  et  donf   les  véritables  sources  restent,  quoi 


■*-&• 


(1)  Mars  T.8491  Pa#  'î1-^- 


AVRIL  1830.  23  j 

qu'on  ait  pu  faire,  enveloppées  d'une  nuit  si  profonde»  de  cette  langue 
au  sujet  de  laquelle  ii  règne  encore  des  opinions  aussi  extrêmes ,  et  y 
suivant  moi,  aussi  peu  fondées  que  celle  de  M.  Niebuhr,  qui  n'admet 
d'explication  que  pour  deux  de  ses  mots  (1  ) ,  et  celle  de  l'abbé  Lanzi, 
qui  croyoit  pouvoir  en  interpréter  presque  tout  le  vocabulaire,  fan  et  le 
s/jU  étrusques  ont  donné  lieu  à  de?  systèmes  tout  aussi  opposés,  tout 
aussi  absolus,  suivant  les  divers  degrés  d  influence  étrangère,  orientale 
ou  grecque,  et  de  culture  indigène  et  locale,  que  Ion  a  cherché  a  y 
retrouver»  A  cet  égard,  comme  au  sujet  des  vases  peints,  une  des  prin- 
.ripak*  causes  des  erreurs  commises  d'abord ,  et  toujours  reproduites ,  est 
.sans  doute  le  peu  de  soin  que  l'on  a  mis  à  classer  les  monumens  d  Va- 
lues les  localités  auxquelles  ils  appartiennent  ;  car  si  le  lieu  où  se  ren- 
contre ui\  monument  n'est  pas  toujours  une  sûre  indication  de  sa  pri- 
mitive origine,  ii  n'en  sauroit  être  de  même  des  localités  où  se  ren- 
contre habituellement  une  certaine  classe  de  monumens  :  dans  ce 
dernier  cas ,  la  provenance ,  bien  constatée ,  détermine  la  ^véritable  pa  • 
trie,  d'une  manière  fc. peu-près  indubitable.  Sous  ce  rapport,  on  ne 
sauroit  trop  déplorer  le  mélange  qui  se  remarque  dans  its  collections 
publiées  d'antiquités  étrusques,  de  monumens  recueillis  pêle-mêle  sur 
tous  les  points  et  appartenant  à  toutes  les  époques;  et  le  désordre  qui 
règne  dans  les  collections  publiques  et  privées  de  la  Toscane ,  sans  en 
excepter  celle  de  la  galerie  de  Florence ,  où  l'antique  et  le  moderne , 
le  vrai  et  le  faux,  se  rencontrent  trop  souvent  mêlés  ensemble,  sans 
aucun  égard  à  la  patrie  de  chaque  monument ,  dont  la  tradition  finit 
tôt  ou  tard  par  se  perdre.  Cest  là  sans  doute  ce  qui  a  donné  lieu 
k  la  plupart  des  erreurs  commises  par  des  antiquaires  tels  que  Buonarottt, 
Gori,  Passeri  et  Lanzi  lui  même  ,  hommes  d'ailleurs  $i  recommanda  blés 
par  le  zèle  extrême  qu'ils  ont  déployé  dans  le  cours  d'une  carrière 
laborieuse ,  à  faire  eonnoître  les  monumens'  écrits  et  figurés  de  leur 
pays.  Une  autre  source  d'erreurs  non  moins  féconde  a  été  jusqu'à  nos 
fours  la  manière  trop  peu  fidèle  avec  laquelle  étoient  généralement 
représentés  des  monumens  que  l'on  croyoit  pouvoir  néanmoins  appré- 
cier ,  sous  les  rapports  du  style  et  du  goût ,  d'après  ces  publications  in- 
formes ou  embellies,  comme  si  elles  étoient  l'expression  exacte  des  ori- 


(1)  Hist.  rom.  toiri.I,  pag.  157,  not.  34*  de  la  traduction  française  de 
M.  de  Golbéry,  que  je  cite  ici  de  préférences  l'original,  pour  avoir  occasion 
de  payer  un  juste  tribut  d'éloges  à  on  travail  trtsnngrat  et  très-difficile,  exécuté 
aussi  bien  qn'il  étoit  poutbte.  ..    « 

Og  2 


•  i 


z^6  JOURNÀt  DES  5AVÀNS, 

ginaux.  De  là  il  est  résulté  que  les  historien! de  Part,  tels  que  Ifinciel- 
roann,  qui  ont  essayé  de  porter  un  Jugement  raisonné  sur  les  qualités 
de  l'art  étrusque,  à  Faide  de  monumens  ainsi  figurés,  et  qui  ont  cher- 
ché à  en  classer  les  écoles  et  à  en  distinguer  les  époques,  n'ont  trop 
souvent  établi  ces  jugerriens  et  ces  distinctions  que  sur  des  bases  fausses 
et  ruineuses»  ou  bien  que  des  antiquaires  tels  que  M.  K.  Oft:  MûIIer, 
qui  n'ont  pas  cru  devoir  comprendre  des  ëlémens  aussi  suspects  dans 
l'analyse  du  génie  et  de  la  civilisation  étrusques,  se  sont  privés  d'un 
des  moyens  les  plus  efficaces  de  vérifier,  par  les  monumens  de  l'art , 
les  témoignages  de  l'histoire.  Il  seroit  cependant  injuste  de  ne  pas 
établir  une  exception  formelle  «n  faveur  de  la  collection  la  plus  «consi- 
dérable et  la  plus  récente  d'antiquités  étrusques  qui  ait  encore  été 
publiée,  celle  de  M.  Inghirami  ;  et  les  personnes  qui  ont  été  à  même    * 
d'observer  les  monumens  originaux  dispersés  dans  les  principales  col- 
lections de  la  Toscane,  doivent  reconnoître  que  nulle  part  encore  ces 
wçnumens  i^'avoient  été  si  judicieusement  classés ,  sous  les  rapports  de 
l'art,  ni  si  fidèlement  reproduits,  quant  aux  caractères  du  style  et  dé 
^exécution.  Nous  voudrions  pouvoir  ajouter  que  toutes  les  interpréta- 
tions du  savant  auteur  sont  aussi  irréprochables  du  éSté  archéologique; 
mais  à  les  rapports  astronomiques  qu'il  croit  découvrir  sur  ces  monu- 
mens, pèchent,  siiivant  nous»  par  une  application  trop  souvent  abu- 
sive des  données  antiques,  ce  point  dé  vue  accessoire  ne  diminue  rien,  à 
nos  yeux,  du  mérite  des  explications  puisées,  avec  autant  de  raison  que 
de  savoir,  dans  l'intelligence  des  mythes  helléniques, Lqui  tendent  toutes 
à  montrer,  d'une  manière  qui  nous  semble  trrécufrabfe;  (influence  que 
lart  et  la  civilisation  grecs  a  voient  eue  sur  le  développement  final  et 
sur  la  dernière  forme  de  la  civilisation  étrusque.  L'hommage  que  nous 
rendons  ici,  d'après  nos  propres  observations,  au  bel   ouvrage  de 
M.  Inghirami,  se  trouve' justifié  par  le  suffrage  de  M.  le  D.r  Dorow; 
et  le  même  sentiment  de  justice  nous  force  à  ajouter  2  dans  le  même 
intérêt  de  la  science,  que,  suivant  le  témoignage  de  M.  Dorow  y  auquel 
nous  devons  joindre  aussi  le  nôtre,  H  s'en  faut  bien  que  le  même 
mérite  de  critique  dans  le  choix  et  d'exactitude  dans  la  représentation 
des  monumens  étrusques ,  recommande  l'ouvrage ,  d'ailleurs  utile  et 
curieux,  d'un  autre  antiquaire  florentin,  M.  Micali  (  1). 


(i)  C'est  cependant  d'après  ce  recueil  de  M.  Micali,  où  les  monumens  sont 
chois»  avec  si  peu  de  critique  et  représentés  avec  fi  peu  de  fidélité ,  de  l'aveu 
de  l'auteur  lui-même,  qui  s'apprête  à  le  recommencer  sur  on  nouveau  plan 


AVRIL  1830.  aj7 

II  serait  donc  bien  à  souhaiter  que  nous  eussions ,  sur  les  nombreux 
élémens  de  l'archéologie  étrusque,  des  notions  exactes  et  précises, 
recueillies  sur  les  lieux  mêmes  et  en  présence  des  originaux  9  de  manière 
à  pouvoir  constater  cequi  est  proprement  et  indubitablement  étrusque, 
d'abord  par  la  madère  et  par  la  localité ,  puis  par  le  style  et  par  le  goût. 
Ce  travail  préliminaire  accompli,  on  verroit,  avec  plus  de  facilité  et  de 
certitude,  quels  objets  étrangers  ont  pu. se  trouver  importés,  soit  par 
des  causes  générales ,  soit  par  des  circonstances  accidentelles ,  sur  le  sol 
de.  l'antiquité  étrusque  ;  et  Ton  pourroit  en  même  temps  apprécier , 
avec  quelques  chances  de  succès,  les  influences  plus  ou  moins  éloignées 
qui  ont  pu  s'exercer ,  des  divers  points  du  théâtre  de  l'antiquité  orien- 
tale ou  grecque ,  et  à  diverses  époques ,  sur  le  domaine  de  l'archéologie 
étrusque. 

Tel  paroît  avoir  été  l'objet  du  voyage  de  M*  Dorow  ;  et  bien^que  le 
résultat  de  ce  voyage ,  exposé  comme  il  l'est  dans  le  volume  dont  nous 
rendons  compte ,  ne  puisse  être  considéré  que  comme  un  premier  essai, 
et  qu'il  n'embrasse  qu'une  petite  portion  du  territoire  de  f antique 
Exrurie,  les  renseignerçiens  exacts  et  neufs  qu'il  nous  procure  sur  deux 
des  localités  les  plus  importantes  de  ce  pays  classique,  Cortone  et 
Chiusi,  accompagnés  de  la  publication  de  quelques  monumens  rares  et 
inédits,  seront  certainement  accueillis  avec  autant  d'intérêt  ^ils  pa- 
roisse nt  mériter  de  confiance. 

Parti  de  Florence,  le  28  juillet  1827,  en  société  avec  M.  Inghirami, 
pour  se  rendre  directement  à  Cortone,  et  de  là  à  Chiusifnotre  voyageur 
examine  successivement  tout  ce  que  ce  pays,  si  intéressant  à  tant 
d'égards ,  offre  de  remarquable  sous  le  rapport  de  l'antiquité  et  sous 
celui  des  arts  modernes  ;  un  tableau  de  Carlo  Dolce  ou  de  Fra  Ange- 
lico,  quand  il  se  rencontre  chemin  faisant,  est  une  bonne  fortune  que 
M.  Dorow  ne  laisse  pas  plus  échapper  que  l'occasion  d'observer  un  bas* 
relief  étrusque  ou  un  sarcophage  romain.  Mais  M.  Dorow  étoit  plus  à 
son  aise  dans  son  voyage  que  nous  ne  saurions  l'être  dans  cet  article; 
nous  ne  pourrions  le  suivre  dans  toutes  ses  digressions ,  sans  risquer 
de  faire  presque  un  livre  à  son  exemple  ;  et  comme  son  principal  objet 
est  de  rendre  compte  des  monumens  de  Fan  tique  Etrurie  ,  c'est  aussi 
à  cette  partie  de  ses  observations  que  nous  nous  attacherons  de  préfé- 


et  d'après  de  nouveaux  dessins,  que  M  Niebnhr  se  flatte  d'avoir  acquïs  une 
connoissance  exacte  et  juste  du  goût  et  du  génie  étrusques;  voy,  son  Hist.  rom. 
tom.  I,  pag.  190,  not.  413. 


*j8  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

tence,  afin  de  donner  du  moins  l'idée  la  moins  incomplète  qu'il  nous 
sera  possible  de  ce  que  le  voyage  archéologique  de  M*  Dorow  renferme 
de  plus  neuf  et  de  plus  important  à  cet  égard. 

La  collection  d'antiquités  jointe  à  la  bibliothèque  publique  de  Cortone 
attire  d'abord  l'attention  de  M.  Dorow.  II  y  trouve  le  premier  exemple 
de  ce  système,  ou  plutôt  de  cette  absence  de  système»  malheureusement 
trop  commune  par  toute  la  Toscane,  et  que  nous  avons  indiquée  plus 
haut ,  de  réunir  une  foule  d'objets  étrangers  à  l'Étrurie  et  tout-à-fait  dis- 
parates ,  tels  que  des  antiquités  de  l'Egypte  et  des  curiosités  de  l'Inde,  de 
médiocre  ou  de  nulle  valeur,  parmi  des  mon u mens  d'antiquité  étrusque, 
la  plupart  d'un  grand  intérêt,  et  dont  un  choix  sévère,  tel  qu'il  sembleront 
si  facile  de  Peffeciuer  ici,  avec  toutes  les  ressources  qu'offre  le  pays, 
seroit  déjà  un  service  essentiel  rendu  à  la  science.  Parmi  ces  monumens 
étrusques,  les  seuls  qui  méritent  à  Cortone  l'attention  de  l'antiquaire, 
M.  Dorow  distingue  une  figure  de  bronze  publiée  par  Gori  (i)  comme 
un  Jupiter,  que  M.  Dorow  croit  être  un  Bacchus ,  et  qui  doit ,  en  toute 
hypothèse,  être  considérée,  d'après  \e foudre  qu'elle  tient  en  main,  comme 
un  d^s  dieux  fui gerat ores  du  système  étrusque ,  de  même  que ,  sous  le 
rapport  de  l'art,  ce  bronze  mérite  d'être  mis  au  premier  rang  des  monu- 
mens qui  offrent  le  véritable  style  étrusque,  d'une  époque  intermédiaire 
entre  {^productions  de  l'art  primitif  et  celles  où  le  goût  national  com- 
mençoit  à  subir  une  influence  étrangère.  Un  monument  plus  important 
encore ,  parce  qu'il  appartient ,  suivant  M«  Dorow ,  à  une  époque  plus 
ancienne ,  et  f[u'il  présente  d'ailleurs  un  type  plus  rare  et  un  sujet 
mythologique  plus  curieux,  c'est  une  autre  figure  de  bronze  provenant 
pareillement  du  sol  dé  Cortone ,  et  qui  est  qualifiée  indistinctement 
de  figure  de  Vénus,  de  Victoire,  ou  de  la  Lune.  M.  Dorow,  qui  a  publié, 
-  dans  un  autre  de  ses  ouvrages  (2),  un  dessin  fidèle  de  cette  singulière 
figure ,  penche ,  avec  raison ,  ce  nous  semble ,  vers  f  opinion  qui  y  re- 
connoît  unt  Vénus,  d'après  /'oiseau  qu'elle  porte  sur  sa  tête;  et  quel  que 
soit  l'avis  que  Ton  adopte  à  son  sujet,  il  la  proclame  une  des  figures 
de  style  étrusque,  de  l'époque  primitive,  les  mieux  caractérisées  qui  nous 
soient  restées.  D'autres  bronzes  étrusques  lui  ont  encore  paru  dignes 
d'être  signalés  à  (examen  des  antiquaires»  d'après  l'analogie  frappante 
qu'ils  présentent  avec  des  figures  de  divinités  ou  de  prêtres  gaulois 
trouvées  sur  lesbord*  du  Rhin  et  sur  le  sol  de  l'ancienne  Gaule.  M.  Dorow 


(1)  Mus.  etrusc,  I,  xxi i.  —  (2)  Notizie  intorno  ad  alcuni  vasi  etruschu 
Pesaro,  1848,  tav.  IX,  fig.  2  a ,  2  b  et  2  c. 


AVRIL  18^0.  z)9 

remarque  encore  la  même  analogie  entre  des  figures  en  ferre  cuite» 
qui  se  trouvent  pareillement  à  Cortone,  mais  sans  que  Ton  en  connoisse 
bien  positivement  la  véritable  provenance ,  et  des  figures»  en  apparence 
toutes  semblables,  découvertes  dans  des  fouilles  le  long  du  Rhin  (  1  ).  Gé- 
néralement notre  voyageur  paroit  avoir  une  grande  inclination  pour  ces 
sortes  de  rapprochemens  h  l'égard  d'objets  qui  n'ont  peut-ètreen  effet  rien 
de  commun  qu'une  extrême  imperfection ,  due  soit  à  l'enfance  soit  à  la 
décadence  de  l'art.  L'idée  de  comparer  des  productions  de  la  primitive 
Etrurie  avec  celles  de  l'industrie  grossière  des  Celtes  et  des  Germains, 
uniquement  parce  que  les  unes  et  lès  autres  décèlent  une  ignorance 
presque  absolue  des  principes  et  des  procédés  de  l'imitation»  n'est  peut- 
être  pas  plus  fondée  que  celle  des  historiens  critiques»  tels  (pie  M.  Nie- 
buhr,  qui,  dans  le  dépit  de  ne  pouvoir  déterrer  quelque  part  le  berceau 
ou  la  clef  de  la  langue  étrusque»  tournent  leurs  yeux  vers  un  coin  du* 
Tyrol  ,•  pour  y  trouver,  dans  un  obscur  patois»  un  reste  de  cette  languep 
indéchiffrable  (2).  Mais,  pour  en  revenir  à  nos  monumens  étrusques/ 
il  me  semble  que  ce  qu'il  y  a  de  plus  raisonnable  à  dire  à  leur  égard , 
c'est  ce  qu'en  dit  M.  Dorow  lui-même  :  «  Ces  antiquités  me  semblent  i 
»  à  cause  de  l'obscurité  qui  les  enveloppe,  des  monumens  très-commodes 
»  pour  les  antiquaires  à  systèmes  ;  chacun  y  voit  quelque  chose  de 
*> différent:  c'est  pourquoi  elles  sont  de  li  plus  grande  utilité  pour 
*>  bâtir  et  soutenir  des  hypothèses*  I 3).  » 

M.  Dorow  passe  ensuite 'en  revue  la  collection  d'urnes  cinéraires  en- 
marbre  ,  en  albâtre  et  en  terre  cuite,  parmi  lesquelles  il  distingue  avec 
raison  et  décrit  avec  soin  un  sarcophage  d'albâtre  ,  qui  offre  fa  reprit 
sentaiion,  si  souvent  répétée,  ajoute-  t-il,  du  cvmbat  d'Eté  oc  te  et  it  Pôlyniah 
Peut-Vêtre  devoit-il  aussi  observer  que  ce  sujet  n'est  fréquemment  repéré2 
que  sur  les  urnes  en  terre  cuite,  où  il  est  effectivement  si  commun  i 
qu'il  en  existe  peut-être ,  dans  lés  diverses  collections  que  je  ceniiois» 
une  centaine  de  répétitions  ,  avec  infiniment  peu  de  variantes,  taiidfe 
que  ce  même  sujet  est  extrêmement  rare  sur  les  sartophâjges  en  pierre* 
et  en  albâtre  :  or,  et  cette  observation  n'est  pas  sans  importance  poui* 


^* 


(1)  Ces  monumens  germains  et  gaulois  ont  été  publiés  dans  deux  autres 
ouvrages  de  M.  Dôrow  lui-rncme,  intitulés,' l'un ,  DenÂmalen  germanischer 
und  roemhcher  Zeit  in  den  Rheinisch  -  Westphâlischen  Provinwt ,  B.  1, 
pi.  XXVI ,  j;  l'autre  ,  Opferstdtte  und  Crabhugel  der  Gtrîriâher  und  Romtr  am 
Rhein,  B.  il ,  pi.  vu  ,  l ,  2. ,  3,  4 ,  Wiesbaden»  1827.—  (2)  HÏH*  rm* 
tom.  i ,  p.  1 59,  not.  347.  —  (3)  Pag.  8. 


*fc  JOURNAL  DES  SAVANS, 

la  cbnnoîssance  de  Fart  étrusque  ,  le  choix  des  matières ,  d'accord  avec 
celui  des  sujets,  est  un  des  signes  caractéristiques  auxquels  peuvent  se 
reconnoître  aujourd'hui  les  diverses  écoles  d'art  de  l'antique  Étrurie;  de. 
telle  sorte  qu'à  l'aide  de  ce  double  caractère,  on  pourrait  classer  les 
productions  émanées  des  anciennes  écoles  de  Volterra ,  de  Chiu;»i ,  de 
Cortone,  de  Peruggia,  presque  avec  autant  de  certitude  que  l'on 
distingue,  parmi  les  oeuvres  de  la  renaissance,  celles  qui  proviennent 
des  écoles  de  Sienne,  de  Pise,  de  Florence  ou  de  Boiçgne.  C'est 
ce  qui»  par  rapport  aux  monumens  étrusques ,  donne  tant  d'importance 
aux. notions  locales ,  soigneusement  recueillies,  et  ce  qui  prouve,  avec 
combien, cfc.chôi^  on  devroit  procéder  à  la  réunion  de  ces  monumens* 
L'urne  <f alfaAiré  qui  nous  a  fourni  le  sujet  de  cette  observation ,  appar- 
tient certainement  à  Volterra ,  quoique,  par  des  raisons  faciles  à  conce- 
voir ,  elle  se  trouve  aujourd'hui  à  Cortone  ;  elle  avoit  été  dorée ,  ce  qui 
est  encore  un  trait,  sinon  exclusivement  propre  aux  urnes  de  «Técole 
de  Volterra ,  du  moins  très-fréquent  parmi  celles  qui  en  proviennent. 
M.  Dorow  donne  ensuite  une  description  succincte  de  la  collection 
du  marquis  Venuti,  qui  pourroit  à  elle  seule  fournir  le  sujet  d'un 
livre  ;  car,  indépendamment  de  plusieurs  rares  monumens  de  l'antiquité 
étrusque,  déjà  publiés  en  partie  dans  les  recueils  de  Gori,  de  Lanzi,  et 
dans-Ie  Muséum  Cortonenst,  il  s'y  trouve  un  choix  At  vases  peints  >  tous 
encore  inédits ,  provenant  la  plupart  des  meilleures  fabriques  de  la 
Grande-Grèce ,  et  particulièrement  de  celle  de  Tant^gue  Locri  >  si  pré- 
cieuse et  si  recherchée»  Cette  notion ,  que  je  dois  au  marquis  Venuti 
lui-même ,  possesseur  actuel  de  Tunique  médaille  d'or  que  I'onconnoisse 
de  cette  ville  grecque ,  et  qui  s'est  trouvée  >  avec  un  grand  nombre  de 
ces  vases ,  dans  des  fouilles  exécutées  sur  l'emplacement  de  Locri , 
aujourd'hui  Gerace,  ajoute,  si  je  ne  me  trompe,  un  nouveau  motif 
d'intérêt  à  tous  ceux  que  présente  une  collection  d'ailleurs  si  riche,  si 
variée,  et  très- justement  appréciée  par  M.  Dorow.  Parmi  les  monu- 
mens proprement  étrusques  qu'elle  renferme ,  notre  auteur  a  sur-tout 
distingué  un  bas-relief  de  sarcophage,  (Tune  exécution  superbe,  et  qui 
appartient  aux  meilleurs  temps  de  Fa/t  étrusque ,  représentant  Amphion 
et  Zéthus  qui  attachent  Dircéaùx  cornes  d'un  taureau  furieux;  sujet  rare 
et  curieux ,  que  M.  Dorow  a  publié  dans  un  dessin  fidèle ,  du  tiers  de 
for^inal  (i) ,  et  qui  enrichit  d'un  fait  nouveau  notre  galerie  mytholo- 

(i)  Ff.  xiv. 


•  • 


gîque étruscogrecqye,  M.  Dorow  ne  dit  pas  eofluçlle  ni&uèip  ?frt4çetjjç 
urne  9  ni  de  quelle  école  étrusque  elle  a  dû  provenir;  rrçiBs  je  puis 
suppléer  à  soq  silence  (en  ajoutant  qu'elle  est  en  albâtre  cfc  Voltêrra,  et 
qu'elle  appartient  à  l'école  de  cette  ville ,  qui  paraît  avoir/  étdqpi^ 
presque  enclavement  aux  autres  cités  éfrysqucp  ,  des  moûf§  puisés  4am 
les  fables  thébaines,  pour  types  de  ses  monumens  funéraires. 

Une  autre  collection  particulière  de  Cortone ,  qui  jouissoit  cTunç 
grande  célébrité, ,  notamment  à  cause  de  ses  beaux  bronzes  étrusque* , 
celle  de  la  famille  Corazzi  9  n'a  fourni  à  M.  Dorow  que  l'occasion  dex- 
primer  un  regret  assez  légitime  sur  l'enlèvement  tout  récent  de  cette  col- 
lection acquise  par  le  roi  des  Pays-Bas;  car  bien,  que,  sous  le  rapport  (te 
la  science,  il  y  ait  lieu  ji  étudier  utilement  les  antiquités  par-tout  où. elles 
sont  accessibles,  peut* étfe  n'est  il  pas  indiffèrent,,  pour  Fobservatioq 
des  monwKns  éurusquos,  de  ips  trouver  à  Leycfe  oty.  k  Corton^  Dar^- 
Ja  cathédrale  de  cette  de/nfère  ville ,  A%.  Dorow  ne  pouvott  manquer  de 
distinguer,  avec  toutiffn^çéftqpll  mérite,  le  célèbre  sarcophage  antique, 
/en  marbre  ♦  qui  représente  #u#  tombai  dt  centaures  où  figure  Bacchus  (  1.  J^ 
et  qui  passe  pour  «vqirrçoatenu  les  restes  du  consul  iptppin  Ff^minii^? 
lue  près  de  là  sur  te  tdtamp  ,4e,  M^UIe  de  lTrasimene.il  est  seulement  J^ 
regretter  qu'un  antiquaire  *M*si  éclairé  que  tyL  Dorow ,  rapporte ,  sans 
#  le  s  qualifier  comme  elfesje  méritent,  des  traditiops  aussi  dénuées  de 
raison  »  aussi  contraires  à.  tontes  les  données  de  la  science  ;  et  que  des 
erreurs  nées  de  l'ignorance  ou  de  la  vanité  des  citeront ,  4*  propagent 
et  s'accréditent  aum&y*n;de  cejtç  çspèçe  <fe  tolérance  ou  de  mépris  4tf 
hommes  instruits.  JI  ^est  pps  ivkçs*#ire  *f*tt*  profondément  versé  daqs 
l'archéologie,  pour  savoir  qu'un  sarcophage,  tel  que  celui  doptjjl  s'agit, 
ml  cette  matiez  et  de.  cette  dimension,  ne  peut  appartenir  qu'à  la 
période  romaine 4e  Tart. antique,  probablement  à  l'époque  des  Antck 
tans*  Mais  ce  que  je  regrette,  plus  encore,  c'est  que,  4aqs  finiperfection 
bien  reconnue  et  avouée  par  M.  Dorow  lui-même,  de  towt^  le*  estampes 
exécutées  d'après  ce  beau  sarcophage,  il  n'airpas  cru  devoir  en; produire 
un  dessin  fidèle,  ainsi  que  de  tant  d'autres  monumens  qui  lui  ont  arraché 
Je  même  aveu ,  et  qui ,  tout  publiés  qu'ils  sont ,  de  plusieurs  manières 
et  à  plusieurs  reprises,  peuvent  .véritablement  passer  encore  pour 
inédits. 

De  Comme*  M.  Dorow  m  rendit  directement  à  CkiusU  où  Tattendoient 

»  •  #»,'■        ■•  >'•      '   *        f  ■  ^  .\     »■    1  »    ■■  •  •  -  .«n-~ 

r  ,  '  '  '  ■■«•■«. 

(1)  Publié  Mr  Gori,  dans  ses  lotctifticmes  «ntifr  qnm.in  Etmrvt  urbibut 
exstant;  tom.  III,  Appendix,  tab.  XLVI,  p.  exif.' 

Hh 


i\i  JOURXAÊ  DMS  SAVANS, 

itti  PÎU?  ^mnd  .âoîtibre  cPobJëts  d'antiquité  étrusque,  <Timë  nature 
tdûi  vWetet  d'un  ^  caractère  plus  neuf  encore*  Les  sarcophage* 
al^dnâMu'iussT à  Chhtef;*  mais  ils  sont  assez  généralement  en  pierre 
bû  tûrd.u 't)^,J  quelques-uns  en  marbre,  et  la  plupart  en  terre  cuite. 
5tuiiffèturfô  ces  'tfltofes,  et  des diverses  matières  dans  lesquelles  elles  sottt 
exëç^té.es'^M/.DbW^  établit  en  principe  que  celles  de  terre  cuite  > 
cftmë  Lièrî  ^us' petite  dimension,  doivent  appartenir  à  fine  période 
pKis^àricîetifté^  de  fitff  étrusque  que  celles  de  marbre  ou  d'albâtre  f 
titri ,'  éfàîfl &iï$  ;  par  le  choix  et  par  Inexécution  des  sujets ,  décèlent  une 
thatiori  Presque  toujours  malheureuse  des  sarcophages  romains  de  fa 
jriodé  i mptëriiile  Cette  observation  me  pare|t  vraie  à  beaucoup  d'égards. 
Tàtiit^foiS^lmStière  ou  la  dimension  des  urnes  étrusques  ne  sauroh  être 
ri^rdèé'cbmme  une  'dbiinée  positive,  dans  iè  classement  chronologique 
de  cettë'&rte  de  rtiôrmmens,  qu'autant  qu'elle  est  combinée  avec  Celles 
qtii  ré&ftëht  du  choix  des  sujets  et  dès  propriétés  du  style.  II  est  de  fart, 
<f jfttéti$,  que  dés  urnes  tti  terre  cuite  ont  été  fabriquées  k  toutes  les 
époques;  même  à  celles  de  la  décadence,  concurremment  avec  les 
léttésdé  marbré  et  tfaJb*tre,  etqtfdïe^deybiefitét^destinéer,^ après 
fc  ped  deprnt  deia  matière  et  le  peu  de  mérite  de  l'exécution,  pour  les 
personnes  dPttrie  cotidiHoit  intëneutè  :  en  sorte  qu'on  ne  pourrait  regarder 
fcj  ^ùvtàihèvfs  dôht  il  /^git  comme  appartenant  rttdurivement  V 
l'époque  primitive  de  rartéthMquei  sàtis  s'exposer  à  cf  assez  fortes 
méprisée  5f.  Dorow  observé  e<i  outre'qufe  les  sujets  fcomériques ,  si 
commune V^oFterra ,  son*  t&^rifcs  *  ' Cfcrasi;*  CéWè  obte?fcàa*ii,  que 
je  suis  trèi-dîspoiè  \  crtffe  exabte, -pfcr  rijipoit  k.  là  colfection  dé 
AL  Casu&ffar,  qtite  notre T voyageur  a  examinée  avec  intérêt  et  décrite 
avec s6in,:  seroit  aussi  Sujette  à  quelques  restrictions,  s'A  fàHoit  l'étendre 
ï;? testes  les  urnefe  provenant  de  Ghiusi,  quelques-unes  desquelles * 
jjtàbfièt!s;  âaiis  lé  ifectfèil  Se  Gorî ,  représentent  bien  certainement  d^i 

ri{lHûfflir1è^ThidtiumeriS  m  plus  curieux  des  coHection*  privées  de 
<jhiusiyet'én  particulier  dé  celle  de  M.  Casuccmi,  M.  Dorojr  cite  en 
première  ligne  uh>  sbperbe  tase  peint ,  eh  figures  noires  sur  fond  faune , 
représeht&nt  la  naissance  de  Aftnefve,  à»  peu-près  comm*  on  trouve  ce 
sujet  figuré  sur  un  célèbre  miroir  étrusque,  mais  avec  un  bien  phis 
gf^drHètoi>te dé  pèièonifttgfe* ,  ptofcque  f  indépendanimew  de  Jupiter 
assis  È  avec  Minerve  élancée  de  sa  tête,  M.  Dorow  assure  que  ce  vase 
présente  plus  de  cinquante  figures  en  mouvement  et  enaTtionVSxit  un*cï?ssî5 
«Tune  pirtta)  Vie  :ce>*»se  ;q«e  M*  Porow  a  publié  dads  «va  autre  opus- 

...■■..(.■..•*.'  '       T    '-,....      ■ 

flli 


cule  (  i  ),  on  voit  devant  le  trône  de  Jupiter  deux  figures  dftfemmeitden 
bout ,  dans  une  attitude  significative  t  dpnt  l'une  tient  une  càmonntt  qaei 
M»  Dorow  croît  être  Vénus  et  \kViamt\,  èf  dans  lesquelles  je  serai* 
disposé  L'Vôir.  plptôt  deux //r /éy/or.  La  figure  fkàkp  derri£r*iJUipi*t* 
dans  la  rofeme  attitude  9  et  aveccette  courtmnt  radier  rdDtt.iQtopià  ayoifc 
établi  ailleurs  rimenriow  mystiqneretl'ertjploi  consacré,  dans  Ides  sujet* 
de  ce  genre  (a)  r  ne  semble  pas  <nèa  plus!  susceptible  dVine  4utre ,  expli- 
cation ,  quoique  M.  Dorbw  en  jpt?fàxt  vmp  Ju/ioit,  k  moiqa  que ce  xm 
soit  une  Junon  Lûcine^  Un  quatrième  pfcsonnagé;  où  ;M»  Dorow 
«conçoit  avec  toute  raisoq,  ce  .  «©  seuifile ,  A&mtrju  -plutôt... qub 
Vàfcairit  otfre  en  fefFet  ce  dieu ,  sous  Isa  pteiandéope  fciina  jioIMniqwu 
mais  i^hs  aucun  rapport  afcec  une; figure  de  pKneudU'jiftàrtfrfe  étrurqm* 
que  M.  Crewer  a  cns  trouver  sur  un  vase  du  recueil  de  Fasseri  ($)^ 
Quoi  qu'H  en  sôit,  ce  vase  peint,  <f  ancien  style  grec  i  ;ave>è  .une  repré* 
sen ration  d'un  mythe  proprement  hellénique ,  trouvé  dans  tia  tombeau 
de  Chiusi,  antique  siège  de  IsLxrmlisatjon^étrusque;!  est  certainement 
un  monument  Hu  premier  tetdre  >  ^taatcà^aiiiejfc.iCèlte^lrq^Bls^^lion 
elle- métue^ que  par  fçs  rapports  <  de!  commette  et  xte^ictuyence  qu'il 
établit,  à une  époque  probablement  fort  ancienne,  entre  r£trurie  et  ta 
Grèce  ;  et.  f on  ne  peut  que  regretter  que  M- ,  porow.  se  sott  borné  à  en 
publier  un  dessin  partiel  et  une  description  incomplète. 
.  Au  nombre  des  objets  d'antiquité  étrusque  les  plus  curieux  que  prc-r 
sentent  les  collectons  de  Chiusi,  M.  Porow  cde  les  sculptures  en  tuf, 
h  plupart  de  très- bas:  relief  et  du  style  le  plue  archaïque*  qu'on  est  con^. 
vënp  d'appeler  égyptien,  «rais  qiti  n'est,  suivant  toute  jtppatenjpe*  qu'un 
styfe  prênkif;  JfU  Dorow  ^e  propose  de  puMier  quelques  morceaux  *te 
ce  genre  qpSI  a  acquis  à  Chiusi;  et  en  attendant,  il  feitPonnoîtDe^par. 
des  dessilla  exacts  et  par  des  parallèles  in téreBSfur» (4),  1  plusieurs  fag* 
men*  de  c^aculptures  de  bas- relief  qiridoi^w>(  appartenir,;  comme  i  lié 
pense*  £  furie  des  f  las  *iicienee$  .époque* fto  l;èrt  étrusque,,  efcà  une 
école,  nationaie,  bien  qile  la  composition ,  le  style  et  Je*  coutume qtârcnt 
beaucoup' cFânplogie  avec  le  célèbre  scarabée  de  Stescby  des.  cmq  chefs 
dt*dtitTtàbtï,Ql  sur-tout  avçc  fe  baa-reJief  grec  $4gavtvwwn;ù*mN&èa 
4n_  kou,vjre  ;  en  sorte  que ,  même  à  une  époque  primitive,  l'influence 

«     !  V       »  "■■    l    p'«.   i  ■  i >M     '    l    J  'P    l.'J         ,  .      .»        .,     .  ,  '        »„         .  »  ■  .       "      't>      ' 

~°$Y?fktàe'im>rn9  àtoM  »ÂiT«M»]dlf-Âleiytayi«X<^-(2> -Vby.  me*  Mmmim 
tn((f:,  G+SstfiJe ,  pa*.  ijô,  notëi.  t— {tf'Pastfwt,  PicK  eirust.  in  vase.  111', 
cçxvr);  Cfeuzcr ,  Àbbildùngen  \u  fyàèbvlik,  taf.  H,  fig.  }.  Je  me  sut»  suffi- 
#amnitirr  expliqué  sut  ce  sujet,  Ormèiéé\  par».  **$>—  (4)  Kiwwa'pL-x,-fe;.^ 

Hh  a 


i44  JOURtt*£iD£S:SAVANS, 

gwtajoe  le  seroh  déjk  exercée  sut  tes  mtauJmens  étrusques,  tarif  h 
ftég&rddu  «hoix  de*  jnfecs ,  qoerpat  rapport  tu  style  même  et  tu  travail. 
Mg  Doroir  chetttésides  pierres  tàHlées  cCune  façon  particulière,  entfe 
aut#«*4ine  jpAb*  qpfatif  pmjc  sut  msdch  carré  *  lesquelles  sestvoient , 
dtitr  k  plupart  des  adàenoea  vHIesi  étrusques*  à  indiquer  les  sépul~ 
lumf  ^  •  )*  Il*d  existe  une  vihgtaiikedans  le  jardin  de  Févêque  de  Chiusi; 
oh  ercvoit  çtt  et  flt  dèisepii>iyblas'4|La(itt  m*  tàfolntsiU  et  de  Cortone  ; 
et  à  Yoturrti,<**  sorte*  de  pierres,  quand  «He*4e  .rencontrent  dans  la 
tewe/^ontdes  indications  à>peu*f*èsimfiBlIibl6s  pour  trouver  les  antiques 
dupnb ses- «^pahcmfet  des  Étrusques .  La  plus  curieuse  de  cei  pierres 
tumpkMe  ësr  cefleaqet  se  trorive  dans  Iç  jardin  de  M.  Paofcwzi,  riche 
amateur  devCMtui,  sur  la  jpbèm  aplatie  de  laquelle  est  sculpté  un 
pfaùtfut  Jori&  de  '  trente-tfois  pouces  t  symbole  semarquabJe  »  et  qui  se 
rapporte  indubitablement  m  même  système  de  représentations  ithyphal- 
fiquefque  nous  avons  signalé  nous-méme  9  à  l'occasion  de  bas-reliefs 
et  de  sculpture*  étrusqpes  dès  hypogées  de  Gornéto  (a). 
i:  Àf*è*kpdlec^  de  AL  Peolosztqus 

attire  l'attention  de  M.  Dorowy  II  en  décrit  fe* principaux  objets,  à  i» 
t#te  desquels  figure  un  bas-fltiief  en  pierre* . d1  un  style  très-remarquable* 
que  M,  Miceli  a  publié  (3)  *  tnab  d'une  manière  fort  inexacte ,  ainsi  que 
ie  remarque  M.  Doirow.  Notre  voyageur  distingue  aussi  deux  beaux 
vasep  pcftats,  en  figures  noires  sur  fend  jaune ,.  trouvés  à  Chhisi  même, 
et  représentant  des  sujets  helléniques,  savoir*  fun,  ^TAésée  combattant 
h  Minùtavn,  avec  dès  inscriptions  grecques;  l'autre,  Perses  tainfMfiri 
et  la  Gorgone  g  nouvel  et  irrécusable  témoignage  de  ces  relations  antiques 
et  n  mimes  qui  existoient  entre  f  Étrurie  et  la  .Grèce.  Les.  pierres  gravées, 
et  notamment  les  scarabées,  d'ancien  style ,  qui  sont  une  dès  principales 
richesses  du  sol  classique  de  Chhisi,  abondent  dans  le  cabinet  de 
M.  Paolozai*  et  M.  Doyw  en  décrit  plusieurs  qui  offrent  des  types 
newfset  curiqtfx  pour  la  mythologie,  presque  tous  puisés  dans  les  fables 
helléniques,  et  un  Iseul  qui  pàroît  avoir  rapport  à  V  Hercule  phénicien* 
mars*  peu  t-ètne  y  a-t-ii  ici  quelques  doutes  k  élever  sur  l'explication  de  ce 
momnnem,  ou  même  sur  son  authenticité»  d'après  l'adresse  û  connue 


*  TO  Une  sphïrt,  placée  sur"  "un "cippe," s érf  "aussi  i  tîidîffneran*  tomBeùWïùr 
ptaffei\a  x**ps  pecêï  j'en,  ai  fait  »  la. -remarque*  et  recherché  te  motif,  dans  mon 
Oftstéyie,,  P*g't4'  %  et  je  pro&te  de  cette-occasion  pour  citer  an  des  exemple» 
bffl  plm:déci*if»  fc  cet  égara ,  qui  m'avoit  échappé ,  c'est  à  savoir  le  vase  publié 
par  41.  Atnispuoeave,  tntrod%  à  l'étmfe.des  vases,  pL  X;  voy.  Journal  des 
Savans,  182B,  p.  7 10.— (2)  Voy.  Journal  du  Savons,  1828 ,  p.  i%.— (j)  PL  XVi. 


t  un 


*&3a 


Ht 


avec  laquelle  l'industrie  moderne  s'est  exercée  et  s'exerce  encore  toqs 
le*  jours  sur  cette  classe  de  monumens  antiques*  ; .» .. 

.  L'espace ,  qui  va  bientôt  me  manquer,  m  empêche  de  ç^er  awn 
4étajl  !■  description  intéressant^  que  fait  M,  Dorow  de  plusieurs 
dtambres  aépujcrales,  récemment  trouvées  aux  enviions  de  Chiusiy 
remplie*  de  sarcophages  en  toute  matière  et  de  toute  dimension, 
Tune  desquelles  est  ornée  de  peintures  dans  le  goût  de  celles  de  Cor* 
aéto»  c'est  à  savoir,  avec  dés  représentations  des  divers  exercices  gytn- 
nasiiques  usités  chez  les  Grecs.  Mais  la  principale  de  ces  grottes 
sépulcrales  a  déjà  fourni  le  sujet  d'un  savant  mémoire  au  professeur 
YermigUoIi  (i);,  et  je  me  borne  à  y  renvoyer  nos  lecteurs 9  pour  arriver 
St  une  classe  de  monumens  étrusques  tout-à-fàit  particulière  à  Chhisî  x 
et  du  plus  grand  intérêt  sous  le  rapport  de  l'histoire  de  l'art ,  aussi 
bien  que  sous  celui  des  influences  étrangères  qu'a  pu  éprouver ,  à  une 
époque  plus  ou  moins  ancienne ,  .la  civilisation  étrusque. 

Je  veux  parier  de  ces  vases  à' argile  noire,  non  pas  cuits  au  four  , 
mais  simplement  sécbés  au  soleil, «t  ornés,  à  diverses  places,  de  bas* 
reliefs  imprimés  au  moyen  de  l'estampage.  Ce  n'est  que  depuis  très- 
peu  d'années  que  ces  vases  commencent  à  se  montrer  sur  le  sol  de 
Çbiusi  ;  la  galerie  de  Florence  en  possède  un  choix  excellent ,  quoique 
peu  nombreux»  admis  seulement  en  1 827  parmi  les  autres  monumens 
antiques  de  cette  superbe  collection»  et  resté  tout  entier  inédit,  jusqu'au 
moment  où  M.  Dorow  en  publia  quelques-uns,  dans  un  opuscule  très- 
curieux  imprimé  à  Pesaro  (a) ,  Tannée  suivante.  Depuis  cette  époque, 
fattention  excitée  à  l'égard  de  ces  vases  en  a  fth  arriver  quelques-uns 
dans  les  collections  d'au-delà  des  Alpes  :  on  en  voit,  à  Paré,  dans  le 
cabinet  de  M.  le  duc  de  Blacas,  dans  celui  de  M.  Durand;  et  s'il  m'est 
permis  de  me  citer  moi-même,  j'en  ai  rapporté  plusieurs  pour  le  cabinet 
du  Roi,  que  je  me  propose  de  publier  prochainement  ;  et  je  puis  ajouter 
que  j'ai  été  le  premier,  en  France,  à  signaler  à  l'attention  des  antiquaires 
cette  classe  tout-à-fàit  neuve  de  monumens  étrusques  (3),  précisément  à 
la  même  époque  où  M*  Dorow  en  faisoit  de  son  côté  l'objet  d'un  examen 
particulier.  Mais  le  plus  grand  nombre  de  ces  vases  et  les  plus  impor- 
tana  existent  encore  à  Chiusi  même ,  dans  les  collections  particulières 
de  M.  le  chanoine  Mazetti  et  de  M.  le  capitaine  Tozzi  ;  et  c'est  là  que 
notre  voyageur  a. pu  en  acquérir  quelques-uns»  et  en  faire  dessiner 
quelques  autres  qu'il  publie ,'  et  qui  forment  ainsi  Fun  des  principaux 
4 ■ > 

(i),  Opuscoli  &c,  tora.  IV,  pag.  1  et  suiv.  —  (2)  JVotizir&c.  avec  4  planche* 
Iithographiécs.  —  (3)  Voy.  mon  Cours  d'archéologie,  publié  en  1 828 1  pag.  1 4j» 


%{6  JOURN3KÉ  Mfe^VANS, 

omcnren»  Ai-toya^e'd^nt^Hotts  rendoris  compte;  Lts(  GttWptettiott* 
sculptées  sur  ces  vase»  appartiennent  Indubitablement  *d*  phrs  a*-* 
«totale»  jttodu ctîori*  dë^  Part  étrusqtie  ;  elles  en  constituant  h  série1  la 
pW*  jiatibnble  peuf-étref;  ou  du  moins  celle  sur  laquelle  l'influera* 
gWoqué,'qui  p*is  tarde'ejrerça  presque1  seule  et  sans  partage,' est  4& 
moins  sensible ,  et  même  tout-à-fait  nûlte.  Mais  on  y  remarque!  en' 
même  temps  tme  ariafogie  de  style  et  dé  composition,  avec  db*4eu4pturt£ 
de  bas-reltefr  égyptiens  et  persépolitainis ,  qui  décèlent  tuie  'influence1 
orientale  et  qui  paroi  t  se  Rattacher  à  l'époque  de  féniigra&tti  alforiqu* 
des  Tyithénièns.  Telle  en  l'idée  nqu'en  a  conçue  M*l!>oftrir;  è*  te8e 
est  aussi  celle'  que  fâvèi*  exposée  de  ittèn  côté ,  avant  4er  duMMtiiif 
lé  travail  dé  ce  savait.'  Je  rtte  crois  cependant  pas,  et  c'est  toi  qtté  t* 
prend»  là1  liberté  de  m'éloignér  de  fcort  opfinioh,  que  les^mptfsfrîori* 
de  ces  ;  sculptures  étrusques  puissent  s'expliquer  par  les  mj$ttèi*» 
de  Uacchus,  dont  if  ne  me  paroît  pas  prouvé*  £6  Aimé  k  iMi  et 
comme  h  M.  Creurer,  que  Ffastîtution  ait  été  tiês-fcnciérine'ni 
tï*s- populaire  chès  fes 'Étrusque*.  %*Mftli!&  plutôt  d'avis  que  le* ^  blatte 
reliefs  dent  if  s'agit  ont  rapport  I  des  sujets  funéraires,  d'a&okt 
avec  la  destination  même  des  vases  qui  en  sont  ornés;  et  que  «e*  sont 
les  diverses  scènes  du  jugement  des  aines  après  la  ttuirt*  siïje»  d* 
tout  temps  familiers  à  Part  étrusque,  et  souvent  reproduits  dans  les  gïotte* 
sépulcrales,  notamment  dans  celles  de  Chiusi,  qu'il  fautkoit  voir  iU» 
ces  bas-reliefs.  Je  persiste  de  mèmei à  penser,  contre  les  doutes  expri- 
més à  cet  égard  par  M.  Dorow  (  i  ) ,  que  toute  la  sérié  des  vases  peints,' 
trouvés,  sôit  à  Chiusi,  soit  dans  d'autres  localités  et tangères,  tous  atoéd 
des  sujets  helléniques ,  et  la  plupart  avec  des  inscriptions  gnefcques  plus 
ou  moins  bien  tracées,  plus  ou  moins  lisibles,  appartient  cxclusWtmtnP 
à  la  Grèce,  je  veux  dire  à  ses  arts  et  à  ses  croyances;  et  que  ces 
sortes  de  vases  ne  se  rencontrent  sur  le  sol  étrusque  que  parce  qults  y 
oint  été  portés  parle  commerce  au  moyen  d'échanges,  et  par  l'effet  de* 
relations  intimes  entre  les  deux  peuples  (2).  Les  découvertes  si  nom* 
hreuses  et  si  intéressantes  de  vases  peints  qui  se  Sont  faites  tout  ré-t 
cemment  et  qui  se  font  encore  tous  les  jours  sur  une  portion  du 
territoire  étrusque  de  l'Etat  àctufel  dé, l'église,  n'ont  pu  que  m'aflfermtr 
daçs  cette  opinion,  que  f'avois  d'abord  exprimée  avec  quelques  restric- 

(t)  Pag.  41,  not.  tii— •(»)  Cet  article  étoit  rédigé  ayant  celui  où  neus  jriroa* 
jendu  compte  de  la  Colltction  des  vases  du  prince  de  Canmo*-£i  où  nous  avoua 
exposé,  avec  autant  de  .détails  qu'il  nous  a  été  possible,  notre  qpinion  sur  la 
patrie  de  ces  vases  prétendus  étrusques;  voy.  JoutndVda  Savant,  i8jo* 
iij-11;  et  177-187.  ..  .. 


."V-7ÀVRIL  183O.'  a47 

tien*,  en  rendant  compte,  dans  ce  journal  (1),  de  Ix  collection  des 
vases  peints  formée  dans  TÉtrurie  même  par  M.  Dorow.  Mars ,  pour 
en  revenir  à  nos  vasts  d'argile  noire  avec  bas-reliefs  imprimés,  les  détails 
très-curieux  que  donne  M.  Dorow  à  l'égard  d  un  grand  nombre  de  ces 
vases,  et  $ur-tout  les  dessins  qu'il  en  publie,  doivent  être  considérés 
comme  un  des  principaux  élémens  que  nous  possédions  encore  pour 
arriver  à  Texplicacion  de  cette  classe  si  importante  et  si  neuve  de  monu- 
mens  archéologiques;  et  n'eût-il  que  ce  seul  mérite ,  le  livre  de  M.  Do- 
row» rempli  d'ailleurs  de  tant  de  notions  curieuses  sur  les  collectkns 
étrusques  d'une  partie  de  fa  Toscane,  mériterait  d'être  hautement  recom- 
mandé à  f  attention  publique  et  à  l'examen  des  antiquaires. 

RAOUl^ROCHETTE. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 

La  séance  publique  tenue  le  1  .*  avril  par  l'Académie  française ,  pour  Ta 
réception  de  M.  de  Lamartine,  a  été  annoncée  dans  notre  cahier  dernier, 
page  189. 

'  Le  major  Jame*  Rennei ,  associé  étranger  de  Y  Académie  des  inscriptions  et 
beilesj-tatres ,  est  mort  dans  les  premiers  jours  d'avril,  et  a  été  inhumé  le  6  à 
Westminster.  11  étoit  né  eh  1742  à  Chudleigh,  comté  de  Devorishire.  Des 
1761,  il  s'est  distingué,  comme  officier  de  marine,  à  iaprbe  de  Pondichéry; 
cinq  ans  après,  il  tervort  dans  l'Inde,  comme  officier  du  génie.  Une  blessure 
grave  l'obligea  de  quitter  le  service;  il  se  livra  dés-lors  à  I  étude,  et  particu- 
lièrement à  celle  de  la  géographie.  Son  premier  ouvrage  connu,  est  une  carte 
•du  twtîC  et  du  courant  du  lac  LaguHas.  En  1781,. il  publia  un  atlas  du 
Bengale  et  une  notice  sur  les  cours  dû  Gange  et  du  Brahma-Poutra.  Depuis, 
flîâ  mis  au  jour  une <cftrte  de  l'Hindoustan,  accompagnée  d-up  mémoire;  le 
système  de  la  géographie  d'Hérodote;  des  observations  sur  la  topographie  de 
là  Troade;  des  étlaûrcisiemens  sur  l'exoédition  de  Cyrus  le  jeune  et  sur 
far  retraite  des  dix  mille  (voyez  notre  cahier  de  janvier  *8i8,.  p.  3  18 )•  11 
Vest  occupé  aussi  de  recherches  sur  l'intérieur  de  l'Afrique;  il  a  rédigé  le 
Voyage  <Je  Hornemann.  On  annonce  que  le  major  Rennei  laisse  un  traité 
iriarrascrit  sur  les  courans  de  l'Océan  atlantique,  avec  des  cartes  fort  détaillées. 
'  'L'Académie  des  sciences  a  publié  le  tome  IX  de  ses  Mémoires  (  Paris, 
4St*n*todot,^i8j6^iii-^%  ccfoet  684  pages,  avec  ixpUac^s.  .Us  ccU 

'.      •••^•'f       ''■>■■■■■:  ■-,,,.  I     II      Ml      ■  ., 


o48  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

premières  pages  contiennent  l'analyse  des  travaux  de  cette  académie  en  1 826,  et 
les  éloges  historiques  de  Ramond,  HaIlé,Corvisart  et  Pinel.  Le  corps  du  volume 
est  composé  de  mémoires  de  M.  Poisson  sur  l'équilibre  des  fluides,  sur  les 
racines  aci  équations  transcendantes,  sur  la  proportion  des  naissances  des  filles 
et  des  garçons; — de  M»  Cauchy,  sur  l'intégration  des  équations  aux  différences 
partielles  ;  sur  qnelques  séries  analogues  à  U  série  de  Lagrange,  sur  ies  fonctions 
•y métriques,  et  sur  ta  formation  directe  des  équations  que  produit  L'élimination 
des  inconnues  entre  des  équations  algébriques  données;  sur  le  mouvement  d'un 
système  de  molécules  qui  s'attirent  ou  se  repoussent  à  de  très-petites  distances; 
sur  une  loi  découverte  par  M.  Savart  et  relative  aux  vibrations  des  corps  solides 
ou  fluides;  sur  la  torsion  et  les  vibrations  tournantes  (Fane  verge  rectangulaire; 
—  de  M.  Héron  de  Villefosse,  sur  l'état  actuel  des  usines  a  fer  et  sur  ies 
métaux  en  France;— de  M.  Puissant,  sur  la  mesure  et  le  calcul  des  azimuts 

Î>ropres  à  la  détermination  des  longitudes  terrestres  ;  —  de  M.  Navier,  sur 
'écoulement  des  fluides  élastiques  dans  les  vases  et  les  tuyaux  de  conduite; 
— .de  M.  Portai*  sur  les  fièvres  putrides  devenues  malignes,  sur  la  nature  et  le 
traitement  de  rhydropisie  avec  des  palpitations  de  cœur,  et  particulièrement 
sur  le  ramollissement  de  cet  organe  ;  — -  de  M.  Savart ,  sur  l'élasticité  des  corps 
qui  cristallisent  régulièrement;  -—.de  M.  Flourens,  sur  les  canaux  semi-circu- 
laires de  l'oreille  dans  les  oiseaux  et  dans  les  mammifères ,  et  sur  le  système 
nerveux;  —de  M.  Becquerel,  sur  l'électro-chimie,  et  l'emploi  de  l'électricité 
pour  opérer  des  cembinaisons;. —  de  M.  Girard,  sur  la  coudée  septennaire  des 
anciens  Égyptiens  et  les  différens  étalons  oui  en  ont  été  retrouvés  jusque 
présent  ; — de  M.  Mirbel,  sur  la  structure  et  le  développement  de  l'ovule  végétale. 
Le  24  Avril,  les  quatre  académies  qui  conrposent  l'Institut  ont  tenu  leur 
séance  publique  annuelle. On  y  a  entendu,  i.°  le  discours  d'ouverture  de 
M.  Girard ,  président  ;  2.0  un  rapport  de  M.  Rémusat  sur  le  concours  de  1829 

Sour  le  prix  fondé  par  Volney;  3.0  un  rapport  dé  M.  Navier  sur  la  caisse 
'épargne  et  de  prévoyance;  4»°  d**  fagmens  d'un. tableau, historique  de 
l'insurrection  de  la  Grèce,  parM.de  Lac  retelle;  5.0  un  mémoire  de  M*  Dureau 
de  la  Malle,  concernant  l'influence  de  la  domesticité  sur  les  animaux  depuis  le 
commencement  des  temps  héroïques  jusqu'à  nos  Jouis.  —  Ces  morceaux  ont 
-été,  à  l'exception  du  quatrième ,  imprimes  ensemble  chez  M*  Firmin  Didot, 
49  pages  m-* / 

Le  rapport  sur  le  prix  fondé  par  Volney  est  conçu  en  ces  termes  :  «  La 
commission  chargée  d'exécuter  la  fondation  faite  par  M.  le  comte  de  Volney 
«voit  proposé ,  pour  sujet  du  prix  qu'elle  devoit  adjuger  je  24  avril  1839, 
d'examiner  Quels  sont  les  caractères  logiques  ou  grammaticaux  qui  distinguent  le 
tioni  verbal  et  les  adjectifs  verbaux  de  l'infinitif  et  des  participes  considérés 
comme  modes  du  verbe,  dans  les  langues  où  ces  différentes  catégories  de  mots 
existent  concurremment.  La  commission  a  adjugé  le  prix  au  mémoire  n.°4, 
écrit  en  latin,  et  portant  l'épigraphe,  Habent  linguot  non  solùm  suam  physjo- 
logiam  et  suam  logicam ,  sed  habent  auoque  suOm  psycholagiam.  L'auteur  est 
*M.  E.  M.  Guido  Goerres,  de  Munich.  La  commission  a  en  outre  arrêté  au'il 
seroit  (ait  urte>fltention4ionorable  du  mémoire, n.°  ^.pprtantpqnr  4pigrap^e,, 
Evgo-non  -ehclinatio  ,  sed  proprietas  ft  exa/rif"*"  significafiotits.  (Priscianus, 


AVRIL  1830.  249 

doustan ,  dont  les  alphabets  sont  dérivés  du  dévanagarï,  un  système  de  transcription 
méthodique  et  régulier,  tel  qu'un  texte  écrit  d'après  ce  système  puisse  toujours  être 
transcrit  de  nouveau,  et  avec  exactitude,  en  caractères  originaux.  On  devra 
exclusivement  faire  usage  des  lettres  de  l'alphabet  européen,  modifié  et  com- 
plété, selon  la  nécessité,  par  l'addition  de  signes  simples  et  empruntés  à  la 
typographie  ordinaire.  On  rédigera  un  tableau  de  la  concordance  orthographique 
applicable  aux  trois  systèmes  de  prononciation,  français,  allemand  et  anglais, 
de  manière  que  les  noms  propres,  les  mots  ou  les  phrases  transcrits  par  un 
individu  de  l'une  des  trois  nations,  puissent  être  reconnus,  et  rendus  confor 
niémcnt  à  l'orthographe  des  deux  autres,  à  volonté.  Le  prix  sera  de  1,200  fr. 
Toute  personne  est  admise  à  concourir,  excepté  les  membres  résidans  de 
l'Institut.  Les  mémoires  seront  écrits  en  français  ou  en  latin  ,  et  ne  seront 
reçus  que  jusqu'au  1  .er  janvier  1 83 1 .  Ce  terme  est  de  rigueur.  » 

Le  jeudi  29  avril,  l'Académie  française  a  élu  M.  Pongerville  à  la  place 
vacante  par  le  décès  de  M.  de  Lally-Tolendal. 

Dans  la  semaine  suivante,  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  pour 
remplir  les  six  places  qui  depuis  long-temps  restoient  vacantes  dans  son  sein  ,  a 
élu  MM.  Thurot,  Champollion  le  jeune,  Augustin  Thierry,  Lajard,  Amédée 
Jaubtrt  et  Mionnet. 

La  Société  royale  et  centrale  d'agriculture  a  tenu  sa  séance  publique  le 
! 8  avril,  sous  Fa  présidence  du  ministre  de  l'intérieur.  Après  le  discours  d'ou- 
verture, prononcé  par  son  Excellence,  dts  prix  ont  été  décernés  à  MM.  de 
Fontenay  ,  Trochu  ,  Riss,  Demoussy  ,  Louis  de  Villeneuve  ,  A.  L.  Blanchard  , 
Payen,  Huvellier,  Mulot,  Poittevin  ,  harel,  Brochier,  Delphin,  Beaussire,  &c. 
Les  motifs  de  ces  récompenses  ont  été  exposés  en  des  rapports  de  MM.  Héricart 
deThury,  Oscar  Leclerc,  Huzard  père,  Huzard  frs,  Henri,  Deladoucette* 
Vilmorin  et  Lahbé.  La  Société  décernera  des  prix,  en  183  1,  pour  l'introduction 
dans  un  canton  de  la  France,  d'engrais  ou  aamendemens  qui  n'y  étoient  pas 
usités;  pour  des  essais  comparatifs,  faits  en  grand,  sur  différens  genres  de 
cultures ,  de  l'engrais  terreux  (  urate  calcaire  ),  extrait  des  matières  liquides  des 
vidanges;  pour  la  traduction  ,  soit  complète,  soit  par  extrai's,  d'ouvrages  ou 
mémoires  relatifs  à  l'économie  rurale  ou  domestique,  écrits  en  langue  étrangère, 
qui  offriroient  des  observations  ou  des  pratiques  neuves  et  utiles  ;  pour  des  notices 
biographiques  sur  des  agronomes  ou  cultivateurs  dignes  d'être  Yniaux  connus; 
pour  des  ouvrages r  mémoires  et  observations  pratiques  de  médecine  vétérinaire; 
pour  des  renseignemens  sur  la  statistique  des  irrigations  en  France,  ou  sur  la 
législation  relative  aux  cours  d'eau  et  aux  irrigations  dans  les  pays  étrangers; 
pour  un  manuel  pratique  propre  à  guider  les  habitans  des  campagnes  et  les 
ouvriers  dans  les  constructions  rustiques;  pour  la  culjrure  du  pommier  et  du 
poirier  à  cidre  dans  les  cantons  où  elle  n'est  pas  «établie;  pour  les  meilleurs 
mémoires  sur  la  cécité  dans  les  chevauv,  sur  ses  causes,  et  sur  les  moyens  de  la 
prévenir  et  d'y  remédier;"  pour  la  publication  -d'instructions  populaires  dans  1rs 
dt'partemens,  destinées  à  faire  connoStre  aux  agriculteurs  quel  parti  ils 
pourvoient  tirer  des  animaux  qui  meurent  dans  les  campagnes, .soit  de  maladie, 
soit  de  vieillesse,  ou  par  accident,  et  pour  la  mise  en  pratique,  avec  succès, 
des  moyens  indiqués  a  cet  effet  ;  pour  la  construction  de  la  meilleure  machine 
à  bras  propre  à  battre  et  à  vanneries  blés  avec  la  plus  grande  économie,  de 
manière  à  donner,  avec  la  même  dépense,  un  produit  d'un  quart  au  moins» en 

li 


ï 


*5<>  JOURNAL  DES  SAVANS, 

sus  de  celui  qu'on  obtient  par  le  battage  au  fléau,  lequel  est  évalué  à  cent 
cinquante  kilogrammes  de  blé  vanné,  par  four,  pour  le  travail  de  chaque 
batteur  en  grange;  pour  le  percement  de  puits  forés  suivant  la  méthode  arté- 
sienne, à  l'effet  d'obtenir  des  eaux  jaillissantes,  applicables  aux  besoins  de 
l'agriculture  (3,000  fir.  );  pour  la  culture  du  pavot  (oliette)  dans  les  arron- 
disse m  en  s  où  cette  culture  n'étoit  pas  usitée  avant  l'année  1820; — en  1832, 
pour  la  Substitution  d'un  assolement  sans  jachère,  spécialement  de  l'assolement 
uadriennal,  à  l'assolement  triennal  usité  dans  la  plus  grande  partie  de  la 
rance;  —  en  1834»  pour  la  plus  grande  étendue  de  terrain  de  mauvaise 
qualité  qui  auroit  été  semée  en  chêne-liége  dans  les  parties  des  départemens 
méridionaux  où  l'existence  de  quelques  pieds,  en  1822,  prouve  que  la  culture 
de  cet  arbre  peut  encore  être  fructueuse;  de  manière  qu'en  1834  il  s'y  soit 
conservé  des  semis  de  cette  année  (  1822),  ou  des  trois  années  suivantes,  au 
moins  deux  mille  pieds,  espacés  d'environ  six  mètres  dans  tous  les  sens,  ayant 
une  tige  droite  et  bien  venante  (  concours  ouvert  sur  la  demande  spéciale  de 
son  exe.  le  ministre  de  l'intérieur:  premier  prix,  3,000 fr.; second  prix,  2,000 fr.; 
troisième  prix,  300  fr.). 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

ATÀKTÀ  it>oi»r  xuvnJkmr  itç  Wr  e^xTetr  jyi  rit  fia*  tMnwutf  yxicnnLt.  .  . , 
«H/ut  rpmç  9ffif';^r  Kttt^ç  àpyuo^oyictç  v*r,r,  ibiupuor  riaç  /uunafymatuç  nç  naç 
<fra6ffW,  flâ*vy*  mp*  to'v  tt  lopoovxifiioiç  eiyiof  çcniç,  xsf*  i*  *ty"  HçiultA  ibiJitut 
dxapfifAMofcûç.  Paris,  impr.  d'Eberart,  librairie  de  Firmin  Didot,  1830,  in-8.ê , 
xv  et  478  pages.  Ces  mélanges  ou  observations  diverses  sur  la  langue  grecque 
ancienne  et  moderne,  survies  monumens  de  cette  littérature,  sont  publiés  par 
M.Coraypour  servir  de  supplémens  à  sa  Bibliothèque  grecque.  Les  deux  pre- 
miers volumes  des'Amxra  ont  été  annoncés  dans  nos  cahiers  de  septembre  1  $28) 
p.  571,  et  de  juin  1 829,  p.  383.  Le  troisième  contient ,  après  les  prolégomènes, 
i.°  un  traité  des  antiquités  de  Chio,  sa  géographie,  ses  premiers  habrtans,  sa 
chronologie.  . .  ,  la  biographie  (  par  ordre  alphabétique)  (Te  ses  hommes  illustres  ; 
. . . .  2.0  l'essai  d'une  nouvelle  traduction  du  Nouveau-Testament  (  l'épkre  de 
S.  Paul  àTûus);  3.0  un  dialogue  sur  la  lumière  sainte  vue  à  Jérusalem;  des  obser- 
vations sur  le  compte  par  douzaines.  Lé  volume  est  terminé  par  quatre  tables. 

Lettre  à  M.  Osann,  professeur  à  l'université  de  Giessen,  contenant  l'examen  de 
plusieurs  passages  d'uuteuts  grecs ,  par  M.  F.  Gail.  Paris,  impr.  de  Paul  Re- 
nouard  ,  librairie  de  Treuttel  et  ^iirtz ,  et  chez  i'auti  ur ,  rue  du  Mail ,  n.°  1  a  ^ 
1830,  40  pages  in- 8/  C'est  une  série  de  trente-neuf  observations  grammaticales 
et  littéraires,  où  sont  expliqués  des  passages  d'Homère,  d'Eschyle,  de  Sophocle,. 
d'Euripide,  d'Aristophane,  de  Thucydide,  de  Platon,  de  Démosthène,  de 
The'ocrite,  de  Strabon,  de  l'empereur  Julien,  et  le  passage  latin  de  Piîne 
(Hist.  natiir.  vil,  30):  Homtro...  nullum  felicius  extitisse  convenu  sive 
operis  fortuna ,  siye  materia  œstimetor.  • 

Novtr  lucubrationes  in  novam  scriptorum  latinorum  bibliothecam ,  à  C.  L.  F. 
Panckoucke  editam,  auctore  Eiigio  Johanneau  :  in  C.  J  .  Caesarem,  C.  Ne- 
potem  et  Justii  um.  Parisiis  ,  Panckoucke,  1830,  in-8.* ,  34  pages.  La  plupart 
des  remarques  sur  les  Commentaires  de  César  (  de  Bello  gallico  )  ont  pour  b«t 


AVRIL  1830.       '  aji 

d'expliquer  ou  des  noms  propres,  comme  Orgetorix,  Viridovix,  Adcantuannu*, 
lnduciomarus,  ou  des  noms  de  dignité,  comme  vergobretus  ,  de  service, 
comme  soldurii ,  t>u  des  noms  géographiques,  Dubis,  Sesuvii,  Ambiliates ; 
d'en  rechercher  les  origines  et  les  -significations  :  on  sait  que  ce  sont  là  des 
questions  fort  controversées  La  pr.  mière  à»  élever  sur  les  vies  attribuées  à 
Cornélius  Nepos  concernerait  leur  authenticité.  Plusieurs  savans  n'y  ont  vu 
qu'un  abrégé  irforme,  écrit  par  yEmilius  Probus,  contemporain  de  Théodose; 
*r  cette  opinion,  qui  a  été  adoptée  par  M.  Walckenaer  (  Biogr.  univers» 
IX,  633)  nous  semblerait  la  mieux  fondée,  quoiqu'elle  ne  soit  pas  la  plus 
répandue.  Mais  M.  Johannean  n'examine  point  cette  question.  Son  travail  le 
plus  étendu  et  le  plus  recommandable  est  celui  qui  concerne  les  quarante- 
quatre  livres  de  Justin  :  il  a  joint  plusieurs  observations  qui  lui  appartiennent 
en  propre ,  à  un  très-bon  choix  d'anciennes  notes. 

Rétablissement  du  texte  de  la  LU  vin  a  entmnedia,  XXVI.®  chant  du  Purgatoire, 
où  le  troubadour  Arnaud  Daniel  s'exprime  en  vers  provençaux  ,  par  M.  Ray- 
nouard.  Paris,  Imprimerie  royale,  1830,  12  pages  in-4.9,  extraites  de  notre' 
cahier  de  février  dernier,  pag.  67-78. 

Le  Faux  connaisseur ,  ou  l'homme  aux  méprises,  comédie  en  5  actes,  en 

Îrose,  par  M.  P.  Gilb.  Duclos.  Paris,  impr.  de  Sétier,  i8jo,  84  pages  in-12. 
.e  principal  personnage  de  cette  pièce  s'appelle  M.  de  Fîntac,  comme  dans 
le  conte  de  Marmontel  intitulé  le  Connoisseur.  On  a  imprimé  à  Genève  ,  en 
177c,  in-8.°,  une  comédie  en  3  actes  et  en  vers ,  sous  le  titre  de  M.  de 
Fîntac  ou  le  faux  connaisseur ,  par  l'aveugle  de  Ferney  :  c'est  mal  à  propos  que 
cette  comédie  a  été  attribuée  à  Voltaire;  elle  est  de  Lefébure  de  Saint- 
lldéphon,  ainsi  que  le  remarque  M.  Beuchot  dans  une  préface  mise  à  la  tête 
du  Théâtre  de  Voltaire  (nouvelle  édition  de  ses  œuvres  ). 

Œuvres  de  Fenimore  Cooper,  traduction  de  M.  Defauconpret,  avec  des 
notes  historiques;  nouvelle  édition  en  9  vol.  in-8.° ,  contenant  les  neuf 
romans  intitulés:  la  Précaution,  l'Espion,  le  Pilote,  Lionel- Lincoln ,  le 
dernier  Ses  Mchicans ,  les  Pionniers ,  la  Prairie,  le  Corsaire  rouge,  le  Puritain 
d'Amérique,  On  souscrit,  sans  rien  payer  d'avance,  à  Paris,  chez  Fume, 
libraire,  quai  des  Augustîns,  n.°  39,  à  raison  de  2  fr.  jo  cent,  par  volume. 
Le  prospectus  est  imprimé  chez  E.  Duverger. 

Précis  de  l'histoire ,  par  M.  le  marquis  de  Villeneuve,  préfet  du  département 
de  la  Corrèze,  de  l'Académie  des  jeux  floraux,  &c.  (Historia  est  testis 
temporum,  lux  veritatis,  magistna  vitœ,  nuncia  vetustatis.  Cic.  ),  approuvé  par 
l'université;  seconde  édition,  revue  et  augmentée.  Parts,  impr.  de  Decourchant, 
librairie  de  Pichon  et  Didier,  1830,  un  vol.  in-8.9  Pr.  6  fr.,  et  cartonné  à  la 
Bradel,  7  fr.  Ce  volume  comprend  toute  l'histoire,  divisée  par  vingt-deux 
époques ,  onze  avant  J.  C,  onze  après! 

Cours  d'histoire  des  états  européens  depuis  le  bouleversement  de  l'empire  romain 
d'occident  (47 6) Jusqu'en  1789,  par  Fred.  Schoell,  en  30  vol.  in-8.9  de  400  pag. 
chacun.  Le  prospectus  fixe  le  prix  de  chaque  volume  à  7  fr.  pour  les  personnes 
qui  auront  souscrit  avant  la  publication  du  sixième,  chez  Gide  fils.  Les  tom.  I 
et  II  sont  en  vente. 

Histoire  des  colonies  étrangères  qui  se  sont  fixées  dans  VAbyssinie  et  dans  le 
Sennaar  depuis  le  vu/  siècle  avant  J.  C.  jusqu'au  IV.'  siècle  de  l'ère  chrétienne, 
suivie  de  dissertations  sur  la  civilisation  des  peuples  du  Soudan  au  temps  des 

li  2 


252  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Méroens,  des  Egyptiens,  des  Carthaginois,  des  Grecs  et  des  Romains,  et  de 
plusieurs  traités  sur  les  relations  commerciales  de  ces  peuples  avec  les  Nègres, 
par  M.  Louis  Marcus,  3  vol.  in-8.° ,  accompagnés  de  cartes  et  de  planches. 
«  Depuis  que  Mungo-Park,  Clapperton ,  Laing,  Caillé  et  autres  vo)ageurs 
»  célèbres  ont  parcouru  quelques  parties  du  Soudan,  c'est-à-dire ,  des  pays 
»  situés  entre  les  sources  du  fleuve  Blanc  de  Browne  et  celles* de  la  Gambie  et 
»  du  Sénégal . . . ,  l'attention  de  toute  l'Europe  est  dirigée  vers  ces  pays,  destinés 
»à  ouvrir  un  jour  des  débouchés  immenses  aux  productions  européennes.  Le 
»  livre  de  M.  Marcus  contient  beaucoup  de  renseignemens  inconnus  ou  fort 
»  peu  connus  sur  l'état  actuel  de  la  civilisation  chez  les  peuples  du  Soudan, 
»sur  l'histoire  de  ces  peuples,  et  sur  la  géographie  physique  et  politique  de 
j>  leur  patrie.  »  Il  en  a  paru  des  extraits  dans  les  cahiers  de  mars,  avril,  mai, 
juin  et  juillet  1829  du  Journal  asiatique.  Le  Bulletin  de  la  Société  de  géo- 
graphie, janvier  1830,  contient  un  rapport  sur  l'ensemble  de  l'ouvrage;  il  y  est 
dit  que  «  plusieurs  orientalistes,  naturalistes  et  géographes  distingués  de  France 
*>et  d'Allemagne  (MM.  Alex,  de  Humboidt,  Guill.  Cuvier,  Silvenre  de 
»•  Sacy  ,  Jomnrd  ,  Klaproth,  Saint-Martin,  Reinaud  ,  Ritter,  Rudolphi  )  ont 
a>  parcouru  des  parties  entières  du  manuscrit  et  en  ont  témoigné  leur  satisfaction 
«  a  l'auteur.  »  Les  trois  volumes  de  M,  Marcus,  revus  par  son  ami  M.  Ajasson 
de  Grandsage,  paroîtront  de  trois  mois  en  trois  mois,  à  partir  du  mois  d'août 
prochain.  Le  prix  de  chaque  volume  sera  pour  les  souscripteurs  de  9  fr. ,  ainsi 
que  l'atlas.  On  souscrit  provisoirement  cnez  l'auteur,  rue  Simon-le-Franc , 
n.°  21, 

Histoire  des  conquêtes  des  Normands  en  Italie ,  en  Sicile  et  en  Grèce ,  années 
joiâ-iofy ,  par  M.  E.  Gautier  d'Arc.  A  Paris,  chez  L.  Debure  ,  libraire  ,  rue 
de  Bussy,  n.°  30,  vol.  in-$.\du  prix  de  7  fr.  50  cent.,  avec  un  atlas  in-4.0 
dont  le  prix  sera  de  12  fr.  Le  prospectus  annonce  que  l'histoire  littéraire  de 
i'Jralie  durant  le  IX. e  siècle  formera  la  seconde  partie  de  l'ouvrage. 

Atlas  géographique y  statistique,  historique  et  chronologique  des  deux  Ami' 
tiques  et  des  îles  adj<icentes ,  traduit  de  l'Atlas  exécuté  en  Amérique  sur  le  plan 
de  l'Atlas  de  Lesage,  avec  de  nombreuses  corrections  et  augmentations,  par 
M.  J.  A.  C.  Buchon  ;  nouvelle  édition,  1  vol.  grand  in-foL ,  composé  de 
63  cartes  coloriées.  II  paroîtra  en  20  livraisons:  la  première  est  en  vejue  ;  les 
suivantes  seront  publiées  de  quinze  en  quinze  jours.  Prix  de  la  livraison  ,  pour 
ceux  qui  auront  souscrit  avant  le  i.cr  juillet  prochain,  2  fr.  50  cent.  La  sous- 
cription est  ouverte  chez  Verdiére,  libraire  pditeur,  quai  des  Augustin?, 
n.0.25. 

Vicissitudes  de  la  Louisiane  et  du  Champ  d'asyle ,  par  M.  Ant.  Metral.  Paris, 
firmin  Didot,  1830,  20  pages  in-S.°,  extraites  du  Bulletin  universel  des 
sciences.  Pr.  1  fr.  80  cent,  chez  Lerosty  au  Palais-Royal.  Cet  opuscule  es* 
une  sone  d'appendice  à  l'ouvrage  de  M.  Barbé-Marbois  dont  il  a  été  re.rdu 
compte  dans  notre  cahier  de  mars  1829,  Pa6*  180-185.    • 

Afemoriœ  Johannis Schweighœuseri  sacrum;  seminarii  prote$tantium  theolo- 
gici  nomine  scripsit  J.  Georg.  Dahler.  Argentorati,  typis  Frid.  Car.  Heitzii,  1 830, 
"56  pa^es  in-8.°  On  a  fait  entrer  dans  cet  éloge  historique  de  M.  àchweighieu<er, 
la  notice  qu'il  avoit  publiée  lui-même  de  la  première  partie  de  sa  vie ,  savoir, 
depuis  le  26  juin  1742,  date  de  sa  naissance  a  Strasbourg  ,  jusqu'à  son  .mariage 
en  177J.  Un  tableau  plus  étendu  de  ses  travaux  littéraires  antérieurs  et  posté- 


AVRIL  1830.  ■■      :  25 j 

rienrs  à  cette  époque  est  tracé  par  M.  Dah'er,  avec  beaucoup  d'exactitude  et 
d'intérêt.  M.  Schweighaeuser,  associé  à  l'Institut  depuis  1798,  a  terminé  sa 
carrière  honorable  et  laborieuse  ie  19  janvier  1830. 

Œuvres  de  Al.  BatLwche,  9  volumes  grand  in-S.%  papier  vélin;  tome  I,  TAnti- 
gone  (publiée  en  1 8 1 4»  réimprimée  en  1819);  l'Homme  sans  nom,  et  l'Elégie 
(  1820  et   1827);  les  Fragmens  (petit  volume,  imprime  à  peu  d'exemplaires  en 
1819);  tome  II,  Essai  sur  les  institutions  sociales  (181 8);  le  Vieillard  et  le 
Jeune  homme  (1819);  tome  III.  première*  partie  de  la  Palingénésie  sociale 
(imprimée  à  petit  nombre  et  non  livrée  au  public,  en  1827);  tome  IV,  qui  doit 
paroître  au  15  juin  1830,  seconde  partie  de  la  Palingénésie  sociale,  contenant 
Orphée  (  imprimée  aussi  à  peu  d'exemplaires  en  1 828  )  ;  tome  V,  qui  sera  publié 
le  1 5  juillet,  Formule  générale  de  l'histoire  de  tous  les  peuples  appliquée  à  l'his- 
toire du  peuple  romain,  et  formant  la  troisième  partie  de  la  Palingénésie  sociale 
(inédite»  à  l'exception  de  quelques  fragmens  qui  ont  paru  dans  la  Revue  de 
Paris)  ;  tqme  VI  et  Vil ,  pour  le  1 J  septembre:  la  Ville  des  expiations,  l'Elégie 
générale,  et  le  dernier  Epilogue,  articles  inéJits  qui  doivent  former  la  quatrième 
et  la  cinquième  partie  de  la  Palingénésie;  tome  V1I1  et  IX,  pour  le  15  no- 
vembre: c'est-à-dire,  Recherches  et  Remarques  générales,  où  l'auteur  traite  des 
questions  de  philosophie,  de  philologie,  d'histoire  et  même  de  haute  littérature. 
.Nous  transcrivons  littéralement  le  prospectus,  où  il  est  dit  de  plus  que  «  l'Essai 
»sur  les  institutions  ^st  une  introduction  à  la  Palingénésie,  comme  l'Homme 
»  sans  nom  est  une  iniroduction  à  la  Ville  des  expiations;  que  l'Orphée  est  toute 
»  Palingénésie  primitive,  et  la  Formule  générale  toute  Palingénésie  historique; 
«que  l'Antigone  est  une  épopée  domestiqué',  et  l'Orphée  une  épopée  générale; 
»aue  ces  deux  épopées  sont  identiques  en  ce  sens  que  l'homme  collectif  et 
»  1  homme  individuel    sont  identiques;   que  les    deux   volumes   de   Preuves 
»  feront  sentir  combien  toutes  les  compositions  de  M.  B  dlanche  sont  en  harmo- 
»  nie  ent  e  elles  et  se  rappellent  les  unes  les  autres.»  L'édiîion  est  confiée  aux 
presses  de  M.  Jules  Didot,  qirt  y  consacre  un  caractère  neuf.  Le  papier  sort 
de  la  manufacture  de  M.  de  Montgolfier  de  Beaujeu.  Le  prix  de  chaque  volume 
est  de  9  francs.  Comme  le  tirage  est  limité,  les  personnes  qui  veulent  Rassurer 
un  exemplaire  peuvent  s'inscrire  d'avance  chez  M.  Barbezat,  éditeur,  rue  des 
Bcaux-ÀJts,  n.°  6. 

Œuvres  complètes  de  AI.  de  Chateaubriand;  édition  donnée  par  M.  le  mar- 

Fayoile,  chez  qui 
La  collection  aura 
4 J  tomes  in- 12,  sur  papier  fabriqué  exprès  par  M.  de  Montgolfier.  Les  6  pre- 
miers (déjà  publiés)  contiennent  le  Génie  du  christianisme.  Dans  L-  tome4> 


auis  de  Fortin.  Paris,  imprimerie  de  Fournier,  librairie  de 
Ion  souscrit,  à  raison  de  3  francs  50  centimes  par  volume.  1 


pages  160190  (partie  III,  livre  IV,  chapitre  2  de  l'ouvrage),  on  lit  une  note 
de  M.  de  Fortia,  suivie  d'une  réponse  de  M.  Gence.  M.  de  Fortia  y  adopte 
l'opinion  qui  attribue  à  Jean  Gersen  le  livre  de  l'Imitation  ;  M.  Gence  persévère 
à  penser  que  ce  Geisen  n'a  jamais  existé  f  et  que  le  véritable  auteur  de  ce  traité 
célèbre  est  Gerson.  Voyez  nos  cahiers  de  décembre  1826,  pages  747*754  î  oc~ 
tobre  et.  novembre  1827,  pages  622-633,  643-649.  On  a  tiré  des  exemplaires 
particuliers  de  la  note  de  M.  de  Fortia  et  de  la  réponse  de  M.  Gence;  20  pages 
in- 12. 

Des  doctrines  connues  sous  le  nom  de  Théorie  des  analogues  et  d'Unité  de  com- 
position, relatives  à  l'organisation  animale,  par  M.  Geoffroy  -  Saint-  (iilaire. 


ij4  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

«J'ai  posé  le  plan  de  cet  ouvrage,  dît  l'auteur;  il  sera  formé  de  2  vol.  in-8.0 
»  Quand  des  figures  seront  absolument  indispensables  à  l'intelligence  du  texte, 
»  on  y  joindra  des  planches  in- 8/  et  in-f.0  Cet  ouvrage  paroîtra  en  douze  livrai- 
sons. Je  mets  sous  presse,  pour  former  ta  première  livraison  ,  les  quatre  mé- 
»  moires  que  j'ai  déjà  lus  à  l'Académie  (des  sciences),  et  dont  les  journaux 
»  quotidiens  et  de  médecine  ont  rendu  un  compte  si  divers.  Chaque  fascicule 
*>sera  composé  de  cinq  i  six  feuilles  d'impression,  ainsi  qu'il  vient  d'être  dit 
»tout-à-I'heure.»On  souscrit  che*  MM.  Pichon  et  Didier.  Le  prix  de  la  sous- 
cription (  de  la  livraison)  est  de  2  fr.  L'ouvrage  sera  tiré  à  un  petit  nombre 
d'exemplaires. 

Plantes grcm«,  peintes  par  M.  E.-J.  Redouté,  décrites  par  MM.  A.-P.  de  Can- 
dolle  et  J.-A.  Guillemin.  L'ouvrage  complet,  publié  dans  les  formats  in-Jol.0  et 
in-f.9,  se  composera  de  50  livraisons,  renfermant  chacune  six  planches  et  six 
feuilles  de  texte.  <*  Pour  éviter  aux  premiers  souscripteurs  d'attendre  la  réimpres- 
sion des  vingt- huit  premières  livraisons,  les  éditeurs  publieront  exactement  et 
«simultanément,  le  i.cr  de  chaque  mois,  une  livraison  de  la  réimpression 
*»  et  une  livraison  dé  planches  et  de  texte  inédits.  La  première  livraison  de  la 
»  réimpression  et  la  vingt-neuvième  livraison  de  l'ouvrage  sont  en  vente.  Prix 
de  chaque  livraison ,  in-fol.  30  fr.,  i/1-4/  1 5  fr.  On  souscrit  chez  Jules  Lefebvre, 
libraire  éditeur,  rue  des  Grands- Augustin! ,  n.°  18. 

Traité  des  roues  hydrauliques  et  des  roues  à  vent,  à  la  portée  des  personnes 

2ui  connoissent  les   premiers  élémens  des  mathématiques,  par  M.  L.  M.  C. 
ioste  ,  capitaine  d'artillerie,  ancien  élève  de  l'école  polytechnique.  Paris ,  impr. 
de  Démon  ville,  librairie  d'Anselin ,  1830,  //i-Â',  viij  et  160  pages  avec  une 

Flanche.  Le  traité   des   roues  hydrauliques  est  précédé   d'observations  sur 
écoulement  des  fluides,  et  sur  leur  manière  d'agir  contre  une  surface  exposée 
^sur  leur  passage.  Prix,  3  fr.  50  cent. 

Dans  les  n.°*  45  >  4^  >  47  du  Journal  de  la  langue  française,  on  remarque  une 
notice  sur  D.  Claude  Lancelot,  l'un  des  écrivains  de  Port-Royal ,  par 
M.  Marrast;  un  premier  article  du  même  sur  la  pièce  de  théâtre  intitulée 
Hernani  ;  des  observations  sur  l'emploi  des  locutions  l'un  Vautre ,  tun  et 
f autre;  un  examen  de  la  valeur  du  monosyllabe  </<\ . ..  Voyez  une  première 
annonce  de  ce  journal  dans  notre  cahier  de  janvier  dernier,  pages  55  et  *6. 

La  Revue  nationale  est  un  recueil  périodique  spécialement  consacre  aux 
intérêts  de  l'agriculture,  de  l'industrie  et  du  commerce.  Le  principal  rédacteur 
est  M.  Blanqui  aîné.  On  y  trouve  des  notices  sur  l'arracacha,  nouvelle  plante 
à  racine  cornestible,  transportée  de  l'Amérique  du  Sud  ;  sur  les  puits  artésiens; 
sur  l'organisation  et  les;  avantages  des  caisses  d'épargnes;  sur  la  grande  et  la 
petite  culture;  sur  une  nouvelle  espèce  de  mûrier  blanc  ;  des  observations  de 
M.  Dunoyer,  intitulées  de  la  Moralité  en  industrie,  de  la  Spéculation  en 
agriculture.  Ce  journal  paroît  par  livraisons  de  2  feuilles  ou  22  pages  in -S.9  Le 
nombre  des  livraisons  est  de  quatre  ou*  cinq  par  mois,  ce  qui  donne  4  vol. 
d'environ  4jo  pages  chacun,  pour  l'année  entière.  Le  prix  de  Tabonnemeut 
annuel  est  de  36  fr.  à  Paris,  de  40  fr.  pour  les  départemens,  de  50  pour  les 
pays  étrangers  :  on  souscrit  au  bureau  du  recueil ,  quai  des  Augustins,  n.°  55, 
e*  chez  M.  Blanqui,  rue  Saint- Antoine ,  n.°  145. 

Parmi  les  journaux  très-nombreux  qui  se  publient  dans  les  départemens  » 
il  en  est  qui  contiennent  des  articles  relatifs  à  la  littérature  et  aux  sciences. 


AVRIL  1830.  n> 

Le  Journal  de  Caen  et  de  la  Normandie  (  petit  in-fol.  dont  il  paroit  une  feuille 
chaque  jeudi  et  chaque  dimanche  ;  prix  de  l'abonnement  annuel  à  Caen,  20  fr.), 
rend  compte  des  recherches  archéologiques  qui  se  poursuivent  dans  les  départe* 
mens  de  la  Seine- inférieure,  du  Calvados,  de  la  Manche,  de  l'Eure  et  de 
l'Orne.  11  annonce  pour  la  fin  de  Tannée  1830  la  publication  d'un  Essai  sur 
la  statistique  monumentale  du  département  du  Calvados,  vol.  in-tf.°  avec 
planches  et  une  carte  monumentale.  Prix  de  l'ouvrage,  7  fr. ,  et  de  la  carte  6  fr. 

Îour  les  souscripteurs.  —  MM.de  Caumont,  le  Prévost,  de  Gerville,  Galeron, 
*ambert,  et  plusieurs  autres  membres  de  la  Société  des  antiquaires  de  Nor- 
mandie ,  se  livrent  avec  beaucoup  de  zèle,  de  méthode  et  d'habileté,  à  ce  genre 
de  travaux. 

Le  Journal  de  Falaise  parott  tous  les  mercredis,  petit  in-fol.;  pnx  de 
l'abonnement  annuel,  10  fr.  :  nous  y  remarquons  une  notice  des  objets  déposés 
durant  les  trois  premiers  mois  de  l'année  1830  dans  la  collection  d'antiquités  de 
la  ville  de  Falaise;  l'annonce  des  ouvrages  où  MM.  Deshayes  et  Langlois  ont 
décrit  les  ruines  des  abbayes  de  Jumiéges  et  de  Saint- Wandrille;  d'un  recueil 
entrepris  sous  le  titre  de  Revue  normande  par  MM.  de  Caumont,  le  Prévost,  de 
Gerville ,  Féret ,  &c. .  ;  d'un  travail  de  M.  Isidore  Lebrun  sur  l'état  actuel  des 
quatorze  bibliothèques  de  la  Normandie,  dans  lesquelles  on  ne  compte  encore 
que  i44>5°°  volumes;  un  article  sur  le  cours  gratuit  d'archéologie  que  fait 
à  Caen  AI.  de  Caumont. 

—  M.  Bailly  de  Marlieux  a  répanda  le  prospectus  de  Y  Union  encyclopédique 
pour  la  propagation  des  connoissances  utiles ,  par  la  publication  de  V Encyclopédie 
portative  vu  H  es  u  me  universel,  /.•  des  sciences  et  des  lettres;  2.0  des  arts  et  des 
métiers  ;  j.c  de  l'histoire ,  de  la  géographie  et  des  voyages.  On  a  déjà  publié  34  vol. 
în-jz  de  l'Encyclopédie  portative;  mais  cette  collection  doit  être  portée  à 
300  volumes,  savoir,  100  pour  chacune  des  trois  séries  qui  viennent  d'être 
indiquées.  Chaqye  série  sera  aussi  imprimée  grand in-8.° ,  a  deux  colonnes,  et 
distribuée  sous  ce  format  en  100  livraisons  formant.26  parties  ou  13  gros  vol. 
Prix  de  chaque  in-jz,  x  fr.  50  cent. ,  de  chaque  livraison  in-8.9,  3  fr.  Les  sous- 
cripteurs, dont  le  nombre  est  limité  à  deux  mille,  auront  droit  à  une  part  du 
produit  de  la  vente  des  exemplaires  qui  seront  tirés  au-delà  de  ce  même  nombre. 
Toutes  les  pa-ties  de  l'Encyclopédie  portative  sont  rédigées  avec  l'assistance  et 
les  avis  d'un  haut  conseil  de  perfectionnement  partagé  en  trois  comités.  Le  pros- 
pectus (8  pages  in-8.9 ,  imprimées  chez  Decourchant) ,  donne  les  noms  des 
membres  de  1  institut  et  autres  hommes  de  lettres  qui  composent  ce  conseil. 

Vocabulaire  fran çais- algérien ,  ou  Vocabulaire  français-arabe  du  dialecte 
vulgaire  d'Alger,  de  Tunis  et  de  Maroc,  à  l'usage  des  militaires  français; 
contenant  les  mots  principaux  et  d'un  besoin  plus  journalier,  dont  la  pronon- 
ciation est  représentée  en  caractères  français;  suivi  de  dialogues  et  des  locutions 
les  pjus  née  essaires,  par  M.  J.  P.  Marcel,  ancien  directeur  général  de  l'imprimerie 
en  Egypte,  &u;  deuxième  édition.  Paris,  impr.  de  Tastu,  librairie  de  A.  J. 
Denain  (éd;teur),  1830,  in-16  oblong,  vj  et  144  Pages«  La  première  édition 
a  été  dounée  au  Caire  en  1799,  sous  le  titre  de  Vocabulaire  abrégé  de  la  langue 
arabe  vulgaire.  A  la  suite  de  ce  dictionnaire  et  des  dialogues  ou  locutions  où 
tes  mots  arabes  du  dialecte  algérien  ne  sont  écrits  qu'en  caractères  français , 
M.  Marcel  donne  un  tableau  de  l'écriture  des  Algériens ,  c'est -à-dir*,  de 
l'alphabet  arabe  modifié,  dit  mogrebin  ou  Lhât-raoghrebi ,  en  usage  à  Alger  : 


*jr5  JOURNAL  DES  SAVANS. 

il  y  joint  l'alphabet  des  Juifs  d'Alger  et  de  Tunis.  Le  volume  se  termine  par 
des  observations  sur  la  lecture  des  mots  arabes.  Prix  ,  2  fr. 

ITALIE. 

Quadro  delta  storia  letteraria  d'Armenia;  Tableau  de  l'histoire  littéraire 
d*  Arménie  ,  par  Sukias  Somal.  Venise,  împr.  arménienne  de  Saint-Lazare, 
1.829,  in-8.°  Nous  nous  proposons  de  rendre  compte  de  cet  ouvrage,  ainsi  que 
du  suivant. 

Storia  ed  analisi  degli  antlchi  romanzi  di  cavalleria  e  dei  poerni  romaneschi 
d'Italia,  &c.  f  Histoire  et  analyse  des  anciens  romans  de  chevalerie,  et  des 
poèmes  romanesques  d'Italie,  avec  des  dissertations  sur  l'origine,  les  institutions 
et  les  cérémonies  de -la  chevalerie,  sur  les  cours  d'amour,  les  tournois,  les 
joutes  et  les  armures  des  paladins,  par  le  docteur  Ferra rio.  Milan,  1828  et 
1 829  ,  4  vol.  in-8.° 

Ussenazioni  sulla  poesia  dei  trovatori  e  sulle  princîpali  manière  e  forme  di 
essa ,  confrontate  colle  antiche  italiane  ;  opéra  di  Giov.  Galvani.  Modena  , 
presso  gli  eredi  Soliani,  1829,  in- S.0  Observations  sur  la  poésie  des  trou- 
badours, &c. 

La  traduction  italienne  de  la  Biographie  universelle  approche  de  son  terme: 
le  59.*  volume  in-8.°  ,  publié  à  Venise  ,  chez  Missiaglia,  en  1830  ,  comprend 
les  articles  TR-VA,  et  correspond  aux  tomes  XLV1  et  XLVII  du  ttxte 
fiançais. 


Nota.  On  peut  s'adressera  la  librairie  de  Al.  Levrauît,  à  Paris,  rue  de  la 
Harpe,  n.°  81  ;  et  à  Strasbourg,  rue  des  Serruriers,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savans.  Il  faut  affranchir  tes  lettre* 
et  le  prix  présumé  des  ouvrages, 


m* 


TABLE. 

Fabliaux  ou  contes,  fables  et  romans  du  XII.'  et  du  XIII.'  siècle,  par 

M.  Legrand d  Aussy.  (  Article  de  M*  Ray nouard.  ) Pag.   195. 

Mémoires  de  la  Société  royale  de  Aladras.  (  Article  de  Al,  Silvestre 

de  Sacy.  ) 204  • 

Bibliothèque  des  croisades ,  par  AI  M.  Ali  chaud  et  Rei'naid.  (  Second 

article  de  AI.  Daunou.  ) 211. 

De  l'Éclectisme  9  ou  premiers  principes  de  philosophie  générale  ,  par 

AI.  de  Reiffènberg.  (  Second  article  de  AT.  Cousin.  T 22  j« 

Voyage  archéologique  dans  l'ancienne  Etrurie ,  par  AI.  le  D.T  Dorow, 

(Article  de  Al.  Raoul-Rochette.  ) • 234. 

Nouvelles  littéraires ..•••••..,..•.  247  • 

FIN  DE  LA  TABLE. 


JOURNAL 
DES   SAVANS. 

MAI     1830. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 
1830. 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  fr*  Par  'a  poste ,  hors  de  Paris.  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
librairie  LEVRAULT,  à  Paris,  me  de  la  Harpe,  n.°  8;;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  II  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouveaux ,  les  lettres,  avis,  mémoires,  &c,  qui 
peuvent  concerner  la  rédaction  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris ,  rue  de 
iMcnil-montant,  n.°  22. 


JOURNAL 

DES  SAVANS 

l^AI    1830. 


Histoire  naturelle  des  poissons ,  par  M \  le  baron  Cuvier  et  par 
M.  Valenciennes.  Paris,  Levrault,  1 828-1 830;  tom.  I- 
Vf  in-$S ,  avec  six  livmfsons  de  planches. 


Il  a  paru  trois  nouveaux  volumes  du  bel  ouvrage  que  publient 
MM.  Cuvier  et  Valenciennes,  depuis  que  nous  avons,  dans  ce 
journal,  annoncé  les  deux  premiers  (i),et  fait  connoître,  par  une 
analyse  étendue,  le  morceau,  si  important  pour  l'histoire  de  la  science, 
qui  est  comme  le  frontispice  du  livre  entier.  Notre  extrait  eût  dû  être 
immédiatement  suivi  du  second  article  que  nous  avions  pomis;  mais  la 
difficulté  de  rendre  compte  d'un  traité  de  cette  nature,  qui  se  compose 
de  tant  d'articles  isolés,  qui  embrasse  un  grand  nombre  de  faits  particu- 
liers, où  tant  d'espèces  sont  classées  et  décrites ,  cette  difficulté  nous  a 
obligés  d'attendre  que  des  parties  plus  considérables  de  cette  des- 
cription fournissent  matière  à  dts  remarques  générales  et  à  des  consi- 
dérations applicables  h  l'ensemble  du  travail.  Cinq  volumes  qui  ont 
maintenant  vu  le  jour,  bien  qu'ils  ne  forment  peut-être  pas  le  quart  de 
ceux  que  doit  avoir  l'ouvrage  entier,  sont  plus  que  suffisans  pour  en 
juger  le  plan  et  en  apprécier  la  haute  importance.  Nous  dirons  quelques 
mots  de  la  distribution  des  familles  qui  y  ont  trouvé  place ,  après  que 
nous  aurons  présenté  une  idée  sommaire  d'un  livre  entier  qui ,  avec 
l'histoire  de  l'ichthyologie  ,  remplit  tout  le  premier  volume ,  et  qui  est 
consacré  à  faire  connoître  la  nature  et  l'organisation  des  poissons. 
Un  premier  chapitre ,  contenant  les  caractères  généraux  et  la  nature 


(1)   Voye^  notre  numéro.  4e  mars  1829 ,  page  143. 

Xk 


26o  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

essentielle  de  cette  classe  d'animaux,  offre  un  tableau  rapide  des  diffé- 
rences qui  la  séparent  des  autres  classes.  Les  traits  de  ce  tableau 
sont  brilfans  et  pittoresques  ;  on  y  reconnoît  la  main  du  maître.  Plus 
des  deux  tiers  de  la  surface  du  globe  sont  couverts  par  la  mer.  Les 
rivières,  les  lacs,  les  étangs,  les  marais,  occupent  des  parties  consi- 
dérables des  îles  et  des  continents.  Dans  les  eaux ,  et  sur-tout  dans  la 
mer,  où  le  règne  végétal  est  très-rest/fllt,  tout  semble  animé  ou 
prêt  à  le  devenir.  C'est  là  que  le  règne  animal  offre  les  extrêmes  de  la 
grandeur  et  de  fa  petitesse,  depuis  les  monades  que  le  microscope 
seul  permet  d'apercevoir,  jusqu'aux  baleines  et  aux  cachalots,  qui 
surpassent  vingt  fois  les  plus  grands  des  quadrupèdes  terrestres.  C'est 
là  aussi  que  s'observent  le  plus  grand  nombre  de  ces  combinaisons 
d'organes  auxquelles  les  naturalistes  ont  donné  le  nom  de  classes.  Mais 
celle  qui  y  domine  davantage  et  qu^st  plus  exclusivement  propre  à 
l'élément  liquide ,  qui  s'y  fait  plus  remarquer  par  le  nombre  des  espèces, 
leurs  formes  variées,  leurs  belles  couleurs,  et  sur-tout  par  les  avantages 
infinis  que  l'homme  en  retire ,  est  celle  des  poissons.  Leur  importance 
relative  est  telle,  qu'elle  a  fait  étendre  leur  nom  a  tous  les  animaux 
aquatiques,  par  l'effet  d'une  confusion  qu'on  retrouve  jusque  chez  les 
écrivains  de  nos  jours  qui  ne  sont  fias  naturalistes. 
.  La  définition  des  poissons  est  claire  et  précise.  Ce  sont  des  animaux 
vertébrés  et  à  sang  rouge,  qui  respirent  par  des  branchies  et  par 
l'intermédiaire  de  l'eau.  Produit  de  l'observation  et  de  l'analyse ,  cette 
définition  une  fois  bien  saisie  éclaire  en  quelque  sorte  toute  la  nature 
des  êtres  auxquels  elle  s'applique.  Vertébrés ,  les  poissons  ont  dû  avoir 
un  squelette  intérieur,  le  cerveau  et  la  moelle  épinière  renfermés  dans 
la  colonne  vertébrale,  les  muscles  en  dehors  de%  os,  &c.  Aquatiques» 
leurs  forces  motrices  ont  dû  être  calculées  pour  la  progression  dans  un 
liquide  plus  pesant  et  plus  résistant  que  l'air  :  de  là  les  formes  de  leur 
corps,  la  brièveté  de  leurs  membres  et  leur  expansibilité,  les  tégumens 
lisses  et  écailleux,  &c.  La  petite  quantité  d'oxigène  contenue  dans  Pair 
mêlé  à  l'eau  qu'ils  respirent,  leur  a  procuré  un  sang  froid ,  une  vitalité, 
des  sens  et  des  mouvemens  moins  énergiques  que  ceux  des  oiseaux  et 
des  mammifère*.  N'ayant  point  d'air  élastique  à  leur  disposition  ,  ils 
sont  restés  muets, «étrangers  par  conséquent  à  tous  les  sentiraens  que 
la  voix  réveille  ou  entretient.  Leur  oreilfe,  renfermée  de  toute  part 
dans  les  os  de  la  tête,  leur  suffit  à  peine  à  démêler  les  sons  les  plus 
frappans ,  et,  dans  le  silence  qui  les  entoure ,  ils  avoient  peu  d'usage  à 
faire  du  sens  de  l'ouïe.  Leur  œil  fixé  au  crâne ,  dont  l'iris  ne  se  con- 
tracte  ni  ne  s'élargit,  qu'aucune  larme  n'arrose,  qu'aucune  paupière 


y    t. 


:  ^J.  ." 


MAI  1830.  261 

n'essuie  ni  ne  protège ,  ne  reçoit  qu'une  foible  lumière  dans  les  pro- 
fondeurs où  ils  vivent.  En  général ,  les  sens  extérieurs  des  poissons 
leur  donnent  peu  d'impressions  vives  et  nettes.  La  nature  qui  les 
entoure  ne  doit  les  affecter  que  d'une  manière  confuse.  Leur  passion 
dominante  doit  être  le  sentiment  intérieur  de  la  faim.  Poursuivre  une 
proie  ou  échapper  à  un  ennemi  font  l'occupation  xle  leur  vie ,  le  but 
pour  lequel  semblent  calculés  tous  les  détails  de  leur  structure,  tous 
leurs  organes  de  mouvement.  Les  variations  de  la  température  les 
affectent  peu.  Les  saisons  ne  sont  pas ,  pour  leurs  migrations  et  pour 
les  époques  de  leur  propagation ,  des  régulateurs  exclusifs.  Leur  repro- 
duction n'est  ni  précédée  du  rapprochement  des  sexes,  ni  suivie,  pour  les 
femelles ,  des  soins  et  des  plaisirs  de  la  maternité.  Et  cependant  ces 
êtres  1  à  qui  il  a  été  ménagé  si  peu  de  jouissances,  ont  été  ornés  par 
!a  nature  de  tous  les  genres  de  beauté  :  variété  dans  les  formes,  élégance 
dans  les  proportions,  diversité  et  vivacité  de  couleurs,  rien  ne  leur 
manque  pour  attirer  l'attention  de  l'homme  ;  et  s'il  est  possible  d'ap- 
pliquer à  cet  objet  la  théorie  des  causes  finales,  il  semble  que  ce  soit 
cette  attention  même  que  la  nature  ait  eu  en  effet  le  dessein  d'exciter. 
Cet  éclat  des  métaux  et  des  pierres  précieuses,  ces  bandes  élégantes, 
ces  ondulations  symétriques ,  ces  nuances  admirablement  assorties  ou 
contrastées  ;  tous  ces  dons  ne  sont  rien  pour  ceux  qui  les  ont  reçus , 
puisqu'ils  ne  peuvent  au  plus  que  s'entrevoir  dans  les  profondeurs  où  la 
lumière  a  peine  à  pénétrer;  quand  ils.se  verroient,  quels  genres  de 
plaisirs  pourraient  réveiller  en  eux  de  pareils  rapports  l 

Les  poissons  n'ayant  pas  de  cou,  leur  corps  est  généralement  tout 
d'une  venue,  diminuant  seulement  aux  deux  extrémités.  Rien  n'est  plus 
diversifié  que  la  forme  de  ce  corps ,  la  grosseur  et  la  configuration  de 
la  tête,  la  disposition  des  mâchoires,  la  situation  de  la  bouche ,  qui  varie 
aussi  dans  ses  dimensions,  depuis  celle  d'un  simple  trou,  comme  dans 
les  centrisques ,  jusqu'à  une  vaste  gueule ,  comme  dans  les  lamproies. 
On  ne  voit  à  l'extérieur  que  les  organes  de  deux  sens,  les  orifices  des 
narines  et  les  yeux.  L'opercule  dont  les  battemens  servent  à  la  respira- 
tion est  pareillement  sujet  à  varier  de  forme  et  de  volume.  Les 
nageoires  ne  diffèrent  pas  moins  ffcr  le  nombre,  la  hauteur  et  la 
structure  des  rayons  qui  les  soutiennent*  Enfin  la  nature  des  tégumens 
est  également  diversifiée  :  le  poisson  peut  être  nu,  écailieux,  épineux, 
cuirassé  dans  toutes  ses  parties  ou  dans  plusieurs.  Si  l'on  joint  à  ces 
considérations  ce  qui  concerne  les  couleurs,  leur  distribution,  leurs 
nuances,  et  ce  qui  a  rapport  k  la  grandeur  et  au  poids  du  poisson  , 


!..    .  . 


*6z  JOURNAL  DES  SAVANS, 

on  peut  se  faire  une  idée  de  ce  qui  caractérise  à  l'extérieur  cette  grande 
classe  d'êtres  animés.  ■  - 

Le  chapitre  que  M.  Cuvier  a  consacré  à  ces  observations  générafes 
sur  les  formes  extérieures  des  poissons,  est  suivi  de  sept  autres  chapitres 
où  fauteur  traite  successivement ,  et  avec  beaucoup  de  soin,  du  système 
osseux,  des  muscles ,  du  cerveau  et  des  nerfs,  des  sens  extérieurs  *  de 
la  nutrition  et  de  la  génération.  Les  poissons ,  par  rapport  au  tissu  de 
leurs  os ,  se  divisent  en  osseux ,  en  fibro-cartilagineux  et  en  vrais 
cartilagineux.  Ces  derniers  n'ont  jamais  de  véritables  os  ;  leurs  parties 
dures  ne  consistent  intérieurement  qu'en  un  cartilage  homogène  et 
demi-transparent,  qui  même  demeure  absolument  membraneux  dans 
quelques  espèces.  Mais  la  plupart  des  poissons  osseux  ont  les  os 
autant  et  plus  durs  que  les  autres  animaux  ;  il  y  en  a  même  dans  fe 
tissu  desquels  on  n'aperçoit  plus  ni  pores  ni  fibres ,  et  qui  paraissent 
homogènes  et  comme  vitreux  à  l'œil.  Les  os  n'ont  jamais  ni  épiphyses 
ni  canal  médullaire;  seulement  le  tissu  de  fos  est  plus  ou  moins  pénétré 
d'un  suc  huileux.  M.  Chevreul  a  fait,  sur  la  composition  chimique  des 
os  des  poissons ,  des  recherches  dont  M.  Cuvier  présente  le  résultat. 
Leurs  cartilages  ne  sont  pas  semblables  à  ceux  des  mammifères  et  des 
oiseaux;  car  ils  ne  donnent  pas  de  gélatine,  quand  on  les  fait  bouillir 
Ans  l'eau.  Les  os,  comme  ceux  des  autres  vertébrés,  se  composent 
d'une  base  organique  pénétrée  d'une  substance  terreuse.  Cette  dernière 
consiste  en  phosphate  de  chaux  et  de  magnésie,  sous-carbonate  de 
chaux,  &c.  La  matière  animale  est  de  deux  sortes:  l'une,  de  nature 
azotée,  faisant  la  base  du  cartilage;  l'autre,  de  nature  grasse  ou  huileuse, 
qui  l'imprègne.  Cette  huile  est  formée  en  grande  partie  d'oléine ,  à 
laquelle  s'ajoutent  en  petite  quantité  un  principe  odorant  et  un 
principe  colorant  jaunes.  Quelques  sels  solubles,  et  notamment  du 
chlorure  de  sodium ,  se  trouvent  en  assez  grande  proportion  dans  feau 
que  contiennent  les  cartilages;  car  M.  Chevreul  ne  pense  pas  qu'ils  y 
soient  à  l'état  solide. 

La  composition  du  squelette  est  un  objet  d'une  haute  importance , 
mais  qui  long-temps  a  été  négligé.  Il  offre  des  difficultés  qui  peut-être 
avoient  d'abord  arrêté  les  natura%tes,  et  qui  plus  récemment  ont  divisé 
ceux  qui  envisagent  là  science  sous  un  point  de  vue  philosophique. 
Comme  les  parties  des  poissons  ne  correspondent  pas  exactement  à 
celles  des  vertébrés  supérieurs,  il  règne  nécessairement  un  peu  d'arbi- 
traire dans  l'application  qu'on  fait  aux  os  des  dénominations  reçues 
pour  les  mammifères  et  les  oiseaux,  et  il  doit  sur-tout  y  avoir  de 
grandes  différences,  selon  que  l'on  considère  les1  usages  et  fonctions, 


MAI  1830.  16} 

ou  h  structure  et  les  connexions  anatomiques.  M*  Cuvier  consacre  une 
longue  note  k  retracer  les  progrès  qu'a  faits  en  vingt  ans  la  seule 
ostéologie  de  h  tête  des  poissons,  et  il  termine  cette  note  par  un 
tableau  comparatif  de  la  nomenclature  qui  résulte  des  considérations 
proposées  à  ce  sujet  par  M.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  et  de  celle  que 
lui-même  a  cru  devoir  adopter.  C'est  en  faisant  usage  de  cette  dernière 
qu'il  décrit  successivement  les  pièces  du  squelette  entier,  en  prenant 
d'abord  pour  type  un  poisson  osseux,  et  marquant  ensuite  les  différence» 
qui  caractérisent  les  cartilagineux  proprement  dits  ou  chondropté- 
rygiens. 

Dans  son  quatrième  chapitre,  Fauteur  donne  une  idée  sommaire  des 
muscles,  en  en  rapportant  la  description  à  celle  des  mouvemens  que 
les  poissons  peuvent  exécuter  dans  le  milieu  où  ils  sont  destinés  à 
vivre.  Les  particularités  qui  s'observent  à  ce  sujet  dans  différentes 
espèces  sont  renvoyées  à  l'histoire  de  ces  dernières.  M.  Cuvier  procède 
de  la  même  manière  dans  le  chapitre  suivant ,  où  ii  traite  du  cerveau  et 
des  nerfs  ;  et  néanmoins ,  dans  ces  deux  parties  de  son  exposition 
générale,  comme  dans  celles  qui  suivent,  il  ne  présente  aucun  aperçu 
qui  ne  soit  fondé  sur  mftou  plusieurs  faits,  aucune  généralité  qui  n'ait 
pour  preuve  un  certain  nombre  d'observations  prises  dans  l'histoire 
s  pédale  de  quelques  aniotfftx  de  la  classe.  Ces  citations  rappellent  les 
travaux  immenses  qui  seront  de  base  à  ces  considération  ,  et  l'on  est 
comme  confondu  du  nombre  de  dissections  que  l'auteur  a  dû  faire 
avant  d'écrire  une  seule  ligne  des  deux  cents  pages  qui  composent  ce 
résumé. 

L'œil  des  poissons  est  généralement  grand  et  la  paupière  large  et 
ouverte,  comme  il  convenoit  qu'ils  le  fussent  pour  recevoir  et  rassembler 
les  rayons  dans  le  fond  des  eaux,  obJÊÊ^ arrive  une  si  petite  quantité* 
Il  n'y  a  point  de  véritable  paupièr^Vl  peau  recouvre  le  globe  de 
l'oeil  en  s'amincissant  pour  former  une  conjonctive ,  et,  dans  quelques 
cas  très-rares ,  en  demeurant  opaque  et  cachant  l'organe  à  l'extérieur. 
Les  parties  accessoires  diffèrent  peu  de  ce^ qu'elles  sont  dans  les  mam- 
mifères, sauf  l'absence  de  l'appareil  lacrymal,  inutile  à  des  animaux 
dont  l'oeil  est  lavé  sans  cesse  par  le  liquide  ambiant.  L'oreille  est  réduite 
à  un  labyrinthe  moins  composé  que  celui  des  classes  supérieures.  H 
est  pourtant  probable  que  les  poissons  entendent ,  mais  sans  distinguer 
la  variété  des  tons  et  des  voix.  Les  sons  subits  et  inconnus  les  frappent 
et  les  épouvantent;  aussi  les  pécheurs  observent-ils  un  silence  profond 
pour  ne  pas  les  mettre  en  fuite.  Mais  bien  qu'on  assure  que  les  Romains 
savoiem  apprendre  à  certains  individus  à  connoître  leurs  noms  et  à 


z6i  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

s'approcher  quand  on  (es  appeloh,  H  ne  paraît  pas  que  les  modernes 
aient  poussé  aussi  loin  leur  éducation.  Ils  jouissent  de  la  acuité  de 
percevoir  (es  odeurs ,  ou  du  moins  de  Teconnohre  les  substances  mêlées 
à  l'eau  ou  dissoutes  dans  ce  liquide.  Les  organes  du  goût  paraissent 
être  a*sez  foi  h  les,  et  ceux  du  tact  ne  sont  pas  plus  développés.  Point 
de  membres  prolongés  ni  de  doigts  flexibles;  une  enveloppe  générale- 
ment couverte  d'écaillés,  l'extrémité  seule  des  lèvres  nue,  quelques 
appendices  ou  filaments ,  des  rayons  détachés  de  la  nageoire  pectorale 
et  qu'on  a  nommés  doigts  dans  les  trigles  et  les  polynèmes ,  voilà  tout 
ce  qui  dans  cette  classe  peut  concourir  à  la  perception  des  formes  des 
objets  extérieurs.  Les  écailles  ont  dans  leur  composition  ,  suivant  les 
expériences  de  M.  Chevreul,  beaucoup  d'analogie  avec  les  os.  C'est  le 
derme  qui  sécrète ,  sous  les  écailles ,  cette  matière  d'un  éclat  métallique 
argenté  qui  rend  tant  de  poissons  si  brillans,  et  dont  on  se  sert, 
comme  tout  le  monde  le  sait ,  pour  colorer  les  perles  artificielles.  Le 
genre  de  tégumens  accordé  aux  poissons,  très-propre  à  faciliter  la 
natation  par  les  faces  libres  et  peu  résistantes  qu'il  présente  au  liquide , 
l'est  très-peu  à  garantir  de  l'impression  produite  par  les  changemens  de 
température.  Mais  la  chaleur  des  poissons  «'excédant  pas  celle  du 
milieu  qui  les  entoure,  ils  ne  craignent  pas  plus  le  froid  que  les  reptiles 
qui  sont  pareillement  recouverts  d'écaillés  oarfune  peau  nue. 

Les  fbncti#is  végétatives  des  poissons  Xrvent  le  même  ordre  que 
celle  des  autres  vertébrés ,  c'est-à-dire  que  leur  nutrition  s'exécute  au 
moyen  de  cinq  opérations  successives,  la  manducation,  la  digestion, 
la  circulation ,  la  respiration  et  les  excrétions.  Ces  animaux  montrent 
en  général  beaucoup  de  voracité  ;  on  les  voit  sans  cesse  se  poursuivre 
et  se  dévorer  entre  eux ,  ou  avaler  tous  les  petits  animaux  qu'ils  trouvent 
à  leur  portée,  autant  que  tyÉMprct  la  forme  ou  la  force  des  dents 
dont  leur  gueule  est  armée.  tiKespèces  qui  vivent  principalement  de 
madères  végétales  sont  en  petit  nombre.  La  digestion  paraît  se  faire 
assez  vite,  et  l'accroissement  des  individus  dépend  de  l'abondance  de 
la  nourriture.  II  peut,  dans  i&  poissons  qui  vivent  long- temps ,  excéder 
de  beaucoup  les  bornes  ordinaires.  On  connoît  peu  la  durée  de  la  vie 
des  poissons ,  et  c'est  d'après  des  conjectures  assez  peu  fondées  que 
Ton  a  supposé  qu'elle  devoit  se  prolonger  presque  indéfiniment.  La 
diversité  la  plus  singulière  règne  dans  les  instrumens  de  la  mastica- 
tion. Les  poissons  peuvent  avoir  des  dents  adhérentes  à  tous  les  os 
qui  enveloppent  la  cavité  de  la  bouche  et  celle  des  phalènes.  Les 
viscères  de  la  digestion  sont  enfermés  dans  la  cavité  abdominale, 
séparée  en  avant  de  celte  qui  contient  le  cœur,  par  une  espèce  de 


MAI  1830.  *6S 

diaphragme  pieu  étendu,  et  d'une  autre  cavité  qui  règne  le  long  de 
l'épine  et  contient  les  reins  et  la  vessie  aérienne.  Le  péritoine  la  sépare 
de  l'abdomen  proprement  dit;  mais  ce  qu'il  offre  de  véritablement 
remarquable ,  c'est  que,  dans  beaucoup  de  poissons  où. la  cavité  abdo- 
minale communique  à  l'extérieur  par  deux  trous  placés  aux  côlés 
de  f anus»  la  lame  interne  du  péritoine,  par  une  suite  nécessaire  ?  se 
continue  avec  l'épiderme  et  appartient  à  Tordre  des  membranes  mu- 
queuses. Les  poissons  ont,  comme  les  animaux  à  sang  chaud,  une 
circulation  complet*  pour  le  corps,  une  autre  également  complète 
pour  les  organes  de  (a  respiration,  et  une  circulation  abdominale  parti- 
culière qui  aboutit  au  foyer  par  le  moyen  de  la  veine  porte;  mais  leur 
caractère  propre  consiste  en  ce  que  leur  circulation  branchiale  ou  res- 
piratoire a  seule  à  sa  base  un  appareil  musculaire,  c'est- à  dire,  un 
cœur,  lequel  correspond  à  l'oreillette  et  au  ventricule  droits  des  mammi- 
fères et  des  oiseaux:  il  n'y  a  rien  de  semblable  à  la  base  du  système  de  la 
circulation  du  corps;  le  ventricule  et  l'oreillette  du  côté  gauche 
manquent  entièrement,  et  les  veines  branchiales  se  changent  en 
artères  sans  être  enveloppées  de  muscles.  C'est  par  la  subdivision 
presque  infinie  des  vaisseaux  sur  la  surface  des  lames  des  branchies 
que  le  sang  subit  l'influence  de  l'air  contenu  dans  l'eau.  II  y  a  des 
poissons  qui  ont  besoin  de  venir  respirer  l'air  en  nature  ,  et  il  suffit  de 
les  éloigner  de  la  surfacç  de  l'eau  par  le  moyen  d'un  diaphragme  de 
gaze  pour  les  asphyxier.  Quand  les  poissons  demeurent  hors  de  l'eau, 
ifs  périssent ,  non  pas  faute  d  oxigène ,  comme  on  le  croit  assez  com- 
munément, mais  parce  que  leurs  branchies  se  dessèchent,  et  que  le 
sang  ne  peut  plus  y  circuler  librement.  Au  total ,  l'absorption  de 
1  oxigène  est  très-foibie  dans  cette  classe,  et  l'on  a  calculé  qu'un  homme 
en  consomme  cinquante  mille  fois  plus  qu'une  tanche. 

Une  des  sécrétions  les  plus  remarquables  qui  se  fassent  dans  le  corps 
des  poissons,  c'est  celle  de  l'air  qui  remplit  leur  vessie  natatoire.  4^st 
généralement  de  l'azote  mélangé  à  peine  de  quelques  fractions  d'oxigène 
ou  d'acide  carbonique ,  qui  s'y  trouve  renfermé.  Dans  quelques 
genres  ,  la  vessie  communique  avec  certaines  parties  du  canal  intestinal. 
Chez  les  poissons  habitués  à  vivre  à  de  grandes  profondeurs.,  on 
trouve  une  plus  grande  proportion  d  oxigène.  On  en  a  reconnu  jus- 
qu'à quatre-vingt-sept  centièmes,  et  l'on  a  pensé  que  la  vessie  aérienne 
pou  voit,  dans  ces  espèces,  avoir,  outre  sa  destination  habituelle  de 
favoriser  l'ascension  de  l'animal ,  celle  de  fournir  un  réservoir  pour  la 
respira tior^Le  pouvoir,  accordé  à  quelques  espèces  en  petit  nombre, 
de  causer  qWcpmraotiofts  électriques ,  peut  aû^JL.  être  mi?  au.  nombre 


\ 


266  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

de  leurs  plus  grandes  singularités  d'organisation.  Dans  fa  tôfpHte,  ces 
effets  sont  produits  par  des  tubes  membraneux  remplis  de  mucosité , 
divisés  par  des  cloisons  transversales,  serrés  les  uns  conrfe  les  autres 
comme  des  rayons  d'abeilles ,  en  deux  groupes  placés  de  chaque  côté 
de  la  tête,  et  qui  reçoivent  d'énormes  branches  de  nerfs  de  la  cinquième 
et  de  la  huitième  paires.  Dans  d'autres  espèces ,  les  organes  qui 
exercent  le  même  pouvoir  ont  une  autre  structure  ;  mais  comme  on  y 
trouve  toujours  des  lames  de  substances  différentes  qui  alternent ,  on 
a  cru  y  observer  quelque  chose  d'analogue  aux  piles  voltaïques.  La 
nature  a  donné  aux  poissons,  dans  cette  faculté,  une  arme  redoutable 
pour  se  défendre  de  l'approche  de  leurs  ennemis  ,  et  aussi  pour  étourdir 
et  même  tuer  fes  animaux  dont  ils  veulent  faire  leur  proie. 

Après  le  huitième  chapitre,  où  M.  Cuvier  traite  de  la  génération  des 
poissons,  il  en  a  placé  un  neuvième,  qui  est  comme  le  sommaire  des 
préçédens,  et  où  il  discute,  entre  autres  questions  importantes  de 
philosophie  naturelle,  celle  de  l'analogie  qu'on  a  cru  observer  entre 
les  organes  des  poissons  et  ceux  des  autres  rfasses,  «  Concluons , 
»  ajoute-t-il  en  finissant ,  que  si  l'on  peut  dire  que  ces  animaux 
3»  sont  des  mollusques  anoblis ,  des  mollusques  élevés  d'un  degré , 
a»  ou  s'ils  sont  des  fétus  de  reptiles ,  des  reptiles  conimençans  ,  ce  n'est 
y>  tout  au  plus  que  dans  un  sens  abstrait  et  métaphysique ,  et  que  même 
»  alors  il  s'en  faut  beaucoup  que  cette  expression  abstraite  donne 
«des  idées  justes  de  leur  organisation;  concluons  sur- tout -qu'ils  ne 
»  sont,  ni  les  anneaux  de  cette  chaîne  imaginaire  des  formes  succès- 
»sives,  dont  aucune  n'auroit  pu  servir  de  germe  aux  autres,  puisque 
»  aucune  n'auroit  pu  subsister  isolément,  ni  de  cette  autre  chaîne  nort 
yy  moins  imaginaire  des  formes  simultanées  et  nuancées,  qui  n'a  de 
»  réalité  que  dans  l'imagination  de  quelques  naturalistes,  pfus  poètes 
»^i'observateurs  ;  mais  qu'ils  appartiennent  à  cette  chaîne  réelle  des 
y&nes  coexistans,  des  êtres  nécessaires  les  uns  aux  autres  et  à  l'en- 
»  semble ,  et  qui ,  par  leur  action  mutuelle ,  maintiennent  Tordre  et 
»  I  harmonie  de  Punivers.  »  Nous  n'insisterons  pas  sur  les  idées 
qu'éveillent  en.  foule  des  considérations  d'un  ordre  si  élevé;  et  ren- 
fermés dans  le  rôle  de  rapporteurs  au  sujet  de  ces  intéressans  pro- 
blèmes qu'une  vive  et  curieuse  polémique  éclairera  sans  doute  d'un 
four  tout  nouveau  ,  nous  n'avons  point  h  mettre  en  opposition  le  sys- 
tème noble  et  religieux  que  ces  lignes  indiquent,  avec  les  conjectures 
plus  ou  moins  hasardées  qui ,  plaçant  la  force  organisatrice  aii  rang  des 
causes  secondes,  ont  pour  but  d'expliquer  l'analogie  ^ppante  des 
êtres  vivant  entre  eUx  par  Punité  de  lapuifcanee  phy^pe  qui  les  a 


MAI   1830.  267 

produits*  et  leur  variété  presque  infinie ,  par  la  diversité  des  influences 
qui  ont  pu  modifier  cette  production ,  ou  simultanément,  ou  successive* 
ment.  L'opinion  du  grand  naturaliste  dont  nous  étudions  l'ouvrage 
jette  à  notre  avis*un  grand  poids  dans  cette  balance  où  l'esprit  humain 
reste  en  suspens  depuis  qu'il  y  a  des  sciences ,  des  naturalistes  et  des 
philosophes. 

Le  dixième  et  dernier  chapitre  traite  de  la  distribution  des  poissons. 
M.  Cuvier  critique  les  classifications  qui  ont  été  proposées  et  tour  à 
tour  mises  en  usage  par  Linneus,  Gmelin,  Lacépède,  MM.  Risso  , 
Rafinesque,  Oken,  et  quelques  autres.  Il  avertit  que  c'est  dans  les 
descriptions  mêmes  qu'il  faudra  chercher  l'idée  qu'on  doit  se  foire  des 
degrés  de  l'organisation,  et  nullement  dans  fa  place  qu'on  aura  été 
obligé  d'assigner  aux  espèces.  «  Qu'on  ne  s'imagine  donc  point,  dit- 
»  il,  que  parce  que  nous  placerons  un  genre  ou  une  famille  avant  un 
»  autre,  nous  le  considérerons  précisément  comme  plus  parfait, 
»  comme  supérieur  à  cet  autre  dans  le  système  des  êtres.  Celui-là 
»  seulement  pourroit  avoir  cette  prétention,  qui  poursuivrait  le  projet 
»  chimérique  de  ranger  les  êtres  sur  une  seule  ligne ....  :  plus  nous 
»  avons  fait  de  progrès  dans  l'étude  de  fa  nature ,  plus  nous  nous 
»  sommes  convaincus  que  cette  idée  est  l'une  des  plus  fausses  que 
»  Ton  ait  jamais  eues  en  histoire  naturel/e. . .  La  véritable  méthode  voit 
»  chaque  être  au  milieu  de  tous  les  autres  ;  elle  montre  toutes  les  irra- 
»  diatîons  par  lesquelles  if  s'enchaîne  plus  ou  moins  étroitement  dans 
»  cet  immense  réseau  qui  constitue  Ja  nature  organisée.  »  Comme 
application  de  ces  principes,  le  savant  auteur  donne  le  tableau  suivant, 
011  les  familles  sont  désignées  par  les  noms  dérivés  du  genre  le  plus 
connu  de  chacune,  de  celui  que  Ton  en  peut  considérer  comme  le 
type  : 

I.  Osseux. 

A.  à  branchies  en  peignes  ou  en  lames. 
1 .  à  mâchoire  supérieure  libre. 

a.  ACANTHOPTÉRYGIENS. 

Percodïes.  — -  Polynèmes.  —  Mulles.  —  Joues  cuirassées. 
Sciénoïdes.  —  Sparoïdes.  —  Chétodonoïdes.  —  Scom- 
béroïdes.  — -  Muges.  —  Branchies  labyrinthlques .  Lo- 
phioides.  — -  Gobioïdes.  — -  Labroïdes. 

b.  MALACOfTiftYGlENS. 

Ll  % 


i62  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Abdominaux:  Cyprinoïdes.  — Siluroïdes.  —  Salmo- 
noïdes.  —  Clupéoïdes.  —  Lucioïde* 

Subbrachiens  :  Gadoïdes.  —  Pleiwnectes.  —  Dis- 
coboles. 

Apodes  :  Murénoïdes. 

a.  h  mâchoire  supérieure  fixée. 

Sclérodermes.  —  Gymnodontes. 

B.  à  branchies  en  forme  de  houppe. 

'  II.  Lophobranches.  Cartilagineux  ou  chondroptérygiens. 
Sturioniens.  Plagiostomes.  —  Cyclostomes. 

La  description  des  espèces  commence  en  conséquence  par  la  nom- 
breuse famille  des  percoïdes,  qui  occupe  les  trois  premiers  volumes,  con- 
jointement avec  les  polynèmes,  et  le  genre  des  mulles,  qui,  sans  être 
complètement  de  cette  famille,  y  tiennent  d'assez  près,  et  ne  pour- 
raient entrer  dans  aucune  autre  sans  violer  les  rapports  naturels.  Les 
savans  auteurs  annoncent   qu'il   pourra,  dans   le  cours  d'un   travaif 
immense,  leur  arriver  d'intervertir  Tordre  qu'ils  se  sont  tracé.  La  cause 
de  ces  déplacemens  se  trouve  dans  le  progrès  même  des  recherches 
auxquelles  ils  se  livrent,  et  sur-tout  dans  faffiuence  des  matériaux  que, 
de  toutes  les   parties  du  monde,   de  nombreux  correspondans,  des 
savans,  des  voyageurs,  s'empressent  de  leur  adresser.  M.  Adolphe 
Bellanger   leur  a  envoyé   des    poissons   intéressans  de   la  côte  du 
Malabar  et  du  pays  des  Barmans.  MM.  Quoy  et  Gaymard,  de  retour 
du  voyage  qu'ils  ont  exécuté  avec  le  capitaine  d'Urvilie,  le  commandant 
de  la  Chevrette,  le  capitaine  Fabré,  M*  Ri&ud,  qui  a  séjourné  plusieurs 
années  dans  la  Haute-Egypte,  un  grand  nombre  d'autres  personnes  que 
leur  position  ou  leurs  talens  ont  mises  en  état  de  contribuer  aux  progrès 
de  richihyologie  ,  servent  efficacement  les  intérêts  de  cette  branche  des 
sciences  naturelles  par  les  communications  sans  nombre  qu'ils  font  à 
MM.  Cuvier  et  Valenciennes.  Les  préfaces  que  les  auteurs  placent  à 
la  <êtede  chaque  volume,  sont  toujours  remplies  des  témoignages  de 
leur  reconnoissance  pour  tant  de  bons  offices,  II  n'est  pas  de  volume 
non  plus  qui  dès  \  présent  ne  contienne  des  additions  ou  des  recti- 
fications pour  les.  volumes  précédens.  Ce  sont  autant  de  supplémens 
qu'il  faut  consulter  pour  avoir  une  histoire  complète,  au  moment  où 
le  livre  se  publie,  des  familles  qui  en  occupent  les  premières  parties- 


MAI   1830.  269 

Les  quatrième  et  cinquième  volumes  renferment  la  description  des 
acanthoptérygiens  à  joues  cuirassées  et  de  la  famille  des  sciénoïdes. 
Cette  famille  commençant  à  s'éloigner,  par  quelques-uns  de  ses 
organes ,  de  (a  famille  des  percoïdes  ,  à  laquelle  se  rapportaient  princi- 
palement les  figures  anatomiques  du  premier  volume,  on  a  senti  fa 
nécessité  d'en  joindre  quelques-unes  de  cette  nature  aux  planches 
qui  représentent  des  espèces  nouvelles  ou  peu  connues.  Le  nombre  de 
ces  dernières  est  déjà  de  cent  quarante  :  toutes  sont  exécutées  avec  un 
soin  et  une  perfection  vraiment  remarquables ,  et  dignes  du  grand  et 
bel  ouvrage  auquel  elles  servent  d'atlas.  Nous  tiendrons  nos  lecteurs 
au  courant  des  progrès  de  la  publication  de  cette  excellente  ichthyo- 
logie. 

J.  P.  ÀBEL-RÉMUSAT. 


De  l'entendement  et  de  la  raison  :  introduction  à  l'étude 
de  la  philosophie,  par  M.  Thurot,  professeur 'au  collège 
royal  de  France  (  membre  de  l'Institut ,  À  cadémie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres).  Paris,  impr.  de  Pochard,  librairie 
d'Aimé  André,    1830,  2  vol  in-8.° %  cxx  et  333,  vi;  et 

46}  pages. 

■  > 

La  première  question  qui  s'élève  dans  les  livres  de  philosophie ,  est 
de  savoir  si  ce  mot  même  de  philosophie  est  susceptible  d'une  définition 
assez  précise  pour  qu'on  puisse  toujours  distinguer  les  objets  qu'il 
embrasse  de  ceux  auxquels  il  ne  doit  pas  s'étendre.  Peut-être  jauroit- 
on  mieux  à  quoi  s9en  tenir  après  l'entier  développement  des  doctrines 
à  comprendre  sous  ce  titre;  mais  il  faut  bien  qu'un  livre  commence  par 
une  indication  quelconque  de  sa  matière,  du  genre  de  recherches  ou 
d'instruction  qu'il  doit  offrir.  A  ne  considérer  que  l'étymologie  et  les 
.divers  emplois  du  mot  de  philosophie ,  il  s'appliqueroit  à  toutes  les 
sciences  humaines  :  M.  Thurot  avertit  qu'il  le  restreint  à  celle  qui 
recherche  spécialement  les  vérités  fondamentales  que  notre  intelligence 
admet  en  vertu  de  sa  propre  nature,  11  s'agit  du  tableau  des  facultés 
ou  propriétés  dont  elle  est  douée,  des  procédés  qu'elle  suit  dan» 
l'acquisition  de  set.  cotuioissaoces.  Étudier  l'homme*  ou,  ccouaQ  i* 


»70  JOURNAL  DBS  SAVANS, 

prfescrivoient   le*  anciens  sages  ,  Se    connoître  soi-même  ;  voilà  la 
philosophie  :  c'est,  dit  M.  Thurot  ,  une  science  défaits. 
.    Ce  nom  défaits,  qui  a  paru  long-temps  réservé  aux  phénomènes  qui 
frappent  nos  sens,  et  à  ceux  qui ,  absens  ou  passés,,  nous  sont  connus 
par  des  témoignages,  doit .  s'étendre ,  selon  quelques  philosophes  mo- 
dernes, aux  raouvemens  et  aux  actes  de  notre  intelligence.  Ainsi ,  cette 
conuoissance  de  soi-même,  que  recommandoit  la  sagesse  antique,  ne 
seroit  que  l'étude  des  faits  primitifs  de  notre  sensibilité,  de  noue  consti- 
tution intelleonefle,  de  notre  conscience  :  faits,  dit-on,  aussi  réels,  aussi 
simples,  et  même  plus  accessibles  que  certains  phénomènes  externes; 
car  tandis  qu'un  naturaliste,  après  beaucoup  de  soins,  de  fatigues  et  sou* 
vent  de  dépenses,  ne  parvient  à  recueillir  qu'une  partie  des  faits,  qu'il 
a  besoin  d'observer  et  de  rapprocher,  un  philosophe  n'a  qu'à  rentrer  en 
lui-même  pour  trouver  tous  ceux  qui  doivent  composer  sa  science. 
Sans  doute  il  est  possible  d'appliquer  le  nom  de  faits  à  ce  qui   se 
passe  dans  l'entendement  humain ,  quand  nous  en  avons  un  sentiment 
xif,   distinct,   uniforme  et  persévérant;  mais  la  vérification  d'un   tel 
genre  de  faits   suppose  une  critique   extrêmement  délicate,  si  Ton 
veut  que  les  opinions  et  les  doctrines  n'usurpent  jamais  la   place  et 
le  nom  des  témoignages.  Nous  ne  connoitsons  guère  d'expression 
dont  il  soit  plus  facile  d'abuser  que  de  celle  défaits  de  conscience  :  aussi 
M.  Thurot  se  prescrit-il  de  n'admet:  re  parmi  les  faits  de  cette  nature  que 
ceux  que  les  hommes  de  tous  les  pays  et  de  tous  les  temps  ont  reconnus, 
ceux  qu'ils  ont  consignés  dans  leurs  langues  et  dès  long-temps  exprimés 
par  des  noms  vulgaires.  En  conséquence ,  il  s'interdit  les  termes  étrangers 
ou  purement  techniques,  dont  l'unique  service,  en  métaphysique,  est 
d'ériger  en  Buts  des  chimères.  Presque  toujours  les  expressions  du  lan- 
gage ordinaire  lui  suffisent ,  et  il  s'applique  à  les  prendre  dans  le  sens 
le  plus  usité.  La  tâche  qu'il  s'impose  est  d'expliquer  méthodiquement 
tous  les  mots  français  qui  représentent  des  choses  immatérielles,  de 
séparer  les  significations  accessoires  de  celles  qui  ont  droit  d'être  con- 
sidérées comme  primitives  et  comme  répondant  à  de  véritables  faits. 

A  tes  yeux,  le  mot  idées  est  le  plus  générique,  le  seul  qui  embrasse 
tous  les  faits  ou  phénomènes  qui  constituent  l'histoire  de  l'entende- 
ment: il  en  conclut  que  de  tous  les  noms  donnés  à  cette  science,  le 
plus  convenable  est  celui  d'idéologie  ;  il  n'hésite  point  à  le  préférer  à 
ceux  d'ontologie,  de  psychologie,  de  pneumatologie,  et  sur-tout  de 
métaphysique  :  les  trois  premiers  n'indiqueroient  que  certains  aspects 
des  objets  d'une  si  vaste  étude  ;  et  le  dernier ,  inconnu  aux  philosophes 
4e  l'antiquité ,  tout-à-fait  étranger  à  la  langue  classique  des  Romains, 


MAI   1830.  *7t 

n'a  une  origine  grecque  qu'en  vertu  d'une  très4ausse  interprétation 
du  titre  de  certains  livres  cTAristote  :  ces  livres  étoient  in  titillés  t«  ftrm  1* 
?v«&>ceux  qui  venoient  après  les  livres  de  physique;  les  écoles  du 
moyen  âge  en  ont  fait»  en  supprimant  J'article  -m ,  le  ternie  barbare  de 
métaphysique,  qui  n'est  susceptible  d'aucun  sens  déterminé.  M.  Thurot 
prouve  par  des  Buts  réels  (  pag.  xliij-xlvj  )  que  le  métaphysicien  qui  a 
critiqué,  avec  peu  d'urbanité!  le  nom  ^idéologie,  en  a  parlé  comme 
s'il  n'avoit  aucune  connoissance  de  l'histoire  du  mot  idée. 

En  classant  les  idées  ou  les  faits  intellectuels,  on  a  été  conduit  à 
distinguer  diverses  propriétés  ou  facultés  de  l'intelligence.  Par  faculté , 
M.  Thurot  entend  un  pouvoir,  une  puissance,  une  force  réelle  :  il  est 
persuadé  que  ,  même  dans  h  plus  simple  sensation,  Famé  est  encore 
active  ;  ^quelle  Bût  toutes  ses  idées  par  sa  propre  énergie  ;  qu'à  la 
vérité,  cette  énergie  est  déterminée  tantôt  par  d«  causes  qui  ne  sont 
ni  prévues,  ni  connues,  ni  voulues,  et  tantôt  par  nos  désirs  ou  par 
nos  craintes;  mais  que  les  actes  de  i'ame,  spontanés  dans  le  premier 
cas,  volontaires  dans  le  second,  sont  également  les  produits  de  sa 
propre  activité  ;  qu'ainsi  tous  les  faits  de  la  conscience,  toutes  les  idées, 
•ont  les  produits  de  l'énergie  constante  d'une  puissance  intellectuelle  ; 
qu'enfin  la  nature  d'un  être  simple  ne  pouvant,  en  aucun  moment, 
cesser  d'être  la  même,  il  y  auroit  contradiction  à  dire  que  l'intelli- 
gence, habituellement  active,  devient  passive  en  certaines  conjonc- 
tures. Nous  devons  avouer  que  le  passage  de  i'un  de  ces  états  à 
l'autre  ne  nous  sembfe  pas  impossible.  Sans  doute  c'est  par  une  énergie 
qui  leur  est  propre  et  naturelle  que  les  fàcuhés  de  l'esprit  se  développent  ; 
il  faut  de  l'activité  pour  ériger  la  sensibilité  en  intelligence  :  mars  après 
tout,  n'est-if  pas  certain  que  I'ame,  dans  sa  condition  actuelle,  et  en 
vertu  de  ses  rapports  avec  des  organes  physiques ,  subit  des  émotions 
accidentelles  qui  ne  sont  aucunement  son  ouvrage,  quoiqu'elles  soient 
assurément  à  compter  parmi  les  faits  qu'on  vient  de  réunir  sous  le 
nom  générique  d'idées!  Ne  retrouvons-nous  pas  dans  noire  langage 
les  traces  de  cette  distinction  inévitable  entre  les  pures  affections-de 
l'entendement  et  ses  actes  proprement  dits  f  En  quoi  consiste  la  diffé- 
rence de  voir  à  regarder ,  d'entendre  à  écouter,  sinon  en  ce  qu'il  s'agit , 
d'une  part,  de  Peut  plus  ou  moin*  passif  où  les  sensations  nous  placent  ; 
et  de  l'autre,  des  efforts  que  nous  faisons  pour  les  mieux  saisir ,  pour 
mieu*  TecueHHr  les  connorssances  qu'elles  nous  apportent  !  Du  reste , 
Fopinion  sut  laquelle  nous  venons  d'élever  quelques  doutes  ne  tient 
peut-être  pas,  autant  que  fia  pensé  l'auteur,  à  son  système  général  de 
phttotephie» 


27x  JOURNAL  DESSAVANS, 

Son  ouvrage  est  divisé  en  deux  parties,  entendement  et  RAISON; 
mais  la  seconde,  beaucoup  moins  étendue  que  la  première,  né  remplît 
que  les  cent  quatre-vingts  dernières  pages  du  deuxième  volume. 

L'entendement,  l'esprit,  Famé,  (a  conscience ,  le  moi,  sont  ici  des 
termes  .synonymes,  ou  qui  du  moins  pourront  se  prendre  i'ttn  pour 
f autre,  tant  qu'il  ne  sera  pas  question  d'envisager  sons  des  points 
de  vue  particuliers,  l'être  dans  lequel  les  faits  intellectuels  s'accom- 
plissent. Le  traité  de  (entendement  n'est  que  f  histoire  naturelle  de  tous 
ces  faits ,  quels  qu'ils  soient  et  quelques  directions  qu'ils*  prennent»!  La 
caî$on,  qui  est  aussi  bien  que  l'entendement  l'ensemble  des  facultés  de 
.notre  intelligence,  Ja  somme  de  tous  nos  moyens  de  connoître,  de 
savoir  et  de  vouloir,  suppose  de  plus  l'exercice  le  plus  légitime  des 
pouvoirs  intellectuels,  l'emploi  le  plus  exact  et  le  plus  régulier  des 
instrumens  de  la  pftsée,  la  tendance  constante  des  uns  et  des  autres 
à  la  vérité,  c'est-à-dire,  à  découvrir  et  &  discerner  ce  qui  existe  réelle- 
ment ,  soit  en  nous ,  soit  hors  de  nous. 

Tous  les  faits  de  l'entendement  sont  distribués  par  M.  Thurot  sous 
les  trois  titres:  connoissance,  science  et  volonté.  La  connoissance  a  pour 
objet  le  monde  extérieur,  tous  les  corps ,  y  compris  le  nôtre,  qui  est  lui- 
même  extérieur  à  l'intelligence  qui  l'anime.  Or,  comment  se  produisent 
les  actes  de  connoissance!  Nous  allons  voir  y  concourir  avec  la  sensa- 
tion plusieurs  facultés  qui  se  divisent  en  primitives  et  dérivées  ou 
-composées,  mais  qui  ne  sont  point  des  choses  réellement  distinctes  ;  c'est 
toujours  l'ame,  le  même  être  différemment  considéré,  comme  font  dit 
Arnauld  et  Bossuet.  Selon  M.  Thurot,  la  connoissance  ne  vient  point 
immédiatement  de  la  sensation ,  et  ne  peut  se  réduire  ni  aux  deux 
actes  que  Locke  appelle  sensation  et  réflexion,  ni  sur- tout  aux  sensa- 
■  dons  transformées  de  Condilfac.  L'ancien  axiome,  ni  Ail  est  in  intellectu 
quod non prius fuerit in  sensu,  demeure  vrai  en  ce  sens,  qu'il  ny  auroit 
lieu,  sans  la  sensation,  à  aucun  des  actes  qui  doivent  la  suivre;  mais, 
ajoute  l'auteur,  que  l'un  de  ces  actes  vienne  à  manquer,  il  n'y  aura  pas 
non  plus  de  connoissance;  et  la  restriction  de  Leibnitz,  nisi  ipse  intel- 
tectus  ,  sera  parfaitement  juste  ,  si  elle  est  ainsi  expliquée, 

A  l'exemple  de  Reid,  M.  Thurot  désigne  par  le  nom  de  perception 
un  fait  intelfectuel  qui  suit  immédiatement  ou  même  accompagne 
ï «chaque  sensation,  et  en  vertu  duquel  nous  connoissons,  avec  une 
certitude  qui  n'admet  aucun  doute,  qu'il  existe  hors  de  nous ,  et  indé- 
pendamment de  notre  sensation  ,  quelque  chose'  qui  y  a  donné  lieu. 
Beaucoup  de  philosophes ,  en  des  écoles  très-diverses ,  ont  cru  que 
Ct  fait  a'étoit  point  à  distinguer  de  la  sensation  même  ;  ils  n'y  .ont  vu 


MAI  1830.  273 

que  f  un  des  élémens  dont  elle  se  compose.  Ici ,  au  contraire ,  on  em- 
prunte aussi  de  Reid  l'expression  de  perceptions  acquises,  et  on 
rapplique  au  fond  d'idées  dont  notre  mémoire  s'enrichit  par  le  déve- 
loppement et  l'exercice  continuel  de  nos  sens.  Ces  mêmes  idées  de 
formes ,  de  qualités ,  de  parties  d'un  corps ,  reçoivent  de  plus  le  nom 
de  représentations,  qui  indique  mieux  leur  présence  renouvelée  par  la 
perception  rapide  et  instantanée  d'objets ,  de  modes  ou  d'élémens  déjà 
connus. 

Ces  perceptions  amènent  les  souvenirs,  qui  toutefois  ont  souvent 
beaucoup  plus  d'étendue ,  puisqu'ils  reproduisent  en  quelque  sorte  des 
sensations  et  sur-tout  des  perceptions  totalement  évanouies,  dont  la 
cause  est  absente  ou  a  cessé  d'agir  sur  les  organes.  La  somme  des 
souvenirs,  quelles  que  soient  leur  nature  et  leur  diversité  ,  s'appelle- 
mémoire,  nom  qui  désigne  aussi  la  faculté  intellectuelle  qui  produit  de 
pareils  actes. 

M,  Thurot  distingue  des  sensations  et  des  perceptions  certains 
phénomènes  qu'il  nomme  impressions,  et  qui  consistent  dans  faction 
réelle,  quoique  non  expressément  remarquée,  dé  tous  les  objets  exté- 
rieurs sur  notre  sensibilité  dans  le  cours  entier  de  notre  vie.  C'est  ce  que 
Leibnitz  avoit  nommé  sensations  ou  perceptions  obscures.  Ces  im- 
pressions ne  discontinuent  presque  jamais  de  nous  assiéger;  et  pour 
qu'elles  viennent  à  produire  des  sensations  ou  à  introduire  des  per- 
ceptions dans  notre  esprit,  il  suffit  «Tune  circonstance  qui  leur  donnerait 
plus  d'intensité.  L'ame  qui  jusque-là  n'aura  point  pris  la  peine  de  les 
remarquer,  semblera  n'avoir  été  que  passive  à  leur  égard  ;  mais ,  dit 
l'auteur,  par  l'effet  même  de  la.  vie,  il  y  a  toujours  tendance  à  une  sorte 
de  réaction  de  la  part  de  la  faculté  que  ces  impressions  sollicitent  et 
disposent  à  des  actes.  Comme  exemple  de  ces  phénomènes,  on  fait 
observer  ce  qui  arrive  à  un  homme  qui,  occupé  d'une  affaire  sérieuse 
eu  d'une  méditation  profonde,  parcourt  plusieurs  rues,  presse  ou 
ralentit  sa  marche ,  se  détourne  à  droite  ou  à  gauche ,  et  parvient  à  son 
but,  sans  avoir  accordé  la  moindre  attention  aux  objets  qui  ont  été  les 
causes  déterminantes  de  ces  divers  mouvemens.  Peut-être  y  aura- 1- il  des 
observateurs  qui  refuseront  de  reconnoître  là  un  genre  particulier  de 
faits  intellectuels  ;  ils  n'y  verront  que  des  sensations  extrêmement  foibles, 
ou  obscures,  comme  dit  Leibnitz,  qui  ne  provoquent  plus  l'activité  de 
notre  intelligence,  parce  que  l'habitude  nous  les  a  rendues  familières,  et 
nous  a  suffisamment  préparés  à  l'accomplissement  presque  machinal 
de  tous  les  actes  qu'elles  exigent. 

Par  le  mot  intuition,  dont  on  a  diversement  abusé,  M.  Thurot  entend 

Min 


r?4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

la  conscience  des  rapports  que  nous  établissons  entre  dffUX  ou  pli 
cbjets  dont  nous  avons  acquis  la  perception;  rapports  de  forme,  de 
touleurs,  de  grandeur,  identité ,  ressemblance  ou  différence.  La  mé- 
m  jire  nous  offre  à.  chaque  instant  la  somme  des  perceptions  absentes 
ou  évanouies:  l'intuition  y  ajoute  les  perceptions  présentes  ou  les  re- 
tranche, suivant  qu'elles  se  manifestent  comme  semblables  ou  comme 
différentes.  C'est  l'un  des  principaux  moyens  par  lesquels  se  complète 
ou  s'agrandit  la  connoissance. 

Quoiqu'il  n'y  ait  rien  dans  l'analogie  du  langage  ordinaire  qui 
s'oppose  a  ce  qu'on  dise  que  penser  est  sentir ,  Al.  Thurot  réserve  ce 
moi  de  sentir  aux  sensations,  et  aux  sentimens,  c'est-à-dire,  aux  affections 
accompagnées  de  plaisir  ou  de  peine.  Ainsi ,  perceptions ,  perceptions 
acquises  ou  représentations,  souvenirs,  impressions,  intuitions,  senti- 
mens,  enfin  la  conscience  que  nous  avons  de  ces  divers  produits  de 
l'activité  intellectuelle ,  et  qui  comprend  l'intuition  des  rapports  qui 
existent  entre  les  objets  extérieurs  et  le  moi  ou  l'âme  j  voila ,  après  les 
sensations,  les  facultés  primitives  de  l'entendement,  ou  les  genres 
d'actes  qui  contribuent  a  former  la  connoissance. 

Mais  il  faut  encore  le  concours  des  facultés  composées  ou  dérivées, 
qui  sont  la  volonté  ,  et,  h  sa  suite,  l'imagination  ,  l'attention,  les  voir- 
ions et  la  liberté.  Celles  des  sensations  internes  ou  externes  qui  ont  le 
caractère  de  sentimens,  suffisent  pour  provoquer  la  volonté ,  qui  à  son 
tour  met  en  exercice  l'imagination  et  l'attention.  L'imagination  n'est 
point  à  confondre  avec  la  faculté  des  représentations,  qui  ne  sont  que  des 
perceptions  acquises;  elle  les  choisit,  les  dispose,  les  modifie  pour  une 
fin  voulue  et  déterminée.  L'attention  est  une  application  également 
prescrite  et  exclusive  des  organes  et  de  la  conscience  à  certains  objets. 
Locke,  en  réservant  le  nom  de  volonté  à  un  système  général  de  déter- 
minations ,  a  employé  celui  de  votitiutis  pour  désigner  des  actes  sin- 
guliers ,  soit  conformes  à  ce  but,  soit  quelquefois  contraires ,  ainsi  qu'il 
arrive  quand  un  homme,  poussé  par  la  soif  sur  les  bords  d'un  fleuve  , 
prend  subitement  fa  résolution  de  s'en  éloigner,  parce  qu'il  y  aperçoit 
un  animal  dangereux.  Dans  les  cas  de  ce  dernier  genre ,  la  préférence 
donnée  ou  à  la  volonté  ou  à  la  volilion  est  un  acte  de  la  liberté. 

Pour  n'omettre  aucun  des  faits  relatifs  à  la  connoissance,  M.  Thurot 
joint  au  tableau  des  facultés  intellectuelles  primitives  et  dérivées,  plusieurs 
observations  importantes  sur  l'instinct,  sur  les  déterminations  instinctives, 
sur  l'organisation,  sur  (a  division  des  corps  en  inorganiques  et  organisés, 
et  de  ces  derniers  en  végétaux  et  animaux,  sur  les  fonctions  vitales, 
sur  le  système  nerveux,  jur  les  rapports  de  l'anatomiefde  la  physiologie 


MAI  1830.  275 

et  de  la  médecine  avec  l'idéologie.  On  est  forcé  de  reconnoître  qu'in- 
dépendamment de  toutes  les  puissances  de  J entendement,  et  avant 
quelles  aient  pu  se  développer ,  il  existe  une  force  instinctive  capable 
de  nous  fournir  des  connoisances  qui  sans  elle  nous  auroient  trop 
long-temps  manqué.  Cette  force  s'affoiblit  et  s'éteint  presque  dans 
f homme  à  mesure  que  ses  facultés  s'exercent  er  s'étendent;  mais  elfe 
est  souvent  remplacée  par  une  sorte  d'instinct  acquis  que  nous  appelons 
habitude,  et  qui  résulte  de  (a  fréquente  répétition  des  mêmes  actes.  À 
V^garddes  rapports  entre  l'idéologie  et  la  physiologie,  M.  Thurot  est 
persuadé  qu'à  quelque  degré  de  perfection  que  puisse  être  jamais 
porté  chacun  de  ces  deux  genres  d'études ,  ils  resteront  toujours  séparés 
par  toute  la  distance  qu'il  y  a  entre  des  faits  intellectuels  et  les  modifica- 
,  tons  de  la  matière;  que  ces  deux  ordres  de  phénomènes  n'ont  aucune 
mesure  commune,  que  leur  nature  diffère  essentiellement;  qu'aucun 
fait  idéologique  ne  donnerait  au  philosophe  la  moindre  idée  du  fait 
physiologique  qui  peut  y  correspondre ,  pas  plus  que  la  connoissance 
la  plus  complète  des  modifications  organiques  qui  peuvent  accompagner 
une  idée  ne  feroit  soupçonner  au  physiologiste  en  quoi  cette  idée 
consiste;  que  néanmoins  il  reste  entre  les  deux  sciences  des  points 
de  contact  qu'il  ne  fàudroit  pas  méconnoître^  elles  seroient  l'une  et 
l'autre  inecfhplètes  ,  si  le  médecin  négligeoit  l'observation  des  phéno- 
mènes intellectuels  et  moraux;  et  le  philosophe,  l'élude  des  anomalies 
que  certains  états  maladifs,  certains  désordres  de  l'organisation,  peuvent 
occasionner  dans  les  facultés  et  les  opérations  de  l'intelligence.  Les 
idéologistes  ont  senti  sur-tout  le  besoin  d'observer  attentivement  les 
faits  organiques  des  sensations  :  les  cinq  chapitres  où  Al.  Thurot  décrit 
successivement  les  phénomènes  du  toucher,  du  goût,  de  l'odorat,  de 
l'ouïe  ,  de  la  vue ,  et  s'applique  à  démêler  les  connoissances  spéciales 
qu'introduit  chacun  de  ces  sens  ,  se  recommandent  par  l'exactitude  et 
riraponance  des  détails*  Mais  nous  n'aurions  pu  suivre  .fauteur  dans 
ces  analyses  délicates ,  sans  trop  étendre  le  compte  que  nous  avons  à 
rendre  de  son  ouvrage:  il  a  dû  nous  suffire  d'exposer  comment  il  a 
conçu  le  système  des  facultés  ou  des  actes  qui  concourent  à  la  production 
de  la  connoissance.  On  a  pu  reconnoître  que  ce  système ,  et  (a  plupart 
des  détails  qui  le  composent»  appartiennent  en  propre  à.  M.  Thurot:  la 
justesse  et  l'enchaînement  des  idées  s'y  annoncent  par  la  pureté  et 
l'élégante  précision  du  style.  Si ,  comme  il  doit  arriver  long-temps  encore 
en  de  tels  sujets,  il  y  av.oit  lieu  à  discussion  sur  quelques  articles,  ce 
seroit  principalement  sur  ceux  qui  sont  empruntés  de  Reid. 

Les  autres  faits  de  I'entendement  seront  compris  sous  les  titres 

Mm  a 


z7S  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  science  et  de  volonté  :  ils  nous  fourniront  la  matière  cTun  second 
article ,  où  nous  aurons  h  rendre  compte  aussi  de  la  seconde  partie  de 
r ouvrage ,  laquelle  concerne  la  raison, 

DAUNOU. 


Observations  géologiques  sur  les  différentes  formations  qui ,  dans 
Je  système  des  Vosges ,  séparent  la  formation  houillière  de  celle  du 
lias  ;  par  M.  L.  Élie  de  Beau  m  ont,  ingénieur  des  mines, 
membre  de  la  société  d'histoire  naturelle  de  Paris,  &c*  Jmpr. 
de  M.mc  Huzard,  i  vol.  in-8.°  de  200  pages. 

M.  Élie  de  Baumont,  professeur  suppléant  de  géologie  à  Técole 
des  mines,  a  fait  deux  voyages,  l'un  en  1 821 ,  dans  toute  l'étendue. des 
"Vosges*  et  l'autre,  en  1825,  dans  quelques  parties  seulement  de  la 
même  contrée  :  l'ensemble  des  idées  qu'il  expose  dans  l'ouvrage  que 
nous  avons  à  faire  connoître,  provient  principalement  de  sa  première  ^ 
course ,  qui.  a  été  la  plus  fcuigue* 

Le  nom  de  Vosges,  pris  dans  son  acception  la  plus  générale ,  désigne 
les  montagnes  qui  s'élèvent  dans  le  pays  compris  entre  le  cours  du  Rhin , 
de  Bâle  à  Manheim,  et  une  ligne  tirée  de  Bourbonne- les -Bains  à 
Kaiserslautern.  Ce  nom  s'applique  non-seulement  aux  montagnes  de 
transition  qui  couvrent  l'espace  triangulaire  compris  entre  Plombières, 
Massevaux  et  Schirmeck,  et  à  celles  de  grès  qui  les  entourent,  mais 
encore  aux  montagnes,  composées  presque  entièrement  degrés,  qui 
s'étendent  de  Schirmeck  vers  le  Mont-Tonnerre,  et  qu'on  appelle  quel- 
quefois les  Basses-  Vosges. 

M.  de  Beaumont  fait  voir  que  la  contrée  qui  renferme  les  Vosges  est 
loin  d'être  couverte  de  montagnes  dans  toute  son  étendue.  Le  côté 
gauche  dç  la  vallée  du  Rhin  présente  une  plaine  de  plusieurs  myria- 
niètres  de  large;  le  côté  de  l'ouest,  c'est  à- dire,  la  ligne  tirée  de  Bour- 
bonne-f es-Bains  à  Kaiserslautern , .coupe ,  il  est  vrai,  quelques  cantons 
montueux  qui  sont  des  rameaux  des  Vosges,  mais  traverse  le  plus  souvent 
de%  plaines  dont  la  surface,  légèrement  ondulée,  s'élève  en  pente 
très-douce  vers  les  montagnes. 

II  donne  ensuite  quelques  détails  sur  la  constitution  des  montagnes 
de  transition  qui  servent  d'appui,  tant  au  terrain  hou  illier  qu'aux  forma- 
tions qui  sont  l'objet  spécial  de  l'ouvrage,  ce  La  plupart  des  cartes  de 


MAI   1830.  177 

*  France,  dit-if,  donnent  une  idée  peu  exacte  de  la  configuration  efcté- 
•»  rieure  de  ces  contrées.,  en  représentant  les  Vosges  comme  liées  au 
»  Jura  et  à  la  Côte-cTOr  par  des  chaînes  de  montagnes  continues.  Si  le 
»  niveau  des  mers  s'éïevoitde  3  à  4^>  mètres,  ies  Vosges  formeraient 
»  une  ife  ou  un  archipel,  qui,  très-étroit  vers  Saverne,  auroit  une  far- 
»  gror  de  6  ou  8  myriamètres  sous  le  parallèle  de  Renriremont  et 
»>sdus  celui  de  Bitche.  »  1 

II  ajoute  qu'une  ligne  qui  joindrait  de  proche  en  proche  les  sommets 
les  plus  élevés  des  Vosges  se  composerez  de  deux  parties  :  la  première 
s'étendrait  du  Ballon  d'Alsace ,  montagne  située  au  nord  de  Giromagny , 
jusqu'auprès  du  Mont-Tonnerre  ;  et  là  seconde,  beaucoup  plus  courte, 
se  dirigerait  du  Baffon  <T Alsace  vers  Pfombfères.  La  région  la  plus  haute 
est  fe  Ballon  de  Gebweiler  ,  et  la  plus  basse,  fa  vallée  du  Rhm. 

II  y  a  dans  les  Vosges ,  dit  Fauteur ,  deux  sortes  de  montagnes  :  les 
premières  sont  celles  de  transition  ;  elles  présentent  des  croupes  de  cimes 
arrondies,  ce  qui  les  a /fait  appeller  ballons; les  vallées  les  plus  profondes 
y  sont  rarement  bordées  de  grands  rdchers  et  d'escarpemêiis  considé- 
rables, excepté  dans  les  parties  fondées  de  roches  grariitoidés;  ces, 
roches  de  transition  se  montrent  pricipalement  dans  l'espace  triangulaire 
dont  les  trois  angles  sont  Schirmeck,  Plombières  et  Masse  vaux,  et  le 
couvrent  presque  en  entier.  Les  autres  sont  crystallines:  elles  se  lient  et 
s'enchevêtrent  avec  des  roches  contenant  des  restes  d'organisation  etr 
dont  plusieurs  sont  arénacées. 

M.  de  Beaumont  a  reconnu  qu'entré  Plombières  et  le  Ballon  d'Alsace, 

les  couches  de  roches  schisteuses ,  et  les  plus  grandes  dimensions  des' 

masses,  sont  le  plus  habituellemet  dirigées  de  fouest  15°  nord  à  Test 

i  j°  sud;  dans  la  partie  située  entre  le  Ballon  d'Alsace  et  Schirmeck,  elles 

sont  le  plus  souvent  dirigées  du  nord-est  i/4  nord  au  sud-ouest  i/4  sud. 

Il  a  remarqué  que  les  roches  granitoides  forment  des  dômes  alongés , 
comme  étant  dans  la  direction  moyenne  de  la  stratification.  II  a  vu  des 
masses  de  porphyre  rouge,  contenant  de  gros  grains  de  quartz  hyalin  en 
dodécaèdres  imparfaits. 

La  plus  ancienne  des  formations  secondaires  dont  Fauteur  s'occupe 
est  celle  que  les  Allemands  ont  nommée  grès  rouge;  elle  se  présente  dans 
quelques  points  des  Vosges  avec  des  caractères  tout-à-fait  analogues  à 
ceux  qu'elle  présente  en  Saxe,  011  Verner  Tavoit  étudiée.  Le  grès  par- 
ticulier qui  forme  une  grande  partie  des  montagnes  des  Vosges,  et 
auquel  il  donne  le  nom  de  grès  des  Vosges,  pouvoit  n'être  que  la  partie 
supérieure  de  cette  formation  de  grès  rouge  des  Allemands.  Ukortyn- 
ialiié  presque  parfaite  des  couches  de  ce  grès,  le  petit  nombre  des 


278  JOURNAL  DES  SAVANS, 

fissures  verticales  qu'elles  présentent,  et  quelques  autres  circonstances! 
lui  paroissent  attester  que,  depuis  le  dépôt  du.  grès  des  Vosges,  ces 
montagnes  n'ont  pas  éprouvé  les  effets  des  causes  perturbatrices  qui, 
dans  les  Alpes,  ont  produit,  à  uçe  époque  postérieure  au  dépôt  des 
teqains  tertiaires,  des  dérangetnens  de  stratification  si  frappans;  tout 
Ipj  semblerait,  au  contraire,  indiquer  que  l'action  lente  des  eaux  a  taillé 
les  Vosges  dans  un  grand  dépôt  avancé,  qui ,  étendu  en  forme  de  cein- 
ture autour  des  montagnes  de  transition,  se  prolongeoit  vers  le  nord 
jusqu'au  pied  du  Mont-Tonnerre» 

.  L'auteur,  en  poursuivant  son  examen,  a  fait  une  réflexion  qu'il  com- 
munique à  se*  lecteurs  ;  c'est  relativement  aux  causes  qui  ont  produit 
l'espèce  de  falaise  qui  termine  les  Vosges  du  côté  de  i'AIsace ,  et  qui 
forme  un  des  traits  les  plus  proéminens  de  la  configuration  extérieure  de 
ces  contrées.  II  a  remarqué  que  les  dépôts  de  grès  bigarré  et  de  rau- 
schelkalk ,  à-peu-près  également  développés  dans  tout  le  pourtour  de 
ces  montagnes ,  ne  s'élèvent  pas.  si  haut  à  l'est  de  cette  falaise  que  sur 
la  pointe  opposée  de  la  chaîne ,  et  que,  dans  tous  les  points  de  fa  plaine 
d'Alsace  où  on  les  voit  au  pied  de  l'escarpement  du  grès  des  Vosges , 
leurs  couches  sont  souvent  inclinées ,  quelquefois  même  contournées. 
M.  de  Baumont  demande  si  un  état  de  choses  si  particulier  ne  pourroit 
pas  être  attribué  à  une  grande  fracture ,  à  une  faille,  qui ,  à  une  époque 
postérieure  au  dépôt  de  muschelkalk ,  et  peut-être  beaucoup  plus  ré- 
cente, se  seroit  produite  suivant  la  ligne  qui  forme  actuellement  le  bord 
oriental  de  la  région  montueuse ,  et  qui ,'  sans  occasionner  une  disloca- 
tion générale,  auroit  simplement  fait  naître  la  différence  de  niveau 
actuellement  établie  entre  des  points  qui ,  lors  du  dépôt  du  muschel- 
kalk, ont  dû  probablement  se  trouver  à-peu-près  à  la  même  hauteur. 
Cette  question,  suggén'-e  par  les  faits ,  paroît  à  M.  de  Beaumont  mériter 
de  l'intérêt*  C'est  aux  géologues  à  la  décider.  Nous  nous  bornerons  à 
faire  connoître  la  suite  de  ses  recherches. 

II  a  vu  ,  dans  le  grès  des  Vosges ,  des  galets  quartzeux  près  de  la  cha- 
pelle de  Bourg-Ies-  Monts  (Haute-Saone),  près  de  Rouchamp,  sans  qu'il 
y  ait  le  moindre  débris  d'êtres  organisés,  soit  végétaux,  soit  animaux; 
mais  il  se  rencontre  quelquefois  des  caractères  particuliers,  qu'il  décrit, 
dans  les  couches  inférieures  près  de  Rouchamp ,  aux  environs  de  Ville 
(Bas-Rhin),  aux  environs  de  Bruyères  et  de  Raon-I'Etape  (Vosges), 
daps  le  pays  deSarbruk,  &c.  Dans  la  mine  de  Rouchamp,  le  grès  des 
Vosges  est  superposé  au  grès  houillier. 

Après.  la  formation  du  grès  rouge,  M.  de  Beaumont  s'occupe, 
comme  dans  un  second  chapitre,  du  grès  bigarré,  du  muschelkalk  et  des 


MAI  1830.  279 

niâmes  irisées.  «  Depuis  le  pied  des  montagnes  des  Vosges ,  dit-if , 
»  jusqu'à  l'escarpement  des  plateaux  de  calcaire  à  gryphites  (  lias),  qui 
>>  s'étendent  de  Luxembourg  à  Bourbonne-Ies-Bains*  et  de  Bourbonne- 
»  les-Bains  à  Saulnot  et  àBéfort,  règftte  un  terrain  ondulé  qui  présente 
»  des  bandes  successives  de  grès  bigarré ,  de  muschelkalk  et  de  marnés 
»  irisées.  »  Les  mêmes  formations  bordent  le  pied  des  Vosges,  de  Geb- 
wtiler  à  Landau  et  au-delà.  Pour  établir  de  l'ordre  dans  ce  qu'il  a  à 
dire ,.  l'auteur  joint  à  la  description  de  chacune  des  portions  de  la  bande 
de  muschelkalk  qui  entoure  les  Vosges,  celle  de  la  portion  de  grès  bigarré 
sur  lequel  elle  repose,  et  de  la  portion  de  marnes  irisées  qui  la  recouvre. 

H  suit  et  cite  tous  les  points  où  il  a  trouvé  le  grès  bigarré,  savoir, 
entre   Plombières  et   le  Vàl-d'AjoI ,   aux   environs  de  Bourbonne- 
les-Bains,  près  de  Ta  Hutte,  à  une  lieue  de   Durney,  près  Bains 
et  Fontenois,  aux  environs  de  Châtillon-sur-Sâone  et  de  J  on  ville; 
on  sait  que  Plombières,  Bains  et  Bourbonne  Jes-Bains  sont  renommés 
par  leurs  eaux  thermales,  très -fréquentées.  Il  indique  aussi  où  Ton 
trouve  les  deux  espèces  de  grès  intercalées  avec  d'autres  matières.  Il 
prend  le  même  soin  à  F  égard  du  muschelkalk  et  des  marnes  irisées  qu'il 
a  trouvées  aux  environs  de  la  Marche  et  de  Bourbonne-Ies-Bains,  de 
Monthouillon ,  entre  Serrecourt  et  la  Marche,  au  Mont  de  la  Justice, 
)  rès  la  Marche ,  au  Mont-Saint-Etienne ,  sur  les  collmes-au  sud-ouest 
de  Bourbonne-Ies-Bains;  observant  qu'il  y  a  des  couches  calcaires 
magnésifères  constamment  vers  le  milieu  de  l'épaisseur  des  marnes 
irisées,  et  des  fossiles-combustibles  dans  celles  de  Noroy. 

Ayant  épuisé,  dans  son  examen»  ce  qu'il  a  pu  découvrir  dans  le 
pays  -dont  nous  venons  de  parler,  M.  de  Beaumont  passe  à  d'autres, 
pour  en  connohre  la  composition.  Il  expfore  d'abord  les  environs  de 
Lu  né  v  H  le,  Charmes,  Rambervillers  et  Raon-l'Etape,  puis  les  bonds  de 
la  Sarre,  puis  la  vallée  de  la  Seille,  puis  celle  du  Rhin  et  le  bassin  de 
Wintzfeldex,  la  pente  méridionale  des  Vosges,  les  environs  de  Bâle*  et 
la  lisière  nord-ouest  du  Jura. 

Les  trois  fondations ,  savoir ,  le  grès  bigarré ,  le  muschelkalk  et  les 
marnes  irisées,  kemper  des  Allemands,  forment  une  série  de  couches 
intimement  liées  entre  elles,  que  l'auteur  suit  tout  autour  des  Vosges,  en 
décrivant  successivement  différens  cantons  dans  lesquels  elle  se  présente. 
C'est  dans  la  plus  récente  de  ces  formations ,  c'est-à-dire,  dans  celle  des 
marnes  irisées,  que  se  trouvent  les  puissantes  niasses  de  sel  gemme  recon- 
nues et  exploitées  depuis  quelques  années  à  Vie  et  à  Dieuse,  département 
de  la  Meurthe  ;  c'est  aussi  de  cette  formation  que  sortent  les  sources  salées 
de  la  Lorraine  aussi  bien  que  du  Jura.  Un  des  points  que  Fauteur  parôît 


iio  JOURNAL  DÉS  SAVANS, 

avoir  cherché  à  vérifier,  est  que  la  grès  bigarré  du  système  des  Vosges 
correspond  au  ncw  redsandstùne  (nouveau  grès  rouge)  de  l'Angleterre, 
et  que  les  marnes  irisée»  correspondent  au"  red  mari  (  itfarne  rouge) 
qui.  en  Angleterre  recouvre  le  nouveau  grès  rouge,  de  sorte  que  le 
muschelkalk  des  Vosges  et  de  F  Allemagne  n'a  pas  d'équivalent  en  An- 
gleterre ;  ce  qui,  pendant  long-temps,  avoit  embarrasé  les- personnes  qui 
cherchoient  à  établir  des  rapprochemens  rigoureux  entre- les  formations 
décrites  par  (es  géologues  anglais  et  celles  qui  ont  été  observées  sur  le 
continent.  II  résulte  de  là  qu'on  trouve  dans  les  Vosges  un  certain  nombre 
de xoquilles  fossiles  qui  n'ont  jamais  été  trouvées  en  Angleterre,  et  dont 
là  présence  forme  uq  des  principaux  caractères  distinctifk  du  muscfael» 
kaft.  L'auteur  donne  la  liste  de  ces  fossiles  ,  et  il  &it  remarquer  que 
l'époque  à  laquelle  ce  dépôt  s'est  formé ,  parolt  avoir  correspondu  à  une 
période  zoologique  qui  *e  distingue  nettement  de  celles  qui  l'ont  pré- 
cédée et  suivie,  en  ce  que  les  coquillages  bivalves  appelés  productif 
avoient  déjà  disparu  de  la  surface  de" l'Europe ,  tandis  que  les  Mcmnitts, 
les  ammonites  i  cloisons  persillées ,  et  les  grypkitcs,  ne  s'y  étoient  pas 
encore  rencontrées.  " 

L'ouvrage  que  nous  venons  de  faire  connoître  nous  paroît  propre  à 
donner  une  excellente  idée  de  Fauteur,  jeune  encore,  élève  distingué 
de  f École  polytechnique,  et  pouvant  contribuer  aux  progrès  de  fa  miné- 
tafogie  française,  avec  les  membres  du  corps  savant  dont  il  fait  parue 
depuis  dix  ans. 

TESSIER. 


Tableau  de  la  marche  et  des  progrès  de  la  langue  et  de  la 
littérature  françaises  depuis  le  commencement  du  xvi.'  siècle 
jusquen  i(fio ,  par  M.  Ph.  Chasles  : 

Ttibleau  de  la  marche  et  des  progrès  de  la  littérature  française 
au  xvi.e  siècle,  par  M*  Saint-Marc  Girardin  : 

Discours  qui  ont  partagé  le  prix  d'éloquence  décerné  par  l'Aca- 
démie française ,  dans  sa  séance  publique  du  2j  août 
1828,  &c.  &c* 

DEUXIÈME  ET  DERNIER  ARTICLE. 

Avant  de  continuer  l'examen  des  discours  couronnés,  Je  saisis 
l'occasion  favorable  de  protester  contre  une  impropriété  d'expression 


MAI  1830.  181 

que  l'usage  a  depuis  longtemps  accréditée,  et,  fe  -dois  l'avouer, 
presque  consacrée;  mais  je  crois  utile  de  l'attaquer,  ou  du  moins  de  la 
signaler,  quand  elle  reparoît  dans  des  ouvrages  aussi  distingués  que 
ceux  dont  je  rends  compte. 

Dès  la  seconde  page  de  son  discours,  M.  Saint-Marc  Girardin  parle 
de  notre  vieille  littérature  gauloise.  Dans  le  sien,  M.  Chastes 
s'énonce  ordinairement  avec  plus  de  justesse  ;  toutefois  il  a,  entre 
autres ,  laissé  échapper  ces  mots  :  ce  L'éblouissement  causé  par  b 
»  subite  apparition  des  littératures  antiques,  au  milieu  de  la  littérature 
»  française  ou  plutôt  gauloise.  »  Est-ce  par  fe  nom  de  gauloise  que 
doit  être  désignée  l'ancienne  littérature  française,  c'est-à-dire  ,  la  litté- 
rature des  trouvères  et  des  écrivains  qui  leur  ont  succédé  !  II  est  vrai 
que  Terreur  que  je  reproche  aux  deux  concurrens ,  pourrait  être 
excusée  par  l'autorité  et  Pexemple  du  législateur  de  notre  pâmasse,  qui 
a  dit ,  dans  Fart  poétique  : 

Le  rondeau ,  né  gaulois  J  a  la  naïveté. 

Mais  aujourd'hui  qu'on  a  recherché ,  reconnu ,  étudié  l'origine ,  la  for- 
mation et  les  progrès  de  notre  langue  et  de  notre  littérature ,  il  semble . 
convenable  de  rejeter  des  expressions  qui  ne  peuvent  plus!  s'appliquer  à 
la  langue  et  à  la  littérature  des  trouvères,  et  encore  moins  à  celles  des 
écrivains  français  postérieurs;  je  ne  crains  donc  pas  de  dire  que  désor- 
mais ces  mots  d'idiome  gaulois ,  de  littérature  gauloise ,  ne  doivent  pas 
être  employés  pour  désigner  le  langage  et  la  littérature  des  écrivains 
qui  ont  les  premiers  écrit  en  langue  romane ,  en  langue  française.  Le 
président  Fauchet  avoit  sagement  divisé  ses  travaux  historiques  sur 
nos  antiquités  en  antiquités  gauloises  et  en  antiquités  françaises.  Dans 
ion  Recueil  de  l'origine  de  la  langue  et  poésie  française ,  ryme  et  romans, 
il  ne  donne  pas  aux  trouvères  le  nom  de  Gaulois  9  mais  il  les  appelle  les 
anciens  poètes  français* 

Les  deux  concurrens  ont  été  assez  généralement  d'accord  dans  les 
diverses  appréciations  qu'ils  ont  faites  des  nombreux  auteurs  dont  ils 
ont  eu  à  parler:  ils  ont  bien  caractérisé  le  talent  et  la  personne  de* 
Villon ,  son  langage  si  spirituel  et  ses  moeurs  si  libres  ;  ils  ont  su 
inspirer  de  l'intérêt  pour  un  poète  qui  affecta  de  se  moquer  de  tant- 
de  choses,  de  tant  de  personnes  ,  de  lui-même,  et  qui  se  jouoit  avec 
la  mort.  M.  Girardin  a  reconnu ,  dans  le  tour  d'esprit  de  ce  poète 
satirique,  moqueur,  doué  d'une  mélancolie  gracieuse  ou  insouciante  f 
le  génie  penseur  de  hotre  vieille  France ,  tel  qu'il  est  dam  lei  fe^âux 

fin 


*%2  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

et  dans  les  romans  :  des  .trouvères.  M.  Cbasles  a  remarqué  qu'il  est 
difficile  d'expliquer  les  vers  de  Boileau  : 

Villon  sut  le  premier,  dans  ces  sïècles  grossiers, 
Débrouiller  l'art  confus  de  nos  vieux  romanciers. 

En  effet ,  cette  assertion  du  législateur  de  notre  pâmasse  ne  pourroit 
s'appliquer  qu'à  la  versification;  et  comme,  depuis  les  vieux  romanciers 
jusqu'à  Villon  f  on  trouve  des  poètes  qui  ayoient  déjà  fait  beaucoup 
pour  l'art ,  on  ne  comprend  guère  ce  que  Villon  embrouilla  ou  même 
ce  qu'il  avoit  à  débrouiller. 

Les  deux  concurrens  ont  également  réussi  à  peiqdre  le  tafent  et  le 
caractère  poétique  de  Marot:  M.  Cbasles  sîest  attaché  plus  spécialement 
à  Pënvisager  comme  auteur;  M.  Saint-Marc  Girardin  est  entré  dans 
plus  de  détails  sur  sa  personne ,  et  il  a  dit  ingénieusement  de  ce  poète 
retiré  à  Genève  :  c<  La  liberté  de  ses  mœurs  et  de  son  esprit  ne  pou  voit 
»  guère  s'accommoder  de  l'austérité  genevoise  ;  il  oublia  qu'au-delà  du 
»  Jura  on  appeloit  adultère  ce  qui  en  deçà  -s'appeioit  galanterie.  » 
Peut-être  M.  Chasles  a  trop  accordé  à  l'influence  que  la  littérature 
italienne  exerça  sur  les  successeurs  de  Marot  ;  il  donne  à  croire  que 
('extravagance  de  quelques  formes  poétiques,  telles  que  les  assonances, 
allitérations,  rimes  triples,  quadruples,  entassées  dans  un  seul  vers ,  fût 
empruntée  aux  poètes  de  l'Italie.  II  me  semble  que,  bien  avant 
f époque  du  retour  de  Charles  VIII  de  l'Italie,  nos  poètes  avoient  eu 
Iç  malheur  d'obtenir  dans  ce  genre  les  succès  qu'on  leur  reproche 
aujourd'hui.  Jean  Molinet,  mort  en  1507,  adressoit  à  Guillaume 
du  Bois,  connu  sous  le  nom  de  Crétin,  que  Clément  Marot  appeloit 
souverain  poète  français ,  les  vers  sui  vans  : 

MoIiNEt  c'est  sans  bruit  ni  sans  NOM,  non} 
II  a  son  son,  et  comme  tu  vois,  voix; 
Son  doux  PLAID  plaist  mieux  que  ne  fart  TON  ion  ; 
Ton  vif  ART  art  plus  clair  que  charBON  bon  ,  &c. 

Quand  une  littérature  possède  de  telles  extravagances ,  elle  n'a  pas 
besoin  de  recourir  à  des  modèles  étrangers  pour  se  gâter. 

Mais  les  deux  concurrens  n'ont  peut-être  Tpas  assez  marqué  l'in- 
fluence de  la  découverte  de  l'imprimerie  <sur  les  écrivains  français. 
L'impression  ayant  répandu  et  fait  connoître  les  auteurs  grecs  et  latins, 
la  langue  d'Athènes- et  celle  de  Rome  furent  plus  cultivées  et  le  furent 
moins  -difficilement..  Les  novateurs  littéraires  purent  hasarder  l'intro- 
duction de  mots  dérivas  de  ces  langues,  pa^ce  qu'ils  suppo  soient  avec 


7  MAI  jEjoV'  >»  **; 

raison  que  ces  mots  seroieht  compris- safts  peine  pat  tes  lecteurs,  àqui 
dfcs  étaient  devenues  familières  :  avant  la  découverte  de  l'imprimerie, 
f  entreprise  eût  été  téméraire  et  le  succès  presque  impossible.  . 
•  Après  avoir  parlé  de  Ronsard  et  de  son  école  ,  de  Dubartas  et  de 
Dubellay ,  les  deux  auteurs  arrivent  au  satirique  Régnier,  qui»  ressus- 
citant la  moquerie  vive ,  légère  et  vigoureuse  du  vieil  esprit  français , 
se  montra  le  digne  successeur  de  Villon,  de  Marot  et  de  Rabelais:  il 
fttça  d'un  pinceau  ferme  et  hardi  les  caractères  et  les  ridicules  de 
f époque;  mais  il  ne  chercha  point  à  démasquer ,  à  attaquer  les  vices. 
Son  style  vif  et  pur,  qui  étoit  à-Ia-fbis  facile  et  énergique,  prépara  les 
réformes  que  Malherbe  exécuta  ensuite  avec  tant  d'autorité  et  de 
succès. 

&  des  poètes  je  passe  aux  écrivains  en  prose ,  je  trouve  que 
M.  Chasles  a  bien  dessiné  Commines  et  Calvin.  Le  préfniér ,  dôtit 
Montaigne  admiroit  le  bon  sens  et  que  Charles  Quint  estimçit  pour 
fa  Sagacité  de  ses  vues,  ne  pouvoit  guère  animer  son  style  des  senti  mens  * 
qui  n'étoient  pas  dans  sbn  ame.  Il  a  observé  sans  passion ,  et  je  dirai 
presque  sans  intérêt ,  les  événemens  dont  H  a  été  témoin ,  et  c'est  aVec 
ce  même  calme  d'indifférence  qu'en  général  il  rend  coiftpte  dei  êvéïie* 
mens  et  qu'il  parle  des  personnes.  Le  second  a  été  justement  comité 
parmi  les  prosateurs  français  qui  contribuèrent  à  f  heureux  développe- 
ment des  beautés  spéciales  de  notre  langue  ;  son  livre  de  T Institution 
chrétienne  est  écrit  plus  purement  que  ceux  de  l'époque ,  et  l'épître  dédi- 
catoire  passe  pour  un  chef-d'œuvre  d'adresse  et  de  raisonnement. 

Les  deux  auteurs  ont  apprécié  Brantôme,  Montluc  et  cFAubigné. 
Brantôme,  qui  raconte  tant  de  faits  généraux  et  particuliers,  semble  dénué 
du  sentiment  moral;  mais  comme  il  ne  déguise  rien,  s'il  ne  juge  pas 
lui-même ,  il  fournit  aux  lecteurs  le  moyen  de  juger  :  il  est  vrai  qu'il  a 
admiré  deux  grands  hommes  de  son  siècle,  le  chancelier  de  f  Hospital 
et  le  connétable  deMontmorenci  ;  c'est  qu'il  en  parle  plutôt  comme  cons- 
tatant l'opinion  publique  que  comme  admirateur  personnel  ;  il  semble 
que  si  on  ne  lui  a  voit  pas  indiqué  la  vertu ,  il  ne  l'auroit  pas  reconnue. 

Montluc ,  catholique  passionné  et  soldat  fanatique,  porta  dans  ses 
récits  l'ardeur  de  son  caractère ,  et  la  véhémence  d'un  style  brusque  et 
éloquent.  Comme  il  écrivoit  pour  l'instruction  de  la  jeune  noblesse, 
Henri  IV  appela  son  livre  la  Bible  des  soldats  ;  mais  quelle  bible  qu'un 
ouvrage  ou  fauteur  raconte  ses  meurtres ,  trace  toutes  les  horreurs  de  la 
guerre,  et,  bien  loin  de  montrer  le  moindre  regret ,  semble  se  complaire 
dans  ses  souvenirs!  M.  Chasles  a  dît  de  Montluc,  avec  autant  de 
vMié  que  d'énergie  :  ce  II  trempe  sa  plume  dans  le  sang  qu'il  a  versé.  » 

Nn  % 


?M  JOURNAL  ©ES  SÀVÀNS, 

: . , .  P'Aubîgné ,  guerrier,  poète.,»  négociateur  f  théologien ,  historien  et 
romancier t.  fut  aussi  distingué  par  sa  prose  que  par  ses  vers;  son 
humeur  satirique  donne  à  son  style  vif  et  ferme  de  la  vivacité  et  de 
la  verve;  le  Baron  de  Fencste  est  une  satire  de  moeurs  très- ingénieuse. 
«  D'Aubigné.,  a  dit  M.  Saint-Marc  Girardin  9  représente  à  lui  seul 
?»  fout  te  XVI.*  siècle.  » 

,  Montaigne  et  de  Thou  avoient  précédemment  été  les  sujets  de  deux 
concours  académiques;  M*  Chasles  et  M,  Saint-Marc  Girardin  onf  4u 
Fart  et  le  talent  de  rajeunir  les  éloges  de  ces  deux  grands  philosophes  du 
X?l/  siècle.  Mais  je  ne  m'arrête  pas  sur  cette  partie  de  leurs  discours-; 
£gime  mieux  faire  connoître  leurs  «opinions  sur  Rabelais,  dont  vraisem- 
blablement Téloge  ne  sera  pas  indiqué  pour  .sujet  de  prix  académique, 
ft«sur  la  Satire  Minippie,  qui  me  fournira  l'occasion  de  traiter  une 
question  de  critique  littéraire* 

Tout  ce  que  M.  Chasles  a  écrit  sur  Rabelais  est  plein  d'esprit,  de 
mouvement  et.  de  sagacité.  Je  citerai  quelques  traits  :  p  Plus  on 
s» étudie  les  moeurs  de  cette  époque,  plus  on  reconnoît  chez  Rabelais 
»  cette  açdoce  qui  s'est  attaquée,  non  aux  individus»  mais  aux  masses  : 
»J1  s'est  moqué  de  la  société  toute  entière;  et  quel  spectacle  elfe  lui 
»;pj;éseiHfti{!  une  politique  ambitieuse  et  perfide,  des  moeurs  grossières 
»,et  alfectées ,  par-tout  des  contrastes  et  des  ridicules.  Le  symbole  de 
»  cette  ambition  qui  dévoroit  tous  les  monarques  du  temps ,  c'est  la 
»  faim  qui  tourmente  Grandgousier. . .  • .  La  vénalité  des  fuges  » 
»  leur  bonhomie,  leur  ignorance,  ont  poqr  type  le  vieux  Bridoye, 
a  aïeul  du  Bridoison  de  Beaumarchais  ;  c'est  lui  qui  juge  les  procès 
»par  le  sort  des  dés,  et  qui  n'en  juge  pas  plus  mal.  Là  se  trouve 
»  cette  énumération  plaisante  des  ajournement,  comparutions,  com- 
y*  missions,  informations ,  productions ,  al /égarions,  contredits,  requêtes, 

*  répliques ,  dupliques  et  tripliques .  où  Racine  a  pris  l'idée  de  l'une 
»de;  tirades  lès  plus  comiques  des  Plaideurs.  Le  parlement,  c'est  la 
«taupinière  des  chats  fourrés,  où  Panurge  est  obligé  de  laisser  sa 
»  bourse.  Les  gloses  dont  Bartole  et  Accurse  ont  surchargé  Te  texte  des 
»  fois ,  c'est  la  broderie  d'une  belle  robe  de  soie ,  qui ,  traînant  dans  la 
»  boue ,  se  trouve  surchargée  de  franges  (Tune  nouvelle  espèce.  Pour 

*  que  rien  ne  manque  à  la  singularité  d'un  tel  écrivain ,  1  éloquence 
«noble  apparaît  tout- à-coup  dans  ses  ouvrages,  lorsqu'il  fait  parler 

*  un  roi  dont  le  territoire  est  envahi»  et  qui  réclame.,  avec  une  énergie 
»  admirable ,  contre  l'usurpation  de  ses  domaines*  II  y  a  quelque  chose 
a»  de  touchant  *t  d'élevé  «dans  le  portrait  de  Panurge,  pauvre  savant, 
»  si  malin  et  si  ,tuuf,  ,anradjé  à  ,îa  misère  par  Pantagruel ,  et  de^gu 


MAI  1830.  18$ 

»  son  ami  de  Coeur  et  son  confident  ;  caractère  esquissé  avec  «prit 
»  et  même  avec  grâce.  Ainsi  se  confondent,  dans  cet  étrange  génie,  Ja 
a»  raillerie  particulière  à  notre  nation ,  la  bouffonnerie  de  son  époque , 
»  l'allégorie  monstrueuse  et  métaphysique  née  du  moyen  âge  ,  l'éru- 
»  dition  qui  commencent  à  devenir  puissante.  »        . 

Je  regrette  que  la  langue  et  le  style  de  Rabelais  n'aient  pas  attiré 
f attention  et  les  observations  spéciales  de  l'auteur. 

L'article  de  Rabelais  termine  le  discours  de  M.  Saint-Marc  Girardin. 
«Education,  politique,  morale,  législation,  Rabelais  traite  de  tout 
»  dans  son  livre ,  et  par-tout;  ses  idées  devancent  les  opinions  de  son 
m  siècle.  Ponocrates  ,  dans  l'éducation  de  Gargantua,  prend  hardiment 
»  le  contrepied  de  l'éducation  des  écoles.  II  laisse  la  raison  se  développer 
»peu  à  peu;  point  de  contrainte  ni  d autorité  magistrale;  il  enseigne 
«à  réfléchir;  voilà  le  but  de  ses  soins.  Faisant  déjà  ce  que  nous 
«•essayons  encore  de  faire,  il  mêle,  dans  l'éducation  de  son  élève,  à 
»  Tétude  des  lettres  ,  Pétude  des  sciences  naturelles*  Rabelais  a  peint 
»  son  siècle,  mais  il  ne  Ta  pas  calqué  ;  il  a  pris  çà  et  là  les  traits  de 
»  ses  personnages;  il  n'a  fait  le  portrait  de  personne.  » 

Je  voudrais  citer  en  entier  le  portrait  de  Panurge;  il  est  (Tune 
piquante  vivacité,  d'une  vérité  frappante;  en  voici  la  fin  :  «  Eh  bien! 
»  qu'est-ce  Panurge  !  est-ce  l'évéque  de  Valencei  le  cardinal  de  Lor- 
»  raine  ,  ou  Rabelais  !  Eh  .non  !  c'est  Panurge ,  personnage  nouveau  , 
»  que  Rabelais  a  mis  au  monde  ,  et  que  je  reconnais  quand  je  le  ren~ 
»  contre.  Pour  doter  Panurge  de  tant  de  vices  et  de  passions  diverses , 
»  il  falloir  plus  que  le  caractère  d'un  cardinal ,  d'un  évêque ,  et  d'un 
*  moine  apostat.  Ghacun  à  son  tour  donnoit  sa  quote-part.  Rabelais 
m  alfoit  de  l'un  à  l'autre  ;  Monseigneur ,  un  peu  de  votre  -  rancune* 
»  un  peu  de  votre  prodigalité  pour  mon  Panurge!  —  Monsieur  ,  un 
»  peu  de  votre  insouciance  et  de  votre  génie  d'intrigue  ï  —  Et  vous , 
»  sire  docteur,  Un  peu  de  votre  érudition  :  c'est  pour  mon  Panurge, 
»  il  s'en  servira  pour  amuser  le  public  que  vous  ennuyez.  « —  Puis 
»  rentré  chez  fui  ;  et  moi ,  disoit  Rabelais ,  ne  donnerai-je  rien  !  Alors 
»  si ,  en  faisant  son  examen  de  conscience ,  il  trouvoit  quelque  vice  de 
»  bon  aloi ,  le  goût  de  la  table ,  ou  l'esprit  de  satire ,  il  le  partageoit  de 
w  bonne  grâce  avec  son  héros.  » 

La  Satin  Minippêe  a  pareillement  fourni  aux  deux  concurrens 
l'occasion  de  montrer  leur  sagacité  et  leur  talent.  L'un  et  l'autre  ont 
reconnu  et  retrouvé  dans  cette  satire  ingénieuse  le  caractère  de  ce 
vieil  esprit  .français  dont  ils  avoient  signalé  l'existence.  M.  Ghasles 
dit  :  *  Elle  fut  à- la-  fois  une  comédie ,  un  pamphlet  et  un  coup  d'état 


iU  JOURN-ÀL  DÉS  S  A  VAN  S, 

WOtte  satire  fraya  la  mite  de  Henri  IV  VERS  le  trône.nW  met  en  mou- 
vement fes  acteurs  de  cette  espèce  de  drame,  et  les  caractérise  avec 
autant  de  justesse  que  d'esprit. 

M.  Saint-Marc  Girardin  (a  représente  comme  un  véritable  drame. 
«Changez   un  feu  fa  forme  de  la  Satire  Ménippie>  ce   sera  une 

*  -comédie  à  la  manière  d'Aristophane;  les  personnages  sont  tous  prêts 
»  er  Faction  est  créée.  Levons  fa  toile.  »  Alors  il  amène  sur  la  scène  fes 
divers  acteurs  de  cette  comédie  politico-burlesque;  il  fes  fait  agir,  if  fes 
fait  parler;  et  nous  assistons  ou  nous  croyons  assister  à  une  représenta- 
tion théâtrale.  . 

Les  deux  concurrens,  en  parlant  de  fa  Satire.  Afénippée,  ont  supposé 
qu'elfe  fut  composée  à  Paris,  dans  fe  temps  où  fa  ligue  dominoit  le 
plus  insolemment,  et  qu'en  ia  publiant  fes  auteurs  de  cette  satire 
politique  eurent  fe  mérite  d'un  grand  dévouement.  «Les  moines,  dit 
»  M.  Chasles ,  la  pertuisane  sur  Pépaule ,  conduisoient  les  enfans  et  les 

*  femmes  en  procession  militaire;  le  parlement  décimé,  malgré  son 
»  héroïque  constance ,  n'imposoit  plus  aux  factieux  ;  des  milliers  de 

*  plumes  scofastiques  attisoient  fa  révofte;  et  le  Béarnais,  entouré  d'un 
»  petit  nombre  de  guerriers  fidèles  ,  épuisoit,  dans  des  combats  glo- 
»  rieur  et  sans  résultats ,  sa  valeur  et  sa  prudence  jusqu'alors  inutiles, 
»  Étrangers  aux  grands "mouvemens  qui  se  passoient  sous  leurs  yeux  et 
■à»  qu'ifs  né  pouvoient  arrêter,  environnés-  de  glaives  sanglans,  de 
»  crucifix  devenus  les  étendards  de  la  sédition,  et  d'un  peuple  qui 
»  mêloit  des  cris  de  rage  aux  prédications  de  ses  chefs ,  quelques 
»  bourgeois  et  quelques  gens  de  lettres ,  sans  caractère  politique , 
»  mais  non  sans  courage ,  opposèrent  à  la  fureur  des  partis  la  puissance 
»  du  bon  sens  et  du  ridicule.  Le  chanoine  Pierre  fe  Roi  les  recevoit  dans 
*>  sa  maison.  » 

Certes ,  je  suis  foin  de  vouîoir  rien  rabattre  du  talent  littéraire  ni  de 
l'estime  qu'on  accorde  aux  auteurs  de  la  Satire  Minippée  ;  mais  comme 
on  a  dit  et  répété  que  cette  satire  ne  fut  guère  moins  utile  à  Henri  IV 
que  fa  bataille  cTIvri ,  j'ai  été  tenté  d'examiner  plus  particulièrement  les 
circonstances  de  sa  publication. 

Dans  une  des  premières  éditions,  datée  de  i  S94>  l'imprimeur  s'ex- 
prime ainsi  :  «  Qu'à  la  vérité  je  l'avoîs  imprimée  à  Tours,  mais  que  je 
»  ne  Pavois  pu  achever  qu'au  temps  où  il  fallut  plier  bagage,  pour  s'en 
»  venir  en  cette  ville  (  Paris  ) ,  après  que  les  Parisiens  furent  retournez 
»  en  leur  bon  sens  et  réduits  à  l'obéissance  du  roi.  »  Dans  le  discours 
de  l'imprimeur  sur  l'explication  du  mot  hi^uUro  d'inferno;  &c,9  il  est 
dit  t  ce  D'après  que  la  copie  française  m'en  fut  premièrement  donnée  à 


MAI  1830.  a»7 

»  Chartres  au  sacre  du  roi .  &c.  »  Or  la  cérémonie  de  ce  sacre  n'avoit 

*  •  .  .  -  • 

eu  lieu  que  le  27, février  1 594.  Plus,  bas  on  lit  :  «  C'est  un  œuvre. ... 
11  que  j'ai  imprimé .  é^  .  Je  n'en  fis  au  commencement  à  Tours  que  sept 
»  ou  huit  cents  exemplaires  ;  mais  si  tost  qu'il  a&é  veu  à  Paris,  où  je. 
»  l'ai  apporté  avec  mes  presses  et  mes  meubles. .  . . ,  il  a  fallu  que  je 
m  Taie  imprimé  en  trois  semaines  quatre  fois,  &c.»  Si  nous  prenions  à 
(a  lettre  ces  expressions,  qui  peut-être ,  à  cette  époque  ,  tendoient  bien 
moins  à  donner  de  véritables  renseignemens  aux  lecteurs  qu'à. lés 
dépayser  %  puisque  les  éditions  ne  portoient  ni  les  noms  de  l'auteur 
et  de  l'imprimeur,  ni  même  le  nom  de  la  ville  où  elles  étoient  faites» 
il  faudroit  admettre  que  le  manuscrit  fut  remis  à  l'imprimeur  dès  la  fin 
de  février  1 594  9  et  que  l'édition  commencée  à  Tours  n'étoit  pas 
achevée,  quand  Henri  IV  entra  à  Parts  le  22  mars  suivant. 
-  Daps  fa  belle  édition  que  M.  Nodier  a  publiée  de  la  Satire  Ménippée, 
Paris  1824,  2  vol.  in-8.°  i  il  regarde  comme  originale  celle  dont  le 
titre  ne  porte  que  LA  vertu  du  catholicon:  cette  édition  se  dis- 
tingue par  la  figure  en  pied  d  un  charlatan  qui  joue  du  luth  ;  au-dessous 
de  la  figure  on  lit  six  vers;  l'obscénité  du  dernier  dispense  de  les  rap- 
porter (i).  Je  n'hésite  point  à  regarder  comme  originale  cette  édition , 
qui  porte  la  date  MDXCnn.  D'autres  éditions  portent  le  titre  de  Satire 
Minippie  ou  la  Vertu  du  catholicon,  et  la  date  de  1593:1!  est  évident* 
qu'elles  ont  été  antidatées,  puisqu'elles  ne  font  que  reproduire  le  texte 
de  celle  qui*en  1  jp4  fîh  intitulée  seulement  la  Vertu  du  catholicon*  Mais, 
sans  m'arrêter  à  ces  diverses  circonstances,  j'indiquerai  les  preuves 
incontestables  que  la  Satire  Ménippée  n'a  été  publiée  à  Paris  qu'après 
l'entrée  de  Henri  IV. 

Dans  la  harangue  de  M.  (TAubrai  pour  le  tiers-état,  on  trouve  une 
allusion  à  l'attaque  des  faubourgs  de  Paris  par  Henri  IV.  Cette  attaqué 
eut  lieu  le  four  de  la  Toussaint  1593;  voici  les  expressions  de  l'ora- 
teur :  ce  Nous  fus  m  es  esbahis ,  quand  au  lieu  de  veoir  ce  nouveau  roy  à 
m  la  Bastille  nous  le  veismes  dedans  nos  faux* bourgs ,  aveq  son  armée.,.. 
m  II  faut  confesser  que  sans  la  résistance  que  Iuy  fit  à  la  porte  de  Bussy. 
»  ungqui  lui  est  aujourd'hui  serviteur ,  il  nous  eut  pris  avant  que  fussiez 
»  arrivé.  »  Par  ces  mots  ungKqui  lui  est  aujourd'hui  serviteur,  il  est  bien 
évident  qu'il  s'agit  d'un  homme  qui,  depuis  la  rentrée  de  Henri  IV 
dans  Paris,  s'étoif  rallié  à  ce  prince  ;  on  croit  que  c'étoit  Christophe 
de  Bassompière,  père  du  maréchal. 

(1)  Ils  ont  été  imprimés  au  tome  II  des  éditions  de  la  Satire  Ménippée  en 
3  vol. //i-<?/ Jlatisbonne. 


*88  JOURNAL  DES  SàVàNS, 

i\  Une  autre  allusion  se  trouve  dans  un  passage  où,  après  îa  harangue  du 
sieur  de  Rieux ,  un  député ,  nommé  le  sieur  d'AngouIevent ,  parle  au 
nom  dé  la  noblesse  nouvelle.  <r  Et  commença  k  dire:  Àf.  le  douzième, 
.»  maïs  soudain  il  fut  interrompu  par  un  grand  bruit  de  paysans  qui 
»  estaient  derrière  le  députez  ,  lequel  estant  tin  peu  cessé ,  commença 
»  de  rechef:  M.  le  douzième  >  et  incontinent  le  bruict  se  leva  plus 
»  grand  que  devant ,  neaiitmeins  ne  laissa  pour  la  troisième  fois  de 
»  dire  :  M»  le  douzième  de  majt  &c.  »  Voici  la  clef  de  cette  allusion. 

Le  sieur  Damours,  conseiller  au  parlement ,  étoit  du  nombre  des 
magistrats  qui  n'a  voient  pas  suivi  à  Tours  le  roi  Henri  III.  Henri  IV 
étant  entré  à  Paris  le  22  mars  1594»  les  membres  du  parlement, 
qui  siégeoient  à  Tours,  revinrent  environ  un  mois  après,*  et  le  sieur 
Damours  fut  chargé ,  par  ses  confrères  de  Paris ,  d'aller  au  devant 
de  ceux  qui  retournoient.  Arrivé  à  Étampes ,  et  rendu  dans  la  chambre 
oit  se  trouvoit  '  M.  le  premier  président  de  Harfay ,  sans  considérer 
que  ce  magistrat  n'y  étoit  point  accompagné  des  autres  ,  il  commença 
sa  harangue  par  ces  expressions ,  M.  le  douzième  ;  mais  il  fut  inter- 
rompu, afin  que  Ton  appelât  les  autres  présidens:  ils  arrivèrent ,  et  jl 
commença  de  nouveau  ,  M.  le  douzième  de  may  ;  on  l'arrêta  encore , 
parce  qu'on  attendoit  M.  le  procureur  général  qui  étant  survenu, 
il  reprit  par  les  mêmes  mots.  Ce  douzième  de  mai  étoit  le  jour  des 
barricades  ;  on  juge  bien  qu'une  pareille  allusion  n'a  pu  être  Insérée 
que  dans  un  ouvrage  composé,  ou  du  moins  imprimé  9  après- le  retour 
du  parlement  à  Paris. 

Au  sujet  de  l'ordre  tenu  pour  (es  séances  des  états ,  on  lit  :  ce  M.  de 
>»  Sainct-Paul,  comte  de  Rethelois,  à  titre  de  précaire,  n'approchez  pas  si 
»  près  de  M.  de  Guise,  de  peur  de  réchauffer,  &c.  »  Le  comte  de 
Saint- Paul ,  de  simple  soldat  s'étoit  élevé  aux  plus  hauts  emplois  dans 
les  armées  de  la  ligue;  il  avoit  obtenu  la  dignité  de  maréchal  de 
France;  le  duc  de  Mayenne  l'avoit  nommé  lieutenant  général  de 
Champagne.  Quand  Henri  IV  fut  entré  dans  Paris  ,  le  comte  de  Saint- 
Paul  conçut  le  dessein  de  livrer  la  Champagne  aux  Espagnols ,  et  il  se 
fortifia  dans  Reims*  Le  duc  de  Guise ,  qui  déjà  négocioit  avec  le  roi , 
étant  venu  à  Reims  au  mois  de  mai  1 594 1  fut  choqué  de  la  manière  dont 
se  conduisoit  avec  lui  ce  parvenu,  qui  devoit  toute  sa  fortune  à  la 
famille  de  Lorraine.  Les  bourgeois  de  Reims  sollicitoient  le  duc  de  les 
délivrer  de  la  garnison  que  le  comte  de  Saint-Paul  tenoit  dans  leur 
ville,  fin  une  rencontre  du  comte  et  dû  duc ,  celui-ci ,  outré  de  ce  que 
le  comte,  en  refusant  ses  propositions  ,  mettoit  la  main  sur  la  garde  de 
*on  épée,  le  tua  sur-le-champ.  Ainsi  il  est  bien  évident  que»  le  passage 


e?7  MAI      I83O.':  !"  *8fr 

relatif au  comte  de  Saint-Paul,  qui  se  trouve  dans  toutes  les  éditions  de 
r«f>  t  5 9  j ,  fait  allusion  à  un  fait  arrivé  en  mai,  d'autres  disent  en 
avril  1 594  ,  mais  toujours  après  l'entrée  de  Henri  IV  dans  Paris. 

De  ces  diverses  observations ,  qu'a  fournies  Fexamen  des  premières 
éditions  de  h  Satire  Ménippic,  il  doit  rester  pour  constant  que  cette 
satire  fut  imprimée  depuis  l'entrée  de  Henri  IV  dans  Paris,  à  moins 
qu'on  ne  trouve  quelque  édition  antérieure  aux  autres ,  et  dans  laquelle 
ne  soient  pas  les  difféftntes  allusions  que  je  rapporte. 

Quand  j'ai  commencé  ces  recherches ,  j'avois  presque  peur  d'arriver 
à  une  certitude  qui  pouvoit  diminuer,  non  le  mérite  littéraire  des  auteurs, 
mais  la  juste  admiration  due  à  leur  intrépidité  ;  aimant,  comme  Français, 
l'opinion  qui  leur  flisoit  honneur  d'un  zèle  courageux,  je  craignois  de 
détruire  ce  préjugé ,  et  je  me  disois  comme  Montaigne  :  ce  Me  feroit 
»  desplaisir  de  me  desioger  de  cette  créance.  »  Sans  doute  la  circons- 
tance et  l'époque  de  fa  publication  n'affaiblissent  pas  le  mérite  de  ia  com- 
position et  des  détails  piquans  de  cette  satire  ingénieuse;  mais  il  faut 
beaucoup  rabattre  du  mot  déjà  cité  :  «  qu'elle  ne  fût  guère  moins 
»  utile  à  Henri  IV  que  la  bataille  cTIvri.  » 

Les  auteurs  de  cette  pièce  singulière  et  spirituelle  firent  un  noble 
usage  de  leurs  talens-:  en  rendant  ridicules  les  anciens  ennemis  du  roi , 
ils  exercèrent  sans  doute  une  utile  influence  sur  l'opinion  publique  ; 
mais  alors  on  pouvoit  la  soumettre  en  l'amusant,  tandis  qu'avant  Farrivée 
du  roi ,  (es  auteurs  n'eussent  pas  fait  rire  impunément  ses  fidèles  sujets , 
en  livrant  à  l'opprobre  et  au  ridicule  des  rebelles  obstinés ,  les  chefs  et 
les  partisans  de  la  ligue.  La  publication  de  la  Satire  Ménippic  en 
1  j  o  3  ,  à  Paris ,  eût  été  de  la  part  des  auteurs  un  acte  de  dévouement  ; 
en  1  J5>4  et  après  le  retour  du  roi,  ce  ne  fut  plus  qu'un  acte  de  fidélité. 

Je  terminerai  cet  extrait  en  répétant  que  les  deux  concurrens  ont 
obtenu  le  prix  par  un  mérite  égal ,  quoique  divers.  M.  Chasles  a 
voulu  peindre  une  galerie  de  portraits  ;  M.  Saint-Marc  Girardin  n'a 
voufu  faire  qu'un  grand  tableau.  Le  premier  intéresse  par  des  aperçus 
neufs ,  par  ia  variété  et  retendue  de  ses  discussions  littéraires  ;  le 
second  plaît  par  des  détails  spirituels ,  par  une  précision  piquante.  Tous 
deux  offrent  un  style  remarquable.  M.  Saint-Marc  Girardin  a  fait  un 
discours  brillant  ;  M.  Chasles  un  bon  ouvrage. 

RÀYNOUÀRD, 


Oo 


ipo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Xd-JL  Jad  Hamas  je  Carmin  a,  cum  Tebrisii  schoïiii  Integrïs, 

primum  edidit ,  indicïbus  instruxit,  versione  latina  et  toïnmen- 
tario  illustravit  Georg.  Guil.  Freytag,  D.  professor  linguarum 
orientaïium  in  nniversitate  Fridericia-Gmllclmia  :  pars  priar^ 
continent  îextum  arabicum  et  quatuor  indices.  Bonn»,  typis 
regiis  arabicfs,   1828  ;  xirj  et  ^32  jj^ges  in-4.9 

Le  recueil  d'anciennes  poésies  arabes  qui  porte  le  nom  de  Ham&sa, 
est  si  avantageusement  connu  depuis  long-temps  de  toutes  les  personnes 
qui  ne  sont  point  entièrement  étrangères  à  la  littérature  arabe ,  qu'il  seroit 
tout-à-fait  superflu  d'en  faire  l'éloge.  Le  titre  de  Hamas  a  convient  spé- 
cialement à  la  première  des  dix  parties. dont  se  compose  ce  recueil? 
partie  qui ,  formant»  à  peu  de  chose  près ,  la  moitié  du  volume,  renferme 
les  poésies  consacrées  à  la  bravoure  et  qu'on  peut  appeler  héroïques; 
mais  l'usagé  a  étendu  ccnom  à  tout  le  recueil.  Il  est  nécessaire  d'observer 
qu'il  existe  sous  ce  même  nom  plusieurs  recueils  semblables»  mais  qu'il 
s'agit  ici  du  plus  ancien  comme  du  pluscélèbre  de  tous,  qui  a  pour  auteur 
Abou-Témam  Habib,  poète  lui-même  d'une  très- grande  réputation  * 
mort  avant  fan  230  de  l'hégire.  Retenu  involontairement»  dans  le  cours 
d'un  voyage ,  auprès  d'un  prince  amateur  des  lettres  et  possesseur  d'une 
riche  bibliothèque,  Abou-Témam  employa  son  loisir  à  rassembler  les 
plus  beaux  morceaux  de  poésie  composés  par  les  poètes  arabes,  soit 
antérieurs,  soit  postérieurs  à  Mahomet.  «  Abou-Témam,  ai-je  dit  ail- 
»  leurs  (  1  ) ,  n'a  point  compris  dans  cette  collection  les  poèmes  célèbres 
»  nommés  Moallakat,  ni  ceux  qui  étoient  connus  de  tout  le  monde,  et 
»  qu'il  eût  fallu  copier  en  entier.  Beaucoup  des  morceaux  qu'il  a  choisis 
»  ne  paroissent  être  que  des  fragmens  de  poèmes  plus  longs.  II  n'y  a  fait 
«entrer,  par  une  réserve  assez  remarquable,  aucune  de  ses  propres 
»  compositions.  Abou-Témam  laissa  ce  recueil  entre  les  mains  du  prince 
»  dont  la  bibliothèque  lui  en  avoijt  fourni  les  matériaux ,  et  ce  prince, 
»  ainsi  que  ses  successeurs,  le  conservèrent  comme  un  trésor  dont  ils 
?»  étoient  jaloux .,  et  dont  ils  ne  vouloient  point  partager  la  jouissance 
»  avec  le  public.  Mais  ce  livre  survécut  à  leur  puissance;  et  lorsque, 
»  après  eux,  il  fut  connu  des  savans ,  il  fit  oublier  les  anciens  recueils  de 
»  poésies  arabeé.  Le  goût  qui  avoit  présidé  au  choix  des  poésies  qu'il 
»contenoit,  fit  même  dire  qu'Abou-Témam  avoit  été  meilleur  poète 


(1)  Journal  asiatique ,  tom.  X,p.  190. 


MAI  1830.  a$| 

it  dans  la  formation  du  Hamas  a  que  dans  ses  propres  compositions.  » 
Ebn -  Khallican ,  dans  ses  Vies  des  hommes  illustres,  rapporte,  à  l'ar* 
tide  consacré  à  Àbou-Témam  Habib ,  divers  traits  qui  prouvent  la  grand* 
réputation  dont  jouissoit  ce  poète,  et  le  prix  qpe.fes  princes  ses  cou* 
temporains  mettoient  à  être  célébrés  par  sa  muse,  de  leur  vivant  ou  après 
leur  mort.  Ce  n'est  donc  point  pour  rabaisser  le  talent  d'Abou-Témaro 
qu'on  a  porté  du  Hamas  a  le  jugement  qu'on  vient  de  lire  ;  c'est  au  con- 
traire ,  et  uniquement ,  pour  rehausser  le  mérite  des  poésies  contenues 
dans  ce  recueil. 

Dans  la  préface  que  M.  Freytag  a  mise  à  fa  tête  de  son  édition  du 
Hamasà,  il  s'est  occupé  d'abord  à  faire  sentir  les  avantages  qui  résultent 
de Tétude  des  langues,  considérée  en  elle-même,  et  abstraction  faite  des 
écrits  et  de  la  littérature  à  laquelle  cette  étude  donne  accès.  L'exer- 
cice qui  en  résulte  pour  nos  facultés  intellectuelles,  est  p;ar  lui-même 
d'un  grand  prix  ;  et  il  est  d'autant  pfus  utile  et  plus  fécond  en  résul- 
tats importans ,  que  notre  travail  a  pour  objet  un  langage  plus  éloigné 
dans  ses  formes,  de  celui  ou  de  ceux  auxquels  nous  sommes  habitués, 
et  hérissé  de  plus  de  difficultés.  Ces  qualités  lui  paroissent  se  réunir 
pour  recommander  Tétude  de  fa  langue  arabe.  De  plus ,  le  tangage  consr 
titue  une  partie  essentielle  de  l'histoire  des  peuples.  C'est ,  pour  qui  $ait 
en  tirer  parti,  un  témoin  qui  souvent  dépose,  avec  plus  de  ^fidélité  que 
les  monumens écrits ,  du  génie  d'une  nation,  de  son  caractère,  de  s%s 
mœurs,  du  degré  de  civilisation  auquel  elle  est  parvenue.  Et  cette  con- 
noissance  est  tellement  essentielie  à  l'histoire,  qui  doit  remonter  au  génie 
particulier  d'un  peuple,  pour  se  rendre  compte  des  causes  qui  ont  pro- 
duit les  événemens  les  plus  saillans  de  ses  annales,  que  celui  qui  écriroit 
l'histoire  d'une  nation  sans  en  connohre  fa  langue ,  et  seulement  d'après 
des  traductions,  manquerait  de  l'un  des  éfémeris  les  plus  essentiels  à  la 
critique  historique. 

Mais  si  à  l'étude  cFunelangue  considérée  ainsi  en  elle-même,  on  joint 
celle  de  fa  littérature  propre  à  cette  langue ,  on  voit  fe  champ  des  avan- 
tages que  produit  une  telle  étude  s'agrandir,  et  elfe  promet  à  ceux  qui 
s'y  livrent  du  plaisir  et  de  Futilité.  JEt  if  n'est  pas  nécessaire  pour  cela  que 
les  livres  qui  composent  fa  littérature  d'une  nation ,  aient  atteint  Je 
suprême  degré  de  là  perfection  et  soient  en  tout  conformes  au  goût  le 
plus  épuré.  Pour  n'être  pas  égales  aux  beautés  que  nous  offrent  fes  chefs- 
d'œuvre  de  fa  Grèce ,  celles  dont  fa  fittérature  arabe  nous  procure  la 
Connoissance ,  ne  méritent  point  le  dédain  qu'affectent  pour  elles  cer- 
taines personnes  dont  le  goût  trop  exclusif  n'est  certainement  pat 
exempt  de  préjugés  et  d'une  injuste  préoccupation. 

Oo  2 


'4  .  C.J» 

* 


±9t  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Quant  k  l'utilité  de  l'étude  des  écrivains  arabes ,  quiconque  réfléchira 
tant  soit  peu  sur  le  rôle  qu'ont  joué  dans  le  inonde  les  Arabes  depuis 
que  l'islamisme  en  eut  fait  un  peuple  conquérant,  ne  sera  pas  tenté  de 
la  révoquer  en  doute.  Seulement  il  pourra  se  trouver  des  personnes  qui 
regarderont  comme  un  temps  perdu  celui  que  Ton  consume  à  pénétrer 
assez  avant  dans  la  connoissance  de  la  langue,  pour  pouvoir  lire  avec 
fruit  les  poésies  soit  anciennes»  soit  modernes,  et  qui  voudroient  qu'on 
se  bornât  à  entendre*  f arabe  tout  juste  autant  qu'il  est  nécessaire  pour 
traduire  les  annalistes  ou  les  géographes. 

M.  Freytag  répond  d'abord  qu'il  est  difficile ,  souvent  même  impos- 
sible, de  s'imposer  ainsi  une  certaine  borne  de  médiocrité  dans  une  étude 
quelconque ,  quand  on  se  sent  capable  d'aller  plus  loin  dans  la  carrière 
où  l'on  est  entré.  II  auroit  pu  ajouter  que,  quand  on  est  capable  d'un 
pareil  sacrifice ,  on  reste  presque  toujours  en  deçà  du  terme  qu'on  s'est 
prescrit,  et  l'on  ne  possède  qu'imparfaitement  le  degré  même  de  cou- 
noissances  qu'on  n'a  pas  voulu  dépasser* 

Notre  auteur  pense  que  plusieurs  de  ceux  qui  ont  publié  des  poésies 
arabes,  ont  contribué  à  jeter  de  la  défaveur  sur  ce  genre  de  littérature, 
en  exagérant  le  mérite  de  ce  qui  étoit  dçvenu  l'objet  de  leur  travail.  Us 
ont  été  cause  qu'on  a  jugé  de  l'ancienne  poésie  des  Arabes  d'après  des 
compositions  assez  modernes,  oh  l'art  se  fait  plus  sentir  que  la  nature» 
et  dans  lesquelles  une  sorte  de  coquetterie  et  des  grâces  affectées  rem- 
placent les  beautés  mâles  et  les  traits  vigoureux  qui  caractérisent  les 
poètes  anciens.  Ce  n'est  pas  k  dire  qu'il  faille  négliger  entièrement  ces 
compositions  modernes ,  puisque  la  comparaison  même  des  produits 
de  différens  âges  appartient  aussi  à  l'histoire  de  la  nation,  et  que  d'ail- 
leurs ceux  qui  se  livrent  à  cette  étude  et  qui  veulent  contribuer  à  ses 
progrès  et  payer  leur  tribut  à  la  littérature,  ne  sontpas  toujours  maîtres 
de  leur  choix. 

Au  surplus ,  ramenant  la  question  à  la  publication  des  poésies  que 
contient  le  Hamasa,  M.  Freytag  observe  avec  raison  que  ces  poésies 
sont  loin  de  manquer  d'un  intérêt  historique,  et  qu'elles  contribuent 
puissamment  à  nous  faire  connoître  (a  caractère  héroïque  des  tribus  qui 
habitaient  l'Arabie,  la  nature  de  leurs  guerres  intestines ,  et  plusieurs  des 
hommes  qui  se  sont  distingués  par  leur  bravoure ,  leur  générosité ,  ou 
leurs  aventures  chevaleresques,  dans  les  temps  antérieurs  à  Mahomet» 
ou  dans  les  deux  premiers  siècles  de  l'islamisme. 

Après  ces  observations  générales,  M.  Freytag  consacre  les  dernières 
pages  de  sa  préface  à  donner  une  idée  du  recueil  qu'il  publie»  à  faire 
connoître  en  peu  de  mots  l'auteur  de  ce  recueil»  Abou-Témam»  et  le 


MAI  1830.  A93 

commentateur  Àbou-Zacariyya  Yahya  Tebrizi.  Ce  savant  grammairien 
a  composé  trois  commentaires  sur  le  Hamasa.  Celui-que  publie  M.  Frey- 
tag tient  le  milieu  entre  les  deux  autres  t  dont  l'un  est  beaucoup  plus 
étendu,  dit -on,  et  l'autre  plus  concis.  Enfin  M.  Freytag  décrit  le  ma- 
nuscrit dont  il  a  fait  usage,  et  qui  appartient  à  la  bibliothèque *Ie  Funi- 
yersité  de  Leyde.  Ce  manuscrit  se  distingue  par  quelques  particularités 
dans  l'orthographe 9  particularités  auxquelles,  en  général»  M.  Freytag 
a  cru  devoir  se  conformer.  Je  n'extrairai  de  tous  ces  détails  que  Ja 
division  du  recueil  en  dix  livres,  et  j'indiquerai  en  même  temps  Fespace 

que  chaque  livre  occupe  dans  l'édition  dont  je  rends  compte. 

• 

I.  £»Ui  oL    De   la  bravoure  et  de   la  gloire   des  armes , 

.psg.Y***- 

II.  vILh^  lJ*  Chants  funèbres,  ou  complaintes  en  l'honneur  des 

morts,  pag.  366-497- 
IN.      <_oVt  ç>L  Règles  de  conduite  dans  la  société,  pag.  498*537* 

IV.  *    iy^^jJlV^lj  Poésies  érotiquesî  pag.  538-625. 

V.  p\^i\  <_>Ij  Poésies  satiriques ,  pag.  626-684. 

VI.  £juj(j  o^yf  olj  Poésies  relatives  à  l'hospitalité ,  et  enco- 

miastiques ,  pag.  685-782. 

VII.  oU-aJI  ^Q  Poésies  descriptives,  pîig.  783-785. 

VIII.  jmUjJIj  ji^J]  ljL  Des  voyages  et  du  sommeil ,  p.  yZ6-y^6. 

IX.  JUif  c^L, Facéties,  pag.  797-812. 

X.  #LjJI  £ix*  cj[j  Critique  des  femmes,  pag.  81 3-824. 

Plusieurs  de  ces  titres  sont  un  peu  vagues»  et  ne  tracent  pas  des  li- 
mites bien  déterminées. 

•  J'ajouterai  tout  de  suite  l'indication  des  quatre  tables  que  M.  Freytag 
a  jointes  à  ce  recueil ,  et  qui  seront  d'une  grande  utilité. 

I.  Table  des  noms  de.  poètes  ou  autres  personnages  dont  il  est  fait 

mention  dans  le  Hamasa,  pag.  81 5-8  5  5  ; 

II.  Table  des  noms  propres  de  lieux ,  pag.  8  5  6-862  ; 

III.  Table  des  mots  ou  des  termes  de  grammaire  expliqués  dans  ce 

recueil ,  pag.  8  62-9 17; 

IV.  Table  des  rimes  employées  dans  le  Hamasa,  pag.  918-932. 
Cette  dernière  table  facilitera  singulièrement  la  recherche  des  mor- 
ceaux de  poésie  contenus  dans  ce  recueil. 

Le  volume  dont  nous  rendons  compte  est  intitulé  Parsprior;  et  Ton 
voit,  par  le  titre  même  de  l'ouvrage,  que  M.  Freytag  se  propose  de 
publier  une  féconde  partie ,  qui  contiendra  fat  traduction  et  un  coin* 


^*  JOURNAL  ©ES  5ÀVÀNS,, 

gantent  K  nous  semble  que  M.  Freytag  pourroit  se  borner  à  traduire 
II*  i*M*ies  contenues  dans  le  H  amas  a.  Quant  au  commentaire  de  Te- 
|t«H>  S  sulfiroit  peut-être  <f  éclaircir  par  des  notes  les  passages  qui  po*r» 
toteot  avoir  quelque  obscurité,  et  de  donner,  autant  que  possible, 
fatpiication  des  vers  isolés  cités  par  le  commentateur,  et  qui,  détachés 
yjftv  de  ce  qui  doit  les  précéder  et  lès  suivre ,  présentent  souvent  des 
énigmes  difficiles  à  deviner.  Une  traduction  complète  du  Commentaire 
ne  sera  pas  d'une  grande  utilité,  attendu  que  tout  ce  qui  tient  aux 
ternes  techniques  de  la  grammaire ,  est  presque  toujours  plus  facile  à 
comprendre  dans  le  texte  que  dans  une  traduction  quelconque.  D'ail- 
leurs c'est  un  exercice  très-utile  pour  les  étudians,  d'avoir -à  se  rendre 
compte  à  eux-mêmes  des  analyses  gramaticales ,  et  en  peu  de  temps  la 
pratique  fait  disparoître  les  difficultés  de  ce  genre  de  travail. 

Comme,  jusqu'à  présent,  M.  Freytag  n'a  publié  que  le  texte,  et  que  je 
n'ai  a  ma  disposition  aucun  manuscrit  complet  du  commentaire  de  Tebrizi 
que  je  puisse  comparer  avec  l'imprimé,  je  dois  me  borner  à  dire  que,  dans 
l'usage  que  j'ai  fait  jusqu'ici  de  cette  édition  pour  mon  cours  de  langue 
arabe ,  je  n'ai  trouvé  que  très  -  rarement  des  endroits  qui  m'aient  laissé 
quelques  doutes,  et  que  je  n'ai  guère  été  arrêté  que  par  quelques-uns  de 
ces  yers  isolés  dont  je  parjois  tout-à-Theure,  et  où  il  seroit  presque 
toujours  téméraire  de~  hasarder  des  corrections  conjecturales. 

M.  Freytag  a  placé  avant  le  texte  une  préface  écrite  en  arabe,  dans 
laquelle  il  rend  compte  des  motifs  qui  font  engagé  ti  entreprendre  l'é- 
dition de  ce  livre ,  et  il  exprime  sa  reconnaissance  envers  le  savant  pro- 
fesseur de  Leyde,  M.  Hamaker,  qui  lui  a.  procuré  la  facilité  de  copier 
le  manuscrit  de  Leyde,  et  envers  les  personnes  desquelles  il  a  reçu  des 
çncouragemens.  Il  ne  pouvoit  point  oublier,  dans  cette  expression  de  sa 
gratitude,  S.  M.  le  roi  de  Prusse,  à  qui  l'université  de  Bonn  doit  son  exis- 
tence, et  qui  protège  si  généreusement  tous  les  genres  .d'études,  et  spé- 
cialement celles  qui  ont  pour  objet  les  langues  et  les  littératures  de 
rOrient.  Cette  préface  nous  a  paru  écrite  d'un  style  élégant  et  qui  an- 
.    nonce  un  écrivain  familiarisé  avec  la  phraséologie  arabe. 

Un  caractère  frappant  des  poésies  contenues  dans  le  Hamas  a,  c'est 
que,  bien  qu'elles  remontent  aux  époques  les  plus  anciennes  de  la  litté- 
rature arabe,  et  que  la  langue  s'y  montre  avec  toute  sa  richesse  et  toutes 
les  figures  du  langage,  telles  que  les  transitions  brusques,  l'inversion* 
la  réticence,  l'ellipse,  &c,  cependant  elles  sont ,  en  général,  moins  dif- 
ficiles k  entendre  que  les  compositions  des  poètes  plus  modernes ,  tels 
que  Moténabbi ,  Abou'lala ,  Omar ,  fils  de  Faredh ,  &c.  La  raison  en  est 
que  ces  poètes  anciens,  plus  vrais  dans  la  peinture  des  objets  et  des  senti- 


MAI  1830.  *jj 

m*n$,  n'ont  pas  recours ,  pour  orner  leurs  pensées  et  relever  le  mérite 
de  leur  style,  à  cet  abus  de  l'imagination,  à  ces  métaphores  bizarres  et 
gigantesques,  à  ces  hyperboles  outrées  que  les  poètes  (Tune  école  plus 
moderne  ont  recherchées  à  l'envi,  renchérissant  toujours  les  uns  sur  les 
autres» 

J'ai  eu  plusieurs  fois,  dans  ce  Journal,  l'occasion  de  relever  ces  dé* 
fauts  des  poètes  arabes,  défauts  très-réels,  mais  qu'on  a  parfois  exagérés , 
pour  envelopper  dans  une  condamnation  commune  toute  la  poésie 
orientale.  Je  citerai  aujourd'hui  quelques  morceaux  pris  au  hasard  dans 
les  diverses  parties  du  Hamasa,  pour  justifier  le  jugement  favorable  que 
je  porte  des  poésies  contenues  dans  ce  recueil ,  et  du  goût  qui  a  présidé 
k  sa  formation. 

Mais  je  dois  prévenir  les  lecteurs  que  si,  dans  le  Hamasa,  on  est 
rarement  arrêté  par  ces  abus  de  l'esprit  et  de  l'imagination  qui  déparent 
les  compositions  des  poètes  modernes,  la  nature  même  fragmentaire  de 
ce  recueil,  l'incertitude  qui  règne  souvent  sur  les  faits  auxquels  les 
auteurs  font  allusion,  et  la  diversité  des  traditions  sur  les  circonstances 
qui  ont  été  l'occasion  de  ces  chants  héroïques,  élégiaques,satiriqpes,  &c, 
font  naître  un  autre  genre  de  difficultés  assez  graves. 

Les  vers  suivans,  qui  ont  pour  auteur  Amrou,  fils  de  I^aadi-Carb, 
sont  tirés  du  premier  livre ,  page  81. 

«  Ce  ne  sont ,  crois-moi,  ni  les  vêtemens  que  l'homme  ceint  autour 
»  de  ses  reijis ,  ni  le  manteau  dont  il  s'enveloppe,  qui  font  la  beauté* 
»  La  beauté,  c'est  une  origine ,  ce  sont  des  vertus  qui  procurent  un  pa- 
ît trimoine  de  gloire.  J'ai  préparé,  pour  les  opposer  aux  coups  de  la 
»  fortune,  une  ample  armure,  un  coursier  léger,  robuste,  vigoureux» 
»  et  un  glaive  étincelant ,  propre  à  fendre  les  casques  et  les  cuirasses. 
»  Je  savois  que  le  jour  de  cette  affaire  j'aurois  à  combatre  Caab  et  Nehd  ; 
»  ces  braves  qui ,  quand  ifs  se  revêtent  de  leur  armure  de  fer  ou  de  cuir» 
»  ressemblent  à  des  léopards  en  furie.  Au  jour  du  combat,  l'homme  ne 
3»  peut 'opposer  aux  dangers  que  les  armes  dont  il  a  eu  soin  de  se  munir 
»  d'avance.  Lorsque  j'ai  vu  nos  femmes  précipiter  leur  fuite,  en  foulant 
»  aux  pieds  un  sol  dur  et  pierreux  ;  lorsque  Lamis  (  dépouillée  de  son 
»  voile),  a  paru  comme  la  pleine  (une  (qui  se  montre  au  milieu  du  ciel)  ; 
»  fotsque  ses  charmes  qu'elle  avoit  coutume  de  cacher ,  se  sont  montrés 
a»  à  découvert,  et  que  le  danger  ne  permettait  plus  de  retard,  j'ai  atta- 
»  que  le  chef  de  nos  ennemis,  et  je  n'ai  pas  hésité  à  diriger  mes  coups 
»  contre  ce  bélier  (redoutable),  lis  font  vœu  de  verser  mon  sang;  et 
»  moi,  si  je  les  rencontre,  j'en  fais  le  vœu  solennel,  je  me  précipiterai 
»  sur  eux.  Hélas  !  combien  de  fois  déjà  j'ai  de  mes  propres  mains  déposé 


i$6  JOURNAL  DES  SÀVÀNS/ 

»  dans  la  fbsse.un  frère  dont  Famitié  m'étoit  précieuse  !  Je  ne  me  sttra 
»  pour  cela  ni  abandonné  au  chagrin,  ni  laissé  aller  au  désespoir;  mes 
»  pleurs  ne  m'auroient  rien  rendu  (de  ce  que  j'avois  perdu  )•  Je  l'ai  en* 
»vefoppé  de  ses  vêtemens  :  car,  au  jour  de  ma  naissance,  j'ai  reçu 
»  un  cœur  ferme ,  pour  remplacer  les  braves  que  le  temps  a  moissonnés , 
»  pour  servir  de  rempart  contre  les  ennemis.  Ceux  que  j'aimois  ont 
30  disparu ,  et  je  suis  resté  seul  comme  est  fépée  (dans  le  fourreau  )»  » 

Le  même  livre  me  fournira  encore  un  beau  fragment  de  poésie  ;  il  a 
pour  auteur  un  poète  nommé  Miswar,jils  de  ZîyaJa,  à  qui  Saïd,  fils 
d'Asi,  avoit  offert  de  payer,  pour  le  prix  du  sang  d'un  de  ses  proches 
qui  avoitrété  tué,  une  indemnité  sept  fois  aussi  forte  que  celle  que  l'usage 
avoit  fixée.  Miswar  se  refusa  à  tout  arrangement,  et  exprima  sa  résolu- 
tion de  se  venger  par  les  vers  suivans  (page  119): 

»  Quoi  donc,  après  la  perte  de  celui  que  recouvrent  aujourd'hui  la 
»  terre  et  une  pierre  sépulcrale ,  et  qu'a  reçu  en  dépôt  le  flanc  de  la 
9»  montagne  de  Cowaïkib ,  ose-ton  me  parler  d'épargner  le  sang  de 
»  l'homme  qui  m'a  porté  un  coup  si  cruel  !  N  on,  je  n'ai  point  d'autre  grâce 
»  &  fui  faire  que  de  poursuivre  sur  lui  sans  relâche  ma  juste  vengeance; 
»  O  enfàns  de  notre  oncle ,  si  je  ne  venge  pas  mon  injure  aujourd'hui 
3»  ou  demav  »  k  temps  viendra  à  la  longue  où  je  serai  plus  heureux. 
»  Puisse  ma  famille  ne  jamais  invoquer  mon  assistance  au  jour  du  dan- 
»  ger  9  si  je  ne  me  hâte  de  porter  ou  de  recevoir  le  coup  mortel  !  Vous 
39  avez  fait  une  fois  reposer  sur  nous  la  guerre  de  tout  le  poids  de  son 
»  corps;  nous  la  ferons  aussi  reposer  de  tout  son  poids  sur  vous.  J'en- 
»  tends  des  hommes  qui  n'ont  jamais  perdu  par  un  crime  un  père  ou  un 
a»  frère,  me  dire  :  Accepte  le  prix  qui  t'est  offert  pour  apaiser  ta  ven- 
»  geance.  Homme  généreux,  il  a  été  attaqué  par  une  troupe  nombreuse 
ttde  loups;  avant  de  se  douter  de  leurs  perfides  desseins,  il  en  a  été 
»  surpris  et  environné  de  toute  part.  Abou-Arwa  s'est  présenté  à  mon 
»  souvenir ,  et  j'ai  laissé  couler  de  mes  yeux  un  torrent  de  larmes  qui 
»  setabloit  ne  devoir  jamais  cesser  de  leur  dérober  le  jour.  » 

L'invective  suivante  mérite  aussi  de  trouver  ici  une  place,  quoiqu'elle 
J>erde  beaucoup  de  sa  force  et  de  sa  noblesse  dans  une  traduction.  On 
f attribue  à  un  poète  nommé  Abou-Hclal  Hakem  Fijarî,jils  de  Zohra, 
ou  à  Owaïf-A/kawafi ,  dont  j'ai  parlé  dans  mon  Anthologie  gramnthtU 
cale  ara  ht,  p.  459 .  Elle  est  dirigée  contre  la  tribu  de  Webr,  fils  d'Adh- 
bat,  qui  faisoit  partie  des  descendans  de  Kélab  (p.  1  ai  ). 

ci  La  bassesse  elle-même  est  plus  noble  que  Webr  et  que  son  père;  la 
»  bassesse  est  plus  noble  que  Vebr  et  que  sa  postérité  entière.  Ce  sont 


,'"-•■.'  'MAr  t$$a. '■'.'.  j.'u  t& 

aides  gens  qui  n'ont  point  11  craindre  ,  quanti  J?ua  d'entre,  eux  commet 
v  un  crime ,  qu'on  verse  leur  sang  pour  en  tirer  vengeance  ;  la'  bâtante 
•i  de  leur  extraction  les  met  à  couvert  de  tout  danger.  La  bassasie'eat  la 
*•  jnaladie  qui  cause  la  mort  des  enfant  de  "Webr  ;  Jamais  ils  ae  perdront 
«la  vie  par  aucune  autre  maladie,  n 

•:i3e  vais  maintenant  citer  quelques  fragmens  du  livre  consacré  aux  éjé- 
gfes  funèbres  ou  complaintes.  ','■■•' 

Un  Arabe  nommé  Robayyia  avoit  un  fils  nommé  Dhévab,  qui  tue 
dans  une  action  Otalba ,  fils  deHarith,  de  la  famille  de  Yarboua.  Dhé- 
wab, dans  cette  même  journée,  fut  fait  prisonnier  par  Rébi,  fils  d'Ow 
tsiba-,  qui  ignorait  que  son  père  Otaïba  avoit  péri  de  la  main  dé  Dhéwab. 
En  conséquence,  Robayyia  étant  venu  pour  traiter  du  rachat  de  son  fils 
Dhéwab-,  Rébi  consentit  a  recevoir  pour  rançon  un  certain  prix,  et  il 
aut  convenu  qu'à  J'époque  de  la  prochaine  foire  d'Occadh ,  Rébi  y  con» 
duiroit  son  prisonnier,  et  Robayyia  s'y  rendrait  de  son  côté  avec  le  prix 
eonvenn.  Celui-ci  se  trouva  en  effet  au  rendex-vou»;  niais  Rébi ,  retenu 
par  je  ne  sais  quel  obstacle,  ne  s'y  rendit  wint.  Robayyia  s'imagina  que 
Rébi  avoit.  apprit  que  Dhéwab  étoit  le  meurtrier  de  son  père,;  et,  en, 
conséquence ,  Favoit  fait  mourir.  Alors  il  exhala  sa  douleur  par  les  vers 
-juiivans  (pag.  387): 

...  a  Voyageur,  si  tu  te  rends  parmi  les  descendais  de  Djafar  (Pjafar , 
»  pétit-fis  de, Yarboua ,  étoit  un  des  aïeux  cPOiai'ba ) ,  dis-leur  que  je  ne 
»  veux  plus  avoir  rien  de  commun  avec  les  enfànj  de  Djafar,  fils  de 
17  Kélab.  I.a-pair  e,t.ramitié  entré  nous  ne  sont  plus  que' comme  un  vè- 
"w.iement'a^étôflê'àu.Yémen ,  déchiré  et  usé  par  !é  frottement.  O  DMj- 
nwaBj'je  [faTni'raît  don  dé  ta  vie,  ni  trafiqué  de  ton  sang  au  jour  ou 
»  le  commerce  rassemble  les  marchandises  étrangères.  S'ils  Ùiril  dijnhe 
»ta  mort,  déji  tu*  as  renversé  de  tond  en  comble  leurs  KaBit^uons  en  la 
"îs  personne  'd*Oiaïta ,  fils  de  Hàrith  et  petil-nTs  de  Schéhab":  pàrini  eux , 
»  il  o'en  étoit, aucundont  la  fureur  fut,plus  redoutable  à  Jeu/s  epnejiiis", 
l»aucun  dont^aperte.inspirât  plus  de  regrets  à  ses  amtsl»  '  ,' 
.'  '  La  complainte  suivante  a  pour  auteur  Horéîth,  fils  de  Zéîd-elkninT, 
'non!  Mahomet  changea  le  nom  en  celui  dé  "Zïiâ~t!kkait.  Voici  q'pefle 
""'en'rïitrdc'ca'sioH.  Le  ltJialrre.Qrijàr' avoit  envoyé  dans  le  désert  un  hotiime 
nommé  Aùou-Sofian,  pour  exercer  les  Arabes. à  la  lecture,  et  îl  (ni  avoit 
recommandé  de  donner  des  coups  a  ceux  qui. ne  firoîent  point.  Un  ctJU- 
iîn  de  Zérd-elkKsïr,  nommé  Ans ,fi(s  "de  JCkatèd,  n'ayant  pas  lu  cohnWe 
lé  lui  ordonnoit  Abou-Soflan,.ce!ui-çi'Ie  Çappà  si  rudemeot  àu*tl=<fe 
mourut.  Pendant  que  sa  mère  et 'sa  fille'  le  pléùrorenf  en  poussant 'dA 
cris,  Horëïih  survint,  entra 'JarîVle'u^ ou" se^Uv^^fcSoftm ,4l 

*P 


lot  JOURNAL  DES  S  A  VANS, 

le  tua ,  .ainsi  qtt  les  gens  de  sa  suite;  pois  ii  Improvisa  les  vers  que  v oïci 
(page  38*):      ' 

«  Le  funeste  message  s'est*  hité  de  proclamer  lataott  cTAus,  fils  de 

*  Khaletf  ,  de  celui  qui  êtoit  la  ressource  des  hivers  au  vent  glacial  et  des 
»  temps  de  disette.  S'ils  ont  donné  fa  mort  à  Aus  par  une  perfide  trahi» 
»  son,  fai  laissé  Abou-Sofian  percé  et  renversé  sur  sa  selle.  O  mère 
»  d'Aus  !  ne  t'abandonne  pas  au  chagrin  ;  car  fa  mort  n'épargne  ni  cefaf 
»  qui  marche  riu«pieds,  ni  «fur  qui  a  une  chaussure.  Nous  avoris  vengé 
»  ceux  d'entre  nous  qui  ont  été  tués,  eh  immolant  à  notre  colère  une 
n  troupe  de  nobles  victimes,  et  nous  n'avons  pas  voulu  qu'il  nous 

*  aevfnt  de  leur  tfang  le  moindre  profit  ,non  pas  même  quelque»  dattes 
j»de  rebut.  Si  ce  n'étbit  la  patience  dont  je  suis  doué,  je  ne  conserve- 

*  rois  pas  la  vie  un  instant;  mais  je  sais  que  toutes  les  fois  que  Je  le 
»  voudrai,  je  trouverai  des  braves  comme  moi  prêts  à  répondre  k  mon 

*  appel.  » 

J'observerai  ici  que  le  commentaire  de  Tebriri  n'est  pas  toujours 
aussi  satisfaisant  qu'on  le  c^p-eroh.  Par  exemple  >  dans  ce  dernier  moé* 
ceau ,  il  n'explique  point  quel  étoit  le  but  d'Omar  en  envoyant  Abot»- 
Sofian  vers  les  Arabes  du  désert,  pour  exiger  et  eux  qu'Us  lussent 
fujsù^Jy  et  en  lui  enjoignant  de  punir  par  des  Coups  eeiix  f*i  ne 

liroient  tien  t£*  Iji*  V  ^  ..  Ce  fait  ne  m'est  point  connu  d'ailleurs.  Le  but 
cTÔmar  éroit-il  de  s'assurer  qu'ifs  étoiént  en  état  de  lire  TÀicoran  î  C'est, 
ce  me  semble,  la  sfcfe  supposition  raisonnable;  car  celui  qui  f&isoit dé- 
truire par  l'eau  et  par  Je  feu  les  livres  des  Perses  et  la  bibliothèque  (f  A- 
fexandrie,  n'étoit  pas,  sans  doute,  fort,  zélé  pour  Ja propagation  des 
lumières. 

Autre  observation.  Lps  deux  complaintes  que  f  aï  rapportées  présentent 
une  difficulté  grammaticale  sur  laquelle  je  m'étonne  que  "ïebrizi  ne  se 
soit  pas  arrêté. 

Zéid-elkhaïl  savoit  qu'Aus,  fils  de  Khaled,*  avoit  été  tué  par  Àbou- 
Sofian.  Robayyia,  père  de  Dhéwab ,  étoh  persuadé  que  son- fils  avoit  été 
reconnu  pour  le  meurtrier  d'Gtaïba,  et  que  Rébi,  fils  cTOtaïba,  lui 
avoit,  en  conséquence,  donné  la  mort,  quoique f  dans  le  fait,  le 
meurtre  de  Dhéwab  n'ait  eu  lieu  que  plus  tard.  Cependant ,  au  lieu  de 
dire,  comme  je  l'ai  fait ,  s'ils  fvnt  dopnf  la  mort,  Fun  et  l'autre  poète  ont 
dit,  Jjl^y  o' >  ce  qui  >  suivant  l'usage  constant  de  la  langue, 
lignifie,  s'ils  te  tutnt\  ou,  plus  à  la  lettre r/ilste  tueront.  Je  pense  que 
c'est  à  la  rhétorique  et  rtojn  à  la  grammaire  qu'il  faut  demander  ia  solution 
^e  trçtfe  difficile.,  efc^ê^'est  ici  un  eu^épjsme  dtsdné  IfA^u  Pex- 


.  MAI.  1830*  *  '  xpjt 

pression  d'une  idée  qui  came  une  très-vive  douleur*  Ptiisqm  H  est  bim 
reconnu  qi/en  arabe  on  emploie  le  prétérit  au  lieu  du  présent  poor 
donner  plus  d'énergie  à*!  affirmation ,  que ,  sans  doute  dans  le  même 
but,  on  se  sert  constament  du  même  temps  pour  exprimer  l'optatif ,.  il 
est  assez  naturel  de  penser  que»  pour  affaiblir  renonciation  des  idée* 
affligeantes,  et  laisser,  pour  ainsi  dire,  quelque  incertitude  dans  l'ex- 
pression de  ce  qui.  est  certain,  on  aura  substitué  le  futur  au  passé. 

On  aura  donc  dit  <Jjkxj  ^1 ,  au  lieu  de  SJxi  \j\f  0t,  comme  l'auroit 
eongé  la  grammaire.  Je  regrette  que  le  commentateur  n'ait  rien  observé 
il  ce  sujet. 

J'ai  remarqué  quelque  part  (page  373),  dans  le  commentaire  de 
Tebrizi,  une  opinion  qui  m'a  paru  digne  d'être  consignée  ici,  quoique 
je  écris  peu  disposé  à  -l'admettre.  On  sait  qu'en  arabe,  après  ta  con- 
jonction^» si,  et  après. tous  les  autres  mots  qui  renferment  une 

idée  conditionnelle,  analogue  à  celle  qu'exprime  cette  conjonction, 
mots  que  les  grammairiens  appellent  •fjL^Jf  Jk>  les  verbes  sont  roç 
<f ordinaire  au  prétérit,  qu,  ce  qui  équivaut  à  un  prétérit,  à  Fao- 
tfste  conditionnel  (on  futur  apocope  d'Erpçnius ),  et  doivent  être  tra- 
duits par  Je  futur.  Tebrizi  affirme  qu'il  faut  excepter  de  cette  règle  le 
verbe  ^k",  être,  qui,  dans  ce  cas,  conserve  la  valeur  du  passé;  et 
favois  déjà  remarqué  la  même  doctrine  dans  d'autres  grammairiens 
arabes.  Suivant  Tebrizi,  le  verbe  ^k"  jouit  de  cette  prérogative, 
i  cause  qu'il  exprime  avec  une  forcé  toute  particulière  l'idée  de  venir  à 

Fexhttnct,  oîo^Vt  ^  »jLJt  J  <Çti.  J'ai  expliqué,  par  un  prin- 
cipe plus  général  et,  si.  je  ne  me  trompe,  plus  philosophique, 
f effet  que  produit  Finterposition  du  verbe  y\f  entre  la  conjonction 

*  * 

£)? ,  et  un  verbe  au  prétérit ,  pour  détruire  finfïuence  conversive  de  la 
Conjpnction ,  comme  cela  a  lieu  dans  Ce  passage  de  l'Àftorân  : 

Si  îâ \  ékémkt-a 4M  dk\hù  par  devant,  en  ce  cas  elle  a  dit  vrai.  Je 
doute  que  la  règle  donnée  par  les  grammairiens  arabes  s'applique  au 
verbe  0k^,  quand  if  n'est  point  *trivt  (ftnr  autre  verbe,  comme  dans 
cet  exemple:  Jju  L$i  lioL»  o^t>l  >  &  iu  ^svéridiçue  dans  ce  que 
tu  dis.  Et  d'ailleurs  j'ai  observé  que,  dans  une  multitude  de  cas,  le 
prétérit  du  verbe  crJ  semble  faire  fonction  de  prétérit  indéfini ,  ou  , 
pour  m'exprimer  autrement,  être  dépouillé  de  toute  valeur  temporelle, 
comme  le  verbe  négatif  UK  Je  ne  fais,  au  surplus,  cette  obser- 

pp  a 


JOURNAL  DE&SAVANS, 

fabrique  pour  appeler  l'attention  des  personne*  :q«  désirent  acquérir; 
tmt  connaissance  approfondie  de  la  langue  arabe ,  sur  cette  ihîoiie* 

Je  terminerai  cette  notice  par  un  fragment  dtin  gem*  tout  différent,  > 
tiré  du  ihrre  des  poésies  erotiques  (page  55^).  L'auteur  de  cet  v*i»' 
est  un  poète  nommé Àbd-dllak  Rhatiami  r  ^jim ,  JiU  de  Dommna.  :■.=» 
*  «  Lorsque  nous  eûmes  atteint  les  litières  qui  renfermoieiit  les  femme**" 
»  et  que  séparoit  de  nous  un  gardien  : maigre  et  décharné»  dont  les 
*i  épaules  saillante*  fatjguoient  par  leur  dureté  la  casaque  qui  le  couvrait „ 
a»4ont  les  yeux  vigilans  n'éprouvoient  jamais  un  iqstant  de  langueur, 
»  en  qui  la  mort  elle-même  se  montrait  à  nous ,  si  ses  desseins  menaçai}*, 
at.p'étoient  point  écartés  de  dessus  nous ,  nous  nous  sommes  présentés 
aSi-à)  Jui  et  nous  Pavons  -salué.  II  nous  a  rendu  notre  salut  malgré  lui 
j*  et  en  étouffant  de  fureur.  J'ai  marché  tout  un  mille  avec  lui  ;  et  plût  à 
»  Dieu  qu'en  dépit  de  sa  colère,  je  pusse  l'accompagner  tant  qu'il  jouira 
»  de  la  vie.  Quand  celle  que  j'aime  a  vu  que  notre  réunion  étoit  im- 
»  jtossibfe,  et  qu'une  longue  séparation  avoit  dressé  sur  nous  ses  pâ- 
»  viifons ,  elle  m'a  fêté  un  regard  qui ,  s'il  fût  tombé  sur  un  brave  guer- 
»  rier ,  aurait  inondé  de  sang  sa  poitrine  et  ses  vétemens  intérieurs  ;  elle 
»  m'a  lancé  de  ses  deux  yeux  une  œillade  dont  réclair  sembioit  être 
»  réclair  bienfaisant  cf  un  nuage  qui  verse  les  dons  de  ses  eaux  vivifiantes 
»  sur  un  plateau  élevé.  » 

Je  ne  rendrais  pas  justice  à  l'éditeur  du  Hamasat  si  je  ne  disois,  en 
finissant,  que  la  publication  de  ce  recueil  étoit  un  des  services  les  plus 
importans  qu'on  pût  rendre  à  la  littérature  arabe,  et  que,  quand  certe 
littérature  ne  devrait  k^M.  Freytag  que  ce  seul  ouvrage,  il  suffirait  pour 
lui  assurer  l'estime  et  la  reconnaissance  de  tous  les  amateurs  des  muses 
orientales.  La  publication  prochaine  de  la  première  livraison  de  la  nou- 
velle édition  du  dictionnaire  de  Golius,  à  laquelle  il  travaille  depuis 
long- temps ,  lui  donnera  un  nouveau  droit  à  ces  sentimens,  et  associera 
pour  toujours  son  nom  à  ceux  de$  Schultens,  des  Cas  tell,  des  Golius, 
des  Méninski,  &c.  &c. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


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/MAI  1830,  301 

Êlém^ens  pratiques  exploitation ,  contenant  tout  ce  qui  est 
relatif  à  F  art  <t explorer  la  surface  du  terrain ,  if  y  faire  des 
travaux  de  recherche  et  £  y  établir  des  exploitations  réglées;  la> 
description  des  moyens  employés  pour  ^extraction  et  le  trans- 
port souterrain  des  minerais  tt  des  combustibles;  les  diverses 
méthodes  de  boiser,  mur  ailler ,  aérer  et  assécher  les  mines; 
les  secours  a  donner  aux  noyés ,  asphyxiés  et  brûlés;  des 
notions  sur  Y  administration  $  la  comptabilité,  &c.  &c;  par 
C.  P.  Brard,  ingénieur  en  chef  aux  mines  d' A  lais,  &c.  &c. 
Paris,  J.  G.  Levrault,  rue  de  la  Harpe,  n.°  81  ,  et  rue 
<[ es  Juifs,  n.°  33,  à  Strasbourg;  Bruxelles,  librairie  pari- 
sienne, rue  de  la  Magdeleine,  182p. 

Une  conséquence  du  grand  développement  de  l'industrie  française 
a  été  la  composition  d'une  foule  de  petits  ouvrages  qui ,  sous  les  titres 
de  Manuels ,  d'EUrnens ,  &c. ,  ont  eu  pour  objet  de  faire  connoître 
les  arts  nombreux  qui  sont  du -ressort  des  sciences  mathématiques, 
physiques  et  chimiques.  Assurément  un  libraire  qui  emreprendrott  de 
publier  sur  ce  sujet  une  collection  de  traités  qui  seroient  réellement 
des  Manuels  ou  des  Elémtns ,  feroit  une  chose  utile,  non-seulement 
à  ceux  dont  la  fortune  est  attachée  à  la  pratique  de  ces  arts ,  mais 
encore  aux  savans  de  profession  et  aux  gens  du  monde  qui  peuvent 
avoir  quelque  intérêt  à  les  connoître;  et  lorsqu'on  a  suivi  soi-même 
les  procédés  de  divers  ateliers  ,  on  s'explique  mieux  qu'on  ne  le  faisoit 
auparavJht ,  comment  d'ilMbtres  personnages  ont  trouvé,  à  les  pratiquer, 
des  plaisirs  que  ne  leur  of&oient  pas  toujours  les  récréations  les  plus 
dispendieuses.  . 

Après  le  spectacle  des  grandes  ^cènes  de  la  nature ,  rien  peut-être 
ne  frappe  plus  les  hommes  doués  de  quelque  réflexion  que  les  chan- 
gement qui  surviennent  dans  la  forme ,  la  solidité ,  la  couleur ,  en  un 
mot  dans  les  propriétés  de  la  matière ,  entre  les  mains  du  forgeron  , 
du  potier  de  terre ,  du  verrier ,  du  fabricant  d'émaux ,  du  teinturier , 
&c  &c.  :  la  vue  d'opérations  faites  par  de  pauvres  ouvriers  nous  donne 
souvent  des  idées  sur  le  génie  de  l'homme  >  que  nous  n'aurions  jamais 
eues  sans  cela.  Et  certes,  apgès  avoir  observé  soi-même  comment  une 
matière  terreuse,  d'un  rouge  brun,  jetée  dans  un  fourneau.,  s'y  réduit 
m  une  matière  métallique  qu'un  nouveau  travail  convertit  ta  barres 


joa  JOURNÀt  £>£S  SAVAN  S, 

ductiles»  en  fils  déliés  ;  après  avoir  observé  soi-même  comment  la  matière, 
que  l'eau  etriève  aux  cendres»  fondue  avec  du  sable  blanc  et  du  plomb 
calciné  (  minium  ) ,  donne  cette  belle  composition  connue  sous  le  nom 
de  cristal»  on  sent  le  besoin  de  retrouver  dans  un  livre  Ta  description 
de  procédés  qui  ont  si  #vement  excité  notre  attention  sur  '  un  sujet 
qui  ne  f avoit  jamais  attirée  auparavant. 

*  Malheureusement  celui  qui ,  après  avoir  visité  une  usine»  une  fa- 
brique ,  éprouve  le  besoin  dont  nous  parions  ,  le  propriétaire  d'un 
établissement  de  ce  genre  qui  n'a  pas  fait  d'études  scientifiques  appro- 
fondies 9  ou  le  contre-maître  d'un  atelier  qui  sent  le  besoin  de  s'éclairer 
de  là  science  des  autres  ,  trouveront  bien  rarement  ce  qu'ils  cherchent 
dans .  les  traités  sur  IA  arts  que  Ton  a  publiés  dans  ces  derniers  temps 
avec  une  profusion  vraiment  extraordinaire.  En  effet  »  sauf  quelques 
exceptions  »  ces  traités  sont  mal  écrits  »  incomplets»  et»  ce  qu'il  y  a 
de  pire  ,  les  recettes ,  Its  procédés  qu'ils  renferment ,  loin  de  guider 
ceux  qui  les  consultent  »  peuvent  au  contraire  souvent  les  égarer»  aux 
dépens  de  leur  temps  et  de  leur  fortune.  Au  reste  »  cela  n'est  pas 
surprenant  »  lorsqu'on  sait  comment  ont  été  Composés  tels  de  ces  ou- 
vrages tjue  nous  voyons  annoncés  dans  les  feuilles  publiques  comme 
indispensables  aux  personnes  qui  se  livrent  aux  professions  dont  ils 
traitent. 

Il  ne  sera  point  inutile  de  placer  ici  quelques  réflexions*  relatives 
aux  conditions  que  doit  remplir  un  petit  ouvrage  portant  le  titre  de 
Manuel  ou  d'EIémens  d*un  art  quelconque.  II  faut  que  le  style  en  soit 
clair  et  correct  ;  que  les  définitions  qu'il  donne  soient  aussi  précises  que 
possible;  et  lorsqu'elles  demandent»  pour  être  bien  comprises  du  lec- 
teur, des  connoissancés  accessoires»  H  faut  qu'elles  soient  accom- 
pagnées de  tous  les  développemens  nécesnures  pour  les  rendre  intel- 
ligibles. Non-seulement  les  descriptions  des  procédés,  des  manipu- 
lations ,  doivent  être  concises  et  pourtant  complètes  »  mais  il  fcut 
encore  que  le  but  de  chaque  prô'dfcfé,  de  chaque  manipulation,  soit 
clairement  énoncé  ,  que  les  difficultés  qui  peuvent  éloigner  de  ce  but 
soient  signalées ,  et  enfin  que  tout  ce  qui  est  fondamental  dans  Part 
koit  rattaché  h  des  principes  capables  de  rendre  rahon  de  ce  qu'on  a  prescrit. 
fl  ne  faut  Jamais  perdre  de  vue ,  quand  on  écrit  sur  les  arts ,  que 
la  description  tfun  procédé ,  d'une  manipulation  ;  quelque  exacte  qu'elle 
soit»  n'a  pp  tendra  jamais  à  fa  pratiquer  àccfaff  qui  ne  Sera  pas  déjà 
habitué  \  un  genre  de  travail  analogu*  &  celui  dont  on  parle  ;  car 
il  est  une  multitude  de  petites  choses  qufnç  Rapprennent  qu'erirte 
exécutant  iof-mêmeimrnëdtat^emetit^pr^  leiaVcrtrtu'  faîte  p*r  fftattâf. 


MAI  183a  je 3 

Ces  règles  sont  bien  simples,  et  cependant  qu'on  les  observe  peu  ! 
£t  ici  nous  n'entendons  pas  parler  de  plusieurs  arts  chimiques»  comme 
ceux  du  verrier ,  du  potier  de  terre  ,  du  teinturier,  dont  la  théorie  est 
si  peu  avancée  qu'il  est  impossible ,  à  notre  avis ,  qu'aucun  homme 
consciencieux,  dans  l'état  actuel  des  connoissances  qui  sont  du  domaine 
public ,  soit  qu'elles  se  trouvent  dans  des  livres  9  soit  qu'elles  soient 
professées  dans  des  cours  ,  compose  sur  ces  trois  arts  des  Manuels 
ou.  des  Élémens  ,  sans  se  livrer  à  des  séries  de  travaux  scientifiques 
qui  exigent  de  lui  plusieurs  années  de  recherches  délicates  et  plus 
ou  moins  laborieuses.  Mais  tous  les  arts  ne  sont  point  heureusement 
dans  cette  catégorie.  Quoi  qu'il  en  soit  9  il  est  évident  que.  l'auteur 
<Fun  livre  élémentaire  sur  un  art  doit  être  aussi  versé  dans  la  connois* 
jance  des  procédés  de  cet  art  que  dans  celle  des  principes  scientifiques 
qui  expliquent  ces  procédas  et  en  règlent  l'exécution;  autrement  l'objet 
du  livre  n'est  pas  rempli. 

Après  ces  réflexions,  que  le  titre  de  ('ouvrage  de  M*  Brard  nous  a 
suggérées,  nous  devons  .dure  que  son  auteur  réunit  les  deux  conditions 
que  nous  regardons  comme  indispensables  pour  composer  des  Elément. 
•M.  Brard,  après  avoir  étudié  sous  les  plus  habiles  maîtres,  a  écrit 
•plusieurs  ouvrages  estimables  sur  la  minéralogie  ;  il  a  découvert  un 
procédé  fort    ingénieux  pour  distinguer  les  bonnes  pierres  de  taille 
des  pierres  gétives  ou  gélifie*,  c'est-à-dire ,  de  celles  qui  ont  l'incon- 
vénient de  se  réduire  en  poudre  ou  en  morceaux  ,  lorsque ,  ayant  été 
imbibées  d'eau  ,  elles  sont  exposées  à  une  température  suffisante  pour 
•congeler  le  liquide  qu'elles  renferment  dans  leurs  interltioe*.  Enfin 
M.  Brard  a  visité  un  assez  grand  nombre  des  (mines  les  plus  remar'- 
quables  du  continent  ;  il  a  été  appelé  à  en  diriger  lui-même,  et  à  présent 
il  est  ingénieur  en  chef  aux  mines  d'AJais. 

Les  Élémens  pratiques  d'exploitation  se  composent  de  six  chapitres 
que  nous  allons  examiner,  ex  de  32  planchée  qui  ont  été  lhhogra- 
phiéea  dans  les  ateliers  de  J.  G.  Levrauk. 

Le  premier  chapitre  traite  des  indices  et  de  ia  recherche  de»  mi- 
nerais >  ainsi  que  de  leur  disposition  dans  le  sein  de  ta  terre. 
<  M.  Brard ,  après,  avoir  combattu  le  préjugé  de  ceux  qui  croient 
à  la  faculté  qu'ont  certains  hommes  de  découvrir  lés  richesses  miné- 
rales et  «les  eaux  auAmoyen  de  là  baguette  dite  divinatoirt,  distingue 
-*a  différentes , sotte»  les . indices  qui  sont  snsceptibiesde  servir  de^ guides 
dans  ia  recherche  de*  minerais:  c'est  sans  doute  parce  qu'il  accorde 
peu*  dm  qertilude  atsx  indices  que  l'on  considère  xom*ne  les  moins 
^oqWU^toitÀ^e  *»je*atec  ata%  gModeubrîém^é: 


3ai  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

Il  est  important  de  connoître  la  disposition  des  minerais  danrft 
seîh  de  la  terre  ;  et  Ton  ne  peut  s'empêcher  ici  de  reconnoître  combMk 
la  géologie  a  rendu  de  services  à  l'exploitation  9  en  ramenant  à  un  petit 
nombre  d'expressions  générales  une  multitude  d'observations  partielles 
faites  par  les  mineurs.  Elfe  a  donné  les  moyens  d'étudier  et  de  décrira 
d'une  manière  précise  la  disposition  des  minerais  dans  leurs  gîtes  t 
et  il  est  résulté  de  la  distinction  qu'elle  a  faite  de  la  partie  de  soa 
écorce  qu'il  nous  a  été  permis  cTexaminer  en  terrains  de  diverses 
formations  ,  que,  dans  teb  de  ces  terrains ,  on  peut  espérer  de  trouver 
tel  minerai  utile ,  qu'on  chercher  oit  en  vain  dans  un  autre  d'une  forma- 
tion différente.  M.  Brard  définit  ce  qu'on  ..entend  par  couches.,  filêns , 
veines ,  smkwcrks ,  amas ,  nids  et  rognons  ;  il  trace  l'histoire  générale 
de  ces  dispositions  des  minerais  dans  les  terrains  dont  ils  sont  parties 
constituantes  ,  et  il  insiste  sur  (es  accidens  qui  dérangent  la  régularité 
des  couches  et  des  filons.  >* 

II  s'occupe  ensuite  de  la  recherche  des  métaux,  de  la  houille, de  la 
tourbe  et  des  eaux  ;  et  sous  ce  titre,  il  comprend  celles  qui  sont  pota^tm 
et  les  eaux  dites,  minérales.  '  ■    *i  ^;» 

On  procède ,  dans  ces  recherches ,  de  différentes  manières ,  par  trkh^ 
chées  ,  en  creusant  des  puits  ou  des  galeries ,  et  enfin  en  se  servait vtyr 
la  Son  Je.  >,,','\ 

Lorsqu'on  fait  des  tranchées*  c'est-à-dire,  qu'on  recherche  des  trô- 
nerais en  enlevant  la  surface  du  sol ,  il  est  bien  important  cfobseràr 
des  règles  sur  lesquelles  M.  Brard  insiste  avec  grande  raison  j  esir 
c'est  pour  s'en  être  écarté  qu'au  Brésil  des  contrées  entières  ont  été 
bouleversées  par  des  -fouilles  entreprises  dans  l'espoir  cf extraire  du  s6l 
de  Toc  et  des  diamans.  La  terre  de  la  surface,  qui  seule  pouvoir  se*#r 
à  la  végétation ,  a  été  dispersée  >  et  aujourd'hui  on  ne  voit  pas  i'époq 
où  ces  terrain*  entreixmt  dans  le  domaine  de  l'agrîqilture.  C'est  sur- 
tout en  lisant  la  relation  du  voyage  de  M.  Auguste  de  Saint -HilairtM^fc 
Brésil  que  l'on  pourra  se .  convaincre  de  la  nécessité  de  ne  fbtiilkF 
un  sol  par  tninchéés  qu'avec  une  extrême  circonspection.    .        - 

M.  Brard  décrit  avec  tissez  de  détail  lés  divers  insurpmens  qui  4ont 
employés ,  sous  le  nom  dasvnde  ,  pour  creuser  dés  trouk  de  plufcfeurs 
centaines  de  pieds  de  profbhdeur,  même  dans  les  terrains  lès  plus  dfcrtf. 
Il  distingue  deux  circonstances  principales  dans  f  usage  de  là  fcomlti: 
celle  où  ,  cherchant'  un  minerai  utile ,  tin  cohiMi  sable-.,  'OU  w#M:<H*- 
naître  la  nature  d'un  terrain»  ou,  en  d'autres  terni  «*i  la  nirord  des  divtMifc 
couches  <[ui  le  constituent  ?  alors  la  sondé  est  xempfbyéepoisr  «mi- 
lieu d'un  puit*  du  dtorç  gderie^Dan^ce  oas^fiassge  Hajpet  fcwtrpMft 


-     :  MAI  iS^o.  305 

te  lui  poroxt  pas  jpssi  avantageux  que  Faute  moyen*  par  h  raison 
qtfï  est  déjà  dispendieux ,  et  en  outre  que  son  défaut  de  précision  peut 
être  tel,  qu'on  ne  sera  pas  .dispensé  de  pratiquer  un  puits  on  une  ga- 
lerie. II  appuie  son  opinion,  sur  des  calculs  comparatifs.  Quant  &  là 
seconda  circonstance ,  celle  où  Ton  se  sert  de  la  sonde,  pour  la  recherche 
4m  eaux  ,  il  n'y  a  aucun  autre  moyen  qu'on  puisse  lui  préférer;  et 
ici  9  fauteur  entre  dans  quelques  considérations  sur  les  puits  artésiens 
ou  fontaines  jaillissantes  ,  qu'on  lira  avec,  intérêt*  vu  les  avantages  que 
présentent  ces  eaux  que  L'on  va  puiser  dans  des  nappes  situées  à  phisseûre 
centaines  de  pieds  au-dessous  du  sol,  et  qui  sont  si  abondantes  qu'on 
les  croiroit  inépuisables.  Cette  découverte ,  d'origine  française,  promet 
cfdppe  d'autant  plus  utile  que  les  terrains  calcaires  secondaires  ne  son* 
pas ,  ainsi  qu'on  Tavoit  pensé  d'abord,  tes  seuls  où  l'on  doive  espérer.. 
de  trouver  des  eaux  jaillissantes,  puisque  aujourd'hui  on  en  connoft  dans 
les  terrains  primitifs. 

Le  second  chapitre  traite  de  l'exploitation  proprement  dite. 
L*aitfeur  décrit  les  outils  des  mineurs  ;  il  considère  ensuite  les  roches 
relativement  à  leurs  cohésions  respectives  et  aux  moyens  à  employer 
pour  les  diviser  en  parties  qu'on  puisse  transporter  loin  de  leur  gise- 
ment* La  poudre  ne  donne  jamais  de  meilleurs*  résultats ,  pour  cet 
usage ,  que  lorsqu'elle  est  employée  d'après  la  méthode  allemande. 
En  parlant  des  roches  dures  a  temsues ,  comme  le  sont  certains  quarts 
et  certains  granits.,  M.  Brard  conseille  de  les  exposer" successivement 
à  l'action  du  feu  et  de  l'eau  froide.  On  remarque  encore ,  dans  plu- 
sieurs anciens  ouvrages  de  mine,  des  parties  qui  ont  été  soumises  à 
ce  moyen  d'exploitation,  Nos  lecteurs  nous  sauront  peut-être  gré  de 
citer  un  passage  de  l'ouvrage  où  M.  Brard  expose  sa  manière  de  voir 
relativement  à  ce  que  racontent  les  historiens,  de  l'emploi  que  fit 
Annibai  du  viqajgre  pour  s'ouvrir  un  chemin  dans  (es  Alpes  i  <c  Un 
»  rocher  de  I*  grojweur  *Tu#  de  nos  caissons ,  dit-il,  pouvoir  barrer 
»  le  passage  aux  éléphans  <F  Annibai  dans  un  défilé /et  dix  sapins  suffi* 
»  soieut  pour  l'échauffer  assez  pour  que  de  l'eau  froide  le  fît  éclater.  Le 
»  vinaigre ,  qui  peroft  jouer  un  si  grand  râle  dans  cette  opération,  est 
»  précisément  la  prpiv*  que  l'obstacle  étok  fort  mince,  puisqu'on  pré- 
»  fera,  sacrifier  une  portion  de  cette  provision  de  Farinée ,  plutôt  qée 
»  de  prendre  la  peine  d'aller  chercher  de  l'eau ,  qui  abonde  à-peu-près 
r-tout  da«s  jçtAlp&i  car  ce  n'est  pas  comme  at'tdfi  {t)>  mais  comme 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


306 

»  liquidt  froid ',  que  Je  vinaigre  a  dû  agir  dans  cette  circonstance  a  jamais 
1»  mémorable.  » 

M.  Brard  parle  des  divers  moyens  de  descendre  dans  les  mines  , 
de  l'exploitation  des  tourbières  e(  des  carrières.  En  traitant  des  carrières 
à  ciel  ouvert ,  il  fait  sentir  la  nécessité  de  déblayer  une  grande  étendue 
de  la  surface  où  Ton  se  propose  d'ouvrir  l'exploitation  ;  sans  cette 
précaution,  on  s'exposeroit  à  remuer  plusieurs  fois  les  mêmes  débiais. 
Lorsque  les  bancs  sont  situés  trop  profondément,  on  creuse  des  puits, 
des  galeries ,  et  l'exploitation  est  souterraine;  c'est  ainsi  que  les  pierres 
qui  sont  entrées  dans  la  construction  d'un  grand  nombre  de  villes  ont 
été  tirées  du  sein  de  la  terre  :  les  vides  occasionnés  par  leur  extrac- 
tion ont  souvent  une  étendue  remarquable  ;  tels  sont ,  par  exemple  , 
ceux   que  présentent  les  catacombes  de  Rome  et  de  Paris. 

L'auteur  donne  ensuite  une  attention  toute  particulière  a.  l'exploi- 
tation des  mines,  soit  qu'elles  forment  des  masses  ou  des  amas ,  comme 
la  bouille  ,  les  minerais  de  fer  d'alfuvion  ,  soit  qu'elles  se  présentent 
en  couches  puissantes  ,  en  couches  de  moyenne  épaisseur ,  ou  enfin 
en  couclies  minces.  II  fait  sentir  tous  les  inconvéniens  qui  résultent 
d'un  mauvais  système  d'exploitation,  qui  sont  tels ,  que  d'immenses 
richesses  minérales  peuvent  être  perdues  sans  retour.  II  conseille ,  d'après 
les  meilleurs  auteurs ,  de  commencer  à  extraire  les  minerais  des  par- 
ties les  plus  basses,  et  d'aller  progressivement  de  ces  parties  vers  celles 
qui  dont  placées  au-dessus.  £11  parlant  de  l'exploitation  des  minerais 
par  le  lavage,  qui  est  sur-tout  pratiqué  au  Brésil,  au  Chili ,  au  Mexique, 
au  Pérou  et  à  Buenos-Ayres ,  il  fait  remarquer  que  trois  des  matières 
que  l'on  considère  comme  des  plus  précieuses ,  for  ,  le  platine  et  les 
diamans  ,  se  rencontrent  souvent  disséminées  dans  Tes  mêmes  terrains  , 
et  s'obtiennent  par  le  lavage. 

La  fin  du  chapitre  est  réservée  à  l'extraction  du  sel ,  soit  ceint  qui 
est  à.  l'état  solide,  soit  celui  qui  est  dissous  dans  l'eau.  Il  fait  mention 
de  cette  célèbre  montagne  de  sel  de  Cardonne,  située  en  Catalogne, 
à,  seize  lieues  de  Barcelone  ,  et  qui  est  comparable  à  Montmartre  pour 
la  hauteur  et  pour  la  masse.  Le  sel  y  est  exploité  a  ciel  ouvert ,  par 
gradins,  et  au  moyen  de  la  poudre.  M.  Corditr  estime  qu'en  cent  ans 
(es  eaux  du  ciel  n'en  diminuent  la  hauttur  que  de  4  pieds  8  pouces 
j    lignes. 

Le  chapitre  m  est  relatif  aux  transports  intérieurs  et  exténeuts  des 
minerais  et  des  combustibles. 

Une  fois  qu'on  a  détaché  les  minerais  ou  les  combustibles  du  sein 
de  la  terre  ,  il  faut  les  transporter  hors  de  !a  mine  ;  les  moyens  qu'on 


3_ 

* 


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peut  employer  pour  y  parvenir,  sont  des  panier*  ou  des  sacs  portés 
à  desnThontme,  dès  brouettes  9  àei  tbariots  roulant  sur  des  chemins 
de  bois  ou  de  fer  ;  et  dans  ce  cas,  fauteur  pense  qu'il  est  seuftènt  avaa* 
tigteo*  de  les  ftfoe  tirer  perdes  mulets  ou;  des  chevaux;  Enfin  on  exé- 
cute eocore  ce  transport  au  moyen  de  canaux  pratiqués  dans  de 
grandes  galeries  horizontales  ;  on  en -voit  en  Angleterre  qui  présentent 
lés  plus  grands  avantages.  Malheureusement  toutes  les  localités  ne  per- 
mettent pas  de  les  établir.  j 

-  M.  Brard,en  signalant  le  transport  à  dos  cThçmrtie,  fait  des  v<*U9t 
véritablement  philanthropiques  pour  l'abolition  de  f  e  tnoyen ,  qui  n'est 
guère  employé  q*e  dtfhs  un  certain  nombre  de  mines  dé  houilfe  et  de 
(f gnfte  :  '  féHés  sont  ceBesdka  environs  d'Anbin,  dans  i'Àveyron,  celtes 
des  Boucheis-du-Rh6ne.  Non-seulement  il  est  pénible  devoir  des  hommes 
et  de  pauvres  en&its,  absolument  nus,  le  dos  chargé  de  grands  paniers 
ou  de  grands  sacs  ,  marcbapt  à  quatre  pieds  dans  un  escalier  couvert 
de  botte?  maïs  encore  rien  n'est  plus  mauvais  <Jue  cezmode  de.trsraport, 
toutes  les  fois >qirtl  s'agit  d'exécuter  ècmomrquemtnh  e&\pïmp4cnHnt>  de* 
tatvàtrx:  continus.  En  effet,  parce  mode  de  transport * i(4 J  h<>mo%£*ne 
feflt  pas  plus  d'ouvrage  que  i  oo~  hsmmea  .qui  se  fervent  de  brouettes; 
et  la  brouette  n'est  pas,  à  beaucoup,  près,  la  machine  qMi  présume  rie 
pftis  <favan tages ,  quoiqu'elle •  toit  bonne  dans  les  petites  exploitation*. 
L'auteur  passe  ensuite  à  l'examen  des  inachinèf  d'extraction ,:  pelles 
que  la  pouKe,  le  topr  simple ,  le  treuil ,  le  tour  .à  trotte ,  le  cabestan 
souple ,  la  petite  et  la  grande  machine  à  hiolette ,  les  machines  à  vapeur, 
la  machine  à  contre-poids,  h  machine  à  colonne icTbau»  Ie&  «a^chioes 
à  tftmiflés  et  à  varlets,  et  ie*  chaînés,  câbles  f  lihesc,  bennes  réseai^^ 
caisses ,  paniers,  crochets,  dont  on  fait  usage  ftout  élever  fo*  mineraif 
ou  combustibles1  du  sein  de  là  terre  à  sa  surface.  Lorsqu'une.  &(***  W 
tint,  espèce  de  tonneau» wieer|et< Geadéieu.ferr*  »«ttfeiet  le  plus  haut 
poto  de  sa  coùsse,  cVat^KBrer  lôieqifctt»  est  parvenue  ^J'o^ficç  su-r 
pértau>*cfa  puits,  dans  lequel  elle  >  mante!  quand  elle  est  chargée  dp 
minerai  et  descend  quand  elle  est  vide,  dea  ouvriers  l^jrejnyfrsent  qq 
la  décroc  henr,  afin  -de  far  vider  ;:c'*»îj  alors  qu'ttte  pvii§  de  ^  çb^çga 
ou  la  benne  elle-même  peut  s'échapper  et  se  précipiter  w>  fçnd  ç{u 
puits  sur  lés  ouvriers  qui  s'y  itou  vent  Cseit  peut  phéveMk  A&%  Sfsidens 


ua  pet  au-ideseus  ,4t  ; 
/mi/  roulant ,  qui  est  un  véritable  flfm^r  M^lMe^^^j^^^f  Qt\ 

conçoit  alowqueies  esivsîçrs  pIa6éaau*4aasousiS«A|^^^^M>l4i 
accident.  L'autepr  parle  de  ce  mécanisme  ingénieux  d'après'M.  Dufrenoy. 

Qq  2 


3ol  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

'  M.  Bntrd  né  décrit  pas  en  détail  toutes  les  machines  que  nous  venons 
de  nommer  ,  son  objet  principal  étant  de  les  considérer  dans  les  rap- 
ports qu'elles  ont  immédiatement  avec  I  exploitation. . 

Le  chapitre  iv  renferme  des  objets  extrêmement  variés ,  dont  la  fal- 
sification n'est  psp  toujours  très-méthodique;  ils  se  rapportent  à  la 
conservation  des  hommes  et  des  travaux. 

Sous  le  titre  de  soutènement  des  terres  et  des  roches,  il  traite  des  ga- 
leries et  des  puits ,  ainsi  que  de  tout  ce  qui  en  concerne  le  boisage  et 
le  muraillement.  En  pariant  du  bois,  il  donne  des  renseignemens  utiles 
sur  la  manière  la  plus  avantageuse  de  débiter  les  arbres  pour  l'usage 
des  raines  ;  sur  les  causes  qui  ont  le  plus  d'acéon  pour  le  détériorer 
une  fois  qu'il  est  en  place  :  il  est  plus  tôt  détruit  dans  une  atmosphère 
humide  et  chaude  que  quand  il  est  submergé  ;  de  là ,  la  pratique  souvent 
avantageuse  d'inonder  des  boisages  qui  se  trouvent  dans  des  lieux  où  les 
travaux  doivent  être  suspendus  pendant  plusieurs,  mois.  L'eau  salée  a 
une  action  très-remarquabIe*pour  conserverie  bois:  cela  dent,  suivant 
nous ,  à  ce  qu'elle  n'a  point  la  même  force  dissolvante  que  l'eau  pure , 
et  c'est  ainsi  que  nous  expliquons  pourquoi  les  boisages  des  saines 
ont  une  durée  bierr  plus  grande  que  ceux  des  mines  oi|  il  n'existe  pas 
cTeaU  salée.  II  est  important  de  n'abattre  les  arbres  qu'à  l'époque  où 
là  sève  est  en  repos;  car  le  chêne  qui  dure  quinze,  vingt  ans  et  plus9 
quand  il  a  été  coupé  dans  le  temps  convenable,  ne  dure  pas  plus  de 
trois- ans  dans  les  mines ,  quand  il  a  été  coupé  en  pleine  sève.  M.  Brartf 
rapporte  qu'ayant  fait  écorcer  plusieurs  sapins  un  an  avant  de  les  abattre* 
d'après  le  conseil  de  Buffon,  qui  recommande  cette  pratique  pour  donnes 
plus  de  dureté  au  bois,  il  n'en  est  résulté  aucun  avaptage  notable.  L'auteur 
ne  prononce  point  sur  la  question  de  savoir  s'il  est  avantageux  d'écorcer 
les  arbres  abattus ,  comme  on  le  fait  en  Italie,  par  exemple.  Il  rapporte 
l'opinion  d'un  mineur  qui  avoit  une  longue  expérience,  et  qui  regardoit 
cette  pratique  comme  vicieuse,  dans  le  cas  du  moins,  où  le  bois  de  chêne 
devoit  être  appuyé  contre  des  terres  humides,  parce  que,  suivant  lui , 
récorce  le  change  promptement  dans  cette  position  en  une  matière  vis- 
queuse qui  préserve  efficacement  des  agens  extérieurs  la  partie  ligneuse 
qu'elle  recouvre. 

.  II  traite  ensuite  de  Y  assèchement  des  mines  -,  c'est-à-dire ,  des  moyens 
<Të|Riiser  la  mine  des  eaux  souterraines  qui  tendent  à  envahir  plus  ou 
moins  rapidement ,  plus  ou  moins  lentement,  suivant  les  localités,  les 
cavités  creusées  par  le  mineur.  On  parvient  k  se  rendre  maître  des  eaux 
au  moyen  de  galeries  d'écoulement,  de  pompes  aspirantes,  &c.  L'auteur 


«  *  *  -  •'  -  *  Aï  18^6/: ::  J  O  l  *•* 

firit  tentir  tout  hhramage  cprïi  y  a  à  murer  piuftAi  cpt*3i  boiter les*  parois 
dé  wi- (Jateries.  "  •  I  '  î--/     i^ 

:  M.  Brard  paHefenseke  de  Taérage  des  mines, et id*»! quotas  <f*»e 
■ptéferverîiie  Ta<ide  .caffc^qtie ,  de  Phydrogènr carboné- jïèti  «en iwèt> 
*le  fous  UffJIaides  élastiques  délétères  qui  se  trouvent  d*ns  le*  catyé* 
delà  tertei  It  aurort  pu  donner,  sans  quîon  Tût  ert  droit  de  ftiTetil 
-de  prolixité,  plus  d'étendue  *  cette  partir  iuqSortante  de  Fexplcita- 
tion  ;;  et  il  y  a  tell»  proposition  qui,  faute  de  dévelopfie*tent ,  pourtek 
induire  fe  lecteur  en  erreur  ,  s'il  en  pressoit  les  conséapenee*  t  par 
exemple ,  Hauteur  dit ,  (fàprès  le  mémoire  <ftfrr  d*sesraltf  rsf  qui  rtestlpas 
encore  pqMié,  que*  les  différens  gaz  qui  sont  susceptible*  de  se 
*>  fermer  dam  l'intérieur  des  mines ,  tendent  à  s'échapper  pur  bt  partie 
»  supérieure  (Tune  galerie  inclinée,  ou  à  Vécoider'daas  ie  fond»  à  la 
yy  manière  d'un  liquide:  la  figure  3  présenta  1e  uftleau  de  cette  double 
»  marche,  qui  est  fondée  sur  la  pesanteur  spécifique  de  cet»  différent 
»ifliiides.  »  Qui. ne; cttàttft,. d'après  cette  pi-opbtfâoo.t  imdkie enéore 
plus  tlaire  par  la  tigufe  4t  laquelle  on  ntnveievqt*  le»  fluides  ^étas*» 
tiques  se  disposent  les, uni  sur  les  autres  dans  Forcfrér^a  leUre  dmsitft 
respectives,  ainsi  que  le  font  les  liquides  !-  or  i  rien  n'es*  moine  éxec* 
M.  Dalton  a  parfaitement  démontré  que,  si  Y  on  place  adeur  MfcttÉa 
fen  au-dessus  de  f  autre,  le  supérieur  contenant  du  gae  hydrogène^ 
Fi nfé rieur  du  gaz  acide  carbonique,  c'est-à-dire,  deux  fluides  4fa*t* 
tiques  différant  extrêmement  par. leur  densité,  H  arrivera,  iorsqé'on 
éttbfii*  au  moyen  <T an  canal  excessivement  étroit  une  commuiiicaffcm 
entre  les  ballons ,  que  ki  deux  gai  se  mêleront  d'une  manière  qrfifimne^ 
ou  ;  en  d'autres  termes ,  que  la  proportion  de  Phydrogène  à  l'acide  aribo» 
nique  sera  la  même  dans'  chacune  des  capacités.  u:.  -  fi.u 

-  .M.  fitrard  décrit  la  lampe  de  Davy ,  à  laqipeUefeftttâche  un'ctoi  **» 
vaux  lès  plus  tferiifcrquable*  de  la  chimie.  II  net»  semble  qu'il  aureknpit 
donner  une  explication  plus  précise  de  la  manière  dont  cet  îngénaèut 
appareil  préserve  le  mineur  des  inflammations  lie  l'hydrogène*  earibeiié 
qui  le  menacent  si  fréquemment  dans  certaines  mmet/^«houilJe.    ri'  ;* 

H  décrit  les  appareils  respiratoires  que  Pitftredu  Realet  erMJ  Ifutt 
bofch  ont  proposés  pour  pénétrer  dans  des  atmosphères  déHrtfe») 
mais  en  eh  a  imaginé,  dans  ces  derniers  temps,  q«i  10m  dftait-  utqge 
beaucoup  plus  avantageât  que  les  premiers,  il  traite  «M»ite<Iefet»ptai 
du^hkmwe  de  chaux  peur  fastainissemefit^dia  mcanrffr**ow*rminti 
de  la  température  des  mines,  et  enfin  des  secewrf  *  *wmer  MX 
malheureuse ofrç? t*f  gpî  ont  été  noyés,  asphyxiés  ou  brûlés. 

Le  chapitre  V  est  consacré  à  la  géométrie  souterraine. 


I*t  JOURHÀ^ïDS*  AAVANS , 

U  ;Ttitimno il  épstàpfyn,  fa  instrtltoens  strictement  nécessaires 
pour  lerer  les  plans  dès  mines.  L'auteur  s  est  restreint  au*  méthodes 
les  }>  lus  simplet  ^  parce  qfr'il  est  si  pénétré  do  futilité  de  ces  plafts,  qu'il 
a  fait  des  effprta  ooostant  pour  augmenter  autamque  pOtsiJWe*  dans  les 
«ftploitataom  qu'il*  a  dirigées,  le  nombre  dta  personnes  cqpehles  de  les 
Imcv.  If  proposa  plusieurs  ctyogemeus  dans  la  disposition  de  quelque* 
partie*  de  k  boossoIe*du  mineur;  et  il  donne»  dan*  la  vue  de  faciliter  tes 
.calculs  f  des  tables  des  sfnift  calculées  par  M.  de.k  Gh«b  wssière  9  ancien 
îofpectMr^HimQes. .»■.:...;  ",i  •.  j   ■  „  ...->  i 

lie «hàpitr» ;vér» poafc  tkre^  <fr  l'administra  tim. .  '' .       ><>lV:        «. ■:  -    ■ 

M.  Bcinl  yieaamke.quej  doit  être  le  personnel  dtioe  exploitation* 
le»  njetfleuif  s  jègjerf  k  suivre  dans  la  comptabilité/  II  rappelle  les  prfn* 
crpalétidispèsitîohs  de/kJoi  Sur  l'ofgafiiaatioh  4e  l'école  des  mines  et 
des  mineurs ,  et  il  rapporte  le  texte  de  la  lof  du  a  &  evril  1 8  ro  #  foncer- 
liant  fes  mines»  les  friiniè{c*et  les  carrières*   ■.  ■  •  •  ;  ;  ■  ,   .  ■  -* 

Enfin  fourrage  est Jerminé  par  un  appendice  qui  ctmdent  plusieurs 
tttkaeigbëriieef  i  ûat^ressan*  pour  »ce»x  qui  se  J**rétit  &  J*expktf  tatiort  s 
*cte>KmtidesttaM»s<  donnent  toxdmde  lup^pc^itioOfdjeô  différente* 
eoecfcetrqui  constituent  plusieurs  lertaint  ;tek  stfnt  tes  prix  des  eawqges 
de>  taèica  et -tki  journées  de  mineur  dans  fdifôittntee  partiea<  de.  ?fc 
£wiéç*Jtf<i)rix,de*  outils,  de  k  poudre*  de*  i&fctotev,  des.  «pchînes'» 
d*ftéi*  étiide  iafeouUku  ..  ».  >;  ..  ;;  .,    .LU  =  ■•  i  .  «"..■:. 

.  Epkirdsutté»  quoiqu'on  puisse  reprocher  fc.MJBwd  que  quelque- 
unes  de  ses  définitions  manquent  de  précision  >  que  plusieurs  ptettlgef 
seroiétat  plus  in  telligibtes  dans  Une  autre  pkcequrtcgjie  ouijsse  trouvent» 
que  quelque!  partie?  ncrit  pas  les  développement  nécessaire*  pour  en 
faire  sentir  toute  l'importance ,  que  les  emprunts  qu'il  a  &&  au»  savattf 
qur  Coht 'précédé  *e%bril  pas  toujours  assimilé*  au  fond  de  !V»ut**ge  ^ 
cqmlne.ili  devraient  Uéue  lorsqu'ils  font  partie  tfun.  traifté .  général* 
enfin  <gté.  h  distribution,  des  sbaiières:  ne  se«*b|Ie  pea  Pvcôi  été  towjews 
assez  mûrement  méditée*  céptendatt  les  &é0*«toiP*ï*tiqpes  d'exploita- 
tion sont  estfojibWsoufrfAùsreurs  rapport  ;  lesiylft  e|i  e*t  généralement 
clair;  ib  renftfhient  tes  règles  Jes  plus  av*i>lagettS0S  à  suivre  <fcms  l'art 
d'extraire  les  ak&fssesaniftftafes  du  sein  de  îa  tesfej  faute»]?  n!a,  jamais 
oifinqué  dfe  ctier  ka  sources  où  Va  puisé  *  ^dejrtgdw  wim  fc  w» 
qu'^l  a  AisA  4*wtribiitinn«  £nfi*  w^.n^  (j^jK^rj^-q^  M.  Biasd  fie 
rende  soft>4»tjfi*£p:iéii^  puWifldaos 

une  seconde  éditioa*;      *.S  :.:>•:>  :>   > 


i;  •  '  .i/ , 


b:  CHmEtft. 


•  3;ri':>.  lu.'t  .-.sji.  -.^    '    .  i:.-i;.;.«-.'"j  Js?  Va":.  :..!.> 


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INSTITUT  ROYAL  DE<  FRANCE. 

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.  -  M.  Four  1ER ,  Fun  des  secrétaires  perpétuel»  4e  f Académie  des  sciences,. 
et  membre  de  T  Académie  française,  *st  mort  le  l6  mai:  à  ses  funérailles 
(le  i8),  M.  Girard,  président  de  l'Académie  des  sciences»  a  prononcé  le 
discours  suivant  i  «  Messieu»,  nue  perce  déplorable  noua  ramène  encore  an 
milieu  de  ces  moftumevs  funèbres  sous  lesquels  reposent  dbéfà  une  partie  de  nos 
contemporains.  U>oi  depuis  longtemps  d'une  intime  aniitié  au  respectable 
confrère  dont  notas  allons  nous  séparer,:  il  m'étoit  séscrvé  de  lui  offirtr  notrt> 
dernier  hommage.  Si  je  ne  rends  pas  cet  hommage  digne  de  lui,  je  suis  certain 
du  moins  qu'en  remplis  tant  le  triste  devoir  qui  m  est  irfiposé ,  fé  trouverai ,  dans 
.Fâccent  de  ma  propre  douleur,  tferpressiop  de  la  douèeur  commune:  des  voix 
plu*  éloquentes  vous  diront  quels  événemens  Remplirent  sa  vie,  à»qneJa  travaux, 
eHe  fût  consacrée;  il  ne  m'est  permis  ici  que  d'en  rappeler.le»  tjrsto  principaux;* 
sb (justifieront  nos  regrets ,  et  les  honneurs  qui. doivent  être  en  jour  vende*  à  sa 
mémoire  avec  plus  de  solennité.  M.  le  baron  Joseph  Fourier  -reçut  de  la  nature 
tous  les  dons  oui  fixent  les  regards  des  nommes  et  qui  attirent  leur  bienveillance. 
Dès  ses  premières  années ,  il  se  fit  distinguer  par-tout  où  il  se  montra;  son  édu- 
cation eut  les  plus  éclatans  succès.  A  peine  avoit*iL  atteint  l'âge  eu,  peur 
Hordinaire,  on  commence^  étudier  les  beHes4ettre*t  qu'il  les  profesaoit.déjà; 
eçce  qui  est  peut-être  sans  exemple,  il  étendoit  en  mente  temps  It  domaine 
des  sciences  exactes  par  4*s  découvertes  nouvelles.  Les  tempêtes  i|aiagHôient 
alors  le  monde  politique  >  l'écartérent  pendant  quelque  temps  dV  \k  ttttfe  qu'il- 
paroissoit  destiné  à  suivre.-  Il  n'y  rentra  qu'au  moment,  où  set,  *o*ip*jfrietea  le 
désignèrent  pour  venir  i  Paris  assistes  y  comme  élève,  aux  Jfçons  qne4cyeien£j 
donner,  à Teceie normale^ tous  ces  hommes  snpérieurtfJwoneux  du  siècle  et 
de  la  France,  qui  réutûsspient entre  aux  taet'de  célébrités  diverse**  Fqujrier  ne 
ncmvoit  manque»  d'en,  être  remarqué»,  lis  s'en  eteparèsent  comme:  d'an  C&Ha-i 
oorateur  indispensable^  ilVagissotf  d'entretenir  et  oe  propt^ftr  Je*  lainière*  dent 
le  malheur  des;  temps  avoit  tait  craindre  l'extinction.  II  fut  noraefcé  prpfesscaf 
»  l'école  polytechnique,  qui  vènoit  d'être  organisée.  Plusieurs  Centre  vous, 
Messieurs,  y  ent  été  ses  disciples,  et  n'ont  peint!  Oublié  avec  quel  r%re  taWnt 
il  leur  développait  les  théorie»  tesr  plus  élevées,  des  science*  mathématique*, 
avec  quelle  netteté  d'expression  11  es  éclalt cissok  les  difficultés.  Ils  n'ont  oublié 
ni  son  ^locution  facile,  eirPart  ?vee  Jequel  il  tfvoit,  par  des;  applications 
variées/,  quelquefois  même  par  ifl'issgénieux  récita,  exciter  J-'intérêf  ou  soutenir 
l'ettentien  de  ses  feënes  aadûaur^fii^oatMeU  i#fsoi  eu*  dtae  toasidlwJpn 
qu'ils  lui  saanifesteieat  chaque  jour,  foreque*  entraîné  ps*  IVxernple  de  Mçoge. 
etde  Bertholiet:  et  peut-ét»eaiis«xer  cctte,connenfe.finJverse|fe  qu'iosriroio 
alors  le  cotisjutrantcder!  l'Italie»!  il  /«ssetie  lifattte  mémorable  expédition 
d'Egypte  9  dont  les  résultats  s'agrandissent  de  plus  en  plus  i  mesure  que  nous 


3i^  JOURNAL  13 £6/  jfcàVÀNS, 

i^ife>Û»fi%  & J'âKKUft  9»JïiU.fu|  entreprise.  Peyenu  désormais  habitant 
crune  terre  classique,  qui  fut  le  berceau  des  sciences,  il  espérait  en  retrouver 
les  annales  encore  tracées  dans  Fiotérieur  de  ces  templ*  antiques,  qu'un 
climat  conservateur' a  laissés  parvenu  jusqu'à  nous.  Il  ne  fut  point  effrayé  d'un 
sujet  de  recherches  aussi  difficile  ;  et  en  effet ,  nul  autre  que  lui  ne  pouvoit 
s'y  livrer  avec  plus  de  chances  ôVfuCcés. .;  ."ÀTon  retour  en  France,  Fourier 
manifesta  le  désir  de  rentrer  dans  la  carrière  de  l'instruction  publique ,  pour 
laauelle  il  disoit  Jsonvedt  qut  sa  vacation  étoit  exQJd^veoiçnt  prqnoncée.  Mais 
celui  qui  tenoit  alors  les  rênes  du  gouvernement,  l'avoit  vu  de  trop  près  en 
Egypte ,  pour  renoncer  à  tirer  parti  des  talens  administratifs  qu'il  lui  connoissott. 
Il  rut  nommé  préfet  .d»  département  de  Fisëre,  Il  y  porta  cet  esprit  de  bien- . 
veillance  et  de  conciliation  qui  finit  (toujours  par 'ramener  à  des  sentiment 
modérés  les  hommes  d'opinions  différentes  les  plus  exagérées;  aussi  parvint-il. 
à  retenir  sur  sa- personne,  pendant  plusxle  quatorze  ans,  l'estima  générale  de  ses» 
administré*,  de 'quelque  opinion  qu'ils  Missent;  et  ce  >  qui  le  toucha  vivement^ 
tous,  sans  exception,  se  montrèrent  empressés  de  lut  en  donner  des  preuves 
dans  un  moment  où  son  repos  exigeoit  qu'il  s'en  prévalût.  Des  dissidences  de 
parti,  qui  étoient  devenues  à  cette  époque  plus  tranchantes  que  jamais,  s'effacèrent 
comme  par  miracle .  • .  C'étoit,  Messieurs,  pendant  qu'il  se  livrait  ainsi  aux  soins 
de  l'administration  publique,  que  la  première  classe  de  l'Institut  lui  décerna  le . 
prix  qu'elle  a  voit-  propose  sur  les  lois  de  la  propagation  de  la  chaleur ,  question 
de*  plus  difficile*  entre  celles  qui  avoient  occupé  Jusqu'alors  l'attention  des 
physiciens  et  des  géomètres.  Ce  retour  vers  des  études  auxquelles  il  avoit  dû 
ses  premiers  sticcès ,  indiquent  assez  le  désir  qu'il  avoit  de  pouvoir  un  jour,  s'y 
livrer  sans  réserve:  rentre  dans  la  vie  privée  en  181  j,  la  seule  ambition  qu'il 
montra  fut  celle  d'être  admis  parmi  vous. . . .  Vous  vous  souvenez,  Messieurs, 
de  l'imposante  unanimité  qui  nous  donna  M.  Fourier  pour  collègue.  Quelques 
mois  après,  vosus  lui  rendîtes  une  nouvelle  fustice  :  vous  aviez  pu  juger  de 
l'étendue  de  ses- connaissances  et  de  la  variété  de  ses  talens;  vous  le  nommâtes 
l'un  de  vos  secrétaires  perpétuels.  A  dater  de  cette  époque,  sa  vie  vous  appartint 
toute  entière.  Vous  la  connaissez  aussi  bien  que  moi  ;  ses  dernières  années  se 
sont  en  effet  entièrement  écoulées  dans  l'exercice  de  ses  devoirs  académiques  ; 
ces  devoirs  seuls  apportoient  quelque  distraction  aux  souffrances  dont  il  étoit 
tourmenté.  De  longues  et  cruelles  insomnies  auraient  pu  altérer  la  douceur  de 
sesmœars,  l'aménité  de  son  caractère;  et  cependant,  pour  peu  que  ses  douleurs, 
lui  laissassent  quelques  moment  de  relâche,  nous  retrouvions  en  lui  l'amabilité 
de  la  jeunesse  écIâfrée'ffarTefcperience  de  l'âge  mûr.  C'étoit  à  l'honneur  de. 
l'Académie  des   stiente»  et  de  l'Académie  française  qui,  depuis  quelques 
années,  Fa  voit  associé  à  ses  travaux,  que  sembioient  se  rapporter  toutes  it% 
actions  et  toutes  s^s  paroles.'  Il  offrait ,  dans  l'une  et  dans  l'autre  compagnie,  le 
modèle  parfait  d'un  confrère  accompli.  Hélas!  ni  la  profondeur  de  son  savoir, 
ni  son  éloquence' persuasive,  ni  la  délicatesse  de  son  goût  ',  ni  la  sûreté  de  son 
commerce,  ni  Félév4tk>n  de  ses  sentimens,  n'ont  pu  retarder  le  coup  fatal, 
et  je  n'ose  dire  inattendu  ,  qui  vient  de  nom  l'enlever.  Il  va  rejoindre  Monge 
et  BerthoHet ,  LapUce  et  Dam,  -estant  d'eu  très  citoyens  iUnstres  avec  lesquels 
il  conversa  souvent,  et  qo*  parent  apprecierta.lpnikeportee.de  sen  éspriu 
Qu'il  reçoive  aujourd'hui  nos  derniers  adieux,  en  attendant  que  les  vieux 
amis  qui   lut  survîvttft  'Viennent  le  refamdre  à  Iêfcr  tour!  Jusque-là  ilsne 
-     ■  ■■  ■  i  ■    -j  "  ■  •  ■    i»*/  jri .   ■:    i  •  Ci  if,!;-M  .  A  î:j ,    .  j  ■  » ...  ■.'. 


.r  MAI  1830-  ..;■■■■  ^| 

trouveront  d'adoucissement  à  l'ajnefrtumc  de  leurs  regrets  que  darp  Je 
§ou venir  des  témoignages  d'estime  et  dafilciipn  qu'ils  reçurent  de  cefi 
excelltnt  homme.  » 

<*  Lorsque,  if  y  a  sî  peu  d'années  encore,  a  dît  M.  Ctrvier ,  nous  venions* 
Apposer  dans  cette  triste  demeure  la  dépouille  mortelle  du  vénérable  De- 
hkmbre,  qui  auroit  pu  prévoir  que  son  successeur,  dans  la  force  de  l'âgée* 
de  la  santé,  étoit  destiné  à  prendre  si  tôt  place  à  côté  de  lui!  De  bonne 
heure ,  il  est  vrai ,  des  souffrances  dont  le  caractère  n'étoit  pas  équivoque 
durent  nous  inspirer  des  inquiétudes;  mais  qu'elles  étoient  loin  de  faire  pré- 
sager une  terminaison  si  prompte  et  si  funeste  î  Un  accident  suivi  de  grandes 
douleurs  vient  d'accélérer  et  de  rendre  presque  subite  la  fin  d'une  vie  pré-* 
cieuse  aux  sciences  et  chère  à  deux  académies.  C'est  au  moment  où  des 
fonctions  qu'il  remplissoit  avec  tant  de  zèle  et  d'aménité  appeloient  M.  Fou- 
rier  parmi  nous,  que  nous  avons  appris  que  nous  ne  le  reverrions  plus.... 
Nous  pouvons  le  dire:  dans  les  sciences,  dans  les  lettres,  dans  l'histoire, 
la  place  de  notre  confrère  est  désormais  fixée.  Qu'il  me  soit  permis  à  mon, 
tour,  à  mot  que  des  rapports  journaliers  mettoient  plus  qu'aucun  autre  a 
même  d'apprécier  ses  qualités  personnelles,  qu'il  me  soit  permis  de  parier 
de  la  douceur  de  son  commerce ,  de  sa  bienveillante  équité  dans  le  juge-: 
ment  des  ouvrages  de  ses  contemporains,  du  soin  qu'il  mettoit  à  présenter 
dant  tout  leur  éclat  les  travaux  de  ses  collègues  9  ceux  que  des  savans  de 
tous  les  ordres  venoient  déposer  dans  le  sein  de  l'Académie,  Pendant  huit 
années  de  relations  intimes,  jamais  un  moment  d'humeur  n'a  paru  l'altérer; 
jamais  je  n'ai  vu  un  académicien,  un  étranger,  le  plus  jeune  élève,  ne  pas 
se  louer  de  l'accueil  qu'il  en  recevoit.  » 

M.  Jomard,  au  nom  de  la  commission  des  rnonumens  d'Egypte,  s'esi 
exprimé  en  ces  termes  :  «  Le  temps  qui  nous  enlève  si  tôt  les  nommes  les 
plus  précieux  à  la  société,  qui  choisit  ses  victimes  les  plus  précoces  parmi 
ceux-là  même  qui  en  font  la  gloire  et  l'ornement ,  emporte  avec#la  même 
rapidité  le  souvenir  des  événemens  mémorables.  Déjà  la  grande  expédition 
d'Egypte  ,  dont  M.  Fourier  fut  une  des  colonnes,  apparoft  dans  le  lointain 
comme  un  nuag#lumineux  qui  descend  sur  l'horizon.  Désormais  elle  appar  * 
tient  à  l'hbtoire  ;  et  si  l'homme  rare  que  la  patrie  et  l'amitié  pleurent  aujour- 
d'hui laisse  un  nom  immortel  dans  les  sciences,  c'est  un  devoir  de  signaler 
aussi  «es  titres  à  la  reconnoissance  publique,  dans  la  carrière  non  nionH 
glorieuse  qu'il  parcourut  sur  une  terre  étrangère ,  à*  la  fin  du,  siècle  dernier  et 
au  commencement  du  xix,e  Que  d'autres  apprécient  ses  belles  découvertes  et 
marquent  les  pas  qu'il  a  fait  faire  aux  sciences  mathématiques:  c'est  à  se< 
plus  anciens  disciples,  qui  furent  aussi  ses  copipagnons  de  voyage  en  Orient,  <t 
perpétuer  le  souvenir  de  ses  travaux  et  de  ses  services,  à  dire  la,  fécondité  des 
ressources  de  son  esprit ,  ses  succès  dans  fa  direction  des  affaires  les  plus  diffi- 
ciles ,  son  admirable  force  dame  dans  les  occasions  périlleuses.  Qui  de  nous  a 
oublié  sa  conduite  pleine  d'équité  et  de  générosité  envers  les  indigènes!  Com- 
bien son  talent  d'observation,  ses  lumières  et  son  aménité  nous  concilièrent  de 
partisans,  et  contribuèrent  à  maintenir  l'autorité  d'une  poignée  dTiommeijiur 
une  population  alors  si  fanatique,  et  qu'agitoient  des  ennemis  riches,  nombreux, 
et  puissans  par  les  souvenirs,  par  la  religion  et  par  les  armes!  Qui  eût  dit  que 
cet  homme  d'une  raison  si  élevée,  d'un  jugement  si  sûr,  d'un  savoir  si  profond, 

Rr 


ji4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

•croit  aussi  d'âne  sensibilité  exquise  pour  les  beautés  de  Fart  !  et  cependant , 
il  n'est  personne  parmi  ses  disciples  et  ses  amis,  comme  parmi  ses  compagnons 
de  fatigues  et  de  dangers,  qui  ne  rende  hommage  à  la  délicatesse  et  à  ia  pureté 
de  son  goût.  C'étoient  le  même  tact  et  la  même  sagacité  qui  brilloient  alors  dans 
ses  jugemenset  sa  conversation,  comme  depuis  dans  tous  m  ouvrages.  Quel 
charme  il  savoit  répandre  sur  les  moindres  sujets!  Quels  rapprochement  ingé- 
nieux, quelle  mémoire  inépuisable,  quelle  douce  philosophie,  animoient  h% 
entretiens,  soit  sous  les  monumens  silencieux  de  la  ville  aux  cent  portes,  soit 
au  bruit  des  cataractes  du  Nil!  Aux  grands  souvenirs  de  l'histoire  sont  désor- 
mais liés  ceux  d'une  entreprise  hardie  qui  sera  éternellement  ^honneur  de  la 
France:  Fourier  les  a  tous  consacrés,  les  uns  et  les  autres,  dans  un  discours 

Îui  ne  doit  pas  périr ,  tous ,  excepté  celui  de  la  part  qu'il  a  prise  à  l'expédition, 
lais  la  postérité  ajoutera  son  nom  à  ceux  que  sa  plume  éloquente  a  immor- 
talisés. »  , 

«  Messieurs,  a  dit  M.  de  Feletz  au  nom  de  l'Académie  française,  si  la  faulx 
delà  mort  moissonne  rapidement  ses  victimes,  si  la  tombe  s'ouvre  fréquemment 
pour  les  hommes,  à  quelque  rang  et  à  quelque  classe  de  la  société  qu  ils  appar- 
tiennent, il  semble,  depuis  quelque  temps  sur-tout,  que  c'est  aux  membres  de 
l'Académie  française  à  faire  cette  triste  observation  et  à  en  gémir.  Nous  avons 
en  effet  perdu,  en  peu  de  mois,  plusieurs  de  nos  confrères  dignes  de  toute 
notre  estime,  dignes  de  tous  nos  regrets;  mais  aucun  n'eut  plus  de  titres  k  ce* 
regrets  et  à  cette  estime  que  M.  le  baron  Fourier,  dont  nous  déplorons  aujour- 
d'hui la  perte.  Savant  illustre  et  distingué  parmi  les  sa  vans,  secrétaire  perpétuel 
de  la  plus  savante  société  de  l'Europe,  c'est 'aux  membres  de  cette  société^ 
c*65t  à  $t$  pairs  qu'il  convient  de  lui  donner  des  éloges  qui  seraient  trop 
imparfaits  et  trop  incomplets  dans  ma  bouche,  des  éloges  dignes  de  cette 
partie  considérable  de  son  illustration  et  de  sa  gloire.  Esprit  facile,  orné  et 
doué  d'une  rare  capacité,  écrivain  pur,  poli,  plein  de  goût,  c'est  à  ces  titres 

Îu'il  nous  appartenoit,  et  que  nous  nous  plaisions  à  reconnottre  la  justesse  et  la 
nesse  denses  pensées  et  de  son  style,  le  mérite  de  sts  compositions  littéraires, 
ia  clarté,  l'élégance  même  de  ses  ouvrages  scientifiques.  Homme  loyal  et 
aimable,  d'un  commerce  facile  et  plein  d'agrément,  c'est  ngn-seulement  aux 
membres  des  deux  académies  qui  le  perdent  à  lui  rendre  une  pleine  et  entière 
justice  sur  toutes  ces  heureuses  qualités  de  son  cœur  et  de  son  esprit ,  mais  à 
tous  ceux  qui  l'ont  connu  dans  le  monde,  dans  l'administration,  et  dans  ce 
voyage  à  jamais  célèbre,  glorieux  à  l'armée  française,  utile  à  la  science,  et 
qui  produisit  ce  grand  ouvrage  sur  l'Egypte,  le  plus  magnifique  que  l'on  doive 
aux  sciences  et  aux  voyages,  et  dont  M.  le  baron  Fourier  fut  le  principal 
collaborateur.  » 

La  mort  de  M.  Fourier  retardera  de  plusieurs  semaines  la  séance  publique 
annuelle  que  l'Académie  des  sciences  devoit  tenir  en  juin. 

—  La  Société  royale  de  médecine,  chirurgie  et  pharmacie  de  Toulouse  a 

1>ublié  le  procès-verbal  de  sa  séance  publique,  tenue  le  13  mai  1830.  Tou- 
ouse,  Douladoure,  148  pages  in-8.9  (comprenant  l'Exposé  des  travaux  de 
cette  société ,  par  M.  Ducasse  fils ,  secrétaire  général  ). 


MAI  1830.  31J 

LIVRES  NOUVEAUX. 

m 

FRANCE. 

La  Reeonnoissance  de  Sacountaiâ,  drame  sanscrit  et  pracrit  de  Câlidâsa, 

Îublié  pour  la  première  fois  en  original,  sur  un  manuscrit  unique  de  la 
libliothéque  du  Roi,  accompagné  d'une  traduction  française,  de  notes 
philologiques ,  critiques  et  littéraires,  et  suivi  d'un  appendice,  par  M.  A.  L. 
Chézy,  ae  l'Académie  royale  des  inscriptions  et  belles-lettres,  professeur  dt 
sanscrit  au  collège  royal  de  France,  de  persan  à  l'école  spéciale  des  langues 
orientales  vivantes.  Paris,  Dondey-Dupré,  1830,  grand  in~4~'  ***j>  292, 
268  et  100  pages,  avec  une  planche  contenant  des  fac-similé,  (Épître  dédica- 
toire  à  M.  Silvestre  de  Sacy;  introduction;  texte  sanscrit  du  drame;  notes 
sur  ce  texte  ;  traduction  française  du  prologue  et  des  sept  actes  delà  Reeonnois- 
sance de  Sacountaiâ;  notes  sur  chaque  acte;  textesanscrit  de  l'épisode  épique  de 
Sacjpuntalâ;  notes  et  corrections;  version  persane  de  cet  épisode,  et  traduction 
libre  en  français  ).  Nous  nous  proposons  de  rendre  compte  de  ce  volume.  Le 
drame  de  Sacountaiâ  n'étoit  connu  que  par  la  traduction  anglaise  de  W.Jones, 
"d'après  laquelle  on  a  publié,  en  1803  ,  une  version  française ,  in- 8/  ,  à  Paris, 
chez  Treuttel  et  Wiïrtz. 

Ulliade^  traduction  nouvelle  en  vers  français,  précédée  d'un  essai  sur 
Tépopée  homérique ,  par  M.  A.  Bignan.  Paris ,  impr.  de  Th.  Belin ,  librairie  de 
Belin-Mandar,  1830,  2  vol.  in-8.° ,  cxv,  368  et  537  pages.  Il  sera  rendu 
compte  de  cette  traduction  dans  un  de  nos  prochains  cahiers. 

Phadri  Aug.  liberti  fabularum  AZsopiarum  Iibros  quatuor,  ex  codice  olim 
pithaeano,*  deinde  peleteriano. .  • . ,  contextu  codicis  nunc  prrmùm  intégré 
in  lucem  prolato,  adjectâque  varietate  lectionis  è  codice  remensi,  incendio 
consumpto ,  à  Dom.  vincentio  olim enotatâ ,  cum prolégomènes, annotatione , 
indice,  edidit  Julîus  Berger  de  Xivrey.  Paristis,  excudebat  Ambrosius  Firminus 
Didot,  Régis  christianissimî  et  Instituti  regii  Francis  typographus.  Venit  apud 
Firminos  Didot  fratres,  1830,  in-8.û ,  267  pages  avec  un  fac-similé.  Pr.  20  fr. 

—  Nous  avons  annoncé  cette  édition  aussitôt  que  le  prospectus  en  a  été  publié. 
Voye^  Journal  des  Savans,  janvier  1830,  p.  57.  La  préface  de  M.  Berger  de 
Xivrey,  écrite  en  français,  rernplit  les  quatre-vingts  premières  pages.  EHc  est 
suivie  des  variantes  du  manuscrit  de  Reims,  extraites  par  D.  Vincent*  Dans 
le  corps  du  volume,  les  fables  de  Phèdre  sont  accompagnées  de  courtes  notes 
latines ,  où  sont  recueillies  les  variantes  des  éditions.  Des  tables  et  l'errata 
occupent  les  pages  255-267.  Nous  nous  proposons  de  faire  mieux  connoître 
l'importance  oe  cette  édition, 

—  Vies  de  plusieurs  personnages  célèbres  des  temps  anciens  et  modernes,  par 
M.  C.  A.  Walckenaer,  membre  de  l'Institut. 

Rursùs ,  qii'td  virîus  et  quid  sapientia  possit 

Utile  propo suit  nobis (  Hor.  ) 

Laon,  typographie  de  Melleville,  1830,  in-8.°,  12,  376  et  442  pages.  M.  Walc- 
kenaer  avertit  que  la  plupart  des  notices  historiques  réunies  en  ces  deux  volumes, 
ont  été  composées,  ou  pour  accompagner  des  éditions  d'auteurs,  ou  pour  faire 
partie  de  la  Biographie  universelle.  Elles  sont  ici  divisées  en  quatre  livres. 

—  I ,  Personnages  historiques  de  l'antiquité,  i>  Grçpt:  Epamtpoo^Ias  et  Dion 

kr  a 


yrf  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  Syracuse;  2.0  Romains:  Horatius  Codes,  Caton  l'Ancien,  Marcus  Caton, 
Caton  d'Utique. . . .  Suetonîus  PauIIinus.  —  II  f  Savans  et  littérateurs  de  l'an- 
tiquité; i.°  géographes:  Dicéarque,  Denys  le  Périégète,  &c.  ;  2.0  historiens: 
Cornélius  Nepos,  qui,  suivant  M.  Walckenaer,  n'est  point  l'auteur  du  livre  que 

l'on  continue  de  publier  sous  son  nom,  de  Vitd  excellentium  virorum 

3.0  Littérateurs:  Vatérius  Cato,  Dionysius  Cato,  Censorin ,  Manîano* 
Capella. —  III,  Personnages  historiques  des  temps  modernes;  i.°  histoire 
de  France:  CÏovis,  Jeanne  d'Arc  et  Savary  de  Brèves;  2.p  histoire  d'An- 

{;Ieterre:  Crorhwell,  Clarendon,  Digby,  Edm.,  Walter.  —IV,  Savans  et 
ittérateurs  des  temps  modernes;  i.°  géographes:  Edrisr,  GuîII.  de  l'isle,  &c; 
2.0  voyageurs  :  Marco-Polo, . . .  ,  Corn.  Bruyn . . . . ,  Olivier  ;  3.0  naturalises r 
Lister. ../,  Fabricius;  4-°  chroniqueurs:  Nithard  et  Guillaume  le' Breton; 
5',°  littérature  française:  la  Fontaine,  Fontenelle,  la  Mothe,  Montesquieu ,  &c; 
6.°  littérature  anglaise:  Folfces,  Gay ,  Gray,  Thomson,  Hume,  Johnson, 
Hawkesworth,  Sterne.—  Le  nombre* des  notices  est  de  94. 

Œuvres  de  P.  E.  le  Montey  ,  édition  revue  et  préparée  par  l'auteur.  Paris,. 
Sautelet  et  Brissot-Thivars ,  1829  et  1830;  5  vol.  in-8.°  xxiv ,  423  »  43*» 
398,  364  et  448  pages.  Prix  3j  fr.  T.  I  :  Raison  et  Folie,  Petit  cours -de* 
morale  mis  à  la  portée  des  vieux  en  fans.  T.  Il:  les  Observateurs  de  la,  Femme,? 
la  Nourriture  d'un  Prince,  le  Pêcheur  du  Danube,  &c.  T.  III.:  Éloges  de 
Morellet,  Vicq  d'Azyr ,  Peyresc,  Cook  ;  notices  sur  Marguerite  de  Valois,,  reine 
de  France,  le  duc  de  Guise  dit  le  Balafré,  Jeanne  d'Àlbret,  l'amiral  Calîgny,. 
l'historien  de  Thou,  le  cardinal  de  Retz,  la  duchesse  de  Longueville , 
MM,nci  de  la  Fayette  et  Deshoulières ,  Chaulieu,  Helvétîus,  les  demoiselles  le 
Couvreur  et  Clairon»  T.  IV  :  Extraits  des  Mémoires  de  Dangeau  (  voy.  Jour, 
des  Sav.  oct»  18 18,  p.  621-624).  Tome  V:  Essai  sur  l'établissement  monar- 
chique de  Louis  XI Y  (voy.  ibid  p.  624-628),  avec  des  pièces  justificatives > 
parmi  Iesquelles#se  trouve  une  notice  sur  Colbert;  Peste  de  MarseHIe;  Étude 
de  la  partie  historique  du  roman  de  Paul  et  Virginie  ;  de  la  Précision  dans- 
le  style >  les  langues  et  (a  pantomime;  Bons  effets  de  la  Caisse  d'épargne  et 
de  prévoyance  ;  Essai  sur  la  littérature  et  la  langue  russes. 

Astronomie  pratique  :  usage  et  composition  de  la  cann 0155a n ce  des  temps , 
ouvrage  destiné  aux  astronomes,  aux  marins  et  aux  ingénieurs ,  par  L.  B.  Fran- 
cœur, professeur  de  la  Faculté  des  sciences  deJParis.  Paris,.  Bachelier,  1830; 
in-8.*,  joo  pages,  avec  des  planches  gravées.  Prix  7  fr,  50  c. 

Notice  historique  sur  le  projet  d'une  distribution  générale  d'eau  à  domicile 
dans  Paris  ;  Exposé  des  détails  y  relatifs,  recueillis  dans  plusieurs  villes r 
notamment  à  Londres ,  par  M.  Mallet,  ingénieur  en  chef  de  première  classe 
au  corps  royal  des  ponts  et  chaussées,  &c.  Paris,  Carillian-Gœury,  1850^ 
84  pages  in-+.a,  avec  un  tableau  et  un  plan  de  la  disposition  des  tuyaux  de 
conduite  dans  Paris.  Pr.  5  fr. 

Traité  de  la  législation  des  théâtres,  ou  exposé  complet  et  méthodique  des 
lois  et  de  la  jurisprudence  relativement  aux  théâtres  et  spectacles  publics ,  par 
M.  Vivien r avocat  à  ta  cour  royale  de  Paris,  et  M.  Edm.  Blanc,  avocat  au 
conseil  du  Roi  et  à  la  cour  de  cassation.  Paris ,  Brissot-Thivars,  1830,  in-8.*r 
470  pag.  Pr.  6  fr.  jo  cent.  -  • 

Histoire  du  droit  romain  au  moyen  âge,  par  F.  C.  de  Savigny ,  traduite  de 
l'allemand^ et  précédée  cFtint  introduction  par  'M.  Ch.  Genoux,  docteur  en- 


MAI  i&p.     :  je  *</ 

-droit,  4  vol.  in-8.0  Le  prospectus  contient  tint  lettre  adressée,  par;  M.d£  Sa  vigny 
aux  éditeurs  de  la  traduction,  et  conçue  en  ces  termes  :«  Eu  analysant  la* 
»  science  et  la  pratique  (lu  droit  moderne,  nous  vovojm  que  la.  plupart  des 
»  principes  et  des  notions  qui  le  composent  sont  d'origine,  romaine.  Mai*  f$s 
»  notions  et  ces  principes  ne  nous  «ont  pas  tombés  du  £Îeï;  ils  i»ou.&sftajt  parvenus 
»par  ia  tradition  continuelle  de  six  siècles  de  profonde  ignorance  gt  dç.ityt 
«autres  siècles  d'un  travail  littéraire  plus  ou  moins  heureux*  Les  siècles  d't}n£ 
«activité  régénérée,  en  nous  transmettant  le  droit  romain,  n'ont  pas  laissé  de 
y»  le  bien  modifier.  Tout  en  I'encombrarit  d'une  masse  de  travaux  inutiles  ,  ils* 
»  l'ont  aussi  enrichi  de  découvertes  judicieuses,  et  c'est  dans  cette  forme  bizarre 
»  que  nous  l'avons  reçu  de  leurs  mains*  Or ,  quelle  est  nôtre  situation  lien 
«entendue!  Ignorer  ce  que  les  siècles  intermédiaires  ont  ajouté  au  dtoidvdmam 
»  primitif  est  absolument  impossible;  tout  ce  que  nous  apprennent  nos  profes-» 
»seurs  et  les  livres  modernes  en  est  imbu*.  Nous  naviguons  sur  cette  mer1}  *i 
»>  ce  seroît  nne  illusion  dangereuse  de  vouloir  faire  abstraction  de Totém*nt'sur 
»  lequel  nous  nous  trouvons.  Il  n'y  a  donc  que  deux  partis  à  pnendièy  oadt 
»  nous  laisser  dominer  par  cet  élément,  ou  de  le  dominer  nous-mêmes,; et  xîe 
»  tourner  à  notre  avantage  les  difficultés  de  notre  position.  Pour,  réussir  eu 
«►prenant  ce  second  .parti,  laborieux  il  est  vrai,  mais  seul  raisonnable  ri|  faut 
u  changer  cette  masse  informe  des  auteurs  de  droit  en  un  corps  organisé] 
»  C'est  ainsi  qu'on  parvient  à  distinguer  le  bon  du  mauvais,  Porigi  ©a  k*dei>m - 
»pruaté,  que  Ton  découvre  la  ramification  et  la  généalogie  des  idées^  la  ris 
»  créatrice  de  l'esprit,  dans  une  région  qui  d'abord  ne  nous  présentoir  que  con* 
»  fusion  et  dégoût,  •        A 

»  Pour  atteindre  ce  but,  il  faut  des  recherches  dfe  plus  <Tun  genre.  Maïs  teé 
»  recherches  diverses  ont  une  base  commune,  une  condition  indispensable*; 
w  c'est  la  connoissance  des  principaux  docteurs,  de  leurs-  ou vnges  et  de  leunr 
»  écoles.  Voilà  le  but  de  mon  ouvrage,  restreint  cependant  aux  temps  les  pKis 
»  obscurs,  c'est-à-dire,'  aux  siècles  qu'on  fforrrme  Te  moyen1  âge.  En  ,jetitfepreriHnt 
»  cet  ouvrage,  fai  cru  faire  une  chose  utile;  et  depuis  les  trente  ans  que  je  rjtferf 
»' occupe,  ma  conviction  n'a  pas  subi  le  moindre  changement.  Je  suis* persuader 
»que  si  la  jurisprudence  est  destinée  à  faire  des  progrès  solides,  en  reunîssahé 
»  les'  lumières  du  passé  à  la  méditation  et  à  l'expérience  ,  mon  ouvrage  y  sVra 
*»  de  quelque  chose. 

»  Néanmoins  je  ne  me  suis  pas  dissimulé  que,  (fans  cette  carrière,  je  rèrfcon- 
»  trerois  dès  parties. stériles  et  auxquelles  l'opinion  publique  n'est  pas*  favorable  ; 
»  mais  cette  réflexion,  dont  j'ai  rendu  compte  dans  l'introduction  du'quatri'érm* 
»  volume,  né  ,  devoit  pas  me  détourner   d'un   travail  utile  et  aùquef  je  me 

*  seniors  une  vocation  particulière.  Ge  n*est  pas  que  j'eusse  Faffecfatfori  à  être 

*  insensible  aux  applaudissemens  de  mes  contemporains;  nos  travaux  ne 
nf  peuvent  trouver  un  encouragement  plus  naturel  et  plus  vivifiant  que  Firfterêt 
»  qu'y  prennent  ceux  avec  lesquels  nous*  vivôps  :  mais  enfin  cet  intérêt  n^êst  j>as 
»  tout,  et  il  ne  doit  bas  remporter  sur*  notre  conviction  de  ce  qui  est  utîlè  au* 
»  véritables  progrés  <fe,  la  science,  (\^i!à-«na  confession  littéraire,  que  je  vous 
»  communique  avec  la  même  simpficite  que  je  serôis  prêt  à  le  faire  â  tout  Je 

*  monde.  Le  troisième  volume  ne  me'pârolt  susceptible  d'aucun  retranchemenY. 
»  Quant  aux  quatrième  et  suivans,  rien  de  plus  facile  que  de  les  réduire,  et  Je 
»  vous  donnerai  volontiers  mes  conseils  'là-dessus.  »     ; 


y*  JOURNAL  DES  5ÀVÀNS, 

Ainsi  l'on  publiera  une  traduction  littérale  des  trois  premiers  volumes,  avec 
les  additions  'et  corrections  fàhes  par  M.  de  Savigny  lui-même,  et  un  extrait 
des  trois  derniers  tomes,  où,  grâces  aux  conseils  de  l'auteur,  on  espère  repro- 
duire le  véritable  esprit  de  l'original,  et  ne  rien  omettre  d'important.  La 
première  livraison,  composée  de  a  volumes,  est  en  vente.  Prix  de  chaque 
fttlume,  8  fiv  On  souscrit,  en  payant  le  dernier  volume  à  l'avance,  -chei 
Alexandre  Mesnier,  libraire;  place  de  la  Bourse. 

ITALIE. 

Tragédie  d'Euripide,  ifc*;  Tragédies  d'Euripide,  traduites  en  italien,  par 
M,  Fel.  Bellotti.  Milan,  Stella,  1829,  in-8S  — L'Enéide  di  Virgitio , 
l'Enéide  de  Virgile,  traduite  en  italien  par  Eufrosina  Mancini.  Lucques, 
Bertin},  1829,  i/i-&#  —  Opère  di  Quinte  Ora^io  Flacco ;  Œuvres  d'Horace, 
'traduites  en  italien ,  avec  le  texte  latin  et  des  remarques,  par  M.  Celestino  Mas- 
•àco»  Milan,  Bonfanti,  in-8.9,  tome  I.cr—  Versione  italiana  di  alcune  edi 
d*Oraju>,  da  P.  Mistrorigo.  Venezia,  Aivisopoli,  1829,  in-8f—C*  Crispe 
Sallustio ,  &c,  ;  Salluste  traduit  en  italien  par  Vittorio  Alfieri.  Milan ,  Silvestri, 
1829,  zz.*  volume  d'une  collection  de  versions  italiennes  d'auteurs  grecs  et 
latins. 

Atlante  geografico/fisico  e  storico  delta  Toscana,  del  doitore  Attilio  Zuccagnr 
Orlandino.  Firenze ,  stamperia  granducale,  1830.  On  avoit  publié,  au  mois  de 
mars  dernier,  la  9.*  feuille  de  cet  atlas  de  la"  Toscane, 

Reitificazione  di  non  pochi  (30)  errori  ifc,  risguardanti  Milano,  che 
troyansi  neW  opéra  di  Maltebrun  ;  Rectification,  par  l'abbé  Cesare  Rovida,  de 
trente  erreurs  ou  inexactitudes  concernant  Milan  ,  qui  se  rencontrent  dans  l'ouvmge 
de  Maltebrun,  intitulé  Précis  de  la  géographie  universelle.  Milan,  Truffi, 
jjao,  iW/ 

Topogrâfia,  statistica  e  letteratura  di  Casai  Maggiore ,  ifc*  ;  Topographie  # 
statistique  et  littérature  ou  bibliographie  de  Casai  Maggiore;  mémoires  nis to- 
riques ,  critiques  et  politiques  de  l'abbé  Giovan.  Romani.  Casal-Maggiore , 
Btzarri,  1829,  3  vol.  in-8.° 

Pétri  Pauli  Vergerii  senioris  de  Republica  veneta,  fragmenta  nunc  primùm 
ed  ta.  Venetiis,  è  typographia  Picottianâ,  1830,  in- S,0 

La  Vita  di  Colàdi  Rien^p,  tribuno  del  popolo  romano,  ricorretta  ed  illus- 
trata  da  Zefirino  Rè.  Forli,  tipografia  Borlandini,  1828 ,  1829, 2  vol.  in- 8.°  Le 
texte  original  de  ce  livre,  dont  on  ne  connoh  pas  bien  Fauteur ,  est  écrit  dans 
l'idiome  romarin  de  l'époque  même  de  Rienzi  (XIY.C  siècle)  ;  M.  Rè  Ta  traduit 
en  italien  moderne,  et  y  a  joint  des  remarques  savantes,  historiques  et  philolo- 
giques. 

Ossewvazlonl  sopra  la  costa  di  Bar  bar  la ,  ifc.  ;  Observations  sur  les  côtes 
barf aréiques,  par  M.  Fil.  Pananti.  Milan,  Sonzogno,  2  vol.  in-8.° ,  avec  des 
cartes  «t.  des  planches  coloriées  :  4«c  édition,  qui  fait  partie  d'une  Raccolta  di 
Kî«gi:(tom.  12s.  et  126),  '•#■■• 

Dryonario  délie  science  naiurali.  "t'est  une  traduction  italienne  (avec  des 
additions  et  des  corrections)  du  grand  Dictionnaire  des  sciences  naturelles, 
publié  en  France  (voyez  Journal  des  Savans,août  1824,  p.  45,*4^4ï  août 
1827,  p.  451-457;  décembre  1827,  p.  759)»  l*  version  italienne  s'imprime  à 
Florence,  chez  Batelli,  in-l/ 


MAI  1830.  319 

Fîlosofia  qoologica ,  ossia  prospetto  générale  délie  strutture,  funzioni  c 
classificazione  degli  animait  Pavia,  Fust,  1829  et  1830,  in-8.9  Cette  philo-» 
•ophie  zoologique  est  une  traduction  de  l'ouvrage  anglais  de  Fiemming. 

#  ALLEMAGNE. 

Af.  Tullii  Ciceronis  de  claris  oratoribus  liber  qui  dicitur  Bru  tus;  cum  ^ptir 
A.  Ernesti  aliorumque  interpretum  selectîs  ediait  suasque  adjecît  Fr.  EHendt. 
Prefixa  est  succincta  eloquentiae  roman»  usque  ad  Caesares  historia.  Regio- 
monti,  Borntriiger;  Pansus ,  Treuttel  et  Wïïrtz,  1829  ;//!-&• 

Geschichte  der  macaronischen  Poésie;  Histoire  de  la  poésie  macaronique  yySiX 
M.  W.  Genthe.  Leïpsic ,  Reimicke ,  1 829 ,  in-8.°  Cet  ouvrage  est  annoncé 
comme  rempli  de  documens  très-curieux, 

Krist,  poëme  allemand,  composé  par  Otfrid  au  IX.#  siècle*  doit  être  publié 
dans  le  cours  de  l'année  1830,  d'après  des  manuscrits  conservés  à  Vienne* 
à  Munich ,  à  Heidelberg,  et  avec  des  remarques  ciitiques  de  M.  J.  Grâff: 
Koenisberg,  Borntrager,  in -4.°  La  souscription  est  ouverte  à  raison  de  8  rxd, 

Hannonis  navigatio  :  textum  recogmmt  et  adnotatione  il  lustra  vit  Fr.  G. 
Kluge.  Lipnae,  Naucke,  1829;  in-8S  Les  préliminaires  de  ce  volume  con- 
tiennent une  dissertation  de  l'éditeur  sur  les  divers  personnages  qui  ont  porté , 
dans  l'antiquité,  le  nom  de  Hannon. 

Tagebuch  einer  Reise  nach  den  vereinigten  Staaten  und  der  Nordwesikuste  von 
America;  Journal  d'un  voyage  aux  Etats-Unis  et  à  la  cote  Nord-Ouest  dé 
l'Amérique,  par  M.  Ignace  Hulswitt.  Munster,  1828,  in-8.9 1  I   rxd.  6  gr. 

Ideen  uberdie  Politik  den  Verhehr  und  delHandeldel  vornehmsten  Volberder 
atten  V/elt ,  i?c.  ;  Idées  sur  la  politique  et  le  commerce  des  peuples  de  l'anti- 
quité, par  M.  Heeren;  4*e  édition,  publiée  en  1828  et  1829  a  Gœttingue, 
chez  Vandenhoëk  etRuprecht.  C'est  sur  cette  dernière  édition  que  M.  Suckau 
a  entrepris  la  traduction  française  dont  le  i.cr  volume  vient  de  paroi tre  en 
1630»  à  Paris,  chez  M.  Firmin  Didof;  in+8.°  9  xxx)  et  555  pag. ,  avec  des 
cartes,  des  plans  et  des  notes  inédites.  Ce  volume  doit  être  suivi  de  sept 
autres. 

Abriss  der  rdmischen  antiquitaten  ;  Esquisse  de*  antiquités  romaines,  par 
M.  Fred.  Creuzer  ;  2.'  édition ,  revue  et  augmentée.  Leïpsic  et  Darmstadt  • 

1829;  in-8.° 

Thomas  Morus  ans  den  QùeUen  bearbeltet  /  Vie  de  Thotnas  Morue ,  <Papth 
des  documens  authentiques ,  par  M.  G.  Thom.  Rhudart.  Nuremberg,  Campe, 
1 829  ;  in-  8f 

SUISSE.  Wanderungen  in  weniger  besuchte  Alpengegen  den  des  Schweit^s 
Excursions  aux  parties  peu  fréquentées  des  Alpes  suisses,  par  M*  HirzetEscher. 
Zurich,  Orell,   1829;  in-8.°  Prix  l  fl.  12  krM 

RUSSIE.  Expédition  d'Alexandre  le  Grand  contre  les  Russes,  extraite  de 
PAfexandréide  ou  I scander  nameh  de  Ntytml;. ..;  traduite  par  L'.  Sphz- 
nagel;  version  entièrement  refondue,  et  précédée  de  celle  des  biographies  de 
Nizami  et  de  onze  autres  poëtes  persans,  •  • ,  ;  par  M,  F.  B.  Charmojr ,  &c; 
tome  I.#r  Pétersbourg,  1829,  in-S.9 


jjo  JOURNAL  DEfrSAVÀNS. 

ANGLETERRE. 

The  BooVsràriûes  in  the  unfversity  of  Cambridge  ;  Raretés  bibliograpMaùes  de 
V université  de  Cambridge  ;  avec  cfes  lettres  originales,  des  notes  biographiques 
et  littéraires,  &c. ,  par  le  rêver.    C.  H.  Hartshorne.  Lond«s,    Longman  , 

,  netry  pj  the  Afagyars..  •  ;  Poésie  des  Magyares  (  ou  anciens  Hongrois  ), 
précédée  d'un  rapide  examen  de  la  langue  et  de  la  littérature  de  la  Hongrie 
et  de  la  Transylvanie,  par  M.  John  Bowing,  membre  de  plusieurs  sociétés 
sAjigmtej.  Londres,  chez  Rob.  Heword,  1830,  3 12  pages  /n-A'Pr.  12  shill. 

Vlpuftesley,  a  taie;  Cloudesley,  conte,  par  Fauteur  de  Caleb  Williams 
(M.  Godwin  ).  Londres,  Colburn,  1830,  3  vol,  in-$.° 

yd  of  frvq&qgc  from  the  Pacific  to  the  Atlantic;  Journal  d'un  passage 
,.  Ipr  Pacifique  a  la  Mer  Atlantique  ,  par  M.  Maw.  Londres,  li2$%in-$.' 
'nvra^'^  *n  vttrjous  parts  of  Peru  ;  Voyages  en  diverses  parties  du  Pérou,  y 
èpmpris  un  séjour  dun  an  au  Potose,  par  M.  Edmond  Temple.  Londres, 
Cbtpurn  et  Bentley ,  1830,  2  vol.  in-8.° 


-If  <HrA .  On  peut  s'adressera  la  librairie  de  M.  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la 
ffarpe,  n.°  S/;  et  à  Strasbourg  ,  rue  des  Serruriers,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savans.  Il  faut  affranchir  les  lettres 
fi-  tk  prit  présumé  des  ouvrages. 


'1     '       If    \m     *\  '.  '        .  ■  1  '     .  '■  ~  m      *  * 

■il.-- 


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TABLE. 


Histoire  naturelle  des  poissons,  par  Aï  AI.  le  baron  Cuvieret  Valen» 

viennes.  (Article  de  AI*  A  bel- Ré  m  usât.  ) Pag*  260. 

Pe  l'entendement  et  de  la  raison  :  introduction  à  l'étude  de  la  philo- 
ù*pphi*  i  pat  M,  Thurot.  (  Arâcle  de  Ai.  Daunou.  ) 269 . 

Observations  géologiques  sur  les  différentes  formations  qui  ,  dans  le 
système  des  Vosges ,  séparent  la  formation  houillière  de  celle  du  lias, 

*sM*Mà  l*.  Elie  de  Bçaumont.  (  Article  de  M.  Tessier.  ) 276 . 

Tfljdeàucte  la  marche  et  des  progrès  de  la  langue  et  de  la  littérature 
françaises  depuis  le  commencement  du  XV  J.r  siècle  jusqu'en  1610 , 
par  MM.  Ph.  Chasles  et  Saint-Marc  Girardin.  (  Second 
article  de  M.  Ray nouard.  ) 280 . 

Namasat    carmin  a   curn    Tebrisii  scholiis    integris  pritnùm    edïdit 

Georg.  Guil.  Fr/ytag.  (  Article  de  M,  Silvestre  de  Sacy.  ) 290. 

ÉléutenSjVratiques  d'exploitation,  par  M.  C.  P.  Brard.  (Article  de 

/Hé  CfheifteuL  )..,,......... [301 . 

tfamettct  littéraires  ...........  t ... . 311  r 

;FIN   E)E   LA  TABJ.Ç. 


A    PARIS, 
DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 


1830. 


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Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  &•  Par  'a  poste ,  hors  de,  Paris.  On  s'abonne ,  à  la  maison  dt 
librairie  LEVRAULT,  à  Paris,  *•£**  fi.  Harpe,  n.°  85;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n,°  33.  II  faut  affibachtr  tes  lettres  et  l'argent. 

».  ■ 

•  - 


livrIlsnqvveAVX,  les  lettres,  à*ït9  mtôtàfes,  frc,  qui 
(^ncmtr  la  rédaction  dt  ce  jourààiï  jfcbeni r  être 


Les 
parent 

adressés  au  ttreà*  du  Journal  des.  Savons,  à  ïjju£s,  rue  de 
Ménil-montant,  m*  xz.  «,  f 


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JUIN    1830. 


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^S 


fJïSTôiRE  des  Français  des  divers  états,  aux  cinq  dernier^ 
...{siècles,  par  M.  Amans- Alexis  Monteil,  xv.€  siècle*  Pari** 
*    itnpr.  de  £.  Du  verger,  librairie  de  Janet  et  Cotelle,  1^30, 

■■*•  à  Vol.   //J-£#     '  '  ,;1 

■  ...  » 

":  SECOND   EXTRAIT.  ,l 

■•■■■  /;■         ;  :    ;     •  ■    \  '■  i  .■  ..    ■-..! 

x^oU  ^' décrire  les  dWTéfeïités  professions  ou  conditions  qui',  chei 
fes  Français  du  xy/  siècle-,  partageolent  et  nuançoient  Fa  société;; 
"  M.,MontêiI  lés  fiiit  cbmparoîtçç  Tivne  après  l'autre  devant  une  assemblée 
qui  ste  tient 'en  Tannée  îjoo,  à  ThôteMe-yille  de  Troy es.  Il  s'en  est 
ainsi  présenté  quinze  dans  le  vof  urne  dont  nous  avons, rendu  compte  \i)  ; 
<*}titti2è  ârtldfes  dir  même  genre  vorit  composer  le  tome  suivant- 0$ 
seront  intitulés*  le  Vafet,  TAvodat,  le  Médecin,  le  Paumier ,  le  Savant, 
TÀrtiste  ,  ïe  '  Courtisan  ,  THômme  dTarmes',  le  Marin  ,  le  Parante  ,' 
te  'Conseilfer  ffétat ,  th  Clerc  d'ambassade ,  le  Solitaire ,  le  Souffleur , 
e?*f Astrologue.  On  sait  que  chacun  de  ces  personnages  doit  prouver 
que 'ton  état  esr'de  tous  le  plus  malheureux,  comme  ont  fait  les 
quinze  qui  ortrété  déjà  entendus.  S'il  y  a  quelque  intention  dans  Tordre 
établi  entre  les  trente  sections  de  l'ouvrage,  nous  ne  Pavons  aucunement 
aperçue.  Apparemment  l'auteur  a  voulu  représenter  le  mélange  presque 
fortuit  qu'offrent  les  scènes  de  la  vie  sociale. 


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i48o.  Sur  ce  dernier  point,  une  note  renvoie  à  la  Chronique  de 
Jeaa.de  Troyes  ;  et  à  propos  des  parures  de  femme  qui  déplaisoient 
au  vieux  gémilhoirtme  ;  une  ^tre  jiote'  cite  les  Doits  nouveaux  (Ibei 
Droits  nounaux  )de  Côquillarçt.  O^Voitrfjue  M.  MonieH  j^ti^e  chaque 
détail  de  ses  tableaux  ;  seulement  il  ne  facilite  pas  toujours  par  des 
indications  précises  les  recherches  qu'il  conseille  à  ses  lecteurs  :  par 
exemple ,  la  pièce  de  Cofjuilbré  à  laquelle  ils  sont  renvoyés  a  plus 
de  treize  cents  vers  ,  et  il  en  faut  parcourir  plus  des  trois  quarts  pour 
y  trouver  ,  sous  la  rubrique  ou  rubriche  de  Dolo  •  le  passage  dont  il 
s'agit.  Mais  le  valet  Jacquin  a  servi  bien  d'autres  maîtres  :  il  a  été , 
vers  le  milieu  de  sa  caryère  aventureuse  ,  garçon  de  service  à, la 
prison  du  chfltefet  de  Paris  ,  et  il  récite  une  instruction  par  demandes 
et  par  réponses  que  te  geôlier  lui  a  fait  apprendre  par  coeur.  Les 
articles  de.  ce  catéchisme  sont  extraits  du  Recueil  de  lois  de  Fon» 
fanon  v  des  Offices  de  France  de  Girard  ,  du  chapitre  des  Peines 
dans  le  Grand  Coustumier.  On  y  lit ,  entre  autres  particularités  ,  que 
les  prisonniers  nobles  penvpnt  jouçr ,  çt(ceux  qui  ne  sont  pas  nobles , 
regarder  jouer  ;  qu'après  que  les  juges  ont  prononcé  la  mise  en  li- 
berté d'un  prisonnier9  le  geôlier  a  droit  de  le  retenir  pour  dettes  de 
nourriture  ,  de  ty  et  de  geplage  -f  que  S,  Liénaid  e*t  le  patron  des 
geôliers  et  des  .valets  de  geôle ,  plutôt  que  des  prisonniers»  dont  les 
Kens  doivent  être  non  relâchés  >  mais  resserrés  à  la  fête  de  ce  Uea-  • 
heureux.  A  rappui  de  cette  règle  ,  M.  Monteil  ne  cite  que  la  Biblio- 
thèque française  de  Cou  jet,  article  de  Jean  Régnier.  Or,  dans  Gouget 
ft  IX ,  p.  239  ) ,  Jean  Régnier ,  incarcéré  en  1 4}  1  ,  dit  seulement  que 
S,  Lyénard  ou  Léonard  est  particulièrement  invoqué  par  les  prisonniers. 
Jacquin  en  dît  davantage  ;  il  dit  même  tout  le  contraire.  Quand  il  a  fini 
de  décrire  le  régime  des  prisons,  il  rentre  dans  le  sujet  qu'il  doit  traiter, 
Fétat  de  domesticité ,  parcourt  différens  genres  de  services,  n'en  trouve 
pojnt  de  supportables,  sinon  pourtant  celui  de  la  maison  de  messire  le 
maire  de  Troyes.  Mais  il  plaint  par- dessus  tout  ceux  qui  servent  à  la 
cour;  car  ils  y  dépendent  à-Ia-fois  du  maître  d'hôtel,  du  panetier,  de 
l'échanson  ,  de  l'écuyer ,  du  veneur  ,  qui  tous  commandent  le  bâton  à 
fa  main  ;  c'est  le  signe  de  leur  juridiction  souveraine ,  en  même  temps 
que  de  leur  dignité  :  une  mauvaise  réponse  à  l'un  de  ces  grands  officiers 
suffit  pour  exposer  un  valet  aux  plus  cruelles  vengeances. 

Un  avocat,  harangueur  de  profession  ,  prend  la  parole  ;  il  est , 
ainsi  qu'il  lui  convient ,  fort  disert,  et ,  ce  qui  est  plus  remarquable, 
très- méthodique.  II  rend  compte  des  longues  études  qu'il  lui  a  fallu 
faire  pour  devenir  bachelier  et  licencié  en  droit ,  sans  acquérir  aucune 


4ti  totinoiêwn&i  pratiques  dont  H  a  semi  le  besoin  de*  qult  a  eu4ei 
ttfenii  On  a  toutefois ,  dans  le  siècle  éclairé  où  il  a  le  Bonheur  de  vivre, 
simplifié  les  actes  de  procédure  ;  il  n'en  reste  plus  que  douze,  cjui  sont  fa 
proouitmon,  l'assignation ,  l'inscription  du  procès  au  rôle,  la  sommation 
4e  produire  les  instrumens  et  tes  pièces  ,  la  communication  dei  sacs,  la 
requête  pour  obtenir  la  faculté  de  poursuivre ,  te  délai  par  définit  6u 
Mngé ,  la  reprise  de  l'instance  ou  la  purgation  dû  congé  ,  l'adjonction 
<tet  parties,  la  correction  des  conclusions ,  (e  jugement  interlocutoire,  et 
flhtventaire  des  productions.  Il  est  trai  que  ces  douze  actes  principaux  en 
âMèrtènr  d'accessoires ,  dont  le  nombre  moyen  est  de  cinquante-*»  ôtl 
soixante  ;  mais  c'était  quatre-vingts  ou  cent  au  Xiv.c  siècle;  la  justice 
a  pris  une  marche  légère  que  lui  ont  imprimée  les  trois  ordonnances 
céfèbrel  de  n£î  ?  $  1 49 3  et  1498  pour  l'abréviation  des  procès.  l/expli- 
tttion  de  ces*  détails  entraîne  des  observations  sur  les  différentes  00»* 
tutaes ,  et  particulièrement  sur  Celle  de  Paris  ;  l'avocat  a  eu  besoin 
<kt  lès  étudier  toutes  ,  et  l'on  voit  qu'il  en  a  une  parfaite  connoissatice. 
Au  moment  où  il  parle,  elles  sont  toutes  écrites  et  enregistrée* 
etmformément  aux  édits  de  Charles  VII ,  Louis  XI ,  Charles  VIII 
et  Louis  XII;  les  uties  en  mauvais  latin,  fes  autres  en  mauvais 
français  :  il  y  en  a  une  en  vers  français  ;  c'est  celle  de  la  Normandie , 
tèrte  classique  de  la  procédure,  où  il  n'est  pas  rare  de  rencontrer 
dès  demoiselles  qui  savent  par  cœur  et  récitent  en  grasseyant  tous  les 
articles' de  ce  code.  L'avocat  parle  non  moins  pertinemment  des  lofe 
générales  du  royaume ,  du  droit  romain,  du  droit  canon,  de  la  juris- 
prudence criminelle.  Tant  d'études,  tant  de  travaux,  ne  lui  sembleraient 
pis  pénibles;  mats  être,  dès  sept  heures  du  matin,  traîné  à  l'audience  par 
des  cliens  passionnés  ,  se  voir  exposé  à  perdre  son  état,  à  subir  ées 
emprfeonnemens  et  des  amendes  ruineuses ,  parce  qu'on  aura  dit  des 
vérités  que  la  loi  appelle  des  injures ,  ou  qu'emporté  par  la  vivacité 
on  aura  parlé  trop  vite  et  en  même  temps  que  l'adversaire ,  est-il 
toe  condition  plus  triste  !  *  Et  ceux  qui  n'avt\  point  eu  de  procès , 
poursuit-il ,  vous  pensez  peut-être  que  de  magnifiques  honoraires  nous 
»  dédommagent  !  »  seize  livres  ,  voilà  la  plus  forte  somme  que  le  tarif 
du  fcftitelet ,  rendu  commun  au  bailliage  de  Troyes ,  passe  pour  fcn 
friaidoyer ,  même  quand  on  a  pris  son  texte  dans  la  Bible,  divisé  son 
dhftours  en  majeure  ;  mineure  et  conclusion,  et  fait  retentir  la  salle 
dtyplaudissemens  :  encore  faut-il ,  sur  cette  somme  ,  payer  les  trois 
confrères  par  lesquels  on  s'est  fait  assister.  41  ajoute  que  les  avocats 
sont  sujets  au  tambour  de  la  milice  des  villes  ,  aussi  bien  qu'à  h 
ctocfc*  du  falais ,  obligés  de  retrousaer  leurs  robes ,  de  mettre  la  halle- 


I**  JOURNAL  PB3  54VANS, 

Jtffcdr*  ai*;1'{pttfleri  et,  daller  ,  sou*  le  <*>wiiaj>df iptPfc  !#*  cbcf^  à 
justice ,  combattre  les  jÀrmagnacs  ou,  les  Bq vrgufgnons *  «uirant(4pe 
At  :  «en ti.  tourne  tayaut  derrière  eux  k  comme,  à  ^'audience  ,;  letlffftfr 
$tttaunh> forcé?  feus&L  de  Jajsaer. leurs  sacsiçt  de. fermer;  fc.  dtef  Jtavrs 
Aude»;  Gfcs  infortuné*  ,  procureur*  !  il  leur  est  dé&«du  J  comtpfii  fWk 
Moaatt^de  fQ  ftfce  pzyer  d'avance  >  et  interdît ,  parjureront  »jd*  ft* 
ceYair  des  présens  ;  ils  a  ont  droit!  quVIa  jnohié  des  honoraires  d* 
plaidoyer  ,  a*  tiènneat  è  :  gtfioirc  pendant  qu'on le  prononce  >;  et  petit 
JWktJiqi  prison  ponrk;  moindre  faute*  Le  sort;  des  «cuire*  .rie**  p*| 
^*iiei¥rcu^^  i^«oif«erJLoMÉ3  XI  ait  appliqué  leur  noin  *U*  quatre 
ÉHMgéistejj aidant  in.ktMs  spatentea.- dft  novembre  i4Jta.(  Ifatatee* 
d»r*pi»  du> châttlet, des  cours  de  baflfiage  ,  des  eorçra  infièweufief* 
WfWfel  .appstqliqtiea»)  notoire*  serge**  d'armes ',  tops  sont  rpai  pajfc 
^4iv^*eroéft4,  entraves*  nLte  greffiers. de  &Q*t  ordre  on* -un  maJtotr 
4^|4|isi^celiiide  nlître.iîanlaisijpbSn^f  quoique  plut  maltraités  ççcof*» 
VMQGttfâait  par  .déplorer  Je*  tribulations  déjuge*.* depuis  cem.qui 
<»6ge<^  daps;ks  ceut.  mille  basses  justices  4  Jusqu'au*;  conseillas  j^u 
pVfc*M<tf<l  f  usqufeu  ;  cbancefcr  de  :  France.,:,  A:  ïfe  mérité  9>  Je  ^ef  dfttJ# 
qwgiatliature  %4>QQO,SKrrç$;d'appoifaemen^;  il  tianUes  sc&uix  dft  l'État, 
3?i!K^itontf  toteptotiM  o«Lr,efi„dur roi  *■ m§tt  U;  W>it<|  kv i^i 
iffÉJwMM  régional  où  *e  forcent  lés  orages  ;  la  foitfre;  l'atteint  qgelgmç» 
fok  WTOWtt^  lA^ti»  »  et  le  J&i  t  xede&çendrf  Ma  simple,  pçésideaçft  d'tu* 
q*feftbc'*tt.4*  qui, étoitilarrivé  en  .h4S3ak-'Pi^te.{j^if(JJer9;><^4if^ 
fife'toqftf'g^pM  10  tfoivïe|  rédwit>  la  fqncti<m>Âr  présjdçgfcd*  lf 

îçbftn^bieMdes;  pop>pt«s. .  «:  j ,  î    '     ,   ;■■/!;:. -,.,  i>;n  ; 

.ajl^wWeçin:  <fe  iû  trittt.  4e  iT/oye*  se  présent  icgtx  robq  grifif  rftnj- 

nme^Mitei  cbàperoa  noir  .avec  menjounàèr*  eoire^A.  sft4i]piie.i&UV 
^n*i)git*,qWpA/4ceçau4)pU  à  son -collet  rauge  f>tAsa  toque  rçuge; 
fcig»fch%l  M,  apptfaicair$>  ou  épiçi^droguâte*  [tel  m4de<ga  *  jmgre 
|e|^eçtest  .qui  dîyisenj^  le^  h<nnj|ie*,de  sa  professW^jSign^Jp  fpfciajftr 
rç*ttt  iqeifos  &s  Ara^îstea.  et  des  f&ppocratistpwAI  n»raqt  JwopH^AMNl 
pp^gcèâ,,deJ!a«aiQo^  et.cta  Hygiène.  En  décci^^jdi^e^e^tn^Wieâ^ 
iJiA'airête^urrtout  à,  te  peste,.qiû  apparaissait^ ncorq  4rop  souvent)  en 
Fjrancei  etaj^mpi  4e  Napies ,  4jui  .venojt  de  s'y  injrçritokf.  L**»ttjaJtHH 

<*hirorgj«t^  juré*  Acwotomi  d'avoir.  perfecti««é|leujis  mstrtwew;** 
leurs  ûptm'¥>&  r;pen exemple i l'extraction  de;  h  pierre»  d'avoir ^t#9d» 
eUfcliîé^dpçtrîwf  de  Lanfranc  et;  de  Cha^iaç  :  il*  SindignaieAt^doiiH 
qu'ai) iptatiatty)  à  JesiC#fondre  ave<:  \ey  barbier^  eu^iqvM  savokfta  le 
fatiAj|i>fi  ^re<9Jla  rhétorique  et  la  iogique^La  nouvelle  pbarmacîf 
préifindoiti^oir^fe/vlM  iieupt  graudi  ^erviceft  M^ffiapi^i^^MD^^fin^ 


«A/HWM  «i^for©  içt  f&fttjs  &$  *ate*  4%«tf>t**do4Èaatw,.  en  tarç» 
tifcf  t  ïfcfc  W4«<  «W^Si  wi*  qooçw§  ;rt  toiv  W)bnt  mi*  veritts^fftftmq 
gç^^ipt?*  Qp  tffcqlgit  J'épieroixfe  poil*  devenir  rick*;  deaiccroalineiy 
PS»r  tttlm'ffott^&gttftV.  cornue  Retenant  des  «tuteurs  pfc»  vires  et 
§|îSta^ief  gijwwcbw>ti^«jc.  C'étcpentdca  préjd£ést|maîsql  tfemeui*y 
BgBtmtfrWi  t>if ç.tçç9nnu<}iie  Iejapfeir  ^^poùriicQnsôr¥atioik>dK  bieoa 
V|iqp<tfeb;  &$a*e*  PfftUfc  le*  feerp*a$  dt  pour  <éiancht r  Jii  afityqiiad* 
fapgM  f^d,<Aa*tfl;.  JaM&Ute  ♦  jsobre  ;  la  sardoinét  modestei  Cfeultrtt» 
&0îfàrfltpiwp**  idppui*  ijH'elte*  étoienti  idouée*  de  parêiJferiwrlity 
*yWftl  l*iwa&up!  i*mn*  ffa  cjébit  ;:'et  ert  gBnértf.  fouitct  pfrogrèipdfté 
VWfosi  dwjn^^  çojisjdfcw&fewtW  i'àné  ^kiitranchés  les; plus  Jacrari 

\JoP«rW#z<dg>  i|1êB'^.j^|Jpng^Ttt  liant  pkrofed  cepAicfant^ il terpori 
GQKflMqt,  JA^^a^ipa軫^<qas  ttihwûit  >àilla<  ihaûv  nu*,  feét^  M» 

ÔR&o&ft  i;4wW«iljeî  ^CQldftpU:  »3»isfW!liftjtitiIe5iv?etlIw  raqmttoù 

béW^tof^tiWÈ  *<&fc*9  r -|Hi|iWi|'r»lUi  rpbicle  Erapcèiq'ont  eaitpUi 
^«ftftolWiife  J»Wft*^®'«upftjtfpn  fifssa!kUffénma:ifétiiss  dénia,  «oit 
^loÇh^r^yyfUni^/^t  $6r.fl^U  rogardpi*  jpueroài*ptfe«  ^uom!  ift 
WKufiiifiSni'  ,^ifffeW*/<flfc  «ppnte  Gortiaes  {fcamttfr  éhafl  *ifèu 
^BèiJWy^ifW^^teMQL  %*ftlf¥i*   «* J#»»V  étt»  puntigiéseatp 

îi^î  W.^W%»W^Krt^  h\hU  dp  Troyety 

se  charge  de  prouver  que  fo  fjqz  :*fe*|lW<  jfcjfri<fcfrtîni*<jsa*<ritif jM— 


j%$  JOURNAL  DÈS  SXVÀNS, 

graduel ,  tom  jboissaiit  tffafiifitmirés ,  de  prhrfléges  qui  a'étendbiêNtte 
percfeetmrîiers ,  aux  papetiers  i  aux  reKenrs;  mais  la'  plupart  réduits  potir 
tome  nourriture  au  pain ,  ad  vin  ,;  a«x  fruits  et  au  fromage ,  et  fatêi 
de  renoncer  aux  habits  de  couleur  »  aux  beaux  souliers  dentelé?  JêÈk 
couverts ,  pour  prendre,;  mette  par  te-  plus  beau  temps  ,  une  c*£é 
neuve  et  des  souliers  noirs  ;  obligés  aussi  de  se  pourvoir  chacikiftftfcië 
bbttepde  paille  pour  s'asseoit  dans  les  classes  dé  philosophie,  soft  dé  & 
mardi*  Fôuarre,  soit  des  autres  rues  du  quartier  latin.  Il  y  avoir  eh  Franiée 
senruutres  universités,  dont  huit  n'étoient  établies  que  <fepàis  Fan  f  4.d*. 
Mfcgfc ter  Fusais  visita  celle  de  Cahors»  y  rekcorttra  la  Savante  hante; 
k. itaouva. f imabte  et  belle,  le  lui  dit  en  latin,  en  gifec,  en  hébreÉ,1 
en  syriaque,  et  fut  son  époux.  II  faut  que  ce  soit  quelque  autre  IsecW 
qatClémencè,  dé  qui  Ton  ne  raconte  rien  de  pareil.  À  cette  fiction  pAb, 
table  la  première  partie  de  la  harangue  de  maître  Je  Roux  nous  parbft 
fart  pstrùcrivè*  Npus  n'oserfqns  étendre  ces  éloges  à  fa  deuxième \  lotf 
sona  passés  en  revue  les  divers  ordres  de  savans»  lhé6logrens ,  ^MWëo-' 
j4fck%^iiy£çiens,  mathématiciens  et  astronomes,  poètes  en  faHgbes«m« 
ciesaies  et  en  langue  vulgaire, orateurs  sacré*  et  profond,  htstorfcftiê 
philologues,  grammairiens  ec  lexicographe*.  Au  lietiHFtiri  véritable taP 
bkan  de  ia  Imératnre  dtt  xv/*téde,  ce  n'est  qu'une  énnmératf on  bèiÉ** 
àekp  trop  rapide  podr  être  complète  et  toujours  exacte/  Entre  tes  !«mè> 
•ton,  nom  indiquerons  celle  des  poésies  cTOctavfetf  de  &irt^G*Wj(r 
et  amKTeraaiqneroiwqti*  Tixier  de  Raviaf  (  Ramius  lTéxrdrV  dott" 
jnafcfe  le  Rouk ivanite  «d>ftuir)ée  t  joo  les  vers  Jaft'mV,  nVroil'àMW1 
qeeiwingt  «ni  <  ilo'a  brfl lé 'ou  paru  qu'au  xr/ siècle  ï  o^llttidtf  Croire1 
qatofccnni  do  «et  écrits.  n>  été  imprimé  avant  x^iâ-,  et  t^n  nVvW 
recteur  de  l'université  qu'en  i  $  ao ,  quoique  Getfget  dise  i  ftx>  ffltàftjft,' 
vu*  iB  ).  Mais  les  observations  critiques  dont  touïeé'  morceau  serait 
aasbepiiblt,  prendrotentld  trop  de  placei  >  '■'•■■  i  "  r  !,:1j  »'• 

<»:  il»,  efaapitre  consacré  «mi-  artiates  en  prOvoq^oeroit :  fceatfcoup1  rhefmY;' 
cepaèdant ,! lorsqu'on  y  affirme,  toujours  en  ï'joêV;  qliellesjflàtbiwfcMtV 
a«si>  mfèantàm  <le*  fmilrfsopm*  >  la  mode,  cela  tféèt  Vrai  què'j^ 
PMaf  0  ;•  oit  MursHe  Ficiu  (  et  non  Fisctn  )  «voit  alors  de  puissans  *V6è 
'nmjsfttauc  partisans.  L.'aristotéllsroe  continuait,  dé  dominer  en  Fraibice'.' 
ofci'iWs»  divfapit  principalement  sur1  les .  detttf  manières  dlhterpretéV 
Ailmenj,*ott>selon  Alexandre  d'Aphrodite*,  soft  »ewn!Àverreeii  Mafr 
y  peintre  qui  harangue  «t  rasjetnbié^defTroyei,  i  comn*nk*par  un  fifc1 
beiftfcoup  nrie**  étaftli  :  c'en  qu>n  wé  dit  nulle  part  gtleàt  'tomniè  tkjt1 
fiàauéier,  comme  un  chanoine,  comme-Mi  '*sJgn«1Mf  ètiqtfttH  étèp&> 

SSÉtrgaMS  «DSBSM  On  jpefalU*  Vojfedé)*  BO  «Mf  ^ÙéÉ1 


.?,   i    7  JUIN    J^30.     :*.;^l  &Q 

4e  la  thèse  qu'il;  vifint  soj^w;  i!lapcou*e  ayec  phui  fatiguai*^ 
f  exposé  des  souffrances  auxquelles  sont  condamna*  pçMft  les  *rtt«tet^ 
jîfipve.s ^sculpteur*.,  graveur*  ti?«cM_ttQtf **  n)M#ci«ns  et  danseur*»  Ildtf 
quelles  entraves  retardent  ifurs.  progrès;  q^is  (emplois  •ignonleft^Agnt- 
êfiin  Ipur,  tajcpt,,  et  quelles  fàjMstfi  dUe^on*.  j- égarai (;  rpatnfl** 
artifices*  par  combien  d'infidélités,  on  parvient^  J es  frustrer  v  çoiffcttte 
ou  en  totalité,  de^  mqdk}pç$  salaires  de.Jeuj*s  long*  travaMX.  ^Ui?nîBft(i 
fie  ces  jtristes  détails,  il  .votive  j'occasionne; retracer,  le*  p#)grèMpift  Wfc 
art*  ont  faits  en  Franc?  dans  le  cours  dp  si$dp.»  ej  de  signales  qufttait<t» 
y  nés  dejeurs  plus  heureuses  pr^dnçtiQi^OQMirae la  statue  ^'Agp^fcji^rd 
à  Loches r;>çsé^lj>es^§aiï|t-rPau^à  Pari&^efcde  Sj*^YaaH>i;iJTO 
les  châteaux  <|e  t-pui$  #J  .atifPiepm  et  de  Charles  ^IU:  à  :  Ambrât?  :4fe 
Peut-êtrç  y  aovir~il  Ji3u.de  s'arrêter  ,un  j#u  plusJfopg-ttmps&jjAigiat- 
vure,  art  encore  nouveay  ev déjà  feco agences  teipps-Jà'ti.san  erigiiie 
qt  ses  premiers  essais. sont  des  articles  dignçt  .d'attention  dans^i'Jiittoîff 
ttu$raii#  du  yy/ sifcte,  .  .  .  ,■,.:■.  -u  '  :.<:.  .:i  ;  i-  ,.,!'."  >u.  I 
./  On  apprend  d'un  courtisan  qu'il  exiMje  vois  cents  officier»  de  la  thsèop 
^  roi  et  dp  la;  reinç  f  et  cent  pour  Je  dauphin  *  outre  lea  cent  ^entib- 
hçrames  pensionnaires *  distinct*  des  grandis  pensionnai  t<**de  la  fcwr; 
et  pas  i*a  s^ul  homme  content  de  son  sort  dans  icette  multitude  ^biefc 
que  leursappointemens  réunis  ferment  u<Hota(  de  1  £o*ooo  QUra£ti>»Ooo 
Jjvres,  ce  qui  dpuneroit  envjron  2,00  iiv,,  pOMr  <;bqcun»tt  cQg*$QtBin£ 
né  toit  inégafemçnMépartie  entre  eux,  depuû  tes  gr*nd*  paMÎQfttiaireft., 
qui  reçpivejn  chacun  2,000 1  livres»  îusqu'i  det  nvai^  de  ?*hMPtbfAi, 
qi)i  n'en  ont  que.120:  ceso*i.r  là  de  foibleacQ^^Uationsdç*  dé^ai- 
sirs  mortels  que  le&  rivalités  et  h  intrigUesnfMnèueht«  et  deribigf^e 
babity^Ile  qg'imjn>$e  le  cérémonial  L'étk}um*e;étQtydéveQue  Si  s&flèpe, 
qu'on  avoit.  eu  la  pensée  d'exiger  qu'après  tia  mort  du  «rof),<  Uj  reine 
pç  $qr tftpQÎn/ ,,  durait  uiki  We  entier**!  de  la  chambre  o&  e)fe  wroàt 

4j>pr{Sjk  WJ>vslle  dç;Mij.ïeH«g^*iet,qirielte  passât,*»  semaine»,*** 
^mi  tfffltir^JuiBriène,  que ,ç^l Je  ^/tempes.  Le  cQurwainfW,pap:4is 
çAwiwÛPpft.pWic^içrefi;  m  .^  oortr  d^.  Chwle4/yJi  .W  selk  de 
Qh^rles^Ifcjde \tem XI,  d*  CMtf:Mlf>lk  Uui*Xtf. £tttJU*iffeh 
rfjlf;  a'4tQiew^e#réw*raçB<  j*Qmgf9u*4  *  ti|mdtoi«lfti*ùti  lanpafo*  ig^né- 
^^^^^WWmt^î^ij  *  jnotre^  a«ifEè  Winc^t,  w|Km'tw|*4*ilftIj»i* 
W»g*  de/Mv*te  Afoft&J-  Wpus  foQtisJfii^qji^^baitesi  Ylsfrt  4»ti4* 

4*rero*»fl!Vptà*ttK  JBxçftpt«>a5oi«^$fl0rs«hn»  qw&ppftocbomif; 
q»$  ^fceff*Ml*ire»f  I^b/aivs^  fifi<^.pfec&4>êrJ9rf^^ 
4ei;çh«Y^v..JlH,€»|«WP9Û  &  :/M^^wf4a^«i»v«îfo*jsktet4!*m 


33P  JOURNAL  DE5*fcAVAN$, 

rôtiédt*  ftoisierisv  à  came  de  s&n  i  h  for  tuile;  mais  les  hénouards  ou 
porteurs  dé  sel,  jouissant  de  privilège  de  porter  à  Saint- Denis  le  cercueil 
<fes  Vois ,  posèrent  le  tien  au  milieu  du  chemin ,  en  demandant  qui  tes 
paievott.  Beux  pages  sur  Charles  VII  se  réduisent  à  de  simples  mentions 
<fAgnès»Sorei ,  de  la  pucelle  d'Orléans,  des  guerriers  Dunois,  Potofc, 
ia  HJre,  Xaintrailles  ,  et  de  la  dépense  de  la  teine ,  qui  se  mon  toit  par 
jou*  ài-3'8  ou  4<>  Hv.  L'orateur  a  vu  la  cour  de  Louis  XI;  il  a  observé 
té  caractère  et  les  mœurs  de  ce  prince ,  sa  politesse ,  son  goût  pour  les 
propos  facétieux >  ses  superstitions,  ses  méfiances,  sa  sévérité  impi- 
toyables .ses  cachots  souterrains,  ses  cages  de  fer ,  et  la  chambre  murée 
4t> fortifiée  eh  il  mourut.  Avec  Charles  V III  advint  une  cour  enfantine 
et  folâtre  t  autour  de  lui  les  vieillards  reprenoient  de  leur  mieux  les 
habitudes  de  la  jeunesse;  c'étoit  à  qui  le  suivrait  dans  ses  chasses  fati- 
gantes. Quand,  au  retour  de  son  expédition  en  Italie ,  il  montra  du  goût 
pour  les  arts,  tous  les  seigneurs  eurent  la  passion  de  la  peinture  et  de 
l'architecture  ;  ils  faisoient  rebâtir  leurs  châteaux  les  plus  neufs  et  re- 
peindre leurs  appartenions  le  plus  fraîchement  décorés.  Les  gens  de 
cbur  sentaient  le  poids  de  ces  servitudes  ;  maris  c'est  bien  pis  depuis 
que  Louis  XII  règne;  car  il  faut,  pour  lui  plaire,  qu'ils  fassent  comme 
lui  le  bien  dtr  peuple:  ils  n'ont  jamais  été  plus  faalheurettc. 
1  L'homme  d'armes  et  le  marin  décrivent  l'état  des  armées  de  terre 
et  de  mer:  d'une  part,  Padministration ,  le  régime  et  les  différens  ser- 
vices-'de  Tmfanterie,  de  la  cavalerie,  de  Partillerie;  de  l'autre,  là  cons- 
truction et  l'équipement  des  vaisseaux,  les  divers  grades  de  fa  marine 
mrikafre,  depuis  le  page  jusqu'à  l'amiral.  Les  vaisseaux  de  cette  marine 
appartenoieiu  à  des  particuliers»  comme  ceux  de 'la  marine  marchande; 
le  roi  n'en  étoit  que  locataire;  il  n'en  dirigeoit  pas  la  construction,  * 
non  plus  que  de  ceux  qu'il  fàisoit  fabriquer  en  des  ports  étrangers.  En 
général,  la  carrière  maritime  étoit  fort  ingrate.  On  y  réservoit  les 
premiers  grades  à  des  seigneurs  qui  n'en  avoietiv  poiht  fait  rappreo- 
tif sage ,  et  qui  même  n'eh  essayaient  pas  les  fonctions  :  les  Châtilkm , 
les  Sancerre,  les  Montmorency ,  les  Armagnacs,  les  Rohan,  créés  ami- 
raux dans  le  cours  du  XV.*  tiède»  rt'ont  jamais  servi  que  sur  terre. 
A  midfre,  la  France  n'avoit  plus  de  marine:  atftsi  le  marin  est-il  '& 
fort  mauvaise  humeur;  peu  s'en  faut  qu'il  ne  partage  tes  préventions 
tjui'sb  répandoient  alors  contre  futilité  des  técenfés  découvertes  de 
Vasco»  de  Gam*  et  de  Christophe  Colomb.  L'homme  tf armes  atok 
parié  plus  gaoenfett  de  **s  mésaventures.  A  propos  de'  l'extrême  mo» 
dfcitè'des  profits  du  «tfdat,  il  dfsoh:  *  L*  temps  nest  plus  où  la 
»pi4e4t  loid  Shtttmiset  vribft  «fit mille  «ttt* tfor  à  urt  gendarme. 


JUIN   1830.  }jr 

»  Maintenant  les  prisonnier*  sont  tous  an  Jnitin  commun;  et  certes  «ce 
»  n'est  pas  bien  grande  perte ,  car  j'ai  vu  qu'on  ne  les  vendoit  que 
*  cinq ,  six  sons  chacun ,  et  même  que,  lorsqu'on  ne  les  réclamoit  pat , 
»  on  ies  pendoit,  pour  leur  apprendre  à  n'avoir  ni  parens,  ni  amis  $  ni 
»  argent.  J'ai  vu  cela  durant  (a  guerre  du  bien  public» 

Le  parasite  f  quoiqu'il  se  donne  vingt  mille  confrères  en  France  f 
auroit  assez  peu  de  chose  à  dire  sur  son  étrange  profession»  s'il  n'y 
entremêlât  quelque^  supplémens  à  ce  qui  a  été  dit  ailleurs  de  Pdrdon- 
nance  des  festins.  L'une  des  premières  phrases  de  son  discours  est  conçue 
en  ces  termes  :  «  Un  homme  qui  n'a  cfaùdfe  fortune  que  son  nom  t  a 
«parcouru  hevumblemem  la  moitié,  fes  tmis  quarts  de  sa  carrière  1  il 
»  a  échangé  sa  subsistance  contre  ses  travaux  et  son  sang.  »  Voilà  une 
manière  de  parier  qui  ne  rappelle  guère  le  xr/  siède ,  et  qui  n'est 
peut-être  pas,  même  aujourd'hui,»  très-admissible:  on  dirait  plutôt, 
échanger  ses  travaux  et  son  sang  contre  sa  subsistance  ;  encore  vaudrait 
mieux,  à  notre  avis,  s'exprimer  tout  autrement.  Nous' hasardons  cette 
observation  critique,  parce  qu'il  est  fort  rare  que  M;  Montai  donné 
occasion  d'en  faire  du  même  genre*   * 

Le  conseiller  d'état  traite  de  matières  plus  sérieuses»  il  n'a  poirit,  cotant 
tant  d'autres,  passé  soft  jeune  âge  à  complimenter  les  dames  sur  ieurscolte- 
rettes  k  pipttlotes,  sur  leurs  gorgerettes  brodées,  ou  sur  le  yeudeiJeun  te»* 
piet tes  pendantes  au*  deux  côtés  de  leur  tète  oisive;1  il  iisoh  la  Politique 
<F  Aristote*  tes  Lois  de  Forteicue  { qui  pourtant  n'ont  été  imprimées  qu'att 
xvi. c  siècle } ,  et  les  Lunette*  des  princes*  par  Mpschinot  (qui  iVonfcferu 
qu'en  1 4ç  î ,  lorsque  devait  avoir  atteint  fAge  viril:).  Qèoi  qu'H  en.*àit , 
il  s'appliquott  à  distinguer  en  France  trois  genres  de  culture  ;  laïvigite, 
la. forêt  et  fe  blé,  qm  comespondoieht  aux  trois  ordres r  Je  clergé ,  fa 
noblesse  et  fe  tiers-^éwt.  Louf*  XI ,  menacé  par  la  forêt,  qùr  tenoit  trop 
de  place,  avoit  pris  là  hache;  H  avoit  frappé,  ébranlé,: abattu vifiït 
trembler  jusqu'aux  pkp  petite  arbres^  et ,  de  se»  wÉaros  cnsangfs  mets  \ 
semé  le  bled  dam  les  chiriètes.  Apre»  sa  mort,  la  question  étort  île 
savoir  si  cette  iongws^t  épduvamable  coupe  rfavoic  point  pltétfé  ks  justes, 
propDttkmrde*>*roi*«ukures.  Que  69  donc  k  vimgt+six  on  vmjgktaM; 
au*  Je  futur  conseiftôr  <f  étaa  !  Tandis  que  ses  pareils  s'occupent  de  fan* 
pbstliv  ou'd&Iectf  afSii  «an  persohnel  les  v<  oublia»  de^cdleajde  kurs 
vtfisirè'er  d*  lews  idisihef  >  tevoifc  s^uli  se^creusant  la  tètÉxtesJ|iro^ 
portions  futhnnctiêscu  doîveitt  èu^îe  blé^fosét  «t  la  vipocl  Net» 
<fc*Kom  epcore^qtfeni  fob^on  «etâfirarfié  dtyeuten  cette  épiifcèteitt» 
rmlwniàtfr  as^fciérywyh  tt$*\,  y j  asatséspeat  nWt  uni  Besoin;  ta§w 
cet  te  addition  rendroit  beaucoup  inoibscMr^MiMaiÉ^'whéfas^tsIhi 

Tt  2 


3ï*  JOURNAti  DES  SAVANS, 

passé  de»  encpèteadupaileafen  tau* requêtes  de  l'hote},  etàquarante  tfns 
aurponseii,  qui  alow^  rîesfràtdrôe  sous  te  rçgne  de  Chartes  VJU,  étofodivîsé 
empois  sections ,  affaires  ^politiques,  finances,  et  justice.  <Lel  nopvc*» 
conseiller  d'état )ne<  tarda  pa&à  reoonnoftae  que!  chaque  fois  qjuon  opi- 
noit  selon  sa  combieqce^bh  «sfatriroîc  Jmiwtté  de  tous  ceux  quonavoii 
cootteditsci  II  aaqiitatjiéankhom^  une  jwoftmde  Cûirooimnce  des  affaires 
générales  i  du  royaume;  H  vit  que  ^permanence  deJ-annéje  et  celle  des: 
soUides  a*oientlbndéia  loiite-p^iwance  du  rpi  ;  gu'ii  VagNsoit  dd  ia  roiin- 
W^^nafibiWt«antcelié)de^f^%  mens,  en  diminuait,  lorsque  fe4e*noi> 
troieoténdocHe^  Eétaftdiejfe  JetirsJttsiKptsi  ou  bien*»  faisant  descendre 
h  pMëôeflBDwrotiinetaD^  bâtfliagrfs,  ou  bien  encore  eh 'assemblant  les *nçis 
étostiet  flans^ie;<^>eù  cette  assemblée  opposerait  trop  de  résistance  y 
ara  ne  convoquant  plo&quk  des  notables,.  II  connoît  tous  les  besoins, 
tQutet  (les  ressources  du  temps  où  :  il,  vit  v  et  sa  sagacité  s'étend  sur  1  Vj 
vwnbvdf  prévoit  qu'un  jour,  au  .fou  des  antiques  ministères  du  conné- 
table >  du  grandlamirrf ,  du  grand  aumônier,  du  chancelier,  des  généraux) 
datiehttavf&é/i,  lé/Reip'anra  plus  que  «quatre  qiu  cjnq,  bras  dotrt.il.  dis- 
posera plus  sûrement.  Ce  ne  seront  ni  les  chambellans,  ni  les  écuyers, 
i— in  fa  i  clercf-jiotiires-aecrétwfes ,  qui  de  ces  trois  noms  déposeront  siuc- 
ettemmerit  lesdeuxipremiers^t  nf  garderont  que  le  troisième  ;il  y  aura  un 
secrétaire  kfeia  guerre,  un  de  la  marine,  uitdes  finances ,  un  de  La.  justice. 
M^i tfettalc*s>que<  les  conseillera  <fétat,  déjà  si  maJbeureuxt,  le  devieri-, 
(front  bien  davantage,  puisque,  an  Heu  d'être  leb  -coôsesUe^s  du.  m&> 
narque,  ils  ne  seront  plus  que  les  conseillers  de  ses' secrétaires. 

réassemblée  de  Troyes  donne  ensuite  audience  à  un  clerc  cTambas-, 
sarieiv  dont  le  discours  offre;  un  tableau  de  la  diplomatie  de  ce  temps , 
oè  il  n'y  avait  -point  encore  de  légations  permanentes»  Chaque  aai» 
bpssade  accidentelle  se  composait  de  cinq  oU  six  orateur*  >  >à  la  tète 
daequelsie  Roi  mettoit  quelquefois  son  chancelier^M.  Mohteil  nous 
desme  dq  un  précis  fort  -méthodique  de  tout  c^  que  les  Chroniques,  Je» 
qÉémoirefyies' traités,' fCtuJes.  autres  geareai.de  monumens /  nous  ap- 
pfttniem  des  protocoles  et  dp*  pratique*  afy^pinatkjfiesl  de  cet  âgey 
partlouiièfemtm  dejaréceptioh  opâ\)n:fi^oaaiut  junbaftiadtbrs  étrangers. 
dlAUeqiagae;  airaenf  Je<  cé^émbnial  ;:  eo  >Iesi6dt  ^siéger  au  parle* 
aèee  Jésicotasetilérs  clercsHetidesiC^nseilléri  fa*s,l  e€  l'on  plaide 
entrai  *k*Ariti  etueenaoua  dé  Suisse*  -ori  Jet  fakboimi  octox  d'Angle- 
waè;  Jx^e/etlmangtekkipaik  la^^ 

oèUeoàiçn  tes»  reoasxjuit .  On  aatène  et  fpn  itrtène  *n,  processâwfc 
«fK)<ritdÔL.Tdtta  araeàt  ieaprésms  jjqa  Ja*4q^kftPtt4fcir«ifr' 
«A^^àsféirtwa^riieeidè/.pîicfcs^dJory  c|u<oufi*l  lioibnn  iioVibbiier*? 


f    J 


/JUIN:  «18.30.'   .i'JOi  333 

iJ^-^tww^st  w^tiure  sk>u8  lequel  on  n'attendrai*  pas*  un  résumé 
<fa$  piu&  mémorables  .éyâneméns  arrivés  depuis  1 4oi  jusqu'en,  s  500.  Ce 
ptifcts  chronologique,  qui  éioit  nécessaire  à  1  ouvrage,  et  qui  aurait 
Pli  èiw  moin*  sugçgaçt ,  est  ici  amené  par  une .  idée  assefe  étrange ,  s'il 
nçus, ?sr  pçrtftis  4e. le  dire.  OJier  habite  depuis  i4jo  un  hermitage 
Vfli^  4*  ,7Yoyes,  ;  vers  le*  sources  de  l'Aube;  il  y  à  succédé  à  un 
splityre  qtû,  par  une  fort  heureuse  rencontre ,  y .  avoit  vécu  durant  les 
cinquante  années  précédentes.  Ce  prédécesseur  et  lui  se  sont  donné  la 
$pçiptu\t  ^chaque  paalheur  public,  à  chaque  gtaode  faute  commise  par 
Ifâ  gpuyçfpans,  Cfoque  fois  ils  ont  sonné  la  cloche,  et  ils  ont  tie nu 
Registre  de  Mura  flagellations ,  avec  mention  du  motif  de  chacune  :  ainsi 
^  cloche  sonne  eu  i4oi>  quand  le  gouvernement  montre  des  disposa 
tiions  hostile^  contre  la  nation  anglaise.  ; .  en  i4oj  ,  quand  Ja  discorde 
s'allume  au  sein  de  U  Emilie  royale;  en  i4<>7»  «près  l'assassinat  dn 
cfrtc  d'Orléans;  en  i4o8,  lorsque  Je  docteur  Petit  /ait  l'apologie  de 
çf,yçnme,  du  duc  de  Bourgogne;  en  i4i 5  >  h:  la  nouvelle  du  désastre 
cT^zinco^ft,  &c*  Pour  que  cette  série  d'époques  ne  demeure  pas  in- 
cpijiplète,  on  tient  note  de  celles  où  la  cloche  reste  dn  repos;  par. 
exemple,  quand  (a  pucçlle  fait  lever  le  siège  d'Orléans.  Le  solitaire  dit*,  i 
e$  finissant,  qu'on  n'a  commencé  que  sous  Charles  VIII.  à,  jouir  en 
France  de  If  sûreté  des  personnes  et  des  biens,  <jue  ces  garanties 
sont  bien  mieux  affermies  encore  sous  Louis  XII ,  et  que' si  ce  prince 
devoit  toujours  occuper  Je  trône,  la  cloche  de  f  hermitage  ne  seroit  plus 
remise  en  branle,         .       ^  !i-.. 

0jUne  nptjce  de  f alchimie  du  xv.c  siècle  Iseipbleroii  annoncée  ^par^ 
ravant-dprniet  titre,,  le  Souffleur,  Mais  à  peine,  l'homme  qœ?  prend  Ik, 
paro{e  en  ycette  qqalité  a-til,  en  deux  ou  ttofc  minutes ,  entamé  cette 
matière*  que iCappaptjpn  de  Nicolas  Flamel,  peraonnagç  demi-fabuleux, 
lui  serf  de  transition  à  un  tout  autre  sujet.  Flamei  lui  a  remis  un  sachet  dei 
P^rev^erte,  dite  transparente  5  et  au  nttty  en  de  cette  poudre,  il  a  vu 
dfpne  de^t^urs  de  Notre-Dame  et  de  quelques  autres  points ,  non-/ 
seulement  fcnçeintf ,  les  quartiers  et  tes  rués  de  Paris ,  mais  l'intérieur 
d*n  habitations,,,  çtjti%qp'a)Ut  pjtfa  aetrèies  pejtiées  dei  personnes.  Le 
compte  qu'il  rend  de  cette  viajon  est  nuitulé  Paris  de  ytm;;  c'est  \\m* 
description  de  l'état  physique  et  moral  de  cette  grande  ville  ,  qui  a 
trois  cent  mille  rabftàfis  au  moins.  La  classe  des  clercs  y  a  diminué , 
depuis  que  la  clergie  ou  la  science  s'est  répandue  dans  plusieurs  rangs  de 
la  société.  Les  nobles  aussi  sont  JlfUllH  IllHllbieux:  c'est  l'effet  de  plusieurs 
causes,  pami  lesquelles  il  faut  compter  les  privilèges  accordés  à  différens 
corps  de  bourgeois.  L'bôtel-de- ville  de  Paris  ressemble  k  une  misérable 


Îj4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

grange  terminée  par  deux  pignon»  ;  mats  ia  me  Stain*  Denis  «cheteroit 
toutes  le»  autres,  excepté  pourtant  celfe  de  Saint-Martin,  qurest  encore  plus 
riche;  l'or ,  l'argent  et  les  étrangers  affluent  d*ns  ces  defax  rues,  ainsi 
qu'à  la  grande  balle,  ou  les  principales  villes  du  royaume  ont  des  quartiers 
désignés  parleurs  noms»  Çé  tableau  de  Pdrisuurofr  manqué  à  fctavrage; 
et  quoique  déplacé  peut-être  au  lieu  qu'il  occupe ,  il  est  si  tiafoitatoénf 
tracé,  que  nous  regrettons  de  n'en  avoir  pu  extraire  que  peu  de 
détails.  ' 

La  harangue  de  l'astrologue  remplit  les  huit  dernières  pages ,  et  s'ouvre 
par  l'annonce  d'une  étoile  extraordinaire  qui  a  ftitli  briser  fit  fune  en 
morceaux*  Un  conte  de  cette  espèce  se  lh dans  la  Chmrtkjuede  Jtoàri? 
de  TVoyes,  à  la  vérité  sous  l'année  1 467  51  raàis  fa  daté  de  1  yôo  vaut! 
bien  autant.  Nou$  ne  nous  arrêtons  point  aux  bôroscttpes,  prédictions 
et  autres  présages  qui  sont  ici  retracés  ;  il  en  existe  ailtettfs  tifes  notices 
plus  étendues,  et,  s'il  le  faut  avouer,  plus  complète*.  A  propos  de  la 
chronologie  des  astrologues,  qui  se  conserve  à  la  coUrdé  France  i  <Jôlê 
de  la  chronologie  des  rois,  une  note  renvoie  à  l'Histoire  de  Louis  Itt, 
par  Matthieu  Paris  :  c'est  sans  doute  une  faute  d'impression*  et  H' faut 
lire  Pierre  Matthieu.  II  y  a  quelques  autres  erreurs  dans  les  267  pages 
de  notes  qui  correspondent  aux  trente  histoires  i  etdoht  fa  plupart  néan- 
moins sont  plus  précises  et  plus  instructive  que  cèdes  qui  accompà-î 
gnent  le  tableau  du  kiv.*  siècle;  le  corps  méittèdé  cette  detfltième 
paAie  du  travail  de  M.  Mdnteif  nous  ptarfcît  digne  de  f>tas  déloges; 
quoique  ia  première  en  méritât  déjà  beaucoup.  Le  cadré  fetlbpté  ptttt? 
ia  deuxième  a  exigé  qu'il  ?  ftt  question  de  là  ville »lde»  Ttojres  bien 
plus  souvent  que  d'aucune  autre»  Les  Méfriotrés  de  GWskrp,  la  Topo- 
graphie de  Troyes  par  Courtalon ,  la  Couturti*  de  Trô^i,'  J&fc.\  fbte^ 
nisseht  un  très-grand  nombre  dé  déduis,  er  fbti  pèsrt  craltidi*  ipxë 
les  contrées  méridionales  de  la  Franco  né  soient  Un  peu  ^  négligée*  ; 
mais  ce  que  nous  pouvons  affirmer' sans  défkti£*9'cW  qtiè?  ces  deux 
volumes  supposent  beaucoup  cWnstrucriotî  et  tur' lûèg  travail,  qtWfe 
se.  lisent  avec  un  extrême  intérêt  j  erqu'iff oïri  dMft  fctHie  £fa£è  to* 
notable  parmi  les  meilleures  et  les  plikfl  fetgérifetttelP  pftftltfttfbtt*'  H$i> 
toriques  publiées  en  ces  derniers  temps/  ->v  >>  •>•>  h'-  i    i    p      1  •"•> 

,.;...       i--...  :  .    .if.  f  -    ■     •   %    :    .)-.  -•)  :  .i.".  ni  uo  ïvjpv*  J  ^.ii»  ■ :   «p- 

' .  :  J  ■   I     uni!  *Wllll  !!!  1    i^iiB  >•*   ion  *>A  .»•  .••  -  •■  ni 

J«*c   -,  .-•   -.»n»i  r  *l.:m.v.*;r  ansH  jb  jlii  / ->b-b:6d'J  uio^jnuod  >L  e'jio:* 


.  ■•  '   / 


JIHN   l8ja  î)j 


$Eiecj,  Speçimenç ofthe  théâtre  ofthe fjjndus  %  translated/rom 
.   the  original  ^inscrit,  tyld.  H.  Wilson.  Calcutta,  1827, 

-1.1.3  jVOV*  iH-Sf-i  !     ..i..       ■:.    i     .1 

Xïhefs-iïattfte  Hu  théâtre  todtèn,  traduits de t&riginal  sanscrit  en 

[a)igldls,pdr  Af.fi:  H;  Wifson  f  et  de  T anglais  en  fiançais, 

,    par  M.  Lan  g  loi  s  ;  accompagnés  de  notes  et  eteclaircissemens , 

,  et  suives  d'une  tqble  alphabétique  des  nçms  propres  et  des  termes 

irelaii/sà  la  mythologie  et  aux  usages  de  ï Inde  >  avec  leur 

-  expifcathnv  Paris  **  r8»28  ,  2  vol*  in-8.° 


t  ■ 


«  ■  -*  ■-  ■  . 

•.*.  i*célèlxe  fondateur  de  la  Société  de  Calcutta,  V.  Jones„a  Fhonneur 
4 avoir  1*.  premier,  iiait^naoitre  le  théâtre  indien  par  un,  poème  qui  .a 
JftDg^  temps,  servi  seuOTb  JEurope  à  en  juger  te  génie  et  le  carac- 
tètq.  La  traduction  anglais  4e  Sacootala  (1)1.  reproduite  en  allemand 
par  Forster.et  tn  français  par  Uruguière  de  Sprsum,  est  u^  des  pro- 
ductions venues  de  rHindousiM  qui  ont  obtenu  le  plus  de  faveur  en 
Occident.  Les  savans  voués  à  l'étude  de  la  littérature  indienne,  détournés 
f£T  de*  fecher^itff»  plu$  pnpprtantes,  n'ont,  depuis  quarante  ans  ,  rien 
.ajouté  £.££  que  w.  Jones  avoit  appris  de  ce  genre  de  compositions  par 
Jç  ispécimen  dont  on  lut  est  redevable;  car  on  ne  sauroit  .tirer  beaucoup 
dje,  lumières.,  $ur  ce  curieux  sujet  ,  de  la  notice  d'une  pièce  dont  M.  Cole- 
brpc^e  a  particuJièreniçnt  exaiftiné  tes  vers  pour  la  coqnoissance  de,  la 
prosodie  dans  les  dialectes  sanscrit  et  pracrit,  ni  compter  comme,  un 
draine  proprement  dit  le  Itvcr  de  la.  lune  de  ïintrfligtnfe ,  mis.  en  an* 
gfais  par  M.  Tfiylor  <?n  1 8  ia  (%)%  pièce.-  purement  allégorique .,  dont 
Jeu  personnages  sont  le  sens,  la  raison,  la  contemplation,  X irréligion, 
r4*4K/R**.&ç.,  et  dont  la  conclusion  est  .amenée  par  Vin  tell  cet,  qui  ae 
jfiUt  d*n*  k*  h**$  fa\kon\me,  et  h,  dévotion,  qui  relève  ce  dernier  et  le 
confiait  .aux  pieds  du  seigneur  suprême.  On  ne.  sauroit  rien  conclure, 
reJajùjretnent  à  Fart  dramatique ,  d'un  ouvrage  entrepris  pour  populariser 
lu  doctrine  du  y é&Mftt  et  qui,  s*H  a  janws  été  représenté  r  copine  le 
fraducteurfa  stfjppQsé»  «  dO  n'inspirer  qu'un  intérêt  tout  philosophique, 
*t  n'avoir  pour  ajiditews  qu'une  réunion  de  métapbyffcieofc 


-  L  .  1  '  •      •     r  '   ■    '  '  ■  ;  #     .  j  .»••-..■  ï    t       •  •  ■  ' 


i{à\  Saconteta,  *r  il*  Jûîal  ri**.  Calcutta*    1 789 ,  m*fr  r—  (a)  Prabodh 


H6  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

M.  H.  H.  Wilson,  que  tant  d'excellent  travaux  ont  élevé  au  rang 
(Îles  plus  fribifes  philologues  qui  aient  étudié  le  sanscrit  dans  l'Inde 
même,  et  qU?  h  enr&hi  les  derniers  vola  mes  des  Recherches  de  Calcutta 
d'un  si  grand  nombre  de  mémoires  que  nous  avons  fréquemment  ana- 
lysés dans  ce  Journal,  M.  Wiison  est  encore  ejuré  dans  la  carrière  ouvtrtf 
par  W.  Jones  ;  et  il  auroit  effacé  en  ce  genre  la  renommée  de  ce  dernier, 
si  une  juste  reconnoissance  n'étoit  pas  due  à  ceux  qui  surmpntent  les 
premières  difficiles',  et  si  le  drame  de  Sacontal*  ne  conservofr,  sotts  le 
rapport  de  fa  toViceptroh  et  du 'style,  un  mérite  qui  le  distinguera  tou- 
jours au  milieu  dés  ouvrages  de  (a  même  origine.  Mais  l'habile  secrétaire 
de  fa  Société  asiatique  ne  *'çst  p^s  borné  il  mettre  en  .anglais  une  «pièce 
unique  ;  il  en  a  interprété  six  entières,  analysé  vingt- trois  autres,  et  par- 
couru un  plus  grand  nombre,  pour  y  puiser  les  notions  générales  dont 
il'  Vouloit  accompagner  ses  traductions  et  ses  extraits.  II  a  donc  imssé 
bien  loin  derrière  lui  ses  honorables  devancie^  et  il  a  hit  seul  amassé 
beaucoup  plus  de  matériaux  qu'eux  tous  ensemfll,  pour  les  questions  qvi 
se  rattachent  au  génie  du  théâtre  hindou  ,  et  sur  les  sujets  que  les  pro- 
ductions de  ce  théâtre  peuvent  éclairer ,  le  goût  littéraire  de  la  na- 
tion indienne,  ses  opinions,  ses  coutumes,  ses  habitudes  sociales  et  ses 
préjugés. 

■  Lesreprésètitations  théâtrales  de  l'Europe  moderne,  quelque  diversifiée* 
qu'elles  soient  par  les  traits  nationaux,  sont  toutes  issues  du  drame  grec. 
Les  transformations  qu'elles  ont  subies  dans  le  moyen  âge,  celles  qu'elles 
ont  déjà  éprouvées  k  des  époques  plus  récentes ,  ou  qu'elfes  pourraient 
éprouver  encore,  n'empêchent  pas  que  cette  descendance  ne  soit  sensible 
jusque  dans  les  détails  mêmes  des  compositions  dramatiques.  Au  contraire» 
le  drame  hindou,  quels  que  soient  ses  avantages  ou  ses  défauts,  existe 
par  soi-même  et  sans  mélange  :  il  ne  doit  son  origine  ni  aux  Grecs,  ni 
aux  Chinois ,  les  seuls  peuples  qui  aient  eu  un  théâtre  national  dans 
fes  temps  anciens  ;  il  ne  doit  rien  aux  musulmans,  qui  sont -restés  étran- 
gers h  cette  branche  dé  littéftture  ;  il  ne  doit  rien  non  plus  aux  occiden- 
taux ,  qui  n'ont  commencé  tt  k  cultiver  que  dans  un  siècle  où  défi  le 
théâtre  indien  étoit  dans  sa  décadence.  Ausii  ne  trôuve-tion  dans  ses 
productions,  sauf  un  petit  nombre  de  traits  communs  qui  nepouvoiem 
maHquer  dfe  se  présenter*  que  des  tariétés  caractéristiques  tie  conduite 
et  de  structure  qui  taaiiifesteitt  fortement  un  destin  original  «t  les  effets 
d'un  développement  national  spontané. 

Le  théâtre  hindou  appartient  à  cette  division  de  compositions  drama- 
tiques que  les  critiques  tftôdernts  on>  appelée  ^nrttomnntiqut.  Ld-dHune 
de  Sacontala,  dit  M.  déSçhlëgel,  à  tttVett  le  btftlarit  de  sort  Mm 


JUIN   1830.  337 

oriental ,  présente  après  tout  une  ressemblance  si  marquée  avec  notre 
drame  romantique,  qu'on  pourrait  supposer  que  l'amour  de  Shakespeare 
a  <^f rcé  de  F  influence  sur  le  traducteur ,  si  d'autres  orientalistes  n'aroient 
porté  témoignage  sur  la  fidélité  de  la  traduction.  Les  notions  générales; 
qu'il  eût  été  téméraire  d'établir  d'après  un  spécimen  unique,  acquièrent 
maintenant  une  force  nouvelle , «quand  on  les  vérifie  sur  une  collection 
toute  entière.  On  sait  donc  avec  certitude,  grâce  à  M.  Wilson,  que  les 
Hindous  ont  peu  d'égard  aux  unités  de  temps  et  de  lieu,  et  qu'ils  s'at- 
tachent même  peu  à  l'unité  d'action ,  si  par  -  l^>n  entend  un  sujet  prin- 
cipal auquel  viennent  se  rapporter  tous  les  indiens.  Ils  suivent  pourtant 
certaines  règles  conformes  au  bon  sens,  par  lesquelles  M.  Wilson  pense 
qu'ils  s'éloignent  autant  de  l'extrême  irrégularité  des  drames  chinois 
qu'il  connoît  (  1  ) ,  que  de  la  simplicité  sévère  de  la  tragédie  grecque. 
Un  trait  plus  remarquable  distingue  le  théâtre  hindou..  Le  traducteur 
pense  que  le  sanscrit  a  été  jadis  un  idiome  parlé  dams  certaines  con- 
trées de  l'Inde  ;  mais  il  reconnoît  que  cette  langue  n'a  jamais  pu  être 
le  langage  vulgaire  de  tout  le  pays  ;  et  qu'elle  a  bien  certainement  cessé 
d'être  vivante  à  Aie  époque  dont  «nous  n'avons  aucune  connoissance. 
Cependant  la  plus  grande  partie  de  cha^tae  pièce  est  écrite  en  sanscrit  ; 
et  comme  aucune  ne  peut  revendiquer  une  très-haute  antiquité ,  toutes 
doivent  avoir  été  représentées  devant  des  assemblées  dont  une  très- 
grande  partie  ne  les  comprenoit  pas  ;  elles  ne  s'adressoient  donc  jamais 
au  gros  de  la  nation ,  et  elles  n'ont  pu  exercer  sur  ses  passions  ou  son 
goût  aucune  influence  marquée,  même  parmi  les  classes  privilégiées 
des  brahmanes,  et  des  kshatrias»;  un  petit  nombre  pouvoit  suivre  les 
expressions  des  acteurs  et  en  sentir  toute  la  force.  Ainsi  donc,  au  Ken 
de  l'effet  théâtral,  et  de  cette  sympathie  universelle  et  instantanée 
qu'une  tragédie  peut  faire  naître  chez  tout  un  peuple ,  les  Indiens  1* 
doivent  porter  k  ia  représentation  de  leurs  drames  que  cet  intérêt  sco^ 
lastique  et  tant  soit  peu  pédantesque  qui  s'attache  aux  pièces  écrites 
dans  une  langue  morte ,  et  que ,  par  exemple ,  on  mettoit  autrefois  chez 
nous  aux  tragédies  de  collège.  On  peut  ajouter  qu'il  en  est  à-peu-près 
ainsi  des  pièces  chinoises ,  dans  lesquelles  Mute  la  partie  écrite  en  vers 
ne  sauroit  être  comprise  que  de  la  portion  des  spectateurs  qui  ont  fcft 
de  boiyies  études  littéraires.  D'un  autre  côté ,  le  sort  des  drames  indiens 


* ; : 

(1)  II  n'en  existoit  que  deux  de  traduits  à  l'époque  où  M.  Wilson- écri voit  ces 
lignes,  dont  le  traducteur  français  a  mal  rendu  le  sens  :  sensible  rules  ne  signifie 
pas  des  règles  bien  marquées,  et  extravagance  en  anglais  répond  plutôt  à  divagation 
en  français  qu'au  mot  extravagance. 

▼  v 


Hfl  JOURNAL  DES  SAVANS, 

a/ quelque  analogie  avec  celui  îfles  compositions  dramatiques  chez  les 
anciens;  on  les  représente  rarement,  et  seulement  dans  des  occasions 

'  solennelles  ou  d'un  intérêt  générai ,  comme  les  fîtes  lunaires  ,  le  fpu- 
ronnement  d'un  roi ,  les  assemblées  du  peuple  aux  foires  du  aux  céré- 
monies religieuses ,  les  mariages ,  la  naissance  d'un  fils,  la  prise  de  pos- 
séaûon  cf  une  maison  ou  d'une  ville ,  nais  par- dessus  tout  dans  la  saison 
particulièrement  consacrée  à  quelque  divinité.  Comme  '  cela  awit  liett 
chez  les  Grecs,  on  ne  joue  chaque  pièce  qu'une  fois,  sauf  les  excep- 
tions que  peut  occasionner  un  succès  extraordinaire.  II  y  a  des  pièces 
dont  la  représentation  Hmanderoit  au  moins  cinq  ou  six  heures  ;  ce 
sont  oelles  qui  contiennent  jusqu'à  dix  actes ,  dont  chacun  n'est  pas 
très-court,  W.  Jones  a  avancé  que  le  théâtre  indien  pourfoit  remplir 
autant  de  volumes  que  celui  d'une  nation  d'Europe  quelconque,  an- 
cienne ou  moderne.  Cette  assertion  ne  parofc  pas  exacte.  II  y  a  fans  doute 
beaucoup  de  pièces  perdues,  et  d'autres  devenues  si  rares,  qu'A  serott 
difficile  de  se  les  procurer  ;  mais  il  y  a  lieu  de  douter  que  celles  <jue 
i  'on  possède ,  réunies  à  celles  dont  les  auteurs  font  mention ,  aient 
pu  -monter  beaucoup  au-delà  de  soixante.  Les  deux  Aaîtièrdu  théâtre, 
Bitavaboûti  et  KâJidâsa ,  ne  posent  pas  pour  en  avoir  composé  chacun 
plus  de  trois. 

v  U  est  remarquable  quun.  nombre  de  pièces  aussi  peu  considérable 
ait.  été  partagé  par  les  critiques  du  pays  en  tant  de  classes  Afférentes. 
Au  reste ,  les  pièces  qui  nous  sont  parvenues  sont  presque  toutes  du 
premier  ordre  ;  leur  mérite  les  a  préservées  des  injures  du  temps.  II  peut 
y  avoir  eu  un  bien  plus  grand  nombre  de  pièces  du  second  ordre,  com- 
posées, selon  l'apparence,  dans  les  dialectes  vulgaires ,  .et  d'une  nature 

'  plus  populaire  et  plus  complètement  nationale.  On  en  peut  observer 
tes  traces  dans  les  histoires  mises  en  drame  par  lès  bhanrts  ou  bouffons 
de  profession ,  dans  les  djâtras  des  habitans  du  Bengale ,  et  les  rasas 
des  provinces  occidentales.  Les  premières  sont  la  représentation  de  quel- 
que aventure  divertissante ,  faite  par  deux  ou  trois  acteurs ,  dans  un  dia- 
logue improvisé ,  qui  est  ordinairement  fort  grossier ,  et  animé  par  un 
jeu  de  théâtre  qui  s'écarte^pmvent  de  la  décence.  Le  J/âtra  offre  com- 
munément ia  représentation  de  quelque  trait  de  la  jeunesse  "de  Krishna , 
pareillement  improvisée  et  entremêlée  de  chants  populaires,  et  dont  la 
maîtresse  de  Krishna ,  son  père  et  sa  mère,  sont,  avec  les  Gopis,  les  per- 
sonnages ordinaires ,  Nareda  jouant  le  rôle  de  bouffon.  Des  rasas  tiennent 
plus  du  ballet ,  mais  contiennent  également  des  ariettes. 

Les  Hindous  ont  un  goût  très- vif  pour  ce  genre  de  divertissement, 
bien  que  les  dominations  étrangères  sous  lesquelles  ils  ont  vécu  depuis 


JUIN   1830-  3)9 

des  siècles ,  aient  apporté  de  grands  obstacles  au  développement  qu'H 
adlft  pu  recevoir.  On  a  continué  de  représenter  des  comédies,  parti- 
culièrement dans  le  Sud  et  l'Ouest  dp  l'Inde,  où  des  principautés  indi- 
gènes ont  subsisté  jusqu'à  ce  jour.  On  en  a  pareillement  joué  à  Bénarès , 
à  une  époque  récente,  et  l'on  possède  une  pièce  qui  a  été  cojpposée  et 
vraisemblablement  représenterai  Bengale,  if  y  a  quelques  années  :  tou- 
tefois les  drames  même  modernes  ont  continué  d'être  fondés  sur  des  su- 
jets mythologiques  empruntés  aux  différentes  sectes,  ou  destinés  à  célé- 
brer le  pouvoir  de  Crishna  et  de  Siva.  On  se  borne  souvent  à  remplacer 
le  récit  par  un  dialogue  insignifiant  et  froid,  entremêlé  seulement  de 
lieux  communs  descriptifs  sur  les  parties  du  jour,  les  saisons,  Tannée, 
le  lever  et  le  coucher  du  soleil  et  de  la  lune,  les  brûlantes  ardeurs  de 
l'été  et  les  douces  influences  du  pijntemps. 

>  Quand  l'art  théâtral  eut  dépassé  le  point  de  la  perfection,  on  vît; 
dans  l'Inde  cofnme  ailleurs,  les  crtfjques  remplacer  les  esprits  créateurs, 
et  les  pièces  existantes  donnèrent'  naissance  aux  théories.  Mais  la  cri- 
tique ne  s'est  jamais  élevée  au-dessus  des  points  purement  tech- 
niques. On  a  classé  les  personnages 9  les  passions,  les  caractères,  et 
établi,  pour  tous  ces  objets,  tant  de  distinctions  et  de  nuances,  qu'on 
a  formé  un  tissu  véritablement  inextricable.  M.  Wilson  a  consacré  h 
ce  sujet  curieux  neuf  chapitres  de  son  Introduction  ou  Discours  pré- 
liminaire. Un  mouni  ou  sage,  nommé  Eharata,  fût  l'inventeur  du  drame. 
On  ajoute  même  que  ce  sage  fut  inspiré  par  Brahmâ,  qui  en  avoit 
puisé  ildée  dans  les  Védas.  II  y  eut  d'abord  trois  sortes  de  représen- 
tations exécutées  devant  les  dieux  par  les  génies  et  les  nymphes  du 
ciel  d'Indra,  les  nrityas  ou  pantomimes,  les  nritta  ou  ballets,  et 'les 
natyas ,  qui  se  composoient  de  dialogues  et  de  gestes,  et  constituoient 
par  conséquent  de  véritables  draines.  Deux  autres  genres  de  danses  re- 
çurent en  outre  des  noms  particuliers.  La  danse  paraît,  comme  on  volt, 
inséparable  de  toute  représentation  dramatique.  Bharata,  suivant  la 
remarque  de  M.  Wilson ,  doit  avoir  été  l'un  des  premiers  écrivains  qui 
aient  réduit  l'art  en  .système  :  ses  soufras  ou  aphorismes  sont  toujours 
cités  par  les  commentateurs  ;  mais  ils  ne  paroissent  pas  avoir  été  réunis 
en  un  corps  entier.  ^ 

L'un  des  traités  les  plus  anciens  et  les  plus  estimés ,  sur  la  littérature 
dramatique,  est  le  Dr  sa  Roûpaka,  ou  la  description  des  dix  formes  de 
drame  :  c'est  un  ouvrage  de  critique,  composé  d'un  texte  et  d'un  com- 
mentaire accompagné  d'exemples.  Le  texte  est  rédigé  par  Dhanan- 
djaya,  fils  de  Vishnou,  lequel  traite  Moundja  de  patron ,  et  a  dÛxbn-' 
sequemment  écrire  dans  le  1 1/  siècle,  époque  où  l'art  dramatique  êtoït 

W2  *       , 


. 


)4o  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

parvenu  dans  TIndeàsa  plus  grande  perfection,  ou  même  penchoit 
vers  son  déclin.  Parmi  les  exemples  cités  dans  le  commentaire ,  tÊkn 
eptqui  sont  pris  du  Ratnâvati,  pièce  composée  au  commencement  du 
Xll.e  siècle,  et  cette  circonstance  jette  quelque  incertitude  sur  J'âge  de 
h  glose  chDesa  Roûpaka.  Un  traité  général  de  poésie  et  de  littérature, 
attribué  à  bhodja  Râdja,  et  partagé  en  qpq  livres, offre  dans  le  dernier 
des  détails  sur  les  compositions  dramatiques.  On  en  trouve  de  mime 
dans  un  autre  traité  de  rhétorique  en  dix  sections,  qu'on  appelle  Karia- 
Pjakâsa>  et  qui  peut  avoir  environ  cinq  cents  ans.  Le  Sâhïtya  Derpana, 
feutre  ouvrage  d'une  haute  célébrité,  renferme  encore  la  citation  d'un 
grand  nombre  de  pièces,  parim  lesquelles  plusieurs  semblent  perdues. 

1  On  en  indique  une  copie  faite  en  i  ;  04.  Le  Sangtta  Retnâkara  traite 
plus  particulièrement  du  chant  et  de  la  danse:  il  a  été  écrit  au  xu* 
ou  Xi  il.*  siècle;  et  un  commentaire  sur  ce  livre  a  été  composé  .entre 

i4s6  et  i477«  Une  multitude  d'otages  sur  l'art  poétique,  et  qui 
offrent  presque  tous  (Futiles  renseigpiemens  sur  le  sujet  qui  nous  oc- 
cupe, sont  cités  par  M.  WiIson,qui,  suivant  son  usagfc  .ordinaire ,  tient 
note  avec  soin  des  particularités  propres  à  fixer  l'âge  et  l'antériorité  re- 
lative de  ces  différens  écrits.  Il  fait  encore  mention,  comme-d'autant 
de  sources  où  Ton  peut  puiser  d'utiles  renseignemens ,  des  traités  sur 
le?  passions  et  les  émotions  que  la  poésie  a  pour  objet  d'exciter,  et 
des  commentaires  spéciaux  qui  accompagnent  plusieurs  drames.  11 
complète  ainsi  la  liste  déjà  très-étendue  des  livres  dahs  lesquels  il  a 
dû  chercher  des  lumières  sur  une  branche  d'histoire  littéraire  restée  jus- 
qu'à lui  dans  une  obscurité  profonde,  et  qu'il  sera  long- temps  témé- 
raire de  vouloir  traiter  après  lui. 

Le  terme  générique  pour  les  compositions  dramatiques  est  roûpaka, 
de  roupa,  forme,  parce  que  l'objet  en  est  de  donner  un  corps  ou  une 
forme  aux  caractères  et  aux  senfimens.  La  définition  qui  s'y  applique 
est  aussi  un  poème  fait  pour  être  vu  ou  pour  être  vu  et  entendu.  On  dis- 
tingue les  roûpakgs  et  les  ouparoûpakas ,  ou  les  pièces  du  premier  et  du 
second  ordre;  et  l'on  subdivise  encore  les  premières  en  dix  espèces, 
et  les  dernières  en  dix-huit.  Nous  ne  dirons  que  quelques  mots  des 
principales.  Le  Udtak^  ou  la  pièce  par  excellence,  comprend  tous 
les  élémens  d  une  conqfesition  dramatique  ;  et  c'est  à  l'occasion  de  cette 
première  classe  de  pièces  que  l'auteur  a  cru  devoir  placer  les  notions 
générales  qui  s'appliquent  avec  plus  ou  moins  d'exactitude  à  la  plupart 
des  autres , sauf  à  marquer  ensuite  les  différences  qui  caractérisent  celles* 
ci.  Le  sujet  du  nataka  doit  être  important  et  célèbre.  La  fable  doit, 
selon  les  uns,  être  tirée  uniquement  des  traditions  mythologiques  et 


JUIN  1830.  j4i 

historiques  ;  suivant  d'autres ,  elle  peut  être  entièrement  d'imagination 
ou  mixte,  c'est-à-dire,  en  partie  fondée  sur  I» tradition »^et  en  partie 
de  la  création  des  poètes.  C'est  à  ce  dernier  genre  que  se  sont  attachés 
beaucoup  d'auteurs,  qui,  tout  en  empruntant  leurs  sujets  aux  poura- 
nas  »  n'ont  pas  laissé  d'en  diversifier  les  inckk-ns  à  volonté.  Les  per- 
sonnages doivent  être  pris  dans  une  haute  classe  et  dans  une  nature 
élevée;  et  il  faut  que  le  héros  soit  un  roi,  un  demi-dieu ,  ou  même  un 
dieu.  L'action  ou  la  passion,  comme  dit  M.  Wilson ,  doit  être  une» 
comme  l'amour  ou  le  dévouement  (  l'héroïsme  ).  L'intrigue  doit  être 
simple,  les  incîdens  bien  liés;  l'action  doit  sortir  naturellement  du 
sujet,  comme  une  plante  de  la  semence,  et  n'être  interrompue  par  au- 
cun épisode  prolixe.  Le  temps  ne  doit  pas  être  trop  «prolongé ,  et  la 
durée  d'un  acte,  selon  les  ^itorités  les  plus  anciennes,  ne  sauroit 
excéder  un  jour;  mais  d'autres  {'étendent  à  plusieurs  jours,  et  mèipe  à 
une  année.  Quand  faction  ne  peut  être  resserrée  dans  ces  limites,  les 
événemens  les  moins  importans  peuvent  être  rejetés  dans  un  récit ,  ou 
supposés  placés  dans  les  entr'actes.  Quelquefois  ils  sont  annoncés  par 
un  des  acteurs ,  qui  joue  le  rôle  d'interprète ,  et  qui  apprend  aux  specta- 
teurs ce  qu'ils  ont  besoin  de  savoir  et  ce  que  la  représentation  n'a  j>as 
mis  sous  leurs  yeux.  La  diction,  dans  les  natakas,  doit  être  claire  et 
polie.  La  pièce  ne  peut  avoir  moins  de  cinq  actes,  ni  plus  de  dix. 
La  distinction  établie  enffe  la  tragédie  et  la  comédie  n'existe  pas  dans 
l'Inde;  d'abord,  parce  que  les  auteurs  dramatiques  ne  s'attachent  ja- 
mais exclusivement,  soit  aux* crimes,  soit  aux  folies  de  notre  espèce;, 
ensuite,  par  la  raison  que  la  terreur  et  la  pitié,  bien  qu'employées 
pour  exciter  les  émotions  du  spectateur,  n'entrent  pt>ur  rieq^dans  la  ca- 
tastrophe, laquelle  ne  doit  pas  être  funeste;  il  y  a,  à  cet  égard,  une  règle 
formelle.  Il  n'existe  donc  pas  de  véritable  tragédie  ,  selon  la  définition 
vulgaire  de  ce  mot.  Le  héros  et  l'héroïne  ne  doivent  jamais  mourir  à 
la  fin  de  la  pièce  :  on  n'ensanglante  jamais  la  scène;  et  il  faut  que  fa 
mort  des  personnages  subalternes ,  si  elle  a  lieu ,  soit  simplement  an- 
noncée. 11  y  a  aussi  beaucoup  de  préceptes  négatifs ,  tous  institués  dans 
Tintérét  des  bienséances.  La  longueur  des  natakas  dépasse  de  beaucoup 
celle  des  plus  longs  drames  occidentaux.  Les  Brigands  ou  le  D.  Carlos 
de  Schiller  ne  pourroient  soutenir  la  comparaison  avec  eux  sous  ce  rap- 
port ;  le  Mritchtchahatî  fbrmeroit  au  moins  trois  des  pièces  d'Eschyle. 
Les  pièces  du  premier  ordre  sont  les  plus  nombreuses,  et  quelques-unes 
peuvent  être  regardées  comme  les  chefs-d'œuvre  de  l'art  :  tels  sont  le 
Sacontala,  traduit  par  W.  Jones ,  le  Moudra  Rakshasa,  que  M.  Wilson 


3*2  JOURNAL  DÊ3TSAVANS, 

t  compris  dans  son  recueH,  le  Veni  Sanhâra,  F Antrgka  Râgha** ,  et 
plusieurs  aunes  qu'il  à  iiit  connoître  par  des  analyses. 

Une1  deuxième  espèce  de  drame  (  le  Prakarana  j  ne  diffère  de  ia 
précédente  que  parce  que  la  fable  est  une  pure  fiction  prise  dans  ia 
*  vie  réelle,  dans  une  classe  honorable  de  fa  société,  et  dont  le  sujet  le 
pins  habituel  est  l'amour.  Le  héros  peut  être  choisi  dans  la  catégorie 
des  ministres,  ou  des  brahmanes,  ou  des  tiégocians;  l'héroïne,  fifte 
d'une  bonne  famille,  ou  courtisane;  et  suivant  ces  différentes  cir- 
constances, la  pièce  reçoit  encore  des  noms  particuliers,  tant  la  dis- 
position  des  Hindous  à  établir  des  classifications  et  des  nomenclatures 
semontre  dans  cette  partie  de  leur  histoire  littéraire  !  On  donne  ainsi  des 
noms  à  part  au  isonologue  en  un  acte ,  débité  par  un  acteur;  aux  pièces 
militaires ,  dont  les  rôles  de  femmes  soql  exclus  ;  k  la  trilogie  mytholo- 
gique ou  pièce  en  trois  actes,  comme  dit  M.  Wilson,  mais  dont  le 
premier  doit  occuper  neuf  heures,  le  second  trois  et  demi,  çj  le  dernfar 
une  heure  et  demie  ;  au  mélodrame  magique  ou  infernal ,  en  quatre  actes  { 
k'H  comédie  d'intrigue  ;  au  proverbe,  tout  rempli  de  jeux  de  mots,  de  ca- 
tanbourgs,  cTépigiammes,  de  méprises  (i  pet  de  malentendus  volon- 
taires; et  k  la  farce  satirique,  dirigée  contre  les  ordres  privilégiés,  les 
bàahmànes ,  les  dévots  spéculatifs ,  les  hommes  en-  place ,  les  riches  et  les 
princes. 

.  Lt%  dix-huit  variations  secondaires  (  oupEroûpafca  )  rentrent  plus  ou 
moins  dans  les  distinctions  précédentes ,  et  il  en  est  même  quelques* 
unes  qui  semblent  se  confondre  avec  ceif es-<i ,  et  d'autres  dont  on  n'a 
par  les  descriptions  qu'une  idée  incomplète  et  incertaine. 

Le  prologue ,  dans  les  pièces  indiennes ,  commence  ordinairement  par 
une  prière  et  une  formule  de  bénédiction.  Vient  ensuite  une  notice  sur 
fauteur,  en  forme  de  panégyrique,  puis  un  compliment  a  l'auditoire, 
où  le  directeur  de  la  troupe  se  met  en  scène  et  parle  de  ses  propres  af- 
faire! (2),  ou  quelquefois  des  circonstances  placées  dans  l'avant-scène. 
La  pièce  proprement  dite  se  partage  en  actes  et  en  scènes ,  comme  les 
n&ttes.  Le  changement  de  scène  est  marqué  par  l'entrée  ou  la  sortie 
d'un  personnage ,  ainsi  que  cela  a  lieu  dans  les  pièces  françaises.  Le 
théâtre  n'est  jamais  vide,  ni  généralement  le  lieu  de  la  scène  entière- 
ment changé  dans  le  cours  d'un  acte.  La  fin  de  l'acte  est  marquée  par 
la  sortie  de  tous  les  personnages.  Le  nombre  des  actes,  ainsi  qu'on  l'a  vu, 
— — — — — — »^— — »— —  «  1  — — — — .— — — — ^ — — ■ — ■ «^— — ^« 

(1)  Wiljul  misconstructïon  :  le  traducteur  français  rend  ce  mot  par  construc- 
tions volontairement  vicieuses  et  mal  appliquées.  —  (2)  Hit  concern:  M.  Langlois 
traduit  ce  mot  par  ta  famille. 


•"     JUIN   1830-  .  343 

varie  d'un  à  dix.  On  cite  une  pièce  qui  en  a  quatorze  ;  mais  c'est  moiris 
un  drame  qu'un  poème  où  le  dialogue  est  entremêlé  de  récits  poéti- 
que*, hes  lacunes  (Tune  pièce  sont  remplies  par  l'interprète  et  f/ntroduc- 
ieun  II  semble  que  l'un  et  l'autre  soient  des  acteurs  placés  près  du 
théâtre»  et  qui,  lorsqu'il  arrive  quelque  interruption  dans  la  marche  A 
la  scène ,  en  expliquent  les  motifs  aux  spectateurs.  Le  premier  peut 
paroître  au  milieu  d'un  acte  ;  le  second,  dans  les  entractes  seulement, 
pour  annoncer  les  changemens  de  lieux  et  les  noms  de*  nouveaux  per- 
sonnages ;  précaution  indispensable  dans  des  drames  où  l'action  passe  • 
d'une  ville  à  l'autre ,  ou  du  ciel  à*  l'enfer. 

La  manie  scolas  tique  des  Hindous  se  montre  en  «tout  son  jour  daçs 
la  distribution  des  nuances  qui  marquent  la  conduite  de  l'intrigue.  L'ac- 
tion est  principale  ou  secondaire,  essentielle  ou  épisodique  :  elle  com- 
prend cinq  élémens,  la  semence  ou;  l'origine  de  l'action  a  l'incident  qui 
en  favorise  le  développement,  ou  l' adjuvant,  la  bannière  ou  épisode,  ia 
digression ,  le  but  ou  l'objet.  Ce  dernier  élément  offre  à  son  tour  cinq 
conditions  ,  le  commencement ,  la  poursuite ,  l'espérance ,  l'éloignemem 
des  obstacles ,  l'accomplissement  11  n'y  a  pas  une  seule  de  ces  divi- 
sions qui  n'admette  ensuite  une  foule  de  subdivisions  à  deux  ou  trois 
degréi ,  dont  la  description  épuiseroit  la  patience  de  tout  autre  qu'un  v 
Hindou.  M.  Wilson  en  a  conservé  tout  ce  qui  étoit  nécessaire  à  l'expo- 
sition de  ce  curieux  système  dramatique ,  et  nous  en  indiquons  ici  seu- 
lement les  principaux  traits ,  en  renvoyant  pour  le  reste  à  son  bel  et 
important  discours  préliminaire. 

Chaque  genre  de  composition  a  sçn  héros  et  son  héroïne  qui  lui  sont 
appropriés ,  et  toutes  les  classes  de  la  société  contribuent  à  fournir  des 
personnages  au  drame.  Comme  l'amour  y  tient  toujours  une  grande 
place ,  les  attributs  du  héros  doivent  être  en  rapport  avec  cette  passion  ; 
if  faut  qu'il  soit  jeune,  beau,  plein  de  grâce  et  de  libéralité,  vaillant, 
aimable ,  accompli ,  et  d'une  bonne  naissance.  Quatre  principales  quali- 
tés lui  sont  attribuées ,  et  donnent  ensuite  lieu  à  quarante-huit  ou  même 
cent  quarantAlistinctions ,  parce  qu'il  est  des  avantages  qui  découlent 
naturellement  les  uns  des  autres,  et  doivent  se  trouver  ensemble,  tandis 
que  certaines  qualités  s'excluent.  On  admet  une  exception  en  faveur 
des  perfidies  de  l'amour:  un  prince ,  un  héros,  peuvent  concilier  l'honneur 
de  leur  dignité  et  d'un  caractère  sincère ,  tout  en  cachant  à  une  jalouse 
amante  les  •ëgaremens  de  leur  cœur.  La  classification  minutieuse  qui 
s'applique  aux  caractères  des  femmes ,  présente  une  peinture  Intéressante 
de  leur  sexe  dans  la  société  indienne.  Dans  les  pièces  d'un  genre  élevé, 
on  voit  les  nymphes  du  ciel ,  les  fiancées  des  demi-dieux ,  les  épouses 


344  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

des  saints ,  les  saintes  mêmes ,  les  forêts  et  les  rivières  déifiées  ;  dans  le 
sujet  de  pure  fiction ,  les  princesses  et  les  courtisanes  ;  et  dans  les  pièces 
d'intrigue ,  les  habitantes  du  gynécée.  Les  êtres  de  la  première  classe 
sont  une  création  mythologique  ;  mais  les  .autres  appartiennent  à  la 
♦ie  réelle,  et. montrent  le  caractère  des  femmes  indiennes  tel  que  l'ont 
fait  Jes  lois ,  les  coutumes  religieuses ,  I es  préjugés  nationaux  et  l'in- 
fluence du  musulmanisme.  Chaque  modification  résultant  de  la  situation 
sociale ,  de  l'âgé  et  des  rapports  établis  par  l'auteur ,  se  partage  cf  abord 
en  trois ,  suivant  que  l'héroïne  est  épouse  du  héros  ou  d'un  autre  person- 
nage» ou  dans  une  position  indépendante;  puis  en  trois  encore,  selon 
qu'elle  est  jeune ,  tfdulte  ou  d'un  âgç  avancé.  Huit  accidens  particuliers 
viennent  varier  le  caractère  de  la  femme ,  qui  est  représentée  dévouée 
à  son  mari,  dans  l'attente  d'un  amant ,  pleurant  Pabsenoe  de  celui  qu'elle 
aime,  désolée  par  l'infidélité,  par  les  tourmens  de  l'absence,  &c.  Les 
agrémens  et  les  grâces  qui  peuvent  distinguer  une  belle ,  sont  aussi  sou- 
mis à  une  nomenclature  régulière  ;  et  il  est  difficile  de  trouver  une  ap- 
plication plus  singulière  de  cet  esprit  méthodique  que  les  Hindous  ont 
apporté  à  l'analyse  de  leurs  pièces  de  théâtre. 

Les  personnages  d'un  drame ,  outre  le  héros  et  rhéroïne ,  sont  Pami 
ou  le  confident ,  l'antagoniste ,  le  barde ,  le  bouffon ,  la  confidente ,  et 
une  infinité  de  rôles  secondaires ,  dont  quelques-uns  sont  très-difficiles 
k  définir  convenablement. 

L'objet  qu'on  se  propose  dans  une  composition  théâtrale  est  de  faire 
naître  les  senti  mens ,  lesquels  sont  durables  ou  passagers.  Les  premiers 
sont  au  nombre  de  neuf,  et  les  autses  sont  plus  nombreux  encore.  Nous 
passons  ces  éternelles  classifications ,  qui  seroient  propres  à  rebuter  les 
lecteurs,  isolées  comme  elles  seroient  dans  notre  extrait,  et  privées  de 
l'intérêt  que  leur  donnent,  dans  l'ouvrage  de  M.  Wilson,  les  exemples 
tirés  des  meilleurs  drames  qu'il  a'analysés. 

Le  style  présente  quatre  modifications ,  dont  les  trois  premières'  sont 
en  rapport  avec  les  situations ,  et  la  quatrième  avec  Iç  dialogue.  1-e  por- 
trait qu'une  femme  a  fair  de  son  amant,  servant  à  découvrir  (a  passion 
qu'elle  s'efforce  de  cacher ,  la  crainte  (Tune  trahison  chimérique  inspirée 
par  de  fausses  preuves ,  le  tumulte ,  les  merveilles  de  la  magie  ou  de  la 
nature,  sont  les  sujets  auxquels  s'appliquent  ces  formes  de  style.  Quant 
à  la  diction ,  suivant  les  aphorîsmes  de  Bharata ,  elle  doit  se  composer  de 
termes  harmonieux  et  choisis,  et  s'embellir  des  ornement  d'un  style 
élevé  et  poli,  aussi  bien  que  de  ceux  qui  sont  fournis  par  la  rhétorique 
et  le  rhythriie  de  la  poésie.  Les  pièces  anciennes  sont  sur-tout  remar- 
quables sous  ce  rapport  ;  car,  dans  les  dernières,  le  style  est  en  général 


JUIN  I^O.  345 

si  péniblement  travaillé,  qu'elles  en  sont  devenues  très-fktigahtes  à 
lire.  Le  dialogue  est  ordinairement  en  prose  ;  mais  les  réflexions  et  les 
descriptions ,  les  morceaux  où  le  poëte  se  donne  carrière ,  sont  en  vers. 
C'est  un  rapport  de  plus  que  M.  Wilson  auroit  pu  relever  entre  les  dra- 
mes des  Hindous  et  ceux  des  Chinois.  Tous  les  mètres  sanscrits  sont 
employés  dans  la  partie  versifiée  des  pièces  indiennes ,  depuis  la  stance 
de  quatre  lignes,  de  huit  syllabes  chacune,  jusqu'à  celle  qui  contient 
vingt-sept  et  même  cent  quatre-vingt-dix-neuf  syllabes.  Une  autre 
particularité  consiste  dans  l'emploi  des  différentes  formes  de  langage 
pour  chaque  rôle.  Le  héros  et  les  principaux  personnages  parlent  sans- 
crit ;  mais  les  femmes  et  les  personnages  des  rangs  inférieurs  font  usage 
des  différentes  modifications  de  cette  langue  que  l'on  connoît  sous  le 
nom  de pracrit,  et  qui,  comme  l'observe  V.  Jones,  n'est  guère  autre 
chose  que  le  langage  des  brahmanes,  adouci  par  une  prononciation  dé- 
licate ,  comme  celle  de  l'italien.  Mais  par  le  nom  de  pracrit  on  doit  en- 
tendre aussi,  suivant  M.  (  olebrooke,  tous  les  dialectes  écrits  et  cul- 
tivés de  l'Inde.  Sans  suivre  M.  Wilson  dans  la  discussion  des  sens 
divers  attachés  à  cette  dénomination ,  il  suffira  de  dire  que  si  les  règles 
établies  par  les  commentateurs  dévoient  être  prises  à  la  lettre ,  l'héroïne 
et  les  principaux  personnages  féminins'parleroient  le  dialecte  de  Ma- 
thoura  et  de  Vrindâ-vana  (  sôraseni  )  ;  les  gens ,  de  la  suite  des  rois , 
magadhi;  les  domestiques,  les  radjpouts  et  les  commerçans,  un  magadhï 
mélangé;  le  premier  confident,  le  dialecte  oriental;  les  mauvais  sujets 
s'exprimeraient  dans  le  langage  cTOudjein,  les  intrigans  dans  celui  du 
Décan  9  les  gens  du  nord  dans  le  dialecte  de  Bâhlika,  et  ceux  de  la  côte 
de  Coromandel  en  dravira.  Les  peuplades  que  l'on  nomme  Sakas  de- 
vraient aussi  faire  usage  d'un  jargon  particulier ,  et  il  en  serait  de  même 
des  bergers,  des  hors  -  castes  ,  et  des  habitans  des  bois.  Les  esprits 
malins  ont  aussi  un  langage  à  eux  ;  et  il  y  a  pour  les  loups-garous  une 
forme  spéciale  du  pracrit,  qui  porte  leur  nom.  II  faut  remarquer  que  Ie$ 
dialectes  locaux  affectés  à  chaque  personnage  s'éloignent  considérable- 
ment ,  dans  l'écriture ,  de  ce  qu'ils  sont  dans  le  langage  actuel  des  diffé- 
rentes provinces ,  et  que ,  dans  la  réalité ,  les  formes  employées  dans  les 
drames  se  réduisent  à  trois ,  le  sanscrit  et  deux  variétés  du  pracrit  plus 
ou  moins  raffiné.  Sans  cela,  une  pièce  indienne  serait  une  véritable 
polyglotte  que  peu  de  personnes  pourraient  se  flatter  d'entendre  en- 
tièrement. Au  reste ,  les  mots  sont  radicalement  identiques  dans  le  sans- 
crit et  dans  toutes  les  nuances  du  pracrit.  Ce  qui  constitue  celles-ci  ; 
c'est  un  adoucissement  dans  la  prononciation ,  avec  tendance  à  raccour- 
cir et  affaiblir  les  sons ,  a  simplifier  les  articulations  composées ,  et  à  les 

xx 


Mavoûra. 

Madhoûka. 

Pouroucha. 

Srigâra. 

Yôvanam. 

Bhavati. 

Nagna. 

Vatsa. 

Tchandra. 

Gambhîra. 

Sabhâ. 


Sel. 

Paon. 

Espèce  cTarbre. 

Homme. 

Jackal. 

Jeunesse. 

H  est. 

Nu. 

Enfant. 

Lune. 

Profond. 

Assemblée. 


346  JOURNAL  DES  SAVANS, 

remplacer  par  une  réduplication  de  la  même  consonne.  M.  Wilson  cite 
pour  exemples  les  mots  suivans  : 

Sanscrit,  Pracrit, 

Lavana.  Lona. 

Mora. 

Mahwa. 

Pouriso. 

Siâla. 

Djobanam. 

Hodî. 

Naggo. 

Batchtcha. 

Tchand. 

Gahîra. 

Sahâ. 

On  conçoit  qu'une  fois  sur  la  voie  de  quelques  altérations  de  cette 
espèce,  il  ne  doit  pas  être  fort  difficile  de  retrouver  les  autres.  Mais 
l'analogie  n'est  pas  toujours  aussi  frappante,  et  la  présence  du  pracrit 
rend  souvent  nécessaire  le  secours  d'un  commentaire ,  parce  que  les  pas- 
sages pracrits  y  sont  toujours  transcrits  en  sanscrit.* La  construction 
grammaticale  du  premier  de  ces  dialectes  offre  d'ailleurs  plusieurs  parti- 
cularités ,  comme  l'absence  du  duel  et  l'usage  d'une  conjugaison  unique. 
Le  pracrit  des  classes  inférieures  se  distingue  par  le  mépris  des  règles 
que  la  grammaire  prescrit  pour  la  construction  des  mots ,  et  par  l'em- 
ploi d'une  terminaison  commune  pour  toutes  les  modifications  de  genre, 
de  nombre  et  de  personnes.  Le  sanscrit ,  comme  cela  arrive  aux  langues 
synthétiques,  a  donc  été  en  se  simplifiant  dans  la  production  de  ce 
dialecte  secondaire.  M.  Wilson  examine  si  le  pracrit  représente  un  dia- 
lecte autrefois  en  usage ,  ou  si  ce  n'est  qu'une  modification  artificielle  du 
sanscrit ,  faite  dans  la  vue  de  le  plier  à  des  branches  particulières  de  litté- 
rature. 11  n'y  a  aucune  difficulté  à  l'écrire  maintenant,  quoiqu'on  ne  le 
parle  plus,  et  l'on  en  trouve  des  exemples  excellens  dans  des  pièces 
très-modernes.  L'auteur  cite  une  pièce  écrite  il  y  a  moins  de  trois  siècles , 
et  dont  plus  de  la  moitié  est  dans  un  pracrit  élevé.  D'un  autre  côté ,  on 
trouve ,  dans  beaucoup  de  dialectes  vulgaires  de  i'Hindoustan ,  des  dé- 
rivations dont  la  grammaire  pracrite  seule  peut  rendre  compte.  La  sim- 
plification des  règles  grammaticales  sanscrites  marque  aussi  le  passage 
d'une  perfection  théorique  à  un  usage  pratique.  Le  sujet  paroit,  avec 
beaucoup  de  raison,  très-intéressant  à  M.  Wilson,  non-seulement  sous  le 
rapport  de  la  philologie ,  mais  encore  sous  celui  de  l'histoire  ;  car  les 


JUIN   Itf^O/       ,  347 

dialectes  sacrés  des  Bauddhas  et  des  Djaînas  ne  sont ,  dit-H ,  rien  antre 
chose  que  le  pracrit,  et  l'époque  et  les  circonstances  de  son  passage*  Si 
Ceylan  et  dans  le  Ripai  sont  liées  avec  l'origine  et  les  progrès  de  la  reii-A 
gion  que  professent  les  principales  nations  au  nord  et  à  l'orien*  de 
l'Hindoustan.  Si  M.  Wilson,  qui  écrivoit  aux  Indes  en  1827,  eût 
connu  Y  Essai  sur  le  pâli ,  publié  à  Paris,  en  1816  ,  par  MM.  Bur- 
nouf  et  Lassen  ,  il  eût  sans  doute  applaudi  à  ce  travail  entrepris 
dans  le  point  de  vue  même  qu'il  indique  comme  étant  d'un  haut  intérêt. 
Le  traducteur  français  eût  dû  suppléer  à  son  omission  par  une  courte 
note  ,  comme  celles  qu'il  a  ajoutées  en  diffêrens  endroits  au  texte  du 
savant  secrétaire  de  Calcutta. 

Les  Hindous  n'ont  jamais  eu  d'édifice  consacré  aux  divertissemens 
publics.  La  scène  est  donc  du  reste  chez  eux  (Tune  grande  simplicité. 
Une  salle  du  palais  des  rois  servoit  à  la  musique  ,  à  la  danse ,  aux  feux 
du  théâtre.  II  doit  y  avoir  eu  de  bonne  heure  des  troupes  d'acteurs,  et 
il  faut  que  ceux-ci  aient  été  en  quelque  estime ,  puisque  on  cite  des 
poètes  qui  les  traîtoient  d'amis;  car  un  poète  illustre  est  aussi  dans  l'Inde 
l'ami  des  sages  et  des  rois.  Le  seul  passage  d'un  ouvrage  sur  l'art  dra- 
matique qui  ait  rapport  à  ce  qu'on  appelle  la  mise  en  seine ,  est  la  des- 
cription d'un  lieu  où  l'on  exécutoit  des  danses  et  des  concerts,  mais  oh 
vraisemblablement  aussi  l'on  donnoit  des  représentations  dramatiques. 
D'après  ce  passage,  la  salle  devoit  être  spacieuse  et  élégante,  soutenue 
par  des  colonnes  richement  décorées ,  et  ornée  de  guirlandes.  Le  maître 
de  la  maison  s'asseyoit,  au  centre,  sur  un  trôné.  À  sa  gauche  prennent 
place  les  gens  de  l'intérieur,  à  sa  droite  les 'personnes  d'un  rang  élevé, 
derrière  lui  les  principaux  officiers  de  l'état jdu  du  palais,  les  poètes, 
les  astrologues ,  les  médecins  et  les  savans.  Des  femmes  choisies  pour 
leur  beauté  et  leurs  grâces  se  tiennent  auprès  de  la  personne  du  maître 
avec  des  éventails ,  tandis  que  des  hommes  armés  de  bâtons  se  placent 
en  diffèrens  endroits  pour  maintenir  l'ordre.  Tout  le  monde  ayant  pris 
place,  la  troupe  fait  son  entrée  et  joue  certains  airs  ;  puis  la  première 
danseuse  sort  de  derrière  le  rideau,  salue  l'assemblée,  jette  des  fleurs 
au  milieu  d'elle,  et  déploie  son  savoir-faire.  D'après  ce  passage  et  plu* 
sieurs  autres,  il  paroît  que  les  acteurs  étoient  séparés  des  spectateurs  par 
un  rideau.  II  semble  aussi  qu'il  devoit  y  en  avoir  autour  de  la  scène, 
et  même  quelquefois  dans  sa  longueur,  de  rrtanière  à  tenir  lieu  de  dé- 
coration,  et  à  partager  lé  théâtre  en  plusieurs  parties'  distinctes.f"Le 
iriobilier  consistoit  èrf  chaises,  en  trônes,  en  chars  tfa?iiéS  par  départi- 

1  il 

maux  vivans.  On  ignore  si  quelque  rtiécanfenie  pbuvoit  servrr  a  ré- 
présenter les  chars  vblans  dont  W  est  souvent  fait  mention.  Lés  persAn- 

xx  2 


î48  JOURNAL  DES  SAVANS, 

nages  étoiem  vêtus  suivant  Jeurs  rôles.  Des  actrices  jouoient  les  rôles 
de  femme;  de  jeunes  garçons  les  remplaçoîent  souvent,  quand  il  étoit 
question  de  personnages  plus  graves ,  comme  des  prêtresses  et  d'autres 
semblables.  Quant  au  jeu  des  acteurs ,  il  est  aussi  régulièrement  mar- 
qué que  dans  nos  pièces.  On  indique  les  à  parte,  souvent  même  le  sen- 
timent qui  doit  animer  le  personnage.  Le  changement  de  lieu  doit  lais- 
ser quelquefois  le  spectateur  dans  l'embarras  ;  mais  on  a  vu  plus  haut 
que  le  théâtre  indien  a  un  employé  spécialement  destiné  à  prévenir 
toute  erreur  à  cet  égard. 

.  L'importance  des  recherches  de  M.  Wilson  sur  un  sujet  si  intéressant 
pour  la  littérature,  nous  a  entraînés  dans  une  analyse  trop  étendue,  pour 
que  nous  ne  soyons  pas  obligés  de  renvoyer  à  un  second  article  l'exa- 
men des  vingt-neuf  pièces  que  ce  savant  infatigable  nous  a  fait  con- 
noître  par  des  traductions  complètes  ou  par  des  extraits. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l'église  grecque  et  latine,  ou 
Cours  d'éloquence  sacrée ,  par  Ai.  Marie-Nicolas-Silvestre 
Guillon,  professeur  d'éloquence  sacrée:  26  vol,  ///-<?/, 
1 724-1 72p.  Paris^  Méquignon-Havard  ,  libraire ,  rue  des 
Saints-Pères,  n.°  10. 

SECOND   ARTICLE. 

L'auteur  du  Cours  d'éloquence  sacrée  a  exposé ,  dans  plusieurs 
discours  successifs  ,  quelques-uns  des  principaux  événemens  politiques 
et  plusieurs  faits  de  l'histoire  ecclésiastique  qui  eurent  de  l'influence  sur 
les  talens  et  sur  les  succès  des  Pères  de  l'église  :  sans  doute  il  auroit  pu 
rattacher  davantage  aux  analyses  et  aux  traductions  de  leurs  nombreux 
ouvrages ,  l'état  successif  de  la  littérature  et  de  la  civilisation  ,  dont  les 
effets  ont  influé  tour-à-tour  sur  l'éloquence  sacrée,  depuis  le  commence- 
ment de  l'ère  chrétienne  jusqu'à  nos  jours.  Cette  grande  entreprise  a 
occupé  pendant  quelque  temps  un  littérateur  distingué,  dont  l'érudition, 
le  talent  et  le  goût  promettent  un  ouvrage  aussi  instructif  qu'intéressant , 
s'il  est  permis  d'en  juger  par  quelques  fragmens  déjà  publiés  ;  il  doit 


JUIN   1830-  349 

être  intitulé  :  Histoire  de  la  société  chrétienne  pendant  les  six  premiers 
siècles  de  notre  ère. 

J'eusse  désiré  qu'une  pensée  principale,  appropriée  au  travail  de 
M.  l'abbé  Guîlion,  en  eût  vivifié  l'ensemble,  et  en  eût  lié  (es  principaux 
détails.  Ainsi ,  quand  S.  Jérôme  forma  le  projet  de  publier  une  histoire 
ecclésiastique  depuis  J.  C.  jusqu'à  son  temps»  il  énonça  en  ces  termes 
ia  pensée  dont  cet  ouvrage  devoit  être  le  développement: 

ce  L'église  de  J.  C.  s'est  accrue  par  les  persécutions;  c'est  par  le 
»  sang  de  ses  martyrs  qu'elle  a  acquis  ses  couronnes.  Depuis  que, 
»  protégée  par  les  princes  chrétiens  9  elle  a  augmenté  en  puissance  et 
»  en  richesses,  elle  a  diminué  en  vertus  (1  ).  » 

M.  l'abbbé  Guillon  a  cru  sans  doute  qu'il  n'étoit  pas  nécessaire  de 
rapprocher  et  de  coordonner  les  nombreuses  parties  de  la  Bibliothèque 
choisie ,  sous  le  lien  commun  de  ces  idées  dominantes,  qui  fécondent 
toute  une  composition,  comme  on  en  voit  un  exemple  dans  le  Discours 
de  Bossuet  sur  l'histoire  universelle;  mais  il  a  suppléé,  en  quelque  sorte, 
à  cette  absence  par  les  divers  discours  préliminaires  placés  en  tête  de 
plusieurs  volumes  :  fat  distingué  particulièrement  celui  qui  ouvre  le 
tome  X  ;  ce  morceau  prouve  que  M.  l'abbé  Guillon  auroit  pu  remplir 
avec  succès  la  tâche  que  j'indique. 

Pour  faire  connoître  l'importance  de  son  travail ,  je  ne  puis  pas 
même  recourir  à  une  analyse,  quelque  courte  et  serrée  qu'elle  pût  être. 
Je  me  résous  donc  à  choisir  quelques-uns  des  points  principaux  qui  le 
caractérisent. 

J'examinerai  d'abord  un  genre  d'éloquence  qui  appartient  spéciale* 
ment  aux  orateurs  sacrés,  et  qui  a  été  à-Ia-fois  créé  et  perfectionné  par 
les  Pères  de  l'église ,  je  veux  dire ,  l'oraison  funèbre. 

Dans  un  excellent  morceau  de  littérature,  que  M.  Villemain  a 
vraisemblablement  détaché  du  grand  ouvrage  qu'il  avoit  entrepris  sur 
l'éloquence  des  SS.  Pères,  cet  habile  professeur  a  indiqué  et  jugé  les 
oraisons  funèbres  de  S.  Grégoire  de  Nazianze,  de  S.  Grégoire  de 
Nysse ,  de  S.  Ambroise,  de  S.  Jérôme,  et,  pour  mieux  faire  apprécier 
ces  compositions  religieuses,  il  a  rappelé  les  discours  que  les  prêtres  de 
l'Egypte  prononçoient  lors  de  la  sépulture  de  leurs  rois ,  et  les  éloges 
funèbres  que  la  Grèce  avoit  établis  en  honneur  des  guerriers  morts  pour 
la  défense  de  la  patrie;  il  a  eu  ia  sagesse  de  douter  des  premiers,  et  fe 
talent  de  juger  les  autres  en  vrai  littérateur. 


(1)  Bibliothèque  choisie  ,  tonu  XX ,  pag.  365. 


350  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Mais  les  orateurs  chrétiens  choisissoient  des  sujets  d'éloges  bien 
différons  de  ceux  cjue  traitoient  les  orateurs  grecs. 

Chez  les  Grecs  ,  l'éloge  funèbre  étoit  consacré  à  retracer  le  dévoue- 
ment d'une  armée  entière  ;  en  célébrant  quelquefois  une  seule  action 
guerrière,  l'orateur  ne  s'a rrê toit  au  nom  d'aucun  des  citoyens  qui 
s'étoient  immolés  à  la  cause  publique.  Au  contraire,  chez  les  chrétiens, 
l'oraison  funèbre  fut  destinée  à  célébrer  le  dévouement  religieux ,  toute 
la  vie, d'un  homme  vertueux;  du  haut  de  la  chaire  de  vérité,  au  milieu 
des  cérémonies  funèbres  et  des  pompes  <ie  la  mort,  dans  le  temple 
saint,  en  présence  du  Dieu  qui  devoit  récompenser  le  citoyen  qui  étoit 
l'objet  des  regrets  publics ,  l'orateur  sacré  faisoit  le  récit  de  sa  vie ,  qui 
devenoit  une  leçon  et  un  encouragement  pour  tous  les  fidèles; 
la  tain  te  assurance  où  l'auditoire  étoit  que  le  héros  pieux  avoit  obtenu , 
dans  une  vie  nouvelle  et  sans  fin,  la  récompense  méritée  dans  une 
première  vie,  inspiroit  à  l'orateur  et  aux  auditeurs  des  idées  d'un 
ordre  élevé  et  religieux,  qui  exerçoient  une  heureuse  influence  sur  leur 
plropre  vertu.  Qu'est-il  besoin  d'insister  sur  cette  extrême  différence  de 
sujets  !  aux  yeux  du  littérateur,  comme  aux  yeux  du  chrétien  ,  il  y  a 
toute  la  distance  de  la  terre  au  ciel. 

S.  Grégoire  de  Nazîanze  est  l'orateur  dont  il  reste  les  oraisons 
faqèbres  les  plus  remarquables. 

*  ©aris  ces  compositions  religieuses ,  conservant  tout  l'éclat  de  son 
tdfêr^t,  mais  s'abandonnant  plus  souvent  aux  inspirations  de  son  cœur 
qu'à  celles  de  son  imagination  ,  il  parloit  presque  toujours  avec  une 
noble  simplicité ,  qu'il  savoit  allier  avec  l'élégance  et  des  mouvemens 
heureux  :  ses  apostrophes  nobles  et  vives  ne  sont  pas  de  simples  figures 
oratoires;  ce  sont  les  épanchemens  d'un  cœur  attendri. 

Je  dois  pourtant  avouer  que  j'aurai  occasion  de  rapporter  un  passage 
où  l'orateur  sacré  m'a  paru  trop  se  complaire  en  des  descriptions  un 
peu  affectées,  qui  appartenoient  plus  à  la  satire  des  mœurs  qu'au 
langage  apostolique.  Mais  je  ne  serois  pas  surpris  qu'en  jugeant 
S.  Grégoire  de  Nazîanze  sous  le  seul  Tapport  littéraire,  on  donnât  la 
préférence  à  ses  oraisons  funèbres  sur  ses  autres  compositions  oratoires. 

Ii  débuta  par  celle  de  son  frère  Césaire,  qui ,  étant  chrétien  et  osant 
avouer  et  professer  sa  religion  à  la  cour  de  Constance  et  à  celle  de 
Julien,  fut  enfin  réduit  à  perdre  son  rang,  ses  dignités  et  sa  fortune, 
pour  ne  pas  manquer  à  ses  devoirs. 

Parmi  les  auditeurs  de  S.  Grégoire  de  Nazîanze,  se  trouvoient  son 
père  ,  sa  mère,  sa  sœur,  de  nombreux  parens  et  amis;  aussi,  dès  ses 
premières  paroles,  il  excite  le  plus  vif  intérêt  :  c<  Tendres  amis ,  mes 


JUIN   1830.     ■»'.  3f  i 

»  frères ,  mes  pères ,  vous  dont  j'aime  tant  à  reconnoître  et  à  publier 
»  l'affection  !  vous  tous  devant  qui  j'ai  l'honneur  de  parler,  témoins 
»  des. larmes  que  me  fait  répandre  la  perte  de  celui  que  nous  pleurons! 
»  . .  - .  Vous  êtes  venus  vous  réunir  à  moi  pour  soulager  notre  corn- 
»  m  une  douleur  en  (a  partageant ,  m'ofTrir  les  consolations  de  l'amitié, 
»  et  déplorer  vos  calamités  personnelles  en  les  associant  à  mon  deuil 
»  particulier.  » 

Après  avoir  exposé  les  brillantes  qualités  et  les  nobles  vertus  de 
Césaire ,  il  s'adresse  à  son  père  et  à  sa  mère  ;  et  en  rattachant ,  avec 
autant  de  tendresse  que  d'habileté,  sa  propre  destinée  à  la  leur,  il 
s'écrie  : 

«  Combien  avons-nous  encore  -à  attendre ,  ô  vieillards  vénérables  ! 
»  avant  d'aller  nou*  unir  à  Dieu!  combien  nous  restetil  d'épreuves  à 
»  subir!  de  combien  Césaire  nous  a- mI  devancés  !  combien  avons- 
»  nous  encore  de  temps  à  pleurer  son  départ  du  milieu  de  nous  î  ne 
3»  marchons-nous  point,  et  à  grands  pas,  vers  la  même  demeure! 
»  n'allons- nous  pas  tout-à- l'heure  entrer  sous  la  même  pierre!  ne 
»  serons-nous  pas  bientôt  une  même  cendre  !  Que  gagnerons- nous  à  ce 
»  surcroît  de  peu  de  jours  !  quelques  maux  de  plus  à  voir ,  à  souffrir, 
-o  peut-être  à  faire  nous-mêmes.  » 

Bientôt  S.  Grégoire  de  Nazianze  eut  à  exercer  son  talent  dans 
l'oraison  funèbre  de  sa  sœur ,  S.n  Gorgonié  ;  j'en  choisis  le  trait  sui- 
vant ,  parce  qu'il  indique  les  mœurs  de  l'époque.  C'est  de  ce  passage 
que  j'ai  dit  qu'on  croyoit  entendre  le  poète  satirique  plutôt  que  le 
panégyriste  sacré  : 

ce  Avec  tous  les  avantages  de  la  nature  ,  on  ne  la  vit  jamais  occupée 
»  du  soin  de  relever  l'éclat  de  sa  beauté  par  la  richesse  des  ornemens; 
»  nul  empressement  à  faire  ressortir  ses  blonds  cheveux  par  les  apprêts 
»  menteurs  d'une  toilette  plus  propre  à  déshonorer  qu'à  embellir  la 
»  beauté  même  ;  point  d'habits  flottans  et  remarquables  par  la  magni- 
»ficence;  point  de  ces  pierreries  dont  les  feux  étinceians  au- dehors 
»  appellent  les  regards  sur  celles  qui  les  portent  ;  jamais  elle  n'eût 
»  souffert  qu'un  pinceau  imposteur,  rival  insolent  de  la  divinité, 
»  dégradant  des  traits  naturels  par  des  agrémens  payés  à  si  vil  prix, 
»  et  ajoutant,  pour  ainsi  dire ,  à  son  visage,  un  visage  étranger , 
»  dérobât  sous  un  masque  hypocrite  l'œuvre  du  créateur  . .  •  Ses  joues 
»  ne  connoissoient  d'autre  rouge  que  celui  delà  pudeur,  d'autre  blanc 
»  que  celui  qui  vient  de  l'abstinence.  » 

Gorgonié  avoit  reçu  le  baptême  seulement  quelques  jours  avanFsa 


* 


)j2  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

mort ,  sa  vie  toute  entière  avoit  été  une  longue  préparation  il  cette 
solennité  religieuse  (  i  ). 

J'observerai  ici  que,  dans  son  quarantième  discours ,  dont  le  baptême 
étoit  le  sujet,  S.  Grégoire  s'élève  contre  la  coutume  où  l'on  était  alors 
de  ne  se  présenter  au  baptême  qu'à  un  âge  très-avancé,  et  quelquefois 
même  aux  derniers  instans  de  la  vie. 

Je  dois  ajouter  que  S.  Basile  et  S.  Grégoire  de  Nysse  professèrent  la 
même  opinion  au  sujet  des  chrétiens  qui  différaient  leur  baptême. 

En  374»  S.  Grégoire  de  Nazianze  fit  l'oraison  funèbre  de  son  père, 
qui  avoit  été  évêque  de  cette  ville.  S.  Basile  étoit  présent  à  la  cérémonie, 
et  ce  fût  à  ce  personnage  vénérable  que  l'orateur  adressa  directement  la 
parole  :  cette  forme  est  passée  ensuite  en  usage  parmi  les  orateurs 
modernes  ,  qui,  dans  leurs  discours  funèbres,  parlent  non  à  l'assemblée 
des  chrétiens  que  réunit  la  solennité  mortuaire,  mais  à  un  personnage 
distingué  à  qui  on  paie  quelquefois  un  tribut  d'éloges,  tout  en  attestant 
le  néant  des  choses  de  ce  monde.  Voici  le  début  de  l'oraison  funèbre 
du  père  de  S.  Grégoire  : 

ce  Homme  de  Dieu ,  serviteur  fidèle  et  dispensateur  éclairé  des  divins 
»  mystères  ! . . .  d'où  venez-vous  !  dites-moi  quel  motif  a  guidé  vos 
»pas  en  ce  lieu,  quel  avantage  recueillerons-nous  de  votre  présence! 
»  Je  sais  bien  que ,  dans  toutes  vos  démarches,  c'est  le  mouvement  de 
»  l'esprit  de  Dieu  qui  vous  dirige,  le  zèle  de  sa  gloire  qui  vous  anime  , 
i»  l'intérêt  de  vos  frères  qui  vous  amène  au  milieu  d'eux.  » 

Après  ces  diverses  oraisons  funèbres ,  S.  Grégoire  de  Nazianze 
prononça,  en  381,  celle  de  S.  Basile  le  Grand,  archevêque  de  Césarée. 

Vers  la  fin  de  son  discours,  S.  Grégoire  de  Nazianze,  qui  mettoit 
beaucoup  d'art  et  de  délicatesse  à  parler  de  lui-même  en  célébrant  les 
autres ,  s'écrie  : 

«  Il  est  maintenant  dans  le  ciel  ;  là ,  sans  doute ,  il  offre  des  sacri- 
»  fîces ,  il  prie  pour  son  peuple  ;  car  en  s'éloignant  de  nous,  il  ne 
»  nous  a  pas  abandonnés.  Mais  Grégoire,  son  ami,  mais  moi,  que 
»  cette  cruelle  séparation  condamne  à  survivre  à  la  plus  douce  partie 
»de  moi-même  ,  traînant  désormais  une  vie  triste  et  languissante,  que 
»  vais-je  devenir,  privé  de  ses  salutaires  leçons!  Mais  nop,  il  ne  m'a  pas 
*>  délaissé;  durant  les  songes  de  la  nuit,  sa  voix  m'avertit  encore  et  me 
»  reprend,  sitôt  que  je  m'écarte  du  devoir.  » 

Plus   tard  S.  Grégoire  composa ,  à  la  louange  de  S.    Athanase , 


(1)  BibL  choisie,  tom.  VI ,  pag.  424. 


JUIN   1830.  jjj 

patriarche  d'Alexandrie,  un  discours  qui  es(*plutôt  un  panégyrique 
qu'un  éloge  funèbre,  et  ii  le  termina  par  ces  mots  : 

m  Pontife  respectable  et  cher,  vous  qui ,  entre  autres  qualités  émi- 
»  ne n tes ,  connoissiez  si  bien  quand  ii  faut  parler  ou  se  tairtel.  .  . . 
»  permettes  que  j'arrête  ici  ce  discours. .  . .  Du  haut  du  ciel ,  jetez  sur 
»  nous  un  regard  favorable;  continuez  de  gouverner  ce  peuple.  » 

S.  Grégoire  de  Nazianze  avoit  un  grand  et  beau  talent,  parce  qu'il 
éftôirdoué  d'une  sensibilité  vraie  et  animée.  J'anyi  peut-être  occasion  de 
parler  de  ses  poésies,  et  je  ne  crains  pas  d'annoncer  que  la  sainte  indi- 
gnation qui  les  inspira  et  la  chaleur  qui  les  distingue  lui  méritent  comme 
poète  le  titre  de  Juvénaf  chrétien.  * 

Je  citerai  encore  une  oraison  funèbre  qui  cependant  n'en  porte  pas  le 
titre;  c'est  le  discours  de  S.  Àmbroise,  archevêque  de  Milan,  sur  la 
mort  de  l'empereur  Valentinien  II ,  étranglé  à  Vienne  par  Arbogaste  : 
H  fût  prononcé  en  présence  de  trois  sœurs  de  l'empereur,  dont  l'une 
étoit  l'impératrice  Galla  ,  épouse  de  Théodo'se  ;  et  quoique  Valentinien 
eût  péri  rans  avoir  reçu  encore  le  baptême ,  l'orateur  n'hésita  pas  à  le 
célébrer  comme  un  habitant  du  séjour  céleste.  II  y  a  du  talent  et  de 
l'adresse  dans  la  manière  dont  le  saint  archevêque  de  Milan  rappelle  la  -# 
circonstance  malheureuse  que  le  prince  étoit  mort  sans  avoir  reçu  le* 
sceau  du  chréiien. 

•  «  Le  motif  encore  de  votre  affliction,  je  vous  entends,  c'est  qu'il 
n  n'avoit  point  reçu  le  sacrement  du  baptême  :  je  réponds  ;  qu'y  a-t-il 
»  autre  chose  qui  dépende  ck  nous  que  de  vouloir  et  de  demander  !  II 
»y  avoit  long-temps  qu'il  le  demandoit,  même  antérieureitfcnt  ît  son 
»  arrivée  dans  l'Italie;  et  tout  récemment,  £étoit  pour  cela  qu'il  m'avoit 
»  appelé  près  de  lui.  Quoi  donc!  n'aura-t  il  pas  la  grâce  qu'il  a  de* 
9  mandée!  la  solliciter,  c'est  l'obtenir. 

»  Si  c'est  le  défaut  d'une  solennelle  célébration  cje$  saints  mystères 
»  qui  cause  de  la  peine,  je  réponds:  dans  ce  cas,  les  martyrs  qui 
»  n'ét oient  que  catéchumènes  n'ont  donc  point  droit  à  la  couronne  l 
s>  Mais  si  le  sang  des  martyrs  est  pour  eux  le  bain  du  baptême,  coji- 
»  cluons  de  même  pour  Valentinien,  que  sa  piété  et  sa  bonne  volonté 
»  lui  en  ont.  tenu  lieu  (1).  » 

L'idée  que  j'ai  tâché  de  donner  de  ces  oraisons  funèbres ,  suffira  sans 
doute  pour  faire  apprécier  les  orateurs  qui  créèrent  et  cultivèrent  ce 
genre  d'éloquence.  Je  ne  nArrêterai  pas  sur  les  panégyriques  composés 
par  S.  Basile  le  Grand,   par  S.  Grégoire  de  Nysse,  et  par  d'autres 

(1)  Biùt.  choisie,  toîn.  IX,  pag.  430.. 


354  JOURNAL  DES  SAVANS, 

SS.  Pères  ,  ni  sur  quelqgps  lettres  de  S.  Jérôme ,  qui  sont  de  véritables 
éloges  funèbres.   ■ 

Ces  diverses  compositions  offrent  tpujours  le  mérite  du  genre  et 
souvent, le  caractère  de  la  vraie  éloquence. 

Si  j'avois  II  assigner  quelques-unes  des  causes  qui  iqfluèrent  sur  fcf 
talent  et  sur  les  succès  drs  Pères  de  l'église,  j'indiquerais  d'abord  leur 
intime  conviction  des  vérités  du  christianisme,  et  I  espérance  inébran- 
lable qu'ils  avoient  d'obtenir,  dans  une  vie  sans  fin  >  la  récompense  de 
leur  zèle  et  de  leur  détouement  religieux.  Ainsi  les  sentiraens  élevé* 
qui  fàisoient  les  martyrs  faLoient  aus.si  les  orateurs. 

Sans  ^appeler  ici  les  noms  connus  des  écrivains  sacrés  qui  scellèrent 
de  leur  sang  la  croyance  et  les  maximes  qu'ils  professoient  dans  leurs 
discours  et  dans  leurs  ouvrages ,  tels  que  S.  Irénée,  S.  Justin,  S.  Cy« 
prien ,  &c.  &c. ,  je  me  bornerai  à  dire  que  les  persécutions  ,  loin  cf abattre 
le  courage,  devenoient,  par  le  dévouement  et  l'exaltation  de  l'orateur, 
des  moyens  d'éloquence;  j'en  citerai  un  exemple  remarquable. 

S.  Ignace,  évéque  d'Antioche  ,  martyr  désigné,  est  conduira  Rom* 
pour  y   subir  la  mort  ;  craignant  que  les  chrétiens  de  cette  ville  m 
.  tentent  de  le  sauver  du  supplice,  il  leur  écrit  : 

«  Si  vous  m'aimez  d'une  charité  vraie,  vous  permettrez  que  faille 
»  jouir  de  mon  Dieu.  Je  n'aurai  jamais  une  occasion  aussi  favorable  de 
»  me  réunir  à  lui.  .  .  ;  ni  vous ,  non  plus,  jamais  vous  n'aurez  I honneur 
»  d'une  oeuvre  meilleure;- il  s'agit  de  ne  point  solliciter  Dieu  contre 
»  moi.  Si  vous  ne  parlez  pas  de  moi,  si  vous  demeurez  en  repos,  j'irai 
»  h  Dieu  :  au.  contraire,  en  vous  livrant  •une  fausse  compassion  pour 
m  cette  misérable  chair,."...  vous  me  faite*  rentrer  dans  (a  carrière» 
»  Eh  !  pouvez-vous  me  procurer  un  plus  grand  bien  que  d'être  immolé 
»  à  Dieu  quand  l'autel  est  dressé!.  .  .  •  Vous  ne  portâtes  jamais  envie 
»  à  personne;  ne  m'enviez  pas  ma  félicité.  ...  ;  ne  vous  occupes  que 
»  du  soin  de  m'obt.nir  par  vos  prières  le  courage  dent  J'ai  besoin  pour 
»  résister  aux  attaques  du  dedans  et  repousser  celles  du  dehors,  afin 
»  que  je  ne  sois  pas  évêque  seulement  en  paroles,  mais  en  œuvres, 
»  . .  .  .  J'écris  aux  églises  et  leur  mande  à  toutes  que  Je  vais  à  la  mort 
»  avec  joie ,  si  vous  n'y  mettez  point  obstacle.  Je  vous  en  conjure ,  ne 
y  m'aimez  pas  il  contre- temps.  Que  j'aille  servir  de  pâture  aux  lions  et 
»  aux  ours;  ce  sera  un  chemin  plus  court  pour  arriver  au  ciel  :  je  suis 
»  le  froment  de  Dieu  ;  puisse- je  être  mot^u  par  les  dents  des  bétes  , 
*  pour  devenir  un  pain  digne  d'être  offert  à  Jésus-Christ!. . . .  qu'elles. 
»  me  dévorent  tout  entier  ! .  .  .  .  Je  ne  vous  commande  pas,  ainsi  que 
»pouvoient  le  faire  Pierre  et  Paul:  ils  étoient  apôtres;  que  suis-;e, 


r 


/ 


JUIN  1830.  3î  j 

«mot,  sinon  un  homme-condamné  par  les  hommes;  ils  étoierit  libres-,  • 
»  je  suis  encore  esclave. .  .*.  Mais  je  deviendrai  l'affranchi  de  Jésus* 
»  Christ  ;  aloij  je  ressusciterai  k  la  vraie  liberté ....  Dieu  veuille  que  je 
»  jouisse  des  bére>  qui  fne  sont  préparées  ;  que  je  les  trouve  ardentes 
»  et  avides  de  leuç  proie.  ...  !  pardonnez-moi,  je  connois  mes  intérêts. 
»  . .  *•  Que  je  sois  consumé  par  le  feu;  que  je  meure  de  la  mort  lente 
»  et  cruelle  de  la  croix  ;  Çue  je  sois  mis  en  pièces  par  les  tigres  et  les 
»  lions  affames;  que  mes  os  soient  dispersés,  mes  membres  meurtris  9 
»  mon  corps  broyé  ;  que  tous  les  démons  épuisent  sur  moi  leur  rage; 
»  je  suis  prêt  à  endurer  avec  joie  tous  les  supplices,  pourvu  que  je 
«jouisse  de  Jésus-Christ. .  .  .  Si,  étant  arrivé  auprès  de  vous,  j'allois 
9  me  laisser  intimider  par  l'appareil  du  supplice,  soutenez  mon  courage. 
»  Rappelez-vous*  seulement  ce  que  je  vous  écris  à  cette  heure  ,  ou  Je  * 
»  vous  écris  dans  une  pleine  liberté  d'esprit  et  n'aspirant  qu'à  mourir.  » 

Après  ce  langage  éloquent  d'un  évêque  qui  non-seulement  se 
résigne  au  martyre,  mafs  encore  craint  de  ne  pas  l'obtenir  et  se  précipite. 
feri^t  supplice,  je  citerai  celui  du  savant  cénobite  qui,  rigide  pour  lui- 
même  ,  exige  d'un  jeune  chrétien  le  dévouement  le  plus  absolu» 
S.  Jérôme  écrivant  à  Héliodore  pour  l'appeler  au  déa?rt,  lui  dit  :• 

<*  Souvenez-vous  du  jour  où,  enrôlé  sous  son  étendard  et  enseveli 
•  avec  Jésus-Christ  par  le  baptême,  vous  vous  engngeâtes  à  le  servir 
»et  à  sacrifier  père,  mère,  s'il  le  falîoit.  Le  moment  est  arrivé  :  le 
»  démon,  au  fond  de  votre  cœur,  travaille  à  renverser  Jésus-Christ. 
»  Quelques  efforts  que  l'on  fasse  pour  s'opposer  à  .votre  généreux 
»  dessein,  dût  une  mère  venir ,  les  cheveux  épars  et  les  habits  dé* 
3»chirés,  vous  supplier  avec  larmes;  dût  un  père,  prosterné  à  vos 
»  pieds,  vous  faire  une  "barrière  de  son  corps,  franchissez  tout,  et; 
«courez,  l'œil  sec,  intrépide,  vous  ranger  sous  l'enseigne  de  la  croix. 
»  C'est  une  sorte  de. piété  cFétré  cruel  dans  ce  cas ,  et  ce  n'est  qu'alors 
»  qu'il  est  permis  de  l'être.  Un  jour  viendra. ...  où  vous  entrerez  dans 
»  la  céleste  Jérusalem  ,  avec  la  couronne  promise  au  généreux  soldat.. 
»  Alors  devenu ,  avec  S.  Paul,  citoyen  du  ciel ,  vous  y  demanderez  (• 
«droit  de  cité  pOUr  vos *parens et  pour  moi-même,  qui  vous  aurai  mis 
»  sur  fa  voie  de  la  victoire.» 

Cest  Iveçde  telles  pensées  et  de  tels  sentimens  qu'un  orateur  élevoit 
son  langage  à  la  hauteur  de  l'éloquence,  sur- tout  quand  des  études 
préliminaires   avoient  déjà  préparé  ou  fécondé  son  talent,   ce  qui  ne  . 
manquoit  pas  aux  Pères  de  l'église  :  ceux  qui  ont  écrit  avec  le  plus  da 
succès .étoiént  excellfcns  littérateurs,  et  souvent  profonds  érudits. 

H  me  seroit  aisé  de  présenter  un  tableau  détaillé  de  l'érudition  et  de 

yy  2 


I 


35$  JOURNAL  DES  SÀVANS, 

la  littérature  de  fa  plupart  des  SS.  Pères  et  des  écrivains  sacrés;  il  me- 
"suffira  sans1  doute  de  rassembler  quelques  traits  que  j'emprunterai  soit 
à  leurs  ouvrages  et  à  leurs  biographies,  soit  à  'la  Bibliothèque  choisie 
de  M.  l'abbé  Guillon.  •  •        - 

-Tertullien  parle  de  S.  Irénée  ,  évéque  de  Lyon»  comme  d'un  prodige 
d'érudition  et  de  connoissances  (i  ).  .^  ■ 

M.  l'abbé  Guillon  ajoute  :  a  En  effet,  S.  Iaénée  avoit  lu,  et  bien  lu  , 
a»  tous  les  poêles  et  tous  les  philosophes  de  l'antiquité  f  ce  qu'on  re- 
»  connoît  non- seulement  aux  fréquentes  citations  qu'il  en  fait,  mais 
»  encore  à  une  certaine  sève  d'imagination ,  puisée  à  ces  sources,  et  qui 
»  répand,  sur  l'ingrate  matière  qu'i|  traite,  des  ornemens  que  Fon  n'y 
«attendoit  pas  (2).  »  #. 
«  Après  avoir  étudié  avec  un  grand  succès  sous  Àroobe,  Lactanco 
devint  professeur  dans  la  ville  de  (licomédie,  et  enfin  l'empereur 
Constantin  le  choisit  pour  précepteur  de  son  fils  Crispe  César. 

S.  Cyprien  fut  justement  vanté  pour  $es  talens' oratoires  ;  S.  Augustin 
a  dit  de  lui  qu'il  offroit  le  modèle  des  trois  genres  d'éloquence ,  ûÊÊà  * 
cité  en  preuve  plusieurs  passages  de  ses  discours.  S.  Cyprien  ayant 
fait  à  Carthage  sesjétudes  littéraires,  s'étoit  d'abord  destiné  au  barreau; 
là  ville  de  Carthage  désira  l'avoir  pour  professeur  d'éloquence,  et  il 
.  obtint  la  plus  grande  réputation  dans  cet  emploi ,  qui  étoit  une  sorte 
de  dignité  ;  aussi»  quand  il  fut  appelé  à  i'épiscopat  et  à  la  prédication,  il 
y  porta  un  talent  déjà  exercé  et  même  entièrement  formé. 

S.  Grégoire  Thaumaturge ,  évéque  de  Néocésarée ,  avoit  étudié  à 
Béryte,  où  existait  une  célèbre  école  de  droit  romain;  ensuite  il  avoit 
pendant  cinq  ans  suivi  les  leçons  cTOrigène. 

S.  Hilaire,  évéque  de  Poitiers,  dont  S.  Jérôme  a  dit  qu'il  étoit  le 
Rhône  de  l'éloquence  latine  (j),  étudia  dans  les  Gaules  à  une  époque 
où  la  littérature  latine  y  étoit  encore  très-florissante. 

S  Grégoire  de  Nazianze  et  S*  Basile  avoient  fréquenté  ensemble 
dans  Athènes  les  écoles,  qui  y  étoient  très-célèbres;  quand  S.  Grégoire 
résolut  de  quitter  cette  ville ,  on  espéra  l'y  retenir  en  lui  proposant 
une  chaire.  •       •    .. 

La  Bibliothèque  choisie  ne  contient  qu'une  fégèrejndication  du  dis- 
cours que  S.  Basile  le  Grand,  devenu  archevêque  de  Césarée?  adressa 
aux  jeunes  gens  sur  l'utilité  qu'ils  pouvoient  retirer  de  la  lecture  des 

livres  profanes.  • 

• 

(1)  Omnium  doctrinarum  cur'msissimus  explorator.  —  (2)  Tom.  I ,  pag«  160. 
—  (3)  Eloquentiœ  latin*  Rhodanuu 


# 

.      ^  JUIN  .1830.  •'  357 

M.  l'abbé  Guillon  convient  que  ce  discours  est  un  des  plus  célèbres 
de  S.  Basile.  II  est  sans  doute  permis  de  regretter  que  la  Bibliothèque* 
choisie  ne  fasse  connoipe  cet  ouvrage  que  par  une  très-courte  analyse , 
eique  M.  l'abbé  Guillon  n'ait  pas  traduit  quelques-uns  des  passages' les 
plus  remarquables  et  les  plus  intéressons  ;  du  marins  le  discours  Tiiême 
prouve  suffisamment  que  S.  Basile  s'étoit  beaucoup  ^appliqué  à  la 
lecture  des  écrivains  profanes  grecs  et  latins ,  et  Ton  ne  peut  douter  que 
cette  érudition  classique  n'eût  heureusement  influé  sur  ie  développe- 
ment de  son  talent  oratoire. 

S.  Grégoire,  évèque  de  Nysse,  frère  de  S.  Basile,  avoit  été  professeur 
d'éloquence.  JI  étoit  très-érudit  et  très-habile  orateur  :  dans  le  second 
concile  de  Nicée,  il  fut  appelé  le  Pire  des  Pères. 

S.  Ambroise ,  né  dans  les  Gaules ,  y  avoit  fait  son  éducation  littéraire;  . 
s'étant   d'abord  consacré    au  barreau,   il  avoit   obtenu,    dans  cette 
carrière ,  les  plus  grands  succès ,  qui  lui  avoient  mérité  d'être  appelé  à 
d'honorables  dignités. 

S.  Jean  Chrysostome  fut  disciple  du  célèbre  rhéteur  Libanius,  qui, 
attaché   au  paganisme , .  n'en  accorda  p^s  %noins  son  estime  et  son 
admiration  à  son  élève,  quoique  déjà  il  reconnût  en  lui  l'ennemi  futur  *ûg£ 
de  l'ancien  culte,  auquel  ce  maître  tenta   vainement  de  le  ramener/'   • 
S*  Jean  Chrysostome  s'étoit  distingué  à  Antioche  dans  la  carrière  du 
barreau.  • 

S.  Augustin,  d'abord  professeur  d'éloquence  àTagaste  et  à  Carthage, 
le  fut  ensuite  à  Milan. 

M.  l'abbé  Guillon  reconnoit  combien  les  lettres  profanes  av^tat 
été  utiles  au  talent  de  ce  Père  de  l'église  :  ^^ 

ce  S.  Augustin,  dit-il,  n'en  reconnoit  pas  moins  que  la  lecture  des 
*>  poètes  lui  fut  d'une  grande  utilité  ;  que  non-seulement  elle  avoit 
j»  perfectionné  son  langage,  mais  qu'elle  avoit  développé  les  faculrêi 
»de  son  esprit,  sur-tout  celle  de  l'invention,  qui  fait  les  génies 
»  créateurs.  Elle  lui  communiqua  aussi  cette  sublimité  de  pensées  et 
»  d'expressions  qui  élève  la  nature  au-dessus  d'elle-même  ,  la  facilité  à 
»  s'exprimer  .avec  élégance  et  à  rendre  les  choses  de  la  manière  qui 
»  convient,  le  talent  d'employer  dans  l'occasion  les  traits  forts  et  hardis 
»  et  les  images  pittoresques.  » 

S.  Jérôme  étudia  les  lettres  grecques  et  latines  dans  Rome,  où  H 
eut,  entre  autres  maîtres,  le  rhéteur  Victorin  et  le  célèbre  grammairien 
Donat ,  commentateur  de  Virgile  et  deTérence:  ensuite  il  entreprit 
plusieurs  voyages;  H  parcourut  les  Gaules  et  les  provinces  de  l'Asie 


i 


35$  JOURNAL  EES  SAYANS,     %     • 

mineure,  visitant  les  savans  et  ramassant  les  Jivpes.  A  Constantin  opte , 
•M  écouta  les  leçons  de  S.  Grégoire  de  Nazianze.  • 

J'ai  remarqué  avec  plaisir  que  S.  Jérôme,  parlant  de  trois  passages 
de  poète»  grecs,  cités  par  S.  Paul  sans  désignation  de  nom^  nous 
apprend  que  le  passa  p*  de  Tépître  à  Tite  sur  les  Cretois  (  i  ) ,  ctyipitre  l  > 
vers*  12,  est  tiré  d'tpiménide;  que  cefui  des  Actes  des  apôtres  ia) , 
tihap.XVJl,  vers.  28,  est  emprunté  d'Aratus ,  et  qu'ailleurs  S.  Paul  a 
exprimé  une  pensée  qui  offre  la  traduction  d'un  vers  de  Ménandrè. 

II  est  assez  remarquable  que  Rufin,  blâmant  S,  Jérôme  de  cultiver 
encore  Ja  littérature  profane,  Faccusoit  d'expliquer  Virgile  et  d'autres 
sfttteurs  de  Tantiquité,  à  des  jeunes  gens  auxquels  .il  •  donnait  des 
leçons ,  et  encore  d'occuper  des  religieux  à  transcrire  des  manuscrits 
de  littérature  grecque  et  latine. 

S.  Paulin ,  éyéque  de  Noie ,  né  dans  les  Gaules  ,  s'étoit  formé  à  fa 
littérature  et  à  l'éloquence  sous  Ausone,  son  compatriote  et  son  ami; 
il  resté  d'honorables  preuves  du  talent  et  du  goût  dte  ce  prélat  poiff  la 
poéfie. 

Synésius,  archevêque  déÉJ^olémaïde,  avoitété  disciple  de  la  fameuse 
(te  d'Alexandrie,  fille  de  Théon;  il  étoit  devenu  un  savant  plato- 


Dirai-je  que  plusieurs  des  Pères  de  l'église  et  des  écrivains  sacrés 
cultivèrent  avec  quelque  succès,  les  uns  la  poésie  grecque,  les  autres 
la  poésie  farine  !  Si  tous  n'y  montrèrent  pas  le  même  talent ,  du  moins 
leurs  compositions  attestent  leur  goût  poétique,  ainsi  que  l'étude  qu'ils 
tIMJtat  faite  des  lettres  profanes.  ~ 

^Pjts  qu'il  soit  nécessaire  de  plus  grands  développemens ,  j'ose  dire 
qnft  ^instruction  littéraire  de  plusieurs  Pères  de  l'église  fut  une  dea 
effrites  qui  favorisèrent  leurs  succès  oratoires^ 

».  Les  prédicateurs  étoient  d'ailleurs  excités  par  les  applaudissement 
£jE£l*ordinaires ,  par  les  acclamations  qui  souvent  interrompoient  leurs 
«(•cours,  et  qui  devenoient  un  moyen  d'émulation.  * 

:M*  lab^é  Guiffon  rapporte  ou  indique  divers  textes  qui  constatent 
Tu^ageTtù  les  fidèles  étoient  de  témoigner,  dans  le  temple  même,  par 
dét  jtppjaudissemens  réitérés,  par  des  acclamations  prolongées,  soit 
f  adhésion  aux  principes' exposés  par  l'orateur  sacré,  soit  l'admiration 

.(Y;  Dixit  quidam  ex  Mis,  proprius  ipso  ru  m  prvphetcL:  <*  Creenses  setnper 
rLJnetodaceSj  .maltr  bestiar ,  ventres  pîgri.  »  —  (2)  In  ipso  enlm  vivhnus  et 
ntêvctour  et  sumus  >  sicut  et  quidam  vestrorum  poetarum  dtxerunt  :  «  Ipsius  enitn 
»  ete-genus  su irîus,  » 


JUIN- 1 £30.       ""  359 

qu  excitqjf  son  éloquence  ;  mais  il  s'en  faut  beaucoup  qu'il  ait  fait  con- 
nofcre  la  plus  grande  partie  des  faits  qui  démontrent  que  cet  usage  a 
existé  long-temps  et  dans  la  plupart  des  pays  de  ia  chrétienté. 

Le  rapprochement  que  je  me  proposé  de  faire  de  divers  passages* 
prouvera  combien  cet  enthousiasme  de  l'auditoire  animoit  et  fortiftoit 
forateftr  dont  le  discours,  ordinairement  improvisé,  étoit  souvent 
transcrit  par  des#séméiographes  qui  p renoient  leurs  notes  dans  Téglfra 
même. 

Sans  do U te  les  nombreux  et  divers  détails  de  la  Bibliothèque" choisie 

^  peuvent  fournir  matière  à  quelques  observations   critiquas,  et  je  ine 

propose  d'en"  présenter  ;  mais  je  crois  que  plus  on  examinera  .attentive*; 

ment  le  travail  de  M,  l'abbé  Guilton  ,  plus  on  en  reconnoîtra  le  mérite 

et  l'importance. 

■      *     RAY'NOUÀRD.     :/, 


Memoirs  of  the  emperor  Jatiangueir,  written  by  himself.  and 
translate d  ftom  a  persian  manuscript ,  by  major  David 
Prlce  ,  &c.  —  Mémoires  de  l'empereur  Djéhanghir ,  écrits  par 
lui-même ,  et  traduits  d'après  un  manuscrit  persan ,  par  le 
major  David  Price.  Londres,   iSzpf  1 4 ï  pages jn-jf.§   - 

r  m 

Le  traducteur  de  l'ouvrage  que  nous  entreprenons  de  faire  connotcre, 
observe,  dans  un  avertissement  extrêmement  court ,  que  le  manuscrit 
dont  il  s'est  servi  ne  porte  aucun  titre;  toutefois  il  pense  que  c'est ,  oit 
du  moins  à  peu  de  chose  près,  le  même  ouvrage  que  celui  dont' 
M.  James  Anderson  a  publié,  à  Calcutta ,  dans  le  tome  II  de  VAsiatik 
Afisccllany ,  quelque»  frapnens  sous  le  titre  d9 Extraits  du  Toozvk  M 
JEHANGEERI  j^Xlil^ab  cslj  jj  ,  ou  Mémoires  de  Djéhanghir ,  écrits  par 
lui-même,  et  contenant  V histoire  des  événemens  appartenant  aux  treize 
premières  années  de  son  règne*  Il  ajoute  que  M,  Anderson  a  annoncé  lui- 
même  que  son  intention  étoit  de  donner  seulement  un  petit  nonfBre  de 
fragmens  de  ces  mémoires  ;  et  en  effet,  dit-il,  si  l'on  compare  ces  extrait! 
avec  le  présent  Quvrage ,  on  reconnoîtra  qu'il  a  souvent  omis  des  pages 
entières  entre  divers  faits  dont"  le  récit  se  trouve  aussi  bien  dans  le^ 
extraits  donnés  par  M,  Anderson  que  dans  le  manuscrit  dont  M.  Prîo^ 
publie  la  traduction.  * 


3*p  JOURNAt  ©ES  SAVANS, 

"  ■  Nous  regrettons  cjue  M.  Price  se  soit  borné  à  cette  légère  indication , 
et,qu'il  n'ait  pas  jugé  convenable  (f  examiner  et  de  faire  connoître  avec 
plus  de  détail  les  rapports  qui  existent  effectivement  entre  ces  deux 
publications.  M.  Anderson  ayant  publié  le  texte  avec  la  traduction  des 
morceaux  qu'il  a  choisis ,  on  auroit  vu  avec  plaisir  que  M.  Price  donnât 
une  page  ou  deux  de  son  manuscrit  dans  la  langue  originale,  afiiî qu'on 
put  établir  une  comparaison  entre  le  texte  de  ce  trjanuscrit  et  celui 
dortt  M.  Anderson  a  fait  usage.  En  supposant  que  M.  Price  ait  suivi 
exactement,  dans  sa  traduction,  la  rédaction  du  texte  qu'il  avbit  sous  les 
yenx,  nous  sommes  très^portés  à  penser  qu'il  y  a  des  différences 
notables  entre  les  deux  textes.  Comme  il  nous  est  impossible  de  vérifier 
notre  conjecture  à  cet  égard,  nous  nous  bornerons  à  l'examen  critique 
qu'il  est  possible  de  faire  en  comparant  la  traduction  de  M.  Price  avec 
les. extraits  publiés  par  M.  Anderson.  Mais  il  convient  d'examiner 
d'abord  si  Djébanghir  a  effectivement  écrit  lui-même  des  mémoires  sur 
son  règne.  -»  •  .  ' 

Ce  fait  nou^paroît  suffisairfment  établi  par  M.  Fr.  Gladwin,  qui , 
dan*  le  tome  J.er  4e  son  Histoire  de  I'Hindoustan  durant  les  règnes  de 
Djéhanghir,  de  Schah-djihan  et  <T  Aureng-zeb ,  publiée  en  anglais  k 
Calcutta ,'  en  1 7  8  8 ,  et  rédigée  d'après  un  grand  nombre  (de  manuscrits 
et  de  documens  originaux  (  1  ) ,  s'exprime  ainsi  : 

«  Djéhanghir  possédoit  4d'assez  grands  talens  littéraires.  II  ajouta 
«quelques  chapitres,  écrits  en  langue  turque,  aux  Mémoires  de  fem- 
»  pereurflaber.  II  écrivit  aussi,  en  langue  persane,  ses  propres  mémoires, 
x> contenant ,  avec  un  détail  minutieux,  tout  l'exposé  de  sa  conduite  et 

*  de  sa  vie ,  soit  politique,  soit  privée ,  depuis  le  commencement  de  son 
»  fègne  jusqu'à  la  fin  de  la  douzième  année.  Ces  mémoires  sont 
»  admirés  pour  la  simpticité,  l'élégance   et  la   pureté  du  style,   et* 

\rf;Djéhanghir  paroît  en  général  y  avoir  exposé  fidèlement  et  avec  beau- 
4^  coup  de  candeur  ses  extravagances  et  ses  foiblessés.  Les  mémoires  de 

*  ces  douze  premières  années  de  son  règne  é^jfet  terminés,  il  en  fit  faire 
»  plusieurs  copies,  qu'il  distribua  h  ses  enfàns  et  aux  principaux  officiers 

*  de  sa  cour.  Ensuite  il  continua  ces  mémoires  de  sa  propre  main ,  jus- 
»  qu'au  commencement  de  la  dix-septième  année  de  son  règne  :  à  cette 
m  épo^be,  -l'état  de  sa  santé  ne  lui  permettant  plus  de  se  livrer  lui- 


dtaàarti 


(l)  Noos  ignorons  si  le  second  volume,  qui  devoit  contenir  les  deux  derniers 
jègnês  1  a  été  donné  au  public.  Nous  en  doutons,  parce  que  le  catalogue  de  la 
riche  bibliothèque  de  feu  M.  Langlés  n'indique  que  le  premier  volume  de  cet 
outrage. 


*'* 


JUIN   I  830. 
Texte  donné  par  M.  Anderson.  Traduction  de  M.  Price. 


i*P 


dans  la  demeure  du  dervisch  ,  afin 
que  je  vinsse  au  monde  chez  lui. 
Après  ma  naissance,  on  me  nomma 
Su f tan  Silïm.  Cependant  je  n'ai 
jamais  entendu  mon  père ,  soit 
dans  l'ivresse,  soit  dans  son  bon 
sens,  m'appeler  Mohammed  Sélim, 
ni  Sultan  Silim.  II  ne  m'appeloit 
Jamais ,  en  m'adressant  la  parole , 
que  Baba. 


il  feroit  à  pied  tout  le  chemin  qu'il 
y  a  de  la  capitale ,  c'est-à-dire , 
d'Agra  à  Adjmir ,  distance  qui 
n'est  pas  moins  de  i4°  coss ,  dans 
la  seule  vue  d'aller  porter  seù  vœux 
et  ses  offrandes  au  tombeau  du 
saint  personnage.  Comme  la  ré- 
solution de  mon  père  partoit  d'un 
cœur  sincère,  six  mois  précisé- 
ment après  la  mort  du  dernier  de 
mes  frères  morts  enfans ,  le  ven- 
dredi 17  de  rébi  i.cr  de  l'an  978 
de  l'hégire,  le  soleil  étant  dans  le 
a4.e  jour  de  la  balance ,  et  7  garri 
du  jour  étant  déjà  passés ,  le  très- 
haut  fit  entrer  sur  la  scène  de 
l'existence  l'humble  auteur  de  ce 
récit. 

Fidèle  à  ses  engagemens  ,  mon 
père,  dont  le  séjour  est  à  présent 
dans  les  demeures  célestes,  accom- 
pagné de  quelques-uns  des  émirs 
les  plus  considérables  de  sa  cour, 
partit  d'Agra;  et  faisant  route  à 
pied,  à  raison  de  cinq  coss  par 
jour,  il  se  présenta  lui-même,  à 
son  arrivée  à  Adjmir ,  devant  la 
tombe  qui  renferme  les  restes  de 
Moïn-eddin.  Quand  il  se  fut  ac- 
quitté de  ses  dévotions ,  il  se  mit 
sur-le-champ  en  devoir  d'aller 
trouver  le  dervisch  à  la  piété  et  jpuc , 
mérites  duquel' il  étoit  redevable; 
d'avoir  obtenu  l'objet  de  ses  ar* 
dentés  supplications.  Le  pieu* . 
reclus  se  nommoit  Schéikh  Se  tint.; 
et  mon  père,  s'élant  rendu  £  sa. 
demeure,  me  mit  entre  ses  bras, 

Zz  2 


o 

iU 


JOURNAL  DES  SAVANS, 


Texte  donné  par  Af.  Anderson. 


Mon  père  considérant  le  village 
de  Sien,  oit  j'avois  pris  naissance , 
comme  un  lieu  de  bon  augure , 
en  fit  la  capitale  de  son  royaume; 
amsi ,  dans  un  espace  de  quatorze 
om  quinze  ans ,  cette  montagne 
pleine  de  lieux  en  friche  devint 


Traduction  de  Ai.  Price. 

le  suppliant  de  prier  Dieu  pour  la 
conservation  de  ce  cher  enfant.  Ce 
n'est  pas  tout  :  mon  père  ,  dans  le 
cours  de  sa  visite ,  se  hasarda  à 
demander  au  dervisch  s'il  pourroit 
lui  dire  le  nombre  des  fils  que  la 
providence  du  Tout-puissant  avoit 
résolu  de    lui   accorder*    En   ce 
moment  le  dervisch ,  exalté  par  la 
présence  auguste  du  prince  dont 
il  recevoit  la  visite,  n'hésita  point 
à  répondre  à   mon  père  que    la 
bénédiction  de  la  providence  lui 
accorderoit  trois  fils.  J'ai  déposé, 
s'écria  mon  père  ,  le  premier  né  des 
trois  dans  ton  sein.  Béni  s  oit- il! 
reprit  le  dervisch ,  et  puisque  vous 
ave%  remis  cet  enfant  entre  mes  bras, 
je  l'ai  nommé  Mohammed  Sélim. 
Mon  père,  acceptant  ces  témoi- 
gnages d'intérêt  de    la   part  du 
dervisch  ,  comme  d'heureux  au- 
gures très- favorables  à  ses  espé- 
rances ,  retourna   à  sa  capitale  , 
d'où  il  continua  à  entretenir  en- 
suite, durant  l'espace  de  quatorze 
ans,  une  correspondance  et  de$ 
rapports  très-intimes  avec  ce  saint 
reclus, 

(  Le  traducteur  observe  qu'il 
paroît  y  avoir  ici  quelque  omission 
dans  le  manuscrit,  attendu  que 
l'auteur  passe  ex  abrupto  à  s'oc- 
cuper du  village  de  Sien  ,  auquel , 
dit-il,  son  père ,  en  mémoirede  la 
conquête  du  Guzarate,  donna  Iq 


• 


JUIN   1830.  3<£ 

Texte  donné  par  M.  Anderson.  Traduction  de  M.  Price. 


une  ville  pleine  de  grands  édifices, 
de  jardins,  de  maisons  de  plaisance 
et  de  lieux  charmans.  Après  ta 
conquête  du  Guzarate,  elle  fut 
nommée  Fétahpour. 

Quand  je  fus  devenu  empereur, 
il  me  vint  dans  l'esprit  que  jedevois 
changer  mon  nom,  parce  qu'on 
pouvoit  le  confondre  avec  celui 
des  souverains  de  Roum.  Une  sorte 
d'inspiration  céleste  m'ayant  dit 
que  la  fonction  des  empereurs  est 
la  conquête  du  monde  ,  je  pris  le 
nom  de  Djihanghir ;  et  comme 
j'avois  pris  possession  du  trône 
au  moment  du  lever  du  soleil  et 
lorsque  le  monde  devenoit  éclairé 
par  la  lumière  de  cet  astre, 
j'adoptai  le  titre  honorifique  de 
Nour-eddin.  Lorsque  je  n'étois 
encore  que  prince  royal,  j'avois 
ouï  dirç  aux  savans  de  l'Inde 
qu'au  règne  de  Djélal-eddin  Acbar 
succéderoit  celui  d'un  empereur 
du  nom  de  Nour-eddin.  Cela 
m'étoit  resté  dans  Pesprit  ;  et ,  en 
conséquence  de  ces  précéderas, 
je  pris  pour  nom  et  pour  surnom 
honorifique  L  s  dénominations  de 
Nour-eddin  Djéhanghir  padischah. 


nom  de  Fétahpour.  Dans  le  texte 
traduit  par  M.  Anderson  ,  on  voit 
très-bien  la  liaison  de  cette  petite 
diversion  avec  le  récit  principal.  ) 

Je  dois  cependant  observer  que 
je  n'ai  jamais  ouï  mon  père  m'ap- 
peler  du  nom  de  Mohammed- 
Sélim;  il  n'employoit  jamais,  en 
m'adressant  la  parole ,  que  le  nom 
de  Baba,  expression  plus  pater- 
nelle et  plus  tendre. 

J'aurois  peut-être  pu  me  con- 
tenter pour  toujours  du  titre  de 
Sultan  Sélim  ;  maïs  c'eût  été  me 
mettre  sur  h  même  ligne  avec  les 
monarques  de  l'empire  de  Turquie 
(Roum),  D'ailleurs,  considérant 
que  la  vocation  particulière  des 
princes  souverains  est  de  faire  la 
conquête  de  Tuniveip,  je  crus 
devoir  ,  à  mon  avènement  au 
trône,  prendre  le  titre  de  Dji- 
hanghir padischah  (empereur  con- 
quérant du  monde  }  ,  comme 
étant  celui  qui  convenort  le  mieux 
à  mon  caractère  ;  et  j'espère  ,  avec 
Taide  d'une  providence  favorable  r 
une  longue  vie  et  une  heureuse 
étoile,  me  conduire  de  manière  à 
justifier  le  choix  que  j'ai  fait  de 
cette  dénomination» 


La  différence  qu*il  y  a  entre  ces  deux  récits  ne  sauroit  s'expliquer  par 
l'hypothèse  que  le  texte  publié  par  M.  Anderson  ne  seroit  qu'un  abrégé 
ou  un  extrait  des  mémoires  originaux  écrits  par  Djéhanghir.  En  effet ,  si 
fon  compare  les  deux  récits,  on  se  convaincra  bientôt  que  celui  des 
deux  qui  est  le  plus  court ,  contient  cependant  diverses  circonstances 
dont  il  n'est  point  du  tout  question  dans  l'autre.  Dès  le  début»  le  texte 


g£  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  M.  Anderson  fait  connoître  le  dervisch  nommé  schéikh  Sèlim,  et  le 
lieu  appelé  Si  ri  où  il  faisoit  sa  résidence  :  au  contraire,  dans  le  texte 
traduit  par  M.  Price,  la  mention  de  ce  dervisch  n'est  amenée  pour  ainsi 
dire  qu'accidentellement,  et  le  village  appelé  Sicri  n'est  pas  même 
nommé  ,  en  sorte  que ,  quand  plus  tard  il  en  est  question,  le  traducteur 
n'a  pas  pu  comprendre  quelle  liaison  cela  pouvoit  avoir  avec  la  nais- 
sance de  Djéhanghir.  Suivant  le  texte  de  M.  Anderson,  quand  l'impé- 
ratrice mère  de  Djéhanghir  fut  sur  le  point  d'accoucher,  on  la  conduisit 
chez  le  dervisch,  pour  que  l'enfant  qu'elle  portoit  vînt  au  monde 
dans. la  demeure  et  sous  les  auspices  de  ce  saint  personnage  :  on  ne  voit 
rien  de  cela  dans  le  texte  de  M.  Price,  et  la  suite  même  du  récit 
éloignç  toute  idée  d'une  telle  circonstance.  Dans  le  texte  de  M.  An- 
derson, nous  apprenons  qu'Acl  ar,  par  reconnoissance  de  la  faveur  qu'il 
a  voit  reçue  en  ce  lieu ,  fit  de  Sicri  sa  résidence  royale,  et  que,  dans 
l'espace  de  quatorze  ou  quinze  ans ,  ce  lieu  devint  une  grande  ville  : 
rien  de  cela  dans  M.  Price.  Autre  lacune  encore  dans  ce  dernier  texte. 
Il  nous  apprend  bien  pourquoi  le  prince  Séljm  parvenu  au  trône 
changea  son  nom  en  celui  de  Djéhanghir,  mais  il  ne  nous  dit  pas  pour-* 
quoi  il  adopta  le  prénom  ou  titre  honorifique  de  Nour-eddïn  :  le  texte 
de  M.  Anderson,  au  contraire,  nous  apprend  que  le  prince  choisit  ce 
prénom ,  qui  signifie  la  lumière  de  la  relighn ,  parce  que  le  soleil  venoit 
de.  se  lever  et  d'éclairer  de  nouveau  la  terre  de  sa  lumière ,  au  moment 
où  il  prit  possession  du  trôné. 

II  y  a  de  plus,  entre  les  deux  récits,  des  différences  assez  graves  qui  ne 
permettent  guère  de  croire  qu'ils  dérivent  d'un  même  texte.  Ainsi,  dans 
le  récit  de  M.  Price  ,  le  tombeau  d'un  pieux  personnage  appelé  Moin- 
eddin  Tchousti  joue  un  rôle  important,  dont  il  n'est  point  du  tout 
question  dans  celui  de  M.  Anderson  ,  non  plus  que  du  pèlerinage 
qu'Acbar  fit  à  pied  d'Agra  jusqu'à  ce  tombeau.  Sicri ,  selon  le 
premier  récit,  dépend  du  territoire  d' Adjmir,  ville  qui  est  éloignée 
d'Agra  de  \/\o  coss,  ce  qui,  à  la  plus  foible  estimation  ,  équivaut  à 
aoo.  milles  (  1 }  ;  et  selon  le  second  récit ,  ce  même  village  de  Sicri 
fait  partie  du  territoire  d'Agra  oji=»l  **°y  $  <Jj£-  f^<  (sans  doute  il 

(i)  M.  Walter  Hamilton,  dans  le  dictionnaire  géographique  intitulé  the  East 
India  Gajetteer ,  estime  la  distance  d'Agra  à  Adjmir  à  230  milles.  11  dit 
(  arcicle  Ajmeer),  que  le  principal  objet  qui  attire  l'attention  à  Adjmir  est  le 
tombeau  d'un  saint  musulman  nommé  Moin-cddtn  ,  tombeau  auquel  Acbar 
fit  un  pèlerinage  à  pied,  pour  obtenir  du  ciel  un  enfant  mâle;  er  ailleurs 
(•article  Futtipoor  Sikra) ,  il  dit  que,  sur  un  rocher  voisin  de  cette  ville,  se  voit 


JUIN   4830.  367 

faut  lire  o>i=»(  ^Ij^-jJ  )•  Mais  j'insiste  beaucoup  plus  sur  les  discor- 
dances que  j'ai  signalées  d'abord ,  parce  qu'elles  démontrent  qu'on  ne 
peut  pas  supposer  que  la  différence  qu'on  observe  entre  les  deux  textes 
vient  de  ce  que  celui  de  M.  Anderson  n'est  qu'un  abrégé  de  l'autre. 

Je  ne  puis  me  dispenser  de  signaler  encore  ici  une  omission  tout-i-  v 
fait  inexplicable,  dans  le  texte  des  mémoires  traduits  par  M.  Price. 
L'auteur  (pag.  l\d  et  47)  donne  la  liste  de  tous  les  enfans  d'Acbar, 
mâles  et  femelles  ;  il  indique  leurs  noms ,  les  noms  de  leurs  mères ,  e:  la 
durée  de  la  vie  de  chacun  d'eux.  Après  avoir  consacré  quelques  lignes 
à  la  mémoire  d'un  de  ses  frères  appelé  sultan  Àiourad ,  mais  que  dans 
le  langage  familier  Acbaravoit  coutume  d'appeler  Pahri,  dénomination 
dont  il  indique  le  motif,  et  avoir  dit  que  sultan  Mourad  étoit  occupé 
h  faire  des  conquêtes  dans  le  Décan ,  au  Sud  de  la  rivière  nommée 
Nerbudda ,  quand  il  mourut  à  l'âge  de  trente  ans,  il  s'exprime  ainsi  : 
*«  A  la  nouvelle  de  la  mort  de  sultan  Mourad,  mon  frère  le  schahfadïh 
»  (  c'est-à-dire  prince  royal  ) ,  Danial  fut  envoyé  pour  compléter  la 
>»  conquête  du  Décan.  .  .  .  Après  la  conquête  de  la  place-forte  d'Ahmed- 
»  nagar,  mon  père  revint  à  Burhanpour;  et  ayant  donné  h  sultan  Danial 
»  le  gouvernement  du  Décan,  il  retourna  à  Agra.  Danial  n'avoit  pas 
»  plus  de  trente  ans,  lorsqu'il  mourut  aussi  à  Burhanpour,  par  suite 
3>  de  l'usage  immodéré  qu'il  faisoit  des  liqueurs  enivrantes.  » 

Comment  se  fait-il  que  l'auteur  parle  ici  ex  abrupto  de  son  frère  le 
sultan  Danial,  sans  avoir  fait  mention  de  sa  naissance  et  sans  avoir  indiqué 
le  nom  de  sa  mère,  et  le  rang  qu'il  tenoit  enire  les  enfans  d'Acbar , 
comme  il  l'a  fait  pour  ses  autres  frères  et  sœurs!  II  en  est  tout  autre- 
ment dans  le  texte  publié  par  M.  Anderson.  Voici  ce  qu'on  y  Irt  : 

«  En  l'année  979,  mon  père  eut  d'une  esclave  un  autre  fils,  qui  fut 
»  nommé  DanhL  On  lui  donna  ce  nom,  parce  qu'il  vint  au  monde 
*>  &  Adjmir ,  dans  la  maison  d'un  personnage  qui  se  nom  noit  schîikh 
»  Danial,  et  qui  étoit  l'un  des  voisins  du  seuil  béni  de  l'illustre  khodjah 
»  Moïn-eddin  Tchisti.  Après  la  mort  de  mon  frère  schah  Mourad,  mon 
»  père,  vers  la  fin  de  sa  vie,  envoya  Danial  dans  le  Décan  pour  sou- 
»  mettre  cette  contrée.  » 

L'auteur  rapporte  ensuite   la  mort  de  Danial ,  et  les  circonstances 


encore  à  présent  la  sépulture  deschah  Se  l'un  Tchisti,  s.iint  mahométan,  aux 
prières  duquel  l'impératrice  femme  d'Acbar,  qui  jusque-là  avoit  été  stérile,  dut 
le  bonheur  de  devenir  enceinte  et  de  donner  le  jour  à  un  prince  qui  fut  npmmé 
Sélhn ,  en  l'honneur  du  saint  personnage. 


3*3  JOURNAL  DES  SAYÀNS, 

singulières  qui  l'accompagnèrent ,  à -peu-près  comme  on  les  lit  dans  fa 
traduction  de  M.  Price. 

Quelque  court  que  soit  le  fragment  publié  par  M.  Anderson,  j'y 
ai  encore  observé  un  caractère  qui  semble  distinguer  le  texte  dont  il  a 
fait  usage,  de  celui  qu'a  traduit  M,  Price. 

L'auteur  des  mémoires,  parlant  de  la  citadelle  d'Agra,  rasée  et 
reconstruite  de  nouveau  par  l'ordre  cTAcbar,  construction  qui  coûta 
quinze  ans  de  travail ,  dit  que  la  dépense  monta  à  35  Licks  de  roupies. 
Dans\ia  traduction  de  M.  Price,  il  n'est  point  du  tout  question  des 
quinze  années  employées  à  la  reconstruction  ;  mais  la  dépense  e*t 
}K>rtée  à  la  somme  énorme  de  186  Licks  d'aschréfis,  de  la  valeur  chacun 
de  cinq  mithkals  :  le  traducteur  observe  que  cette  somme  équivaut  à 
26  cr or  es  ee  55  lacks  de  roupies,  en  comptant  l'aschréji  h  1$  roupies, 
et  ifévalue  cela  à  26,560,000  livres  sterling  •  1  ).  En  générai ,  un  caractère 
remarquable  des  mémoires  traduits  par  M.  Price,  est  de  porter  toutes 
tes  évaluations  à  des  sommes  qui  dépassent  toute  croyance ,  et  le  tra- 
ducteur a  souvent  reculé  devant  cette  évaluation. 

M.  Anderson  a  donné,  dans  VAsiatik  Alïscellany ,  deux  fragmens  des 
mémoires  originaux  de  Djéhanghir.  Je  ne  me  suis  occupé  jusqu'ici  que 
du  premier.  Le  second  a  pour  objet  le  journal  d'un  voyage  de  Lalior 
à  Caboul ,  fait  par  Djéhanghir ,  après  que  la  révolte  de  son  fils  Khosrou 
eut  été  entièrement  apaisée  par  la  défaite  totale  de  son  parti  et  la 
prise  du  prince  lui-même.  Ce  voyage  eut  lieu  en  l'année  1016  de 
l'hégire,  1607  de  J.  C  Ce  journal ,  qui  comprend  un  espace  d'un  peu 
plus  d'un  mois,  est  très-détaillé.  Le  texte  traduit  par  M.  Price  ne  contient 
rien  de  tout  cela,  et  il  paroît  ne  pas  conduire  les  mémoires  vrais  ou 
supposés  de  Djéhanghir  jusque  là.  Le  traducteur  nous  apprend  que,  dans 
le  manuscrit  dont  il  s'est  servi ,  le  récit  se  termine  ex  abrupto  ;  mais  les 
dates  y  sont  si  rarement  indiquées,  qu'il  est  impossible  de  déterminer 
précisément  l'époque  à  laquelle  il  finit.  En  comparant  cependant 
l'Histoire  de  l'Hindoustan  sous  le  règne  de  Djihanghir,  donnée  par 
AI.  Gladwin,  et  pour  laquelle  il  a  fait  un  grand  usage  des  mémoires  de 
cet  empereur,  avec  la  traduction  de  M.  Price  ,  il  y  a  tout  lieu  de  penser 
que  ce  dernier  ouvrage  se  termine  peu  avant  le  voyage  de  Djéhanghir 
&  Caboul,  c'est-à-dire,  vers  la  fin  de  l'an  de  l'hégire   1016;  la  partie 


(1)  Le  lac k  est  de  cent  mille,  et  cent  laks  font  un  croure.  Peut-être  n'est-il 
pas  inutile  de  faire  observer  que  Djéhanghir  lui-même,  suivant  l'ouvrage  traduit 
par  M.  Price,  indiquant  les  noms  des  diverses  monnoies  d'or  qu'il  a  fait  frapper, 
n'en  dvwgnc  aucune  rôus  le  nom  d'aichréfi. 


JUIN   1830.  3^ 

lies  mémoires  traduite  par  M.  Price  ne  contiendrait  donc  guère  que 
deux  ans  et  demi  du  règne  de  Djébanghir  ;  mais  alors,  comment  se  fait- 
il  qu'on  y  lise  tous  les  détails  du  pardon  accordé  par  l'empereur  à  son 
fils  Khosrou,  ce  qui  n'eut  Heu  ,  si  nous  en  croyons  ce  récit,  qu'aprèf 
qu'il  eut  passé  quinze  ans  loin  de  la  cour ,  et  par  conséquent  dans  la 
seizième  ou  la  dix-septième  année  du  règne  de  Djéhanghirî  Observons 
eft  passant  que  M.  Gladwin  place  cet  événement  sous  Tan  1029  ,  et 
par  .conséquent  à  la  treizième  année  du  règne  de  cet  empereur,  et  que 
suivant  lui  Khosrou  mourut  à  Burhanpour  vers  la  fin  de  Pan  1030. 

Au  surplus,  l'ordre  chronologique  des  faits  n'est  nullement  observé 
dans  l'ouvrage  traduit  par  M.  Price ,  et  par  cela  même  il  ne  paroît  point 
devoir  être  considéré  comme  des  mémoires  proprement  dits.  Pour  en 
donner  un  exemple  ,  on  trouve  (  pag.  6  j  ) ,  avant  qu'il  soit  question  de 
la  révolte  de  Khosrou ,  qui  se  termina  en  l'an  1  o  1  5  ,  la  mention  d'un 
présent  de  grand  prix  fait  en  1 020  par  Djéhanghir  à  son  fils  sultan 
Khosrou  ,  et  deux  pages  plus  loin  commence  le  récit  de  la  révolte  de 
Khosrou,  qui,  est-il  dit,  s'échappa  clandestinement  de  la  cour,  la  nuit 
du  8  de  dhou'Ihiddjèh  101 4. 

M.  Gladwin  a  joint  à  la  fin  de  l'histoire  de  Djéhanghir ,  par  forme 
d'appendice,  quelques  extraits  des  mémoires  de  ce  prince,  et  notam- 
ment un  édit  rendu  dans  la  première  année  de  son  règne ,  et  composé 
de  douze  articles.  A  chacun  de  ces  articles  il  a  joint  le  texte  ,  ou  du 
moins  ce  qu'il  oflroit  de  plus  essentiel.  Ce  même  règlement  se  trouve 
dans  l'ouvfage  publié  par  M.  Price;  mais  il  y  est  entremêlé  de  détails 
puisés  peut-être  dans  les  mémoires  de  cet  empereur,  mais  qui  très- 
vraisemblablement  ne  sont  pas  là  à  la  place  qu'ils  occupoient  dans  les 
mémoires  originaux.  Il  y  a  aussi,  dans  la  rédaction,  des  différences  re- 
marquables. Ainsi,  par  exemple,  un  officier  de  finance,  qui  dans  le 
texte  donné  par  M.  Gladwin  est  appelé  hhalsa  <uaJU. ,  est  nommé  dans 
la  traduction  de  M.  Price ,  et  sans  doute  dans  le  texte  qu'il  a  suivi, 
kroury  <sjjj£=a. 

II  y  auroit  peut-être  quelque  témérité  à  porter  un  jugement  décisif 
sur  l'authenticité  de  l'ouvrage  dont  nous  devons  la  traduction  à  M." Price, 
N'ayant  sous  les  yeux  aucune  portion  du  texte  original.  Nous  nous 
bornerons  donc  à  dire  que  les  mémoires  dont  M.  Anderson  a  publié 
quelques  fragmens ,  et  qui  ont  certainement  aussi  été  connus  de 
M.  Gladwin  et  par  lui  mis  à  contribution  pour  son  Histoire  de  Djé- 
kanghir ,  nous  paroissent  avoir  bien  plus  de  droits  à  être  considérés 
comme  l'ouvrage  de  cet  empereur ,  et  que  le  livre  dont  M.  Price  a 
traduit  une  partie  nous   semble  un  ouvrage  plus  récent,  co.npofé 


37°  JOURNAL  DES  SAVANS, 

d'après  les  mémoires  originaux  de  Djéhanghir,  et  peut-être  d'après 
d'autres  dôcumens ,  par  un  écrivain  qui  a  affecté  de  faire  parler  ce 
prince  en  son  propre  nom  ,  comme  ^adressant  à  ses  enfans,  mais  ne 
s'est  point  assujetti  à  l'ordre  des  événemens  ,  a  inséré  dans  son  récit  de» 
choses  étrangères  ou  disparates ,  suivant  qu'elles  s'offroient  à  sa  mémoire, 
et  au  contraire  a  négligé  parfois  des  circonstances  dont  l'omission  jette 
de  l'obscurité  dans  son  récit.  Il  paroît  de  plus  s'être  fait  urte  règle 
d'exagérer  outre  mesure  la  valeur  de  tout  ce  dont  il  parle ,  comme  le 
nombre  des  éléphans,  des  chevaux,  des  bouches  à  feu ,  &c.  &c. 
«,  Avec  quelque  réserve  que  nous  hasardions  notre  opinion  à  cet  égard  t 
cous  ne  pouvons  nous  empêcher  d'abord  de  regretter  que  M.  Price,  qui 
çonnoissoit  les  fragmens  publiés  par  M .  Anderson,  ne  se  soit  pas  -livré 
lui-même  à  l'examen  critique  de  l'authenticité  de  l'ouvrage  qu'il  tra- 
cjuisoit,  et  en  second  lieu  à  faire  des  vœux  pour  que  les  travaux  dont  le 
comité  de  traduction  formé  sous  les  auspices  déjà  Société' royale 
asiatique  de  la  Grande-Bretagne  et  de  l'Irlande  encourage  si  efficace- 
ment la  publication,  soient  accompagnés  des  textes,  ou  du  moins  de 
tout  ce  qui  peut  en  rendre  la  lecture  plus  utile ,  et  fournir  à  une  cri- 
tique bienveillante,  mais  éclairée,  le  moyen  d'en  apprécier  le  mérite 
et  l'importance.  Sans  doute ,  à  mesure  que  les  travaux  présentés  ai» 
comité  deviendront  plus  nombreux*,  il  sentira  mieux  la  nécessité  de 
faire  un  choix,  aussi  nécessaire  au  succès  de  cette  honorable  entre- 
prise ,  que  digne  des  lumières  et  des  talens  des  hommes  distingués,  qui 
ont  associé  leurs  noms  à  cet  éminent  service  rendu  à  la  littérature  de 

• 

l'Asie.  Nous  osons  espérer  que  ces  réflexions  ne  seront  point  prises  en 
mauvaise  part. 

La  discussion  critique  dans  laquelle  nous  avons  cru  nécessaire 
d'entrer  nous  ayant  entraînés  plus  loin  que  nous  ne  l'avions  prévu, 
nous  nous  voyons  obligés  de  renvoyer  à  tin  second  article  l'analyse  d* 
l'ouvrage  que  nous  avons  entrepris  de  faire  connoîire. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


JUIN   1830.  371 

Histoire  philosophique,  littéraire f  économique,  des  plantes  de 
.    l'Europe,   avec  figures  ;  par  J .  L.    Poiret ,  ancien  ptofesseur 
d'histoire  naturelle,  membre  de  plusieurs  académies  et  sociétés  sa- 
vantes et  littéraires;  tqmes  VTet  VII.  A  Paris,  chez  Ladrange 
.    et  Verdière,  libraires,  quai  des  Augustins,  i9i$,  ni-8.°  , 


Nous  avons  fiit  connoître  dans  ce  journal  f  avril  1828,  p.  *4 1  -*46  ) 
cinq  volumes  de  l'ouvrage  de  M.  Poiret  :  le  sixième ,  qui  vient  de  paroître , 
traite  de  végétaux  connus  par  leur  agrément  ou  par  ieûr  utilité.  A 
mesure  que  l'auteur  avance  dans  l'exposition  des  familfes,  la  richesse 
de  la  végétation  semble  se  développer  sous  sa  pfume.  Après  la  soixante- 
quatrième  familfe  ,  il  en  décrit  vingt-deux,  dont  chacune  a  pïûs  ou 
moins  de  genres,  et  sous  ces  genres  plus  ou  moins  d'espèces. 

Toutes  ces  plantes  sans  doute  ne  brillent  pas  du  même  éclat  dans 
leurs  fleurs;  mais  quelques-unes  ont  des  qualités  plus  précieuses;  telles 
sont ,  par  exemple,  les  familles  des  ombellifères  et  des  crucifères,  qui  en- 
richissent nos  potagers.  Celle  des  papavéracées  renferme  des  plantes  dont 
les  unes  font  ornement  et  les  autres  fournissent  dés  substances  d'usage 
dans  l'économie  domestique  ou  dans  le  traitement  des  maladies  ;  nous 
citerons  le  genre  pavot.  La  graine  d'une  de  ses  espèces  ( papaver  sp'w- 
mferum ) ,  connue  sous  le  nom  impropre  d' œillet,  par  corhipth-n 
d'oliette,  oleum  ,  donne  Une  huile  douce  qui,  mêlée  avec  celle  d'oîîvè, 
est  employée  sur  nos  tables  comme  assaisonnement.  Nous  dirons, 
puisque  c'en  est  une  occasion,  qu'on  cuhive  beaucoup  cette  espèce  de 
pavot  dans  le  nord  de  la  France,  et  qu'une  grande  partie  de  rhuife 
douce  qu'on  en  tire  est  envoyée  dans  Je  midi  de  ce  royaume,  ou  on 
fa  mêle  avec  l'huile  d'olive.  C'est  de  cette  même  espèce  que,  dans  le 
Levant,  on  tire  l'opiuii)  que  la  nature  a  renfermé  dans  ses  capsules, 
et  qu'on  en  extrait  par  des  incisions,  à  l'époque  où  la  fleur  s'en 
sépare  :  on  peut  encore  l'obtenir  par  I'ébullition  et  Tévaporation. 
Celui  qu'on  se  procure  par  un  de  ces  moyens  dans  nos  climats,  qui 
ne  sont  pas  assez  chauds,  n'a  d'effet  sensible  sur  les  malades  qu'en 
l'employant  h  double  dose,  comme  nous  nous  en  sommes  assurés  en 
faisant  faire  des  expériences  avec  de  l'opium  produit  par  nos  cultures. 
Le  pavot  des  champs  ,  papaver  rheas ,  qui  est  le  coquelicot,  n'a 
.  de  rapport  avec  le  papaver  somniferum  que  parce  qu'en  médecine  on 
juge  qu'il  a  la  qualité  calmante,  mais  à  un  moindre  degré.  Outre  ce 
mérite ,  qui  est  le  plus  important ,  M.  Poiret  lui'  trouve  celui  de  recréer 

Aaa   2 


37*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

agréablement  la  vue,  lorsqu'on  la  promène  sur  des  champs  cultivés, 
dans  lesquels  il  est  mêlé  à  d'autres  fleurs  de  différentes  couleurs. 

Parmi  les  renonculacées ,  famille  réservée  pour  les  parterres»  les 
anémones,  les  renoncules,  réunissent  tout  ce  que  la  nature  a  de  plu» 
riche  en  variétés;  c'est ,  dit  M.  Poiret,  un  tableau  auquel  le  fleuriste 
cherche  à  donner  plus  d'éclat  par  la  disposition  et  l'ordre  qu'il  établit 
entre  les  individus,  selon  l'harmonie  et  le  contraste  des  couleurs. 

Le  premier  genre  des  çaryophy liées  est  {'œillet.  M.  Poiret  regrette 

n'avoir  rien  trouvé  dans  les  ouvrages  des  anciens  qui  annonce  qu'on 
le  connût  de  leur  temps.  En  parlant  d'une  de  ses  espèces,  qui  est 
îe  dianthus  superbus,  Linn.,  il  rappelle  l'idée  qu'en  avoit  conçue  J.  J. 
Rousseau,  qui,  à  Monquin,  en  avoit  recueilli  un  pied.  En  l'envoyant 
à  M.  Delatourette ,  très-habile  botaniste  de  Lyon ,  gouverneur  alors 
de  Pierre  End  se ,  il  lui  disoit:  «  Avez- vous  le  dianthus  superbus!  je 
»  vous  l'envoie  à  tout  hasard  ;  c'est  réellement  un  bien  bel  œillet 
»  et  d'une  odeur  bien  suave.  II  ne  devroit  être  permis  qu'aux  chevaux 
»  du  soleil  de  se  nourrir  d'un  pareil  foin.  » 

Dans  cette  même  famille,  qui  est  assez  nombreuse,  on  doit  dis- 
tinguer un  genre  de  plantes  dont  une  espèce  est  très-importante  par 
son  immense  utilité ,  et  qui  avoit  jusqu'ici  mérité  la  plus  grande  atten- 
tion :  elle  la  mériteroit  encore  au  même  degré  parmi  nous,  si  l'intro- 
duction d'une  matière  étrangère  n'avoit  été  beaucoup  trop  favorisée 
aux  dépens  d'une  production  indigène.  «C'est  du  lin  que  nous  voulons 
parier.  On  sait  que  la  graine  de  cette  plante  fournit  une  huile  employée 
dans'  les  arts,  et  que  de  sa  tige  on  extrait  un  fil  propre  à  des  usages 
domestiques  et  à  former  des  vêtemens  ou*  même  des  tissus  précieux  et 
délicats. 

L'auteur  examine  ensuite  la*  question  de  savoir  si  le  lin  avec  lequel 
on  fabriquoit  les  habillemens  des  prêtres  égyptiens  et  ceux  des  initiés 
aux  mystères  d'Isis,  cité  sous  le  nom  de  lin  ou  sous  celui  de  byssus  r 
étoit  notre  lin  ou  le  coton.  II  paroît,  d'après  Rouillé,  dans  les  Mémoires 
de  l'Académie  des  sciences,  que  les  toiles  qui  enveloppent  les  momies 
•ont  de  coton  ;  d'un  autre  côté ,  Olivier ,  dans  son  Voyage  d'Egypte , 
dit  qu'on  y  cultive  du  lin,  particulièrement  dans  le*  Delta,'  et  c'est 
encore  la  plus  grande  récolte  de  la  province  de  Faïoum. 

M.  Poiret  décrit  avec  complaisance  la  famille  des  myrtes ,  fe  myrte 
proprement  dit,  myrtus  communis ,  Linn.;  le  grenadier,  punica  granatum  r 
Linn.  ;  le  syringa  ,  philadelphus  coronarius ,  Linh.  Chacun  d  eux  n'a 
qu'un  genre  sans  espèces. 

Cest  sur- tout  lorsqu'il  traite  de  la  famille  des  rosacées  que  l'en- 


JUIN   1830.  373 

thousiasme  de  l'auteur  s'exalte.  Par-tout,  comme  on  sait,  ce  genre  d'ar- 
bustes est  recherché;  il  l'est  beaucoup  en  Italie;  et  à  Rome  il  y  a  entra 
idtres  un  palais  qui  en  est  tellement  couvert,  que  les  bâtimens  en  sont 
en  partie  cachés.  Parmi  nous»  depuis  quelques  années ,  et  sur- tout  depuis 
l'introduction  d'une  espèce  apportée  du  Bengale,  dont  elle  a  le  nom, 
on  a  pris  un  tel  goût  pour  cette  fleur,  qu'elle  se  multiplie  à  l'infini  par 
tous  les  moyens  de  l'art,  de  manière  qu'on  en  voit  non-seulement  dans 
les  jardins,  dans  les  bosquets,  mais  même  aux  portes  de  beaucoup 
dhabitans  des  campagnes* 

A  la  suite  des  roses  viennent  les  arbres  fruitiers  qui  sont  de  la  même 
famille:  si  les  unes  embellissent  nos  parterres,  les  autres  enrichissent  nos 
vergers.  Mais  les  arbres  fruitiers  sont  trop  connus  pour  qu'on  ait  besoin  de 
les  nommer.  Nous  avons  été  étonnés  que  l'auteur,  en  parlant  du  pêcher, 
n'ait  pas  rappelé ,  pour  la  combattre,  l'opinion  où  l'on  est  que  son  fruit 
est  un  poison  en  Perse,  pays  de  son  origine.  Nous  sommes  assurés  par 
des  relations  certaines  qu'il  y  est  seulement  mauvais,  ou  du  moins 
infiniment  au-dessous  de  sa  saveur  en  Europe.  Des  noyaux  que  nous 
en  avons  reçus  éîoient  tellement  semblables  à  ceux  de  nos  pêches, 
que  nous  n'avons  pas  douté  de  la  vérité  de  l'assertion  de  notre  corres- 
pondant. 

Le  septième  volume  continue  la  description  des  familles,  à  com- 
mencer par  celle  des  papilionacées  ou  légumineuses ,  plantes  qui  se  cul- 
tivent ,  les  unes  dans  nos  potagers ,  pour  nos  besoins  domestiques  {  les 
pois,  les  fèves,  les  lentilles,  &c. );  les  autres  dans  les  champs,  pour 
le  bétail  (la  luzerne,  le  sainfoin,  le  trèfle,  &c.  ).  L'ouvrage  a  pour 
appendice  une  lettre  où  M.  de  Foucauld  rend  compte  des  plantes  qu'il 
a  découvertes  dans  les  hautes  Alpes  du  Oauphiné.  Outre  les  tables  par- 
ticulières de  chaque  tome  ,  le  7/  est  terminé  par  une  table  générale  qui 
embrasse  tous  1^  genres  ,  sous  leurs  dénominations  latines  ,  avec  addi- 
tion de  leurs  noms  français. 

Huit  livraisons  de  planches,  au  lieu  de  sept  qu'on  avoit  promises, 
accompagnent  les  sept  volumes  :  les  figures  ont  été  dessinées  par 
M.  Poiret  fils,  et  lithographiées  par  M.  Motte.  Elles  sont,  à  ce  qu'il 
nous  semble,  trop  fortement  coloriées,  apparemment  parce  qu'on  a 
prévu  que  le  temps  aflbibliroit  les  couleurs.  Du  reste,  ces  figures  cos- 
respondent  aux  familles  et  aux  différentes  classes  du  système  sexuel  de 
Linné. 

TESSIER. 


374  JOURNAL  DES  SA  VANS, 


•  ?"  ~  ' m    \       K  ■ '     T  '      '         '  '  .   '  '  '  '  '  '  '     '  '         -  '      '    '  *T 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE,  ACADÉMIES. 


•L'ACADÉMIE  royale  des  sciences  a  élu  M.  Arago  pour  succéder  à  feu 
— JV1.  Fourier  dans  la  fonction  de  secrétaire  perpétuel  (  partie  mathématique). 
„  Le  29  juin,  l'Académie  française  a  tenu  une  séance  publique  pour  la  réception 
de  MM.  Phil.  de  Ségur  et  de  Pongerville,  successeurs  de  MM.  de  Lévis  et  de 
Lally-Tolendal  :  on  y  a  entendu -les  discours  des  deux  récipiendaires,  et  les 
réponses  de  MM.  Arnaulf,  directeur,  et  de  Jouy,  chancelier.  Ces  quatre  discours 
«rat  été  imprimés  chez  M.  Firmin  Dîdot,  22  et  15  pages  in-4.0 

L*Athénée  des  arts,  dans  sa  séance  publique  du  25  avril  dernier,  a  proposé 
trois  sujets  de  prix  ,  en  ces  termes,  a  I.  Définir  avec  précision  le  véritable  sens 
»  du  mot  civilisation ,  signaler  les  principaux  caractères  de  notre  civilisation 
»  actuelle,  les  abus  et  les  lacunes  que  Ton  peut  y  remarquer,  les  moyens  de 
-»' Remplir  res  lacunes,  de  combattre  ces  abus  et  de  les  détruire  peu  à.peu; 
uoipntrer  enfin  comment  on  pourroit  donner  aux  progrès  de  la  civilisation , 
«dans  les  différentes- parties  qu'elle  embrasse,  une  meilleure  direction  et  une 
*  impulsion  plus  rapide.  —  II.  Présenter  un  tableau  comparatif  de  l'état  de 
«  la  prose  et  de  la  poésie  au  XVI.C  siècle,  au  XVII. c  et  à  l'époque  actuelle.  — 
j>  111.  Quels  sont  les  objets  d'art  que  nous  tirons  des  pays  étrangers  et  que 
»  nous  ne  fabriquons  pas  aussi  bien  qu'eux,  ou  que  nous  ne  fabriquons  pas  du 
»  tout!  Quels  moyens  auroit-on  de  fabriquer  ces  objets.  » 

11  s'est  établi  à  Londres  une  Société  géographique,  composée  de  cent  vingt- 
quatre  membres. 

L'Académie  de  Copenhague  a  proposé  plusieurs  sujets  de  ^rix,  entre  lesquels 
on  remarque  les  deux  suivans  :  «  Examinetur  atque  describatur  politicus  et 
;>  ecclesiasticus  regni  Lombardici  in  Italiâ  status;  exponatur  qualis  fuerit 
»  in^eniorum  in  hoc  populo  euhus,  qualia  monumenta,  quaies  artis  reliqui* 
»  quae  ei  tribuantur,  noieiurque  quid  et  quatenus,  quae  ex  tali  disquishionc 
»emantur  observata,  conferre  queant  ad  illustrandam  traditionemde  Longo- 
»  bardis  olim  in  nostro  septentrione  habitantibus.  » —  «  Etsi  saepissimè  dispu- 
>*tatunl  est  de  philosophiâ,  et  persuasione  illâ  immediatâ  quae  nodiè  fidei 
*»  nomi.ne  appellari  solet ,  vel  sejungendis ,  vel  arctissimo  vinculo  nectendis ,  vel 
3»  subordinandis  vel  coordinandis,  quum  nondum  ad  Iiquidum  res  perducta 
n  esse  videatur,  societas  desiderat ,  ut  praemissâ  adaequatâ  expositione  omnium 
»  momentorûm  quae  in  quaestione  dirimendâ  ob  oculos  poni  debeant,  disquisi- 
»tione  accuratâ  constituatur  an  et  quatenus  philosophiâ  fidei  tanquàm  fonda- 
it mento  suo  superstruenda  sit.*» 


JUIN  4830.  m 

LIVRES  NOUVEAUX. 
FRANCE. 

Observations  sur  la  critique  faîte  par  M.  Sam.  Lee,  dans  les  n.ÛS  79  et  80  du 
Classical  Journal ,  du  compte  rendu  dans  le  Journal  des  Savans  (  décembre  1 828, 
pag.  719-734;  janvfer  1829,  1 2-3  8  ;  février,  87-109)  de  sa  Grammaire  hébraïque  ; 
par  M.  Silvestre  de  Sacy.  Paris,  impr.  royale,  1830,  48  pages  in-8.*  ,  extraites 
du  nouveau  Journal  asiatique.  Les  questions  traitées  dans  ces  Observations  de 
M.  de  Sacy  concernent#les  voyelles  de  la  langue  hébraïque,  la  théorie  des 
formes  du  verbe  dans  cette  langue. . . . ,  l'origine  ou  Tétymologie  des  flexion! 
grammaticales,  la  construction  de  certains  verbes  avec  leurs  compléniens, 
....  le  nombre  des-  formes  dérivées  dont  le  verbe  est  susceptible  en  hébreu, 
le  waw  conversif,  la  valeur  des  formes  temporelles  des  verbes.  M.  Sam.  Lee  ne 
s'étort  pas  contenu  dans  les  limites  des  discussions  grammaticales  et  de  la  cri- 
tique purement  littéraire;  mais  M.  de  Sacy  ne  s'est  point  permis  d'en  sortir, 
ce  Je  finis,  dit -il,  en  répétant  que,  dans  la  composition  d'une  grammaire 
;»  destinée  à  l'enseignement  d'une  langue,  le  devoir  de  l'auteur  est  de  constater 
«•les  faits  , de  les  rassembler,  autant  que  possible,  sous  des  catégories  corn- 
»  munes;  de  les  éclairera  propos  par  des  rapprochemens  qui  n'aient  rien  de 
»  forcé;  mais  en  même,  temps  d'éviter  les  théories,  soit  étymologiques,  soit 
*>  philosophiques,  qui  n'ont  pas  pour  but  direct  de  faciliter  l'étude,  en  dimi* 
»nuant,  au  profit  du  jugement,  le  travail  de  la  mémoire.  Je  ne  puis  pas 
»sans  doute  émettre  mon  opinion  sans  me  trouver  en  contradiction  avec  ceux 
»  qui  adoptent  un  autre  système.  Mais  ils  se  tromperont  beaucoup  s'ils  attri- 
»buent  ce  sentiment  à  toute  autre  .chose  qu'à  une  conviction  profonde,  fruit 
a>  de  réflexions  longues  et  impartiales  ;  et  je  crois  en  vérité  qu'il  m'en  coûte- 
»  roit  bien  peu  pour  adopter  le  système  contraire,  si  l'on  parvenoit  à  en  démon- 
»  trer  la  solidité  et  l'utilité.  »  Ces  Observations  seront  lues  avec  fruit  par  les 
hommes  de  lettres  qui  étudient  particulièrement  la  langue  hébraïque,  et  par 
ceux  qui  s'occupent  des  systèmes  généraux  de  grammaire. 

M.  KlaprQth  a  inséré  aussi  dans  lé  nouveau  Journal  asiatique  (féyrier  1830» 

pag.  97-144)  t  une  Réponse  à  quelques  passages  de  la  préface  du  roman  chinois1 

intitulé  Hao-Khieou  tenhouan ,  traduit  par  Ai.  Davis,  Ces  passages  concernent 

*les  observations  critiques  que  M.  Klaproth  avoit  publiées  (  nouveau  Journal" 

asiatique,  juillet  1  829  )  sur  la  traduction  du  drame  Han  Koung  thsieou. 

Grammaire  générale, :  philosophie  de  la  langue française  >  par  M.  B.  J.  Paris, 
Sédillot ,  1830,  in-8.9  rr.  3  fr.  M.  B.  J.  (  qui  a  publié  en  1824  des  Observations 
sur  les  conjugaisons  françaises,  Paris,  Sédillot,  in-8.°  )  donne  le  nom  de 
stichiologie ,  ou  science  des  élémens ,  à  l'intelligence  générale  du  langage  ,  et  il 
divise  cette  science  en  quatre  sections  :  la  grammatologie ,  lecture,  écriture, 
prononciation,  orthographe;  la  ptoséologie ,  désinences;  Yétymolà$e,  origines 
et  familles  dés  mots  ;  Ta  phraséologie  ou  syntaxe.  L'auteur  n'a  traité  encore  que 
les  deux  premières  parties.  —  M.  P.  Cam.  d*01ivier  a  publié  une  Grammaire 
française,  propre  à  l'enseignement  mutuel,  ifc.  Paris,  oarnîer,  1830,  in-u. 
Pr.  1  fr.  50  cent.  Elle  comprend  six  sections  :  1.  propositions  incidentes  et  prin- 
cipales; x  figures  grammaticales  et  analyse  logique;  3.  loi  d'accord;  £:  emploî 
de  l'article,  de  FaxijecUf,  du  pronom  r  du  ><rt>3,  «&Cy  i-  é^uivoq^e^  6.  pane- 


37<  JOURNAL  DES  SAVANS, 

tuation.  —  \3  ne  graimnsire  générale  ,  en  dix  leçons j  appliquée  à  la  langue  française, 
par  M.  Durieux,  à  Paris,  1830,  in-12;  se  trouve  chez  Bclin-Leprieur,  pr.  1  fe. 
~  Le  Journal  de  la  langue  française ,  dont  il  a  été  fait  mention  dans  nos  cahiers 
de  Janvier  dernier,  pag.  jj,  56,  et  d'avril,  pag.  254,  continue  de  discuter 
plusieurs  questions  grammaticales,  philosophiques  et  littéraires:  le  n.°  48 
contient  un  second  article  de  M.  Marrast  sur  Hernani. 

La  Langue  anglaise  dans  toute  sa  substance,  et  sa  prononciation  accentuée, 
mite  i  la  portée  de  tout  âge,  de  toute  capacité,  de  tout  genre  d'enseigne- 
ment» ou  méthode  simplifiée  »  déduite  de  l'analyse  de  nos  facultés  intellec- 
tuelles, et  basée  sur  les  procédés  de  la  nature  dans  son  mode  d'enseignement 
du  langage,  par  M.  H/Durtetz.  Paris,  imp.  de  î-efebvre,  1830,  frt-8.0 , 
170  pages.  Prix  3  fr.  50  c;  chez  l'auteur,  rue  Saint-Dominique,  n.°  37. 

La  Conversion  d'un  romantique,  manuscrit  de  Delonne,  publié  par  M.  Jayf 
suivi  de  deux  lettres  sur  la  littérature  du  siècle»  et  d'un  essai  sur  l'éloquence 
politique.  Paris»  Moutardier,  1830,  in-8.°  Prix  7  fr.  Le  nom  de  Delorme, 
employé  dans  le  titre»  fait  allusion  au  volume  intitulé  Vie ,  poésies  et  pen~ 
fées  de  Joseph  Delonne,  publié  (  par  M.  S.  B.  )  en  1 829.  Paris ,  Del  angle  » 
ia-8S,  245  pages. 

Les  Satires  de  Juvénal,  traduites  en  vers  français  (  avec  le  texte  latin  em 
regard  )  »  et  suivies  de  lettres  à  Phi  lin  te  sur  l'intelligence  de  la  poésie  »  et 
ses  beautés  rapprochées  de  celles  d'Horace  dans  les  sujets  traités  par  ces  deux 
tuteurs,  par  M.  Barré  de  Jallaix.  Paris»  impr.  de  Jules  Didot,  librairie  de 
Bcfssot-Thivars ,   1830»  2  vol.  in- 8»°  Prix  15  fr. 

L'Astronomie,  poëme  en  six  chants»  par  M.  Daru.  Paris»  Firm.  Didot  1 
!8£pf  in-8.*  ;  x  et  300  pages.  Prix  7  fr.  Ouvrage  recommandable  par  la 
sagesse  de  la  composition»  par  la  pureté^  du  style  et  par  l'exactitude  des 
détails.  On  y  remarque  des  morceaux  très-poétiques. 

Pàezie  AJama  Mickiewicja.  Pars,  Barbezat,  1828,  3  vol.  in-8.9/  236» 
206  et  178  pages,  avec  le  portrait  de  l'auteur.  Prix  15  fr.  —  Poésies  d'Adam 
JM'icMewic^  (  Mitzkevitch  ) ,  traduites  du  polonais  par  MM.  F.  Miaskow^ki 
et  G.  Fulgence.  Paris»  Sedillot»  1830,  gr.  in-8.9  %  80  pages,  avec  le  même 
portrait.  Pr.   3   fr.  7J  c. 

Les  nuits  attiques  d'Aulugelle,  traduites  en  français»  avec  le  texte  en  regard, 
et  accompagnées  de  remarques»  par  M.  Victor  Verger;  deuxième  édition,, 
augmentée  d'une  table  des  matières.  Paris,  imprimerie  de  M.me  Thuau ,  li- 
brairie de  Brunot-Labbe,  1830»  3  vol.  in-8.9,  ensemble  de  106  feuilles.  Prix 
18  fr.  On  avait  »  depuis  1776  et  1777»  une  traduction  d'Aulugelle  par  l'abbé 
de   Verteuil,  en  3  vol.  in-12. 

Histoire  scientifique  et  militaire  de  r expédition  française  en  Egypte ,  précédée 
d'une  introduction  présentant  le  tableau  de  l'Egypte  ancienne  et  moderne , 
depuis  les  Pharaons  jusqu'aux  successeurs  d'AIi-Bey;  et  suivie  du  récit  des 
évenemens  survenus  en  ce  pays  depuis  le  départ  des  Français»  et  sous  le 
règne  de  Mohamed-Ali,  par  MM.  Belliard,  Bory  de  Saint- Vincent,  Châ-  . 
teaugiron,  d'Aure,  Desgenettes»  Dutertre»  de  Fortia  d'Urban  »  Geoffroi  de 
Saint- H  i  la  ire,  Gourgaud  ,  Ader»  Julien  de  Paris,  Larrey,  Marcel,  de  Montres, 
Parçeval  de  Grandmaison,  Pottier,  Rampon,  Real,  Reyband,  Rey-Dusseuil, 
Tajrlor  et  Xaintine,  et  sous  la  direction  de  ce  dernier;  douze  vol.  in-8.0, 
avec  un  atlas Mn-+?  de  400  planches.  Chaque  volume  sera  divisé  en  cinq 


JUIN   1830.  377 


ialy tique  de  l'ouvrage 
souscripteurs  avec  la  dernière  livraison.  Les  trois  premières  livraisons  ont  para. 
Imprimées  chez  J.  Tastu. 

Voyage  de  l'Arabie  Pétrie,  par  M.  Léon  de  Lahorde  et  M.  Linant.  Paris, 
impr.  de  J.  Didot  aîné,  librairie  de  Giard,  1830,  in-fbl.  L'ouvrage  doit  se 
composer  de  10  livraisons,  chacune  du  prix  de  20  fr.  Il  y  aura  de  plus  un 
volume  dé  texte  ln-8*  —  On  en  publie  une  traduction  allemande,  in-&# , 
avec  planches  et  vignettes,  à  Casse! ,  chez.  Bolmé. 

Œuvres  de  Tache,  traduites  en  français  (  avec  le  texte  en  regard.),  par 
M.  C.  L.  F,  Panckoucke  ;  tome  1."  des  Histoires.  Paris,  Panckoucke,  183a, 
in-8S  ,  4 S&  Pages*  Pr-  7  fr-  Cette  traduction  fait  partie  de  la  Bibliothèque 
latine-française  que  publie  M.  Panckoucke,  et  qui  doit  bientôt  comprendre 
les  comédies  de  Plaute,  traduites  par  M.  Naudet,  membre  de  l'Institut.   ,  * 

Histoire  de  Louis  XI,  par  M.  Charles  Liskenne.  Paris,  impr.  de  Cossotv, 
1830  ;%z  vol.  in-8.*,  ensemble  de  832  pages,  avec  un  portrait. 

Histoire  de  François  I/r  surnommé  le  Restaurateur  des  lettres,  far  M.**  So- 
phie de  Maraise.  Lyon,  Rolland,  1830;  246  pages  in-n,  avec  un  portrait. 

Discours  sur  le  caractère  moral  et  politique  de  Louis  XI V9  par  M.  Ânatol* 
Roux-Laborie;  ouvrage' qui  a  remporté  le  prix  d'éloquence  décerné  par  la 
Société  royale  des  bonnes-lettres,  séance  du  29  mai  1829.  Paris,  impr. 
de  Lâche  va  rdière,  librairie  de  Ch.  Gosselin,  1830;  4°  Pages  in-8.' 

Notice  sur  Finélon,  suivie  d'une  liste  chronologique  de  ses  écrits,  par 
M.  Beuchot.  Lyon,  P.  Rusand,  1829  (  1830),  in-8.0,  76  pages,  contenant  un 
Précis  de  la  vie  de  Fénélon,  et  des  notes  bibliographiques  très  instructives.  Cette 
Notice  doit  se  placer  à  la  tête  d'une  édition  des  Œuvres  de  l'archevêque  de 
Cambrai,  entrepri«e  à  Lyon. 

Histoire  de  Provence,  par  M.  Louis  Méry.  Marseille,  impr.  de  Dufort,  et 
Paris,  librairie  de  Lecqinte,  1830;  2  vol.  in-S.' ,  qui  se  publient  par  li- 
vraisons de  cinq  feuilles.  Prix  de  chaque  livraison,  1  fr«  2j  c. 

Tableau  de  la  Pologne  ancienne  et  moderne,  par  M»  Maltebrun;  nouvelle 
édition  entièrement  refondue,  augmentée. et  ornée  de  cartes,  par  M.  Léonard 
Chodzko  (  auteur  d'une  Histoire  des  légions  polonaises ).  Paris,  Aimé  André, 
1830  ;  2  vol.  in-8.° ,  vij,  J12  et  536  pages.  Pr.  15  fr.  L'ouvrage,  dans  son 
état  actuel ,  comprend ,  i.°  une  statistique  de  la  Pologne,  avec  une  descrip- 
tion géographique  de  chaque  palatinat;  2.0  une  histoire  abrégée  de  ce  pays; 
3."  un  aperçu  de  son  ancienne  législation;  4*°  des  recherches  sur  son  an- 
cienne littérature.  Cette  quatrième  partie  est  de  M.  Alich.  Podezaszynski. 

Histoire  de  Pologne ,  par  M.  Ziélinski.  Paris,  impr.  de  Mie ,  librairie  de 
Barbezat,   1830;  z  vol.  in-8f ,  828  pages. 

Des  Rogations,  par  M.  J.  L.  (M.  Labouderie  ).  Paris,  impr.  de  Plassau; 
16  pages  in-8',  extraites  du  Journal  des  Paroisses;  et  contenant  un  précis 
de  l'histoire  de  cette  institution  religieuse;  d'après  Alcime-Avite,  Sidoine 
Apollinaire,  Césaire  d'Arles,  Grégoire  de  Tours,  S.  Eu  cher,  &c.  L'auteur 
explique  pourquoi  les  fêtes  des  Rogations  ont  été  appelées  litanies  (  xtomUu, 
itppficitions  ),  en  quoi  consistaient  originairement  ces  litanies ,  <foù  vitnj 

Bbb 


37*  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

ta  distinction  Je  litanies  grandes  et  petites  ;  à  quelle  époque  les  processions 
remontent,  &c.  Il  fait  mention,  des  ambarvaua:  car  nous  en  convenons, 
dit-il,  plusieurs  de  nos  cérémonies  sont  empruntées  des  Gentils  et  des  Juifs. 
Cet  exposé,  remarquable  par  sa  précision  et  par  son  exactitude,  se  termine 
par  ces  vers  de  Delille  :  * 

Enfin  on  f»  revoit  dras  k  saison  nouvelle. 
Cette  solennité  si  Joyeuse  et  si  belle ,  &c 

Mémoire  sur  la  châsse  de  S.  Taurin  d'Evreux,  par  M.  Auguste  le  Prévost , 
membre  de  plusieurs  sociétél  savantes,  françaises  et  étrangères.  Caen,  182c, 
i**8.c,  avec  des  planches  lithographrées.  S.  Taurin  a  vécu  vers  la  fin  du 
1V«*  siècle  ;  sa  châsse  n'est  que  du  XIII.*  On  y  lit  l'inscription  :  Abbas 
Gilebertus  fecit  mefieri. 

Mémorial  portatif  de  chronologie,  &c.  Parties  III  et  IV,  1/1-/2.  En  indiquant 
tes  deux  volumes  dans  notre  cahier   de  mars  dernier,  p.  198,  nous  avons 
promis  d'en  mieux  faire  connoitre  le  contenu.  Les  deux  premières  parties,  inti- 
tulées, Tune  Histoire  politique  et  littéraire ,  T 'autre  Industrie ,  ont  été  annoncées 
en  1828,00V.  699.  La  troisième  est  une  continuation  de  la  seconde  (  chap.  III 
tt  IV,  p.  777-1 110).  Sous  le  titre  de  Phénomènes  de  la  nature,  le  chap.  III 
.présente  la  chronologie  des  aérolithes,  des  comptes,  de  divers  faits  soit  géolo- 
giques soit  atmosphériques,  des  hivers  rigoureux,  dés  inondations,  des  ébou- 
iemens  ;  des  pestes ,  épidémies  ou  maladies  contagieuses  ;  des  tremblemens  de 
terre,  des  volcans,  &c.  Ces  notices,  parmi  lesquelles  il   s'en  trouve  une 
sur  les  maçrobites  ou  centenaires,  n'a  voient  été  rassemblées  nulle  part  avec 
.  autant  de  soin.  Le  chapitre  IV  est  consacré  i  l'économie  politique  :  il  com- 
prend des  séries  d'articles  et  des  tableaux  statistiques  relatifs  au  territoire 
et  à  la  population  de  la  France ,  aux  monnaies  et  aux  poids  et  mesures ,  aux 
^revenus  et  aux  dépenses  de  l'état,  au  commerce,  à  la  navigation ,  aux  armées,, 
à  la  Justice  criminelle ,  à  la  ville  de  Paris ,  puis  i  la  Urande-Bretagne  et 
aux  Etats-Unis  d'Amérique;  détails  innombrables,  mais  recueillis  avec  beau- 
coup de  méthode  et  d'exactitude.  Le  4.®  volume  contient  d'abord  (p.  1-63)  des 
actes  politiques  et  historiques,  comme  la  bulle.de  démarcation  d'Alexandre  VI , 
Tédit  de  Philippe  II  contre  Guillaume  de  Nassau,   l'établissement  de  la 
Maison  d'Orange  sur  le  trône  d'Angleterre  en  1689,  l'acte  d'indépendance 
des  États-Unis  en  1776.  Les  pages  65-258  sont  occupées  par  trn  catalogue 
alphabétique  des  personnages  célèbres  dans  les  différentes  carrières,  avec  (es 
dates  de  leur  naissance   et  de  leur  mort;   l'indication   sommaire  de  leurs 
actions,  de  leurs  ouvrages,  &c.  Ce  dictionnaire,  très-commode  à  consulter r 
donne  des  indications  souvent  suffisantes  et  presque  toujours  sûres.  Les  der- 
rières pages  de  l'ouvrage  (  i-xlj  )  sont  remplies  par  une  table  alphabétique 
des  matières.  Tout  ce  recueil  se  recommande  par  l'étendue  des  recherches 

Îu'il  a  exigées,  par  l'enchaînement  et  l'utilité  des  notions  qu'il  présente, 
'auteur,  qui  ne  s'est  point  nommé,  est  connu  par  d'autres  productions  dont 
il  a  été  rendu  compte  dans  ce  journal:  Vie  du  Pogge,  traduite  de  l'anglais 
de  Sepherdy( sept.  .1819,  p.  529-535);  Antiquités  romaines,  traduites  de 
l'anglais  d'Alex.  Adam  (  mai  1818,  p.  283-288;  déc.  1825,  Pa6-  759"76aî 
sept.  1827,  p.  570);  Revue  de  l'histoire  universelle  moderne,  2  vol.  in-n 
()nin  1827,  p.  380-88;  Mémorial  de  chronologie,  in-$.0  (janvier,  1822, 
p.  39).'  c'est  la  i/e  édition  de  l'ouvrage,  qui  vient  d'être  fort  augmenté  et 


.4 


JUIN   1830.  379 

perfectionné  dans  la  seconde  Imprimée  chez  M.  Firm.  Didot,  et  accom- 
pagnée d'un  cahier  in-4.0  oblong  contenant  cinq  tableaux  statistiques.  -, 
Le  6o.c  et  dernier  volume  du  Dictionnaire  des  sciences  naturelles  a  paru 
avec  Tes  6o.c  et  6i.c  cahiers  de  planches.  Il  contient  les  articles  compris  entre- 
les  lettres  Zooph  et  ZyU  L'article  Zoophyte9  par  M.  Blainville,  occupe  ^6  pages, 
et  offre  une  classificatipn  nouvelle  de  cette  classe  d'êtres  organisés  et  une 
description  des  espèces  tant  récentes  que  fossiles  :  ie  corps  de  l'ouvrage  est 
complet.  II  ne  reste  à  livrer  que  les  tables  nécessaires  pour  l'arrangement 
méthodique  de  l'atlas  ;  elles  sont  sous  presse.  On  s'occupe,  dès  ce  moment» 
de  réunir  les  matériaux  d'un  supplément  qui  mettra  le  dictionnaire  au  courant 
de  la  science,  et  qui  ne  formera  que  peu  de  volumes.  —  La  Biographie  dfcs 
naturalistes  sera  un  ouvrage  distinct,  en  4  tomes  in-S.0 ,  qui  paraferont  dé 
quatre  en  quatre  mois ,  à  partir  du  i.cr  août  prochaiu.  Nous  consacrerons  ait 
moins  un  article  encore  à  l'examen  des  derniers  volumes  de  cet  important 
ouvrage,  dont  nous  avons  souvent  entretenu  nos  lecteurs  (août  1824 ,P.  451* 
464»  août  1827,  p.  451-^57,  &c.)  Son  achèvement  est  une  nouvelle  qui 
doit  intéresser  tous  les  amis  de  l'histoire  naturelle.  C'est  un  monument  glorieux 
pour  la  France,  que  les  principaux  naturalistes  de  notre  pays  ont  élevé  à  là 
science  en  quinze  années,  il  (kit  honneur  à  la  maison  Levrault ,  qui  n'a  épargné 
ni  pekiei  ni  sacrifices  pour  le  rendre  aussi  complet  et  aussi  parfait  qu'il  étoit 
possible  dç  le  désirer. 

Principes  de  philosophie  zoologique,  discutés  en  mars  1830,  par  M.*Geoflroi 
Saint-Hilaire.  Paris,  Pichon  et  Didier,  1830,  in- 8.*,  226  pages.  Prix  4  fr.50C. 

Traité  élémentaire  de  minéralogie,  par  M.  F.  S.  Beudant  ;2.c  édition,  tome  I.cr 
Paris,  Verdi  ère,  1830,  in-+S ,  752  pages,  avec  onze  planches,  dont  cinq 
sont   coloriées.  Pr.   14  fr. 

Education  spéciale  pour  l'agriculture ,  par  M.  Blanq,  ancien  élève  de  l'école 
polytechnique.  Paris,  impr.  de  Chaîgneau  jeune,  1830;  14  pag*  extraitea 
du  Journal  du  génie  civil. 

Examen  des  doctrines   médicales  et  des  systèmes  de  nosologie,  précédéde 

Sropositions  renfermant  la  substance  de  la  médecine  physiologique ,  par  M,  E» 
.  N.  Broussais,  3.*  édition.  Paris,  M.,,e  Delaunay,  1830;  3  volumes  in-8.*ê 
exix,  483,  591  et  623  pages.  Pr*  des  3  voL,  25  fr.  11  y  en.  aura  un  qua- 
trième. 

Atlas  historique  et  bibliographique  de  la  médecine,  composé  de  tableaux  sur 
^histoire  de  l'anatomie ,  de  la  physiologie,  dç  l'hygiène,  de  la  médecine» 
de  la  chirurgie,  de  l'obstétrique,  &c,  par  M.  Casimir  Broussais.  Paris  ^ 
M."e  Delaunay,  gr.  rn-4.'f  de  48  pag.  Pr.  13  fr. 

De  la  Fête  du  nouvel  an,  et  du  jeûne  des  expiations  ou  grand  pardon 
chez  les  Juif*,  par  M.  Michel  Berr.  Paris,  impr.  de  Pihan-Delaforest(Mo- 
rinval),  8  pages  in-8* 

Nouveau  Sysrhne  du  monde,  au  moyen  de  la  rotation  diurne  de  la  terre,  d'uni 
inclinaison  périodique  de  vingt-trois  degrés,  en  trois  mois,  de  son  pôle  boréal 
sur  le  méridien  oriental,  et  de  la  révolution  circulaire  annuelle  du  soleil  autour, 
del'équateur  de  cène  planète;  et  Hypothèses  conformes  aux  expériences  sur  ici 
vents,  sûr  i.<  iumièie  et  sur  le  fluide  électro-magnétique;  par  M.  Demonville» 
Vlrt*,. Démo  rutile,  juin  1830,  viij  et  24  pag*  i**-8.0,  avec ;  une  planche.  JL'mt 
treprisc  de  l'auteur  est  de  renverser  le  système  astronomique  de  Copernic  çt:di 

Bbb  x 


^So  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Newton ,  a  m  si  que  Ta  tefité  Louis-Sébastien  Mercier  (et  non  Lemeeckr),  dam 
un  volume  m- 8,9  publié  chez  Den tu  ,  en  1 80  j. 

Nous  avons  annoncé,  dans  notre  cahier  de  janvier  1830  (p.  61  ),Ië  pros- 

Fectus  des  Méditations  religieuses,  traduites,  par  MM.  Monnard  et  Gencé,  de 
ouvragé  allemand  intitulé  Stunder  der  Andach.  Il  en  a  paru  une  livraison 
chaque  samedi ,  depuis  le  commencement  de  cette  année.  Lès  douze  premiert 
auméros  ont  contenu  vingt-six  méditations  qu'on  a  rassemblées  en  un  volume 
in-8?  de  xviij  et  380  pages:  c'est  la  première  partie  du  tome  I."  Les  snjets 
que  l'on  y  traite  sont  :  le  four  de  l'an,  le  coite  domestique ,  le  culte  public, 
lat"patx  domestique,  l'art  d'être  content' de  son  état,  la  jouissance  du  plaisir, 


S£  cours  de  morale  religieuse  a  été  continué  par  plusieurs  autres  médita- 
tas  ,du  même  genre,  toujours  recommandables  par  la'  pureté  des  principe* 
et  par  la  sagesse  des  conseils.  La  traduction  française  est  rédigée  avec  beau^ 
coup  de  soin.  L'ouvrage  s'imprime  chez  M.  Marchand  du  Brèuil.  On  souscrit, 
à  .raison  de  5  fr.  pour  12  livraisons,  chez  MM.  Treuttel  et  Wurtz. 

Àl^nnaUs  de  la  philosophie  chrétienne  ;  recueil  périodique  destiné  ï  faire  con» 
noftre  tout  ce  que  les  sciences  humaines,  et,  en  particulier,  l'histoire,  les  an- 
jriouités»  l'astronomie,  la  géologie,  l'histoire  naturelle,  la  botanique,  la  phy- 
sique r  la  chimie ,  l'anatomie ,  la  physiologie ,  la  médecine  et  la  jurisprudence 
afferment  de  preuves  et  de  découvertes  en  faveur  du  christianisme,  par 
une  société  d'ecclésiastiques,  dé  littérateurs,  de  naturalistes,  de  rhédecirrset 
fié  jurisconsultes.  Les  matières  seront  distribuées  sous  les  titres  suivans  :.  Articles 
originaux,  Revue  de  livres  anciens ,  Revue  de  livres  nouveaux,  Voyages  et 
Géographie,  Journaux  français  et  étrangers,  Statistique,  Académies,  Nouvelle», 
Bulletin  bibliographique  ;  un  cahier  de  64  à  80  pages  sera  publié* le  dernier 
jpur  de  chaque  mois,  à  partir  du  31  juillet  1830.  rrix  de  la  souscription, 
pdur  six  mois,  10  fr.  yo  c. ;  pour  l'année,  20  fr. ;  et  chez  l'étranger,  fe 5. 
On  s'abonne  au  bureau  des  Annales  de  philosophie  chrétienne  ,  rue  de  Vau- 
grrard ,  n.°  4'  bis. 

Tablettes  historiques,  revue  des  faits  contemporains.  Elles  seront  livrées 
aux  souscripteurs  en  feuilles  détachées  qui  paroitront  à  des  époques  indé* 
terminées,  mais  qui  formeront  tous  les  six  mois  un  vol.  in-S.0  de  4°°  & 
f 00 pages.  Chaque  livraison  se  divisera  en  deux  parties;  l,Cotsretpondance, 
Questions  à  l'ordre  du  jour,  Sciences,  Lettres  et  Arts,  Spectacles,  Variétérj 
Jl ,  faits  distribués  sous  les  titres  :  Étranger,  France ,  Départernens,  Co4o»ies> 
Tribunaux,  Belles-lettres,  Beaux-arts,  Sciences,  Industrie,  Bibliographie, 
Nécrologie.  On  souscrit  au  Bureau  des  Tablettes  historiques,  rue  de  Grammon% 
n.°  5,  à  raison  de-  44  ^r-  P°ur  2  vol.;  de  22  fr.  pour  un  seul;  de  ia  fr 
fou?  un  demi-volume;  .      _. 

1  PAYS-BAS.  Recherches  sur  la  langue  nationale  de  la  majeure  partie  dm 
Wpaume  des  Pays-Bas,  par.  M.  ie  baron  Van-Westrcenen  Van-TîelUnik. 
La  Haye,  18*0,  in*fr 

Essai  sur  l  histoire  de  Urlhêérature  néerlandaise,  par  M.  S.  de  'sGravenwert  > 
jaembre  de  l'Institut  des  Pay§*8at,  &c  Amsterdam*  Delachaux  ;  1  ïjo»  •*#/ 
tN)#t  Jtji  pages.  1*  j-h'r. 


.-   <.       JUIN  1830.  5S1 

*ùeschiedenis  dtr.Leidscke  hooge  school,  &c.  Histoire  de  l'université  de  Ltyde > 
depuis  sa  fondation,  en  1575,  jusqu'en  1825;  par  M.  Siegenbeck.  Leyde, 
J*uchtmans,  1829,  «et  1830,  a  vol.  in-8.° 

De  Mensch  btschouwd  in  zijhen  aanleg,  Ù*c;  L'homme  considéré  comme 
tire  pensant,  moral  et  sensible,  afin  de  développer  les  principes  de  toute  connais- 
sance gui  lui  est  possible,  en  rapport  avec  sa  vraie  destination  ;  par  J.  J.  le  Roi. 
Deft,  in-8.4,  xivft.322  pages.  (Philosophie  de Kanc) 

ALLEMAGNE. 

Homerus  slavicis  dialectis  cognatâ  linguâ  scripsit  ;  ex  ipsius  Homeri  carminé 
os  tendit  Gregvl}ankouski.  Homerus  slavicè  et  gracè  idem  sonans  et  significans, 
adjectâ  novJL ,y? rsione  laiînâ >  cum  commentario  graeco  -  slavico.  Posonii, 
Lu n des,  1829,  in-8.9  Pr.  12  gr. 

Kritische  bemetfaùigen  uber  castiliiche  und  portugiesische  literatur;  Remarques 
critiques  sur  là  littérature  castillane  et  portugaise,  et  sur  les  écrivains  espagnols 
et  portugais  y  p ar  M.  A.  de  Lîagno.  Texte  espagnol,  av^  la  traduction  allemande.  . 
Aix-la-Chapelle,  Mayer,  1830,  i.cr  cahier.  Pr.  8  gr. 

Thésaurus  slïàhpear'w nus.  The  plays  and  poems  of  W.  Shahspeare,  ifb.  ; 
Théâtre  et  poésies  de  Shahspeare,  d'après  le  texte  corrigé  par  Sam.  Johnson  f 
G.  $teevcns<9  Isâac  Reed  et  Edmond  Malone,  avec  des  notes  critiques,  his- 
toriques et  grammaticales,  la  vie  du  poëte  par  Alex.  Chalmers,  le  testament 
de  ohakspearé,  un  glossaire,  &c.  &c.  ;  nouvelle  édition  en  un  seul  volume 
in-Af  avec  portai r.  Leipsic,  Fleischer;  et  Paris,  Treuttel  et  Wurtz,  1830. 

Uebersicnt  der  wissenschaftlichen  cultur  des  osterreichrschen  Kaiserthums,  ta- 
bleaa  historique  et  ethnographique  de  fa  littérature  de  l'empire  d'Autriche, 
dans  ses  différentes  langues,  par  M.  Fr.  Sartori.  Vienne,  Gerold,  1830,  in-8.*, 
tome  I.er  Prix  4  ri.  12  kr. 

Reise.  utn  die  Welt,  if  a  Voyage  autour  du  monde,  en  1813-2.6 ,  par  Otton 
de  KotzeBue.  Weimar,  1830,  2  vol.  in-8/  avec  des  planches  et  3  cartes.  On  a 
joint  au2.e  volume  un  Précis  des  découvertes  zoologiques,  par  M.  Fr.  Eschhofz, 
professeur  à  l'université  de  Dorpat. 

Ceschichte  der  aller  Deutschen,  ifc»;  Histoire  des  anciens  Germains  ,  princi- 
palement des  Francs  (depuis  l'origine  de  ce  peuple  jusqu'à  la  mort  de  Charle- 
magne);  par  M.  Conr.  Mannert.  Stuttgard,  Cotta,  1829,  in- 8/ 
,  Kritische  BeUnchtung  einiger  P une  te  in  dm  Feldzûgen  Karls  des  'Crossen,  ifc.,- 
Eclaircisseniens  sur  les  campagnes  de  CharUmagne  contre  les  Saxons  et  les  Slaves, 
mémoire  pour  servir  à  l'histoire  et  à  la  géographie  du  moyen  âge;  par  Al.  l,éo- 
pold  dç  Ledebur.  Berlin ,  1829,  in-8/ 

Assise*  et  bons  usages  du  royaume  de  Jérusalem,  sive  Leges  et  Instituta  regni 
h'terosofymitsmi.  Primnm  intégra  ex  genuinb  deprompta  codicibus  mss.  adjectif 
lectionum  varietate  et  praefatione,  cum  glossario  notisque  et  indicibns,  edide- 
ruatH.  JUuftcr,  J.  C.  Bludtscht.  Stutgardi-e,  Cotta,  1830.  Ouvrage  pour  lequel 
on  souscrit  chez  MM.  Treuttel  et  Wurtz. 

;  Zrnr  Géschkhu  Friedrich  Wilhem's  1  und  Friedrichs  II  hmnige  von  Preusun; 
Bikempour  servir  à  l'histoire  de  Frédéric-Guillaume  l.~  et  Frédéric  II,  rois  de 
Psmsse., jhiWiéej  par  lé  i)/  Ccawef.  Hamboarg,  Hofouuui  et  Campe,  iK*?, 


< 


3*»  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

Geschichte  der  Magyare* ,  ifc.  Histoire  des  Magvams  (Hongrois)  ;  par 
M.  le  comte  Mailath.  Vienne ,  Tender,  1829,  3  vol.  f«-A#  avec  des  plant  de 
batailles.  Prix  14  fl.  (  Nous  avons  annoncerons  noire  derftéef  cahier,  p.  320,. 
un  volume  publié  à  Londres,  par  M.  S.  Bowing,  sur  U  poésie  des  Magyares.  ) 

Pensées  sur  l'homme,  ses  rapports  et  ses  intérêts;  par  M.  Frédéric  AnciUo*. 
Berlin,  Duncker,  1829,  2  vol.  in-12.  Prix  2  rxd. 

RUSSIE.  Versuch  einer  Lheratur  der  sanskrit  Sprache;  Essai  historique  et 
littéraire  sur  la  langue  sanscrite,  par  M.  Fr.  Adelung.  Pétersbourg,  1830,  in-ÏS 

ITALIE. 

•  ■  - 

Viaggio  di  Terra-Santa,  i7i.;  Voyage  à  la  Terre-Sainte  (en  1814  et  1815), 
divisé  en  chapitres  selon  l'ordre  des  matières;  par  le  docteur Santino Daldirn* 
curé  de  Salirio.  Milan,  Motta,  1829,  hi-izi  168  pages.  Prix  il.  50  c. 
'  Irène  Delfino,  storia  veneriana  del  secolo  VI.  Venezia,  per  Giuteppe  GrOato* 
1830, 2  vol  in-8.°,  3 12  et  306  pages.  Pr.  4  1.  Irène  (femme  d'Etienne  Delfino}, 
roman  historique  et  politique  :  on  en  publie  une  traduction  française. 

JRela^ioni  dello  stato  di  iavoja  ,  negli  anrii  1 574»  1670,  1743 ,  teritte  daglt 
ambasciadori  veneii  Molini,  Bellegno  e  Foscarini,  con  note  cd  illustration! 
di'Luigi  Cibrario,  sott.  proc.  gen.  di  S.  Marco.  Torino,  ttp*  Atliana,  1830, 
t/i-tf/,  di  p.  xx  e  208.  Relations  sur  V état  de  la  Savoie  en  f  574t  1670  **  ^\i- 

Storia  di  Como ,  ifc.  Histoire  de  la  ville  de  Corne,  par  M,  Maarizio  Mohti. 
Corne,  Ostinelli,  1830;  deux  parties  in- 8.' 

Storia  délia  letteratura  italiana  del  secolo  xvm  ;  Histoire  de  la  littréatuve 
italienne  du  XVI 11/  siècle;  par  M.  Antonio  Lombardi,  pour  servir  de  fuite  à 
rtifstoire  de  la  littérature  italienne,  ancienne  et  moderne,  de  Tiraboschi.  Mo- 
tféne,  1829,  tomes  1,  2,  3,  ih-8.' 

Vitruvii  de  Architecture  libri  decem ,  apparatu  praemuniti,  emendationibus 
et  illustrationfbus  refecti,  thesauro  variarum  lectionum  quadragihta  sex  codi- 
cibus  locupletati,  tabuiis  centum  quadraginta  declarati,  ab  Aloysio  Marîno: 
accedunt  inscriptiones  aliquot  et  indices  varii.  Romae,  ex  prelis  Marinii; 
1830,  in-f? 

ANGLETERRE. 

Consolations  in  travels ,  or  the  Utst  days  of  a  philosopher.  Consolations  en 
voyage,  ou  les  derniers  jours  et  un  philosophe;  par  sir  Humphrey  Davy,  der- 
nier président  de  la  Société  royale  de  Londres; in-n ,  de  281  pages.  A  Londres, 
chez  John  Murray.  Ce  livre,  divisé  en  six  dialogues,  contient  des  généra- 
lités qui  peuvent  sembler  un  peu  vagues,  mais  aussi  quelques  observations 
positives,  importantes  en  elles-mêmes ,  et  auxquelles  le  nom  de  l'auteur  ajoute 
beaucoup  de  prix. 

Travels  in  the  Morea  ;  Voyages  en  M  orée  ;  par  M.  W.  Martin  LeaLe.  Lon- 
dres, Murray,  1830,  3  vol.  in-8.* 

Travels  of  Macarius,  patriarch  of  Antioch,  written  by  attendant  arch- 
deacon  Paul  of  Aleppo  in  Arabia ,  translated  by  F.  C.  Beifour.  Part.  T, 
Anatolia,  Romelia  and  Moldavia.  London,  m-4.9  ;  Voyages  do  Maatrws, 
patriarche  d'Antioche,  écrits   en  arabe  par  son  archidiacre^  ÇatJ.cfAkp, 


y 


JUIN   1830.  38* 

traduits  en  anglais  par  M.  F.  C.  Belfour.  Partie  I.",  Anatolie,  Roméiie 
et  Moldavie.  Londres,  in-^S 

Notes  on  the  Bédouins  and  Wahabys,  ifc.  Notices  sur  le!  Bédouins  et  les  Waha- 
tys,  recueillies  par  feu  Louis  Burckhardt,  pendant  ses  voyages  dans  l'Orient. 
Londres ,  Col  bu  m,  1830,  \n~4J 

Two  Essays  on  the  geography  of  ancien t  Asia  ;  intended  partly  to  illustrate 
the  campaigns  of  Aleianaer  and  the  Anabasis  of  Xenophon  ,  by  the  Rev.  S. 
Williams  ;  Deux  Essais  sur  la  géographie  de  l'ancienne  Asie ,  contenant  des 
éclaircisseriiens  sur  les  conquêtes  d'Alexandre,  sur  l'expédition  de  Cyrus  le 
jeune  et  la  retraite  des  dix  mille,  &c.  Londres,  in- F.0 

The  History  of  chiValry  and  the  crusades  ;  Histoire  de  la  chevalerie  et 
des  croisades  j  par  M.  Henri  Stebbing,  Edimbourg ,  Constable;  2  vol.  //1-/2. 

Memoirs  on  the  life  of  sir  Walter  Raleigh>  Ù*c.  Mlmoires  sur  la  vie  de  shh 
Walter Ralegh,  avec  des  remarques  sur  le  temps  où  il  a  vécu,  par  mistriss  Thoin-' 
son,  auteur  de  Mémoires  sur  la  cour  de  Henri  VIII.  Londres,  Longman,  1829, 
in-8.°  —  On  doit  écrire  Ralegh,  selon  M.  Walckenaer,  de  qui  l'on  a  un  très-boa 
article  bibliographique  sur  ce  personnage,  Biogr.  univers.,  XXVII,  1-23;  Vies 
de  plusieurs  personnages  célèbres,  1. 1 ,  pag.  242-288. 

Commen  taries  on  the  life  and  reign  of  Charles  thefirst;  Commentaires  sur  la  vie 
et  le  règne  de  Charles  Ln,  roi  d'Angleterre,  par  M.  J.  d'Israeli.  Londres,  Colburn, 
1830,  cinq  volumes  in-8.0 

Memoirs  on  the  life  and  ûmes  of  Daniel  de  Foe ,  ifc.  /  Mémoires  sur  la 
vie  de  Daniel  de  Foé  et  sur  le  temps  où  il  a  vécu  (  1663-173 1  );  par  M.  Walter 
Wilson.  Londres,  Hurst,  1830;  3  vol.  in-8.° ,  contenant  l'analyse  de  tous 
les  écrits  de  l'auteur  de  Robinson  Crusoé,  et  l'exposé  de  ses  opinions  sur 
divers  sujets  importans,  politiques,   religieux  et  littéraires. 

An  historical  Account  ofmy  own  life,  &c.  ;  Relation  historique  de  ma  propre 
vie,  avec  des  observations  sur  ce  qui  s'est  passé  de  mon  temps  (  1671-173 1}# 
par  Edmund  Calamy;  i.rtt  édition  donnée  par  M.  John  Towill  Rutt,  qui 
y  a  joint  des  notes  biographiques  et  historiques.  Londres,  Colburn,  1829; 
2  vol.  in* 8.°  II  paroit  qu  il  y  est  sur-tout  question  d'affaires  religieuses;  cepen- 
dant ces  deux  volumes  sont  annoncés ,  ainsi  que  les  Mémoires  de  Daniel  de 
Foé ,  comme  pouvant  jeter  du  jour  sur  toutes  les  parties  de  l'histoire  d'An- 
gleterre, depuis  la  restauration  des  Stuart  jusqu'aux  premières  années  du 
régne  de  Georges  IL 

Pompeiana ,  ifc.  Nouvelles  Observations  sur  la  topographie ,  les  édifices  et  les 
ornemens  de  Pompéi,  par  sir  Will.  Gell.  Londres,  Jennings,  1830,  1/1-4.%  avec 
des  planches  coloriées  et  des  vignettes.  M.  W.  Gell  a  déjà  décrit  les  antiquités 
de  Pompéi;  il  expose  ici  les  résultats  des  fouilles  récentes. 

History  of  the  Jews  ;  Histoire  des  Juifs ,  par  le  Rév.  D.r  Millman.  Lon- 
dres, J.  Murray,  1829,  3  volumes  in-12  qui  font  partie  d'un  recueil  appelé 
Bibliothèque  de  famille. 

The  Evidences  of  christianity ,  stated  in  a  popular  and  practical  manner  lit 
a  course  of  lectures  delivered  in  the  parish  church  of  S.  Mary ,  Islington  ; 
by  Daniel  Wilson,  A.  M.  vicar;  in  two  volumes.  Vol.  J,  containing  the 
lectures  on  the  authenticity ,  credibility,  divine  autority  and  inspiration  of 
the  New  Testament.  London,  1828;  vol.  H,  containing  the  lectures  on  the 


5«4  JOURNAL  DES  34VANS. 

irkernal  évidence 'of  Aé  Christian  religion,  Lorfdojr,  1830,  gr.  in» S/;  Preuves 
de  la  vérité  de  la  religion  chrétienne. 

The  Histoty  and  doctrine  of  budhism  ;  Histoire  et  doctrine  du  bouddismet 
avec  une  notice  du  happouisme  ou  du  culte  des  démons  à  Ceylan  j  par  M,  £. 
Upham.  Londres,  in-fol.,  avec  4  3  planches  cx*iurnjo^es.  — r  M.  E.  Upham-  a 
publié  aussi  à  Londres  une  Histoire  de  Ternaire  ottoman;  History  çf  the 
Pttoman  empire,  from  its.  establishment  to  the  jrear  1828;  2  vol.  in- S,0 

The  Adventures  of  Hatim-Tai ;  les  Aventure*,  de  Haim-Tài  ,  roman  traduit 
du  fersan  par  Duncam  Forbes.  Londres ,  Murray ,  1S30,  214  pages  111-4// 
imprimé  pour  le  comité  des  traductions  d'ouvrages  orientaux. 

'  ,  J.NDES.  Dictionary  of  the  Bhotanta  or.  B  ou  tan  language ,  printed  fro™  a 

.snsV.copy  made  by  the   Inte  Rev.   Schroeter,'  edited  by   J.  Marshman,  to 

Wjcby  prefixcd  a  grammar  of  the  Bhotanta  language,  by  Schroeter,  edited  by 

jKf'Çlarey.  Calcutta  ,in-éf.°  ;  Dictionnaire  [et  grammaire)  de  la  langue  du  Boutan. 

•AMERIQUE.  Amer  Khan  and  other  poems  &c.;  Amer  Khan  et  autres 
peines  de  Lucretia  Maria  Davidson ,  recueillis  et  publics  par  M.  Samuel 
F.  B.  Morf.  New-York,  1829  ,  in-8.°  M.»»€  Davidson  était  née  à  PJatsburgh  , 
.dam  l'état  de  New-York  ,  le  27  septembre  1808;  elle  est  morte  au  même  lien 
le. 27.  août  1825,  n'ayant  pas  encore  17  ans,  et  laissant  beaucoup  d'écrits  en 
vers  et  en  prose.  M.  Morf  n'en  publie  qu'une  partie. 


i>; 


.  NOTA.  On  peut  s'adressera  la  librairie,  de  M,  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la 
'Harpe,  n.4  Si  ;  et  à  Strasbourg,  rue  des  Juifs,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés,  dans  le  Journal  des  Savane.  Il  faut  affranchir  les  lettres 
4t  1+  prix  présumé  des  ouvrages. 


'  "■  ■  ■  ■    ■  .1  1  ■  il  ■  ■       ■    1.  1  ■ »  1     „     .  . ,  , 


TABLE. 

Histoire  des  Français  aux  cinq  derniers  siècles ,  par  M.  Amans- Alexis 

Monteil.  (  Second  article  de  M.  Daunou.  ) Pag.  32 J. 

Chefs-d'œuvre  du  théâtre  indien ,  traduits  de  l'original  sanscrit  en 
anglais,  par  AI.  //.  H.  Wilson ,  et  de  l'anglais  en  français ,  par 
M.  Langlois.  (Article  de  M.  Abel-Rérrrusat.  ) 335. 

Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l'église  grecque  et  latine  ,  ou  cours 
d'éloquence    sacrée,    var    M.    Marie- Nicolas -Silvestre  Guillon. 

(  Second  article  de  M,  Raynouard.  ) 34^ . 

'émoires  de  l'empereur  Djéhanghir ,  écrits  par  lui-mime,  par  le 

major  David  Price.  (  Article  de  M.  Silvestre  de  Sacy.  ) 359. 

H\stoire  philosophique,  littéraire,  économique ,  des  plantes  de  l'Eu» 
.   Tope,  avec  figures  ,  pqr  J.  L.  Poireu  (Article  de  M.  Tessier.  )...  371. 

-Nouvelle*  littéraires  .  •  « 37, . 

PIN   DE   LA   TABLE. 


DES 


JUILLET     183O. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE; 

1830. 


BUREAU-DU *  JO*J**IÀfc DE£  fcAVANS. 


M.  le  GARDE  DES  SCEAUX ,  Président. 

M.  Dacier,  de  l'Institut  royal  de  France,  secr.  perp.de  I'Acad.  des 

inscriptions  et  bettes-lettres,  er  membre  de4*Acaéénfte  française. 
M.  le  B*£ôn  SlI»yf8TRB'D£  Sjycr,  de  l'Instifat  royal  durante, 
*  Acadfmï*  des  I^crtpjlpnft  et  &elks-Iettrefc 
M.  le  Baron  Cuvier /conseiller  d'état»  de  l'Institut  royal  de 

France  ,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  de»  sciences ,  er 

membre  de  l'Académie  française. 
M.  QUATREMÈRJE  DE  QuiNCY,  de  l'Institut  royal  de  France, 

sec  rétaire  peipétiet  de  TAcâdémle  desl>faux«arts,  et  membre  de 

celle  des  inscriptions  et  Telles-lettres. 


Assistans», 


Auteurs. . 


M.  DAUNOU,derinstitut  royal  de  France,  Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres,  éditeur  du  Journal  et  secrétaire  du  bureau. 

M.  TeSSIER  ,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des  sciences. 

M.  Biot,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des  sciences. 

M.  RAYNOUARD,  de  l'Institut  royal  de  France,  secrétaire  per- 
pétuel honoraire  de  l'Académie  française ,  et  membre  de  l'Aca- 
démie des  inscriptions  et  belles-lettres. 

M.  Raoul-Rochette,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie 
des  inscriptions  et  belles-lettres. 

M.  Chézy,  de  l'Institut  royal  de  France ,  Académie  des  inscrip- 
tions et  belles-lettres. 

M.  V.  Cousin  ,  membre  du  conseil  royal  d'instruction  pu- 
bttqne.        "    *  . 

M.  Letronne,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres. 

M.  Abel-Rémusat,  de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  dts 
inscriptions  et  belles-lettres. 

M.  CHEVREULy.de  l'Institut  royal  de  France,  Académie  des 
sciences. 

M.  Saint-Martin,  de  l'Institut  rdyal  de  France,  Académie  des 
inscriptions  et  belles-lettres. 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savant  est  de  36  francs  par  an, 

_!  _  /_         *C  _  _  _         la»         ««***••.*&  Ws-v»»  /Ia  D**~m»  fla«         «'«Km»»»  a»        la*  lîriTâtrfP       f\  P 

ourg,  rue  des 


et.de  40  fr.  par* la  poste,  hors   de   Paris.  On  s'abonne  à  la   librairie  de 
M.  Levrault,  a  Paris,   rue  de  la  Harpe,  n.ê   8t  ;  et  à  Strasbc 


Serruriers.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  NOUVEA  ¥X ,  Us  lettres p  arts ,  mémoires ,  &c. ,  qui 
peuvent  concerner  LA  RÉDACTION  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  huridu  au  Journal  des  Savatts ,k  Paris,  çue  de 
Ménii-mon tant ,  n.°  zx. 


JOURNAL 

DES  SAVANS, 

*  ■ 

JUILLET    1830. 

Scripta  historien  Islandorum ,  de  rébus  gestis  veterum  Borea- 
li*m,  latine  réédita*  et  apparatu  critko  instructa,  curante 
Societate  regid  antlquariorum  septentriçualium.  Vol.  I  et  II, 
in-f.ê,  de  xxii)  et  656  pag.  Copenhague»  1828,  impr; 
de  Popp. 

JLià  capitale  des  états  danois  ne  manquoit  pas  de  sociétés  et  de  com- 
mission* occupées  de  l'histoire  et  des  antiquités  nationales.  Sans  parier 
de  la  Société  royale  des  sciences,  dont  une  section ,  la  classe  historique, 
a  fourni  de  très-bons  mémoires  pour  l'éclaircissement  des  points  obscurs 
de  l'histoire  du  nord ,  il  y  avoit  la  Société  de  littérature  Scandinave ,  qui 
dans  son  recueil  a  également  fourni  un  grand  nombre  de  mémoires  et 
de  notices  ;  la  commission  chargée  de  la  publication  des  manuscrits 
anciens  rassemblés  et  légués  à  l'état  par  Amas  Magnaeus;  la  com- 
mission archéologique  qui  s'occupe  spécialement  à  faire  connoitre  le 
musée  d'antiquités  nationales.  Quelques  hommes  zélés  pour  l'étude  de 
l'islandais  pensèrent  néanmoins  qu'il  manquoit  dans  la  capitale  une  insti-  * 
tution  pour  la  publication  des  sagas ,  dans  lesquelles  sont  renfermées  la 
poésie,  l'histoire,  et  presque  toute  la  littérature  des  anciens  Scandinaves, 
lis  se  réunirent,  en  1 8zj ,  pour  fonder  une  société  dite  des  anciens 
manuscrits  (nordisk  cldskrift-sclskab  )  (1).  La  protection  et  les  secours 
pécuniaires  nécessaires  à  une  institution  semblable  ne  leur  manquèrent 

• 

(1)  Voy.  Hovedbtntning  fia  dut  Kongeligt  nordiske  OUshtifi-StUhab $  &c. 
Copenhague,  1828,  in- 8.°  ~~Les  statuts  deiU  société  ont  paru  en  islandais  et 
en  danois  sous  le  titre  de    Vcdtatgter  for  dit  Kong,  nordisfut  OkUkrtfi-Stltkab , 


Ccc   a 


* 


388  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

point;  le  zèle  de  quelques  membres  fit  le  reste.  En  1828 ,  la  nouvelle 
institution  fut  érigée  en  Société  royale  des  antiquaires  du  nord  ;  et 
animée  de  cette  ardeur  que*  déploient  ordinairement  les  âouveiles 
sociétés  ihtér^f es ,  et  qui  finit  jrop  souvent  par  s'éteindre  avec  la 
même  rapidité,  elle  entreprit  la  publication,  non  pas  d'un  seul  recueil , 
mais  de  trois  ou  quatre  séries  d'ouvrages,  qui,  une  fois  complétées, 
formeront  une  bibliothèque  fort  curieuse.  On  étoit  loin  de  penser  ii 
y  a  peu  d'années  que  lès  sagas  islandaises  de viendraient  aussi  accessibles 
aux  savans  de  l'Europe ,  et  que  les  difficultés  de  f étude  de  la  langue  et 
Tïë  fa  littérature  des  anciens  Scandinaves  s'apfaniroient  aussi  facilement. 
Quand  fa  Société  des  antiquaires  de  Copenhague  borneroit  là  son 
activité,  elle  laisseroit  toujours  un  monument*  très-honorable,  de  son 

.  existence  ;  mais  nous  souhaitons  qu'elle  soit  assez  bien  soutenue  pour 
fournir  une  longue  carrière,  et  que  son  zèle  et  son  activité  ne  se 
ralentissent  que  lorsqu'il  n'y  aura  plus  rien  à  faire  pour  le  but.  qu'elle 
s'est  proposé. 

Notre  intention  n'est  point  d'examiner  les  divers  recueils  dont  elle  a 
entrepris  la  publication  :  parmi  ceux  que  nous  avons  eu  occasion  de 
voir ,  il  y  en  a  un  qui  embrasse  les  sagas  romanesques  dans  la  langue 

-originale  (i);  un  autre  recueil  contient  la  traduction  danoise  de  ces 

-.sagas  ou  d'autres  traditions  du  même  genre  (2).  Nous  nous  arrêterons 
ici  à  une  troisième  série,  qui  devra  contenir  la  traduction  latine  des 
sagas  historiques  des  Islandais.  Cette  série  paroît  destinée  spécialement 

:pour  les  savans  étrangers,  qui  se  sont  plaints  souvent  de  n'avoir  pas  de 
secours  pour  étudier  l'esprit  de  ces  compositions  originales»  Il  n'a  paru 
:  encore  que  deux  volumes  de  cette  série ,  et  rien  n'ipdique  rétendue  qu'on 
se  propose  de  donner  au  recueil  commencé.  Assurément  il  sera  très- 
volumineux,  si  toutes  les  sagas  historiques  doivent  y  entrer.  Cependant, 
ayant  son  utilité ,  et  n'étant  pas  d'ailleurs  d'un  prix  élevé  ,  il  sera  proba- 

*  -  biement  bien  accueilli  en  Europe. 
'  Les  deux  volumes  que  nous  avons  sous  les  yeux  contiennent  la  saga 
ou  l'histoire  de  la  vie  et  du.  règne  d'Olaf  Tryggveson,  roi  de  Norvège 
au  X.c  siècle  ,  écrite  par  Gunnloeg,  moine  islandais  de  Thingseyr,  qui 
paroi t  avoir  terminé  son  ouvrage  vers  l'an  1 2o4*  Ce  n'est  plus  un  scalde, 
un  bourgeois  ou  paysan  de  l'Islande  qui  écrit  ;  c'est  un  habitant  d'un 


(1)'  Fornaliar  sœgur  Nordrlanda  eptir  gœmlum  handritum  utgrfnar  afC.C. 
Kafn.  Copenhague,  1829,  vol.  I  et  II,  W-&*  — (2)  Nordish  fortids  Sagaer , 
ifter  dtn  udgivne  islandshe  filer  zamU  nordiske  grundshrift,  oversatte  afC.  C. 
Rafn.  Copenhague,  1829,  vol.  I  et  11,  in-$.° 


JUILLET  l8^0.  389 

'des  cloîtres  qui  avoient  été  établis  un  siècle  auparavant  dans  l'île.  Aussi 
n'est-ce  pas  dans  la  langue  vulgaire  que  Gunnioeg  avoit  écrit  sa  chronique 
ou  saga;  il  s'étoit  servi  de  la  langue  familière  alors  au  clergé ,  ie  latin. 
Cependant  cet  idiome  ne  faisoit  pas  fortune  chez  les  insulaires.  Un 
Islandais  a  donc  pris  la  peine  de  traduire  l'ouvrage  de  Gunnioeg  dans  la 
langue  du  pays,  d'y  ajouter  divers  traits ,  et  d'en  faire  une  saga  sem- 
blable à  toutes .  les  autres  qui  circuloient.  L'original  latin  du  moine 
Gunnioeg  a  été  perdu ,  et  la  traduction  libre  de  l'anonyme  islandais 
s'est  conservée;  il  en  existe  dans  les  bibliothèques  du  nord  plusieurs 
copies  plus  ou  moins  complètes.  L'une  a  servi  à  l'édition  qu'on  a 
donnée  de  cette  chronique  en  1689  à  Skalholt  en  Islande»  et  qui  est 
rare  dans  le  reste  de  l'Europe ,  comme  tous  lés  ouvrages  qui  sont 
sortis  des  presses  de  cette  île  reculée. 

La-Smiéié  dcs~aniiqualres  du  nord  a  cru  devoir  collationner  avec  soin 
les  copies  manuscrites  qui  existent  encore,  les  compléter  l'une  par 
l'autre,  et  publier  d'abord  un  texte  entier  et  correct.  Cette  édition 
a  paru  en  islandais  à  Copenhague  dans  les  années  1825  et  1827. 
Ensuite  elle  l'a  fait  traduire  en  latin  par  deux  Islandais  ;  en  sorte  que 
l'ouvrage  du  moine  Gunnfœg,  écrit  originairement  en  latin»  puis  traduit 
en  islandais ,  reparoi t  maintenant  dans  la  langue  des  Romains.  II  est 
évident  que  ce  dernier  travail»  inutile  pour  leshabitans  du  nord;  qui 
entendroient  plus  facilement  le  texte  islandais  que  la  traduction  latine, 
ne  peut  avoir  d'autre  but  que  de  mettre  les  étrangers  à  même  de 
connoître  l'ouvrage  du  moine  de  Thingseyn 

L'historien  du  joi  OlafTryggveson  a  composé  sa  saga  comme  on  les 
composoit  alors  toutes  en  Islande.  Rédigeant  son  ouvrage  en  prose, 
if  y  a  intercalé  une  foule  de  passages  tirés  des  poésies  des  scaldes.  II 
cite  leurs  vers  à  l'appui  de  ses  assertions,  comme  on  citeroit  des  documens 
authentiques  et  des  pièces  justificatives.  Quelque  étrange  que  puisse 
nous  parohre  ce  procédé ,  il  étoit  très-naturel  chez  les  Islandais.  Les 
scaldes  qui  se  trouvoient  à  la  cour  des  princes  et  des  iarls  ou  grands, 
improvisoient  des  vers  sur  les  événemens  remarquables  qui  se  passoient 
sous  leurs  yeux.  Leurs  inspirations  attestent  souvent  des  faits  contem- 
porains, et  sont  de  vrais  documens;  pour  les  temps  antérieurs  à  l'intro- 
duction du  .christianisme ,  ce  sont  même  les  seuls  documens  historiques 
que  l'on  possède,  et,  sous  ce  rapport,  ils  méritoient  encore  plus  que  sous 
celui  de  la  poésie  d'être  recueillis.  De  là  est  venu  Fusage  de  s'appuyer , 
dans  la  plupart  des  sagas  des  rois  du  nord ,  sur  les  fragmens  des  poésies 
de  'scaldes  contemporains.  Ces  citations  confirmoient  les  faits,  diver- 
sifioient  les  récits ,  et  entretenoient  les  lecteurs  islandais  de  leur  poésie 


390  JOURNAL  DES  SAVÀNS  , 

nationale..  On  conçoit  comment  œ  genre  mixte  a  p*  se  conserver  9  tant 
qu'on  a  continué  d'écrire  de%  sagas  sur  le  tègne  des  Irrfs  du  noitL 

Cependant  la  traduction  de  ces  passages,  qui  au  rçste  n'ont  générale- 
ment que  huit  à  douze  mers,  a  dû  beaucoup  embarrasser  ceux  qui  se  sont 
chargés  de  la  version  latine  de  l'histoire  d'Oiaf  Tryggveson,  On  ne 
peut  assimiler  la  poésie  islandaise  du  x.e  siècle  à  h  poésie  moderne. 
Son  plus  grand  mérite  consistait,  à  ce  qu'il  me  semble ,  à  renfermer  un 
fait  dans  un  petit  nombre  de  vers  et  en  peu  de  mots  aiwangés  avec  un 
certain  art  :  les  poètes  préféroient  les  mots  d'une  ou  deux  syllabes  ;  ils 
tenoient  beaucoup  à  l'assonance  des  consonnes  ;  ia  disposition  des  vers 
produisoit  une  sorte ,  je  ne  dis  pas  de  musique ,  car  eiJe  n'étoit  pas 
toujours  harmonieuse,  mais  de  poésie  imitative,  de  brait  et  même  de 
fracas,  qui  ne  manquoit  probablement  pas  son  effet  sur  les  auditeurs. 
Un  poète  inspiré  qui  faisoit  entendre  un  ctiqueii*  de.parolos  tout  en 
rappelant  d  une  manière  vive  et  énergique  un  fait  d'armes  ou  un  autre 
événement  arrivé  devant  ses  yeux,  devoit  exciter  un  intérêt  particulier 
chez  un  peuple  qui  ne  connoissoit  pas  la  poésie  harmonieuse.  La  seule 
ressemblance  frappante  entre  cette  poésie  otiginale  et  celle  de  l'antiquité 
classique,  se  réduit  à  l'usage  des  tropes  et  des  épithètes  :  sous  ce  rap- 
port chaque  scalde  avoit  la  hardiesse  d'un  Homère.  On  sait  que  Snorro 
Studeson,  dans  sa  compilation  de  l'Edda,  a  inséré  un  ouvrage  spécial  sur 
les  expressions  figurées  des  anciens  poètes  islandais  (i). 

Dans  les  fragmens  cités  par  le  moine  Gunnlœg,  on  en  trouve  égale- 
ment un  grand  nombre.  Le  combat  y  est  appelé  gnra  gardr,  tempête 
des  glaives;  le  navire  ou  bateau,  v/7/ur,  loup  de  mer,  ou  bien  sœrla  baer  t 
maison  du  pirate,  ou  bien  bakka-blakkr  et  utiblakkit  ekkils,  cheval  du 
pirate  ;  les  roches ,  jardar  Itggs,  os  de  la  terre  ;  le  cheval,  mafmfeta,  l'être 
aux  pieds  de  métal;  la  cuirasse,  baudstrkr,  vêtement  de  bataille;  la 
flèche,  almdros,  fille  de  l'arc  ;  les  guerriers  sont  désignés  sous  l'expression 
de  styrkir  rjodandr  dreyrgra  darra,  robusti  cruentarum  kastarum  rubt- 
factarts ,  et  sous  celle  de  vcrkendr  ktdlns  baugs  strkjar ,  hamatœ  loricœ 
tinc tores.  Les  scaldes  composoient,  comme  les  poètes  grecs,  des  mots 
pour  exprimer  les  épithètes  ;  ils  prenoient  avec  la  langue  islandaise  toutes 
les  licences  que  \t%  Hellènes  prenoient  avec  leur  idiome  souple  et 
harmonieux^ 

Aujourd'hui  ces  expressions  figurées ,  ces  mots  créés  dans  le  feu  de 
Tinspiration ,  sont  quelquefois  obscurs,  et  leurs  tropes  sont  devenus 


mm 


*  *  •  #  «  •  • 

(i)   K^'à'cë  sujet  l'ouvrage  instructif  de  P.  E.  Muller;  Saga-bibliothek, 
vol.  I  et  II, 


.    JUILLET  Jftîja  wi 

de*  énigmes  pour  la  poetérifté*  II  faut  une  sagacité'  peu  commune ,  par 
exemple,  pour  deviner  que  urgmr, lien  ( sous-entendu  des  lies  ) ,  et  ici/a 
braut,  chemin  de  pirate,  signifient  la  mer ,  et  que  sœrva  skyran ,  ciel  du 
pirate,  et  hjcerlaut,  sol  du  glaive*  indiquent  le  bdticlier.  La  concision 
extrême  de  leurs  vers  doit  souvent  faire  le  désespoir  de  leurs  traducteurs  ; 
aussi  trouve* t-on  des  passages  peu  intelligibles  en  latin,  et  qui  ne  sont 
guère  propres  à  donner  au  lecteur  étranger  à  Fidiome  islandais  une 
juste  idée  de  1  original ,  d'autant  plus  qu'il  a  fallu  employer  des  circon- 
locutions qui  rendent  cette  poésie  lourde  et  traînante.  J'en  citerai  deux 
exemples  :  en  parlant  de  la  victoire  du  roi  Hakon  sur  ses  ennemis ,  qu'il 
poursuivit  dans  l'intérieur  du  royaume,  le  moine  Gunntœg  (1)  transcrit 
un  passage  de  L'éloge  de  Hakon  par  le  scalde  Gutfaorm  Sindr.  Voici 
comment  ce  passage  est  rendu  par  tes  traducteurs  : 

~~   Hex  caruleam  nuis  viam 

Trivh  remis  sale  aspersis  ; 
IhelyHis  prfnceps  stravit  vbos 
Infirrea  Bellon*  proeetla  ; 
Deinde  pro  lubitu  pepulit  fugientes 
Sanguinolente  tycni  saturator, 
'•  Quajtssurarum  aspergines 
Ursi  tegunt  kabhaeula. 

Ils  sont  obligés  de  mettre  en  note:  Scnsus  àujus  sirop kœ  e$t:  Rex  navï- 
gatwne  perfuttftHS,  pugnam  commisit,  multhquc  hostium  cœsis,  reliquos 
tcrga  vertert  et  usque  ad  déserta  rejûgere  ço'cgit*  Le  mot  islandais  que  les 
traducteurs  ont  rendu  mal  à  propos  par  Bcllone  est  mistars-vifs  ; 
cependant  ils  sont  si  peu  sûrs  de  la  justesse  de  leur  version ,  qu'ils  font 
cette  remarque  conditionnelle.,  si  mist  pro  puffia  capitur,  mistar  vif 
erit  Bellona;  ce  seroit  tout  au  plus  femme  ou  divinité  du  combat  qu'il 
faudrait  mettre»  et  non  pai  Beliooe,  qui  étoit  inconnue  aux  Scandinaves. 
Mais  quelques  manuscrits,  au  lieu  de  mistarvifs  ont  mistar-nifir 9  couteau, 
du  combat  1  c'est  à-dire,  épée,  ce  qui  pourrait  bien  être  la  leçon 
véritable  Le  \m  traînant 

Stmgulrwltmi  cycni  $atwét*r, 

rend  les  deux  mots  islandais  hrafnrtns  s vangctihbr  :  encore  (es  traducteurs 
n'oitt-fls  pu  rendre  fe  sens  "figuré  dé  ktafitrinf  qui  exprime  le  sang  sous 
l'image  de  Wn  tm  boisson  dtt  corbeau. 

(1)  Tome  I,  chap.  xvji. 


39*  JOURNAL  DES  SÀVÂNS, 

-  Voici  maintenant  un  antre  fragment;  il  concerna  uq  combat  entre 
les  Norvégiens  et  les  pintes  de  la  forteresse  de  Jomsbourg  (  i  )  : 

Adhibuh  exercitys  manuum  robur, 
Acer  erat  gladiorum  tmpetusj 
Avidt  noxa  clyptorum 
Appttebat  gales  terrai. 
Cadebant  teli  numina;    . 
JVervo  volabant  excussœ  sagitte; 
Acutum  gladii  insonuere 
Teguminibus  sottdis. 

La  traduction  de  ce  passage  se  rapproche  plus  de  l'original  que 
celle  du  passage  précédent ,  et  elle  est  en  général  plus  claire;  cependant 
on  devineroit  difficilement  ce  que  signifie  i*expre»sfou  de  gaU*  urru*  > 
si  les  traducteurs  n'ajoutoient  en  note  que  le  poète  islandais  a  voulu 
désigner  par  la  terre  ou  le  sol  du  casque ,  la  tête  du  guerrier  qui  le 
porte.  Il  en  est  de  même  de  teli  numina,  qui  est  Téquivalent  ou  l'expres- 
sion poétique  de  milites. 

La  plupart  des  fragmens  poétiques  traduits  dans  cette  histoire  cTOiaf 
présentent  des  obscurités  semblables*  Mon  intention  n'est  point  de 
jeter  du  blâme  sur  la  traduction  en  général  :  les  traducteurs  ont  tenté 
u(ie  entreprise  oh  ils  ne  ppuvoient  réussir  complètement  ;  c'étoh  de 
rendre  dans  un  fdiome>  classique  une  poésie  obscure»  laconique  et 
hardie,  qui  ne  peut  être  sentie  et  goûtée  que  dans  l'original.  Je  voulois 
seulement  faire  voir  qu'on  ne  peut  juger  des  beautés  et  des  défauts  de 
cette  poésie  par  les  mots  latins  destinés  à  la  rendre  ;  il  faut  absolument 
recourir  au  texte  islandais  :  encore  y  a-t-il  de  grandes  difficultés  pour 
les  Islandais  mêmes»  comme  on  vient  de  voir,  et  comme  le  prouvent 
les  notes  grammaticales  ajoutées  par  les  traducteurs. 

Abordons  actuellement  la  partie  prosaïque ,  ou  Fhistofre  même 
cTOIaf  Tryggveson.  Trois  historiens  islandais  ont  écrit  la  vie  de  ce 
prince,  qui  a  dû  inspirer  les  scaldes ,  et  intéresser  vivement  les  habitans 
du  nord,  d'autant  plus  qu'avec  le  règne  de  ce  souverain  commence  une 
grande  époque  pour  les  Scandinaves,  celle  de  leur  conversion  au 
christianisme.  Snorro  Sturleson  a  compris  la  saga  cTOIaf  Tiyggveson 
dans  sa  série  de  sagas  royales ,  connues  sous  le  nom  de  heimskringla. 
Une  seconde  chronique  de  la  vie  du  même  prince  a  été  rédigée  par  un 

(i)  Tome  I ,  chap,  XC. 


JUILLftT  1S30,  jsrj, 

moine  islandais  nommé  Odde  ;  Reh*h  jelm  en  a  donpé  une  édkion  à 
Upsai  en  1691.  Enfin  Gunnkeg  est  venu,  après  ces  deux  historiens , 
écrire  la  vie  cTOIaf ,  non  pas  en  compilant ,  sans  jugement  et  sans 
choix ,  d'après  les  ouvrages  de  ses  prédécesseurs ,  comme  on  foisoit  fré- 
quemment à  cette  époque  dans  les  cloîtres  d'Europe ,  maris  en  puisant 
aux  sources  et  en  citant  scrupuleusement  ses  garans  :  ce  sont  ou  les 
poètes  du  temps,  ou  les  sagas  spéciales  rédigées,  également  par  des 
contemporains  ou  par  des  hommes  qui  ont  vécu  peu  de  temps  après  , 
et  qui  ont  pu  recueillir  de  la  bouche  des  vieillards  les  événemens  qui 
s'étaient  passés  dans  le  nord. 

Ce  n'est  pas  que  Gunnlœg  soit  exempt  de  préjugés,  et  que  chaque 
fait  qu'il  rapporte  soit  exactement  vrai.  I)  parie  souvent  (févénemens 
merveilleux  ;  il  attribue  beaucbup  de  miracles  au  roi  Olaf,  et  l'histoire 
de.  ce  prince,  tourne  quelquefois  à  ta  légende.  A  cet  égard,  Gunnlœg 
partageoit  les  àentimens  de  ses  contemporains,  qui  étoiènt  intimement 
convaincus  que  l'introduction  du  christianisme  dans  le  nord  s'étoit 
opérée  par  des  moyens  surnaturels,  et  que  les  premiers  chrétiens  parmi 
les  Scandinaves,  par  cela  seul  qu'ils  avoient  embrassé  la  religion  chré- 
tienne, avoient  été  doués  de  facultés  merveilleuses,  et  d'une  supériorité 
physique  et  morale  sur  leurs  compatriotes.  Gunnlœg  avôit  sans  doute 
trouvé  cette  opinion  accréditée  dans  les  sagas  qu'il  avoit  consultées  ;  il 
l'exprime,  parce  que  c'était  aussi  la  sienne  et  celle  de  toute  sa  nation. 
Elle  ne  doit  pas  nous  rendre  suspecte  sa  véracité  :  quand  il  erre ,  c'est 
de  bonne  foi ,  et  ce  n'est  sûrement  pas  lui  qui  a  inventé  l'événement 
merveilleux  par  lequel  il  termine  .son  histoire.  Olaf,  attaqué  paj  ses 
ennemis  sur  mer  et  assailli  &  coups  de  flèches,  est  obligé  de  céder  au 
nombre.  Son  historien  le  fait  disparaître  presque  comme  Romulus,  dans 
un  quage  ou  brouillard  éclatant ,  qui  le  dérobe  4  la  vue  de  ses  ennemis. 
H  paroît  qu'OIaf,  voyant  qu'il  ne  pouvoir  échapper ,  se  précipita  dans  h. 
mer;  on  n'a  du  moins  jamais  retrouvé  son  corps;  mais  ni  Gunalceg  ni 
les  autres  cénobites  ne  pouvoient  s'imaginer  qu'iin  prince  qui  avoit  tant 
fait  pour  le  christianisme,  pût  être  vaincu  par  ses  ennemis;  ils  supposoient 
sincèrement  que  le  ciel  l'avoir  dérobé  poor  toujours  à  ses  ennemis  les 
païens. 

L'histoire  de  l'introduction  du  christianisme  dajps  le  nord,  telle  qu'elle 
est  racontée  dans  la  chrorâque  du  riioinfcGrônldeg,  offre  des  traits  fort 
remarquables.  En  Norvège,  il  n'y  avoit  prçpqpé  pas  de  villes  ;  la  popu- 
lation étoit  disséminée  dans  les  campagnes»  tomme  elle  l'est  encore  Çfl 
partie  aujourd'hui;  presque  tout  le  Hioode  vivait  *n  paysan;  sur  les 
iCÔtes  seulement  habitaient  les  marchands,  les  pécheurs  #  les  marins. 

Odd 


}94  JOURNAL   D£S   SAVAN5. 

Dans  d'autres  états  de  l'Europe,  les  premiers  missionnaires  convertissaient 
ordinairement  le  peuple  en  masse;  ils  réussissoient  sur-tout  dans  les 
villes  :  une  population  agglomérée ,  qu'entraînoit  leur  éloquence  et 
qu'éclaifoit  soudain  la  lumière  de  l'éyangile ,  abjuroit  le  paganisme , 
et  embrassort  avec  ferveur  ta  doctrine  chrétienne,  à  moins  que  des 
persécutions  ne  forçassent  les  prédicateurs  ainsi  que  les  néophytes  à  tenir 
d'abord  leur  culte  secret  et  à  se  fortifier  dans  l'obscurité. 

Dans  le  nord,  oit  il  n'y  avoit  pas  de  population  concentrée,  l'entraîne- 
ment de  l'éloquence  ne  pouvoit  avoir  le  même  effet.  Au  x.€  siècle , 
lorsque  le  midi  de  l'Europe  étoit  chrétien  depuis  long-temps ,  la  religion 
du  Christ  n'étoit  encore  pratiquée  dans  le  nord  que  par  quelques  h^bitans. 
Les  missionnaires  n'avoient  pu  faire  de  progrès  chez  des  hommes  qu'il 
falloit  chercher  dans  les  iles  et  dans  les  bois.  L  évangile  ne  se  propageoit 
pas ,  et  l'effet  de  leurs  prédications«se  bornoit  à  une  île ,  un,  hameau. 
Lorsque  Olaf,  de  retour  en  Norvège  après  maintes  aventures,  eut  ressaisi 
le  sceptre  de  sa  famille,  il  résolut  de  répandre  dans  son  royaume  la 
religion  dans  laquelle  il  avoit  été  initié  à  l'étranger.  Je  crois  avoir  prouvé 
ailleurs  (  i  )  que  ce  roi  est  le  même  que  le  roi  Colan  ou  Olef,  dont  Robert 
Vace  (*)  raconte  le  baptême  solennel  reçu  dans  l'église  de  Rouen. 
Les  moines  islandais  Odde  et  Gunnkeg  s'accordent  à  dire ,  il  est  vrai , 
qu'OIaf  fut  baptisé  dans  le  monastère  d'une  des  îles  Sorlinguev  Peut- 
être  Olaf  a*t-il  renouvelé  sa  ptofession  de  foi  dans  un  de  ces  endroits; 
l'histoire  des  Normands  présente  de$  exemples  de  ce  renouvellement  de 
baptême ,  qui  leur  attirait  des  présens  et  des  honneurs ,  et  dont  ils  ne 
comprenaient  sûrement  pas  l'importance. 

Quoi  qu'il  en  soit,  devenu  roi  de  Norvège,  Olaf  déploya  un  zèle 
extraordinaire  à  rendre  les  Norvégiens  chrétiens,  II  fut  obligé  d'aller 
d'une  province  à  l'autre,  de  s'adresser  même  aux  grands  propriétaires 
individuellement  pour  les  engager  k  se  faire  baptiser,  employant  tour-à- 
tour  la  persuasion,  les  promesses  et  les  menaces.  L'histoire  de  ces  con- 
versions partielles  est  peut-être  la  partie  la  plus  curieuse  de  l'ouvrage 
du  moine  islandais,  parce  qu'elle  nous  révèle  une  foule  de  traits  de 
moeurs ,  et  met  en  scène  beaucoup  de  caractères  personnels  dont  les 
chroniques  ordinaires  ne  patient  guère.  C'est  ainsi  que  nous  voyons 
un  riche  paysan  qui  repousse  le  baptême,  parce  qu'il  est  très-attaché  à 
un  beau  sanctuaire  qu'il  a  fait  élever,  auprès  de  sa  ferme,  aux  diçux  de 
Podinisme.  Olaf  ne  peut  gagner  ce  paysan  pour  le  christianisme  qu'en 

)ire  des  expéditions 


JUILLET  1836.         '  39* 

lui  promettant  de  laisser  intact  son  monument  sacré  (t).  Un  autre  riche 
Norvégien  refuse  obstinément  de  se  faire  chrétien,  en  déclarant  que' ses 
parens ,  d'après  l'avis  d'un  magicien  finnois ,  l'ont  voué  dans  son  enfance 
au  culte  cTOdin  et  de  Thor,  et  qufH  veut  mourir  dans  cette  religion.  Le 
roi  le  fit  expirer  dans  des  tourmens  cruels  (2). 

Des  courtisans,  même  des  scaldes,  sont  envoyés  par  le  prince  auprès  dés 
riches  paysans  pour  leur  faire  adopter  la  foi  chrétienne.  Quelques-uns , 
sur  feur  refus,  sont  amenés  de  force  à  la  cour  iTOIaf ,  et  là  ils  cèdent, 
pour  la  plupart,  aux  insinuations  ou  aux  menaces.  Sigmund,  un  de  ces 
courtisans ,  est  envoyé  aux  îles  Faroer.  Arrivé  à  Stromsey ,  il  expose  le 
but  de  sa  mission  aux  insulaires  rassemblés*  Thrand,  l'un  (feux ,  lui  ré- 
pond que  le  peuple  va  délibérer  sur  sa  proposition;  il  se  retire  avec  les 
autres  insulaires;  puis  il  vient  déclarer  à  Sigmund  qu'on  veut  rester 
pqj*ny  pt  qno  ÇSgtmmJ  lîiqui^Pity-mis  à 'mort,  s'il  ne  quitte  à  l'instant 
ces  îles.  A  quelque  temps  de  là,  celui-ci  surprend  Thrand ,  et  lui  dé- 
clare à  son  tour  qu'on  va  le  mettre  à  mort,  s'il  ne  se  fait  sur-le-champ 
chrétien: Thrand  cède  à  la  menace,  fet  depuis  lors  le  christianisme  s'in- 
troduit dans  l'archipel  des  Faroer  13). 

Olaf  lui-même  se  présenta  plusieurs  fois  dans  ces  assemblées  popu- 
laires ,  connues  sous  le  nom  de  things ,  mot  que  les  traductions  n'ont 
pu  rendre ,  à  ce  qu'il  paroi  t ,  que  par  l'expression  romaine  de  comhia. 
Il  harangua  le  peuple  pour  le  déterminer  à  abjurer  ie  paganisme.  Dans 
ces  réunions  publiques,  la  proposition  du  roi  fut  toujours  mise  en  dé- 
libération comme  une  affaire  législative.  Au  fhihg  qui  fut  tenu  à  Froste, 
et  auquel  s'étoient  rendus  une  foulé  de  Norvégiens ,  on  déclara  au  prince 
que,  s'il  persistoit  dans  son  dessein  de  changer  ta  religion  des  habi- 
tans ,  on  l'abandonnerait  avec  le  même  empressement  qu'on  avoît  mis 
à  l'élever  sur  le  trône.  Dans  la  ThrontBe  où  lé  pays  de  Drontheîm ,  ou 
le  roi  avoit  convoqué  le  peuple  pour  lut  faire  la  même  proposition  ; 
les  paysans  vinrent  tous  munis  d'armes ,  et  accueillirent  avec  des  cris 
effrayans  la  harangue  d'Ôlaf.  l/n  paysan  nommé  Fârnsksegg  lui  fît  une 
longue  réponse,  au  nom  de  tous  les  assistans.  Ce  paysan  fut  assassiné 
quelque  temps  après  pat  ordre  d'Olaf,  qui  fit  en  mèirie  temps  abattn? 
les  idoles ,  et  força  les  habitans  par  la  terreur  à  embrasser  la  nouvelle 
religion.  Cependant  la  famille  dûpaysah  demanda  satisfaction  du  meur- 
tre commis  sur  sa  personne  :  Olaf,  malgré  sa  puissante ,  est  obligé  d'en- 
trer en  composition  devant  un  ikfng  judiciahfe,  selon  lés  anciennes 

(1)  Tome  II,  chop.  *o%,  ^(i)  j\>ine  II,  chdp.  204.  ~fyj  Toinè  //< 
ehap.  ipo,  '  V 

odd  x 


#  • 


l96  JOURNAL  DES  SÂVANS, 

couturées  de  PEurope  et  de  l'Orient ,  d'après  lesquelles  \m  meurtre 
s'expioit  par  une  composition  en  argent.  Cependant  cette  fois  il  fut  plus 
difficile  d'en  venir  à  un  accord,  peut-être  parce  que  Farnskaegg  avoit 
été  considéré  comme  l'organe  des  .Norvégiens  assemblés  au  thing  de 
Drontheim.  Pour  apaiser  le  ressentiment  de  la  famille  offensée,  le  roi 
se  décida  enfin  à  épouser  la  fille  de  Farnsksegg.  Mais  ce  mariage,  qui 
dévoit  faire  oublier  un  aime,  faillit  en  produire  un  second:  la  nuit 
après  les  noces,  Gudrun,  encore  toute  agitée  du  meurtre  commis  sur  son 
père,  tira  un  poignard,  et  voulut  immoler  à  sa  vengeance  le  roi  devenu 
son  époux;  voyant  son  projet  manqué ,  elle  se  sauva  du  palais  cFOIaf  (  i  ) . 
Le  livre  du  moine  islandais  est  rempli  d'aventures  de  ce  genre ,  qui  se 
mêlent  plus  ou.  moins  directement  à  l'histoire  des  progrès  du  christia- 
nisme en  Norvège.  * 

Quelques-unes  de  ces  aventures  prouvent  dam  quelle  idolâtrie  gros- 
sière étoit  tombé  le  paganisme  en  Scandinavie ,  losque  Ofatf  entreprit  d'y 
répandre  la  religion  chrétienne.  On  attribuoftà  des  femmes  figées  le 
don  de  la  prophétie;  on  croyoit  que  les  idoles  partaient  ;  et  le  moine  is- 
landais rapporte  des  dialogues  entre  elles  et  les  paysans  qui  leur  avoient 
fait  construire  des  autels.  Un  Norvégien ,  obligé  de  s'exiler  de  sa  patrie , 
se  réfugia  en  Suède  :  là  il  trouve  un  asile  dans  le  temple  du  dieu  Freyr  9 
au  culte  duquel  s'étoit  vouée  une  jeune  prêtresse  ;  le  Norvégien  captive 
l'affection  de  cette  prêtresse;  il  fait  le  rôle  du  dieu  Freyr  ;  le  peuple  croit 
que  ce  dieu  est  venu  habiter  en  personne  le  temple,  et  lui  porte  de 
riches  offrandes.  A  la  fin ,  ne  pouvant  plus  cacher  la  suite  de  leur  union 
clandestine ,  les  deux  amans  s'enfuient  avec  les  offrandes;  ils  viennent  à 
la  cour  d'OIaf ,  et  abjurent  l'idolâtrie  (a). 

On  lit  aussi  avec  intérêt  les  détails  que  Gunnlœg  donne  sur  l'intro- 
duction du  christianisme  dans  l'Islande.  Cette  île  avoit  de$  relations 
constantes  avec  ia  Norvège  ;  sans  cesse  les  marchands  de  l'un  de  ces 
pays  fréquentoient  les  ports  de  l'autre.  Olaf  ne  négligea  aucune  occa- 
sion d'éteindre  le  paganisme  chez  les  Islandais  ;  il  faisoit  appeler  auprès 
4e  lui  les  insulaires  que  le  commerce  amenoit  en  Norvège  ;  iLenvoyoit 
des  émissaires  en  Islande.  Les  premiers  laïques  qu'il  chargea  de  cette  mis- 
sion ne  furent  guère  propres  à  réussir.  Deux  Isfcndais  firent  des  vers  sa- 
tiriques sur  un  de  ces  émissaires  ;  H  s'en  vengea  en  tuant  les  deux  poètes , 
ce  qui  n*  pou  voit  qu'exaspérer  tous  les  habitans  de  lfle  (3).  Ce  n'est 
pas,  au  reste,  le  seul  exemple  que  cite  notre  historien  du  goût  des  ls- 

Vi)  Tom*  Jl,  chap.  #tf ft -*- (2)  Tpm*  II,  çhap.  i?j.  —  (3)  Terne  I, 
chip.  ijéf. 


JUILLET.  1:8)0.  397 

landais  pour  la  satire.  II  raconte  dans  up  autre  endroit  que  le  roi  de 
Danemark  ayant  saisi  un  navire  islandais ,  sous  le  prétexte  du  droit  de 
bris  et  naufrage,  les  insulaires  firent  sur  ceprinçe  dés  ver?  satiriques 
qui  le  courroucèrent  appoint  qu'il  voulut  tenter  une  expédition  hostile 
contre  leur  île  (  i  ).   • 

Après  plusieurs  tentatives  plus  ou  moins  heureuses ,  Olaf  réussit 
enfin  à  disposer  la  multitude,  en.lslandq,  à  l'acceptation  du  baptême. 
Gunnlœg  (a)  rapporte  9  comme  d'autres  historiens  du  pays ,  la  fanjeuse 
délibération  du  thing  d'Islande,  par  laquelle  il  fut  résolu  de  recevoir  la 
religion  chrétienne  dans  l'île ,  mais  sous  des  restrictions  remarquables. 
Potr  ménager  {attachement  du  peuple  à  des  usages  et  des  préjugés  an- 
ciens et  invétérés ,  il  fut  convenu  solennellement,  dans  le  thing,  que  Ion 
pourroit  continuer  en  secret  de  rendre  un  culte  aux  idoles  Scandinaves, 
de  manger  de  la  chair  de  cheval,  et  d'exposer  les  enfans  nouveau-nés  que 
(es  parens  craignoient  de  ne  pouvoir  élever.- De  ces  trois  réserves,  qui 
au  reste  tombèrent  d'elles-mêmes  quand  l'esprit  du  christianisme  eut 
pénétré  dans  la  nation ,  la  dernière  étoit  sans  doute  la  plus  barbare ,  et 
il  fàlloit  que  cette  exposition  des  enfàps  fût  généralement  regardée 
comrile  une  triste  nécessité ,  pour  qu'on  pût  en  proposer  le  maintien  au 
moment  même  où  l'on  adoptoit  une  religion  qui  considère  l'infanticide 
comme  un  des  plus  grands  crimes.  Ce  n'est  pas  ainsi  que  l'on  procéda 
en  Prusse,  lorsque  les  chevaliers  de  l'ordre  teutonique  parvinrent,  par 
le  succès  de  leurs  armes,  à  renverser  le  culte  des  idoles,  et  à  introduire 
la  religion  chrétienne  par  un  traité  également  solennel;  il  fut  expressé- 
ment stipulé ,  dans  cet  acte ,  qu'à  l'avenir  il  ne  serait  plus  permis  d'ex- 
poser fes  enfans  (}).  Quant  à  l'usage  de  se  nourrir  de  chair  de  che- 
val, il  n'é  toit- odieux,  à  ce  qu'il  paraît,  aux  premiers  chrétiens  dans  le 
nord,  que  parce  que  les  Scandinaves  offraient  cette  chair  en  sacrifice  à 
leurs  dieux ,  et  s'en  régaloient  dans  leurs  festins  religieux ,  sur-tput  dans 
les  grandes  fêtes  de  juul,  an  solstice  d'hiver.  Lorsque,  au  x.e  siècle  Y 
O thon f. empereur  d'Allemagne,  envahit  le  Danemark  pour  forcer  les 
habitans  à  abjurer  le  paganisme,  son  armée  manquant  de  vivres  s* 
trouva  dans  une  position  critique;  dans  le  conseil  qu'il  convoqua,  on 
proposa ,  ou  de  se  retirer  prompteraent ,  ou  de  soutenir  l'armée  en  abat- 
tant les  chevaux.  Ce  dernier  avis  fut  rejeté  par  le  prince  :  His  €onslllls9 
dit-il,  selon  Gunnlœg  (4'  grau  subist  piaçulum ,  nam  equinâ  vesci,  magna 
ckrUtiana  rcligionis  noUntla  ut  ils  qui  allô  modo  ritam  tolcrarc  possumt. 

(i>  Tome  Ij  ckap.  fy— (a)  tome  11,  chap.ng.  —  Voy.  cet  acte  dans  le 
tome  II  de  Voigt ,  Gachichu  von  Petits**,  pag.  628.  —  (4)  Tomei,  cbap.f. 


»*  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

Cependant  cet  usage,  proscrit  d'abord,   a  survécu  au  paganisme, 
dans  lequel  il  *  pris  naissance. 

Parmi  les  traits  intéresyuis  disséminés  dans  Pouvrage  du  moine  is- 
landais, je  citerai  encore  une  anecdctçjp*^e  retrouve  en  plusieurs  en* 
droits  des  sagas  islandaises,  appliquée  à  divers  pefsonnages  et  h  divers 
temps  s  c'est  ïa  même  qu'on  raconte  de  Guillaume  Tell.  Ici  elle  est  pré- 
sentée avec  des  accessoires  particuliers.  Le  roi  Olaf ,  se  trouvant  chez  un 
propriétaire  norvégien  nommé  Eindrid  qu'il  veut  convertir  au  christia- 
nisme, lutte  de  force  et  d'adresse  jfvec  Iiii,  et  cherche  à  le  vaincre  dans 
tous  les  exercices  du  corps.  Voyant  un  enfant  d'une  grande  beauté, 
fit»  de  la  sœur  «TEindrid,  il  propose  au  païen  de  prendre  cet  enfant  j&ur 
servir  de  but  à  leur  jeu  de  tir;  H  fait  couvrir  la  tète  de  l'enfant  d'un 
drap,  dont  les  bouts  sont  tenus  par  deux  hommes,  puis  H  fait  placer 
sur  le  drap  up  dé  à  jouer,  et  il  propose  k  Eindrid  d'essayer,  chacun  à 
sotx  tour ,  d'abattre  ce  dé.  Le  Norvégien ,  vivement  ému ,  jure  en  se- 
cret de  se  venger  si  le  roi  tue  l'enfant.  Cependant  Olaf  abat  le  dé ,  ou 
plutôt  la  flèche  passe  entre  le  drap  et  le  dé;  il  engage  ensuite  Eindrid  h 
faire  également  preuve  d'adresse.  Les  femmes  le  Suppliant  de  leur  c$té 
de  ne  pas  risquer  une  entreprise  aussi  périlleuse ,  Eindrid  s'excuse  en 
effet  auprès  du  roi  de  ne  pouvoir  lutter  cette  fois  d'adresse  avec  lui  (  i  ) , 
'  On  pomroit  extraire  de  l'ouvrage  du. moine  islandais  beaucoup  de 
traits  de  moeurs  curieux.  On  y  voit  que  le  commercemaritime  étoit  assez 
actif,  au  X-'  siècle,  entre  l'Islande  et  la  Norvège.  II  est  fait  mention  de 
la  pèche  du  hareng;  on  cite  des  marchands  qui  étendoient  leurs  spécu- 
lations en  Angleterre,  en  Russie,  et  même  dans  l'empire  grec,  jusqu'à 
Constantinople  (2).  Les  rois  et  les  i^r/rfàisoient  élever  leurs  enfims  chez 
leurs  paysans,  Comme  aujourd'hui,  dans  le  Caucase ,  les  princes  envoient 
leurs  fils  nouveau-nés  chez  leurs  vassaux  (3).  La  rudesse  des  moeurs 
s'aliioit  avec  l'amour  de  la  poésie.  Chez  les  Islandais ,  la  faculté  de  faire 
des  vers  étoit  pour  ainsi  dire  innée.  Ingolf,  omnium  in  iis  tractibusformo* 
sissimuj ,  comme  dit  Gunnlcrg  (4)>  est  accusé  et  mis  à  Parifcnde  dans 
un  thirtg  pour  avoir  fait  une  satire  en  vers  contre  une  jeune  fille ,  Val *- 
garde ,  quSl  âvoit  courtisée  ;  et  le  frère  de  cette  Valgarde  fut  un  poète 
fameux ,  sous  le  nom  cTHalfrod ,  qui  se  rendit  à  la  cour  de  Hakon  en 
Norvège,  pour  lur  réciter  un  poème  fait  en  son  honneur  (  j).  Le  prince 
trtftit  si  charmé ,  qui!  donna  au  scalde  de  beaux  vètemens ,  et  une  hache 


*■ 


(1)'  Tomt  II,  çhap.  2jj.  —  (2).  Tome  II s  chap.  ip.. — .(3)  Klaproth, 
fiehen  in  don  Kàuhdsus;  Berlin,  18 12,  tome  I.  —  (4)  Tome  If,  chap.  /j-f 
-**(5)  Mdotn. 


JUILLET  i&$0.  J9* 

de  combat  omée  .d'argent.  Le  moine  islandais  cite  souvent  des  vers  de 
cetHalfrod,  qu'on  sumommoit  Je  poëte  difficile ,  parce  qu'il  n'é toit  .pas 
{usé  de  le  satisfaire.  On.  voit  le  même  poète ,  dans  le  cours  de  l'histoire 
d*OIaf,  équiper  un  navire ,  «'enrichir  par  la  poésie,  et  probablement 
aussi  par  le  commerce ,  se  charger  de  missions  diplomatiques  pour  le 
roi ,  &c  La  qualité  de  poète  habile  étoit  alors  un  titre  pour  parvenir  awt 
plus  grands  honneurs.  La  barbarie  des  moeurs  perçoit  k  tout  moment 
chez  les  Scandinaves  7  cependant  ils  expient  sensibles  aux  charmes  de 
l'inspiration  poétique ,  et  la  $»nité  des  grands  pâyoit  généreusement 
les  éloges  qui  leur  étoient  prodigués  par  les  improvisateurs  de  leur 
cour(i);  DEPPING. 


^MtalilHItaÉMi 


/)fî  irrfTfîtfhtrwttir  irr  nr  ru  RAISON  :  Introduction  À  î étude 
de  la  philosophie,  par  M.  Thutot9m  professeur  au  collège 
royal  de  France  (  membre  de  ï Institut*  Académie  des  inscriptions 
et  belles-lettres).  Paris,  impr.  de  Pochard,  librairie  d'Aimé 
André,  1 830 ,  2  vol  w-&*9  cxx  et  333  ,  vij  et  463  pages. 

SECOND   ARTICLE» 

M.  Thurot  distribue,  sous  les  trots  titres  de  Connaissance  Science  et 
Volonté ,  les  notions  idéologiques  auxquelles  il  donne  le  nom  défaits 
de  {'ENTENDEMENT. Nous  avons  essayé,  dans  un  premier  article,  de 
faire  connoître  la  première  de  ces  trois  classes  de  phénomènes.  Nous 
devons  exposer  maintenant  comment  l'auteur  a  conçu  les  deux  antres» 

Généraliser  les  perceptions  particulières ,  considérer  abstraitement  les 
éfémens,  Jes  qiplités ,  les  rapports ,  c'est-à  dire ,  les  séparer  des  objets  oit 
ils  ont  été  aperçus;  embrasser' de  longues  séries  de  causes  et  d'effets; 
reconnaître  ou  établir  l'enchaînement  des  faits  et  les  réduire  en  système  : 
tels  sont  les  dévefoppemens  de  l'intelligence  humaine,  auxquels  le  nom 
de  science  est  appliqué.  L'instrument  de  ce  vaste  progrès  est  !%t  des 
signes,  et  surtout  des  sons  articulés  ou  du  langage;  sans  cet  art,  il  n'y 
aurott  eu  ni  analyse  ni  synthèse  :  c'est  par  lui  que  l'esprit  humain  a  pu* 
d'une  part ,  décomposer  tes  objets  extérieurs  et  les  faits  intellectuels  »  les' 
examiner  et  les  décrire  avec  une  précision  rigoureuse;  de  l'autre,  les 


«Mi 


(1)  Le  troisième  et  dernier  volume  de  la  Saga  d*OIaf  a  paru  en  1829:  H 
contient  plusieurs  pièces  relatives  à  cette  Saga»  entre  autres  «a  poëtac  dm 
scalde  luUaraema  «a  rhenaeur  d'OUC 


4oo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

contempler  dans  teiir  ensemble,  et  s'élever  à  de  irès-haiits  degrés  de  gé- 
néralisation. M.  Thurot  recherche  donc  les  causes  du  tangage;  i!  les 
trouve  dan>  1  organisation  de  l'homme  et  dans  la  nature  de  notre  rntel- 
ligence.  Il  remonte  a  fa  détermination  instinctive  qui  nous  a  entraînés 
a  créer  ce  moyen  de  communication  avec  nos  semblables,  ou  à  concourir 
avec  eux  à  cette  création.  Il  apprécie  la  valeur  des  mots  qui  expriment  des 
idées  ou  individuelles,  ou  particulières,  ou  générales;  il  expose  comment 
se  succèdent  dans  l'esprit  de  celui  qui  lit  ou  qui  écoute,  des  opération* 
qui  correspondent  plus  ou  moins  exactement  à  celles  tjui  ont  eu  lieu 
dan*  l'esprit  de  celui  qui  a  écrit  ou  qui  parle.  Envisageant  ensuite  la  to- 
talité des  mots  qui  composent  une  langue  tant  soit  peu  perfectionnée  , 
il  analyse  la  proposition;  il  explique  comment  un  ensemble  de  pro- 
positions exprime  une  pensée,  un  résultat  général ,  et , en  quelque  sorte, 
un  fait  unique  de  l'entendement.  Cet  e*nmeti  eattaîn*  relui  des  espèces 
de  mots,  et  des  modifications  qu'ils  subissent  pour  devenir  propres  à 
l'expression  précise  et  complète  de  la  pensée.  C'est  un  précis  très-mé- 
thodique et  très-précis  de  la  grammaire  universelle,  c'est-à-dire,  de  la 
science  des  causes  de  la  grammaire  particulière  de  chaque  idiome.  On  y 
reconnoît  l'habile  écrivain  qui ,  en  1 796 ,  tradutsoit  l'Hermès  de  Jacques 
Harris ,  et  y  ajoutoit  de  savantes  remarques  :  on  voïtbien  qu'il  n'a  jamais 
cessé  de  cultiver  cette  branche  éininente  des  études  philosophiques  et 
littéraires. 

Après  avoir  considéré  les  relations  et  les  fonctions  des  mots  dans 
la  proposition  et  dans  les  suites  de  propositions,  i!  en  examine  quelques- 
uns  en  eux-mêmes,  dans  leurs  significations  propres,  ou  ,  pour  ainsi 
dire ,  objectives  ;  il  recherche  a  quelles  notions  ou  conceptions  répondent 
les  mots  les  plus  abstraits  du  langage,  tels  qu'étendue,  espace  et  durée, 
temps  et  lieu;  unité,  nombre;  cause,  effet,  substance,  essence,  esprit,, 
inaltéré,  individu,  personne;  infini,  absolu,  &c.  :  genre  d'instruction 
qui  reprend  ici  son  importance  et  sa  réalité,  si  peu  sensibles  dans  les 
anciens  traités  d'ontologie.  On  vient  de  voir  que  AI.  Thurot  emploie 
les  mois  de  notions  et  de  conceptions  ;  nous  devons  dire  quel  sens  il 
y  attache.  Les  notions  sont  les  collections  ou  sommes  d'idées  associées  , 
et  exprimées  par  des  termes  abstraits  ou  généraux.  Une  conception  ré- 
sulte de  l'assemblage  de  plusieurs  de  ces  termes:  c'est  l'intuition  d'un 
rapport  entre  des  notions.  Les  intuitions  de  cette  nature  n'appartiennent 
qu'a  la  science,  et  sont,  par  conséquent,  des  faits  intellectuels  très-_ 
distincts  des  intuitions  immédiates,  qui  n'aboutissent,  comme  nous 
l'avons  vu,  qu'à  la  simple  connaissance, 

La  deuxième  section  de  l'ouvrage  se  termine  par  des  réflexions,  à 


.,   JUILLET  1830.   ;     :.  4oi 

notre  a  via,  fort  judicieuses  ,>ur  l'abus  des"  mots  dans  les  questions  inac- 
cessibles à  notre  entendement»  sur  le  néologisme,  des  métaphysiciens 
allemands,  et  sur  les  déclamations  passionnées  qu'on  .a  quelquefois 
substituées  aux  discussions  philosophiques.  Si  nous  en  croyons  i  au-? 
leur,  les  mouvemens  oratoires»  les  expressions  emphatiques,  les  mé- 
taphores brillantes»  sont  des  omemeas  tout -3t- fait  déplacés  et  de 
mauvais  goût  en  de  pareilles  matières.  Il  est  certain  qu'il  les  a  traitées 
lui-même  sans  jamais  recourir  à  ces  artifiqps»  mais  avec  autant  d'été* 
gance  et  d'urbanité  que  d^sagacité  et  de  profondeur.  Il  n'approuve 
point  le  terme  de  sensualisme,  d'abord  parce  qu'il  ne  le  croit  pas  fran- 
çais »  puis  parce  qu'il  le  juge  inapplicable  aux  doctrines  qu'on  a  voulu 
désigner  par  une  dénomination  si  étrange.  Il  paroît  qu'on  l'a  quelquefois 
traduite  par  théorie  abjecte  de  la  sensation;  et  cette  paraphrase  est  encore 
au  nombre  des  expressions  que  M.  Thurot  n'admet  point  dans  le  langage 
de  là  véritable  philosophie.  Il  patoît  aussf  qtfoh  a  partagé  les  philosophes 
d'une  époque  toute  récente  en  éclectiques»  théologiens  et  sensualités; 
l'auteur  n'approuve  pas  non  plus  ces.  catégories»  qui»  selon  lui»  ré* 
pondent  fort  mal  aux  caractères  positifs  des  doctrines»  ef  ne  présentent 
qu'une  énumération  incomplète  et  inexacte.  Mais  il  devrait  songer  qtfk 
toute  époque  les  controverses  métaphysiques  ont  amené  de  semblables 
écarts.  II  en  connoît  trop  bien  l'histoire  et  les  causes»  pour  que  l'habitude 
qu'il  a  contractée,  de  s'en  préserver  l'autorise  à  les  trouver  étonnans; 
ils  sont  au  nombre  des  phénomènes  intellectuels  les  plus  ordinaires  parmi 
ceux  qu'il  a  compris  sous  le  titre  de  science. 

La  troisième  section  est»  ainsi  que  nous  l'avons  dit»  consacrée  à  la 
volonté.  Cette  faculté,  et  celles  qui  lui  sont  subordonnées»  se  sont. déjà, 
présentées  comme  devant  concourir  à  la  production  de  la  corraoissance: 
fauteur  s'est  réservé  de  les  décrire  ici  beaucoup  plus  au  long.  L'atten- 
tion, qui  a  lieu  toutes  les  fois  que  nous  avons  conscience  (Tune  idée»  d'un 
fait  quelconque  de  notre  esprit»  prend  différens  noms»  selon  les  emplois 
que  nous  en  pouvons  faire  :  elle  s'appelle  contemplation  »  lorsqu'elle  s'ar- 
rête sur  un  ensemble  d'objets  plus  ou  mbinft  considérable,  ou  même  sur . 
quelque  objet  isolé  ;  considération  »  lorsqu'elle  s'attache  à  un  groupe 
d'objets  ou  d'idées  faisant  partie  d'un  système  plus  étendu  ;  méditation  »' 
quand»  passant  d'une  idée  ou  d'un  objet  à  un  autre  dans  un  même 
groupe  ou  dans fe  même  système»  *Ile en  reconrtoît  la  liaison  et  les  rap* 
ports  divers;  observation  »  lorsqu'elle  s'applique  eux  objets  du  monde 
extérieur,  aux  fkits  <JeJa  nature  physique;  réflexion,  s'il  s'agit  des 
de  l'ordre  intellectuel  ou  moral.  Peut-être  y  auroit-ii  lifu  de 
quelques-unes,  cfe  ces  définition*,    -, 

fiPP 


♦-.•  1 1- 


4oi  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Quintilien  a  représenté  h  mémoire  comme  Tarne  ou  II  vie  de 
toutes  nos  autres  facultés ,  et  le  lien  qui  en  unit  toutes  les  oj^érations. 
Cependant  M*  Thupot  avoue  que  nous  ne  savons  pas  du  tout  quelle* 
sont  les  causes  de  nos  souvenirSsJ&Mtr  ne  voyons  pas  plus  pourquoi 
certaines  modifications  de  nos  .pensées  nous  attestent  des  faits  arrivés 
depuis  Ion  g- temps,  que  nous -ne  concevons  pourquoi  d'autres  modifi- 
cations ne  pourraient  pas  nous  donner  la  connoissance  anticipée  des 
faits  &  venir.  Toujours  eat*éf  prouvé  par  l'expérience  qu'un  certain  état 
de  notre  organisation  est  une  condition  néftssaire  il  l'exercice  régulier 
et  au  développement  de  cette  faculté.  D  une  autre  part ,  il  est  reconnu 
que  c'est  par  la  liaison  ou  l'association  des  idées  que  la  mémoire  étend 
sa  puissance*  L'imagination  survient,  qui  dispose  à  notre  gré  de  ces 
associations  d'idées  ou  de  plusieurs  de  leurs  parties ,  pour  en  faire  des 
combinaisons  dont  le  nombre  et  la  variété  sont  inépuisables.  Son 
domaine  n'est  pas  borné  a  la  poésie ,  à  l'éloquence ,  aux  beaux  arts  * 
elle  peut  rendre  .aux  sciences  <féminens* services,  élever  l'homme  à 
Jft  plus  haute  énergie  morale,  imprimer  k  la  vertu  un  caractère 
héroïque,  et  fournir  de  précieuses  lumières  pour  la  conduite  de  la 
vie.  Mais,  après  avoir  exposé  comment  on  peut  lui  devoir  de  tels  bien- 
faits, Pauteur  est  contraint  d'avouer  qu'elle  est,  chez  la  plupart  des 
hommes,  une  source  d'erreurs  dangereuses ,  et  quelquefois  des  plus  dé- 
plorables égaremens. 

Ce  ne  seroit  pas  çonnottre  assez  la  volonté  que  de  considérer  seule- 
ment faction  qu'elle  exerce  sur  d'autres  facultés  de  notre  intelligence  ; 
il  faut  sur-tout  remonter  aux  causes  qui  la  mettent  elle-même  en  mouve- 
ment :  ce  sont  les  sentiment,  c'est-à-dire,  les  affections  agréables  ou 
pénibles.  Porté  au  plus  haut  degré  d'exaltation  ou  de  vivacité ,  le  senti- 
ment prend  le  caractère  et  le  nom  de  passion  ;  véritable  état  de  souffrance, 
où  un  seul  objet  occupe  exclusivement  f esprit  et  devient  sa  pensée 
dominante.  Sous  le  rapport  de  leurs  objets  ou  de  leurs  sources ,  les  sen- 
timent se  divisent  en  trois  ordres,  que  distinguent  les  qualifications  de 
physiques  ou  organiques,  <f intellectuels ,  et  de  moraux.  Mais  si  l'on  ne 
veut  avoir  égard  qu'à  leurs  directions,  on  les  peut  réduire  &  deux  classes, 
selon  qu'ils  seront  ou  purement  personnefs ,  ou  sympathiques.  Les  pre- 
miers se  masquent  souvent  sous  l'apparence  des  seconds  ;  mais  que  la 
prédominance  de  ceux«ci  soit  la  cause  de  toutes  les  actions  vertueuses ,  et 
que  la  prédominance  des  aentimens  personnels  soit  le  caractère  à-peu  près 
constant  des  Jetions  qui  ne  le  sont  pas,  c'est  un  des  grands  résultat!  des 
recherches  dé  M.  Thurot,  et  celui  qu'il  s'est  le  plus  appliqué  à  déve- 
lopper. Il  y  rattache  la  théorie  morale  qui  a  pour  objets»  duac&é,  fhu- 


JUILLET  1830.  4oj 

manité,  la  justice,  l'honneur;  de  Fautrè,  les  désirs  immodérés  de* 
richesses»  du  pouvoir,  de  la  renommée,  l'orgueil,  la  vanité,  l'hypo- 
crisie. .    . 

II  établit  ensuite,  comme  faisant  partie  de  la  constitution  de  l'enten- 
dement humain,  une  faculté  de  perception  morale  qui  se  développe 
après  ou  avec  celle  de  parler  ou  de  se  mettre  en  communauté  d'idées 
•avec  ses  semblables.  Les  phénomènes  de  cette  perception  morale  lui 
paroissent  avoir  une  analogie  remarquable  avec  ceux  de  la  perception 
des  objets  extérieurs,  produite  ou  suggérée  parles  sensations.  Les  senti- 
mens  qui  nous  affectent  quand  nous  sommes  les  témoins  ou  les  auteurs 
des  actions  utile^m  nuisibles  aux  autres  hommes,  peuvent  souvent 
passer  inaperçus;  mais  la  réflexion  constate  leur  existence;  et  d'ailleurs, 
la  plus  légère  attention  stft  nous-mêmes  suffit  pour  nous  apprendre  que 
les  sentiment  gymp«thgqucj  qui  noue  associent  aux  peines  ou  aux  plaisirs 
d'autrui,  déterminent  nos  jugemens  sur  les  actions  qui  causent  ces  plaisirs 
et  ces  peines ,  et  sur  les  personnes  à  qui  ces  actions  peuvent  être  impu- 
tées. De  là  vient  la  perception  de  la  qualité  bonne  ou  mauvaise  des 
actions r  du  mérite  on  du  démérite  des  agens;  de  là,  en  un  mot,  la 
perception  morale.  Cette  importante  analyse,  à  laquelle  Fauteur  a  donné 
une  grande  étendue,  est  terminée  par  des  éclaircissémens  sur  la  liberté 
morale  et  le  libre  arbitre. 

Dans  l'avant -dernier  chapitre  de  cette  section,  M.  Thurot  expose- 
comment  les  sentiment  religieux ,  primitivement  instinctifs,  sont  déve- 
loppés et  confirmés  par  l'exercice  de  nos  facultés  de  perception  externe 
et  de  perception  morale;  comment  les  progrès  et' les  actes  de  ceynémes 
facultés  nous  conduisent  à  reconnoitre  l'immatérialité  et  1  immortalité  dé 
lame.  Le  dernier  chapitre  a  pour  sujet  l'influence  de  la  législation  ou  du 
mode  d'existence  des  sociétés  politiques,  sur  la  vertu  ex  le  bonheur.  Nous 
placerons  ici  les  définitions  que  Fauteur  a  données'  de  ces  deux  tenues  en 
traitant  de  la  perception  morale.  La  vertu  est  la  disposition  constante  à 
satisfaire,  en  toute  circonstance,  à  deux  sortes  de  devoirs  ou  d'obliga- 
tions, l'obligation  morale  ou  naturelle  et  l'obligation  légale  ou  positive. 
Le  bonheur,  dans  la  condition  actuelle  de  F homme  sur  ta  terre ,  est fétac 
oà  la  somme  des  biens  surpasse  le  plus  possible  celle  des  maux,  qui 
seront  toujours,  quoi  qu'on  fasse,  mêlés  aux  biens  en  plus  ou  moins  forte 
proportion.  Ainsi,  le  bonheur  huraaiif  ,"si  l'on  fait  abstraction  des  causes 
toutoh-fait  indépendantes  de  nos  volontés,  dépend  principalement  du 
caractère  de  chaque  homme,  c'est-à-dire  de  sa  manière  de  senur,  soit 
naturelle ,  soit  acquise  ;  des  lumières  de  son  esprit,  et  «de  ta  juste  appré- 
ciation qu'jl  sait  faire  des  biens  «des  maux;  tufin  des  habitudes  raiion- 

Eee  a 


4o4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

nables  qu'il  a  contractées.  Mais  ce  mot  de  raisonnables  ne  sera  complète- 
ment expliqué  que  dans  la  deuxième  partie  de  (ouvrage. 

La  première  vient  de  nous  offrir,  sous  les  titres  de  Connoissanct ,  de 
Science  et  de  Volonté,  toutes  I***4rics  de  faits  qui  composent  l'histoire 
de  l'entendement  humain  bien  ou  mal  dirigé  ;  maintenant  il  faut  savoir 
quel  est  l'usage  le  plus  légitime  de*  nos  facultés  intellectuelles ,  quels 
seront  leurs  actes  les  plus  réguliers»  ceux  qui  tendront  le  mieux  k  dé-* 
couvrir  et  h  reconnaître  la  vérité ,  c'est-à-dire ,  f état  réel  des  choses  qui, 
dans  le  monde  extérieur  et  dans  notre  aine  elle-même,  sont  les  objets 
de  nos  pensées.  Au  fond,  tant  de  discussions  épineuses  sur  l'origine  er 
la  classification  des  idées  n'ont  de  motif  ou  d'excusexnie  dans  les  consé- 
quences pratiques  qu'on  a  l'espoir  d'en  tirer.  L'analyse  de  l'entendement 
n'est  utile  qu'autant  qu'elle  sert  à  l'éclairer,  Avi  ouvrir  et  à  lui  tracer  les 
roules  qu'il  doit  suivre  pour  se  préserver  do*  Ululions  tt  pour  acquérir 
de  véritables  connoissances.C'est  le  but  que  désignoit  le  nom  de  logique, 
long-temps  donné  à  des  traités  oit  s'entreméloient,  trop  confusément 
peut-être ,  certains  tableaux  du  développement  naturel  de  l'intelligence» 
tt  l'exposé  des  règles  qu'elle  a  besoin  de  se  prescrire  pour  s'assurer  de  la 
rectitude  de  ses  opérations.  Depuis,  on  a  distingué  de  l'idéologie  propre» 
ment  dite,  spéculative,  ou,  si  Ton  veut,  historique,  les  arts  intellectuels 
qui  doivent  en  dériver,  et  qui  seroient,  selon  Condillac,  au  nombre  de 
quatre;  arts  de  parler,  de  penser,  d'écrire,  et  de  raisonner.  M.  Thurot 
a  traité,  comme  on  Ta  vu,  de  l'art  de  parler,  dans  la  section  de  la  science. 
II  ne  dit  rien  de  l'art  d'écrire,  quoiqu'il  soit  aisé  de  s'apercevoir  qu'il  ert 
a  fait  tpie  étude  très-profonde.  A  vrai  dire ,  tant  que  cet  art  ne  consiste 
qu'en  de  vains  artifices ,  indifféremment  employés  pour  la  propagation 
et  le  triomphe  des  vérités  ou  des  erreurs ,  il  demeure  pleinement  étranger 
à  la  saine  philosophie.  Mais,  s'iln'étoit  que  Fart  de  parler  perfectionné 
par  l'art  de  penser,  s'il  avoit  pour  but  de  trouver  toujours  l'expression  la 
plus  pure ,  la  plus  complète  et  la  plus  vive  des  connoissances  qu'on  a 
réellement  acquises,  il  pourroit  être  considéré  comme  le  dernier  progrès 
de  rintelfigencejiumaine.  Peut-être  n'achève- t-on  de  bien  concevoir  que 
ce  qu'on  peut  très-bien  écrire*  Quoiqu'il  en  soit,  M.  Thurot  n'envisage 
dans  la  seconde  partie  de  son  livre  que  4es  arts  de  penser  et  de  raison- 
ner, si  ce  sont  là,  en  effet,  deux  arts  distincts,  ce  que  noua  devons 
nous  abstenir  d'examiner,  de  petit  d'entamer  trop  de  discussions.  Après 
des  éclaircissenffcns  qui  tendent  à  déterminer  le  sens  des  mots  raison , 
sens,  commun,  bon  sens  vérité,  vérités  nécessaires,  vérités  contingentes, 
évidence  et  démonstration  \  certitude  et  preuve ,  opinion  et  probabilité , 
croyance,  persuasion,  conviction,  fauteur  définit  la  méthode  selon  fa 


JUILLET  1830.  4oj 

Valeur  étymologique  de  ce  mot  (  foi*  et  oAç  ) ,  le  chemin  qu'on  suit 
pourérouver  un^chose  que  Foft  cherche  ou  que  Ton  veut  atteindre ,  la 
route  qui  conduit  à  cette  chose ,  le  moyen  ou  l'ensemble  des  moyens 
qu'on  emploie  pour  la  découvrir.  Il  distingue  trois  procédés  de  la  mé-  - 
thode,  l'un  fondamental,  l'autre  provisoire ,  ci  le  troisième  définitif.  Le 
premier  est  l'observation,  qui  a  trois  modes,  l'analyse,  la  synthèse  et 
l'expérience;  le  deuxième  est  l'analogie,  dont  les  modes  sont  les  con- 
jectures et  les  hypothèses;  le  procédé  définitif  est  l'induction. 

Pour  observer  un  objet ,  pour  y  remarquer  des  parties ,  des  q unités , 
des  propriétés ,  et  pour  exposer  les  résultats  de  ces  observations,  on  est 
Obligé  de  te  décomposer  et  de  le  recomposer»  Si  l'on  veut  pénétrer  jus- 
qu'à sa  nature  intime,  démêler  ses  divers  modes  d'existence,  ses  rapports 
avec  un  nombre  plus  ou  moins  grand  d'autres  objets  sur  lesquels  il  peut 
egjr>jgu_qui peuvent  agir  sur  lui»  les  modifications  qu'il  peut  leur  don* 
ner  ou  recevoir  d'eux ,  la  simple  observation  d«s  phénomènes  spontanés 
sera  insuffisante  :  il  faudra  placer  à  dessein  l'objet  dans  des  circonstances 
où  les  rapports  et  les  modifications  que  l'on  cherche  à  connoître  pour» 
sont  se  manifester;  il  faudra  multiplier»  varier  ces  circonstances»  en 
ajouter,  en  exclure ,  jusqu'à  ce  qu'on  obtienne  une  connoissance  précise 
et  certaine.  Ce  genre  d'observation  reçoit  le  nom  d'expérience ,  et  diffère 
du  pur  empirisme»  impatient  de  tirer  des  premières  épreuves,  quelque- 
fois d'une  seule ,  des  conclusions  aventurées. 

Il  est  vrai  pourtant  que  certains  rapports  de  ressemblance,  de  nombre, 
dû  symétrie,  qui  se  manifestent  spontanément  dans  les  parties  et  les 
Qualités  des  diflférens  objets  que  nous  avons  occasion  d'observer,  nous 
disposent  à  établir  entre  ces  objets  des  liaisons  au  moins  provisoires  : 
c'est  en  cela  que  consiste  l'analogie.  Si  la  mémoire  et  les  associations 
d'idées  nous  suggèrent  d'autres  analogies  que  nous  n%voyons  pas  en* 
cote,  mais  que  celles  qui  ont  été  observées  nous  autorisent  à  soupçonner, 
nous  formons  des  conjecture*  plus  ou  moins  heureuses.  Lorsque  en  réu- 
nissant plusieurs  de  ces  conjectures ,  nous  en  composons  un  système  ; 
quand  la  pensée ,  par  une  sorte  d'anticipation ,  conçoit  le  fait  ou  le  rap- 
port unique  qui  doit  servir  de  lien  commun  à  plusieurs  groupes  de  phé- 
nomènes, il  en  résulte  une  hypothèse  qu*il  est  quelquefois  utile  d'ad- 
mettre, jusqu'à  ce  qu'on  ait  pu  la  vérifier  par  l'analyse  et  par  Texpé* 
rierçce. 

.  Cette  vérification ,  qui  doit  ériger  f  hypothèse  en  théorie ,  exige  des 
séries  complètes  d'épreuves,  des  décompositions  rigoureuses  f  des  énu- 
mérations  exactes ,  auxquelles  est  ici  appliqué  le  nom  d'induction.  Pour 
rendre  sensibles  les  trois  grands  procédés  de  la  méthode  el  leurs  divers 


4ôS  JOURNAL  DES  SAVANS. 

modes ,  M.  Thtirot  en  fait  des  applications  aux  sciences  physiques,  à 
l'idéologie ,  aux  sciences  m o rates  et  politiques.  U  en  fcpporte  fesvègfes 
fondamentales  établies  par  Bacon ,  par  Descartes  et  par  Newton.  Nous 
transcrirons  celles  de  Newton,  parc*  celles  sont  moins  universelle* 
tuent  connues,  et  qu'elles    concernent   particulièrement   l'induction. 
i.°  N'admettre  de  causes  que  celles  qui  sont  nécessaires  pour  expliquer 
les  phénomènes;  a.°  attribuer  toujours,  autant  qu'il  est  possible,  des 
effets  du  même  genre  à  la  même  cause;  }.°  regarder  comme  apparte- 
nant^ tous  les  corps  en  général  les  qualités  qui  ne  sont  susceptibles  ni 
d'augmentation,  ni  de  diminution,  et  qui  sont  communes  à  tous  les 
corps  sur  lesquels  on  peut  faire  des  expériences;  4-°  regarder,  malgré 
les  hypothèses  contraires,  comme  exactement  ou  à-peu- près  vraies  les 
propositions  tirées,  par  induction,  des  phénomènes,  jusqu'à  ce  que  quel- 
ques autres  phénomènes  les  confirment  entièrement  ou  laissent  voir 
qu'elles  4bnt  sujettes  à  des  exceptions. 

M.  Thurot  reproduit  aussi  les  trois  préceptes  généraux  auxquels 
Pascal  a  réduit  toute  la  logique,  et  dont  le  premier  se  rapporte  aux  dé- 
finitions, 1e  deuxième  aux  axiomes,  le  troisième  aux  démonstrations* 
I.  Définir-tous  les  termes  un  peu  obscurs  ou  équivoques ,  et  n'employer 
dans  les  définitions  que  des  termes  parfaitement  connus  ou  déjà  expli- 
qués; H.  n'établir  pour  axiomes  que  des  choses  parfaitement  évidenjes; 
III.  prouver  chaque  proposition  nouvelle  par  des  axiomes  ou  par  des 
propositions  déjà  démontrées,  et  n'abuser  jamais  de  l'équivoque  des 
termes.  Ces  trois  règles  de  Pascal  s'appliquent  au  raisonnement ,  mot 
qui  sert  de  titre  au  dernier  chapitre  de  l'ouvrage  dont  nous  rendons* 
compte.  En  soi,  le  raisonnement  n'est  que. l'usage  de  la  raison,  que 
l'exercice  régulier  des  facultés  de  l'esprit ,  que  l'emploi  des  procédés  de 
la  méthode.  Ui#  raisonnement  exprimé  par  le  langage  ne  devroit  être 
que  l'expression  d'une  suite  d'idées  ou  de  faits  particuliers  de'  Timelli* 
gence,  rapprochés  et  enchaînés  à  l'effet  de  rendre  sensible  un  fait  essen- 
tiel et  principal,  ou  bien  de  montrer  qu'il  est  illusoire.  Si  au  contraire,  le 
raisonnement  se  compose  d'élémens  qui  ne  sont  pas  des  faits  réels  • 
distincts  et  biea  constatés,  mais  de  pures  conceptions  de  notre  esprit» 
où  il  n'y  aura  que  ce  que  nous  y  aurons  mis  tout  exprès ,  il  ne  sera 
qu'une  forme  vide  de  toute  instruction  positive ,  et  pourra  néanmoins 
éblouir  pendant  quelque  temps  la  raison  des  hommes  qui  l'auront  m 
imaginé  et  de  ceut  auxquels  ils  en  présenteront  le  vain  appareil. 
Telle  est  ridée  que  M.  Thurot  nous  donne  des  argumens  dont  les 
écoles  ont  si  long-temps  retenti;  et,  en  ce  sens,  il  admire  la  justes* 
des  deux  vers  de  Molière  : 


JUILLET  1830.  4*7 

Raisonner  e>t  l'emploi  de  toute  ma  maison» 

Et  le  raisonnement  en  bannit  la  nûson, 

• 
On  roit  assez  9  par  ce  plan  <Jes  trois  parties  et  de  toutes  les  sections 

de  l'ouvrage,  que  l'auteur  ne  s'est  point  proposé  de  tracer  l'histoire  des 
systèmes  anciens  et  modernes  relatifs  11  la  formation  des  idées  et  à  la  di- 
rection des  facultés  intellectuelles*  Cependant  nous  connoissons  peu  de 
livres  qui  puissent  offrir  des  notions  plus  précises  et  plus  exactes  dj  ces 
divers  systèmes.  M.  Thurot  ne  néglige  aucune  occasion  d'indiquer  les 
philosophes  de  toute  époque  qui  ont  professé  des  opinions  contraires 
ou  conformes  aux  siennes.  Quaqpl  il  combat  leurs  doctrines ,  c'est  avec 
les  égards  qui  font  de  la  contradiction  un  hommage.  Lorsqu'il  retrouve 
bu  croit  retrouver  chez  eux  quelques-unes  de  ses  propres  idées ,  il  s  em». 
presse  d'invoquer  l'autorité  de  ces  écrivains,  comme  la  plus  sûre  garantie 
qu'elle*  puissent  avoir.  Souvent  même  il  suffit  qu'ils  aient  dit  quelques, 
mots  qui  avoisinent  les  résultats  de  ses  propres  analyses  ,  pour  qu'il  leur 
attribue  tout  ce  qu'on  y  pourra  trouver  de  justesse  et  de  sagacité*  Il  n'en  est 
pas  moins  vrai  que  le  système  entier  de  son  livre  et  la  plupart  des  détails 
fui  appartiennent,  ainsi  qu'on  a  pu  le  conclure  du  précis»  d'ailleurs  trop 
rapide  et  trop  incomplet ,  que  nous  en  avons  donné.  Mais  il  s'est  efforcé 
de  justifier  par-tout  les  premiers  mots  de  l'épigraphe  qu'il  a  choisie  : 
Dicam  cnïm  neç  mta* 

Cette  épigraphe,  tirée  de  Cïcéron  [Àcad.  JI,  4)  •  se  continue  par  ces. 
lignes:  Ncc  ca  in  quitus,  si  vera  non  fucrint 9  non  vmci  me  malim  quajn 
vheere.  Non-seulement  M .  Thurot  se  déclare  prêt  à  rétracter  les  opinions 
dont  oi#Iui  montreroit  la  fausseté,  mais  «  il  s'en  faut  beaucoup,  dit-il, 
»  que  je  sois  sûr  de  ne  m'étre  pas  trompé  {  je  regarde,  au  contraire ,, 
abomine  très-probable  qu'il  a  pu  in'échapper  plus  d'une  erreur  grave. 
»  dans  un  genre  de  questions  depuis  si  long-temps  controversées,  » 
Voilà  pourquoi  nous  n'avons  pas  dû  craindre  de  lui  proposer  quelques 
doutes  ;  et  peut-être  aurions-ftous  appelé  son  attention  sur  un  petit 
nombre  d'autres  articles ,  si  nous  n'avions  eu  beaucoup  pfa$  de  raisons 
qu'if  n'en  peut  avoir  de  nous  défier  des  illusions  dont  ce  genre  de  fe- 
cherches  est  encore  susceptible.  Ce  qui  nous  paraît  renain,  c'est  que  ce 
livre  annonce  un  nouveau  progrès  de  la  science  idé9 logique,  qu'il  doit 
contribuer  a,  lui  imprimer  une  heureuse  direction ,  et  à  la  préserver  des 
prestiges  auxquels  l'ont  si  souvent  exposée  l'abus  des  mots,  le  néolo- 
gisme, les  abstractions ,  les  divinations  et  renthousiatioe. 

DAUtfOU. 


4o8  JOURNAL  DE$  SA  VANS, 

L'Histoire  du  châtelain  de  Coucy  et  de  la  dame  de  Fayel, 
publiée  d'après  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  du  Roi ,  et 
mise  en  français  par  M.  Ç.  A-^Crapelet ,  imp&ncur  de 
Paris.  Çrapelet,  xu^^^trvSù  \  n.pp,  i8ap,  très-grand 
in  8.  ,43°  pages. 

SECOND   ARTICLE. 

A  quelle  famille  appartenoit  le  châtelain  de  Coucy ,  héros  de  ce 
roman  !  L'éditeur  a  adopté  l'opinion  He  M.  de  Laborde  dans  son  essai 
sur  la.  musique  ancienne  et  moderne.  II  a  cru  que  le  châtelain  étoit  fils 
cPEnguerrand  de  Coucy ,  frère  du  sire  de  Couc^  Raoul  I.cf ,  mort  outre- 
mer en  1 1 9 1  ,  auquel  d'abord  avoient  été  attribuées  les  chansons  du 
châtelain.  "         '*' 

Pour  démontrer  que  le  châtelain  de  Coucy  né  toit  point  de  la 
famille  des  Coucy ,  je  tirerai  mes  preuves  du  roman  même ,  et  ensuite 
je  réfuterai  aisément  les  conjectures  à  la  faveur  desquelles  M.  de 
Laborde  et  l'éditeur  du  roman  ont  avancé  que  le  châtelain  étoit  fils 
<f£nguerrand ,  frère  de  Raoul* 

'  A  Pépoque  que  le  roman  indique ,  les  châtelains  n'étoient  que  les 
gouverneurs  des  châteaux,  dont  la  garde  leur  étoit  confiée  par  le 
seigneur  propriétaire  :  le  châtelain  de  Coucy  fut  donc  le  gouverneur 
de  la  ville  ou  du  château  de  Coucy,  dépendant  de  l'ancienne  famille 
qui  a  porté  ce  nom  si  honorablement.  ' 

Aussi  le  roman  donne  au  châtelain  de  Coucy  le  nom  de  Renaut ,  et 
on  regarde  comme  certain  que  ce  nom  ne  se  trouve  point  à  la  fin  du 
Xii-€  siècle  dans  les  généalogies  de  la  maison  de  Coucy. 

Le  sire  de  Vergy  le  nomme  Renaut. 

Foi  que  doi  Dieu,  sire  .Renaut, 

Vous  ne  povés  hui  mes  aler. ....  v,  494# 

Plus  bas,  il  Tappelle  encore  sire  Renaut.  L'auteur  du  roman  dit  de 
Renaut  : 

• 

*  Biaus  chevaus  qniit  e  bel  arnois; 

Aussi  cointel  fil  que  li  rois 
Fust,  s'ils  votist  aler  jouster  • 

Onques  nul  povre  bachcler  ;    -     . 

Ne  véitfes  si  bien  monté 
'  Ne  dé  tous  poins  mieux  acesmé  v.  878-883. 


€    _ 


JUILLET  1830.  4op 

Cette  expression  de  povrt  bathelcr  ne  doit  pas  ,  Sans  doute ,  être  prise 
S  h  lettre;  mais  on  doit  en  induire  que  le  châtelain  n'étoit  pas  -en  état 
de  faire  une  dépense  aussi  considérable  que  les  seigneurs  qui  f  epoient 
aux  joutes  et  aux  tournois. 

II  paroît  pourtant  que  le  châtelain  aroit  des  écuyers; 


V-»    •    • 


A  tant  vienent  si  eccnier. 

Ë  cil  escuier  emnment 

li  vont  son  cheval  amener, 

Pais  monte,  après  les  fait  monter; 

Sa  gent  Ion  «e  met  a  la  voie.  •  •  • 

II  avqit  même  des  manoirs. 

Vers  son  mes  part  acheminer  y.  2546-1;  57. 

Et  ailleurs  : 

• 

Car  a  mon  manoir  voel  aler  ▼,  2580. 

Et  ne  cessa,  ne  soir  ne  main, 

Tant  qu'il  trouva  le  chastelain 

Qui  estoit  en  un  sien  manoir 

Où  il  estoit  venus  le  soir.  v.  3973-3976. 

Dans  une  autre  occasion  il  s'agit  encore  du  manoir. 

Jusqu'à  tant  qu'el  manoir  entrèrent 

Où  moul^faisoit  plaisant  et  bel; 

Li  chastelains  en  un  p*4«I 

Estutt  couchiés*  sans  nul  délit , 

Car  on  li  refaisoit  son  lit.  v.  28 12-28 16. 

Je  dirai  ici  que  nerf  n'indique  dans  le  cours  du  roman  que  le  châte- 
lain fût  logé  au  château  de  Coucy.  • 

Selon  Fauteur. du  roman,  Enguemnd  de  Coucy  assista  au  tournoi 
que  le  sire  de  Coucy  son  frère  donna,  en  1 1 87,  entre  la  Fère  et 
Vandeuii,  où  le  châtelain  se  présenta  et  jouta  avec  un  grand  succès, 
et  Enguerrand  lui-même  y  jouta  contre  le  comte  de  Namur. 

Certes ,  si  le  châtelain  Renaut  avoit  été  fils  cfEncuerrand ,  Fauteur 
n'eût  pas  manqué  cTen  parler,  et  surtout  d'établir  quelque  rapport  entre 
le  père  et  le  fils,  qui  combattaient  dans  le  même  tournoi;  et  quand  le 
châtelain  obtint  un  prix ,  n'auroit-il  pas  été  question  de  son  père  l 

Mais  une  raison  qui  prouve  sans  réplique  que  le  châtelain-  Renaut 
n'étoit  pas  le  fils  <f  Enguerrand  de  Coucy ,  c'est  que ,  lorsque  a 

•      Fff 


1   • 


JOUlOfiiL  &É$TS£VÀNSf 

iwfétèïtî€$  de 


Un  escu  avoit  a  deux  pièces 

Faissiet  et  de  vair  et  de  geulles.  v.  il  F- 119» 

Celles  du  châtelain  le  sont  ainsi  : 

Bien  sai  qu'il  avoit  escu  (For 

D'une  bare  d'asur  fassiée 

Et  si  ot  au  chief  enta  il  liée 

Un  lioncel  vermeif  passant.  v/  ÏH6'ti9j* 

••  .  ..      •• 

J'insiste  sur  cette  circonstance ,  avec  d'autant  plus  de  confiance , 

que  M.  Crapelet  lui-même  observe  judiciéUSertiehî ,  ctitis  utie'note 

des  pages  303  et' 3#4,  que  «  Gaucher  .M  de  Châtilloitne  portoit, 

»  pour  bjjsure  de  ses  armes ,  une  merlette  de  sable  sur  le  chef  9  que 

3>  parce  que  Gui  de  Çhâ tillon ,  sire  dudil  lieu,  son  père,  vivoit  encore  ; 

»  autrement ,  a  joule- 1- il ,  il  auroit  porté  feà  di-meï^ïefhies ,  étant  Faîne  et 

»  le  successeur  de  Guy  dans  Ia'possessiott  de  ladite  seigneurie. 

Lorsque  le  châtelain  est  surpris  parle  iiive  dé  Ffeyef ,  tjuï  Vèu  t  l'immoler 

à  sa  jalousie»  Fécuyer  du  sire  de  Fayel  dit i  2t  don  rfiaître  : 

• 

Mats  nullement  ne  Pociés, 

Car  ce  seroit  trop  grans  mescxes;    - 

Riches  est  et  bteir  parentés 

Est ,  et  trop  vaillant,  ce  savés,  v.* 4549*43  5^ 

Si  Renaut  avoit  appartenu  à  la  famine  8e  Cotfcy,'  tèf  écuyer,  qui 
étoît  dans  ses  intérêts  et  qui  voûtait  le  Saliver,  ri'àuroit  pas  manqué 
d  exprimer  à  quelle  famille  il  appâWettûit,  au  'Bed  de  dire  seulement 
-qu'il  était  bien  parenté. 

Quant  aux  richesses  que  Fécuyer  accôrdç  gratuitement  au  châtelain  , 
'  je  me  bornera  à  faire  Remarquer  que  /  lorsqu'il  passa  outre-ràer ,  Renaut 
n'emmena  avec  lui- qu'un  écuyer  et  un  seul  garçon* 

%  *  Car  li  jbW  estort  '  ja  Vélfa , 

'  Entre  lui  et  GôBèrt  s'en  vortt , 

Que  fuis  de'  cbrnpa^nië  n\ttit.  >i  7^2^364. 

4  VÙttïfyst  GoBert  à  tyjiefer 
**  Et  iôtf  gkrçbir  iju'oit  tiém  HRletfs.         v.  7691  -^92. 

Certes^  ce  nTest:pa^  en  un  telé^ïi&j^^  pré- 

j$pté*jà suite ^^du  rpï'kïcftàrdien  se  ^ôfeaiit  âVeCiaî,,5f  Wutdbis  on 
peut"^ouex\^ 


**»«?;  $&.  :  :.      .  ^ 


Raoul  preiçicr  pe.Coucy  :  dans  une  noté  mise  a  la  page  204  .au  bas  de 
la  traduction ,  ojj  ht  x 

«Raoul  I.'r  son  oncle  ne  lui  avoit  laissé  que  quarante  livres  parisis 
3»  par  son  testament.  »  (  Atemëirt  historique  sur  Raoul  ai-CbucyA 


ne 


pefet  a  reproduite  >  c'est  le  passage  suivant  de  ce  testant 

«c  J'ai  assigné  à  Raoul,  qui  possède  un  titre  clérical,  quarante  "livres 
r>  parisis  de  rente,  à  prendre  sûr  mes  revenus  de  fioire,  et ;  ce  tout  le 
»  temps  de  s?  vie  (  i  ).  » 

Mais  ce  Raoul  dejCouçy  étoit  un  fifs  du  testateur,  et  non  son  pré  tendu 
neveu ,  Rehaut  le  châtelain  :  outre  la  différence  dès  noms  de  Raoul  et 
de  Renaut,  le  .véritable  fifs  du  stre  d^  Coucy  éloit  engagé  dans  rétat 
ecclésiastique;  il  possédoit  un  titre  clérical,  ainsi  que  le  testament 
l'indique ,  et  Ton  a  même  cru  qu'il  devint  évêque  de  Npyoni  II  est  vrai 
que,  dans. un  acte  daté  de  1 1 871  passé  par  Raoul "I.'f  de  Çoucy ,  on  lit 
que  son  neveu,  Radulphus  clericus,  y  assiste  comme  témoin  ;  mais  quand 
ir  faudrait  admettre  que  ce  Raoul  étoit  fils  d'Enguerrand,  on  ne  peut 
pas  en  induire  que  ce  clerc  Raoul  fut  Renaut  te  châtelain,  quand  il 
n'existe  aucune  preuve  ni  même  aucune  indication  de  cette  identité. 

II  faut  donc,  admettre  que  le  héros  du  rolnan  de  Coucy  s'appèlôit 
Renaut;  que,  Sans  être  de  la  famille  des  Coucy,  il  étoit  chargé  de  là 
garde  du  châtç^u-' 

Après  avoir  cherché  à  cpnnoître  quel  étoit  Te  vrai  héros  du  roman , 
je  me  proposois  d'examiner  qiièfle"  fôî  mérite  le  récit  de  l'événement 
atroce  qui  en  forme  la  catastrophe.  * 

Les  anciens  biographes,  et  lés  Vieux  romanciers  ont  plus  d'une  fois 
raconté  des  faits  semblables ,  et  cité  plus  d'un  marf  outragé  gui ;;  cédant 
aux  fureurs  d'une  affreuse  jalousie,  tuoit  l'amant  de  fépôùse  coupable', 
et  lui  en  taisoit  offrir  le  cœur  déguisé  sous  Tapparence  dup  mets  délicat. 

Le  résultat'  de  cette  vengeance  étoit'  ordinairement  la  mort  que 
l'horreur  ou  lé  désespoir  causbit  à'  ^épouse  si  cruelIèrWent  punie. 

Un  mvellino  italien  (a)  antérieur  à  Boccace  ;  rapporte  une  aventure 
de  ce  genre,  laquelle  eut  un  dénouement  moins  tragique. 

Le  romancier  raconte  qu'^  Remiremout  en  Bourgogne ,  la  comtesse 

(1)  Laborde,  Essai  sur  la  musique,  tom.  II,  pag.  23761238. —  (a)  JD/tf^f 
ittustraqiont  dd  Boccacio. 

Fff  2 


4U  JOUHNAL  I>ES.SAiVANS, 

vfcejfenfl  rangera  phus,  pqur  rf«a,p^rpiwfte^  goA|5(i)<I^  c^mo* 
de  Fayel  s'écrie  : 

Je  vous  affi  certainement 
.   Qu'a  nul  jour  mes  ne  mangeray 
D'autre  morse!,  ne  ne  metray 
Deseure  si  gentil  viande  v.  8081-8095. 

Parmi  les  divers  détails  qui  peignent  içs>  raœuR.deJ'époqjfe,  j'in- 
diquerai que  par  politesse  les  dames  prenoient  les  cavalier*  par  la.main. 
La  dame,  de  Vergi  en  fournit  deux  exemples  - 

Lors  priit  la  dame  par  la  main . 
Tout  maintenant  le  chastelam , 
Si  l'a  fait  lès  lui  asseoir.  v.  168-170. 

Après  même  une  déclaration  d'amour  qu'elle  a  repousses , 

La  dame  par  la  niaiu  le  pris  ; 
-    Lavé  ont ,  puis  se  soqt  assis*  '  v.  233-234. 

Et  ailleurs  le  sire  de  Fayel  lui-môme  invite  sa  femme  à  repiplir  ce 
devoir  de  politesse. 

Le  sire  dist  :  dame;  prenés 

Le  châtelain  et  si  lavés.  v.  4îS=45$- 

Un  autre  trait  des  moeurs  de. l'époque,  constaté,  par  Je.  roman  de 
Coucy ,  c'est  le  faucon  présenté  par  les  dames  au  chevalier,  qui  avoit 
mérité  le  prix  du  tournoi. 

Pour  donner  le  pris  plus  honeste 
D'un  faucon  faitie  et  plaisant , 
Dont  veissiés  venir  avant 

• 

Dame  en  corps  très-bien  taiilifes, 
Et  de  tous  biens  apareillies  ; 
Car  celle  qui  devoit  porter 


(1)  On  trouve  dans  Boccace  cette  réponse  de  l'amante  de  Cabestaîng  : 

«  Ma  unaue  a  dio  non  piaccia  che  sopra  a  cosi  nobil  vivanda  corne  é  stata 
»  queHa  def  cuore  d'un  Cosi  valoroio  e  cosi  cortese  cavalière. . . .  mai  altra 
»  vivanda  vada.»  (Boccace,  IV>9.) 

Et  dans  les  biographes  de  Cabestaîng: 

«  E  dis  que  tan  bos  li  era  estât  e  si  sabpros  que  jamais  antre  ipanjarç  ni  autre 
m  heures  no'I  tolrîa  la  sabor  de  la  boca  qu'el  cor  d'en  G.  de  C.  Ii  ayia  la  jssada.  * 
(  Choix  des  poésies  originales  des  troubadours,  tom.  V,  pag.  188  et  194.  ) 


juillet;  i#30.  -4ij 

Le  faucon  mort  folle  nenice , 
Ainrestoit  belle  bonne  fet  -rice  : 
De  Soistons  la  cointesse  eatoit , 
Et  em  sa  compaingnie  avoit 
Mainte  dame  bien  enseingnie  , 
Piaille  d'onnbur,  de  courtoisie. 

On  âûri  remarqué  <Jtte  dans'  les  vers  dtéi  on  lit  : 

Car  celle" qui  devoit  porter 

Le  faucon  mort  folie  ne  nîce.  v.  2022. 

M.  CrapeTet  a  judicieusement  observé  que1  niôrt  est  sans  «doute  Une 
faute  de  copiste  ,  et  il  a  raison  dépenser  qu'un  faucon,  dont  on  rie 
mangfcôit  pasiacharr,  n'étdit  pas  un  prix  à  offrir ',  comme  un  faisan  ou 
un  paon ,  mais  qu'on  prenoit  vraisemblablement  un  faucon  bien  dressé 
pour  servir  aux  plaisirs  de  là  chasse. 

Je  partage  (fautant  plus  son  opinion,  que  je  crais  qu'il  faut  lire 
n'iert  au  lieu  de  mort;  car  autrement  la  phrase  n'auroit  pas  de  sens  >  et 
l'auteur  a  voulu  dire  que  la  dame  ri  était  folie  ne  nice. 

Cet  usage  de  dentier  un  faucon  ,  un  épervier  au  chevalier  proclamé 
Vainqueur  dahs  un  tournoi /est  sans  doute  très-ancien.  Le  troubadour 
Raimond  Feraud,  auteur  de  la  vie  de  S.  Honorât,  y  fait  allusion ,  et  dit 
que,  parmi  plusieurs  dames,  Heremborc  obtint  le  prix  de  la  beauté, 
et  ligueraient  qu'elfe  obtint  f épèrvier. 

Non  si  trobet  sa.  par 

Et  la  belha  Heleuborcx 

En  levet  l'esparvier.       Vie  de  S,  Honorât  (1). 

R 

.If  est  vraisemblable  que  Futilité  et  le. succès  dé  la- publication  de  ce 
roman  engageront  un  four  M.  Crapefe;,  ou  tout  autre  ami  de  notre 
ancienne  littérature,  à  donner  une  nouvelle  édition  dont  le  prix  sdit 
accessible  au  commun  des  lecteurs  ;  et  c'est  sur-tout  dans  cette  supposi- 
tion que  je  proposerai  ici  deux  moyens  dé  rendre  plus  agréable  et  plu* 
profitable  encore  la  lecture  ou  f étude  de  ce  monument  de  la  langue 
des  trouvères. 

Le  prfeitiief 'teroit  d'indiquer  au  bas  des  pages1  qui  contiennent  les 
chansons  du  châtelain ,  nort-ieuftmeïit  '  les  VaHajires  qui  se  trouvent 

I 

(!)  Sa  ^aitille' he  se  trouve  pas. . ..tt  la  belle  Heremborc  en  obtint 
Fépervier. 


4x6  JOURNÀL.DES  SÀVÀNS, 

dans  Fédition  que  M.  de  Laborde  en  a  donnée  dans  son  Esfai  sur  la 
musique  ancienne  et  moderne,  tome  II,  pag.  23  j-309 ,  mais  encore 
celles  qui  pourroient  être  fournies  par  les  divers  manuscrits  où  ces 
chansons  se  trouvent  répandues. 

II  seroit  peut-être  convenable  d'indiquer  en  note  tes  divers  couplets 
des  mêmes  chansons  qui  ne  sont  pas  insérés  dans  ie  manuscrit  unique 
du  roman;  ces  passages  feraient  connoître  plus  particulièrement  la 
situation  du  châtelain ,  et  serviraient  peut-être  à  expliquer  quelque 
détail  du  roman. 

J'insiste  sur  cette  collation  du  texte  des  chapsons  insérées  dans  le 
roman  d'après  le  manuscrit  unique ,  avec  le  texte  des  manuscrits  et  de 
l'imprimé  qui  contiennent  les  mêmes  chansons ,  par  une  raison  très- 
fondée  ;  c'est  que  l'auteur  du  roman  «  n'ayant  pas  composé  les  chanson» 
qu'il  rapporte  et  les  ayant  recueillies  comme  elles  se  trouvoient  de 
son  temps  dans  quelques  manuscrits,  cette  partie  de  son  ouvrage 
peut  offrir  plusieurs  fautes  à  rectifier  par  l'admission  des  variantes  (i). 

Quant  au  second  moyen  d'amélioration,  je  dirai  qu'il  eût  été  à 
désirer  que ,  cl  après  l'exemple  donné  par  M.  Méon  >  dans»  les  diverses 
éditions  qu'il  a  publiées ,  M.  Crapelet  eût  placé  à  la  fin  du  volume  un 
petit  vQcabuIaire  pour  expliquer  les  mots  difficiles  :  je  sais  bien  que  la 
traduction  de  M,  Crapelet  supplée  jusqu'à  un  certain  point  au  manque 
de  ce  vocabulaire  ;  mais  je  crois  qu'il  n'en  aurait  pas  moins  eu  une  vraie 
utilité  pour  la  plupart  des  lecteurs ,  sur-tout  si  M.  Crapelet  avoit  indiqué 
le  vers  du  roman  qui  contenoit  le  mot.  J'ose  inviter  les  personnes  qui 
publient  des  dictionnaires ,  soit  généraux ,  toit  spéciaux  ,  à  la  suite  des 
ouvrages,  à  indiquer,  après  leur  explication,  le  passage  du  livre  où 
ce  mot  se  trouve  :  c'est  ainsi  qu'en  173  j  *  M.  Lantin  de  Pamerey  publia 
un  très-utile  glossaire  du  roman  de  la  Rose,  contenant  cette  indication 


■•^ 


(1)  Pour  offrir  un  spécimen  du  travail  qu'exigeroient  ces  collations  des 
divers  textes ,  j'indiquerai  ici  quelques-unes  des  principales  variantes  que  fournit 
le  texte  de  deux  des  chansons  du  roman,  comparé  au  texte  imprimé  par  M.  de 
la  Borde  : 

Chanson,  :  Quant  li  estes  en  la  douce  saisons. 
Je  lis  dans  le  roman  :  *  et  les  dous  chans  fait.  »La  bonne  leçon  est  celle  de 
'    M'  de  la  Borde  :  a  et  Z*  dois  chans.  »  Plus  bas,  dans  M,,  de*  la  Borde,  mortex 
traisons,  qui  me  paroît  préférable  à  mortes  du  romaq. 

Chanson  :  A  vous  amans  ains  qu'a  nule  autre  gent. 
Le  roman  porte  :  «  et  des  dous  mau\  dont  seut  à  moi  parler.  »  La  leçon  moz, 
paroles,  qu  offre  le  texte  publié  par  M.  de  la  Borde,  est  sans  doute  la  véritable. 
Dans  Penvoi,  le  roman  dit:' ce  merci  li  ai.  »Le  texte  'de  M.  de  la  Borde 
présente  une  meilleure  leçon  :  ce  merci  li  cri,  » 


JUILLET  183Ô.  i%7 

qui^permerf  aux  lecteurs  .de  vérifier  si  le  passage  de  l'ouvrage  fournir 
véritablement  le  sens  que  le  lexicographe  donne  à  la  citation. 

Aujourd'hui  un  glossaire  ne  peut  être  un  ouvrage  vraiment  littéraire 
qu'autant  qu'un  auteur  a  adopté  cette  forme,  qui  permet  de  vérifier  et 
d'appliquer  Fexplication  donnée. 

J'insiste  d'autant  pluç  sur  ces  améliorations ,  que  l'ouvrage  publié 
par  M.  Crapelet  est  singulièrement  précieux  sous  le  rapport  des 
règles  grammaticales  ;  ainsi  j'ai  remarqué  que  l'auteur  a  eu  soin  d'in- 
diquer ,  par  le  signe  du  sujet  au  singulier,  les  infinitifs  des  verbes 
employés  substantivement. 

Dès  les  premiers  yen  du  roman  on  lit  : 

Un  conte  de  tres-nobïe  afaire 
Pour  le*  amoureus  esjoïr 
Qui  le  voudront  lire  et  oïr; 
Mauves  ne  se  poej  acorder 
A  ouïr  bien  dire  ou  compter; 
Et  puis  que  OÏRs  li  desplaîst 
Li  FAIRE*  bien  pas  ne  li  plaist* 

Oïrs  et  Faire*  sont  substantifs ,  et  ont  reçu  Ts  final  qui  les  carac- 
térise au  singulier. 

M*  Crapelet  ayant  rendu  un  vrai  service  aux  amateurs  de  notre 
ancienne  littérature  9  je  l'invite ,  au  nom  même  du  succès  qu'a  obtenu 
son  travail,  à  y  ajouter  toutes  les  améliorations  dont  il  est  susceptible, 
et  je  suis  assuré  que  pour  cela  il  n'épargnera  ni  dépenses  ni  soins. 

RAYNOUARD. 


Notice  sur  une  collection  £  objets  antiques  d'argent ,  récemment 

trouvée  près  de  Bernay. 

Peu  de  découvertes  d'objets  antiques  ont  offert  autant  d'importance 
et  d'intérêt,  sous  tous  les  rapports  qui  peuvent  recommander  les 
monumens  d'antiquité  figurée,  que  celle  de  la  collection  dont  nous 
allons  présenter  un  compte  sommaire  à  nos  lecteurs.  Trouvés  en  un 
champ  de  notre  ancienne  province  de  Normandie ,  dans  un  lieu  ou  il 
n'existe  aucun  vestige  de  constructions  antiques ,  la  découverte  même 
de  ces  objets ,  avec  toutes  les  circonstances  dont  elle  a  été  accom-j 

Ggg 


^i*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

lignée  (1) ,  peut  passer  pour  un  des  plus  singuliers  -et  des  $faà 
fortunés  coups  tlè  hasard  qui  aient  signalé  une  épcqtte  «Tailleurs  *i 
ftoonde  en  découvertes  heureuses.  C'est  un  vrai  phénomène  archéolo- 
gique, Çu'Un  dépôt ,  formé  à  une  époque  plus  ou  moins  reculée  de 
l'antiquité,  et  composé  de  nombreux  rases  et  ustensiles  d'argent  ; 
quelques-uns  du  premier  ordre  sous  le  rapport  dé  Fart,  tous  plus 
ou  moins  curieux  par  le  style ,  par  les  sujets  ,<  par  lés  inscriptions,  par 
ià  matière  même  7  dont  on  possède  encore  si  peu  d'objets ,  jctu  par  la 
fabrication ,  dont  on  ne  eonnèrsSoit  rien  tf aussi  pariait  dans  ce  genre , 
qu'un  pareil  dépôt,  fjisons-nous ,  arrivé  jusqu'à  nous à-peu-près  intact. 
Tant  de  motifs  d'étude  et  d'intérêt  se  trouvent  donc  ici  réunis ,  "qu'il 
seroit  impossible  de  les  présenter  tous ,  en  ce  moment,  avec  le  déve- 
loppement nécessaire.  Notre  intention  étant  d'ailleurs  de  publier  tous 
les  objets  de  cette  collection,  acquise  en  entier,  par  nos  soins,  pour  le 
cabinet  des  antiques  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  nous  devons  réserver 
pour  un  travail  particulier  les  détails  et  les"  notions  de  toute  espèce  que 
comporte  l'interprétation  de  ces  monumens  (2).  Nous  nous  bornerons, 
quant  à  présent,  à  une  indication  succincte  de  chaque  monument, 
que  nous  ferons  précéder  de  quelques  observations  générales» 

-  Dans  t ignorance  complète  ou  nous  sommes  restés  sur  l'époque  à 
laquelle  appartient  le  dépôt  en  question,  sur  ses  auteurs  et  sur  ses 
motifs ,  tout  ce  que  l'on  peut  présumer  de  plus  probable ,  à  notre  avis , 
cVstque  ce  dépôt  avoit  été  formé  précipitamment,  sans  doute  dans 
cea.  temps  de  trouble  et  d'inquiétude  qui  accompagnèrent  la  chute  du 
polythéisme.  Les  objets  dont  il  se  Compose  avoieitt  certainement  fait 
partie  du  trésor  d'un  temple  de  Mercure,  d'après  l'usage  antique  attesté 
par  tant  de  témoignages ,  et  sur- tout  par  les  inscriptions  du  temple 
cPAmphiaraus  à  Orope  ($>»  de  ceux  de  l'Acropole  d'Athènes  (4)  » 
d'Apollon  à  Délos  (\) ,  et  de  Jupiter  Panhellenius  à  Egine  (6),  de 
conserver  dans  les  temples  une  fçmle  de  vases ,  d'ustensiles  et  d'objets 
divers,  de  métal  précieux ,  que  la  piété  des  particuliers  y  avoit  consacrés, 
pour  servir  à  l'ornement  du  lieu  saint,  plus  encore  qu'à  l'usage  du  culte , 

(1}  J'ai  donné. tes  détails  de  cette  découverte,  dans  un  rapport  fait  à 
FAcadémte  de*  friscription*  et  belhes-Iéttiet,  en  sa  séance  du  2  juillet.  — 
{*)  J*  4>U  piéveotf  que  des  lithographies  qui  viennent  d'être  publiées  d'après 
fo  ffcw** feu*  sur  lès  lieux,  ne  doonent  qu'une  idée  très-imparfaite  et  très- 
{autiyç,,  toux  cous  les  nnports»  des  monumens  qu'elles  représentent,  et  qui 
sont  loin,  (TàHîeuxs,  de  former  la  totalité  des  objets  trouvés.  —  (3)  Osann, 
Sy/Ag.  irrstrtyuT,  74  sqg. --»  (4)  Boeckh ,  Corp.  inserrju.  n.°  137,  p.  183  ex 
■R.— (7)  M#n,  itidr  fe  1  #,  p«  160.  -^<6>  K.  Oit.  MSWer,  &f'mt.  p  1 60. 


JUILLET  183a  4ip 

et  (fui  étoient  exposés  sur  des  tables  (  1  ) ,  dans  fes  jours  de  solennité. 
Ceux  dont  il  s'agit  ici,  offerts  en  différent  temps»  de  la  main  de 
plusieurs  particuliers,  partie  votifs,  partie  usuels,  nous  représentent» 
par  leur  masse,  par  leur  nombre ,  par  leur  fabrication,,  par  leurs  sujets., 
et  par  leurs  inscriptions ,  une  longue  période  jJe  l'art  et  de  la  religion 
antiques,  renfermée,  suivant  toute  apparence,  entre  ie  siècle  des 
successeurs  d'Alexandre  et  le  troisième  siècle  de  notre  ère;  Quelques-uns 
de  ces  objets  sont  du  style,  grec  le  plus  pur,  du  travail  grec  le  plus 
exquis;  tous  se  rapportent  aux  croyances  grecques ,  héroïques  ou  reli- 
gieuses; tous  sont  traités  dans  le  costume  grec,  jusque  dans  les  plus 
petits  détails  ;  presque  tous  enfin  portent  des  inscriptions  relatives  à 
Mercure,  et  toutes  ces  inscriptions,  tracées  en  caractères  de  forme  et 
if  époque  différentes ,  sont  iatinës ,  avec  des  noms  exclusivement 
romains  et  gaulois  :  (fou  il  •  suit  irrésistiblement  que  les  monumens  en 
question ,  travaillés  dans  les  ateliers  mêmes  de  la  Grèce ,  ou  produits 
sous  l'influencé  directe  de  ses  doctrines ,  à  une  époque  romaine ,  avoieht 
fini ,  sans  doute  après  de  longues  migrations ,  peut-être  même  après 
plusieurs  successions  héréditaires,  au  sein  de  familles  opulentes,  par 
être  consacrés ,  de  la  main  de  riches  citoyens  romains  de  la  Gaule ,  dans 
quelque  temple  célèbre  de  Mercure»  Le  beau  vase  que  nous  décrirons , 
sous  le  n.°  10,  paraît  avoir  été  dans  ce  dernier  cas,  c'est  à  savpir, 
qu'il  servit  sans  doute  long-temps,  dans  quelque  grande  maison 
romaine ,  à  un  usage  domestique ,  jusqu'au  moment  où  la  piété  du 
propriétaire  en  disposa  pour  orner  le  sanctuaire  ou  le  trésor  d'jin  temple. 
J'ai  dit  que  ce  dép&t  a  voit  dû  être  formé  précipitamment ,  à  Fépoque 
où  le  paganisme  en  décadence  cherchoit.  Û  soustraire  les  élémens  les 
plus  précieux  de  son  culte  à  l'aversion  active  et  puissante  des  nouveaux 
chrétiens»  II  semble  en  effet  que  le  trésor  dont  avoient  fait  partie  les  . 
objets  en  question ,  avoir  déjà  reçu  quelque  atteinte  de  ce  genre ,  puis- 
qu'il s'est  retrouvé  des  fragmens  d'ustensiles  et  même  de  figures  dont  la 
mutilation  ne  sauroit  être  qu'ancienne  :  d'où  il  suit  que  c'est  le  reste 
de  ce  trésor  qui  aura  été  enfoui  par  quelque  main  pieuse,  et  mis  ainsi 
à  I  abri  d'un  nouvel  accident.  C'est  d'ailleurs  un  fait  avéré  "  par  de 
'nombreux  témoignages,  que  le  christianisme  s'attacha  sur-tout  à  détruire, 
en  les  convertissant  à  son  usage,  les  vases  de  métal  précieux  que  ie 
polythéisme  avoit  produits  en  si  grand  nombre  {2).  Dans  les  premiers 


(1)  Osann,  Syll*g.  inscript,  217. —  f2)  Voy.  les  témoignages  recueillis  à  ce 
sujet  par  le  P.  Marangoni,  dans  son  savant  et  curieux  ouvrage  délie  Cose  gen- 
tilesche  convertite  ad uso  e  ornamento  délie  chiese,  C,  VU,'  p.  28  e  altrove. 


#b  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

siècles  qui  suivirent  lé  triomphe  dé  l'église ,  presque  tous  les  vâsés  et 
ustensiles  sacrés  dont  elle  avoit  besoin  pour  son  culte,  furent  fabriqués 
aux  dépens  dés  \  monUmens  antiques,  de  tout  genre  et  de  tout  métal, 
que  l'intérêt  ou  la  crainte  avoit  fart  disparoître ,  que  le  hasard  ou  lé  zèle 
ftisoit  retrouver  ;  et  je  pris  citer ,  à  cette  occasion ,  un'  fait  assez  curieux, 
qui  prouve  combien  les  découvertes  du  genre  de  celle  qui  nous  occupe 
étirent  être  fréquentes  ,  dans  le  cours  des  siècles  du  moyen  âge  „au 
sein  dç  cette  même  province  de  la  *  Normandie ,' et  toujours  avec  le 
résultat  indiqué  plus  haut,  de  servir  à  fabriquer  des  vases  et  des  orne- 
.  mens  d'église.  II  existe ,  dans  un  rituel  de  l'ancienne  abbaye  de  Jumiége.?, 
qui  date  dés  premières  années  du  Xi.e  siècle,  une  formule  de  prière 
relative  aux  vases  trouvés  dans  un  lieu  antique  > .par  laquelle  on  demande 
S  Dieu  de  souffrir  que  ces  œuvres  de  l'art  des  pdiens  soient  purifiées  *s 
consacrées  à  F  usage  de  sa  religion  sainte  (i).  Or ,  pour  qUhine  semblable 
prière  ait  été  rédigée ,  ou  même  pour  que  le  cas  qui  y  avoit  donné  lieu 
ait  été  prévu,  il  falloit  que  dés  découvertes  de  ces  sortes  de  monumens 
profanes  se  fussent  opérées  assez  souvent;  et  l'on  peut  calculer ,  d'après 
lin  pareil  exemple ,  quelle  foule  de  vases  et  d'objets  précieux  d'antiquité 
ont  dû  périr  de  cette  manière ,  sur  tout  le  théâtre  de  la  civilisation  - 
antique  converti  à  la  foi  chrétienne. 

J'ai  dit  aussi  que  notre  dépôt  avoit  dû  provenir  de  quelque  temple 
célèbre  de  Mercure.  En  effet ,  toutes  les  inscriptions  gravées  sur  le 
plus  grand  nombre  jles  vases  sont  relatives  à  ce  Dieu ,  sans  compter 
quelques  représentations  où  il  figure  lui-même.  Nous  savions ,  par  le 
témoignage  formel  de  Jules-César  (2);  que  .Afercurc  étoit  le  principal 
dieu  adoré  dans  la  Gaule ,  et  qu'on  y  voyoit  un  nombre  infini  de  ses 
simulacres  ;  et  à  l'appui  de  ce  témoignage,  je  puis  citer  encore  un  fait 
curieux,  extrait  d'un  mémoire  manuscrit  sur  les  antiquités  d'une  partie 

I——— ————.1— —.——*■«— —^^W—  ,-       ■ 

(t)  Ex  rituali  ecclesiastico  et  monastico  ad  usum  ecclesiae  Gemmeticensis , 
sçripto  tempore  abbatis  Theodorici,  qui  regebat  ab  anno  M.  ad  annum  MXXXlv, 
folio  X  (  mss.  ad  provinciam  spectantia,  n.°  93  )  : 

ORATIO  SVPER  VASA  IN   ANTIQVO  LOCO    REPERTA. 

«  Omnipotens  ,  sempiterne  Deus,  insère  Te  officiis  nos  tris,  ut  hase  (hoc) 
a»  vascula  (vasculum)  arte  fabricata  ( fabricatum  )  gentiiium,  sublimita tis  tua; 
a»potentiâ  ità  emundare  digneris ,  ht  omni  immunditiâ  depulsâ,  sint  (  sit  ) 
>»  Fîdelibus  tempore  pacis  atque  tranquillitatis  utenda  (  utenaum);  per  Domi- 
»ntim  nostrum  &c.  »  Je  dois  ce  renseignement  à  M.  Aug.  le  Prévost, 
membre  instruit  et  zélé  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie.  —  (2)  J. 
Caesar.  de  Bell,  ga IL  VI,  17  :  Deum  maxime  MERCVRIUM  cotant;  hujus  surit 
plurbna  simulacra.  Ha  été  remarqué,  dans  le  dernier  siècle,  qu'iï  n'y  avoit 
point  de  contrée  où  il  se  trouvât  plus  de  statues  de  Mercure,  grandes,  moyennes  et 


-        JUILLET  1830.  À** 

du  limousin.  Il  fut  découvert,  Tannée  dernière,  à  quelques  lieues  de 
limoges,  près  d'une  ancienne  voie  romaine,  un  dépôt  d'objets 
d'argent ,  vases ,  patères  et  autres  ustensiles ,  tous  dédiés  au  culte  de 
Mercure,  d'après  l'inscription  qu'ils  portaient,  deo  mercvrio  ,  et 
parmi  lesquels  se  trouvoient  quelques  figurines  en  bronze  de  ce  même 
dieu*  Malheureusement  il  arriva  dans  cette  circonstance  ce  qui  eut  (ieu 
dans  presque  toutes  les  occasions  semblables;  les  objets  dont  se  com- 
pbsoitle  dépôt  en  question  ne  firent  que  passer  du  sein  de  la  terre 
dans  le  creuset  d'un  ignorant  orfèvre  ;  il  n'en  fut  sauvé  que  les  figurines 
de  broqpe ,  dont  je  possède  les  empreintes ,  et  qui  ne  sont  pas  indignes 
d'être  publiées  (1)  :  et  c'est,  du  reste  ,  un  fait  assez  remarquable,  que 
celui  de  deux  découvertes  si  semblables ,  si  voisines  l'une  de  l'autre ,  et 
sipropres  h  justifier  le  témoignage  de  Jules-César,  en  ce  qui  concerne 
le  culte  rendu  à  Mercure  par  les  anciens  Çaulois.  Toutes  les  inscriptions 
gravées  sur  les  vases  de  notre  collection  sont  en  lettres  ponctuées,  méthode 
qui  paroît  avoir  été  généralement  pratiquée  chez  les  anciens*,  pour  cette 
sorte  d'inscriptions.  La  plaque  d'or,  avec  une  inscription  grecque, 
trouvée  en  Egypte  et  possédée  par  S.  Sydney  Smith,  offre  une  appiica* 
tionde  ce  système,  qui  appartient  à  l'époque  des  premiers  Ptolémées  (2)  ; 
et  le  nom  càtvlvs  ,  écrit  de  cette  manière  sur  la  bulle  d'or  du  prince 
Chigi  (3) ,  se  rapporte,  d'après  toutes  les  probabilités,  aux  derniers 
temps  de  la  république. 

Considérée  dans  son  ensemble ,  sous  le  rapport  de  la  matière  et  sous 
celui  de  la  fabrication,  notre  collection  offre  sans  doute  un  ensemble 
unique  au  monde.  Les.  objets  dont  elle  se  compose  sont  au  nombre  de 
près  de  cent;  le  poids  en  est  d'environ  cent  un  marcs  d'argent  fin ,  un 
peu  plus  de  cinquante  /ivres.  On  ne  connoît ,  dans  tout  ce  qui  nous 
reste  en  ce  genre  de  l'antiquité  grecque  et  romaine,  que  la  toilette  d'une 
dame  romaine,  trouvée  à  Rome  en  1793  ,  et  possédée  aujourd'hui  par 
M.  le  duc  de  Blacas  (4)  ,  qui  surpasse  par  ie  poids  et  par  la  quantité 
des  objets  la  collection  qui  nous  occupe;  mais  sous  les  rapports  bien 


petites,  en  marbre,  en  pierre  du  pays  ou  en  bronze,  qu'en  France;  voy.  I*  Histoire 
Jt  l'Académie  des  belles-lettres 9  tome  XII ,  p.  259:  mais  c'est  sans  doute  pour  fa 
première  fois  qu'il  se  découvre,  en  France  ou  ailleurs,  tout  un  trésor  d'un  temple 
de  Mercure. 

(  1  )  Une  de  ces  figurines  représente  Mercure  dans  une  attitude  presque  en  tout 
semblable  à  celle  de  la  célèbre  statue  du  Vatican,  dite  V Antinous  du 
Belvédère. —  (2)  Letronne,  Recherches  pour  servir  à  V Histoire  de  VEfyvte, 
pag.  6-7.—  (3)  Causs.  Mus.  Roman,  tom.  II,  sect.  VI,  tab.  vi^ —  (4)  Voy. 
Visconti,  Lettera  intorno  ad  un'  antica  svppetkttik  d'argento  scopertd  in  Rçma  , 


4"  JOURNAL  DES  SAVANS, 

autrement  importons  de  Part  et  du  goût,  je  ne  crains  pn$  dvafflnhér 
que  notre  collection  seule  surpasse  tout  pe  -qtfé  Ton  'possède  ailleurs 
d'objets  antiques  d'argent ,  y  compris  le  célèbre  vase  du  palais  Gorsmf , 
publié  par  Vinckelmann  (i),  et  celui  du  musée  royal  Bourbon, 
représentant  Y  apothéose  d'Homère  (2). 

Le  procédé  de  fabrication  à  l'aide  duquel  ces  objets  ont  été  produits, 
mérite  que  nous  en  disions  ici  quelques  mots ,  en  attendant  les  détails 
plus  considérables  où  nous  entrerons  sur  ce  point  curieux  et  neuf 
d'archéologie;  Un  savant,  qui  s'est  occupé  (Tune  manière  pàrtiaHïèi'e 
dé  l'histoire  technique  de  la  statuaire,  M.  Quatremère  de  Quincy  , 
semble  croire  que  les  ouvrages  d'argent ,  à  la  mention  desqutls  il  n^ 
d'ailleurs  accordé  que  peu  de  lignes  \  3) ,  étoient  généralement  fondus  ; 
c'est  de  cette  manière  qu'il  assure-,  cTaprès  ie  témoignage  de  Pline, 
qu'avoient  été  exécutées  ies  statues  d'argent  dont  parle  cet  auteur  (4)  : 
mais  je  ne  puis  être  de  cet  avis.  Pline  ne  dit  pas  un  mot  qui  donne  l'idée 
de  statues  d'argent  fondues  ;  et  il  est  bien  plus  probable,  en  effet,  que  ces 
statues  avoient  été  faites  au  repoussé,  procédé  qu'on  sait  avoir  été  si 
familier  aux  anciens ,  et  qu'ils  désignoient  par  le  mot  sphyréfaton.  II  est 
question  de  statues  d'or  exécutées  de  cette  manière ,  jusque  dans  ies 
temps  de  l'empire  (5)  ;  et  /f argent,  qui  fond  moins  bien  que  Por,  ste 
prétoit  en  revanche  beaucoup  mieux  au  procédé  du  repoussé,  qui  exerça , 
avec  tant  de  succès,  comnie  l'on  sait  encore,  les  talens  dès  orfèvres 
florentins  de  la  renaissance.  C'est  par  ce  même  procédé  qu'ont  été 
produits,  à- peu-près  exclusivement,  les  objets  de  la  collection  qui 
nous  occupe  ;  car ,  à  l'exception  des  anses  et  de  quelques  détails  peu 
importans ,  la  plupart  des  vases  et  la  statue  môme  de  Mercure  sont  exé- 
cutés au  repoussé ,  et  non  fondus  ,  ou  produits  par  le  mélange  des  deux 
méthodes.  Une  particularité  tout-à-fait  neuve  qu'ont  offerte  les  prin- 
cipaux vases  de  notre  collection,  c'est  qu'ils  sont  doublés  d'une 
cuvette  mobile,  d'argent  massif,  travaillé  au  marteau,  et  non  fondu, 
laquelle  servoit  à  donner  de  la  solidité  à  la- partie  extérieure,  consis- 
tant en  une  lame  d'argent  très-mince,  travaillée  en  relief,   et   qui 

■  ■  ■  %  '  '  '  ■  '  ' ■  ,,.  1  ... 

in~4.°  Rom,  1793.  Cette  lettre  a  été  réimprimée,  dan»  le  même  format,  à 
Rome,  en  1825,  et  reproduite  dans  le  recueil  des  Opère  varie  de  Visconti , 
publié  à  Milan,  tom.  1,  pag.  210-235. 

*  (1)  Winckelmann ,  Afonum.  ined.  n.  iji. —  (*)  Tischbein,  Homer  nach 
/tntlken,  III,  231-24 ;  Millingen ,  Ane.  uned,  mon.  part.  Il,  pi.  XIII,  p.  2S"2^* 
—  (3)  Qaatremère  de  Quincy,  Jupiter  Olympien,  pag.  27  et  foi.  —  (4)  Plin. 
jrxxm,  /*.-—>  (j)  Voy.  la  mention  d'une  statue  de  ce  métal,  exécutée  de 
cette  manière,  ypvvn  <rq>vptfK*T*ç,  dans  une  épigramme  de  Panthologie,  Brunck  , 
Analect.  IJ ,  488, 


JUILLET  1830;  4*) 

formoîten  même  temps  utt  Copient  pour  les  liquides.  Ce  procédé, 
nche  et  ingénieux  tout-4-ta-fois ,  nous  donne  lieu  de  croire  qu'il  stai 
étoit  fait  beaucoup  d'applications  semblables  \  et  c'est  sans  douté  k  une 
pratique  de.  ce  gant*  que  ae  rapportent  les  expressions  de  l'inscription 
d'Orope  citée  plus  faut,  qui  ont  embarrassé  les  interprètes  de  ce 
curieux-monument  épigraphique  (  1  }*  Il  est  naturel  en  effet  de  supposer 
qu'au  lieu,  d'employer  l'argent  pour  la  doublure  des  vases  de  ce  inétal  » 
on  ae  servit ,  en  certains  cas ,  Si  tain ,  qui  est  le  métal  nommé  *«u»mp«# , 
sur  cette  inscription  cTOrope  ;  et  que  c'est  d'une  réunion  pareille  des  deux 
métaux  y  k  l'aide  de  laquelle  on  pouvoit  produire  si  aisément  l'apparence 
de  vases  entièrement  d'argent,  et  non  pas  d 'alliage  ou  de  soudure,  qu'il 
est  question,  dans  le  passage  de  l'inscription  dont  il  s'agit  (2).  Cest 
cçprivliwt  cette  dernière  hypothèse  qui  a  été  admise  par  MM.  Osaim 
et  Boeckh;  ils  ont  supposé  que  ïétain  qu'il  s'agissoit  de  séparer  de 
Y  argent,  dans  les  vases  ou  .objets  sacrés  du  temple  d'Orope,  s'y  trouvoit 
employé  comme  moyen  de  soudure  :  mais  c'est,,  je  croîs,  faute  d'avoir  eu 
une  coimoissance  assez  exacte  des  procédés  divers  de  la  fonte ,  que  ces 
savans  ont  pu  exprimer  une  pareille  idée.  L'étain,  allié  d'une  minière 
quelconque  avec  l'argent ,  communique  à  ce  métal  des  qualités  qui  le 
rendent  très-peu  propre  au  tAvaii  du  marteau  ou  du  repoussé  ;  c'est 
avec  le  cuivre  qu'il  faut  mélanger  l'argent,  pour  en  obtenir  les  condi- 
tions nécessaires  à  ce  travail  ;  et  c'est  en  effet  ce  dernier  genre  d'alliage 
qui  a  été  constaté  dans  tous  les  objets  de  notre  collection.  Quant  au 
métal  qui  s'y  trouve  employé  pour  la  soudure  >  c'est  le  plomb,  et  non 
ïétain,  ainsi  qi^il  résulte  d»ç  expériences  que  j'ai  déjà  eu  l'occasion  de 
faire  exécuter  :  et  ce  résultat  est  d'ailleurs  conforme  aux  témoignages  des 
anciens  jeux- mêmes  \  car,  c'est  toujours  le  plomb,  fiixtGfoç,  plumbumf 
qui  est  nommé  dans  les  auteurs ,  quand  il  es  t  question  de  soudure  (■))••  Il 


v.  _  qu'ir  s  agissent  de  métal  étranger  employé  -  .- 

sooduf  e,  est  celui-ci  :  *vpimrnç  ks&  cfcwgcfatnK  tôt  Juxrr/ty  or.  —  (2}  C'est  ce 
cju'frvoh  présumé  M.  de  Clara*,  (Tune  manière  qui  fart  honneur  à  sa  sagacité , 
"'  iterprétasion  qu'il  donne  à  ce  passage,  Mas.  de  xtulpï.  I,  8  r  :  «  A  la  ligne 

es  offrandes  en  argent. 

w ce  qui  indique  que  les 

__  plaques  d'argent  travaillées  au  marteau  et  appliquées 
»  itrr  an  fond  (Tétâin.  »  —  ($y  Voy.  te  témoignage  du  jurisconsulte  Fompônius, 
cité  par  AL  Otaen  kii-mcme,  pag.  zij,  et  les  anttes  passages  rapportés  par 
Forceilini,  aux  mots  Ferrumen,  Ferruminatio,  &c.  •  ■  ■-     • 


<**  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 


>•  ▼•»«  d'argent  travaillés  en  repoussé ,  toutes  les  fois 

qttds  étaient  obligés  d'user  d'économie  dans  les  tributs  de  la  piété; 
™*rehéoIogique  neuf  et  curieux  :  et  c'est  sans  doute  par  une  rare 
exception  à  cet  usage  que  les  vases  de  notre  collection  sont  doublés 
a  argent;  ce  qui  nous  offre  le  plus  haut  degré  de  la  magnificence, 
jointe  à  toute  la  npr&rtînn  */?ô  !•«»»   *+  ^  „„;  ^.™,™   M  'mÂmA  temps 


^tt™«  mérite  de  ces  ouvrages,  et  le  haut  prix  qu'on  y  attachoit 
«^J^ntîquité  même.  II  eût  suffi ,  d'ailleurs ,  pour  déterminer  l'époque 

«quelle  appartiennent  les  principaux  objets  de  notre  collection ,  de 
«appeler  que  Pline ,  après  avoir  cité  un  grand  nombre  d'artistes 
î£ejj*q*tt  s'étoient  distingués  dans  la  calatùre  de  l'argent ,  vers  le  temps 
jy*****  et  <kns  la  génération  suivante ,  ajouté  que  cet  art  t'étoit 
T^*w  P*rJ* ,  au  point  que  le  mérite  seul  de  l'antiquité  faisoit  re- 
f**1™*  *  *>»  temps  les  travaux  de  cette  .espèce  (î)  :  cToù  il  suit 
"g^Memem  que  ceux  de  nos  vases  où  brillent  à  un  si  haut  degré 

—fY^  et  ^habileté  du  travail  grec ,  ne  sauroient  avoir  été  produits , 

M  W^ *  qUe  dans  Ia  Période  indiquée  par  Pline. 

Apres    ceS    observations    préliminaires ,  venons  à  la   description 

■"J?**  des.  objets  de  notre  collection.* 

.  **     ***  P'încipal,  n.°  î ,  est  une  Statut  de  Mercure,  haute  de  vingt 

«  j»  pouces,  du  poids  de  j  livres  7  onces  6  gros  :  de  cette  dimension 

H  «r  ee  métal ,  c'est  déjà  un  monument  unique  et  inestimable-  Le  dieu 

^,ïflSenté  eniîèrei«ent  nu ,  sans  la  moindre  trace  d'ailes  aux  talons; 

***     «l   Ut  de  Ia  tête  '  cIui  n12"1^6  >  étoit  probablement  couvert  d'un 

y^V        même  jnétal,  c'est-à-dire,  d'argent,  avec  les  ailes  dorées, 

<*•*  **  goût  d'une  charmante  petite  tête  votive  de  Mercure,  n.°  2  ,  ainsi 

«*£*K*  »  qui  feiSoit  partie  du  mêrae  dépôt.  D'ailleurs,  le  caducée ,  qui 

Aftfctt»  Parfaitement  k  la  main  gauche  de  notre  figure ,  est  un  attribut 

atiMMIêristique  de  Mercure ,  qu'il  n'est  pas  possible  de  le  méconnoître  à 

«ftpuwU  signe.  Ce  caducée  même  est  d'une  forme  neuve  et  remarquable, 

«*£mt  fendu,  avec  des  détails  dorés.  Le  styie  de  la  figure  est  loin  d'être 

*Htt  *K(Ue  >  bien  qu'il  ne  se  distingue  pas  par  l'élégance.  Les  formes  du 

«*P$*  ttiU  soit  peu  athlétiques  ,  mais  généralement  d'un  bon  choix  et 

Jf%*tf  bonne  proportion ,  se  rapportent  au  dieu  de  la  palestre  plutôt 

«tai i  messager  des  dieux.  Les  traits  du  visage  n'ont  rien  d'idéal ,  et  je 

**  twifï*  d'abord  de  l'idée   que  cette  figure  pouvoit  bien  être  un 

\0  VW  XXXIU,  il:  Subitbquc  ars  h*c  ita  exolevit,  ut  solâ  jam  vetustate 


~      JUILLET  1^30/         *  4ij 

portrait.  £n  l'examinant  plus  attentivement,  je  crus  y  découvrir  quelque 
ressemblance  avec  la  physionomie  des  personnages  de  la  famille  de 
Tibère,  celle  de  Tibère  lui-même,  et  sur-tout  de  Germanicus ,  son* 
neveu.  ?i  cette  conjecture,  qui  ne  m'est  pas  particulière,   se  con- 
firme par  d'autres  observations,  nous  aurons  ,  avec  un  nouveau  por- 
trait de  Germanicus ,  une  date  à-peu-près  certaine  pour  la  fabrication  de 
cette  statue,  qui  devra  être  reconnue  pour  un  ouvrage  romain  du 
commencement  du  premier  siècle  de  notre  ère.  On  sait,  du  reste, 
combien  cétoit  dès-lors  une  pratique  familière,  de  représenter  les 
divinités  locales  sous  les  traits  des  princes  ou  princesses  de  la  famille 
impériale ,  et  la  nudité  totale  de  notre  figure  viendroit  encore  à  l'appui 
de  cette  observation  (i).  J'observe  en  dernier  lieu  que  cette  statue  a 
été.  ppoAtîte  au  repoussé,  au  moyen  de  lames  d'argent  très-minces,  qui 
ont  servi  à  former  les  diverses  parties  du  corps,  la  tète ,  le  torse,  les 
bras,  les  mains,  les  jambes,  et  qui  ont  été  ensuite  rapprochées  et 
soudées  avec  une  adresse  infinie.  Ce   procédé  s'est  sur- tout  rendu 
sensible  iur  des  fragment  (Tune  seconde  statue  de  Mercure*  n.°  j  /con- 
sistant en  un  bras  droit,  qui  tenoit  la  bourse,  attribut  connu  de  ce  dieu, 
et  en  débris  de  pieds  et  de  jambes,  dont  la  proportion,  lé  style  et  le 
travail  prouvent  qu'ils  avoient  appartenu  à  la  même  figure.  Les  lames 
cf  argent  dont  se  composent  ces  membres  divers  étoient  réunies  par  des 
sutures  en  queue  d'aronde  très-visibles  (2)  ;  et  ce  qui  ajoute  à  la  surprise 
que  peut  causer  un  procédé  semblable ,  c'est  l'extrême  mérite  d'art  qui 
brille  dans  ces  fragmens ,  joint  &  la  prodigieuse  perfection  de  ce  procédé 
même.  Je  ne  crains  pas  d'affirmer  que  la  statue  qui  s'est  trouvée  réduite 
à  un  état  si  déplorable ,  sans  doute  par  l'effet  d'une  profanation  anté- : 
rieure  à  l'époque  où  fut  formé  notre  dépôt,  devoit  être,  dans  son 
intégrité ,  un  des  plus  précieux  mônumens  de  la  cmlature  antiqw;  et1 
tête  que  sont  ces  fragmens ,  empreints ,  jusque  dans  les  moindres  détails , 
du  goût  d'une  excellente  école  et  du  talent  d'un  habile  artiste  r  ils  ~ 
ajoutent  encore  à  la  haute  idée  que  nous  pouvons  nous  former  du  génie 
imitatifdes  Grecs ,  d'après  tous  lès  mônumens  qui  s*exi  retrouvent 

(ij  La  nudité  semble  avoir  été  en  effet  un  fruit  essentiel  et  U  composition' 
des  figures  héroïques  de  cette  époque.  Ckéron  cite  une  statue  du  Gh  de  Verres, 
ainsi  traitée ,  in  Vetr.  II ,  63  ;  et  nous  possédons,  dans  les  deux  bettes  statues-  èxi 
Pompée- Spada  et  de  YAgrrppa-Grimani ,  qui  appartiennent  au  premier  siècle 
de  l'empire,  deux  mônumens  décisifs  à  l'appui  de  cette  observation.  — -^l)C'e*j 
par  un  procédé  semblable  qu'avoit  été  exécutée  la  statue  équestre, en  brome}' 
<ta  Uquelle  il  ne  subsiste  qu'une  Jambe  de  cheval ,  au  musée  de  J*yon  ;  vby, 
Millin ,  Voyage  dans  le  midi  de  h  France,  tom»  I -,  p.  44& 

Hhb 


4*6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Avec  cette  statue  entière  de  Mercure ,  et  ces  fragment  d'une  seconde 
figure ,  auxquels  il  faut  joindre  la  petite  tête  vothf,  aussi  de  Mercure, 
dont  il  a  été  parié  plus  haut ,  il  s'est  trouvé  un  petit  buste  du  même 
dieu ,  d'argent  massif,  et  de  très-bon  style ,  qui  disparut  peu  :!s  jours 
après  la  découverte ,  mais  qui  a  été  recouvré  depuis.  Je  réunirai  ici  les 
autres  représentations  de  Mer/Cuite,  qui  n'appartiennent  point  à  la 
statuaire  proprement  dite,  mais  qui,  par  l'image  même  de  ce  dieu 
produite  i  l'aide  d'un  procédé  différent ,  confirment  de  plus  en  plus 
l'idée ,  justifiée  d'ailleurs  par  toutes  les  inscriptions ,  que  te  dépôt  entier 
de  nos  monumens  faisoit  partie  du  trésor  d'un  temple  de  Mercure* 

Tels  sont  quatre  disques  ou  médaillons ,  ayant  indubitablement  servi 
de  fonds  de  paùres.  On  sait  en  effet  que  la  plupart  des  patèves  antiques  * 
cf argile  peinte %  offrent,  à  l'intérieur,  un  sujet  encadré  dons  un 
cercle ,  ou  bien  un  simple  disque ,  qui  se  trouve  quelquefois  remplacé 
par  une  espèce  d'hémisphère  ou  tf ombilic ,  d'où  vint  à  ces  sortes  de  vases 
Iç  nom  de  ftikw  fjL*<rifxf*Xoç  (i).  C'est  donc  par  une  application  ingé- 
nieuse de  cet  ancien  système  que  les  patères  d'argent  avoient  ïeçu 
l'ornement  de  ces  médaillons  repoussés  en  relief  (a),  dont  il  s'est 
retrouvé  jusqu'à  six  dans  notre  collection,  tous  de  style  et  de  travail 
dilfèrens ,  quatre  desquels  sont  relatifs  k  Mercure.  Sur  i  un  de  ces  mé- 
daillons ,  n.°  4*  Mercure  est  représenté  assis  sur  un  rocher,  là  tête  nue 
et  ailée ,  la  main  droite  appuyée  sur  son  caducée ,  ailé ,  debout  en  terre , 
la  main  gauche,  qui  tient  la  bourse,  en  repos  sur  son  genou.  A  ses  pieds 
est  un  bouc,  et  de  l'autre  côté  une  tortue,  deux  des  animaux  symboliques 
de  ce  dieu  ;  et  dans  le  champ  f  à  gauche,  &u-dessus  d'un  autel  allumé  , 
est  un  coq ,  autre  animal  symbolique ,  dont  la  présence  complète  les 
diverses  attributions  de  Mercure.  Tous  les  accessoires  de  ce  bas-relief, 
le  rocher,  le  caducée  et  la  bourse,  Yautel  et  les  animaux,  avoient  été 
doiés.  On  y  remarque  enfin  l'inscription  que  voici ,  tracée  au  pointillé  : 


^■«kteWÉMM^ 


(i)  Athen.  xi,  104,  p.  501.  Je  profite  de  cent  occasion  pour  repousser 
une  critique  qnt  m'a  été  faite  au  sujet  de  l'interprétation  que  j'ai  donnée, 
Afonvm.  htéi.  Orestéide,  pag.  144*  not.  4»  à  ces  paroles  d'Eschyle,  Agam. 
v*.  1054  t  Uriat  lÂHèùfAfdtoù.  On  a  voulu  voir  ici  un  autel  avec  un  ombilic  au 
tniliiu.  Je  montrerai  en  temps  et  lieu  que.  Cette  interprétation  est  inepte  et 
inadmissible.  *—  (a)  Telle  pourroit  bien  avoir  été  la  destination  d'un  méiaillon 
d'argent  plaqué,  publié  dans  les  Monum.  ined.  d*W  instiu  di  corrisp.  archeol. 
taU  yiv,  à  moins  qu'on  ne  suppose  que  ce  médaillon,  qui  provient,  je  crois, 
d'une  fouille,  récente  faite  à  Heratlanum,  servoit,  avec  quelques  autres 
pareils.,  troavét  au  même  lieu,  à  la  décoration  d'un  meuble  antique,  ou 
même  à  celle  d'un  appartement. 


JUILLET  1830-  427 

!..  lvpvlà  M.  c.  DO ,  quHl  faut  sans  doute  Ure  de  cette  manière  : 
i~  LVPVLA  Mercurio  Caneto  DOnat. 

Sur  le  second  médaillon ,  n.°  5  ,  Mature  debout ,  la  tête  nue ,  sans 
ailes ,  couvert ,  pour  tout  vêtement,  d'une  chiamyde  élégamment  jetée 
sur  l'épaule  gauche ,  tient  de  fat  main  gauche  un  iorrg  caducée ,  dont  la 
forme  et  la  proportion  peu  communes  ont  beaucoup  de  rapport  avec 
celles  du  caducée  d^^otre  statue ,  et  de  la  main  droite ,  une  bourse 
d'un  volume  considérable.  Devant  le  dieu,  à  droite,  est  un  cippe  élevé , 
ombragé  d'un  arbre  et  surmonté  d'un  coq  ;  derrière  ,  un  second  cippe , 
portant  uiie  tortue,  le  long  duquel  semble  grimper  un  bouc.  Il  seroit 
difficile  de  composer  les  divers  attributs  de  Mercure  d'une  manière  plus 
heureuse,  et  dans  un  style  plus  élégant.  Une  partie  des  accessoires  de  ce 
bas- relief ,  (Tune  exécution  charmante,  avoit  été  pareillement  dorée.  II 
étoit  entouré  d'un  cercle  d'argent  fondu  qui  s'y  appliquoit  en  relief,  et 
sur  lequel  se  lit ,  en  lettres  d'or  incrustées ,  l'inscription  suivante  :  DEO. 
MftRC.  I vl.  SIBY1XA  D.  s.  0.  D.  (  i  )•  Du  reste,  la  forme  des  caractères  de 
cette  inscription ,  et  particulièrement  l'Y  du  nom  de  Sibylla ,  figuré 
comme  V upsilon  grec,  démontre,  pour  quiconque  a  tant  soit  peu 
d'usage  des  monumens  lapidaires  >  que  la  dédicace  de  celui-ci  appar- 
tient à  l'époque  de  Claude. 

Le  troisième  médaillon,  n.*  6f  de  plus  petite  dimension  et  de 
travail  médiocre ,  offre  Mercure  debout ,  le  corps  nu ,  à  la  réserve  de 
la  chlamyde  jetée  autour  de  son  bras  droit ,  qui  pose  sur  sa  hanche , 
la  tété  nue,  mais  ailée,  le  bras  gauche  appuyé  sur  un  caducée  ailé , 
debout  en  terre.  La  bourse  du  dieu  est  placée ,  à  sa  droite ,  à  hauteur 
d'appui  Ce  médaillon ,  qui  n'offre  du  reste  aucune  inscription,  et  dont 
quelques  détails  avoient  été  dorés*  étoit  entouré  d'un  cercle  en  relief. 

Le  quatrième  disque ,  n.#  7 ,  présente  deux  bustes  accouplés ,  dont 
la  tête ,  entièrement  détachée  du  fond,  s'unit  à  une  demi-figure <Tun 
relief  peu  saillant.  L'un  de  ces  bustes,  drapé,  avec  la  tète  ornée  du 
diadème ,  doit  représenter  Vénus  ;  l'autre,  la  poitrine  nue,  avec  un  pan 
de  draperie  sur  l'épaule  gauche ,  se  reconnoît  indubitablement  pour 
Mercure ,  aux  deux  ailes  qui  naissent  sur  le  haut  de  la  tête ,  parmi  les 
cheveux  nus.  Au-dessous  de  ces  deux  bustes ,  dans  le  champ  du  bas- 
relief,  est  dressé  un  caducée,  symbole  qui  ne  laisse  subsister  aucun 
doute  sur  l'intention  de  l'artiste.  L'association  de  Vfnus  et  de  Mercure  est 
d'ailleurs  constatée  par  un  grand  nombre  de  monumens,  un  desquels 
fait  partie  de  notre  collection.  £ur  le  manche  d'une  petite  patère,  n.°  a  i, 

^^— i       l  1  1       ■        1     1  — — mmmmm — — wp— —  i  -———y 

(1)  Lisez  :  De  Suo  Dat  DtdicaU 

Hhb  a 


4î8  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

• 

se  lit,  en  caractères  dorés,  l'inscription ,  M.  vener.,  sans  doute  pour 
Mercurio.  veneri  ,  qui  n'est  pas  un  des  témoignages  les  moins  curieux 
du  culte  rendu  en  commun  à  ces  deux  divinités*  Du  reste ,  Je  médaillon 
que  je  viens  de  décrire,  déjà  si  remarquable  par  ces  deux  têtes  accouplée», 
de  ronde  bosse ,  se  recommande  encore  par  le  travail ,  par  le  mélange 
d'argent  et  d'or  qui  s'y  voit  employé ,  dans  un  système  sur  lequel 
j'aurai  bfentôt  occasion  de  revenir,  et  par  le  styi^iéme  des  figures,  qui 
ne  manque  pas  d'élégance ,  bien  qu'A  accuse  assez  sensiblement  une 
époque  romaine. 

:  J'aurai  achevé  l'indication  des  monumens  de  notre  collection  qui 
offrent  la  représentation  de  Mercure,  en  plaçant  ici  la  description  d'un 
beau  simpulum ,  le  plus  remarquable  par  le  poids ,  par  la  dimension  et 
sur-tout  par  le  travail,  qui  est  d'une  rare  élégance,  des  trois  instrument 
du  même  genre  que  renferme  cette  collection.  Sur  le  manche  de  cet 
instrument ,  d'argent  fondu ,  et  parfaitement  conservé ,  n.°  20  ,  est 
sculpté ,  de  bas-relief,  Mercure ,  nu ,  de  face ,  là  tète  nue  et  sans  ailes, 
tournée  à  droite ,  un  caducée  dans  la  main  gauche ,  une  bourse  dan* 
l'autre  main  ;  au-dessus ,  dans  une  espèce  de  compartiment  séparé ,  un 
bouc ,  et  plus  haut  encore ,  dans  un  troisième  compartiment ,  un  arbre 
qui  paroît  être  un  figuier.  Autour  du  bassin  de  ce  charmant  instrument, 
est  gravée  au  pointillé  l'inscription.,  MERCVRIO.  avgvsto.  q* 
DOMJTivs.  tvtvs,  en  lettres  d'une  belle  forme,  et  d'une  époque  qui 
appartient  certainement  au  haut  empire»  C'est  la  première  fois  que  j'ai 
occasion  de  citer ,  parmi  les  donataires  dont  la  piété  s'étoit  signalée 
envers  le  dieu  qui  nous  a  légué  ce  trésor,* le  nom  de  ce  Q.  Domitius 
Tutus.  Nous  retrouverons  bientôt  le  même  nom  (  1  ) ,  en  caractères  de  la 
même  forme ,  sur  cinq  vases,  les  plus  accomplis  de  notre  collection. 
Mais  je  ne  dois  pas  négliger  d'observer,  dès  ce  moment,  que,  suivant 
un  usage  attesté  par  une  foule  d'inscriptions  romaines  de  tout  âge , 
ce  nom  de  Domitius,  plus  fréquemment  porté  sous  le  règne  de  Néron, 
qui  et  oit  de  la  famille  Domina,  qu'en  aucun  autre  temps  du  haut  empire, 
peut  servir  à  fixer  l'âge  de  la  consécration  des  principaux  objets  de  notre 
collection  vers  l'époque  de  Claude  et  de  Néron  ;  ce  qui  d'ailleurs  vient 
à  l'appui  de  l'observation  faite  plus  haut ,  au  sujet  du  nom  de  Sibylta. 

.  Pour  ne  pas  séparer,  dans  notre  description,  les  objets  qui  ont 
■entre  eux  une  analogie  matérielle  de  formé  et  de  destination ,  je  joindrai 
id  l'indication  sommaire  de  deux  autres  fonds  de  patères,  non  moins 
curieux  que  les  quatre  précédemment  décrits,  bien  qu'à   des  titres 


% 


(1)  Le   nom  de  Tutus  est  déjà  connu  par  des  inscriptions  romaines  de  la 
Gaule*         ....  , 


JUILLET  1830.  4*9 

différons.  Sur  le  premier  de  ces  médaillons.,  n.°  8 ,  est  représenté ,  de 
très-fort  relief,  mais  d'un  travail  qui  semble  n'avoir  été  qu'ébauché  , 
un  génie ,  nu  et  ailé  *  qui  s'appuie  d'une  main  sur  une  lyre  de  très- 
grande  proportion,  et  tient,  de  (a  main  droite,  un  masque  scénique,  à 
longs  cheveux  ;  c'est  probablement  un  génie  scénique,  et  non  un  amour, 
dont  on  ne  reconnoît  ici  aucun  attribut. 

L'autre  médaillon ,  n.°  9  ,.d'une  dimension  plus  considérable  qu'aucun 
des  autres  disques  du  même  genre ,  d'un  travail  excellent ,  et  d'une 
conservation  qui  ne  laisse  presque  rien  à  désirer ,  nous  offre  là  répéti- 
tion exacte  d'une  composition  qui  doit  avoir  été  très-célèbre,  à  en  juger 
d'après  une  autre  copie,  qui  s'en  est  conservée,  sur  une  J elle  lampe 
antique  (  1  ).  On  y  voit  une  femme  la  tête  nue,  et  non  couronnée  de  Ihrre, 
fa  partie  supérieure  du  corps  entièrement  nue  aussi ,  il  la  réserve  d'une 
ceinture  posée  k  nu  sur  le  milieu  des  reins.  Cette  femme  est  couchée  sur 
un  péplus  qui  lui  enveloppe  le  bas  du  corps ,  en  laissant  toutefois  à 
découvert  la  partie  qui  donna  lieu  à  l'un  des  surnoms  les  plus  popu* 
laires  de  Vénus,  celui  de  Callipyge.  Elle  est  endormie,  la  tête  appuyée 
sur  son  bras  gauche  ployé  à  la  hauteur  du  front ,  sur  une  peau  de  lion 
étendue,  au-dessous  de  laquelle  apparaissent  une  massue,  posée  en  guise 
d'oreiller,  un  arc  et  un  carquois,  attributs  connus  S  Hercule,  avec  un 
scyphus,  autre  attribut  d'Hercule  qu'on  ne  peut  méconnoître,  entouré 
de  lierre ,  et  placé  dans  le  champ  du  bas-relief*  Trois  petits  Amours , 
nus  et  ailés,  sont  représentés  endormis,  en  différentes  attitudes,  l'un 
derrière  la  femme ,  à  la  hauteur  de  sa  tête,  le  second  sur  $e%  genoux, 
el  le  troisième  à  ses  pied*.  Le  motif  de  la  principale  figure  devoit  avoir 
été  fourni  par  quelque  composition  du  premier  ordre;  car  on  fc 
retrouve  ,à  très  peu  de  chose  près.,  sur  des  pierres  gravées  représentant 
un  Hermaphrodite  endormi,  entouré  de  même  de  petits  Amours  ;  et  ce 
rapport,  qui  n'est  pas  moins  sensible  dans  la  célèbre  figure  de  l'Herma- 
phrodite Borghèsé,  dont  il  dut  ex û ter  tant  de  répétitions,  m'avoit  fait 
penser  d'abord  que  notre  figure  pouvoit  bien  être  aussi  un  Hcrma* 
phrodite,  La  relation  étroite  qui  existoit  entre  Hermès  et  Aphrodite,  et 
dont  j'ai  déjà  eu  l'occasion  d'observer  qu'il  s'éloh  conservé  plus  d'un 
monument  dans  notre  collection  même,  iembloit  venir  d'ailleurs  à  l'appui 
de  cette  conjecture;  et  la  peau  de  lion,  qui  sert  de  lit  à  deux  des  répéti- 


4l*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ttons  antiques  <fe  hermaphrodite  Boighèse,  pmivoit  sembler  encore  un 
nouveau  trait  d  analogie.Cependaiu,  après  un  plus  mûr  examen,  je  se/ois 
plutôt  disposé  à  croire  que  c'est  Venus  elle-même  qui  se  voit  repré- 
sentée sur  notre  médaillon.  La  ceinture,  qui  doit  être  le  ces  tus,  placée  comme 
elle  l'est  ki ,  est  un  attribut  caractéristique  de  Vénus ,  qui  ne  sauroit  •  en 
aucun  cas,  convenir  à  une  bacchante;  les  Amours,  dont  on  ne  pourroit 
expliquer  convenablement  là  présence  auprès  d'une  ménade  endormie 
par.lUjfet  de  l'ivresse,  sont  au  contraire  le  cortège  ordinaire  de* Vénus; 
et  quant  au  motif  de  cette  composition,  qui  nous  représentèrent  Vénus 
couciée  et  endormiasur  la  dépouille  df Hercule,  ce  seroit  une  image  si  claire 
et  si  ingénieuse  du  triomphe  de  la  beauté  sur  la  force ,  dans  le  goût  de 
cette  autre  allégorie,  si  familière  aux  anciens,  et  reproduite  sous  tqm  de 
formes  et  sur  tant  de  monumens  divers,  de  Vénus  victorieuse,  parée 
*des  armes  de  Mars,  qu'il  n'y  auroit  guère,  à  ce  qu'il  me  semble,  de 
difficultés  sérieuses  à  élever  contre  une  pareille  explication*  (  Là  suite  ou 
numéro  prochain*  ) 

%  RAOUL  ROCHETTE. 


Mémo  1RS  qf the  emperor  Jahangueir,  written  hy  himself,  and 
translated  from  a  persian  manuscript ,  by  wuijor  David 
Price ,  &c.  —  Mémoires  de  V empereur  Djéhanghir,  écrits  par 
lui-même,  et  traduits  d 'après  un  manuscrit  persan,  par  le 
major  David  Price.  Londres,  182^,  \\\  pages  i>-^.9 

SECOND    ARTICLE. 

Malgré  les  doutes  que  j'ai  exprimés  précédemment  sur  Tauthen- 
ticité  de  l'ouvrage  traduit  par  M.  Price,  je  le  considérerai,  dans  l'extrait 
.  que  je  vais  en  donner ,  comme  nous  offrant  effectivement  les  Mémoires 
de  Djéhanghir  écrits  par  lui-même.  Je  dois  d'abord  faire  observer  que , 
quoiqu'ils  commencent  à  lavépement  de  ce  prince  au  trône  de  I'Hin- 
doustan,  et  que  le  manuscrit  de  M.  Price  ne  s'étende  pas  au-delà  des 
deux  premières  années  de  son  règne ,  on  y  trouve  cependant  rappelés 
en  détail  des  faits  qui  appartiennent  au  règne  d'Acbar,  et  racontés 
comme  par  anticipation  des  éyénemens  qui  se  rapportent  à  des  époques 
postérieures  de  la  vie  de  Djéhanghir. 

Un  caractère  qui  rapproche  ces  Mémoires  de  ceux  de  Raber  que  nous 
avons  fart  connohre  précédemment,  c'est  que  les  récits  les  plus  fii- 


JUILLET  183O.  4}t 

votes  se  trouvent  entremêlés  à  ceux  des  événemens  politiques  les  plus 
importans.  Un  autre .  trait  de  ressemblance ,  c'est  que  Djéhanghir  ne 
dissimule  point  «es  défauts  et  ses  fautes.  Ainsi ,  à  l'occasion  d'un  règle- 
ment qu'il  fit  au  commencement  de  son  règne ,  pour  prohiber  sans 
réserve  la  fabrication  et  la  vente  du  vin  et  de  toute  liqueur  enivrante , 
H  observe  que  c'est  une  chose  connue  de  tout  le  monde ,  qu'il  a  lui- 
même  une  violente  passion  pour  le  vin ,  auquel  il  s'est  habitué  dès  l'âge 
de  seize  ans.  II  expose  en  détail  les  excès  auxquels  cette  passion  l'a. 
entraîné  ;  et  H  convient  qu'il  avoît  porté  Pabus  journalier  du  vin  à  un 
tel  point ,  que  s'il  étoit  une  heure  seulement  sans  en  boire  ,  sa  main 
comraençoit  à  trembler,  et  9  lui  étoit  impossible  de  rester  en  place. 
Sentant  cependant  que  de  pareils  excès  pouvoient  ruiner  sa  santé ,  il 
parvint  à  prendre  assez  sur  lui-même  pouf  réduire  des  trois  quarts  la 
consommation  Journalière  qu'il  faisoit  des  liqueurs  fortes.  II  n'est  pas 
inutile  de  faire  observer  que,  suivant  le  texte  publié  par  M.  Anderson, 
la  liqueur  dont  il  fkisoit  usage  étoit  souvent  de  l'eau  de  vie  double 
*^jjj>:<j>j6*  H  reconnoît  qu'au  moment  où  il  écrit,  c'est-à-dire,  à 
l'âge  de  trente-huit  ans  y  son  estomac  seroit  incapable  de  supporter 
une  quantité  plus  grande  que  celle  qu'il  prend ,  et  qu'il  évalue  à  cinq 
flacons  <JLj.  «  Toutefois ,  ajoute-t-il,  je  me  figure  et  j'espère  que,  par 
»fa  faveur  du  ciel,  f obtiendrai  la  grâce  nécessaire  pour  réaliser  la 
»  résolution  que  fai  prise  de  renoncer  tout-à  fait ,  tôt  ou  tard,  à  cette 
»  pernicieuse  liqueur,  imitant  en  cela  mon  grand  père  Homayoun, 
»  qui  parvint  à  secouer  entièrement  cette  habitude,  avant  d'avoir  atteint 
»  sa  quarante-cinquième  année.  Quand  il  s'agit  d'un  point  sur  lequel 
»  Dieu  a  prononcé  une  condamnation  aussi  positive ,  si  la  créature  fait 
»  des  efforts ,  si  légers  soient- 9s ,  pour  se  corriger,  c'est  assurément  un 
»  moyen  de  salut  qui  ne  sauroit  être  (Tune  médiocre  importance.  » 

Le  royal  auteur  de  ces  Mémoires  avoue  aussi  un  crime  d'un  autre 
genre.  Je  veux  parler  de  l'assassinat  du  célèbre  Aboulfazel,  vizir 
<f  Acbar,  et  qui  contribua  tant  à  h  gloire  du  règne  de  ce  monarque. 
Mais  loin  cTfen  parier  comme  d'un  crime,  il  semble  s'en  faire  un  mérite , 
comme  (Tune  action  dont  «on  zèle  pour  la  religion  et  pour  la  conserva-, 
t  ion  de  ses  droits  légitimes  au  trône  de  ses  pères ,  lui  faisoit  un  devoir»' 
A  l'occasion  de  l'avancement  qu'il  donna ,  dès  le  commencement  de  «on 
règne ,  à  Abd-afrahman,  fils  <T Aboulfazel,  3  dit  qu'il  lui  accorda  cette 
faveur ,  quoiqu'il  sût  parfaitement  que  le  père  (fALd-alralmian  étoit  un 
homme  qui  professoit  les  pfus  mauvais  principes*  «  En  effet ,  dit-il,,' 
«rvers  la  fin  du  règne  de  mon  père ,  profitant  de  {Influence  qu'il"  avoît 
*  acquise  dune  façon  ou  de  Taûtré,  3  agit  si  bien  sur  fesprit  de  son 
"'maître ,  qull  ptarb*  I  lui  pétai&fer  que  Mafeomet .  :  ;  •  ne  devait 


43*  JOURNAL  DES  SA  VAN  S, 

»  être  regardé  que  comme  un  Arabe  d'une  éloquence  extraordinaire ,  et 
»  que  les  révélations  contenues  dans  PAIcoran  n'étoient  que.  des  choses 
»  forgées  à  plaisir  par  Mahomet.  Ce  furent  là  les  motifs  qui  me  déter- 
ra minèrent  à  employer  l'homme  qui  assassina  Abou'Ifàzel  et  m'apporta 
»  sa  tête ,  et  ce  fut  pour  cela  que  je  tombai  dans  la  profonde  disgrâce 
»  de  mon  père.  Ce  fut  aussi  îi  cause  de  cela  que  j'en  appelai  solennel  - 
»  lement  au  nom  sacré  du  prophète,  et  que  j'osai  affirmer  que  je  saurois, 
»  avec  son  assistance ,  me  frayer  le  chemin  au  trône  de  l'Hindoustan.  » 
II  ajoute  que,  dans  sa  colère,  Acbar  annonça  publiquement  l'intention 
de  déclarer  pour  son  successeur  le  prince  Khosrou,  fils  de  Djéhanghir; 
mais  que  Dieu  en  a  disposé  autrement.  Enfin  il  observe  qu'Acbar , 
après  la  mort  <f Abou'Ifazel ,  rentra  jusqu'à  un  certain  point  dans  te 
droit  chemin ,  et  se  montra  de  nouveau  vrai  croyant  et  orthodoxe. 

Quand  on  connoît  d'un  côté  la  tolérance  qu'affectoit  Acbar  f  et  de 
l'autre  le  projet  insensé  qu'il  avoit  formé  d'établir  une  nouvelle  religion 
dont  il  devoit  lui-même  être  la  divinité ,  on  peut  croire  que  ces  circons-r 
tances  vinrent  à  propos  pour  diminuer  l'horreur  d'un  crime  que  Djé- 
hanghir regardoit  comme  nécessaire  aux  intérêts  de  sa  politique. 

Puisque  j'ai  parlé  de  la  tolérance  cf  Acbar ,  je  ferai  mention  ici  jle  ce . 
que  ce  prince  dit  un  jour  à  ce  sujet  à  son  fils ,  qui  lui  demandoit  pour 
quelle  raison  il  avoit  défendu  que  qui  que  ce  .fût  apportât  aucun 
obstacle  à  la  construction  ou  à  la  réparation  des  temples  consacrés  au 
culte  des  idoles.  Acbar,  se  considérant  comme  Pombre  de  Dieu  sur  la 
terre,  se  croyoi t  obfigé ,  disoit-il,  d'imiter  la  providence  divine,  qui 
répand  ses  bénédictions  sans  distinction  sur  toutes  les  créatures  ,  et  ne 
concevoit  pas  à  quel  titre  il  auroit  pu  entreprendre  de  persécuter  et  de 
tourmenter  des  hommes ,  créatures  de  Dieu ,  avec  lesquels  il  étoit  en 
paix.  D'ailleurs,  ajoutoit-il,  les  cinq  sixièmes  du  genre  humain  ne 
professent-ils  pas  ou  la  religion  des  Hindous  ,  ou  d'autres  religions 
également  opposées  à  la  vraie  foi;  et  si  je  me  laissois  gouverner  par  les 
principes  qui  ont  donné  lieu  à  la  question  que  vous  me  faites ,  quel 
paru  me  resteroit-il  à  prendre,  sinon  de  les  faire  tous  mourir  l  Et  avez- 
vous  oublié  qu'il  n'est  aucun  de  ces  hommes  dont  vous  parlez ,  qui 
rfexerce  son  industrie  çt  ses  talens  au  profit  de  l'état  et  de  l'espèce 
humaine  ! 

Djéhanghir  n'étoit  pas  apparemment  aussi  porté  à  la  tolérance  que 
son  père  ;  car  ce  qui  lui  donne  occasion  de  rapporter  cette  conversation, 
c'est  la  destruction  exécutée  par  ses  ordres ,  au  commencement  de  son 
règne ,  d'une  magnifique  pagode  élevée  à  Bénarès  par  raja  Maun$ing. 
Ce  temple  indien,  dont  les  ministres  abusoient  de  la  crédulité  du  peuple, 
avoit  .coûté,  si  Ton  en  croit  l'auteUr  des  Mémoires*  environ  3*>  laQ^s 


JUILLET  1830.  4jJ 

d'aschréfis  ou  3,600,000  d'aschrifis ,  de  la  valeur  chacun 'de  cinq 
mithkals.  Djéhanghir  prit  prétexte  de  la  jonglerie  des  prêtres  qui 
desservoient  cette  pagode ,  pour  la  détruire  et  faire  construire  à  sa 
place ,  et  avec  les  matériaux  mêmes  provenant  de  la  démolition ,  une 
grande  mosquée,  à  Bénarès,  ville  qù  jusque-là,  dit-il,  on  n'osoit  pas 
même  prononcer  le  nom  de  l'islamisme,  ce  Si  Dieu  m'accorde  des  jours , 
»  ajoute- t-il,  j'espère,  avec  le  secours  de  ses  bénédictions,  la  remplir 
a»  de  vrais  croyans.  *>  • 

M.  Price  remarque  que  la  somme  à  laquelle  est  évaluée  la  dépense  de 
la  construction  de  cette  pagode ,  équivaut  à  ;  croris  et  4  ^acks  de  rou- 
pies,  parce  qu'il  compte  Vaschréfi  à  15  roupies,  et  que  cette  somme  repré- 
sente j, 400,000  livres  sterling:  cette  assertion  lui  paroît  une  exagéra- 
tion énorme.  Il  est  difficile  de  déterminer  la  somme  que  représentent 
ces  dénominations.  Uasckrêfi  est  certainement  une  monnoie  d'or;  et 
comme  les  pièces  d'or  ne  sont  pas  par-tout  du  même  poids,  on  peut  en 
porter,  je. pense,  l'évaluation  de  i4  à.  16  roupies  chargent;  le  terme 
moyen  seroit  donc  15  roupies,  comme  Ta  évalué  M.  Price,  Selon 
M.  Shakespeare ,  dans  son  dictionnaire  hindoustani ,  Yajthréfi  de  Cal- 
cutta vaut  1  livre  1 1  sous  8  deniers  sterling ,  ce  qui  ne  s'éloigne  pas 
beaucoup  de  4o  fr.  ,.et  sur  ce  piedies  3,v6covoop  aschréfis  donneraient 
environ  i44,ooo,oop  de  francs*  Mais  notre  auteur  observant  qu'il 
s'agit  $  aschréfis  du  poids*  de  cinq  mithkals  chacui) ,  on  ne  peut  guère , 
je  pense ,  leur  supposer  une  valeur  moindre  de  j  8  francs ,  ce  qui 
éleveroit  fa  somme  susdite  à  2.98  millions  de  francs  (  1  ).  Je  doi*  observer 
que  U  dénomination  d'aschréfi  ne  se  trouve  point  dans  ÏAylri  Acbéri.  Au 
surplus ,  il  est  bien  inutile ,  ce  me  semble ,  de  rechercher  la  véritable 
valeur  des  sommes  énoncées  dans  ces  Mémoires  ;  car,  ainsi  que  je  J'ai 
déjà  fait  observer*flans  mon  premier  article,  il  semble  que  l'auteur,  toutes 
les  fois  qu'il  s'agit  de  nombres  ou  de  valeurs,  ait  pris  à  tâche.. de 
rebute^  le  lecteur  le  plus  -  crédule.  Le  passage  suivant  suffira  ,pQur 
montrer  combien  ce  reproche  est  fondé  ;  il  me  servira  en  même  temps 
à  signaler  une  lacune  que  M.  jPrice  semble  n'avoir  p^s  observée. 

L'auteur ,  qui  dans  ce  qui  précède  n>voit  Jpit  aucune  tpentioç  qes 
éléphans  attachés  à  son  service  personnel  ou  à  celui  de  sa  ipaisop, 
s'exprime  ainsi  $x  abrupto  /ce  Pour  assurer  la  fourniture  régulière,  de 
»  grain  et  d'eau }  nécessaire  i  ces  nobles  animaux ,  j'établis  un  joudjdar 
»  ou  surintendant  pour  chaque  division  de  mille  £Iéphaps  attachés  à 

(1)  Suivant  M.  de  Jfrnnevilfe,  (es  roupies  d'or  4e  Djébanghir  pèsent  #>5tF» 
Ancien  poids  de  marc,  et  s  ont  à  aï  Larats,  '  ,  »  . 

•  •  ■■■■*        *  «**' 

il  i 


4)4  JOURNAL  DÈS  SAVANS, 

»  mon  Service;  J'observerai  ici  que  quoique  les  éléphans  entretenus  sous 

*  mon  gouvernement  forment  une  quantité  difficile  fc  compter ,  il  n'y 
»  en  a  cependant  que  doute  mille  qui ,  parleur  taille  et  leur  caractère  * 
»  puissent  être  employés  contre  les  rangs  de  l'ennemi,  en  un  jour  de 
»  bataille*  II  faut  Joindre  à  cela  un  millier  d'autres ,  d'une  taille  au- 
s»  dessous,  qui  servent  h.  porter  le  fourrage  et  le  gfein  pour  les  premiers/ 
i>  Il  faut  encore  compter  f  en  outre  de  ceux-là,  cent  mille  éléphans 
»  qui  sont  nécessaires  pour  porter  les  amarah,  ou  litières  couvertes 
fcdes  femmes  de  la  maison  impériale,  et  tout  le  bagage. ...»  Je 
»  n'ajouterai  à  ceci  qu'une  seule  remarque ,  c'est  que  l'entretien  de  tout 
*fce  train  d'éféphâns  ne  coûtoit  pas  moins  de  46o  tacks  tiaschrtjîs 

*  annuellement  :  encore  ne  comprends-je  point  dans  cette  dépense  ce 
a  qu'il  en  coûtoit  pour  soignes  et  servir  ces  aïiimaux;"  chacun  d'eux 
*>  exigeoit  pour  son  service  quinte  personnes ,  et  un  poste  de  mille 
»  hommes  de  garde  étoit  établi  par- tout  où  il  y  a  voit  un  dépôt  de  mille 
»  éléphans.  »  À  cette  occasion ,  l'auteur  se  rappelle  la  vengeance  qu'il 
fut  près  de  tirer  d'un  de  ses  officiers  qui  avoit  acheté  un  éléphant  de  la 
plus  haute  taiHe,  pour  une  somme  de  60,000  âschrrjts ,  c'est*  ihdire , 
d'après  -l'évaluation  du  traducteur ,  90,000  livres  sterling  ,  et  d'après 
Ceque  fai  dit  *i-de*$us,  3,48o,coo  fr.  • 

Suivant  TAyik  Àthérî,  les  éléphans  devinés  particulièrement  au 
service  personnel  cFAcb&r  étoient  toujours  au  nombre  de.  cent  un  ;  et 
quand  il  voyageoh ,  le  transport  des  tentes  et  de  tout  l'attirail  de  sa 
maison  exigeoit  cent  éléphans  ,  cinq  cents  chameaux  et  quatre  cents 
chariots.  Sous  ce  même  empereur ,  il  n'étoif  attaché  à  Téléphant  du 
premier  rang  que  cinq. hommes  et  un  valet.  Si  nous  en  croyons  Djé- 
hanghir,  Àcbar  entretenoit  habituellement  trente-deux  lyille  éléphans  (  1  ), 
et  ft>i)  comptait  dans  son  équipage  de  chasse  doute  nulle  antilopes  et 
douze  mille  autres  animaux ,  tels  que  rhinocéros ,  autruches,  gazelles 
connues  sous  le  nom  denil-gaw  [béliers  de  montagne  ],  et  éloutigttrya, 
animal  que  M.  Ptice  suppose  pouvoir  être  l'hippopotame  i  ce  qui  est 
bifn  peu  vraisemblable  :  je  conjecturerais  plutôt  qu'il  s'agit  du  buffle? 
Car  on  fait  usage  »  je  crois ,  du  buffle  apprivoisé  pour  chasser  le  buffle 
sauvage» 

Je  reviens  à  la  tolérance  cf Àcbar  pour  les  rites  religieux  des  Hin- 
dous. La  liberté  de  penser  que  ce  prince  affectoit,  contribuoit  sans  doute 
autant  que  les  intérêts  de  sa  politique  à  lut  inspirer  ce  sentiment  :  car  f 


>MWrtita*rtH«toM«É 


fi)  fl  dit  ailleurs  (p*g.  63  )  qu'à  la  mort  de  son  père  il  hérita  de  doaze 
mille  éléphans.  „ 


comme  on  le  *ai^  H  ne  passoit  pa»  pour,  un  tnis-amCère  mysirfman» 
Son  fils  Dyéhanghir,  qui  se  fait  gbùre  d'avoir  infraohlit  le  culte  fmisuljrçafl 
k  Bénarès,  ce  qui  sans  doute  fut  un  grand  s* jet  de. scandale  pour  Ie% 
Hindous,  usa  de  plus  d'indulgence  à  l'égard  de*  futiic ,  c'€$t-h-dire,  dfc^ 
Pusage  où  étoient  les  veuves  de  se  brûler  avec  le  corps  de  leurs  np&rts. 
II  avoh  d'abord ,  par  un  règlement  provisoire ,  défendu  cette  pratique 
barbare*,  à  l'égard  de  toutes  celles  qui  auraient  des  en&ns  ;  ensuite  il 
ordonna  que ,  sans  avoir  égard  à  l'opinion  populaire ,  l'exécution  de  cç* 
sacrifices  ne  ftt  jamais  tolérée  *,  lorsqu'on  aurait  employé  la  phut 
légère  contrainte  à  l'égard  d'une  veuve  pour  l'y  déterminer.  «A  tout 

*  autre  égard,  ajoute-t-tl ,  je  ne  voulus  point  que  les  Hindous  fuspcpt 

*  gênés  dans  l'exercice  de  leurs  devoirs  religieux ,  ni  «posés  è  aucun 
««'genre  d  oppression  ou  de  violence;  »  Pour  justifie*  sa  conduite  en  cela* 
H  répète  à -peu-prés  les  mêmes  raisons  qu'il  avoh  mises  précédemment 
dans  la  bouche  de  son  père*  U>st,  il  ftut  l'avouer  «  assez  difficile  de 
concevoir  comment  une  semblable  tolérance  a  pu  être  conciliée  ,avec 
les  principes  incontestable»  de  l'islamisme,  «oncçmaat  les  païenAt 
les  idolâtres*  ... 

•Demc  événement  dont  ie  récit  occupe  beaucoup  de  place  dans  (es 
Mémoires  de  Dfëhanghir ,  ce  sont  en  premier  lieu  les  derniers  moment 
de  fa  vie  dTÂcbar  et  sa  mort,  et  ensuite  [ftjévolte  du  prince  Khosipu, 
fils  aîné  de  Djéhanghir ,  contre  son  père.  Ce  n'est  même  qu'à  l'occasion 
de  la  révolte  de  Kbosiou,  que  Djéhangbir  raconte  daris  le  plus  grand 
détail  tout  ce  qui.se  passa  à  la  c#ur  d'Acfaar  pendant  les  derniers  jogai-d* 
&a  vie.  Acfear  «volt  laissé  entrevoir  le  dessein  de  faire  recennoîtce  peu* 
son  successeur  son  petites  Ithosrou,  au  détriment  de  sont  propre  £U 
sultan  Sélim,  depuis  Djéhanghir,  et  les  principaux  peignetu**  de  la  çouc 
<étoient  lignés  pourfiïre  valoir  et  soutenir  iesrprétcnttohsde  Kfaosri 


Khosrou^  Si 
lerédt  de  fauteur  des  Mémoires  nat  exact  ,■  Acbar,  dans  les  denyers 
Jours  de'sa  vie,  avoh  entièrement  renoncé  à  de  ;pcojet,  et,  connoksaat 
ou  soupçonnant  les*  intrigues  auxquelles  -sa  mort,  qui  ne  pou  voit  paa 
beaucoup  tarder ,  dohnoit  lieu ,  il  avertit  son  fib ,  .qui-  passoit  tous  les 
jours  deux  on  troisquarts^Pheure  le  soir  près  de  lui,  de  nephis  vewr 
au  palais,  ou  de  n'y  entrer  qu'accompagné  de  ses  propres  gardes  et  de 
sa  suite.  Le  prince ,  reconnof ssant  ia  tagttee  4e  cet  avis ,  s'y  conforma  ; 
et  une  circonstance  qui  le  convainquit  tout-à-ikit  des  yro jeu  qui  sefra- 
mcSent  eomfe  lui ,  cfest  qu'é«k|it  *rmè  un  jour  xfans  la  at&deMe  suiyîdff 
ses  gens,  les  émirs,  sftps  pfendre  pour  cela  fcs  ordres  «TÀcbar ,  lui«u 
fermèrent  1e  lendemain  les  portes.  En  conséquence*  H  cessa  de  se 
présenter  au  pelai»;  jnaisv.il  4toxt -  exacteaym  infini*  de  unit  «  qui  se 

Jii  z 


4*4  JOURNAL  DES  SXVANS, 

passbit ,  par  quelques-uns  des  officiers  qui  étoient  attachés  à  ses  intérêts. 
Je  n'entrerai  point  dans  le  détyl  de  ces  intrigues ,  et  je  me  contenterai 
d'observer  que  le  prince  Khosrou  secroyoit,  à  ce  qu'il  paraît ,  si  assuré 
jdfe  succédera  l'empire,  qu'il  reœvoit  déjà  les  congratulations  de  ses 
aftidés.  Un  de  ses.  partisans  cependant  se  hasarda  de  demander  au  ma* 
rtfcnjUe  mourant  quels  étoient  ses  ordres  relativement  au  prince  Khosrou* 
Su  réponse,  si  nous  en  croyons  Djéhanghir ,  qui  a  pu  à  la  vérité  être 
instruit  de  ces  circonstances  par  quelques  personnes  affidées  qu'il  avoit 
auprès  d'Âcbar ,  mais  dont  toutefois  le  témoignage  est  un  peu  suspect, 
fut  conçue  en  ces  termes  :  «  C'est  Dieu  qui  décide  des  événemens',  et 
afiriui  seul  appartient  la  souveraineté.  Quant  à  moi ,  je  conserve  encore 
»  beaucoup  d'espoir  ;  mais ,  sans  doute.,  en  vous  permettant  un  tel 
»  langage  en  m»  présence ,  vous  me  regardez  comme  déjà  victime  de  la 
»  mort.  Toutefois  il  pourroit  bien  se  faire  que  je  jouisse  encore  quelque 
»  temps  delà  vie.  En  supposant cependdht  que  la  crise  fatale  soit  proche, 
»  et  que  l'heure  du  départ  soit  arrivée,  puis-je  avoir  publié  cette  promp-  a 
»  TCude  dans  les  dispositions  militaires ,  cette  sagacité  dans  les  affaires 
apolitiques,  et  les  autres  qualités  indispensables  pour  exercer  avec 
»  succès  le  pouvoir  souverain ,  que  f  ai  reconnues  moi  -  même  dans 
»  Séfim-schah  à  Allahabad  !  Je  n'ai  jamais  senti  diminuer  en  rien  l'amitié 
» tî' {'affection  que  je  lui  apportées.  Quand,  séduit  par  de  mauvais 
»  conseils ,  il  se  seroit  égaré  un  instant  des  devoirs  d'un  fils ,  en  est-il 
»  trtoins  pour  cela  mon  fils  aine ,  et  par  conséquent  l'héritier  du  trône,  de 
»  ce*  trône  qui,  par  les  institutions  de  ma  race,  appartient  au  fils  premier 
*tté;,  et  ne  sauroit  descendre  à  celui  qui  est  plus  jeune!  Au  reste  ,  je 
j» donne  à  Khosrou  le  Bengale,  qui  forme  une  étendue  de  territoire  de 
»  six  mois  de  marche.  » 

Une  anecdote  qui  concerne  les  médecins  <TÀcbar  mérite  d'être 
remarquée.  L'un  deux,  qui  se  nommoit  Ali,  avoit  permis  ati  malade  de 
manger  du  melon,  ce  qui  lui  avoit  causé  une  violente  indigestion;  et 
le  lendemain  de  cette  crise ,  il  lui  avoit  fait  administrer  une  certaine 
potion.  Un  autre  médecin,  appelé  le  docteur  Afô%afferf  blâma  sévère- 
ment l'indulgence  et  la  prescription  cTAli.  ce  Pour  moi ,  dit  Djéhanghir , 
» -par  une  juste  répugnance  à  faire  perdre  à  un  homme  sa  réputation , 
»  et  peut-être  par  un  penchant  naturel  k  pardonner ,  je  décidai  que  le 
»  docteur  AH  ne  seroit  pas  foulé  aux  pieds  (de  mes  éléphans ) ,  d'après 
»  wmh suggestion  qui  ne  venoit  que  de  pure  malignité,  et  une  accusa-. 
»  tron  qui  de  la  part  de  Mozafier  n'avoit  d'autre  principe  que  la  jalpusie. 
»  Si,  me  dis-jé  à  moi-même ,  les  bévues  des  médecins  ne  concouraient  pas 
»  et -l'exécution  des  décrets  divins  §  nous  ne  mourrions  jamais.  J'en  fis 


JUILLET  1S30.  437 

»  même  la  confidence  au  docteur  Ait,  par  un  sentiment  de  discrétion 
»  et  de  bonté  v  mais ,  au  fond  de  mon  aine ,  toute  ma  confiance  dans 
»  son  talent  fut  anéantie.  » 

Djéhanghir  consacre  beaucoup  de  place,  dans  ses  Mémoires,  à  faire 
connoître  les  principaux  seigneurs  de  sa  cour  et  de  celle  de  son  père; 
il  expose  leurs  bonnes  qualités  et  leurs  défauts  ,  et  développe  les  jnotift 
qui  l'ont  déterminé  ou  à  récompenser  leurs  services ,  ou  à  dissimuler 
leurs  intrigues  et  les  griefs  qu'il  avoit  contre  eux.  On  voit  que ,  quand  il 
écrivoit  ainsi,  la  plupart  étoient  encore  vivans;  et  si  ces  Mémoires  sont 
authentiques ,  il  semble  qu'ils  n'étoient  pas  destinés  &  être  connus  de  la 
famille  du  monarque  et  de  sa  cour ,  durant  sa  vie. 

Entre  autres  choses  assez  remarquables,  il  raconte  Qk"û  livra  à  la 
Justice  et  fit  punir  de  mort  un  jeune  seigneur  nommé  Aiir^a  Nour  t 
qui  s'étoit  rendu  coupable  <Tun  homicide  volontaire.  Ce  jeune  homme 
étoit  fils  d'un  des  principaux  officiers  de  la  cour,  appelé  Khati-l-a^em  , 
et  dont  Djéhanghir  fâisoit  le  plus  grand  cas.  Djéhanghir  remarque  à 
cette  occasion  que ,  quelque  peine  qu'il  éprouvât  à  user  de  sévérité 
envers  le  fils  d'un  seigneur  du  plus  grand  mérite ,  il  dut  vaincre  sa  repu* 
gnance  pour  obéir  à  la  loi  musulmane  qui  prononce  la  peine  de  mort 
contre  le  meurtrier.  Sans  doute  il  oublioit  9  en  écrivant  cela ,  la  part  que 
de  son  aveu  il  avoit  eue  à  l'assassinat  d'AbouTfazel. 

Relativement  à  un  autre  seigneur,  nommé  Asafkhanf  dont  il  fait 
le  plus  grand  éloge,  il  observe  qu'il  n'avoit  que  deux  défauts ,  savoir, 
l'avarice ,  qui  I'empêchoit  de  faire  aucun  acte  de  générosité ,  et  une 
négligence  totale  du  devoir  de  la  prière.  Quoiqu'il  çût  fait ,  avec  la 
permission  cTAcbar ,  le.  pèlerinage  de  la  Mecque,  et  qu'il  en  eût  accom- 
pli en  apparence  avec  beaucoup  de  zèle  et  de  dévfetioft  tous  les  rites , 
à  son  retour  dans  l 'Hindous cm  il  ne  parut  aucun  changement  dans  sa 
conduite  irreligieuse.  «  Il  ne  pouvoit,  disoit-il  pour  s%  justifier,  s'ac- 
»  quitter  de  la  prière ,  parce  qu'il  étoit  assailli  de  trop  nombreuses  tenta- 
»  lions.  »  Sans  doute  ni  Acbar  ni  Djéhanghir  ne  pensoient  pas  tout-à- 
•fait  comjne  Saadi ,  qui ,  dans  le  Gulistan ,  ne  veut  pas  même  qu'on  prête 
de  l'aigent  à  un  homme  qui  négligé  la  prière,  parce  que  celui  qui  est 
capable  de  manquer  à  ce  qu'il  doit  à  Dieu,  ne  se  fera  pas  de  scrupule 
d'oublier  la  dette  qu'il  aura  contractée.  •  • 

•  L'auteur  de  ces  Mémoires  se  laisse  fréquemment  .entraîner  à  de 
longues  réflexions  morales  et  politiques ,  4|>écialement  sur  les  devoirs 
de  la'  royauté  et  la  vanité  des  jouissances  passagères  du  monde.  J'en 
citerai  "un  exemple,  parce  qu'il  me  semble*  propre  à  démontrer  que  si 
cet  ouvrage  est  de  Djéhanghir,  il  n'a  pu  être  écrit  que  vers  la  fin  de 


4*8  '   JOUIT» AL  DES  SAVANS, 

a  on  règne.  Âtf  milieu  de  réffexicfis  fort  longues  et  de  fieux  commun* 
fort  ordinaires ,  Sur  la  nécessité  où  se  trouve  parfois  un  souverain  dé 
recourir  à  des  mesures  sévères  pour  maintenir  ou  rétablir  Tordre  -et 
pour  assurer  là  paix  et  îe  repos  de  ceux  qu'il  gouverne ,  le  royal  auteur 
affirme  que  ;  même  au  milieu  ées  jouissances  de  la  vie,  il  n'a  jama:s 
perdu-de  vue  ce  devoir  sacré.  «  Je  n'ai  jamais  oublié,  dit-il ,  que  quelque 
»  flatteurs  que  soient  au  goût  les  plaisirs  de  ce  m  onde, 'la  tin  en  est 
»  plus  amère  que  les  plus  mortels  poisons.  Héla*  î  que  me  sont 
i>  aujourd'hui  les  joyaux  du  plus  grand  prix  <jui  ont  été  versés  scrir  ma 

*  tète  avec  tant  d'abondance  !  ils  n'ont  plus  aucune  valeur  à  mes  yeux , 
»  et  je  n'éprouve  plus  que  de  l'indifférence  pour  leur  possession.'  Si  j'ai 

*  contemplé  fPiefquefoTs  avec  délices  les  grâces  et  les  charmes  de  la 
j>  jeunesse  et  de  la  beauté  t  je  ne  connoh  plus  vë  plaisir  ;  ce  sentiment 
»  m'est  devenu  étranger.  Les  divertissemens  de  h  chasse  et  les  charmei 

*  d'une  société  joyeuse ,  ont  trop  souvent  été  pour  moi  Une  Source  dé 
»  peines  et  de  regrets.  La  vieillesse ,  du  bout  du  doigt ,  m'a  montré  que 
»  désormais  la  retraite  dewit  être  mon  plus  grand  plaisir  et. ma  re$- 

*  source  la  pluj  assurée ,  et  que  de  là  seulement  je  pouVoîs  retirer  lès 

*  plus  grands  avantages.  En  .un  mot,  fl  n'y  a  et  H  ne  saurait  y  avoir 
»  en  ce  inonde  aucun  état  permanent  de  repos  et  de  bonheurr  tout  y 
»  est  changeant ,  vain  et  périssable.  En  tin  cfin-'dVril  on  voit  fa  magf- 
*>  crétine  dont  les  enchantemena  captivent  le  monde  et  les  amateurs  du 
99  monde ,  saisir  par  le  cou  une  victime,  puis  une  autre  ,  &c.  &c.  ** 

Si  Ton  réfléchit  que  Djéhanghir  ri'avoit  pas  plus  de  trente-sept,  ans 
quand  il  succéda  à  Acbar ,  et  qu'à  cette  époque  H  n*étoit  rien  moim 
qu'indifférent  aux  douceurs  du  pouvot  souverain  et  Y  tous  les  plaisirs , 
on  croira  difficilement  qu'il  ait  écrit  cesjréflexions  philosophiques  dans 
la  première  ou  la  seconde  année  de  son  règne. 

Par  une  reiltoniré  assez  singnlière,  le  passage  que  je  viens  de  crtet 
est  immédiatement  suivi  <Tun  très-long  récit  des  tours  de  passe^passe 
qu'exécutèrent  dans  le  Bengale ,  en  présence  de  Djéhanghir  et  de  sa 
cour ,  une  troupe  de  jongleurs  dont  l'adresse  surprit  tellement  ce 
monarque ,  qu'il  a  jugé  à  propos  d'en  consigner  ici .  ies  détails.  De 
vingt-huit  tours,  tous  phts  étonnans  l'un  que  l'autre,  je  n'ëri  citerai 
qu'un  #seul ,  ePce  sera  le  premier  de  tous  ceux  que  rapporte  l'auteur,    ' 

Ces  jongleurs  donc  proposèrent  à  l'assemblée  de  désigner  tel  arbre 
qii*on  jageroit  k  propos,  annonçant  qu'aussitôt  ils  en  Jetteroient  la 
semence  en  terre ,  -et  qu'on  verroït  l'arbre  incessamment  sortir  4e  terre 
et  prendre  sa  parfaite  croissance.  Un  seigneur  présent  ayant  désigné  lé 
mûrier,  ils  jetèrent  en  terre  des  semences  en  dix  endroits  différens'; 


,    •   JUILLET  j8$0.  ii9 

tï  quand  ils  eurent  récité  certaines  formules  dans  un  tangage  qui  n'étoit 
compris  de  personne,  on  vit  tput  d'un  coup  sçrtir  de  terre  dix  mûriers  : 
l'expérience ,  répétée  sur  des  arbres  de  beaucoup  d'espèces  diverses , 
eut  toujours  le  même  succès». Bien  plus,  sur  la  demande  de  Djéhanghir, 
au  moyen  de  quelques  cérémonies  et  de  quelques  invocations  y  on  vit 
paraître  sur  chacun  de  ces  arbres  des  fruits  analogues  à  leurs  espèces  ;  «t 
chacun  des  assistant  fut  libre  d'en  goûter.  Ensuite  H  parut  entre  le  fèuil-t 
tâge  de  ces  arbres  des  oiseaux  de  diverses  formes",  de  diverses  couleurs , 
et  pareillement  diversifiés  poilr  leur  chant,  et  on  les  vit  se  jouer  et 
s'ébattre  en  pleine  tiberrf  entre  les  branches.  Enfin  les  feuilles  prirent 
des  teintes  variées  ♦  semblables  à  celles  qui  caractérisent  l'automne  et  la 
saison  de  la  défoliation,  puis  les  arbres  rentrèrent  en  terre  comme  ils 
en  àum  nt  sortis /et  disparurent  entièrement,  ce  Je  rie  ferai  à  ce  sujet, 
4»  dit  DjéhangMr,  qu'un»  seule  observation»  c  est  que  si  toutes  ces 
a»  choses  ne  s'étoknt  pas  passées  sous  mes  yeux  »  je  sa'aurots  jamais  pu 
m  croire  que  cela  eût  rien  de  réeL  *»  L'édrteur  ajoute,  dans  une  note,  qu'il 
m. été  témoin ,  dans  la  partie  occidentale  de  Unde ,  d'un  tour  pareil, 
employé  à.  la  production  d'un  manguier.  Une  toile  dérobott  h  la  vue 
îles  spectateurs  les  moyens  mis  en  «feutre,  par  les  jongleurs*  *  Je  ne  puis 
m  absolument  point  me  figurer,  dit-il ,  comment  cet  effet  extraordinaire 
*  éjtoit  produit,  à  moins  qu'on  ne  suppose  que  ces  jongleurs  portoient 
»  avec  eux  des  manguiers»  à  tous  les  degrés  de  culture  et  de  végé- 
»  tatma,  à^pnùs  l'état  de  semis ,  jusque  cdai  de  la  fructification.  » 

Agrès  avoir  rapporté  foules  les  choses  surprenantes  qu'a  vit  exécuter 
par  ces  jongleurs, «DjékangbiT  observe  quef  quelque  subtilité  et  quelque 
artifice  qu'on  suppose  dans  ceux  qui  font  de  pareils  tours,  il  faut  pour* 
tant  convenir  qu'il  y  a  fil-dedans  quelque  chose  d'un  pouvoir  sur* 
humain.  «  J*ai  ouï  dire,  apoute-Hi  ,  qu'on  nomme  cela  fart  des  Sam** 
m  miens,  et  j'ai  fcppitt  que  cet  art  est  aussi  connu  en  Europe  et  y  est 
3»  poussé  fort  loin»  »  Au  lieu  de  Part  des  Samanèens  (Semnaman) 
le  traducteur  conjecture  qu'il  fort  lire  Asm  art  i en,  c'eat^-dire ,  *ks 
iakitans  du  ciel  :  je  sais  loin  d'adopter  cette  conjecture. 

Pendant  que  Djéhnighir  est  sur  ce  sujet ,  il  est  prend  oemioo  de 
raconter  des  aventures  absurdes  qui  lui  avoieat  été  débitées  par  ha 
Arqbe,  et  dans  iesquette*  une  le  bafcitée  car  des  Portugais*  et  oit  il 
n'y  avok  pas  un  muI  musulman ,  yone.ua  grand  râle.  Ce  prince ,  qui  9 
à  œqull  parait ,  ne  saupectoi  t  point  la  véracité  du  narrateur,  attribue 
les  choses  merveilleuses  qu'on  lui.  a  racontées  des  Portegais  habitua 
de  cette  lé  ,  à  VvichàmitiffMt*ms  savons,  dit-il  9  Are  fort  en  vogne  parmi 
les  Francs* 


44o  JOURNAL  DES  S  A  VANS, 

-  Cette  longue  digression  en -amène- encore*  une  autre;  et  ici  il  s'agit 
d'un  conte  indien  tout  aiçsi  absurde ,  relatif  à  l'origine  de  la  forteresse 
de  Mandou  ,  place  située  dans  la  province  de  Malwa  4  et  célèbre  dans 
I  histoire  de  l'Inde,  et  dont  Acbar  ne  put  se  rendre  moitié  qu'après  un 
siéger  de  six  mois.  .  *    • 

*  Un  voyage  de  Djéhanghir  dans  le  G  ut  ara  te  fournit  à  l'une  des  beautés 
du  sérail  de  ce  prince ,  femme  qui  ne  portoif  -encore  que*  le  titre  de 
Khàirou  Inésa  Bégum ,  et  qui  étoit  loin  dé  la  haute  faveur  dont  elle  jouit 
dans  la  suite ,  l'occasion  de  lui  offrir  une  ftte  magnifique  dans  les  jardins 
de  son  père  le  Khan-khanan ,  situés  dans  le  voisinage  cT^Jiftied-abad. 
Ce  n'est  pas  sans  intention  que  je  fais  observer  que  la  célèbre  Nottr* 
makal,  nommée  plus  tard  Nour-d)ihan ,  n'est .  appelée  dans  l'occasion 
dont  il  s'agit  que  Khàirou'lnésa,  c'est-à-dire,  ta  plus  tx$\lknu  dts  femmes. 
On  l'appelle  ordinairement  Mïhr-tlnésa ,  et  c'est  ainsi  que  MUGIadwin 
la  nomme  dans  son  Histoire  de  Djéhanghir -(  pag.  ai  ).  On  pourrait 
supposer  qu'il  y  a  ici  une  faute  dans  le  manuscrit  dont  M.  Price  a  fait, 
usage ,  pu  bien  qu'il  a  lu  mal-à-propos  »  LjJL  jg»  au  lieu  de  »  Lait  *j%»  ? 
mais,  pour  dire  le  vrai,  j'ai  peine  à  concevoir  qu'on  ait  joint  le  mot 
arabe  LjJI  ainsi  déterminé  par  l'article ,  avec  le  mot  persan  j^*.  Je 
sais  bien  qu'on  a  une  alliance  qui  peut  sembler  analogue  t  dans  le  nom 
de  la  pripcesse  Bakht+tlnisa  ;  mai*  il  faut  remarquer  que  le  mot  cm?', 
quoique  d'origine  persane,  a  passé  daifs  la  langue  arabe >  ce  qui  n'a 
pas  lieu,  je  crois,  pour  le  mot  j**,  qui  en  persan  signifie  soleil  et  amour. 
'  Une  circonstance  remarquable  de  la  fête  donnée  en  cette  occasion 
à  Djéhanghir  ,  c'est  que ,  quoique  l'on  fût  en  hiver ,. les  artistes  chargés 
de  la  décoration  des  jardins  avoient  suppléé  par-tout,  avec  du  papier 
et  de  la  cire ,  à  l'absence  des  feuilles,  des  fleurs  et  des  fruits,  et  cela 
avec  un  art  si  parfait ,  que ,  si  nous  en  devons  Croire  l'auteur  des 
Mémoires ,  l'imitation  étoit  telle  qu'il  oublia  la  saison  dans  laquelle  on 
se  trou  voit,  et  étendit  la  main  pour  cueillir  des  fleurs  et  des  fruits. 

Je  me  borne  au  petit  nombre  de  faits  qu'on  vient  de  lire ,  et  qui 
peuvent  donner  une  idée  des  .objets  très-variés  que  contiennent  ces 
Mémoires,  et  du  système  de  rédaction  que  l'auteur  a  suivi,  je  devrois 
peut*  être  dire  de  l'absence  de  tout  système  et  du  désordre  qui  s'y  font 
remarquer.  J'ai  déjà  signalé  dans  mon  premier  article  ce  qui  me.  pajort 
manquer  essentiellement  à  cette  publication,  et  il  seroit  inutile  de 
revenir  là-dessus*  Cela  ne  doit  pas  toutefois  nous  empêcbej  de  jouir 
avec  reconnoîssande  de  ce  qui  nous  est  offert.' 

SiLVESTRE  DE 


;  JUILLET  1S30,;       ,'  44» 

Mémoires  d 'agriculture ,  d'économie  rurale  et  domestique,  pubJiés 

<   par  la  Société  royale  et  centrale  d'agriculture ,   année  1828.* 

A  Paris,  chez  M.mc  Huzard  (née  Vallat  la  Chapelle),* 

lifaraîrfe  de  la  société,  rue  dé  TÊperon-Saint-André ,  n.°  J. 

.  •'  1 

Les  sociétés  d'agriculture  >  instituées  pour  perfectionner  le  premier 
des  arts ,  s'acquittent  de  cette  belle  fonction  en  propageait  des  principes, 
en  recueillant  des  faits,  et  répandant  la  lumière  autour  d'elles  par  des. 
exemples  et  des  écrits.  Depuis  un  siècle,  il  s'en  est  formé  un  grand 
nombre  en  France ,  sous  diverses  dénominations ,  ex  toutes  à  l'aide  de 
l'amour  du  bien  et  du  zèle  des  membres  qui  les  composent.  Il  en  existe 
une,  dite  Société  centrale,  à  laquelle  se  rapportent  les  autres,  sans 
autre  devoir  à  remplir  à  son  égard  que  la  communication,  soit  de  décou- 
vertes qu'elles  auroient  faites,  soit  d'essais  tentés  avec  des  succès 
obtenu).'  La  Société  centrale  accueille  ce  qu'elles  lui  font  parvenir ,  et 
leur  fàjt  part  à  son  tour  du  produit  de.  ses  propres  recherches.  On  ne 
peut  douter  que  cette  réciprocité  n'ait  de  grands  avantages.  La  Société 
centrale  vient  de  publier  un  volume  dont  nous  allons  rendre  compte.    ; 

Il  commence  par  un  discours  de  M.  de  Martignac ,  alors  ministre  de 
l'intérieur,  et  qui  présidoit  une  .des  séances  publiques.  Nous  n'en 
itérons  que  deux  endroits,  ce  Trois  jours ,  dh-il ,  se  sont  à  peine  écoulés 
»  depuis  celui  où  recevant  avec  une  paternelle  bienveillance  l'expression 
»  de  vos  sentimens ,  le  roi  vpus  a  répondu  ;  Ctst  principalement  p#r 
»  l'agriculture  que  la  Franc f  peut  augmenter  sa  prospérité  ;  je  vous  engage 
»  a  travailler  toujours  avec  le  même  $le  à  cette  branche  fi  intéressante  delà 
»  richesse  publique.  »  Plus  loin,  Je  ministre  s'exprime  de  cette  manière; 
«  II  u'çst  pas  d'illustration  qpi  ait  dédaigné.  l'agriculture,  pas  de  genre 
»  de  gloire' qui.  jait  cru  s'abaisser  en  essayant  la  herse  et  la  charrue.  S| 
»  d'une  part  Pline  et  Virgile  àescençtiiçiU  des.  h^ujeurs  du  génie  poifr 
a»  tracer  au  cultivateur  de  modestes  façons,  de  l'autre  la  .main  triopi* 
»  phame.  de  Cincinnatus  ne;  tar^a  pas  à  reprendre  le  sillon  qu'avoif 
»  interrompu  la  victoire.  »  Le  compte  qui  suit  des  travaux  de  la  société 
pendant  le  cours  de  l'année  précédente, .  offre,  à  Ja  reconnoissance 
publique  une  grande  variété  d'objets  traités.  C'est  toujours  par  ces  sortes 
de  comptés  rendus  qu'on  peut  juger  de  futilité  d'une  société ,  parce 
qu'an. y  trouve  le  sommaire  des  matières  dont  elle  s'est  occupée,  et 
auxquelles  elle  *  donné  le  pïuj  d'attention.  H  semble  à  ceux  qtd-kj 
écoutent  ou  qui  lés  lisent  qu'Us  as>îs;ejit  aux  ^éapees  particulières  .4$ 
toute  rannée."  "_..     ;    w;4.  ..;;  .'    rV^ 


44*  JOURNAL  DES  SAVAIS , 

Noul  Voudrions  pouvoir  <Wra  tonnoftre  m  détail  réloge  de  Frtnçofc 
de  Neufchfttcau»  par  M.  SUvestie,  secrétaire  de  ia  société.  La  Vte  de 
cet  homme,  que  les  lettres  ont  perdu  il  n'y  a  pas  long- temps ,  comprend 
tant  cTévénemens  difFéfertS ,  il  a  fait  tant  de  choses,  qu'il  éloit  impossible 
que  cet  éloge  ne  fût  pas  très-étertdu.  Nous  nous  bornerons  à  dire  qu'il 
conçut  le  premier  et  exécuta  le  projet  de  lier  aux  fëtes  annuelles,  dans 
tous  les  dépaf  terriens ,  «ne  exposition  publique  des  produits  les  plu* 
remarquables  de  {Industrie  manufacturière  ,  et  ce  fut  une  âe%  pensées 
dont  il  a  conservé  toujours  ujt  plus  doux  souvenir.  Nous  ajouterons 
qu'il  desiroit  qu'on  introduisît  renseignement  de  1'agricuftare  dan* 
instruction  publique;  que,  pendant  un  séjour  qu'if  fit  dans  les  environs 
de  Bruxelles,  il  traça  le  projet  du  dessèchement  de  l'immense  marais  de 
Peeï  et  de  la  mise  en  culture  des  vastes  bruyères  de  la  Campine,  et  qu'il 
Commença  même  ,  à  ses  frais ,  cette  grande  entreprise. 

Cet  éloge  est  suivi  de  cinq  rapports  sur  les  divers  concours  qu'avoft 
ouverts  la  société. 

La  tâche  du  secrétaire  n'étott  pas  remplie  par  Féloge  de  François 
de  Neufchftteau,  membre  de  la  société,  dont  il  avolt  été  quinze  fois 
le  président.  M.  Sifvestre  crut  devoir  donner  une  notice  biographique 
sur  Louis-Gervais  Delamarre ,  propriétaire  et  cultfvtueur  forestier ,  qui 
ne  4»  soit  point  partie  de  cette  compagnie,  quoique  ses  connohsances  l'y 
Ht*sent  bien  appelé.  Mais  fl  n'avoit  pas  désiré  cet  honneur;  3  ne  fauroit 
pas  accepté ,  et  voici  pourquoi  :  étant  dans  Pintention  de  léguer  -  &  la 
société  un  domaine  qu'il  aflfcctionnoit  beaucoup;  par  une  idée  qu'on  peut 
taxer  de  bizarrerie ,  il  ne  vouloit  pas  qu  on  pût  croire  que  c'était  urt 
acte tîe  reconnoissance.  M.  Delamarre  avoit  acheté  le  VieH-Hfcrcourt  (  i }, 
dans  l'arrondissement  de  Bernay,  département  de  l'Eure.  Ce  domaine  de 
trois  cents  hectares»  dont  quinze  en  bois,  étoit  composé  en  grande  partie 
de  terres  médiocres  et  mauvaises,  oit  If  ne  croissoit  que  des  bruyères, 
des  fougères ,  des  ajoncs ,  des  mousses.  M .  Delamarre  ty  établit  :  pen- 
dant dix  ans  »  il  ne  s'occupa  qu'à  l'améliorer ,  et  y  essaya  toute  sorte 
d'arbres ,  et  spécialement  ceux  de  la  famille  des  conifères  ;  il- réussit  à  eh 
élever  et  à  en  planter  beaucoup  qui  un  jour  auront  de  là  valeur.  Pour 
assurer  après  lui  h  conservation  de  ces  plantations ,  en  accroître  futilité 


;  (i\  Ce  domaine  a*  dote  pas  être  confondu  avec  Harcomt,  situé  dans  le 
Calvados,!  autre  partit  4e  ta  Normandie,  sur  b  rivière  d'Orne,  i  3  royriainèues 
de  Caten,  jîutrefoU  connu  sous  le  nom  de  marquisat  de  Thury  et  érigé  en 
f'700  par  Louis  XIV  tù  duché,  en  faveur  de  Henri  d'Harcourt  de  Bcuvron, 
capitaine  des  gardes  et  depuis  maréchal  de  France. 


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-  et  perpétuer  les  exemples  que  donnerait  leur  succès  ,  il  imagina  <f  établir 
par  sou  tesument  la  Société  centrale  d'agriculture  sa  légataire  univer- 
selle ,  persuadé  qu'elle  ne  détruiroit  pas  son  ouvrage ,  et  qu'elle  suivroît 
même  les  ecremens  qu'il  iaissoit  pour  continuer  ses  améliorations*  II 
attachoit  tant  de  prix  à  ce  qu'il  avoît  feit,  que  penser  que  cela  pût 
être  anéanti  étoit  pour  lui  un  tourment-dont  il  cfaerêhoit  à  se  débarrasser. 
U  se  -tranquillisa  en  faisant  don  de  son  domaine  à  un  corps  toujours 
existant ,  dans  lequel  l'intérêt  particulier  n*àurok  jamais  d'influence ,  et 
qui  y  éclairé  par  les  meilleurs  moyens  d'entretenir  tt  d'améliorer  cet 
établissement,  devoit  mettre  encore  tous  ses  soins  à  en  conserver  et 
accroître  les  avantages. 

Outre  la  distribution  des  prix  décernés  en  conséquence  des  pro- 
grammes de  la  société ,  elle  accorde  encore  d'autres  prix  à  titre  d'en- 
couragement,  et  consigne  dans  se*  vcdumes  les  rapports  qui  en 
développent  les  motifs.  Quelques-uns  de  ces  prix  sont  toujours  destinés 
à  des  notices  .biographiques,  sur  des  hommes  qui  ont  rendu  des  services 
à  l'agriculture  par  leurs  travaux.  Il  en  a  été  donné  un  à  M.  Hédouin  , 
avocat  à  BouIogne-sur»Mer,  membre  de  la  Société  académique  d*s 
en&ns  d'Apollon,  à  cause  cFua  éloge  inséré  dans  le  volume  dont  nous 
Tendons  compte ,  éloge  qui  rend  un  juste  hommage  à  la  mémoire  de 
M.  le  baron  de  Courset ,  savant  très-distingué  dans  la  botanique  pra- 
tique. U  culrivoit  un  grand  nombre  de  plantes,  tant  exotiques  qu'indi- 
gènes, dans  des*  jardins  quoo  venoit  visiter,  auprès  de  Boulogne  :  ceux 
qui  ont  connu  %^$  vertus ,  ce  qu'il  a  observé ,-  ce  qu'il  a  écrit ,  savent 
à  quel  point  cet  hommf  ge  étoit  mérité. 

-  Nos»  arrivons  à  ua  sujet  -qui  maintenant  occupe  beaucoup  te 
esprits*  II  s'agit  du  percement  des  puits  suivant  la  méthode  artésfennct. 
La  société,  dans  un  programme,  rappelle  les  npms  de»  hommes  qui  en 
ont  parlé.  Le  prennes  est  Dominique  Caasini,  qui  fit  connoître  ceux  de 
Modène  en  i  $7 1  •  Bétidqr ,  en  1729.»  écrivoit  qu'il  avoît  vu  au  monas»» 
tère  de  Sain  t- André,  à  une  demUîeue  d'Aire  en  Artois ,  un  puits  foré  dotu 
j'eau  a'élevoit  à  la  hauteur  de  quatre  mètres.  Ici  l'auteur  de  cet  article  du 
volume  fait  cette  réflexion  :  «  Les  progrès  dans  le*  arts  se  développent 
?»  comme  tes  inventions.  Les  premiers,  pas:  sont  rapides;  mais  bientôt 
*>  l'exécution  présente  des  difficultés  qui  en  retardent  ou  suspendebt  le 
»  court.  »  Ce  n'est  que  depuis  quelques  quittées  que  Fart  du  fonumûer 
mondent ,  pratiqué  S  y  a  un  dède  dans  no^piovihoea  du  norfl  v  s'estait 
coanoittoet  a  fixé  Fattentiou  dans  quelques  autres  départe  mens,  gcicefc 
aux  effort*  d'habiles  ingénieurs  et  mécaniciens:  on  deit  parKuHèrpmst 
ce  nouvel  élan  i  MM.  «éricart  de  TJwiy,  Gaprièr*  Baillai;*  A*  tm 

xkk  2 


444  JOURNAL  DES  SAVANS, 

sondages  n'ayant  pas  eu,  par-tout  ofe  Ton  en  a  Ait  usage,  les  effets  qu'on 
se  promettait*  la  Société  d'agriculture  a  voulu  provoquer  par  un  concours 
générai  de  nouvelles  recherches.  Elfe  a  annoncé  trois  prix,  qu'elle  de  voit 
distribuer  dans  la  séance  publique  de  cette  année ,  un  de  3,000  fr. ,  un 
de  2,000  fr.\  et  un  de  1,000  fr, ,  aux  propriétaires,  cultivateurs, 
ingénieurs  et  mécaniciens  qui  «auraient  percé  un  ou  plusieurs  puits 
dont  l'eau  s'éleveroit  à  la  surface  du  soi.  Pour  donner  -aux  concurrens 
;  tous  les  '  rtioyens  et  renseignemens  qu'ils  pourraient  désirer ,  elle  a 
placé  dans  ce  volume  et  fait  distribuer  à  part  les  recherches  qui  lui  ont 
été  présentées  par  M.  le  vicomte  Héricart  de  Thury ,  sur  le  gisement 
des  eaux  dans  le  sein  de  la  terre ,  relativement  aux  fontaines  jaillis- 
^antes  des  puits  forés  ;  des  observations  sur  la  cause  de  leur  jaillissement  ; 
l'indication  de  ceux  qui  existent  en  France,  des  ouvrages  à  consulter  sur 
la  construction  de  la  sonde,  de  la  manière  de  s'en  sertir,  et  même 
jusqu'aux  noms  des  sondeurs  auxquels  on  peut  s'adresser.  Ce  travail, 
qui  ne  pouvoit  être  court ,  occupe  cinquante-quatre  pages. 

Une  commission  avoit  été  nommée  par  la  société  pour  aller  prendre 
possession,  en  son  nom,  du  domaine  cTHarcourt,  légué, comme  il  aété  dh, 
par  M.  Delamarre.  Cette  commission  reud  compte  de  l'examen  de  toutes 
les  parties  du  domaine;  en  tète  est  le  testament,  en  date  du  a 8  septembre 
1 8,27.  La  commission^  y  décrit  le  château ,  donne  une  notice  historique 
de  sa  construction  et  des  familles  illustres  auxquelles  il  a  appartenu 
depuis  917,  date  bien  constatée.  Les  commissaires  n'ont  pu  s'empêcher 
d'être  étonnés  que  de  simples  agriculteurs  fussent  les  successeurs  des 
plus  hauts  personnages  de  France.  Ce  qui  a  le  plus  attiré  leur  attention, 
et  c'étoit  l'objet  principal ,  ce  sont  les  bois  et  plantations ,  qui  sont 
divisés  en  parties  plus  ou  moins  étendues  :  ces  bois  pris  ensemble  sont 
considérables,  et  presque  tous  en  pins,  épicias  r mélèzes y  &c  M.  De- 
lamarre avoit  tant  d'amour  pour  cette  sorte  d'arbres,  qu'il  à  détruit 
quelques  plantations  d'autres  espèces,  pour  en  mettrç  à  leur  place. 
A  la  vérité ,  ils  ont  réussi  par-tout ,  et  ils  sont ,  disent  les  commissaires , 
d'une  belle  végétation.  Cinq  plans  représentent  le  vieux  château  avec 
Ses  fossés,  ses  tours,  se$  remparts  et  ses  dépendances. 

II  nous  reste  à  parler  de  l'eut  actuel  de  l'exploitation  du  domaine 
royal  et  rural  de  Grignon,  commencée  il  y  a  quelques  années.  Nous 
pensons  quSI  suffit  de  dire  que  le  Roi  a  consenti  à  la  concession  de  ce 
,  pour  y  établir  urçe  école  Spéciale,  théorique  et  pratique-  de 
science  agronomique;  Cet  établissement  s'est  formé  >  et  doit  s'entre- 
tenir par  des  souscriptions*  Déjà  des  améliorations  y  ont  été  introduites. 
EÛigé  par  M.   Bella,  très-instruit  dans  tout  ce  qui  concerne  l'art 


* 
* 


agricole ,  il  ne  peut  manquer  de  prospéneri  Un  rapport  îur  son  état 
actuel  fait  partie  du  volitihe  que  nous  faisons  connoître.  Ce  n'est 
qu'après  un  certain  nombre  (Tannées  qu'on  pourra  juger  de  Y  effet  (f  un 
établissement  bien  conçu,  et  qui  doit  concourir  aux  progrès  de  l'éco- 
nomie rurale  de  la  France. 

Le  volume  est  terminé  par  un.  mémoire  de  M.  Bonafbus  ,  directeur 
du  Jardin  royal  d'agriculture  de  Turin1,  correspondant  de  fa-  société,  sur 
Temploi  du  chlorure  de  chaux  pour  purifier Tair  des  ateliers  de  vers  à 
soie.  Les  causes  des  maladies  de  ces  insectes  ont  été  l'objet  de  re- 
cherche* de  l'abbé  de  Sauvages ,  de  Fontana ,  de  Paroletti ,  du  comte 
Dandoio  >  de  Foscarini ,  de  Nysten,  médecin  de  Paris,  qui  fut  envoyé 
par  nos  soins  dans  te  Dauphiné  et  k  Languedoc  pour  y  feiie  toutes  les 
observations  et  les  expériences  qu'il  croîroit  nécessaires.  Une  âçs  mala- 
dies de  ces  irisée  tes ,  quant  à  sa  caUse  et  Jl  £es  effets ,  fut  toujours  là  plus 
difliçile  à  prévenir  et  à  .combattre;  c'est  celle  par  laquelle  le  ver  se 
convertit  en  une  matière  blanche,  qui,  suivant  des  chimistes,  est 
formée  de 'phosphate  ammoniacal  magnésien,  d'un  peu  d'urne  d'ammo- 
niaque, et  <T une  petite  quantité  de*  matière  animale:  cette  maladie 
s'appelle  musçardinc.  M.  Bonafous  a  découvert  et  s'est  assuré  que, 
contre  l'opinion  de  Nysten  et  de  Dandoio ,  elle  est  contagieuse.  II 
propose,  pour  décomposer  lel  miasmes  délétères  des  ateliers  de  vers  à 
soie,  le  chlorure  de  chaux,  facile  à  employer  et  peu  coûteux,  sans 
négliger  cependant  de  faire  pénétrer  dans  ces  ateliers  un  courant  d'air 
qui  chasse  l'air  qu'ifs  contiennent,  et  d'y  allumer  fréquemment  des  feux 
de  flamme  pour  le  déterminer  à  céder  la  place  à  Tair  extérieur. 


•  •   •>! 


TESSIER. 


«^«MNti 


NOXJVELVtS  LITTÉRAIRES. 


■  ■  k  "  • 


^INSTITUT  ROVAfc  DE  FRANCE. 

^  L'Académie  des  stàènces  a- tenu ,  le  26 juillet,  une  séance  publique,  où  l'on 
a  entendu  Its  éloges  de  MM.  Humphry  Davy  et  Vauqueltn,  par  M.  Cuvier;  de 
NL  Fresnal/par  M»  Arago. 
-    Les.  prix  ont  été  décernés  dam  l'ordre  suivant  : 

L  U  grand  prix  de  mathématiques,  promis  k  l'ouvrage  imprimé  ou  marins- 


^  qui  présenterait  l'application  la  plus  importante  des  théories  mathématiques 
i  Ift  physiquement^  la  ou  à  jrastroaomie^eu.hten.qut.coQtiendroit  une  décou- 


44*  JOURNÀi  DES  SA.V.ANS, 

■ 

TOrieanafytkriie  trèsHrcniav^uaMe*  »  été  partagé,  entre  la  &m;Hlede  feu  M.  Abcl 
de  Christiania,  et  M*  Jacobi,  professeur,  de  ma  thématiques- à  Koenisberg.  Ce 
fix  con>i«oic  en  une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  3Aoço  francs. 

IL  Le  grand  prix  des  sciences  naturelles  étpit  destiné  à  une  description  des 
nerfs  des  poissons-,  appliquée  au  moins  à  trois  espèces,  choisies,  Tune  parmi  les 
acanthoptérygiens  thoraciques,  l'autre  parmi  les  malacoptér y giens abdominaux, 
ta  troisième  parmi  les  chbndcoptérygiens,  L'Académie  n'a  secu  qu'un  seul  mé- 
moire» écrit  en  latin  »  portant  saur  devise,  Quidgpitf  ws  ocçulto  eu  inapricum 
f'roferet. mtaig  et  accompagné oje  dessins  du  fini  le  pkis  précieux,  représentant 
a  distribution  des  nerfs  dans  lé  sandre ,  le  brochet  et  (a  lamproie,  Quoiqu'on  eût 
désiré  plus  de  recherches  sur  f  origine  cas  principales  paires  de  nerfs,  et  sur  l'ana- 
logie encore  contestée  de  quelques-unes  de  ces  paire*,  4e,prix  a  été  accordé,  A  titre 
d'encouragement  ,  aux  deux  auteur*  de  ce  travail,  M.  Edouard  d'Alton,  profes- 
seur d'anatomie  à  l'Académie  de»  beaux-arts  de  Berlin,  et  M,  Frédéric  SUemm, 
professeur  et  prosecteur  à  l'université  de  la  même  ville. 

IIL  Le  prix  d'astronomie,  fondé  par  Lalande,  a  é\i  décerné  à  M.  Gambart, 
directeur,  de  l'observatoire  de  Marseille,  qui  a  le  premier,  aperçu  fa  nouvelle 
comète  de  1830,  fa  soigneusement  observée .  et  a  déWminé  le*  élément  pa- 
-raboitouet  de  ton  orbite.  ««-«La somme  réservée  Pansée  derotére.a  été  partagée 
-entre  M.  Gambry  \  k  qui  l'obserVttoiredt  Paria  est  .r«di^f4>te.d'uoe  magnifique 
lunette  jnéridipnne,  etALPjerreIot*inyen.teujr  d'un  compteur  k  détente  ,à  iwte 
duquel  un  observateur  inexpérimenté  peut  espérer,  des  son  début,  jù  déter- 
miner les  instans  des  passages  4Vne  étpifç  sous  les  differens  fiis  du  réticule  de  fa 
lunette  méridienne.   ~  ■..      ' 

-£V.  Le  prix  de  mécanique,  fondé  par  M;  de  Montyo* ,  et  consistant  en  une 
anédaUte  ne  la  valeur  de  1  .epo  ir.,  de  voit  être  adjnté  i  celui  qei  attroit  inventa 
pu  perfectionné  de»  instrument  utiles  aux  progrés  de  l'agriculture,  des  arts  mé- 
caniques et  des  sciences.  L'Académie  a  disposé  de  7Q0  fr,  en  faveur  de  M.  Ti- 
lorier,  pour  les  perfectionnement  remarquables  .qu'il  a  apportés  à  sa  machine 
à  comprimer  le  gaz;  et  de  300  fi*,  epftveur  de  M,  Barbrn  et ,  professeur  de  phy- 
sique, qui  a  perfectionné  les  machinai  pneumatiques  ordinaires,  sans  les  rendre 
plus  coûteuses. 

V.  Prix  de  physiologie  expérimentale»  fondé  par  M-  de  Montyon.  En  re- 
grettant de  ne  pas  avoir  trouvé  cette  année  de  treWrands  travaux  en  ce 
§enre,  l'Académie  a  néanmoins  accordé,  ce  prix , à  M.  L£on  Dnfour,  auteur 
e  recherches  anatomiques  s*r  1er  hémiptères ,  Accompagnées  de  considérations 
relatives  à  l'histoire  naturelle  et  à  la  classification  de  ces  insectes,  avec  atlas; 
ouvrage  qui  présente  un  grand  nombre  de  faits  nouveaux  ,  précieux  pour  la  phy- 
siologie générale  et.pôur  la  zoplogie,  ,-t>  H  a  étç  fajt  mention  hftnprable  de  Pou- 
vragftde  M,  Fourcaud,  intitulé  Lois  Je  l'organisme  vivent  ou  application  des  lois 
physico -chimiques  à  la  physiologie, 

•VI.  Prix  fondé  par  M.  de  Montyon,  en  faveur  de  celui  qui  aura  découvert 
lès- moyens- de  rendre  un  art  ou  un  métier'snoint  insalubrev  Le»  travaux  de 
M.  Aldmi,  relatifs  à  l'art  de  préserver  les  pompiers  de  l'action  de  M  flamme  dans 
les  incendies,  tendent  au  but  que  s'est  proposé  M.  de  Montyon  f  peu vcnxconn 
«JrftVeer  A  ta* conservation  det  hommes ,  présentent  déjà  des  résulta»  Ailes  et 
msfttiî,  e»  font  espérer  de  plus  étendus.  L'Académie ,  prenant  en  considéra  won 
W^woemew  Irien  remarquable  avec  kquei  M.  AlsJû»  a  poarseivi  ses  rcebe*- 


'  /.  / JUal  EUT  4  ft^t  i     :  44* 

ches,  et  les  dépchses  qaVle*  ont  *«igMrs,u»cro  «dévots  k» accorder *b  somrftei 
de  8,000  frM  à  titre  de  récompense  et  d'cissioufiagemcn*  •     t 

VII.  Prix  fijtidë  par  M.  de  Momyôn>  m  laveur  de  cetr*  qui  adront  çétftc*1 
ttonné  fort  de  guérir.  L'Académie  a  reçu  42  ou vraget,  mémoires  on  rnstriimërtf 
qui  tendbietit  à  cette  fi*  ;  et  éerondanr elle  fr'a, cette  année,  accordé  ni  \à\x 
Vif  encouragement*  Et?  eflet,  traptés  tes  terme*  du  pto^rarorae,  cet  prix  ne 
doivent  être  adjugea  qu'à  des  découverte»  parfaitement  vérifiées,  dv  Dama  le* 
vues  spéciales  qui  hl!  ont  été  soumises,  les  «iiejétt»entde^icawime^yieaafuire> 
n'ont  point  encore  reç»  de  l'expérience  la  sanction  <qu'eiies  doivent  avoir.  L'A^ 
cadëmieirend  d'ailleurs  Justice  à  quelques  ouvrages  oui  se  distinguent  paru* 
bon  esprit  d't>b*trv*tioft  et  ps*  une  sage  réserve  dansies  ratitonneniens  r  rite  f 
a  reconnu  des  vues  utiles,  des  applications  heureuses,  dont  fart  de  guérir  pourra  > 
dans  la /mh«^  retirer  des  résulctta  aVantage«a«  .  ♦   , 

VIII.  Le  prix  de  statistique  fondé  par  M.  de  Mpntyon,  et  dont  la  valeur 
est  de  $jofn9  a  été  décerné  a  M.  -Fuvfs,  ancien  officier  d'artillerie,  auteur 
dfune  notice  statistique  sur  la  département  de  l'Ai*  en  183©,  voLiivS*    - 

f  Académie  des  science* propose  pont  183a  et  183a  les  prix  tful  vont  Ivre 
indiqués. 

1.  Grand  prit  dé  manSeWtfaurt  en  f  8^>  ^fcoô  tt.  *  Les  expïfcatîctoi  plat 
aie*  frtoins  ittgéflteuiés<|ue4et  physicien*  ont  données  du  phénomène  de- la  grêle, 
•»4a*ss*n  t  encore  bea^ico«p4  destscr.  L'Académie  a  penséqtc  cette  question  peter* 
»  roît  aujourd'hui  être  étudiée  avec  *eccé*  ;  an»  (es  connoissançes  exacte*  4**6* 
i«  a  déjà  acquises  sur  te  rayonnement  de  i&  .chaleur ,  sur  la  température  de  Fat* 
»mosphère  à  différentes  élévations ,  sur  le  froid  qu*engendre  l'évaporation,  sur 
»  Téieçtijcité>  dec-  &€•*  çondeirom  peut-être  à  i^ne  solution  complète -de  cet 
»  important  problème  météorologique..  ••  L'Académie  demande  une  théor^ 
s»  appuyée  sur  deaWxpéciencex  positives  .sur  des  observations  variées-,  faites^s'il, 
»  est  possible,  dans  les  régions  mêmes  ou  naît  la  grêle. . * En  traitant  de  la  jot», 
filiation  des  grêlons/ quant  à  leur  constitution  physique,  quant  à  l'énorme 
»  volume  qiftlt  agoiiiérant  qnrlgjirfois ,  quaat.  aux-  faî'TiiT  /*r  finirie  et  aija 
»  époques  au  jour  dans  lesquelles  on  les  observe  ordinairement,  il  sera  indis* 
»  pensable  de  suivre  les  conséquences  delà  ifetorie  qu'on  aura  adoptée,  jusqu'aux 
w  applications  numériques»  soit  <jw  cet  té  théorie  mette  seulement  en  œuvre  les 
99  propriétés  déjà  connues  de  la  chaleur  et  de  l'électricité,  soit  qu'elle  s'étende 
«sur  àtt  propriétés  iouVeMes,  sesnltant  d'expériences  incMCestéblc**»  +~L*i 
mémoires  devront  étie  rtmis  au  mréftittat  de Ti nstsaut  avant  le  #•**  koacs  i%a* 

H.  Autre  gsand  ^rix  denUtWmatiqaef  neur  165a.  a  Examiner  dtmrseâ  dé- 
tails le  phénomène  de  ia  résistante  des  fluides,  en  déterminant  avec' sofa,  pif 
s»  dos  expériences -exactes,  les  pressons  ^oe>  supportent  séparément  on-  gréfcd 
»  nombre  de  points  «faobla  sur  è<*  fjarttc*.  sn^éfsWrrs ,  t*tésa4c«  e*  pd*eVTe^re* 
»  d'un  corps ,  lorsqu'il  est  exposé  aaHchee  éë  ce  fluide  en  mdu*tssulk ,  *et  fers- 
•»  ou'il  se  meut  dans  le  mêiwe  Aride,  «*  repos  f  mesurer  ta  vitesse  4c  feaw  *fr 
«divers  points-  due  fiieti  sjoi  «voisinent  le  corps  1  construire,  t  s*  les  données 
i>  de  i'obfervatnstt^  fax  <Wrbea  que  fcwsmfrtt  ces  *4ets  ;  détérslikier  le  point  *ér 
»  commence  leur xlevkiiiosi,  en  nVahr  *l  itotp «5  %n*#  établir,  tH  est  pomMe. 
»  sut  les  résulutade  ces  expériences»  q>«  founole*  esnpiriquH,  snjsj  fantoin^/ 
»  rera  ensuite  avec  Pensemble  des  expériences  faites  antérieurement  sur  le  même 
tt  sujet,  » — Ce  prix  avoit  été  prbposé  ^oéi^it^e^  mais  Fauteur  du  méuKxm 


44*  J  O  U  R*J  A  L  DCS  SMAA  N  S. 

» 

m*  ^^at^dinieixriciitbii/tonotaW^  «n  dccmée.* V**r  «Wfwelié  de  recon^ 
noître  qu'il  n'avoit  pu  encore  .sa tiaSikire  pleinement*  te  question*;  il  t  présenté, 
une  su£tq  d'eapérienceA  y^s-i^géniei^s ,  qui  pourront ,  par  de  .nouveau*;  efforts , 
CQPf^e^de^/é^luuirupo^os,    '    .  ,  :  j    ,  , 

UliGi^d  prix  des  scienc»t naturelles  pour  1&31.  «  Faire  coonoicre  par  des 
»«echercbes  aoatomiques,  et  àfl'aide  .de  figures,  exactes  <  l'ordre  dans  lequel 
«Vopèrelç  dévetoppement  jdes  vaisseaux v  ainsi  que  Jes  ^jinripaux,  changement 
m  qn  cprùtveitf  iCA  ^nérar!  Jes<*rgaskê»'dç»tinés.à  la  ctrculatidn  du,s4ng  chez  le* 
»  Anirrraui 'vertébrés,  afianvet  après  leur  naisaançe^et  dans  les  diverses  époouea 
»  de-leur ivie,  »  Gë  sujet  est  reows  pour  (a  troisième fois,.âu. concours  ;  ia  valeur 
4u  pKx  est  de  4°°°  fr>  Les  toémoires  doivent,  être  revis  avant  le  i.*r  janvier 

IV.  Prix  fondé  par  M,  AHmmbeft*  «  Déterminer  4  Patd*  d'observations, 
v et  démontrer  pari  de»  préparation»  anatomiques  et  des-  destins  ©ca<its,;Ies 
»  modifications  qde  présentent,  dans,  leurs -sq^Ût  tes  et  dans  Jeun  muselé*»  les 
»  reptiles ^batracien»,  tels  que  Jes  grenouilles  et  les  salamandres,,  en  passant  do 
*4:état  de  larve  à  celuti  d'animal  parfait,»  Cette  question  avoit  été-déjà  propo- 
sée ;  l'Académie  la  soumet  de  nouveau  aux  recherches  des  anatomistes%JLetCDii4 
çouxs^çra  %mé  le.  ji.  mjr&  183 j.YaJçurdq  prix,  1,500  fr...  .   .    « 

(<  j  V.  Prix  d'astronomie  fondé  par  La  lande,  à  décerner  le  J.tr  lundi,  de  juin 
*8jtf>rà  l'observation  i*  plus.;  intéressante  on  au  mémoire  le  .plus  utile,  à  la 
^4etBfçe  (-6356*0 •  L*  suite  au  cahier  prochain,  ,    :  ;■.•',-. -.i 

•  f 

If  r   -  |  ..■■■■  .!■•  .  * 

f  .  * 

''Nd^ÀV  On  f eût  fadnheJàUlibrénkdïM.  Lerrairlt-  *  Paris,  rue  de  la 
thffpê/it.9  Si;  et  à  S&àsHourgj  rue  de*  Juifi,povr  seprocuiir  les  divers 
ôu+rt&ès  artnontés  dans  le  Journal  des  Sàvans.  Il  faut  affranchir  tes  lettres 
et  te  prï*  présumé  des  ouvrages. 


dfcMê— »— — **«i— «A^àÉ— ■^MdÉ^i 


-»         .  :  ■   •  ■  :■■.•■ 


'A 


TABLE. 


Seiipta  historien  Islandorvm  ;  9*/.  /  <t  //.  (  Article  de  M.  Deaptng.  )  Pag.'  3(7 . 
Bê*l*ent*ndethent  et  rie  ià  raison  .-'introduction  à  V étude  de  iapktto- 

jppjutj  par  JM*Thurots\  Sec<w4  article  de  M*  Vwnou.)  ï  * .  *  +  •      •     399. 
iKiftoife  du  châtelain  de.Gwcyet  dé  Wdamede  F<syeî,  pur  M,A*Cra- 
^iPfa'X  Second,  artkh  de  M.  Rtyvovwtd.  ).  • .,  i . .  *>:. ■ ..,.  , . .  » .  4°8  • 

&ofae  wrunt  colUckiofi  çL**bf*t*  antiques,  d'argent,  <  récemment  trouvée 
.riHft  *fe.  Jlfcmay.  (Article  d*  M<  Raoul*  Rochetie,  )•*.,,;*.«.»..  427  • 

Jjpfatirt*  4?  VwpereurJDjéhanghir  j  écrits  par  ki-mJms ,  traduits  par 
pjfamtyr  JPauviJPMçe,.  i&cpndertkteitiAf*  SU vestre  de  Sarfy.  )•,  43c. 

4f@7flçii;es  4'ngtîçMkw*»  (L'éc#$Qm'wwtak  rt  domestique 9m$bliis par 
^-iftôtiryaleiMmttà  {ArtUU  dsMTtwvt.  )        44 1  • 

9Tt0fi::>in   «b  ujîi.sU  tii; .il ? è Jt  <^S  ^ A  ?| A, #I^ff  .^  .^  yi,q    .j  — 


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Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  fr-  Par  'a  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne ,  à  la  maison  de 
librairie  Levrault,  à  Paris,  me  de  la  Harpe,  n.°  85;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouveaux ,  les  lettres,  avis,  mémoires,  frc,  qui 
peuvent  concerner  la  rédaction  de  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris,  rue  cfe 
Ménii-montant,  n.°  22. 


JOURNAL" 

SAVANS,': 


A 


AOUT    1830. 


tes 


Bibliothèque  choisie  des  Pères  de  l'église  grecque  et  latine,  ou 
Cours  d'éloquence  sacrée,  par  Al.  Marie-Nicolas-Silvestre 
Guilion,  professeur  £  éloquence  sacrée  :  x6  vol.  in-8s , 
1 724-1 72p.  Paris,  Méquignon-Havard ,  libraire ,  rue  des 
Saints- Pères ,  n.°  10. 

TROISIÈME    ARTICLE. 

Pour  expliquer  et  faire  connoître  l'usage  ancien  d'encourager  les 
orateurs  sacrés  par  des  applaudissemens  et  par  des  acclamations ,  je 
dois  indiquer  préalablement  deux  faits  qui  rendront  plus  évidentes  les 
preuves  que  je  fournirai  de  l'enthousiasme  et  des  transports  avec  lès- 
quels  les  fidèles  interrompoient  les  discours  de  l'orateur  sacré ,'•  afin  de 
lui  exprimer  les  sentimens  qu'ils  ëprou voient. 

La  plupart  dés  discours  des  SS.  Pères  furent  de  brillantes  et  heu- 
reuses improvisations;  ils  étoient  souvent  obligés  de  parler  d'abondance, 
parce  que ,  prêchant  presque  toue  les  jours ,  et  consumant  une  grande 
partie  du  temps  dans  i'exeicice  des  autres  devoirs  de  leur  pieu*  ministère, 
H  ne  leur  en  restoit  guère  pour  composer  et  inculquer  dans  Iéiir 
mémoire  ce  qu'ils  atoientà  dire  au  peuple;  àttssi  plusieurs  tliscours  des 
SS.  Pères  prouvent  ,'d'une  manière  mcomestâbte  ;qirïls  s'abandonnoient 
è'l'impnra tien  du. panent, çt  qu^iejciff^s^^/e^rripr^YU^  donnait  par- 
fois, itiie  direction  nouvelle  à  leurs  se^tim^^^^Jçuff  éloquence.    ■ 

Dins  un  de;S^;diM:our$j,:S.tJearrç£^  à  ses 

auditeurs  les  émotions  de  la  veille  : 

»       .  >j   '  ••  f  *  *  * , 

ce  Je  n'étois  plus  le  maître  de  l'ardeur  qui  dévoroit  mon  ame,  et 
»,  dont  les  transports  redoublqient  avec  mes  paroles  mêmes.  Mais  c'est 
»  vous  qu'il  en  faut  accuser  ;  ce  sonf  vos  applaudissemens  et  vos  accla- 

lII  2       '   *   ' 


4s2  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  mations  extraordinaires  qui  m'entraînoient  dans  ces  écarts 

»  Croissant  avec  Faffluence  et  l'ardeur  toujours  progressive  de  mes 
»  auditeurs ,  mon  zèle  a  franchi  toutes  les  bornes;  et  cédant  au  plaisir 
»  que  vous  goûtiez  à  m'entendre ,  je  me  suis  abandonné  ,  malgré  moi- 
»  même*  à  toute  la  fécondité  du  sujet.  » 

Un  jour  S.  Augustin  étoit  en  chaire ,  instruisant  son  peuple  :  tout-à- 
coup  il  aperçoit  qu'un  des  chefs  des  manichéens  entre  dans  l'église; 
aussitôt ,  abandonnant  le  sujet  qu'il  traitoit ,  il  prêche  éloquemment 
contre  les  principes  de  ce  sectaire.  Le  manichéen  fut  si  frappé  et  si 
toublé ,  qu'à  l'instant  où  l'évêque  cFHippone  descendit  de  la  chaire ,  il 
courut  à  ses  pieds ,  reconnut  et  abjura  l'erreur  à  laquelle  il  avoit  été 
jusqu'alors  attaché. 

Cette  habitude  d'improviser  dans  les  églises  chrétiennes  atiroit  donné 
naissance  à  fart  de  la  tachygraphie ,  si  cet  art  n'avoit  existé  depuis  long- 
temps ;  car  il  étoit  bien  naturel  et  bien  convenable  que  les  chrétiens 
s'occupassent  de  fixer  les  paroles  fugitives  qui  exprimoient  les  dogmes 
de  la  foi,  les  maximes  de  la  morale  religieuse,  et  les  règles  pieuses 
auxquelles  ils  dévoient  soumettre  leur  conduite  :  mais ,  sans  m'arrêter 
aux  textes  nombreux  qui  constatent  l'usage  de  la  tachygraphie  ou  de  la 
séméiographie  chez  les  Grecs  et  chez  les  Romains ,  j'exposerai  seule- 
ment quelques-unes  des  preuves  que  fournit  l'histoire  ecclésiastique. 

A  la  fin  du  troisième  siècle,  S.  Genès  <F Arles,  employé,  jeune 
encore ,  dans  l'administration  de  là  milice  de  la  province  ,  avoit ,  dit 
son  biographe ,  par  son  application  et  par  son  adresse ,  réussi  parfaite- 
ment dans  cette  science  de  son  emploi,  qui  consistoit  à  égaler  la 
rapidité  de  la  main  et  des  notes  à  celle  de  la  prononciation  des  discours 
de  ses  chefs. 

Le  poète  Prudence,  faisant  l'éloge  du  martyr  S.  Cassien,  nous 
apprend  qu'il  fut  mis  à  mort  par  les  écoliers  auxquels  il  montroit 
l'écriture  et  la  tachygraphie ,  dont  l'art  est  ainsi  défini  : 

Verba  notis  brevibus  comprendcre  cuncta  périt  us, 
Raptimque  punctis  dicta  prœpetibus  sequL  (  Péri  Steph&non ,  IX.  ) 

S.  Grégoire  de  Nazianze ,  dans  le  discours  qu'il  prononça  avant  de 
quitter  le  siège  de  Constantinople ,  après  avoir  salué  tout  ce  qu'il  ché- 
ris soit  et  tout  ce  qu'il  abandonnoit,  le  temple,  les  prêtres,  les  fidèles , 
les  pauvres ,  ajoute  (  i  )  : 


ji. 


(i)   ViHemain ,    Nouveaux   mélanges  historiques   et  littéraires,    tônie  ÏI, 
pag.  219. 


août  1830.  4ij 

0  Adieu,  vous  qui  aimez  mes  discours ,  foule  empressée  où  je  voyoîs 
»  briller  les  poinçons  furtift  qui  gravoient  mes  paroles.  » 

Divers  passages  que  j'aurai  à  citer  pour  constater  l'usage  des  applau- 
dissemens  et  des  acclamations  ,  porteront  avec  eux  la  preuve  évidente 
qu'ifs  avoient  été  recueillis  par  des  tachygraphes. 

Ces  notions  préliminaires  faciliteront  l'intelligence  des  faits  qui 
constatent  les  applaudissemens  et  les  acclamations  dans  les  temples 
sacrés;  mais  il  ne  seroit  pas  juste  de  juger  cet  usage  de  la  primitive 
église,  qui  s'est  prolongé  durant  tout  le  moyen  âge,  avec  les  idées  de 
rigoureuse  décence  et  même  de  simples  convenances  religieuses  que 
nos  mœurs  actuelles  ont  pu  nous  inspirer  dans  nos  pays. 

Lorsque  les  premiers  chrétiens  commencèrent  à  se  réunir  en  pieuses 
assemblées ,  ils  étoient  accoutumés  à  manifester  ,  par  des  applaudisse- 
mens et  par  des  acclamations,  les  émotions  qu'ils  éprouvoient  dans  les 
spectacles,  dans  les  assemblées  politiques,  dans  le  sénat  et  dans  les 
temples. 

Retirés  en  secret  pour  se  communiquer  la  foi ,  s'exciter  au  zèle  et  se 
préparer  au  martyre  ,  il  étoit  impossible  que  la  manifestation  de  leurs 
saints  transports  et  de  leur  saint  dévouement  n'éclatât  par  des  signes 
caractéristiques;  et  quand  ils  obtinrent  enfin  le  droit  ou  la  permission 
de  professer  publiquement  la  religion  dans  des  temples  chrétiens ,  il  est 
hors  de  doute  que  l'enthousiasme  avec  lequel  les  orateurs  sacrés  étoient 
accueillis  et  écoutés  ne  contribuât  beaucoup  à  attirer  des  prosélytes. 

Les  assistans  exprimoient  à  haute  voix,  ou  en  battant  des  mains  , 
leur  adhésion  aux  principes  et  aux  maximes  qu'on  leur  pr^choit  ;  ces 
applaudissemens  publics ,  qui  seroient  aujourd'hui  parmi  nous  un 
hommage  frivole,  également  indigne  de  l'orateur  et  des  auditeurs, 
devenoient  un  utile  moyen  de  propager  et  d'enraciner  la  toi  et  les 
maximes  évangéliques. 

Aussi  ne  suis-je  pas  surpris  de  lire  dans  l'Histoire  ecclésiastique  de 
Socrate,  livre  vu,  chapitre  1  3,  que  des  hommes  attachés  à  la  personne 
et  aux  succès  de  l'orateur  avoient  le  soin  d'exciter  ou  de  diriger  les 
applaudissemens. 

Le  fait  qui  prouve  ce  que  j'avance  ict  est  d'autant  plus  remarquable, 
que  l'historien  ecclésiastique  n'en  parle  qu'accidentellement,  et  sans 
paraître  mettre  aucune  importance  à.  son  récit. 

S.  Cyrille  étoit  patriarche  d'Alexandrie  au  commencement  du  v.1  siècle  ; 
il  parvint  à  chasser  de  sa  ville  les  novariens,  et  il  voulut  aussi  en 
expulser  les  Juifs;  mais  le  gouverneur  Oreste  leur  accordoit  sa  protec- 
tion. Un  jour  que  le  gouverneur  avoit ,  selon  sa  coutume ,  convoqué  le 


% 


454  JOURNAL  DES  SAVANS, 

pçuple  au  théâtre  >  où  il  devoit  publier  une  ordonnance ,  les  Juifs 
reconnurent  quelques;  partisans  de  Cyrille  qui  yenoiertt  prendre  con- 
rçpissance  de  l'ordonnance  du  gouverneur  {  parmi  eux,  du  rhistorien  , 
^fpit  le  nommé  Hicrax,  professeur  de  littérature  élémentaire ,  lequel 
étoit  le  plus  fervent  auditeur  de  Cyrille,  et  avoit  coutume  de  diriger 
les,  applaudissemens» 

La  seule  assertion  de  cet  historien  permettrait  de  croire  à  l'usage 
des? .applaudissemens  publics;  mais  on  en  trouve  les  preuves  les  plus 
qpmbiçuse*  dans  les  ouvrages  mêmes  des  SS.  Pères. 

M.  l'abbé  Guillon  dit  de  S.  Grégoire  de  Nagianze  (  i  )  : 

«  Nous  savons  de  lui* même  que  les  païens  et  les  hérétiques  accou- 
»  rpient  en. foule  à  ses  prédications ,  comme  &  une  fontaine  d'eau  vive; 
»  que,  pour  l'entendre,  on  forçoit  les  balustres  qui  fermoient  le  sanctuaire 
i>  d'où  il  parloit,  et  que  l'admiration  éclatoit  par  des  applaudissemens 
»et  des  acclamations;  que  souvent  on  les  écrivait  sur  le  lieu  même 
»  pour  les  retenir  et  les  propager.  » 

Dans  le  discours  qui.  précède  la  vie  de  S.  Jean  Chrysostome , 
M.  l'abbé  Guillon  s'exprime  en  cçs  termes  : 

ce  Des  acclamations  involontaires ,  des  applaudissemens  universels  , 
»  échappés  à  l'admiration,  interrompoient  communément  l'orateur.  La 
»  modestie  et  la  piété  du  saint  archevêque  a  voient  beau  s'en  plaindre , 
»  on  ne  s'en  excusoit  que  par  des  acclamatious  nouvelles.  » 

S.  Jean  Chrysostome  atteste  ces  applaudissemens  ;  il  en  parle  en 
plusieurs  de  ses  homélies  :  dans  la  trentième ,  sur  les  actes  des  apôtres,  il 
dit  de  certains  prédicateurs ,  que  s'ils  sont  entourés  d'une  multitude  qui 
applaudisse,  ils  sont  joyeux  comme  s'ils  avoiçnt  obtenu  des  royaumes  ; 
que  si  au  contraire  leurs  discours  sont  suivis  d'un  profond  silence ,  ce 
silence  est  pour  eux  plus  pénible  qu'une  torture  ;  et  il  se  reproche  à 
lui-même  et  reproche  aux  orateurs  sacrés,  de  se  plaire  à  des  témoi- 
gnages d'approbation ,  au  lieu  de  les  repousser  hautement. 

Dans  son  homélie  XX  xi ,  sur  les  actes  des  apôtres  ,  ce  prélat  annonce 
que  .souvent2  il  lui  étoit  venu  en  pensée  de  réprimer  les  applaudisse* 
mens;  et  dans  son  discours  sur  les  représentations  du  cirque ,  H  s'écrie 
qq'après  avoir  écouté  ses  prédications  contre  les  spectacles,  quelques- 
uns  de  ceux  qui  l'a  voient  applaudi  étoient  allés  applaudir  plus  vive- 
ment à  ces  spectacles  même*  (z). 

:On  lit  dans  la  Bibliothèque  choisie,  au  sujet  de  S.  Augustin  :  * 

«  II  lui  arrivoit  de  prêcher  tous  les  jours  et  souvent  deux  fois  par 

>  '   j  ■  _i  '       IL-     '  '.  :  ■    '   ']  '  "       '    '.       '         '.  '       '*■!!."  ".J   *  '  • 

t 

{\)\Tome  VI fpag»  2*~—.(2)  S.  Chrysostomt  Opéra ,  tom.  I ,  pàg*  79*. 


AOUT   1850.  4jî 

.1  jour.  II  n'interrompoit  point  cène  fonction,  même  quand  il  étoit 
»  si  foible  qu'if  pouvoità  peine  parler:  mais  il  ranimoit  alors  ses  forces; 
»  et  le  zèle  dont  il  brûloit  pour  le  salut  des  âmes  lui  fàisott  oublier 
»  ses  peines  et  ses  dangers.  S'il  allait  dans  d'autres  diocèses ,  on  le 
»  prioit  de  rompre  le  pain  de  la  parole  de  vie  :  par-tout  on  couroit 
»  en  foule  à  ses  sermons,  on  l'écoutoit  avec  transport;  on  battoit 
«souvent  des  mains,  selon  la  coutume  de  ce  siècle.  De  semblables 
»  succès  n'é totem  pas  ceux  qui  flattoient  le  plus  son  cœur.  Ce  ne 
»  sont  pas,  s'écrioit-i!, -des  applaudissemens,  mais  des  larmes  que  je 
»  demande.  » 

J'ajouterai  ici  ce  qu'il  dit  aussi  dans  son  Traité  de  la  doctrine  chré- 
tienne : 

«Ce  n'est  point  par  les  applaudissemens  et  les  acclamations  de 
»  l'auditoire  qu'on  doit  juger  l'effet  du  discours,  mais  par  les  lames , 
»  les  gémissemens  et  le  changement  de  vie.  » 

II  adressa  un  jour  à  son  auditoire  ces  paroles  remarquables  : 

«  Vous  avez  entendu  mes  discours,  et  vous  les  avez  applaudis  ; 
»  vous  avez  reçu  la  semence,  et  vous  avez  rendu  des  paroles:  toutefois, 
n  ô  mes  frèrei  ,  ces  éloges  sont  les  feuilles  des  arbres  ;  nous  demandons 
»  le  fruit .....  Je  me  plais  moins  dans  ces  louanges  populaires  que  je 
»  ne  suis  inquiet  de  quelle  manière  vivent  ceux  qui  me  les  donnent  : 
»  être  loué  par  des  gens  qui  vivent  mal ,  je  ne  le  veux  pas ,  je  l'abhorre , 
n  je  le  déteste;  c'est  pour  moi  une  douleur  et  non  pas  un  plaisir:  être 
»  loué  par  des  personnes  qui  vivent  bien,  si  je  dis  que  je  ne  le  veux 
»  pas,  c'est  mentir;  si  je  dis  que  je  le  veux,  je  crains  de  paroître  plus 
»  vain  que  raisonnable  ;  aussi  je  ne  le  désire  pas  entièrement ,  de  peur 
»  de  céder  au  dangereux  plaisir  de  la  louange  humaine,  et  je  ne  le 
»  refuse  pas  entièrement,  de  peur  que  ceux  devant  qui  je  prêche  ne  me 
a  semblent  ingrats.  » 

Knfin,  traitant  des  concessions  qu'il  exigeoit  de  ses  auditeurs  ,  et  ne 
voulant  pas  les  priver  ni  peut-être  se  priver  lui-même  de  l'expression 
de  ieurreconiioissance,  il  demande  qu'on  ne  l'interrompe  point  par  les 
applaudissemens  et  les  acclamations ,  mais  qu'on  les  réserve  pour  la 
fin  du  discours. 

Je  ne  quitterai  pas  S.  Augustin  sans  rapporter  une  nouvelle  preuve 
de  ces  applaudissemens ,  tirée  d'un  discours  que  M.  Guillon  n'a  pas  cité. 

L'évêque  d'Hippone ,  faisant  (  1  )  une  vive  peinture  de  la  passion  de 
l'amour ,  fut  tout-à-coup  interrompu  par  les  acclamations  et  les  applau- 

(1)  Serm.  XLV  ,  de  Temp. 


45*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dissemens  de  tous  les  auditeurs  ;  aussitôt  il  s'écria  :  «  Pourquoi  avez- 
»  vous  tous  applaudi  à  la  peinture  de  cette  funeste  passion ,  sinon  parce 
»  que  tous  vous  l'avez  éprouvée  !  » 

Non- seulement  on  rendoit  de  tels  hommages  aux  prédicateurs,  mais 
quelquefois  on  les  motivoit  en  s'écria  nt  :  «Voilà  qui  est  orthodoxe  (  i  )  !  » 

II  ne  faut  pas  s'imaginer  que  les  applaudissemens  et  les  acclamations 
ne  fussent  en  usage  que  dans  les  églises  d'Orient  ;  il  en  étoit  de  même 
dans  les  églises  d'Occident  ;  on  en  trouve  la  preuve  dans  les  lettres  de 
Sidoine  Apollinaire  ;  il  écrivoit  au  pape  Fauste  : 

ce  Lorsque  vous  prêchiez  à  Lyon  ,  je  vous  ai  applaudi  constamment , 
»  et  mes  acclamations  ont  accompagné  vos  discours  jusqu'à  extinction 
»  de  voix.  » 

S.  Augustin,  parlant  des  prédications  de  S.  Ambroise ,  qu'il  suivoit 
assidûment ,  s'écrie  :  ce  O  mon  Dieu  !  c  étoit  pour  examiner  si  son 
»  éloquence  répondoit  à  sa  grande  réputation ,  et  si  ses  discours  soute- 
»  noient  les  applaudissemens  que  lui  donnoit  son  j>euple.  » 

On  lit  dans  la  cinquante  -  unième  lettre  cFAvhus  ,  archevêque  de 
Vienne,  qu'il  avoit  prêché  un  discours,  et  que  les  applaudissemens  qu'il 
obtiqt  excitèrent  l'humeur  du  rhéteur  Viventolius ,  qui  critiqua  aigre- 
ment la  manière  dont  l'orateur  avoit  prononcé  le  mot  potitur. 

J'ai  annoncé  que  je  citerois  divers  passages  qui  prouvent  à-Ia-fbis 
l'usage  des  applaudissemens  et  celui  de  la  séméiographie  ;  en  voici 
quelques-uns. 

Dans  ia  sixième  homélie  de  S.  Jean  Chrysostome  sur  le  destin,  on  lit: 

ce  Telles  sont  les  considérations  qui  m'ont  imposé  le  devoir  de  des- 
y>  cendre  dans  l'arène  pour  venger  la  cause  de  la  providence.  Si  Passer- 
ai tion  que  j'ai  mise  en  avant  vous  a  présenté  de  quoi  vous  surprendre, 
»  l'importance  de  la  discussion ,  l'intérêt  que  nous  y  avons  tous ,  doivent 
»  aussi  me  promettre  de  votre  part  une  favorable  attention  :  ce  que 
»  |'ai  établi  ^en  principe  (  ne  m'interrompez  point  par  vos  applaudisse- 
»  mens  )  le  voici  ;  c'est  que ,  dans  les  injustices  que  l'on  éprouve ,  per- 
»  sonne  ne  peut  recevoir  de  mal  que  celui  qu'il  se  fait  à  lui-même.  » 

Cette  brusque  exclamation  ne  m'interrompe^  point  par  &c. ,  consignée 
dans  le  texte  même  du  discours ,  prouve  non-seulement  que  les  fidèles 
applaudissoient  l'orateur,  mais  que  ces  interruptions  étoient  consignées 
dans  les  notes  des  tachygraphes  comme  elles  le  sont  aujourd'hui. 


(i)  S.  Jérôme  écrivoit  à  VigHantius  :  Quando ,  me  de  resurrectione  et  veritate 
corporis  predicante ,  ex  latere  subsaltabas  et  plaudebas  manu  et  appluudebas pede 
et  ORTiioboxuM  conclamabâs.  (  Hieronymus,  epist.  LXXV.  ) 


AOUT   I 


830. 


4î7 

Comment  les  détailsde  la  scène  suivante  auroient-il  pu  être  transmis 
autrement  que  par  les  moyens,  plus  ou  moins  heureux,  dont  on  usoït 
alors  pour  conserver  intégralement  les  paroles  des  orateurs  et  des 
interlocuteurs  publics! 

Au  commencement  d'une  homélie  sur  le  jugement  dernier, 
S.  Ephrem  s'arrête  tout-a-coup,  se  recueille  et  se  tait;  il  prolonge  son 
silence  :  l'auditoire  s'étonne  ,  et  demande  la  cause  de  cette  brusque  inter- 
ruption; alors  l'orateur  avoue  qu'il  est  ému  d'épouvante;  et  cependant , 
s'élançant  de  nouveau  dans  son  vaste  sujet,  il  peint  a  grands  traits  le 
tableau  terrible  du  jugement  dernier  et  des  accidens  qui  le  caractérise- 
ront; enfin  il  s'écrie  : 

«  O  mes  frères  !  que  de  larmes  ne  devrions-nous  pas  répandre 
»  dans  l'attente  de  ce  terrible  jour!  » 

A  ce  moment,  le  saint  abbé  s'arrête  encore,  suffoqué  par  ses  sanglots. 
L'auditoire  s'écrie  :  «  Ne  nous  apprendrez-vous  pas  ce  qui  vient  à  la 
»  suite!  »  II  reprend  : 

«  Voila  tous  les  hommes  rassemblés ,  paies ,  les  yeux  baissés  , 
'•  comme  suspendus  entre  la  vie  et  la  mort,  entre  le  ciel  et  l'enfer,  et 
»  chacun  d'eux  s'entend  appeler,  cité  par  son  nom,  pour  subir  un 
»  rigoureux  examen.  ,  .  .  Malheur  à  moi  !  je  voudrois  vous  apprendre 
«  le  reste  ;  il  ne  m'est  plus  possible  ;  ma  voix  est  muette.  » 

Nouvelles  instances  de  l'auditoire  :  «  Poursuivez ,  s  ecrie-t-on  de  toute 
part  ;  nous  vous  en  conjurons  pour  notre  utilité  et  la  sanctification  de 
nos  âmes.  Après  quelques  délais ,  il  continue  ainsi  : 

«  Dans  les. enfers  ,  supplices  ;  ici,  ténèbres  extérieures;  là  ,  géhenne 
»  et  tortures;  ailleurs,  grincemens  de  dents,  ver  qui  jamais  ne  dort; 
»  plus  loin,  étang  de  feu,  fournaise  ardente,  inépuisable.  A  chacune 
m  de  ces  tortures  sont  assignées  leurs  victimes  particulières,  dans  la 
»  proportion  avec  les  péchés  dont  on  s'étoit  rendu  coupable  ;  tous 
»  bannis  a  jamais  de  la  présence  de  Dieu;  tous  abymés  dans  le  déses- 
»  poir,  tous  livrés  a  la  mort  qui  en  fait  sa  proie. 

Ici  S.  Ephrem  se  frappant  la  poitrine,  et  pleurant  encore  plus  amère- 
ment, a  suspendu  de  nouveau  son  récit;  on  le  presse. 

«  Vous  le  voulez  ,  je  parlerai  donc ,  mais  seulement  par  mes  larmes  , 
»  et  par  de  profonds  gémissemens.  O  mes  frères!  que  voulez-vous 
»  apprendre!  jour  épouvantable!  malheur  à  moi!  malheur  à  moi! 
j>  vous  tous  qui  avez  des  larmes ,  pleurez  avec  moi  ;  que  ceux  qui  n'en 
»  ont  point  apprennent  a  connoître  le  sort  qui  les  attend,  et  qu'ils  ne 
"  négligent  pas  leur  salut.  » 

Des  allocutions  aussi  vivement  improvisées,  et  souvent  accompagnées 

Mmm 


i 


4;8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

de  cri* ,  de  sanglots ,  de  marques  broyantes  d'approbation,  produisirent 
sans  doute  les  plus  grands  effets  ;  niais  ces  moyens  dramatiques  n'oflfèn- 
soient-iis  en  rien  la  dignité  du  ministère  évangélique  ! 

J'ai  tâché  d'indiquer  quelques  causes  du  talent  et  des  succès  des 
SS.  Pères,  et  quelques-unes  des  formes  de  leur  action  oratoire. 

II  me  reste  à  faire  connoître  par  des  traits  particuliers  le  genre  de 
leur  éloquence. 

Réduit  à  faire  un  choix  parmi  ce  grand  nombre  de  SS.  Pères  , 
j'appellerai  sur-tout  l'attention  du  lecteur  sur  quelques-uns  de  ceux 
dont  la  renommée  n'est  presque  pas  venue  jusqu'à  nous  ,  et  dont  les 
ouvrages  ne  sont  pas  recherchés  comme  ceux  de  S.  Basile ,  de  S.  Gré* 
goire  de  Nazianze ,  de  S.  Jean  Chrysostome ,  de  S.  Ambroise  ,  de 
S.  Augustin,  &c. 

Voici  deux  passages  tirés  des  homélies  de  S.  Astère,  archevêque 
cTAmasée ,  qui  vécut  jusqu'au  commencement  du  v.e  siècle. 

Les  ouvrages  de  S.  Astère  offrent  des  morceaux  d'une  éloquence 
vraiment  apostolique;  ils  ont  été  recueillis  par  Cotelier  et  par 
Combefis.  L'abbé  de  Beilegarde  avoit,  en  1693  f  publié  une  traduc- 
tion des  discours  de  cet  archfvéque,  de  laquelle  M.  l'abbé  Gurtlon  a 
cru  ne  devoir  pas  faire  usage. 

Le  premier  passage  est  remarquable,  en  ce  qu'il  constate  que  ,  dans 
le  temps  et  dans  les  lieux  où  cet  archevêque  exerçoit  son  saint  ministère, 
les  chrétiens  avoient  coutume  de  porter  des  habits,  soit  brodés,  soit 
peints ,  où  étoient  représentés  des  sujets  tirés  de  l'histoire  sainte , 
circonstance  qui  fournit  à  l'orateur  sacré  des  réflexions-  animées  d'un 
beau  mouvement  d'éloquence. 

«  Ne  fiâtes  point  peindre  Jésus- Christ  ;  c'est  bieii  assez  qu'il  se  soit 

»  humilié  jusqu'à  se  revêtir  de  notre  chair ,  et  que  vous  portiez  d'une 

»  manière  spirituelle  le  verbe  dans  votre  cœur.  Ne  brodez  point  sur  vos 

»  habits  l'image  du  paralytique ,  mais  allez  le  chercher  en  personne  sur 

»  son  lit  de  douleur.  Ne  vous  amusez  pas  à  regarder  cette  femme  qui 

»  fut  guérie  du  flux  de  sang  ;  appliquez-vous  à  soulager  les  veuves  qui 

»  sont  dans  l'affliction.  N'affectez  point  d'avoir  sous  les  yeux  la  pèche- 

»  resse  prosternée  aux  pieds  du  Sauveur ,  mais  entretenez-vous  du 

»  souvehir  de  vos  péchés  pour  les  pleurer  et  vous  en  repentir.  Ne 

»  faites  point  voir  sur  vos  habits  la  résurrection  de  Lazare  ,  mais  revètez- 

»  vous  des  œuvres  propres  à  vous  faire  paraître  avec  confiance  sous  les 

»  yeux  de  votre  juge ,  au  jour  où  vous  ressusciterez  vous-mêmes:  ne 

*>  vous  montrez  pas  avec  l'image  de  l'aveugle  à  qui  Jésus-Christ  rend 

»  la  vue ,  ni  des  corbeilles  pftSua*  de  '  paitts  multipliés  9  ni  du  miracle 

rr.rn  »• 


AOUT  1Ô30.  459 

*» des  noces  de  Canb;  songez  plutôt  à  soulager les  aveugle*  vivait*,  à 
p  nourrir  les  pauvres  et  les  indigëns.  »  Le  second  passage  exprime  avec 
talent  une  pensée  mqrale  que  proclament  également  Ta  religion  et  fâ 
philosophie:  #. 

a  Je  ne  puis  assez  m'étonner,  quand  f  entends  dire  ,  Ma  terre ,  ma 
»  maitfn  \  j'ai  peine  à  comprendre  comment  byee  tftote  syllabes  on  ose 
»  s'ériger  en  souverain  d'un  bien  qui  n'est  pas  à  soi . .  *  •  :  ce  que  vous 
»  avez  en  propre ,  c'est  votre  indigence  et  votre  nudité  ;  tout  le  teste 
»  n'est  que  d'emprunt  ;  vous  n'en  avez  l'usage  que  pour  un  temps*  Cette 
*> couronne,  cet  office,  cette  robe  de  magistrat,  ne  sont  que  dès' 
»  masques  de  théâtre  que  vous  portez  pour  le  rôle  qui  voUl  est  donné 
»  à  jouer  sur  la  scène  de  cette  vie ,  et  que  vous  transmettez  comme 
»  vous  les  avez  reçus;  et  de  mêrrçe  que  fa  bière  et  le  drap  mortuaire 
»  servent  à  plusieurs  cadavres ,'  ainsi  toutes  ces  brillantes  décorations 
»  passeront  par  divers  personnages,  et  ne  resteront  à  personne.  » 

On  pourrait  extraire  de  la  Pibliothfeque  chbfsie  ua  assez  grand 
nombre  de  passages  dignes  de  figurer  auprès  de  ceux  que  je  cite  ici 
ou  que  j'ai  cités  précédemment ,  et  en  composer  un  Volume  précieux 
qui  seroit ,  à  lui  seul ,  un  manuel  cf  éloquence  sacrée  ;  la  publication 
d'un  pareil  travail ,  très  utile  aux  jeunes  gens,  ferait  circuler  dans  notre 
littérature  les  beautés  oratoires  répandues  au  milieu  de  beaucoup 
de  discussions  théologiques  et  de  controverses  dogmatiques  ,  dans  les 
vingt-cinq  volumes  qui  composent  la  Bibliothèque  choisie  des'  Pères 
de  l'église ,  et  deviendrait  pour  son  auteur  un  juste  hommage  et  un 
nouveau  succès.  * 

RAYNOUARD. 


Notice  sur  les  vases  et  objets  ahûques  if  argent  trouvés  près 

de  Beruay. 

■ 

SECOND   ARTICLE. 

Venons  maintenant  aux  vases  qui  composent  fa  partie  la  plus  pré- 
cieuse à  tous  égards  de  notre  collection.  Le  premier  dont  je  ferai  men- 
tion ,  à  cause  de  l'inscription  qui  s'y  lit ,  et  qui  nous  offre ,  pour  la  se- 
conde fois ,  le  nom  de  ce  même  Q.  Domitius  Tutus ,  contemporain  de 
Néron,  est  un  de  ces  vases  nommés  en  général potoria  par  Pline,  aux- 
quels il  seroit  superflu  de  prétendre  assigner  dés  noms  particuliers ,  dans 
l'incertitude  qui  règne  et  qui  régnera  toujours  sur  des  dénominations 
usuelles  transmises  des  Grecs  aux  Romains,  et  sujettes,  comme  tout 

Mm  m  2 


4*o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ce  qui  tient  aux  usagés  de  ^a  vie  commune ,  à  mille  modifications,! en 
passant  de  siècle  en  siècle  et  de  peuple  en  peuple.  Quoi  qu'il  en  soit, 
le  vase  n.°  iô,  que  f appellerai  potorium,  dépourvu  d'anses,  maïs 
muni  d'un  pied  qui  lui  donne  4-  pouces  10  Iignes.de  hauteur  sur  un 
diamètre  dé  3  pouces  10  lignes  h  son  ouverture  supérieure,  nous 
offrira  le  premier  exemple  de  ce  système  de  vases  d'argent,  Consis- 
tant en  une  lame,  très-mince ,  travaillée  de  très-haut  relief,  et  doublée 
tf une  cuvette  dafgent  massif.  Dans  la  partie  inférieure  se  trouve  l'ins- 
cription que  voici ,  gravée  avec  soin  en  caractères  de  très-bonne  forme  : 
mercurio.  Q.  DOMiTius  tutus,  v.  s.  L.  m.  Mais  c'est  sur-tout  la 
<  composition  dont  ce  vase  est  orné ,  qui  en  fait  un  des  plus  précieux  mo- 
numens  de  l'antiquité  figurée  venus  jusqu'à  nous. 

Quatre  figures  forment  cette  composition ,  dont  tous  les  personnages 
sont  si  clairement  caractérisés  et  tous  les  détails  si  judicieusement,  ap- 
propriés au  sujet ,  qu'il  serait  difficile  de  ne  pas  reconnoître  ce  sujet , 
comme  je  puis  dire  ici  que  je  le  fis  au  premier  aperçu ,  et  comme  je  vais 
l'exposer  en  peu  de  mots.  Uftdieu  dont  là  physionomie  et  les  cheveux, 
tels' qu'ils  se  voient  ici,  séparés  sur  son  front  en  deux  grandes  masses, 
ne  sautaient  convenir  qu'à  Jupiter,  assis  sur  un  trône,  la  partie  supérieure 
du  corps  nue ,  et  le  bas  enveloppé  dans  un  vaste  péplus ,  un  long  sceptre 
à  la  main,  se  recoftnoît ,  à  tous  ces  caractères ,  pour  le  maître  des  dieux. 
oOn  trône  est  décoré  de  plaques  carrées ,  alternativement  d'or  et  d'argent 
bruni  ;  ornement  qui  rappeîoit  le  goût  des  étoffes  asiatiques ,-  et  qu'on 
retrouve  sur- tout  au  vêtement  des  Amazones,  sur  plus  d'un  vase  peint, 
de  beau  style  grec  (  1  ).  Près  du  dieu ,  est  une  déesse  debout,  le  front  ceint 
du  diadème ,  envloppée  toute  entière  d'un  ample  péplus ,  et  portant  de 
même  un  long  sceptre  ;  et ,  à  tous  ces  traits ,  il  n'est  pas  plus  possible  de 
méconnoître  Junon.  Au  devant  du  couple  divin ,  un  cheval  ailé ,  qui  ne 
peut  être  que  Pégase,  baisse  la  tête  pour  boire  à  la  source  de  la  fon- 
taine Pirène ,  dont  la  nymphe  demi-couchée  et  demi-nue ,  un  roseau  dans 
la  main  gaucKe ,  appuie  son  autre  main  sur  l'aile  déployée  de  Pégase. 
Dans  le  fond,  Y Acrocorinthe ,  figurée  comme  on  Ja  voit  sur  tant  de 
monnoies  coloniales  de  Corinthe ,  avec  un  temple  tétrastylt ,  au  sommet, 


(1)  Sur  un  vase  peint ,  de  beau  style  et  dé  fabrique  d'Avella  ,  que  je  possède , 
une  Amazone  est  vêtue  d'à naxy rides  dont  l'étoffe  est  travaillée  dans  ce  même 
goût.  Du  reste,  les  expressions  ae  trône  à  ichiauier,  de  trône  êchiqueti,  dont  on 
s'est  servi  pour  désigner  le  siège  du  dieu,  et  les  allusions  au  trône  des  divinités 
égyptiennes,  ou  même  à  Y  échiquier  des  ducs  de  Normandie,  ne  semblent  ni 
plus  justes  ni  plus  fondées  les  unes  que  les  autres. 


8  30.  46 1 

indication  du  célèbre  temple  de  Vénus  armée,  qui  existait  en  cet  endroit , 
achève  de  déterminer  le  lieu  de  la  scène,  de  manière  qu'on  ne  puisse 
s'y  méprendre.  Le  dernier  personnage  esi  un  Athlète  vainqueur  aux 
jeux  istkm'iques.  Il  porte  sur  le  front  la  couronne  de  pin,  qui  étoit 
précisément  le  prix  de  la  victoire  aux  jeux  de  l'isthme;  il  tient  en  main 
la  palme,  symbole  général  de  victoire  ,  qui  trouve  ici  son  application 
particulière;  sur  le  fond,  est  représenté  un  herméraele,  et  plus  bas,  la 
table  des  jeux  (  1  ) ,  et  non  un  lectisteme,  comme  on  l'a  dit  quelque  part , 
par  une  méprise  assez  singulière.  Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  développer 
les  preuves  de  l'explication  que  je  viens  de  donner,  ni  d'indiquer  les 
notions  neuves  ou  curieuses  qui  résultent  de  ce  bas  relief;  mais  je  ne 
puis  m 'empêcher  d'y  faire  remarquer ,  dans  ces  quatre  personnages 
d'âge,  de  caractère,  de  sexe  différens,  un  abrégé  de  ce  monde  idéal 
des  Grecs ,  dont  on  peut  dire  que  chaque  monument  est  un  art  tout 
entier.  Ici  la  majesté  des  dieux  suprêmes,  rendue  sensible  dans  le 
groupe  des  deux  divinités;  la  grâce  et  l'élégance  dans  la  figure  de  la 
nymphe  ;  la  puissance  et  ia  force  athlétiques  dans  celle  du  vainqueur 
isthmique,  égalent,  s'ils  ne  surpassent,  tout  ce  que  l'on  peut  imaginer 
en  tait  de  grandeur,  de  noblesse  et  de  vérité  de  style.  Ici,  ce  qui 
frappe  sur-tout,  c'est  cette  grandeur  même  empreinte  sur  de  si  petits 
objets;  c'est  cette  perfection  de  goût  apportée  à  l'exécution  d'un  vase 
d'un  usage  vulgaire  en  apparence,  bien  que  consacré  plus  tard  au 
culte  divin  ;  c'est ,  en  un  mot ,  cette  puissance  de  style ,  qui  fait 
apparoitre  presque  des  colosses  sur  un  simple  vase  à  boire. 

Parmi  les  autres  vases,  qui  forment  la  partie  la  plus  importante,  a 
tous  égards,  de  notre  collection  ,  ceux  qui  méritent  d'être  cités  et  décrits 
en  premier  lieu,  à  cause  de  l'intérêt  des  sujets  qu'ils  présentent,  sont 
deux  vases,  n."'  1  1  et  12,  delà  forme  de  prafericulum,  dont  la  hauteur  est 
de  9  pouces^,  le  diamètre  de  [  pouces  7,  et  le  poids  de  4  livres  4  onces. 
Ces  deux  vases  se  correspondent,  du  reste,  si  exactement,  sous  tous 
les  rapports  de  fa  forme,  de  la  composition  et  du  travail,  qu'il  est  évi- 
dent qu'ils  avoient  été  fabriqués  dans  le  même  atelier  et  par  la  même 
main,  pour  servir  de  pan/ans  l'un  à  l'autre ,  suivant  l'usage  qui  paroît 
avoir  été  pratiqué  a  l'égard  de  ces  sortes  de  vases  d'argent ,  et  dont  il  nous 
reste  plus  d'un  témoignage  antique  {2).  Il  n'est  pas  moins  certain ,  par 


(])  Pausan.  V,  20,  I:  -Tptvxt{a.  ta  nf 
—  (2)  Ces  sortes  de  vases  doubles,  ou  pendat 
Rome  par,  ou  synthesis ,  Plin.  XXXHI,   12 


rptitMirnti  tsiç  rinumv  m  eixQarti, 
,  fornioiem  ce  que  l'on  appeloir  à 
Voy.  à  ce  sujet  les    observations 


MM 


* 


4«i  JOURNAL  DES  S'AVANS, 

Ja:  rature  J  même  des  compositions  dont  Hs  soiit  orties,  qiie  ces  deux  par- 
ftriiules ré toiénr do  nombre  des  vases  tioihmés  homériques  (2) ,  à  l'exécu- 
tion desquels  ;  le  choix  même  des  sujets  indique  qu'àvoient  été  employées 
lès  mains  les  plus  habiles,  sans  doute  aussi  d'après  les  modèles  créés  par 
les  grands  maîtres.  Le  style  dans  iequel  sont  traitées  les  compositions 
denoe  ^exix  vases  homérique^,  ne  semble  cependant  pas  tenir,  du  goût 
lèphis  pur  de  l'école  grecque  :  le  dessin  à  quelque  pesanteur,  et  cer- 
jainsf  détails  acCusertt  une  époque  romaine.  Mais  la  composition  entière 
prqyidnr  certainement  cP un  artiste  grec  ;  et  je  serois  assez  disposé  à  croira 
cpie  ila  fabrication  en  appartient  à  un  âge  peu  éloigné  de  celui  quel?line 
nous!  représente  comme  l'époque  de  la  prospérité  de  cette  branché  de 
?igf  pchet  les  Romains,. c'est  à  savoir;  à  f âge  qui  suivit  immédiatement 
k  kiècfe  de  Pompée  (2).  LHin  et  f  autre  portent:  une.  inscription  qui 
flfavofr  pu  y  être  remarquée  <faJ>ord  sous  la  croûte  épaisse  dont  le  métal 
était  couvert,  mars  ^ui  se  Ht  manjtena^t  sans  fe  moindre  difficulté,  et 
cfcttfc  inscription ,  cdnçue  comme  celles  qui  se  sont  déjà  offertes  sur  deux 
autrçs  vases,  mïrcum'o  àxjgusVo  Q*  ibOMinus  tutus  fex  vqtq, 
prouve  que  ceux  Hom  il  s'agit  ici  sont  une  offrande  du  même  Q.  Do- 
rafiiu*  Tutus.  ■■.!  •• ': 

D^ris  l'étav  ofrse  spnt  retrouvés  le»  deux  vases  en  question,  avec 
leurs  membres  -Avers'  dètad)^,  pat  Tiffèt  de  faction  du  temps  qui 
en  Jrvoft  détruit  les  soudures ,  il  n'est  pas-  s$r  que  chacun  (Feux  puisse 
être  rétabli  avec  toutes  le*  pièces  qui  lui  appartenoient  en  propre.  Nous 
croyons  cependant  que ,  dans  la  restauration  déjà  opérée  de  celui  de  ces 
vases  qui  étoit  le:  moins  endommagé,  nos  soins  auront  réussi  à  lui 
restituer  sefc  membres  principaux;  et  c'est  par  celui-là  que  nous  com- 
mencerons la  description  du  couple,  en  nous  bornant  aussi  à  ces  parties 
principales ,  et  en  réservant  pour  une  autte  occasion  des  observations 
plus  détaillée*. 

>  h -Pour  bieri  saisir  l'ensemble  de  ces  compositions,  il  est  nécessaire  de  se 
fixer  sur  un  point  important  \  c'est  Ici  correspondance  exacte  qui  existe 
entre  lek  dqux  vases,  et  qui  suppose  une  analogie  complète  dans  le 
féoftfbpê  des  sujets  et  dana  ia  disposition  des  figures.  Or,  le  premier  de 
twvlises  oflre  bien  évidemment  deux  actions  ou  scènes  ^distinctes,  re- 
présentées par  une  sérit  continue  de  personnages;  et  cela  de  manière  que 
les  deux  actions,  opposées  Tune  à  l'autre,  occupent  chacune  la  moitié 


î^$f&çop$9y'Mu$*  t*.  C'jfy,  V,  p.  45»  uoi.  c,  et  celles  de  M,  Boettiger,  les 

fyfàïfifc&iJt^  IOJLi  u^    ™?$aise-~~  (0  Sueton.  Nerqn.  XLVH  :  Duos 
scyphos  homencos.  —  (2)  Pïin.  XXXIH,  12. 


AOUT    1830.  4Ô3 

juste  de  la  circonférence  du  vase  ,  dans  la  partie  la  plus  renflée  du  sphé- 
roïde. Les  deux  scènes  en  question  sont,  d'une  part  la  mort  de  Patroele , 
de  l'autre  la  rançon  d'Hector.  t.a  même  correspondance  devra  donc  se 
retrouver  sur  l'autre  vase,  où  nous  voyons  la  même  disposition  générale, 
dans  le  sens  dont  les  personnages  sont  placés  les  uns  par  rapport  au? 
autres ,  et  dans  le  mouvement  de  toute  la  composition.  En  effet ,  nous  y 
reconnoîtrons  deux  scènes  épiques,  qui  se  répondent  et  se  balancent 
parfaitement ,  quant  au  choix  des  sujets,  de  même  que  pour  le  nombre 
et  l'attitude  des  personnages;  c'est ,  d'un  côté,  Hector  traîné  au  char  d'A- 
chille, de  l'autre ,  Achille  lui-même  succombant  sous  la  flèche  de  Paris ,  et 
non  pas,  comme  on  l'a  cru,  une  suite  de  trois  sujets  d'inégale  étendue. 
Une  autre  particularité  commune  aux  deux  vases,  dont  je  ne  dois  pns 
négliger  de  faire  ici  mention ,  attendu  qu'elle  n'a  pas  été  moins  mal  in- 
terprétée, c'est  que  l'anse  étoit  fixée  sur  un  masque  bachique,  parfaite- 
ment caractérisé  par  tous  les  traits  d'une  tête  de  Silène  (  1  ) ,  et  auquel 
on  a  voulu (  sans  aucune  espèce  de  fondement ,  attribuer  un  rôle  dans  la 
composition  épique, "en  y  voyant  un  masque  tragique,  ce  qui  n'est  pas, 
et  en  faisant  de  ce  prétendu  masque  tragique  une  prétendue  tête  de  Pho- 
tos ,  au  iieu  d'y  voir  un  simple  motif  d'ajustement  dans  la  composition 
du  vase  même. 

Voici  maintenant  la  description  sommaire  des  quatre  scènes  homé- 
riques représentées  sur  nos  deux  vases.  La  première  scène  du  vase  n.D  1  1 
offre  un  jeune  héros  nu  et  imberbe,  étendu  sur  une  espèce  de  bûcher,  au 
milieu  de  personnages  qui  expriment  leur  douleur  dans  des  attitudes  di- 
verses. A  ce  seul  trait  si  caractéristique  et  si  manifeste  d'un  héros  imberbe. 
il  est  singulier  qu'on  ait  pu  voir  ici  les  principaux  Troyens  pleurant  autour 
du  cadavre  d'Hector  ;  car  Hector  est  barbu,  non-seulement  sur  le  plus 
grand  nombre  des  monumens  antiques  qui  nous  restent  {2)  ,  mais,  ce 


(1)  Ce  caractère  est  conservé  même  dans  la  lithographie;  ce  qui  rend 
plus  étrange  encore  la  méprise  dont  le  masque  en  question  a  été  l'objet. 
—  (2)  J'en  ai  cité  plusieurs  exemples,  Achilléide ,  p.  87  ,  noie  5  ,  lesquels  n'ont 
pas  empêché  mon  savant  confrère  ,  M.  Letronne,  de  soutenir  qu'Hector  avoit 
pu  être  représenté  imberbe  ,  attendu  qu'il  étoit  mort  à  trente  ans ,  comme  si  l'on 
n'avoit  pas  de  barbe  à  trente  ans  ;  et  cela  ,  sur  la  foi  d'un  passage  de  Philostrate 


!  est  dit  qu'Hector  étoit  représenté  sans  cheveux  ;  car  c'est  ainsi  que 
aduit   les  motï  grecs,  m*t'  luVifuite  M*or'r;  voy.  Journal   des 


le  ji 
M.  L< 

Savons,  septembre  1829,  p.  533.  Je 
mots  dans  la  langue  de  l'art  ;  et ,  en  attendai 
décisif  que  nous  fournit  notre  vase,  pour 
la  belle  tête  barbue  de  ce  héros ,  sur  une  rart 
en  argent ,  cabinet  de  M.  Allier  d'Auteroch 


sillet 

, je  citerai,  i 
manière  d< 

nédailie  auti 
pi.  X1I1,  n 


i'appui  de  l'exemple 
eprésemer  Hector, 
orne  d'Ophryniuni, 
11  ,  actuellement  au 


. 


464  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qui  est  décisif  dans  ce  cas-ci ,  il  est  tel  sur  notre  vase  même ,  dans  la  scène 
correspondante  à  celle  qui  nous  occupe.  Rien  n'indique;  non  plus , 
dans  les  détails  du  costume,  que  ce  soient  des  Troyens  qui  com- 
posent cette  scène  de  deuil ,  tandis  que  tout  s'y  rapporte  aux  Grecs,  d'a- 
près le  costume  même,  auquel  les  uns  et  les  autres  se  reconnoissent  dans 
la  scène  opposée.  Le  jeune  héros  presque  nu,  assis  dans  l'attitude  d'une 
douleur  profonde ,  qui  occupe  la  première  place  k  gauche ,  ne  peut  être 
w£  Achille,  présidant  aux  devoirs  suprêmes  qu'on  rend  à  son  ami.  En 
f*ce  de  lui,  Phcenix,  son  vieux  gouverneur,  assis  aussi ,  et  tenant  sa* 
genou  droit  serré  de  ses  deux  mains ,  se  reconnoît  à  sa  barbe  épaisse ,  et 
sur-tout  à  cette  attitude  si  caractéristique  qui  distingue  le  même  per- 
sonnage» sur  le  disque  d'argent  du  cabinet  du  Roi  (i), et  sur  le  vase 
du  musée  de  Naples  que  j'ai  publié  (2)  ;  attitude  dont  00  a  cherché  bien 
inutilement,  ce  me  semble  (j),  à  infirmer  l'intention  symbolique,  qui 
reçoit ,  d'un  monument  tel  que  ie  nôtre,  une  autorité pouvelle  et  décisive. 
Ce  n'est  pas  ici  le  lieu  de  désigner  les  autres  personnages  qui  figurent 
dans  cette  composition  :  mais  il  en  est  un  que  je>  pe  saurois  m'empêcher 
de  signaler  dès  ce  moment;  c'est  Ulysse,  debout  derrière  Achille ,  la  tête 
couverte  du.  bonnet  nautique  qui  le  caractérise ,  le  visage  caché  sous  sa 


HPB 


cabinet  du  Roi;  coof.  Eckhd,  D.  Al.  II,  436.  Du  reste,  M.  Letronne,  qui 
pense  que  le  passage  de  Philostrate  le  jeune  m'avoft  échappé,  auroit  pu  se 
convaincre  du  contraire,  en  jetant  lui-même  les  yeux  sur  le  paragraphe  de 
Winckelmann  que  j'ai  cité,  Mon.  rned.  n.°  1 35,  et  aans  lequel  cet  illustre  anti- 
quaire a  rapporté,  à  l'occasion  d'un  bas-relief  Borghèse,  ou  Hector  est  repré- 
senté barbu,  tous  les  témoignages  des  anciens  relatifs  à  ce  point  d'iconographie 
grecque,  y  compris  le  passage  de  Philostrate  le  jeune*  En  tout  cas,  la  tradition 
homérique  sur  les  longs  cheveux  noirs  d'Hector,  Iliad.  XXII,  401:  «M*?'  éi 
Xciïnti  Kjucincu  Waiw»,  suivie  par  Virgile,  s£n.  Il,  277,  squalentem  barbam 
et  concretos  sanguine  cri  nés,  mériteroit  bien  autant  de  confiance  que  cette 
absence  totale  de  cheveux,  contraire  à  toutes  les  données  antiques,  quon  a  cru 
trouver  dans  le  passage  en  question  du  seul  Philostrate. 

.  (1)  Millin,  Monum.  inéd.  tom.  I,  pi.  VIII,  p.  86.  —  (1)  Monutn.  inéd. 
Achilléide ,  pi.  XIII ,  p.  59  suiv.—  (3)  C'est  encore  M.  Letronne ,  Journal  des 
Savons,  septembre  1029,  P*  53 x  >  note  &>  <Iui  a  contesté  l'intention  symbo- 
lique attribuée  à  l'attitude  dont  il  s'agit,  d'après  l'observation  que  cétoit  sur- 
tout le  croisement  des  mains  qui  avoit  cette  intention,  et  non  pas  là  pose  de  ces 
deux  mains  croisées  sur  le  genou.  Je  montrerai  ailleurs  ce  qu'il  faut  penser  de 
cette  distinction,  plus  subtile,  à  mon  avis,  qu'elle  n'est  fondée  en  raison;  et 
en  attendant,  j'observe,  à  l'appui  du  témoignage  formel  et  précis  de  Pausanias, 
que  notre  vase  offre  absolument  la  même  attitude  que  celle  qui  est  donnée  au 
même . personnage ,  sur  deux  autres  monumens  antiques,  évidemment  avec  la 
menu  intention.  '■  . 


i  droite,  et  dans  une  attitude  qui  se  rapporte,  comme  celle  de 
Phœnix ,  à  une  intention  symbolique  (ij. 

La  seconde  scène  du  même  vase,  représentant  la  rançon  d'Hector, 
At/Tp*  E*Topof,  est  peut-être  ce  que  nos  monumens  ont  offert  de 
plus  curieux,  par  la  nouveauté  des  détails  épiques  qui  s'y  remarquent. 
Nous  savions  déjà ,  par  ta  table  iliaque ,  et  nous  avons  appris  tout  ré- 
cemment par  les  vases  de  Canîno ,  combien  de  circonstances  étrangères 
aux  poésies  proprement  homériques  avoient  été  fournies,  par  ia  tradi- 
tion postérieure  ou  contemporaine,  aux  poètes  et  aux  artistes  grecs  de 
tous  les  âges.  C'est  une  de  ces  circonstances  nouvelles  et  singulières  que 
nous  présente  la  scène  en  question.  Le  corps  d'Hector  nu  et  barbu  s'y 
voit  étendu  dans  l'un  des  plateaux  d'une  balance,  dont  un  grand  vase, 
de  la  forme  de  cratère,  occupe  l'autre  plateau.  Ce  que  cette  balance, 
indépendamment  de  son  emploi  même  dans  une  pareille  scène  (2) ,  offre 
de  plus  remarquable,  c'est  qu'elle  repose  sur  trois  pieds  disposés  en  triangle, 
et  non  sur  un  arbre  dont  le  sommet  seroit  formé ,  comme  on  l'a  dit,  par 
le  prétendu  masque  de  Phobos.  Ce  masque ,  purement  bachique,  ains 
que  je  l'ai  déjà  remarqué  ,  est  placé  de  manière  qu'il  semble  soutenil 
le  fléau  de  la  balance ,  dont  la  forme  générale  s'étoit  déjà  montrée  sur  des 
vases  peints  (j)  ,  telle  à-peu-près  qu'elle  est  ici,  sauf  cet  ajustement  si 
ingénieux  et  si  neuf,  qui  n'est  pas  le  détail  le  moins  curieux  d'une  com- 
posilion  si  bien  ordonnée,  bien  qu'il  n'ait  pas  l'importance  mythologique 
qu'on  lui  a  si  gratuitement  attribuée.  Du  reste ,  rien  de  mieux  conçu ,  de 
plus  savamment  disposé,  que  cette  composition  elle-même.  Achille  ta 
est  le  personnage  principal.  II  est  assis  sur  un  siège  élevé ,  avec  un  sub- 
sellium  sous  ses  pieds ,  signe  non  équivoque  de  sa  haute  dignité.  Autour 
de  fui  sont,  à  gauche,  un  guerrier  barbu,  sans  doute  Ajax,  la  tête 
nue  (4),  appuyé  sur  sa  lance  ;  à  droite,  Ulysse  barbu,  la  lêie  couverte 
du  bonnet  nautique ,  et ,  immédiatement  derrière  Achille,  un  troisième 
personnage  vêtu  et  casqué  ,  que  jem'abstiensencemomentde  désigner. 

(i)  Il  a  le  pied  gauche  élevé  et  placé  sur  un  rocher,  absolument  dans 
l'attitude  qui  paroît  avoir  été  consacrée  pour  lej  effigies  de  Neptune;  ce  qui 
semble  n'avoir  eu  ici  d'autre  motif  que  d'indiquer,  de  même  que  le  bonoei 
nautique,  les  longue.'  navigaiions  d'Ulysse;  je  reviendrai  ailleurs  sur  cette  idée. 
—  (2)  Cei  instrument  figure  dans  une  des  traditions  épiques  recueillies  par 
Eusiaihe,  pag.  127;,  lin.  41. —  (3)  Millin,  Vases  peints,  tom.  I,  pi.  xix; 
tom.  II,  pi.  LXl.  —  (4)  Cette  têie.qui  existe  en  toute  intégrité,  mats  qui  s'étoit 
détachée,  d'où  vient  qu'elle  manque  sur  la  lithographie,  est  celle  d'un  héros 
barbu,  et  son  caractère,  d'accord  avec  l'attitude  du  personnage  et  avec  la 
place  même  qu'il  occupe  près  d'Achille  ,  semble  ne  pouvoir  convenir  qu'à  Ajax, 

Nnn 


466  JOURNAL  DES  SAVANS, 

En  face  de  ce  groupe  est  celui  des  Troyens  debout,  au  nombre  de  cinq , 
ayant  en  tête  le  vieux  Priant ,  barbu ,  vêtu  de  la  longue  tunique  et  de 
l'ample  pépius  asiatique,  le  front  couvert,  ainsi  que  deux  de  ses  com- 
pagnons, de  la  mitre  phrygienne,  et  tous  exprimant,  cf  une  manière  variée 
et  énergique,  ia  désolation  qu'ils  éprouvent.  Ici ,  comme  dans  la  scène 
précédente ,  les  expressions  diverses  dont  une  même  affection  est  sus- 
ceptible, se  produisent  à  des  traits  si  naïfs  et  à  des  attitudes  si  justes, 
les  nuances  en  sont  si  judicieusement  choisies  et  si  habilement  disposées , 
d'après  l'âge,  le  rang,  la  physionomie  des  personnages  ,  et  il  en  résulte 
lui  ensemble  si  pittoresque ,  d'un  intérêt  si  touchant ,  qu'il  est  impossible 
d'y  méconnoître  une  conception  originale ,  certainement  émanée  de  qpel» 
que  grand  maître  de  la  Grèce.  Le  coi  du  vase  est  orné  d'une  représenta* 
tion  où  se  montre ,  (Tune  manière  tout  aussi  sensible,  l'imitation  d'un 
type  excellent.  C'est  Diomede ,  ravisseur  du  Palladium ,  et  réfugié  sur 
l'autel ,  dans  l'altitude  que  nous  trouvons  consacrée  sur  tant  de  beaux 
monumens  de  l'art  antique,  et,  vis-à-vis  de  lui,  Ulysse,  qui  semble, 
par  un  geste  expressif,  lui  indiquer  le  moyen  d'assurer  le  succès  de  leur 
audacieuse  entreprise.  Ce  même  sujet,  sculpté  de  la  même  manière,  sur 
un  ombilic  de  patère  pareil  aux  nôtres,  avoit  fait  la  réputation  d'un  de 
ces  anciens  ca/ateurs  en  argent,  de  Pythéas,  cité  par  Pline  (  i  .  Un  temple 
tétrasty/e,  orné  d'une  immense  guirlande,  figure,  sur  la  partie  posté* 
rieure,  à-Ia-fois  comme  symbole  et  comme  ornement,  dans  ce  système  pu- 
rement grec  ,  où  le  moindre  détail ,  choisi  avec  discernement  et  traité  avec 
goût ,  bien  que  toujours  réduit  à  la  forme  la  plus  simple ,  concourt  à 
l'effet  général ,  et  fait  servir  la  décoration  même  à  l'intelligence  du 
sujet. 

Les  deux  scènes  représentées  sur  notre  second  prxféricule  se  déve- 
loppent naturellement  dans  l'ordre  que  voici.  Toute  l'action  se  passe  au 
pied  des  murs  de  Troie,  représentés  au  moyen  de  bossages,  d'un  beau 
caractère,  et  munis  de  tours  carrées  et  de  créneaux.  Hector,  les  mains  liées 
au-dessus  de  la  tête,  les  pieds  attachés  axichar  d'Achille  (2) ,  est  traîné  sur 
la  poussière.  Trois  guerriers  grecs,  emportés  par  un  mouvement  rapide, 
dans  la  direction  de  ce  char,  mais  dans  des  attitudes  variées,  qui  semblent 
tenir  d'un  sentiment  de  terreur,  rappellent  le  groupe  à-peu-près  sem- 

(1)  Plin.  XXXIII,  12  :  Fuit  dévide  Pytheas ,  cujus. . . .  Ulixes  et  Diomedes 
trant  in  phlalœ  embhmate ,  Palladium  surripientes. —  (2)  Cette  figure  est  la 
plus  maltraitée  de  toutes  celles  qui  font  partie  de  la  composition.  La  restaura- 
tion n'en  sera  cependant  pas  impossible;  et  c'est  seulement  lorsque  cette 
restauration  sera  effectuée,  qu'on  pourra  se  faire  une  idée  juste  de  I  ensemble 
et  des  détails  de  la  figure  en  question. 


Lia! >Ie  qui  accompagne  le  char  d" Achille  sur  deux  vases  peints  que  j'ai 
publié*  (  i  ) ,  et  prouvent  que  celte  circonstance  étrangère  iiu  récit  homé- 
rique étoit  fournie  par  quelque  tradition  célèbre.  C'est  Automédon  qui 
guide  le  char  d'Achille  ;  autre  particularité  qui  se  rapporte  sans  doute  à  la 
même  tradition ,  et  dont  j'ai  aussi  relevé  ailleurs  (2)  l'emploi  rare  en 
pareil  cas.  L'auteur  de  la  composition  qui  nous  occupe  est  sorti  plus 
franchement  encore  des  données  homériques ,  dans  la  manière  dont  il  a 
dessiné  la  figure  d'Achille  debout,  et  se  couvrant  tout  entier  d'un  im- 
mense bouclier ,  avec  son  glaive  nu  dans  la  main  droite;  figure  dont 
la  conception  neuve  et  hardie,  la  stature  gigantesque,  d'accord  avec 
l'énorme  bouclier ,  décèlent  la  pensée  d'un  grand  maître ,  en  même  temps 
que,  par  un  détail  expressif  et  touchant,  emprunté  de  l'Iliade,  notre 
composition  se  rattache  de  nouveau  aux  images  homériques.  Au  haut  des 
murs  de  Troie,  un  vieillard  barbu,  la  tête  couverte  de  la  mitre  phry- 
gienne, et  une  femme  ichevtiïe ,  les  mains  étendues, avec  son  voilequi 
flotte  en  désordre  sur  sa  tête,  nous  montrent  Pr'tam  et  Hécube,  expri- 
mant leur  désolation,  à  la  même  place  et  sous  les  mêmes  traits  que 
dans  le  poète  (  \).  Non  loin  de  là  ,  deux  Phrygiens,  munis  de  boucliers 
dune  forme  amazonienne,  qui  est  ici  un  trait  de  costume  caractéris- 
tique ,  attendu  qu'il  est  purement  oriental  (4)  ,  brandissent  contre 
Achille  le  javelot  court  dont  leur  main  droite  est  armée.  C'est  encore  ici 
l'un  de  ces  détails  réduits  à  leur  expression  la  plus  abrégée ,  qui  carac- 
térisent éminemment  le  génie  pittoresque  de  l'art  grec. 

La  seconde  scène,  qui  occupe  l'autre  moitié  de  la  circonférence  de 
notre  vase,  représente,  dans  le  groupe  principal,  la  mort  d'Achi/le.he 
héros,  blessé  au  talon  droit  de  la  flèche  fatale  (5),  est  renversé  sur  le 
genou  gauche;  sa  tête  penchée,  ses  mains  déraillâmes,  toute  son  atti- 
tude ,  admirablement  rendue ,  annonce  une  mon  prochaine.  Trois  guer 
ricrs  ennemis,  qui  attaquent  de  front,  sans  doute  Enée ,  Paris,  nommés, 
dans  une  scène  semblable,  sur  un  vase  de  Canino  (6} ,  et  Claucus  ou 
Agénor,  désigné  par  Diclys  de  Crèle  (7) ,  disputent  ce  corps  mourant 
aux  héros  grecs  qui  le  défendent.  Le  redoutable  fils  de  Télamon,  Ajax , 
se  reconnoît,  entre  ces  héros,  à  son  action  énergique,  sur-tout  à  son 
immense  bouclier,  dont  il  couvre  Achille  tout  entier  et  lui-même.  Un 


(1)  Menum.  inéd.  Achilléide,  pi.  X' 
p.  86,  note  j. — (})  Homer.  JUad.XXl 
tsyèce  d'ecu,  oppression  fort  singulière  pou 
Fabul.  107  et  1 1  3  ;  conf.  Imt.  adhk.  U.  - 
(?)  IV,  ,8. 


lit,  1  et  i.  —  (2)  Au  même  lieu, 
:,  405-408.  —  (4)  On  a  vu  ici  une 
un  bouclier  amazonien. — (î)  Hygin. 
(6)  Catalogo,  &C,  n.  S44»P-  66.— 


46*8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

autre  héros ,  doht  la  figure  ne  se  dessine  qu'à  moitié  sur  fe  bas-relief, 
peut-être  Nioptoleme ,  un  des  Grecs  nommés  sur  le  vase  de  Canino ,  com- 
bat au  premier  rang  pour  la  même  cause.  Ce  qui  me  détermine  à  cher- 
cher, sur  le  vase  en  question,  de  préférence  aux  témoignages  mytholo- 
giques qui  nous  restent ,  l'explication  de  la  scène  qui  nous  occupe , 
c'est,  indépendamment  de  l'antiquité  de  ce  vase,  sans  doute  très-supé- 
rieure à  celle  des  écrits  post-homériques  de  Dictys,  d'Hygin  ou  de 
Quintus  de  Smyrne ,  l'observation  décisive,  que ,  sur  le  vase  de  Canino, 
comme  sur  notre  praeféricule ,  les  groupes  de  personnages  se  corres- 
pondent de  manière  à  prouver  qu'ils  dérivent  d'une  tradition  commune. 
Ainsi,  aux  pieds  du  guerrier  troyen ,  qui  ne  sauroit  être  qu'Énée ,  est  un 
personnage  renversé  à  terre,  dont  on  ne  voit  que  la  partie  inférieure  du 
corps  (  i  )  ;  de  même  qu'au  devant  du  héros  grec ,  qui  corn  bat  derrière  Ajax , 
apparoît  la  figure  entière  d'un  Grec  mourant ,  appuyé  sur  son  bouclier  ; 
deux  groupes  qui  se  retrouvent  sur  le  vase  de  Canino ,  le  dernier  des- 
quels nous  offriront ,  suivant  les  indications  fournies  par  ce  vase,  Mi- 
ni  las  et  Nirie.  Mais,  dans  aucun  cas,  on  ne  sauroit  voir,  comme  on  l'a 
fait ,  dans  ce  dernier  groupe ,  Achille  triomphant  if  Hector  ;  d'abord ,  parce 
qu'il  faudroit  admettre  sur  notre  vase  trois  actions  au  lieu  de  deux,  ce  qui 
est  contraire  à  toute  analogie;  en  second  lieu,  parce  que  les  figures 
prétendues  d'Hector  et  d'Achille  sont  placées  dans  le  même  sens ,  l'une 
au  devant  de  l'autre  (2) ,  disposition  qui  n'est  pas  moins  contraire  à  l'hy- 
pothèse d'un  combat  entre  ces  deux  personnages  ;  et  enfin ,  parce  que 
le  guerrier  mourant,  quel  qu'il  soit ,  est  un  Grec ,  et  non  Hector  ou  tout 
autre  Troyen,  ce  qui  résulte  positivement  de  la  forme  de  ses  armes,  et 
sur-tout  de  son  bouclier  argolique ,  trait  essentiel  du  costume  qui  dis- 
tingue sur  notre  vase  les  Grecs  et  les  Troyens.  Quant  à  la  Victoire, 
placée  dans  cet  endroit  de  la  composition ,  volant  les  ailes  éployées  , 
avec  une  palme  et  une  couronne,  elle  est  là  manifestement  pour  indi- 
quer ,  par  sa  présence ,  l'issue  de  la  lutte  qui  dure  encore  entre  les  deux 
partis ,  au  sujet  du  corps  d'Achille  que  chacun  d'eux  se  dispute.  Je  ne 
dois  pas  omettre  de  remarquer  le  masque  de  Silène,  placé  entre  les  deux 
actions  principales,  au  point  même  où  elles  se  séparent ,  et  qui  n'a  bien 
évidemment,  dans  ce  cas-ci,  comme  dans  l'autre,  que  le  motif  d'ajus- 
tement précédemment  indiqué,  et  non  l'intention  symbolique  qui  ne 


MIS 


(1)  Cette  figure  a  été  complètement  omise  sur  la  lithographie.—»  (2)  Je  ne 
~îs  où  l'on  a  vu  Achille  traînant  Hector  et  le  perçant  de  son  ipée.  11  n'y  a  pas 
la  moindre  trace  de  cela  sur  le  vase,  non  plus  que  sur  la  lithographie  même  , 
pi.  m,  toute  imparfaite qu'elleest. 


seroit  fondée  ici  à  aucun  titre  ,  non  plus  que  sur  aucune  circonstance  du 
sujet. 

Le  col  de  notre  prxféricule  est  orné  d'un  sujet  dont  la  vraie  ex- 
plication est  facile  a  saisir,  pour  peu  qu'on  ne  s'éloigne  pas  du  système 
de  composition  dans  lequel  sont  exécutés  nos  deux  vases  ;  attendu  que, 
dans  les  productions  de  l'art  grec,  tout  se  lie  et  se  développe  sous  l'in- 
fluence du  même  principe.  En  effet ,  on  y  voit  deux  héros  qui  semblent 
délibérer  entre  eux  sur  quelque  entreprise  importante ,  et  l'un  de  ces 
héros  est  manifestement  Ulysse,  puisqu'il  se  produit  ici  absolument 
sous  les  mêmes  traits  que  nous  l'avons  vu  précédemment,  et  à  la  même 
place.  II  y  a  donc  toute  raison  de  croire  que  l'autre  héros  est  Diomède, 
comme  sur  ce  premier  vase,  ha  peau  de  bête  dont  il  se  montre  revêtu 
estcelle  qui  couvrait  Dolon,  au  moment  où  l'imprudent  Phrygien  ,  qui 
cherchoit  a  s'introduire  ainsi  déguisé  dans  le  camp  des  Grecs,  est  surpris 
par  Diomède  et  par  Ulysse  (  i  ).  Le  moment  représenté  sur  notre  vase 
est  donc  celui  où  les  deux  héros  grecs ,  vainqueurs  de  Dolon  et  maîtres 
de  sa  dépouille,  délibèrent  à  leur  tour  sur  la  conduite  de  l'audacieuse 
ambassade  dont  ils  sont  chargés.  Ici,  comme  sur  le  vase  précédent', 
Ulysse  est  représenté  dans  l'attitude  du  conseil  ;  et  Diomède  a  pareille- 
ment, sur  les  deux  vases,  l'attribut  de  l'action;  sur  l'un  le  palladium  ,  sur 
l'autre  la  dépouille  de  Dolon:  d'où  l'on  voit  avec  quelle  justesse  les 
données  fournies  par  le  sujet  se  combinoient,  dans  les  compositions  de 
l'art  antique,  de  manière  a  offrir  toujours  une  action  claire  et  précise. 
Tous  les  accessoires  concourent  de  même  à  l'intelligence  du  sujet,  ISarbre 
indique  la  campagne  où  Dolon  a  été  tué;  Yauttl ,  surmonté  de  trois 
têtes  de  bélier,  se  reconnoît,  à  ce  signe,  pour  un  autel  funèbre  ;  et  le 
vase  cinéraire,  dressé  sur  un  cîppe  carré,  ne  se  rapporte  pas  moins  évi- 
demment à  ia  même  intention. 

Je  ne  pourrais,  sans  excéder  de  beaucoup  les  bornes  où  je  dois  me 
renfermer  quant  à  présent ,  indiquer  toutes  les  particularités  curieuses 
de  style,  de  travail  ou  de  costume,  qui  distinguent  les  quatre  grandes 
compositions  homériques  que  je  viens  de  décrire.  Je  ne  me  permettrai 
qu'une  seule  observation  générale  sur  la  manière  dont  sont  traités  les 
sujets  en  question,  au  moyen  d'un  mélange  d'argent  et  d'or,  qui  tient 
à  ce  système  de  sculpture  polychrome,  duquel  il  ne  nous  étoit  peut- 
être  encore  parvenu,  sur  aucun  monument,  d'application  plus  sensible 
et  plus  heureuse.  Tous  les  nus  des  figures  ont  la  couleur  naturelle  de  l'ar- 
gent ,  tandis  que  les  armes  et  les  vêiemens  sont  dorés  :  mélange  plein 


(i)  lliad.x,  334. 


I 


479  JOURNAL  DES  S^VANS, 

d'harmonie,  de  richesse  et  de  goût,  dont  la  toilette  d'une  dame  romaine 
n'avoit  pu  nous  donner  qu'une  idée  imparfaite ,  parce  qu'elle  appartient 
aux  temps  de  la  décadence  de  Part,  tout  en  nous  apprenant  combien 
étoit  profondément  enraciné  dans  les  habitudes  de  l'art  antique  ce  sys- 
tème f  dont,  il  y  a  quelques  années  encore ,  onrévoquoit  en  doute  l'exis- 
tence, dont  on  étoit  allé  jusqu'à  combattre  le  principe,  malgré  les  nom- 
breux témoignages  qui  s'offroient  dans  les  auteurs,  et  malgré  les  preuves 
sensibles  qui  se  montroient  sur  les  monumens ,  mais  dont  il  suffi  roi  t  d'un 
seul  monument  tel  que  les  nôtres  pour  constater  le  vrai  caractère,  et 
presque  pour  révéler  tout  le  génie.  Sous  ce  rapport ,  aussi  bien  que 
sous  celui  du  procédé  matériel  qui  les  a  produits ,  on  peut  dire  sans  exa- 
gération que  notre  collection  d'objets  d'argent  nous  a  rendu  une  branche 
de  l'art  grec  toute  entière. 

Les  deux  vases  que  je  décrirai  en  second  lieu ,  et  qui  mériteraient 
d'occuper  le  premier  rang  dans  notre  collection ,  s'il  n'étoit  question  que 
de  la  perfection  du  travail  et  du  goût  de  la  décoration,  sont  deux 
vases  ,  n.°*  13  et  1 4  >  qui  ont  été  d'abord  désignés  par  le  nom  de  vases  i 
Wau  lustrale ,  et  qui  peuvent  bien  en  effet  avoir  servi  à  cet  usage ,  lequel 
étoit  notoire,  habituel  et  constant  dans  l'antiquité  grecque  et  romaine? 
jtandis  que  le  nom  de  kymbi ',  qu'on  a  donné  d'autre  part  à  ces  vases,  est 
tout-à-fàit  arbitraire,  comme  la  plupart  des  dénominations  sous  les- 
quelles on  affecte  maintenant  de  désigner  les  vases  antiques.  II  suffit 
d'ailleurs  d'observer  que  la  kymbi  grecque,  quelle  qu'en  fût  la  véritable 
forme ,  étoit  un  vase  qui  n'avoit  ni  base,  ni  anses  (  1  ) ,  pour  être  assuré 
que  les  deux  nôtres,  qui  sont  pourvus  de  ce  double  appendice ,  ne  sau- 
raient être  des  kymbi. 

A  la  vérité ,  nous  ne  savons  pas  davantage  quelle  fut  la  forme  la  plus 
habituelle  du  vase  à  eau  lustrale  chez  les  Grecs.  On  voit  souvent,  sur 
les  vases  peints,  une  espèce  de  seau  muni  d'une  anse  mobile,  qui  pa- 
raît avoir  servi  à  cet  usage ,  attendu  qu'il  est  presque  toujours  porté  par 
des  personnages  d'un  ordre  mystique  (2)  ;  et  des  vases  tout  pareils  se 
trouvent  dans  nos  collections*  Mais  if  semble  que  le  vase  contenant 
l'eau  lustrale  dont  on  aspergeoit  les  dévots ,  et  placé ,  à  raison  de 
cela,  sous  le  pronaos  des  temples  (3) ,  avoit  la  forme  de  bassin,  c'est-à- 

■    ' j  ■        ■ 

(l)  Doroth.  apud.  Athen.  XI,  63  :  Tivoç  mmpim  Ço&iw  m  xjujulCIol  ^  o/>9or, 
wvfyara /xW  iyirmf  i  m*JI%  cht.  Aucun  des  traits  de  cette  description  n'est  appli- 
cable à  nos  vases.  —  (2)  Il  en  existe  tant  d'exemples ,  qu'il  suffira  de  citer  les 
vases  publiés  par  Millin,  tom.  Il ,  pi.  r,i ,  LU ,  Lin.  —  (3)  Le  témoignage  le  plus 
positif  à  ce  suret  est  cehn>ci  d'Euripide,  Ion.  435  (  438  Matthiae  ):  t\9«r  %iç 
a-nêffwmipia ,  Jfo'm  xaQtin*  ;  voy.  Visconti,  Mus.  P.  Clem.  V,  XXXIII,  62. 


AOUT    1830.  A?' 

dire ,  de  paùre  ,  ainsi  qu'il  résulte  positivement  du  témoignage  de  l'ins- 
cription atlique  où  i]  est  question  d'une  de  ces  patins  d'or,  scellée  sur 
une  base ,  à  l'entrée  du  Parthénon  (  1  )■  Au  contraire,  lorsque  cette  sorte 
de  vase  étoit  mobile,  ce  qui  exigeoîl  qu'il  fût  muni  d'anses  et  de  pied,  il 
semble  qu'il  pouvoir  avoir  la  forme  des  nôtres.  En  tout  cas,  le  vase  en 
question  se  nommoit  «weppafTilpfov ,  et  il  se  fabriquoît  le  plus  souvent 
en  argent:  il  est  fait  mention  d'un  de  ces  aporrhantêrions  d'argent,  con- 
sacré dans  le  trésor  du  Parthénon  d'Athènes  ,  sur  un  fragment  d'inscrip- 
tion ntiique  que  je  possède,  et  que  M.  Boeckh  a  publié  (2)  ;  d'où  l'on 
voit  qu'il  y  a  plus  d'une  analogie  pour  reconnoître  l'espèce  de  vase  dont 
il  s'agit  dans  les  deux  qui  nous  occupent.  Quoi  qu'il  en  soit,  l'inscription 
qu'ils  portent  l'un  et  l'autre ,  sur  le  bord  du  bassin  inférieur,  en  lettres 
ponctuées ,  d'un  beau  caractère  ,  MEBCURIO  AUGUSTO  Q.  DOMITIOS 
TUTUS  EX  VOTO,  prouve  qu'ils  sont  un  don  de  ce  Domitius  Tutus, 
dont  le  nom  nous  est  déjà  connu  (3) ,  et  dont  j'ai  essayé  de  déterminer 
l'âge,  pour  en  déduire  ,  avecquelque  probabilité ,  l'époque  à  laquelle  ces 
deux  vases ,  de  style  et  de  travail  grecs ,  auroîent  été  consacrés  au  culte 
de  Mercure,  par  cet  opulent  citoyen  romain  de  la  Gaule.  Du  reste,  rien 
de  plus  riche  que  la  composition  représentée  sur  chacun  de  nos  vases.  Le 
système  entier  en  est  puisé  dans  les  symboles  et  dans  les  personnages  dio- 
nysiaques; et  le  motif  général  en  est  emprunté  du  même  type  que  celui  du 
célèbre  vase  dit  de  Pto!émée,o\xà.<ï  Afithridnte,  du  cabinet  des  antiques  (4), 
qui  est  précisément  de  la  même  forme.  Les  personnages  principaux  sont 
un  centaure  et  une  ctntauressc ,  d'âge  et  de  physionomie  divers  ,  opposés 
l'un  à  l'autre ,  et  accompagnés  de  plusieurs  génies  bachiques,  la  plupart 
ailés  et  de  sexes  divers,  de  petits  satyres  en  attitudes  variées,  et  d'une  foule 
de  symboles  et  d'attributs  dionysiaques  distribués  avec  un  art  infini,  exé- 
cutés avec  un  goût  exquis.  Au  nombre  des  objets  accessoires  qui  servent  a 


{])  Boeckh,  Imcr.  n,  138,  I.  6,  p.  184  :  'Er  tS  irywii. 
âtctpamtTai ,  tts-ntH/Mf.  La  célèbre  paùre  d'or,  du 
Bibliothèque  du  Roi,  pourroit  fort  bien  avoir  servi  à  cet  1 
ihid.  11.  1  3  7  ,  1.  ;  ,  p.  1 84  :  [  ^7n  ]  piuTHpioi  àfyjfttt  aaToiïftai 
étoit  scellé,  ce  qu'indique  le  mot  a.<sia$/Mt ,  aussi  bien  qu'un 
aus:i  d'argent ,  désigne  sur  une  autre  inscription  attiqu 
(î)  Voy-  Journal  des  Savans ,  juillet,  p.  428,  et  ci-de! 
—  (4)  Ce  vase  a  été  publié  par  D.  Félibien,  Hht.  de 
pi.  IV,  et  par  D.  Momfaucon,  Ant.  expl.  tom.  I,  pai 
de  manière  à  ne  pas  rendre  inutile  une  gravure  plus  exa 
qui  accompagnera  celle  de  nos  deux  vases  d'argent,  à 
analogie  qui  existe  entre  eux,  et  qui  peut  donner  lieu 
intéressante. 


l'a)  fiaixii  yj>vavt,  t'J-  m 
des  antique*  de  la 
âge. —  (2)  Boeckh, 
A  la  vérité,  ce  vase 
litre  aporrhantérion, 
,  ibid.  n.  141  ,  I.  6. 
15,  pag.  \6ot  462. 
f.  Ùtnys,  p.  344. 
,  11,  pi.  167,  mais 

cte  et  plus  soignée, 
cause  de  l'extrême 
à    une  comparaison 


47*  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

rernplir  le  champ  de  la  composition ,  on  distingue  deux  trapé^oporis  (  i  ) , 
formés  par  trois  figures  bachiques ,  dont  l'exécution  défie  la  perfection 
des  plus  beaux  camées  y  et  chargés  de  vases  divers,  de  la  forme  de  rhytonsf 
de  cratères, de  calices,  avec  cette  particularité,  qui  me  semble  tout-à-fait 
neuve ,  que  les  rhy tons  sont  maintenus  en  une  position  verticale  sur  la 
table, au  moyen  de  tiges  métalliques  garnies  d'un  anneau  à  leur  extré- 
mité supérieure.  Cette  table  est  proprement  ce  que  l'on  appeloit  chez 
les  anciens  mens  a  delphïca  (2)  ;  et  les  vases  sacrés  qu'ony  exposoit ,  dans 
les  grandes  solennités  religieuses ,  s'y  trouvoient  soutenus  de  différentes 
manières ,  à  raison  de  leurs  formes  diverses  :  il  nous  en  étoit  parvenu 
quelques  témoignages  (3);  et  nous  en  avons  ici  un  exemple  sensible,  qui 
sert  de  plus  à  nous  expliquer  le  véritable  sens  d'une  expression  grecque 
assez  singulière  pour  avoir  embarrassé  le  plus  habile  philologue  de  nos 
jours,  M.  Boeckh  (4).  De  grands  vases,  de  la  forme  de  Médicis,  con- 
courent à  l'ornement  de  la  composition,  et  offrent  de  plus  un  inté- 
rêt particulier,  parles  sujets  traités  en  bas-relief  dont  ils  sont  décorés. 
On  y  reconnoît,  sur  l'un,  un  groupe  d'Ulysse  enivrant  Polyphême ;  sur 
un  autre,  les  Dioscures  enlevant  les  Leucippides ;  sur  un  troisième,  un 
Guerrier  grec  a  cheval ,  combattant  une  Amazone  a  pied ,  représentation 


(1)  Voy.  au  sujet  de  cette  sorte  de  meubles  antiques,  Visconti ,  Mus.  P. 
Clem.  V,  X,  18-20.  —  (2)  Pitiscus,  Lexic.  ant.  rom.  Il,  180-181,  a  réuni 
tous  les  témoignages  des  anciens  sur  ce  point.  —  (3)  Sur  cette  sorte  de  meubles 
propres  à  maintenir  debout  les  vases  de  la  forme  de  lécythus ,  d'amphore,  &c,  et 
nommés,  en  général,  eLyyWxti,  on  peut  consulter  Buonarotti,  Vetri  antichi,  p.  21 3. 
11  y  a  lieu  de  croire  qu'ils  étoient  le  plus  souvent  de  bois ,  d'après  un  passage 
d'une  inscription  attique,  Boeckh,  Inscr.  n.  159,  P.  260. — (4)  H  s'agit  au 
mot  TnpiiTKihîç ,  compris  dans  un  catalogue  attique  de  vases  et  objets  d'argent 
consacrés  dans  l'Acropole  d'Athènes.  On  y  lisoit  la  phrase  suivante,  citée  par 
Athénée  ,  XI  $  I, ,  p.  47*>  >  &  tâp&Ç ,  ixTO/xa,  ocpyupovr ,  1^  I1EPI2KEAVE2  T/>oWtf  ; 
et  la  même  phrase  s'est  retrouvée  en  partie,  sur  une  inscription  attique,  conte- 
nant un  de  ces  cataJogues  d'objets  votifs;  Boeckh,  Inscript,  n.  151,  1.  37, 
p.  ^42-  Le  savant  interprète  de  ces  marbres  attiques  a  vu,  dans  l'instrument 
désigné  par  le  mot  Ttipiarm hiç ,  une  base  munie  de  pieds  qui  auroient  eu  la 
forme  de  jambes:  ce  qui  n'offre  certainement  pas  une  image  très-claire;  aussi 
n'en  paroît-il  pas  lui-même  très-satisfait ,  d'après  ce  qu'il  ajoute:  Quamquam  ne 
sic  quidemvox  plane  exvedi ta  est.  Il  suffit  maintenant  de  voir  comment  les  rhytons 
sont  fixés  debout  sur  fa  table  qui  les  porte,  au  moyen  de  deux  tiges  métalliques, 
qui  les  soutiennent  en  guise  de  jambes,  pour  saisir  la  signification  des  mots, 
H5t|  mpunmhiç  fpiatrn,  et  pour  reconnoftre  la  forme  de  cet  instrument  attique. 
C'est  encore  ici,  pour  le  remarquer  en  passant,  l'une  des  preuves  sans  nombre 
qu'offrent  nos  vases,  relativement  à  l'originalité  du  style  grec  qui  les  carac- 
térise dans  l'ensemble  et  dans  (es  moindres  détails. 


AOUT  1830.  47i 

directement  contraire  aux  traditions  ordinaires,  mais  non  pas  tout-a-fait 
sans  exemple  sur  les  monumens  de  l'art  grec  (1  ).Ces  figures  se  détachent, 
avec  la  couleur  de  l'argent  pur,  sur  un  fond  doré;  système  suivi  dans 
tous  les  nombreux  détails  de  la  composition  entière  ,  où  je  doute ,  pour 
en  faire  en  passant  la  remarque  ,  qu'aucun  amateur  de  l'antiquité  puisse 
trouvera  reprendre  le  défaut de goût ,  tt pour  ainsi  dire  de  modération ,  qui 
règne  dans  l'ensemble  de  la  décoration.  II  suffit  à  des  yeux  tant  soit  peu 
exercés,  d'examiner  avec  quelque  attention  ces  admirables  monumens 
de  la  cœlature  antique,  pour  y  reconnoître  précisément  ce  degré  de  ri- 
chesse et  cette  mesure  de  goût  que  comportoit  la  nature  même  de  ces 
vases ,  précieux  par  le  métal ,  par  l'usage  et  par  le  travail  ;  et  telle  est  en 
effet  la  haute  perfection  qui  y  brille,  sous  quelques  rapports  qu'on  les 
envisage,  que  je  ne  serois  pas  surpris  que  nos  deux  vases  reproduisissent 
pour  nous  d'excellentes  copies  des  vases  de  cet  Agragas  cité  par  Pline, 
et  renommé  sur-tout  par  ses  figures  de  Bacchantes  et  de  Centaures  (2). 
C'est  du  reste  une  question  qui,  non  plus  qu'un  grand  nombre  d'autres, 
relatives  soit  au  style  et  au  travail  de  nos  vases,  soit  aux  représentations 
mêmes  dont  ils  sont  ornés,  ne  sauroit  être  convenablement  débattue  en 
cet  endroit  ;  et  le  défaut  d'espace  m'oblige  pareillement  de  renvoyer  à 
un  troisième  et  dernier  extrait  le  reste  de  la  description  sommaire  de  ces 
précieux  monumens. 

RAOUL-ROCHETTE. 


Select  Spécimens  of  the  théâtre  of  tke  Hindous ,  translated 
front  the  original  sanscrit ,  by  A.  H.  Wîlson.  Calcutta ,  182^, 
3  vol,  in-8." 

Chefs-d'œuvre  du  théâtre  indien  ,  traduits  de  l'original  sanscrit  en 
anglais ,  par  M.  A.  H.  Wîlson  ,  et  de  l'anglais  en  français, 
par  Ai.  Langlois;  accompagnes  de  notes  et  d'e'claircissemens , 


(1)  Je  possède  un  vase,  qui  sera  publié  parmi  mes  Monumens  inédits ,  où  le 
même  sujet  est  figuré  de  la  même  manière.  Ce  va»e  est  d'une  belle  fabrique 
d'Avella,  et  le  sujet  principal  représente  Médît  qui  égorge  ses  enfans. — 
(2)  Ptin.  xxxni  ,12:  AcngMtif . . .  Baccha:  Centaurique  calati  in  scyphis. 

Ooo 


4jr4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

^  et  suivis  d'une  table,  alphabétique,  des  noms  propres  et  d^s  termes, 
relatifs  à   la  mythologie  et  -a w  mages  de  Ilude,  avec  Uur 
'  explication*  Paris,  1828  ,  %  vol. Ji*<#S 


u 


SECOND    ARTICLE. 


~:  La  première  pièce  dit  recueil  de  M.  Vflson  est  en  dix  actes  précédés 
dtan  prologue.  Le  titre  en  est  difficile  à  rendre  eh  français.  AfrhcKt'cha* 
tàiî ' signifie  littéralement  un  chariot  dRargile  ou  dé  terre  cane»  xak 
Jfduet  d'enfant  -  en  forme  de  chariot  :  il  se  rapporte  à  une  particularité 
t6u$-à-fitft  indifférente  de  la  fable,  et  il  n'y  est  fait  qu'une  seule 
afftision  insignifiante  dans  le  cours  du  drame.  Le  véritable  titre  seroît 
la  Courtisane  amoureuse,  la  pièce  'a  dû  être  composée  intérieurement 
rfu'x.*  siècle.  Le  style,  bien  qu'élégant ,  né  manque  pas  die  simplicité, 
au  Jugement  de  M.  Wilson,  qui  ^oït  dans  cette  circonstance  un^ 
ttfeuve  de  l'ancienneté  de  Pouvïage ,  antérieur,  selon  lui ,  à l'époque  ùU 
les  écrits  des  Hindous  se  distinguèrent  par  la  richesse  d'une  diction 
travaillée,  et  iur-tout  à  ceffeort  les- corripositions  sanscrites  com- 
mencèrent à  êtrç  dégradées  par  un  mélange  de  pensées  fausses  et  (Tëx* 
pressions  alembiquécs,  c'est-à-dirç,  aux  ix.e  et  x.e  siècles.  Le  traducteur 
ajoute  quelques  raisons  encore $  celles  qui  sont  prises  du  style,  pour 
établir  l'âge  de  cette  production  dramatique ,  qu'il  croit  pouvoir  reporter 
au  temps  du  roi  Soudraka,  au  n.c  siècle  après  notre  ère,  ou  même  un 
siècle  avant  cette  ère.  Ce  Soudraka  passe  pour  être  l'auteur  de  la  pièce 
dont  il  s'agit. 

,  L'intrigue  et  la  -catastrophe  du  Chariot  d'argile  sont  fondés  sur  un 
événement  historique  réel,  et" dont  le  récit  se  présente  ici  sous  une 
forme  plausible  et  d'accord  avec  la  vraisemblance.  Palaka ,  roi  dTOud- 
faym,  est  renversé  du  trône  par  un  berger  qui  s'empare  de  la  couronne, 
à  fajde  des  brahmanes,  que  les  dédains  de  leur. précédent  souverain 
avaient  indisposés  contre  lui/Mais  le  véritable  sujet  du  drame  paroît 
entièrement  (Fimagination.  Une  courtisane  nommée  Vasantasena  est 
éprise  du  brahmane  Tcharoudatta ,  l'honnête  homme  de  la  pièce, 
mais  réduit  à  la  pauvreté  par  suite  de  ses  libéralités.  Ce  brahmane  est 
marié,  H  a  un  ffls;  et  pourtant  cette  double  circonstance  ne  semble 
apporter  aucun  obstacle  à  la  liaison  que  recherche  Vasantasena.  L'époiîsé 
légitime  du  brahmane  paroîi  peu ,  et  né  songe  pas  même  à  se  formaliser 
des  sentimens  qu'une  autre  a  conçus  pour  son  mari ,  non  plus  que  de 


AOUT    1830.  47S 

ceux  qu'il  peut  éprouver  en  retour.  Tcharoudatta  est  vanté  continuelle- 
inent  pour  ses  hautes  vertus ,  son  noble  caractère ,  son  admirable 
conduite.  Toat  cela  se  montre  plus  dans  ses  discours  que  dans  ses 
actions.  Ce  qui  est  plus  singulier,  c'est  la  pureté,  le  désintéressement, 
les  sentiinens  généreux  et  romanesques  attribués  a  une  courtisane  qui 
s'est  acquis  une  fortune  immense  par  l'exercice  de  sa  profession. 
L'amour,  en  s' emparant  de  son  oceur,  y  a  étouffé  jusqu'au  souvenir 
des  penchans  déshonnêtes  et  des  inclinations  vicieuses  auxquels  elle  a 
dû  céder  autrefois.  Elle  repousse  les  sollicitations  d'un  prince,  représenté, 
il  est  vrai,  sous  les  traits  d'un  pédant  sot  et  ignorant,  autant  qu'injuste  et 
cruel.  Une  conception  pareille  semble  appartenir  à  l'une  de  ces  époques 
secondaires  où  ,  par  une  sorte  de  réaction  morale,  la  littérature  reporte 
sur  les  professions  dégradées  par  la  société ,  l'honneur  que  la  corruption 
des  classes  élevées  leur  a  fait  perdre.  Au  reste,  le  Châtiât  d'argile 
présente,  en  plusieurs  de  ses  parties,  des  tableaux  de  mœurs  du  plus 
haut  intérêt  :  une  maison  de  jeu,  au  second  acte;  la  description  du 
palais  magnifique  habité  par  la  courtisane  ,  dans  le  quatrième;  l'évasion 
et  l'arrestation  momentanée  du  rebelle,  dans  le  sixième  ;  le  traitement 
cruel  souffert,  au  huitième,  par  Vasantasèna ,  par  suite  de  la  résistance 
qu'elle  oppose  aux  désirs  de  l'indigne  Sthavaraka  ;  les  formalités  d'un 
jugement  criminel  dans  le  neuvième,  et  les  apprêts  d'une  exécution 
dans  le  dixième  ,  offrent  autant  de  scènes  remarquables  ,  où  les  idées 
morales  et  les  habitudes  nationales  des  Hindous  se  montrent  sous  un 
aspect  extrêmement  curieux. 

La  pièce  qui  suit  le  Chariot  d'a-g\lc  est  d'un  genre  absolument 
différent-  Ce  n'est  plus  le  tableau  de  l'état  social  des  anciens  Hindous  , 
mais  la  description  de  leur  monde  mythologique  qui  en  fait  le  sujet 
principal.  Ce  drame  remonte  à  la  moitié  du  premier  siècle  avant  J.  C.  ; 
car  c'est  l'un  des  trois  qui  sont  attribués  à.  l'auteur  de  Sacontala,  au  célèbre 
Kalidasa ,  et  les  deux  qui  ont  été  traduits ,  participent ,  jusqu'à  un  certain 
point,  aux  mêmes  qualités  et  aux  mêmes  défauts.  Dans  l'un  comme  dans 
l'autre,  un  prince  demi-dieu  et  une  nymphe  d'une  condition  au-dessus 
de  l'humanité  sont  le  héros  et  l'héroïne.  On  y  trouve  la  même  vivacité 
dans  les  peintures,  la  même  tendresse  dans  les  sentimens,  la  même 
beauté,  la  même  délicatesse  dans  les  pensées,  une  égale  élégance  dans 
le  style.  Il  paroît  difficile  à  M.  Wilson  de  décider  à  laquelle  des  deux 
compositions  la  palme  doit  appartenir.  Mais ,  selon  lui ,  la  fable  de  celle- 
ci  est  peut-être  plus  habilement  ourdie  ,  et  les  incidens  naissent  les  uns 
des  autres  plus  naturellement  que  dans  Sacontala.  En  revanche ,  on  n'y 
rencontre  pas  de  personnage  aussi  intéressant  que   l'héroïne  de  ce 

Ooo   2 


* 


i76  JOURNAL  DES  SAVONS, 

dernier  drame.  Le  récit  qui  fait  la  hase  de  b  pièce  de  Vikrama  et  Ourvasi, 
est  contenu  dans  le  Vrshnou  Pourana ,  ainsi  que  dans  le  Padma  Pourana. 
M.  Wifson  Fa  rapporté  d'après  cette  double  autorité.  Kalidasa  a  divisé, 
son  drame  en  cinq  actes;  il  fait,  sur- tout  dans  le  quatrième,  un  grand 
usage  du  pracrit ,  circonstance  remarquable  pour  une  pièce  qui  a  dix* 
huit  cents  ans  :  M.  Wilson  n'a  pis  négligé  de  la  relever  en  examinant 
les  preuves  de  l'ancienneté  de  cette  composition  dramatique. 
-  Ourvasi,  nymphe  du  ciel,  gracieuse  création  du  solitaire  Nârâyana, 
revenant  avec  ses  sœurs  du  palais  de  Kouvera ,  est  enlevée  par  un  génie 
nommé  KesL  Aux  cris  de  ses  compagnes ,  Pourouravas ,  roi  de  Pratis- 
thana,  s'élance  sur  les  pas  du  ravisseur;  il  I atteint,  délivre  la  telle 
nymphe,  et  la  rend  à  ses  amies,  encore  évanouie  par  l'effet  de  la 
frayeur.  Le  roi  des  musiciens  de  la  cour  d'Indra,  pareillement  attiré 
par  les  plaintes  des  nymphes  célestes,  loue  le  courage  du  héros.  Celui- 
ci  ne  peut  s'éloigner  sans  laisser  voir  l'impression  que  les  attraits  de  la 
nymphe  ont  produite  sur  son  ame.  Ourvasi,  de  son  côté,  témoigne  à  quel 
point  elle  est  sensible  au  service  que  Pourouravas  lui  a  rendu.  Une 
peinture  vive  de  ce  double  sentiment  remplit  la  fin  du  premier  acte , 
et  se  fait  remarquer  par  les  traits  d'une  délicatesse  qu'on  ne  rencontre 
jamais  sans  quelque  étonnement  dans  les  productions  asiatiques.  Le 
second  acte  s'ouvre  par  une  véritable  scène  de  comédie ,  entre  un 
brahmane  confident  du  roi  et  l'une  des  suivantes  de  la  reine.  Celle-ci 
surprend  le  secret  du  nouvel  amour  de  Pourouravas  ;  et  tandis  que  le 
roi  s'entretient  avec  son  confident  de  l'objet  de  sa  passion,  Ourvasi, 
suivie  d'une  des  nymphes  célestes ,  cède  à  l'attrait  qui  l'appelle  auprès 
de  lui.  D'abord  couverte  d'un  nuage  ,  elle  laisse  tomber  à  ses  pieds 
un  billet  écrit  sur  une  feuille  de  bouleau ,  et  finit  par  se  montrer  aux 
yeux  du  héros  qu'elle  a  charmé.  Cette  scène  seroit  parfaite  ,  si  elle 
n'étoit  déparée  par  le  mélange  de  quelques  bouffonneries  assez  insi- 
pides ,  placées  dans  la  bouche  du  brahmane  ami  de  Pourouravas ,  et 
qui  se  reproduisent  beaucoup  trop  dans  tout  le  cours  de  la  pièce.  La 
jalousie  de  la  reine,  les  reproches  qu'elle  adresse  à  son  royal  époux, 
après  la  lecture  de  la  feuille  de  bouleau ,  portent  un  caractère  de  modé- 
ration ,  on  pourroit  dire  de  froideur,  qui  laisse  un  peu  languir  l'intérêt. 
Au  troisième  acte ,  Ourvasi  a  été  rappelée  dans  le  ciel  pour  remplir  un 
rôle  dans  la  représentation  d'un  drame  joué  devant  les  immortels.  Elle 
s'est  trahie  par  sa  préoccupation  ;  et  ie  nom  de  Pourouravas ,  au  lieu  de 
celui  de  Pourouchottama  (  premier  agent  de  la  nature  ) ,  est  sorti  de 
sa  bouche ,  quand ,  dans  le  personnage  de  Lakchini ,  elle  a  dû  faire  l'aveu 
de  son  amour  pour  Vishnou.  Indra  a  daigné  commuer  la  peine  qu'elle 


AOUT   1830. 


477 


eût  encourue  ,  en  un  exil  qu'elle  passera  sur  la  terre  auprès  du  monarque 
qu'elle  aime.  Cependant  la  reine  ,  cherchant  à  éloigner  les  senlimens 
dont  elle  a  été  péniblement  affectée,  donne  rendez-vous  à  son  époux  sur 
la  terrasse  du  pavillon  des  pierres  précieuses,  pour  y  être  témoin  de 
l'entrée  de  la  lune  dans  la  constellation  rohini.  Tandis  qu'il  l'attend  , 
Ourvasî  et  sa  compagne,  toutes  deux  invisibles,  se  rendent  auprès  de 
lui.  La  reine  survient,  et,  pratiquant  les  rites  de  la  réconciliation  à  l'égard 
du  roi ,  s'engage  à  n'avoir  que  des  pensées  de  douceur  et  d*  complaisance 
pour  la  nymphe  qui  attire  les  regards  de  son  seigneur  et  partage  avec  lui 
les  chaînes  d'un  amour  mutuel.  Elle  s'éloigne  après  fui  avoir  formelle- 
ment rendu  sa  liberté.  Ourvasi,  témoin  caché  de  cette  déclaration,  ne 
perd  pas  un  instant  pour  en  profiter.  Son  amie  prie  le  héros  de  faire 
en  sorte  qu'Ourvasi  n'ait  point  sujet  de  regretter  le  ciel  qu'elle  a  quitté 
pour  lui.  Les  transports  des  deux  amans  terminent  le  troisième  acte. 

Le  quatrième  acte  est  presque  en  entier  lyrique.  L'intérêt  en  est 
tout  national.  Les  peintures  qu'il  offre,  ies  détails  mythologiques  dont 
il  abonde  ,  les  beautés  poétiques  qui  y  sont  rassemblées  ,  la  variété  du 
mètre ,  les  agrémens  de  la  musique ,  tout  cela  est  a-peu~près  perdu  dans 
une  traduction.  Un  jour  que  la  nymphe  et  son  royal  amant  erroient  sur 
les  bords  du  Mandâkinî ,  une  sylphide  qui  folâtroit  dans  le  cristal  des 
ondes  attira  On  moment  les  regards  du  monarque.  La  jalouse  colère 
d'Ourvasi  s'éveilla  ;  elle  repoussa  dédaigneusement  celui  qu'elle  ai  in  oit , 
et  dans  son  trouble  elle  oublia  la  loi  qui  interdit  aux  femmes  l'entrée 
des  bots  funestes  de  Kartikèya.  En  franchissant  la  limite  fatale,  elle  se 
vit  transformée  en  une  liane  légère.  Pourouravas  cherche  en  vain  sa 
bien-aimée,  et,  dans  une  suite  de  couplets  entremêlés  de  récitatif,  il 
déplore  son  sort  funeste.  Un  être  surnaturel  vient  à  son  secours  et  lui 
donne  le  rubis  dt  la  réunion.  Ourvasi  reprend  sa  première  forme  ;  ils 
sortent  portés  sur  un  nuage.  Le  cinquième  acte  est  comme  une  pièce  à 
part.  Un  faucon  emporte  le  rubis.  Une  flèche  perce  le  faucon:  cette 
flèche  porte  un  nom  ;  c'est  celui  du  triomphant  Ayous ,  fils  d'Ourvasi 
et  de  Pourouravas.  Ce  prince  apprend  ainsi  qu'il  a  un  fils  ,  à  qui  la 
nymphe  céleste  a  donné  le  jour  à  l'insu  du  père,  quoique  celle-ci  ne 
l'eût  pas  quitté.  II  ne  manquoit  que  cette  condition  a  la  félicité  du 
monarque  :  il  termine  la  pièce  en  formant  un  vœu  pour  que  le  savoir 
et  la  fortune  cessent  d'être  opposés  l'un  à  l'autre  comme  des  ennemis, 
et  assurent  de  concert  le  vrai  bonheur  de  l'humanité.  On  ne  voit  pas 
bien  à  quoi  revient  cette  pensée  ;  et  généralement ,  depuis  le  troisième 
acte ,  beaucoup  de  choses  dans  ce  drame  semblent  s'écarter  de  ce  qui, 


AOUT    1830.  479 

des  Hindous  :  on  l'attribue  au  même  auteur  que  la  précédente,  Bava- 
bhoûri;  et  il  a  également  composé  une  autre  pièce,  le  Mahâ  Vira 
Tcharîtra,  qui  n'a  pas  été  traduite,  et  06  il  a  présenté ,  sous  ia  forme 
dramatique,  les  exploits  de  Râma,  tels  qu'ils  sont  racontés  dans  ie 
Râmayana.  Ici  l'auteur  prend  l'histoire  de  ce  héros  au  moment  où  il 
rentre  dans  AyodhyS,  sa  capitale,  au  retour  de  sa  glorieuse  expédition 
contre  le  tyran  de  l'île  de  Lanka. 

Râma  et  soii  épouse  Sitâ  sont  heureusement  réunis.  On  leur  montre 
des  peintures  où  sont  retracées  toutes  les  aventures  du  héros,  jusqu'au 
moment  où  la  reine ,  victime  d'un  enlèvement ,  a  été  reconnue  très-pun 
au  moyen  de  l'épreuve  du  feu.  Cet  artifice  amène  un  récit  qui  met 
les  spectateurs  au  courant  de  ce  que  nous  appellerions  {'avant-sàne. 
Sitâ  s'endort  dans  les  bras  de  son  époux  ;  mais,  durant  son  sommeil, 
des  bruits  cafWmieux,  démentant  les  résultats  de  l'épreuve,  ameutent 
le  peuple ,  qui  exige  l'éloignement  de  la  reine.  Rami  cède  a  la  néces- 
sité, et,  sans  éveiller  son  épouse,  ordonne  les  apprêts  de  son  exil.  Douze 
années  s'écoulent  entre  le  premier  acte  et  le  reste  de  la  pièce.  Sitâ, 
seule  et  sans  secours ,  au  milieu  des  forêts ,  déplorant  les  rigueurs  de 
son  destin  et  la  cruauté  de  son  époux,  a  été  prise  des  douleurs  de  l'en- 
fantement; elle  s'est  précipitée  dans  le  Gange,  et  dans  ce  moment  a 
donné  naissance  à  deux  enfàns  que  la  déesse  du  fleuve  a  placés  sous 
la  tutelle  du  sage  Vâlmîki.  Râma,  poursuivant  le  cours  de  ses  exploits 
contre  les  ennemis  des  brahmanes,  pénètre  dans  la  forêt  habitée  par 
la  reine.  Le  troisième  acte  est  consacré  a  décrire  leur  rencontre ,  un 
ne  sauroît  dire  leur  entrevue,  puisque  Sitâ,  rendue  invisible  par  la  puis- 
sance de  la  déesse  Ganga,  ne  peut  céder  au  transport  qui  l'attire  vers 
son  époux  ;  le  destin  les  rient  séparés  jusqu'à  l'achèvement  de  Vaswa- 
nifdha  ,  le  sacrifice  solennel  du  cheval ,  que  Râma  a  entrepris.  Les  exer- 
cices des  deux  enfàns  de  Raina  dans  rhennîtage  de  VâlmîJri,  leur 
bouillante  ardeur  à  la  vue  du  cheval  destiné  au  rite  sacré,  produisent 
une  ou  deux  scènes  intéressantes  dans  le  quatrième  et  le  cinquième  acte, 
lis  s'attirent  la  colère  des  soldats  du  roi ,  en  voulant  emmener  le  noble 
animal.  Le  sixième  s'ouvre  par  une  description  toute  poétique  ou  plutôt 
fantastique  d'un  combat  livré  par  l'un  des  fils  de  Râma  à  leur  cousin 
Tchandraketou,  chargé  de  réprimer  leur  audacieuse  entreprise.  Râma 
paroît  et  sépare  les  combattans.  Les  traits  des  jeunes  princes ,  leur 
valeur  intrépide  ,  les  armes  divines  dont  on  les  voit  armés,  font  soup- 
çonner leur  naissance.  Mais  la  reconnoissartee  est  réservée  pour  le  sep- 
tième et  dernier  acte  ;  elle  s'y  fait  au  milieu  d'une  pompe  théâtrale 
préparée  par  Vâlmîlti ,  où  assiste  une  nombreuse  réunion  de  dieux, 


48o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

d'hommes ,  cPespritrde l'air,  de  la  terre ,  de  f océan ,  de  dieux  serpens , 
et  de  tous  les  êtres  qui  respirent  et  qui  ont  le  mouvement.  Il  y  a 
quelque  chose  de  bizarre  dans  l'emploi  de  ce  moyen ,  qui  rappelle  une 
belle  scène  de  Hamlet,  et  plus  encore  une  autre  scène  de  l 'Illusion  comique 
de»  notre  Corneille.  Rima  s'évanouit  en  contemplant  les  infortunes  de 
Sh&  représentées  par  elle-même  ;  il  reprend  ses  sens  quand  elle  lui 
est  rendue  par  la  déesse  Ganga.  VâJnrîki  lui  ramène  ses  deux  fils. 
Le  prince  retrouve  à- la -fois  tous  k&  objets  qui  lu|  pont  chers.  En 
cela  9  le  poète  dramatique  s'est  éloigné  du  récit  des  poètes  épiques , 
d'après  lesquels  Sitâ  es*  séparée  de  son  époux  et  de  ses  enfkns  par  la 
déesse  de  là  terre,  qui  ouvre  son  sein  pour  les  recevoir.  On  sent 
qu'il  faut,  pour  prendre  intérêt  à  une  composition  de  ce  genre,  être 
nourri  des  traditions  mythologiques  dont  h  religion  et  la  poésie  ont  fait 
en  quelque  sorte,  pour  les  Hindous,  de$  traditions  n^Éonales.  Mais 
ce  drame  n'en  est  pas  moins  rempli  de  détails  attendris$ans ,  de  situa- 
tions touchantes  et  de  morceaux  pathétiques.  On  peut.,  même  à  travers 
les  traductions,  concevoir  de. l'original  une  idée  très-avantageuse. 

Le  Moudra  Râkchasa  ou  le  Sceau  du  ministre  est  un  drame  entiè- 
rement différent  du  précédent  :  le  sujet  en  est  tout  politique  ,  et  les 
personnages  appartiennent  à  l'histoire.  II  y  a  même  un  commentateur 
qui  prétend  qu'on  y  doit  voir  un  traité  de,  politique  ,  encore  plus  qu'une 
comédie.  On  l'attribue  à  Visâkhadatta,  fils  de  Prithou  le  Grand  Roi; 
or  on  cite  un  Prithou  Radja  qui ,  au  xii.e  siècle,  fut  tué  dans  une 
bataille  contre  les  mahométans  ;  et  l'on  pense  que  ce  pourrait  avoir  été 
le  père  de  l'auteur  du  Moudra  Râkchasa.  Le  nom  du  roi  Tchandra- 
goupta,  qui  y  joue  l'un  des  principaux  rôles,  peut  inspirer  un  in- 
térêt particulier.  W.  Jones  et  Wilford  ont  avancé  que  ce  prince  étoit 
le  même  que  Sandrocottus ,  et  M.  Wilson  pense  que  le  rapport  des 
noms ,  remarqué  d'abord  par  W.  Jones ,  n'est  pas  la  seule  raison  qu'on 
ait  de  supposer  l'identité  des  deux  personnages  ;  il  cite  différentes  coïn- 
cidences qui  confirmeroient  la  conjecture.  Le  nom  sanscrit  peut  être  rem- 
placé par  Tchandramas ,  et  Diodore  de  Sicile  (  i  )  nomme  Xandranus 
le  roi  des  Gandarides,  dont  la  puissance,  alarma  le  conquérant  macé- 
donien. Le  même  nom  se  lit  >  sous  ujie  forme  encore  plus  rapprochée 
de  la  forme  primitive  (  X*rtyo*wrof  ),  dans  Athénée  (2) ,  selon  les  va- 
riantes de  quelques  manuscrits  collationnés  par  M.  de  Schlegel  (})  ;  et 


^**i 


(1)  Lib.  XVI ,  c.  03,  éd.  Wessel,  tom.  II,  p.  23a. — (2)  Deipnosoph.  I.  I , 
éd.  Schwcigh.  tom.  I,  p.  69.  — r(3)  lndische  Bibliothek,  tom.  I,  p.  246.  Les 
manuscrits  de  1*  Bibliothèque  dû  Roi  (3056  et  3056  A)  ne  contiennent  pat 
cette  curieuse  variante:  Peu  et  l'autre  portent  Sjvjyxevwn 


AOUT    1830.  48i 

suivant  ce  célèbre  critique,  c'est  d'après  Strabon  que  Casaubon  et 
d'autres  éditeurs  ont  rétabli  dans  le  texte  l'orthographe  de  la.vtyixvrToç. 
Le  prince  étoit  né  dans  une  condition  inférieure;  et  cette  circonstance 
est  remarquée,  à  l'égard  du  roi  des  Candarides ,  par  le  même  historien , 
par  Quinte-Curce  |t)  et  par  Plutarque  (2).  Tchandragoupta,  suivant 
les  Hindous ,  sollicita  le  secours  des  princes  du  nord  et  du  nord-ouest 
de  l'Inde  ;  il  put  donc  visiter  Alexandre,  comme  le  disent  Plutarque 
et  Justin  (3).  Sandrocottus  étoil  roi  des  nations  qui  haliitoient  le  long 
du  Gange;  et  ces  peuples  sont  connus  sous  lesnomsdeGuff/rtfr/t/cr,  Gar- 
garides ,  Gnndarides ,  Gandarii,  Pras'ti  ou  Parrhasiï.  Le  premier  de  ces 
noms  paroît  à  M.  Wilson  avoir  été  formé  par  les  Grecs  du  nom  même  du 
Gange;  mais  il  y  avoit  réellement  une  nation  de  Gandkari  a  l'ouest  de 
i'Indus ,  et  l'analogue  du  nom  des  Prasii  se  retrouve  dans  la  déno- 
mination de  Prâchi ,  contrée  orientale ,  et  Prâch'tâ,  peuple  de  l'est ,  qui 
s'applique,  dans  la  division  géographique  de  l'Inde,  aux  habitans  des  pays 
situes  à  l'opposé  du  Behar,  ainsi  qu'au  Magadha ,  ou  a  la  partie  méri- 
dionale du  Bihar  même.  Les  auteurs  anciens  et  les  Hindous  s'accordent 
donc  sur  le  lieu  où  ils  placent,  les  uns,  la  domination  de  Sandrocottus, 
les  autres ,  celle  de  Tchandragoupta.  Enfin ,  la  capitale  du  premier 
étoit  la  ville  de  Palibothra  sur  le  Gange ,  au  confluent  d'une  rivière  qui 
n'est  pas  nommée  dans  Strabon  (4).  maïs  qu'Arrien  (j)  et  Pline  (6) 
comprennent  parmi  les  afHuens  du  Gange  ,  sous  les  noms  d' Erranoboas 
et  de  Sonus, 

Dans  le  drame,  la  capitale  de  Tchandragoupta  est  Pâtalipoutra,  sur 
les  bords  du  Gange,  non  loin  de  la  rivière  Sont,  dont  les  bords  sont 
ébranlés  par  la  marche  d'une  armée.  M.  Wilson  voit  peu  de  raison  de 
douter  que  Pâtalipoutra  et  Palibothra  ne  soient  une  seule  et  même  ville , 
et  il  retrouve  l'une  et  l'autre  dans  la  ville  de  Patna,  malgré  l'opinion 
contraire  de  géographes  très-habiles,  et  le  défaut  d'accord  de  quelques 
circonstances  ,  comme  l'éloignement  qui  sépare  cette  ville  de  la  rivière 
Sone ,  éloignement  qu'il  est  tenté  d'attribuer  aux  changemens  survenus 
dans  le  cours  de  plusieurs  rivières  de  l'Inde.  Quoi  qu'il  en  soit,  il  reste 
assez  d'analogies  pour  conclure  avec  quelque  probabilité  que  Tchandra- 
goupta et  Sandrocottus   sont  le   même  prince;  et  ce  rapprochement, 


{1)  L'tb.  IX,  cap.  2.  —  (a)  In  Atexandr.  éd.  Par.  1624,  pag.  700. — 
(JJ  Cf.  Jiist.  lit.  xil ,  cap.  8.  —(4)  Sirab.  iib.  XV-  Conférez  une  noie  de 
M.  Gosseilin  mr  le  livre  11 ,  traduction  française,  10m.  1 ,  p.  184.  —  (l)  Erra- 
nobram  ,  Cossoanum ,  Sonum  (  la/vàr  ti  minfûi.,  Ber.  Ind.  Iib.  éd.  Blarcarl, 
pag.  514.—  (6)  Hist.nat.  Iib.  VI,  cap.  22,  éd.  Hard.  pag.  318. 

Ppp 


r! 


4/Sfc  JOURNAL  DES  SAVANS, 

infiniment  curieux ,  nous  a  paru  mériter  que  nous  nous  y  arrêtassions 
tut  instant;  Nous  revenons  au  drame  dont  ce  personnage  est  le  héros». 
Nanda,  roi  de  Pâtalipoutra,  a  été  assassiné.  Un  brahmane,  nommé 
Tchânakya,  qui  avoit  dirigé  le  complot,  a  fait. donner  la  couronne  à 
Tchandragoupta.  Rakshasa,  premier  ministre  du  roi  Nanda,  s' é toit 
réfugié  à  la  cour  du  roi  des  MIetchas  ou  barbares,  et  i'excitoit  à 
venir  attaquer  l'usurpateur.  La  fidélité  de  Rakshasa  est  désormais  le 
seul  obstacle  que  puisse  rencontrer  le  pouvoir  naissant.  Tchânakya 
entreprend  de  conquérir  au  nouveau  roi  l'assistance  du  ministre  fidèle. 
De  rasés  agens,  dès  espions  adroits,  le  servent  dans  cette  nouvelle  entre- 
prise/ II  affecte  une  sévérité  qui  n'est  pas  dans  son  cœur,  et  met  en 
fuite  tous  les  amis  de  l'ancien  ministre.  Au  deuxième  acte ,  (a  scène 
est  transportée  dans  la  capitale  du  roi  Malayaketou ,  qui  a  donné  asile 
à  Rakshasa.  Celui-ci  se  prépare  à  venger  son  ancien  maître.  Ses  amis, 
ou  ceux  qui  se  prétendent  tels,  viennent  successivement  le  rejoindre, 
et  lui  rendent  compte  de  ce  qui  se  passe  à  Pâtalipoutra ,  conformément 
aux  vues  de  Tchânakya.  Au  troisième  acte,  on  voit  Tchandragoupta  avec 
le  ministre  qui  lui  a  ouvert  le  chemin  du  trône,  tenant  le  langage  d'un 
disciple  à  l'égard  die  son  maître,  d'un  obligé  envers  son  bienfaiteur.  Cette 
scène  est  longue  et  froide,  mais  curieuse,  en  ce  qu'elle  offre  une  pein- 
ture de  la  politique  des  cours  indiennes.  Le  ministre  développe  son  plan 
pour  consolider  l'autorité  du  nouveau  roi ,  et  tous  deux  d'accord  feignent 
une  altercation  qui  doit  tromper  leurs  ennemis  communs.  La  scène, 
dans  le  quatrième  acte,  est  reportée  au  palais  de  Malayaketou.  On 
lui  apprend  la  rupture  de  l'usurpateur  et  de  son  ministre ,  et  l'on  pré- 
sente cette  circonstance  de  manière  à  lui  persuader  que  la  place  de  ce 
dernier  est  destinée  à  Rakshasa.  Les  soupçons  augmentent  en  voyant 
celui-ci  presser  le  départ  de  l'armée  qui  doit  attaquer  la  cité  de  Pâta- 
lipoutra. Une  suite  de  rusés  et  de  contre-ruses  sert  it  prolonger  l'action 
et  à  soutenir  la  curiosité.  C'est  là  le  caractère  particulier  de  ce  drame. 
L'un  des  événemens  les  plus  bizarres ,  rappelé  dans  plusisurs  endroits 
de  la  pièce,  est  la  mort  donnée  à  Parvateswana,  père  du  protecteur 
de  Rakshasa,  par  l'entremise  d'une  jeune  fille  dont  un  poison  subtil 
avoit  rendu  mortelles  les  caresses  et  l'approche  même.  Des  papillons, 
en  se  reposant  sur  elle  ,  périssoient  à  l'instant.  M.  Vilson,  on  ne  sait 
pourquoi,  a,  dans  quelques  endroits,  mis  à  la  place  de  cette  jeune 
fille  une  statue  empoisonnée  par  art  magique  (i).  Un  autre  sujet  de 

(i)  Acte  i.er,  p.  jo.  Comparez,  acte  5,  pag.  nj.  Le  traducteur  français 
en  fait  une  statue  vivante  et  animée/  mais  il  avertit  de  la  substitution  opérée 
par  M.  Wilson,  sans  pouvoir  en  rendre  compte. 


AOUT   1830.  bl$ 

remarque,  c'est  la  réunion  des  peuples  qui  constituent  l'armée  qui 
marché  contre  Tchandragoupta  :  elle  est  formée  de  troupes  de  Coulout- 
tha,  de  Mafaya  et  de  Casmira ,  des  princes  de  Sindhou  et  de  Parasîka, 
des  Khasas  et  des  Magadhas ,  des  Gandhâras,  et  de  l'infanterie  Yavana-, 
des  Kiras,  des  Safcas,  des  bandes  de  Tchédi  et  des  cohortes  des  Hoûnas. 
Parmi  des  noms  d'origine  purement  indienne,  on  en  reconnaît  aisément 
d'autres  qui  désignent  des  peuples  étrangers  et  occidentaux,  comme 
Paraslkas,  Ganahâras,  Yavanas ,  Sakas ,  Hounns ,  et  Ton  seroit  tenté  de 
croire  qu'if  y  a  là  quelque  souvenir  confus  de  la  composition  des  armées 
d'Alexandre.  Mais  ce  qu'il  y  a  de  singulier  dans  la  conduite  du  .drame, 
c'est  que  les  ruses  (es  plus  odieuses ,  les  stratagèmes  les  plus  machia* 
véiiques  ,  sont  présentés  comme  une  chose  simple  et  naturelle ,  et  cou- 
ronnés d'un  plein  succès.  Des  lettres  supposées  scellées  par  un  faussaire 
de  /'anneau  du  ministre  témoignent  hautement  contre  lui.  Rakshasa  est 
rendu  complètement  suspect  à  son  protecteur  dans  le  cinquième  acte. 
Dupe  d'une  autre  imposture  assez  grossière  au  sixième ,  et  au  septième 
d'une  combinaison  bien  peu  vraisemblable,  il  est  amené  à  reconnoître  la 
supériorité  de  son  ennemi  Tchânakya,  et  à  consacrer,  comme  lui,  $%& 
services  au  nouveau  roi.  II  reçoit  des  mains  de  Tchandragoupta  \é 
poignard,  signe  de  l'autorité  ministérielle. 

L'âge  de  la  dernière  des  six  pièces  traduites  par  M.  Wilson  paraît  fixé 
d'une  manière  incontestable  :  elle  est  attribuée  au  prince  Sri  Harcha 
dèva,  roi  de  Cachemire,  grand  ami  des  lettres,  lequel  monta  sur  le 
trône  en  1 1 1  3  ,  et  périt  en  1126,  dans  une  insurrection  que  son  goût 
pour  la  poésie,  et  la  protection  qu'il  accordoit  aux  comédiens  et  aux 
danseurs ,  avoient  contribué  à  exciter.  Le  Ratnavali  ou  //  Collier  est 
fondé  sur  une  antique  histoire  des  amours  de  Vatsa,  prince  de  Côsâmbi,  et 
de  Vdsavadattft,  princesse  (TOudjayani,  sujet  indiqué  par  Calidâsa ,  dans 
son  Nuage  messager  (  1  ) ,  et  traité  par  plusieurs  poètes.  Ce  drame  atteste, 
selon  M.  W  ils  on,  une  déviation  pins  complète  des  habitudes  purement 
indiennes ,  un  plus  grand  raffinement ,  un  relâchement  marqué  et  une 
détérioration  proportionnée  dans  les  sentimehs  moraux. 

Sous  le  rapport  de  la  littérature ,  cette  pièce  offre  aussi  des  change- 
mens  notables ,  et  qui  font  voir  le  défaut  de  pathétique  remplacé  par  l'in- 
trigue ,  f  affaiblissement  de  l'inspiration  porté  au  point  de  ne  pas  fournir 
même  la  moindre  pensée,  le  moindre  jeu  d'esprit.  La  poésie  en  est  toute 
mécanique  et  réduite  aux  ressources  du  mètre,  bien  que  le  style  soit, 
sur-tout  dans  lé  pracrit ,  supérieur  à  ce  qu'on  observe  dans  les  autres  pièces. 


^mtm ■— ■ i       1  1     1  1  1  ■*— *— «       ■    11     — ^— *— — mm 


(1)  Atigha  diia,  p.  36,  note  sur  le  vos  if$. 

ppp 


4*4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

La  fable  né  mérite  guère  d'être  analysée,  quoiqu'elle  donne  lieu  à  quel- 
ques détails  agréables.  Une  princesse  de  Ceylan  a  été  fêtée  par  la  tem- 
pête sur  le  rivage  de  Côsâmbi  ;  sa  présence  excite  la  jalousie  de  la  reine 
yâsavadatta.  Des  portraits  de  personnes  aimées ,  tracés  à  la  hâte  par  ceux 
qui  brûlent  pour  elles,  sont  un  moyen  favori  employé  dans  les  pièces 
indiennes  ;  il  se  retrouve  ici  comme  dans  le  Mariage  par  surprise.  La 
reine  se  déguise  et  passe  auprès  de  son  époux  pour  la  beauté  qui  Ta  rendu 
inconstant.  Cette  scène  ne  manque  pas  cf  intérêt,  et  elle  amène  un  dia- 
logue assez  piquant.  Mais  la  jalousie  conjugale  ne  produit  ici ,  non  plus 
que  dans  le  Héros  et  la  Nymphe,  qu'un  refroidissement  momentané. 
L  arrangement  entre  les  deux  femmes  aimées  de  Vatsa  s'accomplit  dès 
que. la  seconde  est  reconnue  à  son  collier  pour  la  fille  du  roi  de  Ceylan; 
et  la  pièce  finit ,  comme  la  Stella  de  Goethe ,  par  un  accord  qui  comble 
les  vœux  du  prince  et  satisfait  ses  deux  épouses.  Le  Collier  est  en  quatre 
actes  seulement. 

La  traduction  des  six  drames  est ,  comme  nous  l'avons  annoncé ,  suivie 
d'extraits  ou  de  courtes  notices ,  relatifs  à  vingt-trois  autres  pièces ,  que 
l'auteur  n'a  pas  cru  devoir  traduire  en  entier.  Nous  serions  entraînés  trop 
loia ,  -  si  nous  voulions  en  présenter  l'analyse  à  notre  tour.  IL  faudrait 
transcrire,  au  lieu  d'abréger.  Le  Kouiouka  Servaswa  est  nne  farce  assez 
plaisante,  et  où  se  trouve  un  passage  sur  les  adultères  des  dieux  rapportés 
dans  les  Pouranas  :  ce  Que  dit  la  loi  !  Tu  ne  commettras  pas  d  adultère. 
—  Langage  d'insensés  !  Pour  notre  guide ,  prenons  de  la  loi  ce  que  les 
sages  et  Içs  dieux  eux-mêmes  en  observoient ,  et  non  des  préceptes 
comme  celui-là,  qu'ils  méprisoient.  Indra  trompa  la  femme  de  Gaou- 
tania;  Tchandra  enleva  la  fiancée  de  son  gourou  (  maître  )  ;  Yama  séduisit 
l'épouse  de  Pândou  sous  la  forme  du  mari,  et  Mâdhava  débaucha  les 
femmes  de  tous  les  bergers  du  Vrindâvan.  Ces  fous  de  Pandits,  se 
croyant  sages ,  ont  seuls  fait  un  péché  de  cette  conduite.  —  Mais  c'est 
un  précepte  des  Rischis  :  que  répondez- vous  à  cela  î  —  C'étaient  tous 
des  imposteurs  :  devenus  trop  vieux  pour  se  livrer  au  plaisir,  ils  le  con- 
damnoient,  et,  par  envie,  défèndoient  aux  autres  les  jouissances  qu'ils  ne 
pouvoient  plus  goûter  eux-mêmes.  — Très-vrai!  très-vrai!  nous  n'avions 
jamais  entendu  prêcher  une  doctrine  aussi  orthodoxe ,  &c.  » 

D'autres  pièces  sont  des  satires  de  la  licence  des  brahmanes ,  des  vices 
des  princes ,  de  la  foiblesse  des  ministres ,  de  l'ignorance  des  médecins 
çt  des  astrologues.  On  y  trouve  des  personnages  d'hypocrites ,  des  char- 
latans ,  et  jusqu'au  matamore  de  nos  anciennes  comédies ,  le  tout  accom- 
pagné de  traits  qui  ne  manquent  parfois  ni  de  justesse ,  ni  de  vivacité. 
Un  mendiant  et  son  disciple  se  disputent  la  possession  d'une  courti- 


X 


AOUT    [830.  48s 

sane.  lis  soumettent  le  sujet  de  leur  contestation  à  un  brahmane,  qui 
(ait  métier  de  résoudre  les  questions  de  droit  épineuses  ;  maïs  celle-ci  lui 
présente  des  difficultés  qui  lui  en  font  différer  la  solution  ,  et  il  arrête 
que  la  demoiselle  restera  sous  sa  protection  jusqu'à  ce  que  le  procès 
puisse  être  convenablement  éclairci. 

Nous  n'avons  plus  rien  a  dire  des  pièces  mythologiques,  qui  paraissent 
toujours  occuper  fe  premier  rang  dans  le  théâtre  indien.  Elles  prêtent 
à  des  développemens  qui  ont  de  l'intérêt  dans  Je  pays ,  et  à  des  peintures 
ou  descriptions  qui,  par  rapport  à  la  poésie,  peuvent  mériter  d'être 
étudiées  par  les  amateurs  de  ce  genre  de  composition.  Mais  c'est  plutôt 
dans  les  autres  que  le  plus  grand  nombre  des  lecteurs  chercheront  les 
particularités  caractéristiques  des  mœurs  de  l'Inde,  et  le  sujet  d'obser- 
vations ou  de  rapprochemens  moraux  et  philosophiques. 

Nous  nous  plaisons  à  exprimer  encore  une  fois  la  gratitude  que  tous 
les  littérateurs  doivent  a  M.  Wilson  pour  un  travail  qui ,  dans  un  sujet  d'un 
haut  intérêt ,  accroît  nos  lumières ,  et  nous  apprend  une  foule  de  choses 
que  nous  aurions  long-temps  ignorées.  L'histoire  littéraire  y  gagne  de 
nombreux  points  de  comparaison  et  la  madère  de  rapprochemens  très- 
curieux;  l'histoire  des  mœurs  y  puisera  d'utiles  renseignemens ,  et  le 
moyen  de  juger  dans  la  pratique  cette  civilisation  indienne,  dont  on  n'a 
presque  jamais  parlé  que  d'après  la  théorie.  Il  est  intéressant  de  contrôler 
l'une  par  l'autre,  et  de  voir  par  les  comédies  quelle  est  en  réalité  l'in- 
fluence des  codes ,  des  ouvrages  religieux  et  des  traités  de  morale.  On 
ne  craint  pas  de  dire  que,  sous  ce  point  de  vue,  le  recueil  de  M.  Wilson  a 
peut-être  fait  faire  à  nosconnoissances  sur  l'Inde,  plus  de  progrès  qu'on 
n'en  auroit  obtenu  de  la  publication  des  deux  épopées,  des  dix-huit 
pouranas,  et  de  cent  autres  poèmes  dans  le  même  goût.  Nous  avions 
assez  d'idéal;  cet  ouvrage-ci  nous  donne  du  positif. 

Chaque  pièce,  dans  les  trois  volumes  de  M.  Wilson,  porte  un  fron- 
tispice et  se  distingue  par  une  pagination  particulière  :  les  dates  mêmes 
n'en  sont  pas  identiques.  H  paroît  qu'elles  ont  été  publiées  successive- 
ment à  Calcutta,  avant  d'être  réunies  sous  un  titre  commun.  On  en 
avoit  aussi  lu  des  extraits  dans  quelques  recueils ,  notamment  dans 
l' Annual Registcr  de  Calcutta  (1) ,  dans  le  Journal  asiatique  {2},  et  dans 
la  Bil-liothèque  indienne  de  M.  deSchiegel  (}). 


(1)  The  Calcutta  annual  Reghter,  1821;  Mhcell.  tract,  pag.  20. — (2)  T.  X , 
pag.  174. —  (3)  Indhche Bibliothek ,  tom.  II,  pag.  149-  On  trouve,  à  la  suite 
de»  notice»  lur  les  pièce»  indiennes,  tirée»  d'une  lettre  de  M.  Wilson,  un 
aperçu  de  quelque»  autre»  drames  par  M.  Lassen. 


486  JOURNALDES  SAVANS, 

'  L'impoKàncë  littéraire  du  travail  de  M.  Wilson  lai  assurait  les  bon- 
Mkirs-dë  fa  traduction  dans  d'autre»  langues,  et  le  genre  de  l'ouvragé 
tftfgeoft  Un  tiadUcteur  mstnrit.  M.  Langlois  a  satisfkitaux  conditions  qui 
h&étqierit  itqpôsées»  Versé  lui-même  dans  l'étude  du  sanscrit,  il  a  pu, 
mieux  qu'un  autre ,  conserver  les  idées  de  l'original ,  l'exactitude  dans 
les  noms  propres  et  dans  les  termes  indiens  relatifs  aux  usages ,  triom- 
pher enfin  de  la  difficulté  que  lui  opposoit  le  style  du  traducteur  an* 
giais  y  obscur  en  beaucoup  <T endroits ,  particulièrement  dans  les  passages 
que  ce  dernier  a  cru  devoir  rendre  en  vers  anglais.  Quelques  phrases  qui 
ne  semblent  pas  avoir  été  complètement  interprétées ,  et  un  petit  nombre 
de  négligences,  ne  doivent  pas  affaiblir  l'estime  que  lui  mérite  la  manière 
dont  il'  a  egcécnté  sa  tâche  ;  peu  d'autres  auroient  été  capables  de  faire 
mieux.  On  peut  regretter  qu -au  lieu  de  traduire  simplement  les  avertisse 
mens  qpe  M.:  W  ils  on  a  placés  avant  chaque  pièce,  et  qui  sont  remplis 
de  notions  historiques  et  littéraires  extrêmement  curieuses ,  le  traducteur 
fiançais  ait  cru  devoir  en  changer  la  forme ,  les  abréger ,  en  retrancher 
des  portions  qui  roéritoient  d'être  conservées.  Quant  aux  notes ,  qui  sont 
ttto*nombreuses  et  dont  plusieurs  ont  une  certaine  étendue ,  il  a  pris 
un  parti  fort  judicieux  :  à  l'exemple  dç  Fors  ter,  dans  sa  traduction  aile* 
mande  de  Sacontala ,  il  les  a  rassemblées  à  fa  fin  de  l'ouvrage ,  en  dispo- 
sant alphabétiquement  les  noms  et  les  mots  qu'elles  sont  destinées  à  ex- 
pliquer; on  a  de  cette  manière  un  vocabulaire  historique ,  ou  Ton  peut 
chercher  des  éclaircissemens  applicables  même  à  d'autres  ouvrages  que 
celui-ci.  C'est,  comme  le  dit  M.  Langlois,  le  fondement  (Fuji  diction- 
naire des  mots  indiens,  qui ,  de  jour  en  jour,  doit  paraître  plus  indispen- 
sable. Effectivement  la  seule  mythologie  des  Hindous  exigerait  le  secours 
d'un  livre  de  ce  genre  ;  et  celui  qui  &roit  le  dépouillement  des  noms 
propres  renfermés  dans  les  principaux  ouvrages  relatifs  aux  antiquités 
de  I  Inde ,  rendrait  un  véritable  service  à  cette  branche  de  la  littérature 
orientale. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSÀT. 


AOUT   1830.  4*7 

The  Travels of Afacarius, ,  patriarck of  Àntioth  ,  wtittett  ty 
his  attendant atchdeacàn  Paulof  Aleppà ,  in  arable 7 phrtyïhi 
frit,  Anatolia,  Romelia  and  Âfo/davia,  transtated  by  Y.  C. 
Belfo.ur,  A.  M.  Oxon.  London,  1829. — Les  Ifoyages  de 
Macàite  ê  patriarche  d' Antioche ,  mis  par  écrit  en  arabe  pan 
ï archidiacre  Paul  d'Alep,  attaché  à  son  service;  //'  partie/ 
contenant  FAnatolie ,  la  Romélie  et  la  Moldavie ,  traduite  par 
F.  C.  Belfour,&c. Londres,  1829,  xij  et  ïj"4  pag.  in-jf.4 

La  relation  des  voyages  du  patriarche  rf Antioche  Maçarius ,  traduite 
par  M.  Belfour  de  l'original  arabe ,  et  publiée  par  Tordre  et  aux  frais  du 
comité  de  traduction  de  la  Société-  asiatique  de  h  Grande-Bretagne  et 
de  l'Irlande ,  est  un  ouvrage  fort  différent  4e  ceux  auxquels  les  orienr 
talistes  de  l'Europe  consacrent  d'ordinaire  leurs  travaux  et  dont  ils 
font  l'objet  de  leurs  études.  II  ne  s'agit  ici  ni  d'histoire,  jqi  de  littérature 
musulmane,  indienne  ou  chinoise;  c'est  un  patriarche  de  l'antique 
église  cT Antioche,  de  cette  ville  qu'on  .peut  appeler  le  berceau  du 
christianisme  pour  les  gentils,  qui,  san$  aucune  autre  vue  que  de  venir 
réclamer  des  secours  pécuniaires  pour  son  siège  patriarcal  auprès  des 
princes  qui  professoient  comme  lui  la  Religion  chrétienne,  suivant  la 
confession  et  le  lite  des  Grecs,  quitte  son  église,  traverse  l'Asie  mineure, 
se  rend  à  Constantinopie  où  il  fait  une  assez  longue  résidence ,  puis  k 
la  cour  du  vaivode  de  la  Moldavie ,  où  il  est  retenu  long-temps  par  une 
révolution  qui  détruit  toutes  les  espérances  qu'il  avoit  fondées  sur  la 
générosité  de  ce  prince.  La  première  parue,  la  seule  qui  ait  été  publiée 
jusqu'à  ce  four,  ne  nous  conduit  pas  plus  loin  que. la  frontière  de  la 
Valachie,  et  le  traducteur  ne  nous  apprend  point  dans  sa  préface  ce  que 
doit  nous  offrir  la  suite  de  la  relation.  Celui  par  qui  elle  a  été  mise  par 
écrit  dans  le  style  le  plus  simple,  est  un  diacre  ou,  comme  il  s'appelle  lui- 
même  ,  un  archidiacre  de  l'église  d'Antioche ,  fils  du  patriarche  Macarim 
lui-même ,  élevé ,  à  ce  qu'il  paroît ,  sous  Içsyeux  de  son  père,  sans  autre 
instruction  que  celle  qui  est  indispensable  à  un  ministre  de  la  religion, 
et  porté  à  considérer  les  moindres;  cérémonies  ecclésiastiques  avec  bien 
plus  d'intérêt  que  tout  ce  qui  âxeroit  l'attention  d'un  savant,  d'un 
érudit,  ou  d'un  amateur  de  statistique  ou  d'économie  politique. 

Si  cejt  aperçu  ne  laisse  pas  espérer,  de  la  lecture  de  cette  relation , 
des  notions  fort  intéressantes  pour  la  copnoifsançe  des  contrée^  vjfjtée* 
pai  le  p^ri«d#,;  $b  4wm  Jtoi  4*  (Fffutr ,  tfui*  ^  conque 


488  JOURNAL  DES  SAVANS, 

fauteur  a  raconté  avec  une  entière  simplicité  ce  dont  il  a  été  témoin , 
qu'il  a  peint  le?  homme?  avec  lesquels  il  a  eu  des  relations ,  et  sur-tout 
le  clergé  grec  et  les  moine?  qu'il  a  fréquentés ,  tels  qu'il  les  a  vus.  Son 
récit  peut  même  avoir  un  assez  grand  intérêt  pour  les  savans  qui 
s'occupent  de  l'histoire  ecclésiastique  de  l'Orient  et  (Tune  partie  de 
l'Europe  dans  le  siècle  où  il  vivoit ,  c'est-à-dire ,  dans  la  première 
partie  du  xvu.c  siècle.  II  n'est  pas  d'ailleurs  indifférent  de  tenir  d'un 
témoin  oculaire  le  récit  de  (a  révolution  qui  précipita  du  trône  Basile 
ou  Vasili ,  surnommé ,  avant  son  élévation  au  rang  suprême ,  Loupoul , 
c'est-à-dire ,  le  Loup,  prince  qui  tient  un  rang  distingué  parmi  les  sou- 
verains de  la  Moldavie ,  mais  qui  gâta  par  ses  intrigues  et  par  des  entre- 
prises malheureuses  un  règne  qui  auroit  pu  laisser  d'honorables  sou- 
venirs. 

M.  Bel  four,  qui  a  dédié  cette  traduction  à  l'honorable  sir  Gore 
Ouseley ,  ancien  ambassadeur  de  sa  majesté  britannique  à  la  cour  de 
Perse  ,  l'un  des  vice-présidens  de  la  Société  asiatique,  et  président  du 
comité  de  traduction  des  ouvrages  orientaux ,  nous  apprend ,  dans  sa 
préface,  que  le  manuscrit  arabe  de  cette  relation  duquel  il  a  fait  usage ,  a 
été  acheté  à  Alep ,  il  y  a  peu  d'années,  par  le  feu  comte  de  Guilford, 
qui  le  lui  remit  en  1824  pour  qu'il  le  traduisît  en  anglais.  En  vain 
M.  Belfbur,  en  voyageant  dans  le  Levant,  a-t-il  cherché,  spécialement 
à  Constantmople ,  à  Smyrne  et  au  Caire ,  un  autre  exemplaire  de  cet 
ouvrage.  II  a  donc  eu  à  lutter  non-seulement  contre  les  difficultés  que 
présente  d'ordinaire  l'étude  d'un  ouvrage  manuscrit  dont  on  ne  possède 
qu'une  seule  copie ,  mais  encore  contre  une  difficulté  d'un  autre  genre 
et  beaucoup  plus  grande,  résultant  d'un  nombre  presque  infini  de  mots 
grecs  transcrits  en  arabe ,  le  plus  souvent  d'une  manière  qui  les  rend 
presque  méconnoissables.  II  a  été  heureux  pour  le  traducteur  de  pouvoir 
recourir  à  l'assistance  du  feu  révérend  H.  D.  Lewes,  résidant  à  Cons- 
tantinop(e,  et  qui,  étant  profondément  instruit  dans  la  langue  grecque 
et  dans  les  rites  et  les  usages  de  l'église  grecque ,  a  pu  reconnoître 
presque  toutes  ces  expressions  étrangères ,  sous  leur  déguisement  arabe. 
Nous  ajouterons  que ,  par  quelques  morceaux  du  texte  que  le  traducteur 
a  transcrits ,  on  reconnoît  que  le  style  de  l'original  est  un  arabe  vulgaire 
ou  Ton  a  quelquefois  affecté  des  formes  de  l'arabe  littéral ,  mais  (Tune 
manière  maladroite  qui  trahit  l'ignorance  de  l'écrivain. 

La  répétition  continuelle  et  presque  journalière  des  mêmes  cérémonies 
du  culte ,  présentoit  aussi ,  non  pas  une  difficulté ,  mais  des  détails 
fastidieux,  propres  à  rebuter  les  lecteurs.  «Les  retrancher  entièrement, 
»'<Rt  M.  Béffbur,  fc'eôt  été  rompre  le  fH  de  la  narration,  et  quelquefois 


»  •  * 


Ajout;  1.83»;:;  î'.H  4^p 

»  perdre  entièrement  de  vue  pendant  plusieurs  semaines. nQSyoyagetRfi 
m  ecctésitstiqties*  Je  me  suis  donc  vu  contraint  à  conserver  de  Oes  détaik 
m  tbut  ce  qui  étoit  nécessaire  à  Ja  continuité  du  récit  ;  mais  j$  cr%in$  titeo 
»  que;  ce  ne  soit  au  grand  déplaisir,  de  nps  compatriotes  qui  voudront Jîq 
»  cette  relation  1 . .  •  LVchidiacre  lui-même  se  plaint  souvent  de  l'wle*- 

*  sive:  longueur  des  -cérémonies  de  l'église  <grecqufe,,surr tout,  tflfas 
»  qu'elles  sont  en  Usage  parmi  les  Cowqi^e^jet  les  M.pscwjtes.i.qt  aèapn 

*  moins  son  goût  inné  pour  les  rites  ecclésiastiques  est  cause  qxfiï  ne 
»  négligé  aucune  occasion  de  décrire  dans  le  plus  grand  détail  :touM^ 
»  cérémonial ,  dont  la  longueur  égale  Ja  magnificence  ;  on  voit  qu'il  ne 
»  s'adresse  qu'à  des  gens ,  aussi  bien  que  lui-même ,  élevés  dans  (a- 
»  inourde  ces  cérémonies.  Ces  détails  toutefois  lui  donnent  fréquemment 

*  occasion  de  frire  des  remarques  sur  les, principes  moraux  et  religieux 
»  des  diverses  nations  qu'il  visite  ,  et  jl  y  a  lieu  d  espérer  que  ces  obseiv 
«varions  auront  quelque  intérêt  pour  lie  lecteur.  On  peut  aussi  tirer  de 
»  ces  mémoires  ecclésiastiques  quelques  notions  relatives  à  J'hjstoire 
t»  politique  et  à  Ja  statistique  de  contrées  aussi  peu  connues  que  le  sont 
».  la  Moldavie  et  la  Valachie.»  .     , 

Noui  allons  maintenant  laisser  là  le  traducteur  *  pour  nous  occuper 
de  l'auteur  et  de  sa  narration.  Ce  ne  sera  pas  toutefois  sans  avoir 
témoigné  à  M.  Belfbur  notre  reconnoissance  pour  la  manière  plus 
qu'obligeante  avec  laquelle  il  a  parlé  de  nos  propres  travaux ,  et  rapr 
peié  l'avantage  que  nous  avons  eu  de  le  compter  autrefois  au  nombre 
de  nos  auditeurs  les  plus  studieux*  .    '  .    ,    ,, 

Le  patriarche  Macarius  commença  son  voyage  en  se  rendant  cTAIep 
à  Âatioche;  au  mois  de  tamou^  ou  juillet  de  Tan  du  monde  7160, 
c'est-à-dire ,  1 6  5 1  de  J.  Ç,  Les  trois  premiers  chapitres  de  fa,  relation  ne 
contiennent  guère  que  son  itinéraire  dTAntioche  à  Constantinople,  en 
passant  par  Iskanderounih ,  ou  Alexandre  tte,/*^/  ou  Aia$9lAfisséyessa 
oïl  Mopsueste,  Adana,  Tarse,  Ak~kupri,  Tchifté-khan,  Erekli  ou 
Hélfeciée,  Esmil,  Kounyth  ou  Iconium,  Ak-schéhir,  Eski-schéhir  > 
Yenghi-schéhir ,  Brousse ,  Modanir  ou  Modahia,  puis  en  se  rendant  par 
wmf  de  ce  dernier  lieu  à  Escoudar  ou  Sçutari ,  et  de  là  à  la  capitale  de 
Kemf}ire  ottoman.'  Parmi  les  lieux  moins  importans  nommés  dans  cet 
itinéraire ,  nous  soupçonnons  qu'il  y  en  a  quelques-uns  qui  ont.  été  mal 
lu*  par  le  traducteur*  Ainsi  Eilft  (lu  fils  de  Ramadan  Â  Kirk-ghctchi , 
Olcn  kushluk  y  Kqra-yenar,  Bajaveng,  nous  semblent  être  les  mêmes  que 
Yailah  §&è$  ou  Yaila  Jj^Lj,  c'est-à-dire,,  le  campement  d'été  de  Ra- 
Wiaa-ûgloit  jï&J  d*ï*j  f  &  /M**?  ^K^Jf^à!^  o^^%  c'est-à-dire  % 
les  quartf  at$  gués  ;^Ww*kiictM   #X&  Jjlvu  h  gra*d  campement 

Qqq 


4£*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ttkhtr ,  'Katto-ki'tyérJSSyjJiy  fa  fiwi**  nmrej  Ba^ardjik  fojjb , 
fc  petit  baiàY,  l\  eii  eét  êé  rtiême  de  Ahkam*  Sakla,  Be/aidoè+qw 
Sdrit  ceflfeinemeitt  les  lien*  appelés  Êaïkam  *Udl*,  /x***//  çjèUlJet 
BtmUwàdin  ^IjVj*.  Ces  erreurs  doivent  pour  fa  plupart  être  imputées 

frftitettPJte  f*  relâtten;qùel^tie^unes  sont  dues  à  l'incertitude  des 

"  i  du  manuscrit  (  i }.  Pies  de  Bàlkam  sont  des  eaux  thermales  :  le 
dmcvè  Pâtit  «fit  «ju'elies  sont  nommées  Kib/cudja;  il  ignorait  vraisem- 
blablement que  ce  môt^^JLS  est  turc  et  signifie  pains  chauds,  li 
prétend  que  Ladàk ,  F  ancienne  Laodicée ,  surnommée  Corn  bus  ta ,  est 
appelé*  dans  le  Synaxare  des  Grecs  Litavtrniek  :  je  conjecture  qu'il  avoit 
écrit  comme  il  faut  «ujOjY,  et  que,  le  texte  étant  écrit  négligemment, 
le  traducteur  a  lu  4*jjjUL  En  parlant  <T Ak-schéhir ,  if  dit  que  Vest  Un 
Village  célèbre ,  parce  qu'on  y  voit  la  sépulture  de  Fïàja.  Ii  s^git  du 
Kftodja  Nasr^eddrn  ^jJI^^J  <>tyw,  le  fameux  bouffon,  sur  lequel  on 
peut  consulter  l'Histoire  ottomane  de  Démétrius  Cantimir,  tome  I , 
pâg,  j8- 

Ce  petit  nombre  d'observations  que  nous  avons  faites ,  n'a  eu  pour 
objet  que  de  prouver  que ,  si  l'on  veut  faire  usage  des  détails  topogra 
phiques  ou  historiques  donnés  par  l'auteur  de  cette  relation ,  il  faudra 
préalablement  les -soumettre  à  un  examen  critique. 

t>ans  cette  partie  de  là  relation)  excepté  l'itinéraire,  la  description 
des  églises  »  et  les  observations  relatives  aux  rites  du  culte  des  Grecs , 
ii  n'y  a  presque  rien  qui  offre  quelque  intérêt ,  si  ce  n'est  un  petit 
nombre  de  lignes  concernant  le  tombeau  du  célèbre  sofi  et  poète 
mystique  Mevfena  Dfélal-eddin  Roumi,  à  Iconium ,  et  ce  qui  est  dit 
des  eaux  thermales  de  Brousse.  Notre  voyageur  désigne  Djéfal-eddrn 
Roumi  sous  le  nom  du  saint  mot /a  Kkandkar;  je  crois  que  ce  titre  est 
une  corruption  du  mot  jlftjjtjjk. 

J'ai  remarqué  deux  fois ,  pag.  5  ,  le  mot  Kabarisa ,  que  le  traducteur 
n'a  pas  expliqué.  Dans  le  premier  passage ,  l'auteur  dit  que  le  patriarche 
et  sa  suite  arrivèrent  à  Alexandrette  le  6  août,  dans  Tapies-midi  de  la 
veillé  de  la  fête  de  la  Transfiguration.  «  Nous  fûmes  reçus ,  dit-il ,  avec 
»  de  grands  honneurs  par  les  Kabarisa ,  et  nous  assistâmes  dans  leur 
»  église  à  l'office  nommé  iypuwfU  (ouvigifes).  »PIus  loin  on  IJt'cd 
qui  suit  :  «  Quant  au  patriarche ,  il  se  rendit  pour  recevoir  ses  redevances 
»  à  Tarse ,  et  datts  les  petites  villes  de  Triwor  { je  crains  que  ce  norçi  ne 

*  s      .  :  •  ../ 

(1)  Je  range  parmi  ces  dernières  le  00m  d'un  lieu  situé  entrç  Estti-ichéhiret 
Bazardjik,  <pii  est  appelé  ici  Ytirç-hak:  Je  ne  doute  poiat  que  ce  ne  soit  te 
mém*  qui ,  sur  hè  carte  de  DJikén-mma,  est  nommé  Boui  oytth  <JyJ  ^ 


AOUT    1830.  491 

»  soit  altéré  )  et  de  Djafer-pascha ,  ainsi  que  dans  les  villes  des  Kabmïsa, 
n  situées  dans  ceite  direction.  »  Je  conjecture  que  le  mot  Kabarisa 
i-jLj  est  le  pluriel  de  j«j*ï,  et  signifie  (es  Chypriote!. 

II  y  avoit  précisément  trots  mois  que  le  patriarche  avoit  quitté  Alep, 
le  jour  où  El  arriva  à  Constantinople.  Son  séjour  dans  cette  capitale  de 
l'empire  ottoman  occupe  le  chapitre  iv  et  les  suivans  jusqu'au  quinzième 
inclusivement.  Macarius  avoit  écrit  de  Brousse  au  patriarche  Païsius , 
qui  occupoit  alors  le  siège  de  Constantinople ,  et  aux  métropolitains  ses 
sufrragans,  pour  leur  demander  la  permission  de  visiter  Constantinople. 
Cette  marque  de  déférence,  conforme  aux  usages  anciens ,  mais  qui  avoit 
été  négligée  par  les  prédécesseurs  de  Macarius ,  fût  fort  agréable  aux 
prélats  grecs,  et  Macarius  reçut  du  patriarche  de  Constantinople  et  de 
son  clergé  l'accueil  le  plus  distingué  et  le  plus  amical,  pendant  tout 
le  temps  que  dura  son  séjour  à  Constantinople.  Je  passerai  sous  silence 
le  détail  de  toutes  les  invitations  qu'il  reçut  de  célébrer  la  messe  dans 
les  principales  églises,  et  celui  de  toutes  les  cérémonies  ecclésiastiques.  Je 
me  bornerai  à  observer  que,  dans  l'église  patriarcale,  et  sans  doute 
dans  les  autres,  on  faisoit  mention,  dans  les  offices  divins,  de  l'empereur 
moscovite  Alexis  et  de  sa  femme  l'impératrice  Marie,  de  Basile  ou 
Vasilt ,  vaivode  de  Moldavie,  et  de  sa  femme  Catherine,  et  enfin  de 
Mathieu,  vaivode  de  Valachie,  et  de  sa  femme  Hélène  ,  avant  de  prier 
pour  Kyr  Païsius,  patriarche  de  Constantinople,  et  Kyr  Macarius, 
patriarche  rTAntîoche.  Je  ferai  aussi  mention  d'un  synode  auquel  assista 
et  prît  part  le  patriarche  Macarius ,  le  dimanche  entre  la  Circoncision 
et  l'Epiphanie  de  l'année  1653,  la  veille  même  de  son  départ.  L'objet 
de  ce  synode  étoit  de  prononcer  une  sentence  d'excommunication 
contre  un  patriarche  déposé,  l'un  des  prédécesseurs  de  Païsius.  Ce 
patriarche,  nommé  Cyrille,  et  que  notre  auteur  ou  son  traducteur  sur- 
nomme H'upanus  ,  étoit  accusé  de  plusieurs  crimes ,  entre  autres  d'avoir 
occupé,  et  cela  par  des  moyens  violens  ou  illégaux,  quatre  sièges 
épiscopaux  successivement,  savoir,  ceux  de  Corinthe  f  M.  Belfour  dit 
Camathia,  sans  doute  par  erreur1,  Phtlippopolis ,  Chalcédoine  et 
Ternow;  de  s'être  élevé  illégalement  et  de  sa  propre  autorité  a  la 
dignité  de  patriarche;  enfin  d'avoir  été  cause  de  la  mort  du  patriarche 
Cyrille  l'Alexandrin,  le  même  que  le  fameux  Cyrille  Lucar.  L'éditeur 
dit  dans  une  note  que  le  prélat  contre  lequel  le  synode  prononça 
l'excommunication,  est  connu  parmi  nous  sous  le  nom  de  Cyriltus 
Bcrrhensis.  C'est  assurément  une  méprise.  Cyrille  de  Herrée  ou  Cy- 
rille II,  qui  avoit  occupé  le  siège  patriarcal  a  trois  reprises  différentes, 

Qqq   1 


4$r  JOURNAfÉ  DES  SAfVANS, 

étam  mdrt  en  ilî  39,  leOyriUe  qw  Païsius  excommunia  ne  peut  être 
qafe  Cyrille  III ,  surnommé  Spanns ,  surnom  que  M.  Belfbur  a  mal  à 
propos  rendu  par  Hispanus,  et  qui  sans  doublai  étoit  donné  parce  quV/ 
ayoit  peu  de  barbe.  Ce  prélat ,  qui  n'occupa  le  siège  que  dix-huit  jours  9 
ou  même  quinze  jours  suivant  notre  voyageur ,  parce  qu'il  n'avoit  pa^ 
de  quoi  acheter  l'appui  du  gouvernement  turc ,  vivoit ,  à  l'époque  où  il 
fut  excommunié,  à  Constantinople ,  retiré  dans  la  maison  d'un  homme 
puissant  qui  lui  servoit  de  protecteur. 

L'auteur  de  la  relation  du  voyage  de  ^iacarius  décrit  les  églises  de 
Constantinople,  et  particulièrement  l'église  patriarcale,  le  palus  du 
patriarche ,  les  principaux  quartiers  de  la  ville ,  la  mosquée  de  Saintes- 
Sophie  f  FAt-méidan,  et  beaucoup  d'autres  lieux,  ainsi  que  divers  édifices 
et  fnonumens  de  l'antique  capitale  de  l'empire  grec ,  mais  toujours  d'une 
manière  extrêmement  superficielle.  Sainte-Sophie  attira  sur-tout  l'admi- 
ration de  nos  voyageurs,  et  ils  remarquèrent  qu'on  y  voyoit  encore  de 
tout  côté  des  restes  du  culte  chrétien ,  tels  que  des  croix ,  et  des  figures 
ou  des  peintures  relatives  aux  mystères  du  Sauveur  et  aux  fêtes  consacrées 
à  en  rappeler  le  souvenir. 

Le  traducteur  nous  paroît  s'être  parfois  mépris  sur  l'interprétation  de 
certains  détails  relatifs  aux  rites  de  l'église  grecque.  Ainsi ,  en  parlant  du 
dimanche  où  se  lit  l'évangile  de  la  parabole  du  mauvais  riche  et  du 
pauvre  Lazare,  il  n'a  pas  reconnu  ce  nom  dans  le  mot  arabe  jjUl; 
et  prenant  ce  mot  pour  un  adjectif  arabe,  il  a  traduit:  On  the  eve  of 
tbe  Sunday  of  the  Rick  and  helper.  Ce  dimanche  doit  être ,  je  pense , 
celui  qui  précède  le  6  de  tischrin  second  ou  octobre.  Le  dimanche 
précédent  est  nommé  dans  le  manuscrit ,  si  M.  Belfbur  ne  s'est  pas 
mépris  »  le  dimanche  de  ^v-^oJcÛ  :  ce  mot  m'est  tout  aussi  inconnu 
qu'à  M-  Belfour. 

De  Constantinople,  le  patriarche  Macarius  devoit  se  rendre  en 
Moldavie;  la  rigueur  de  la  saison  (on  étoit  alors  au  mois  de  décembre) 
et  des  motifs  d'économie  le  déterminèrent  à  prendre  la  route  de  mer* 
Quelques  circonstances  retardèrent  son  départ  jusqu'au  j  janvier» 
L'auteur  de  la  relation ,  qui  attribue  la  communication  de  la  Mer  Noire 
avec  la  mer  de  Marmara  à  Alexandre,  décrit  en  peu  de  mots  les  contrées 
qui  bordent  cette  mer,  et  leur  position  respective  avec  le  port  de 
Chioustangé  t  ville  nommée  en  grec,  suivant  lui,  Li  mania  Costa  tira. 

<c  A  droite  ,  dit-il ,  nous  avions  Trébizonde ,  Sinope ,  Castamoun  et 
»  (a  baie  de  Mingrélie ,  qui  est  le  pays  des  Géorgiens.  En  face  de  nous 
»  étoient  les  contrées  de  Caffa ,  de  Na^ar  et  de  Khan.  Nous  avions  à 
j»  gauche  la  Roméiie,  Silistrie  et  Barja,  où  nous  venions  de  prendre 


* 


.'   '      AOUT  l8jd.  49^ 

*  téfffe,  et  dotit  touf  les  habitans  sont  dès  musulmans  tartares;  car 
»  lorsque  le  sultan  Mahomet  conquit  cette  contrée,  il  eii  chassa  les 

*  chrétiens  fct  il  la  peupla  de  Tartares ,  race  détestée  -dès  Na^arites.  Lai 

*  plupart  d'entre  euxvehoient.de  là  Caramahie  et  de  notre  pays.  Le 
»  Sultan  eit  agit  ainsi  pour  défendre  les  rives  du  Danube  contre  les 
•chrétiens  ,  attendu  que  c'est  une  province  frontière,  et  qui  forme  la 

*  limite  de  h  Homélie  dans  la  partie  opposée  au  Danube,  ainsi  que  de 
»  la  Moldavie  et  de  h  Valachie.  »  Bar)  a  est  certainement  le  'Dokwdja 
OU  Ùcbrudji  t  province  à  laquelle  appartient  Chioustangé  ;  mais  je  ne 
sais  ce  qu'il  faut  entendre  par  Na^ar,  Khan  et  les  Nayvrius  /peut-être 
par  Khan  Fauteur  a-t-il  voulu  dire  le  pays  soumis  au  khan  des  Tartares. 

Macarius  arriva  a  Yassi  le  2  5    janvier ,  ayant  passé  par  Galatz , 
Bariad,  Waslouï,  et  quelques  autres  villes  ou  villages.  La  description 
de*  monastères ,  des  églises  et  de  leurs  décorations  »  les  cérémonies 
ecclésiastiques  et  leurs  moindres  détails  9  sont  toujours  les  objets  domi- 
nant dans-cette  partie  de  la  relation  comme  dans  la  précédente;  à  quoi 
if  faut  encore  ajouter  les  honneurs  rendus  au  patriarche,  soit  par  le 
souverain,  que  l'auteur  désigne  ordinairement  par  le  titre  de  bey,  et 
quelquefois  par  celui  de  vaivode,  soit  par  son  épouse,  qu'il  ne  nomme 
pas  autrement  que  la  domina,  ou  par  son  fils  le  vaivode  Stéphani  ,  soit 
enfin  par  les  personnages  lès  plus  considérables  de  la  cour.  En  parlant 
des  présens  que  le  patriarche  offrit  au  prince  et  à  sa  famille ,  et  qui,  pour 
la  plus  grande  partie,  consistèrent  en  reliques  achetées  à  Constantinople, 
Fauteur  de  fa  relation  ne  peut  s'empêcher  d'ajouter  cette  réflexion 
naïve  :  «  Je  ne  saurois  penser  sans  un  sentiment  de  peine  que  tous  nos 
x^présefts  se  trouvèrent  perdus,  quand  par  la  suite  Vasili  éprouva  un 
»- renversement  de  fortune.-  *  L'épouse  de  Vasili  étoit  une  Circa*sienne; 
il  avoit  deux  filles ,  dont  l'une  avoit  été  mariée  en  Pologne  à  un  noble 
de  la  famille  Radziwili,  et  l'autre  venoit  d'épouser  le  fils  de  l'hetman  des 
Cosaques,  et  en  outre  une  troisième  qui  fut  ensuite  emmenée  en  Russie. 
Le  père  du  second  gendre  de  Vasili  est  nommé  ici  Akhmilj  son  nom , 
suivant  Woif,  étoit  Kitmtlmski,  ou ,  comme  l'écrit  Von  Engel ,  Chmjel- 
ultçki ;  et  quant  au  fils,  il  se  nommoit  Timothie,  ou,  par  corruption, 
Ttmousch.  Vasili  n'avoit  consenti  à  ce  mariage  que  malgré  lui,  et  après 
y  «voir  été  contraint  par  la  force  des  armes.  Notre  auteur  ne  fait  aucune 
mention  de  ces  circonstances. 

Peut-être  sera- 1- on  bien  aise  de  connoître  le  portrait  qu'il  fait  du 
vaivode  Vasili,  qui  fut  un  des  princes  les  plus  distingués  de  la  Moldavie, 
et  qui,  s'il  eût  moins  écouté  les  conseils  de  son  ambition,  et  usé  de 
ptttsde  ménagemens  envoya  ses  sujets  moldaves  t  aurait  sans  «toute 


» 


494  JOURNAL  DES  SAVANS, 

évité  les  revers  de  fortune  qui  Faccahfcnent  dam  le  temps  môme  qp*  fa 
patriarche  Macarius  étort  dans  tes  états. 

ce  Ce  seroît,  dit-ii,  une  chose  au-dessus  de  l'intelligence  humaine,  que 
»  de  décrire  le  respect  qu'inspirent  b  majesté  du  bey ,  son  instruction  et 
»  *es  qualités  acquises ,  la  supériorité  de  son  bon  sens ,  la  profonde  .Con- 
»  noissance  qu'il  possède  des  écrivains  anciens  et  modernes ,  paient  » 
»  chrétiens  ou  rares  ;  enfin  sa  bravoure  et  ses  talens.  militaire*.  L*  vérité 
*est  qtfH  égale  ou  plutôt  qu'il,  surpasse  les  anciens  empereur*  greçk  ; 
»  car ,  dans  tout  le  monde ,  on  célébré  ses  qualités  éminente*.  Qg  *e 
»  êont  pas  seulement  les  patriarches ,  les  métropolitains ,  les  prêtres ,  les 
m  mornes  et  les  laïques  qui  rendent  justice  à  si  générosité  sans  bornes  et  à 
»*e*  actions  illustres;  sa  renommée  n'est  pas  bornée  aux  églises  et  aux 

*  couvris;  les  agas  mêmes,  les  négocians  et  autres  individus  delà  nation 
»  turque ,  jusqu'aux  derviches  et  aux  commerçai» ,  tous  sont  dans  l'usage 
»  de  jurer  par  sa  tête.  Cependant  il  a  été,. la  plupart  du  temps;  et  il 

*  est  encore  l'objet  de  la  haine  publique ,  et  ii  est  impossible  qu'il  se 

*  maintienne  ici  dans  la  jouissance  de  sa  souveraineté*  li  est,  cpirtme 
«nous  l'avons  dit ,  connu  dans  tout  l'univers  ;  mais ,  pour  les  empereurs 
»  de  Moscovie  et  les  grands  seigneurs  de  ce  pays ,  ils  sont  très-glorieux 
»  quand  Hs  reçoivent  des  lettres  de  lui ,  et.  Us  les  portent  sur  eux  aveq 

*  le  plus  grand  respect.  La  cause  de  cela,  c'est  le  récit  qu'ils  entendent 
fcikire  delà  grande  affection  qu'il  porte  aux  églises  et  aux  monastères» 

*  et  de  sa  charité ,  dont  tout  le  monde  ressent  les  effets*  En  Pologne ,  le 

*  roi  et  les  grands  du  royaume  ne  l'estiment  pas  moins.  Akhmil  et  les 
«Cosaques  ont  désiré  l'alliance  de  sa  fille;  les  lar  tares  et  leur  khan  lui 

*  pcfftfent  encore  plus  d'affection  que  tous  les  autres;.  l'empereur  d'Aile- 
»  tti*gAe,  le  roi  de  Hongrie  et  les  Vénitiens,  sont  aussi  très-bien  disposés 
»'en  safkveur.  II  a  fait  imprimer  beaucoup  de  livres  d'église,  d'exercices 
»  de  dévotion  et  de  commentaires,  et  outre  cela  dès  ouvrages  en  langue 
»*  vaïbque ,  à  l'usage  de  ses  sujets  de  la  Moldavie.  Autrefois  le  peuple  ne 
»  lisétr  ses  prières  qu'en  langue  servienne ,  langue  qui  tient  de  celle  de 
j»Ik  Russie  ;  car  depuis  la  Bulgarie  et  la  Servie  jusqu'à  Ja  Vaiaçhie  et 
m'ht  MbMavie,  et  de  là  jusqu'au  pays  des  Cosaques  et  jusqu'à  Moscou, 

*  tom-le  nfconde  ne  lit  que  ia  langue  servienne,  dans  laquelle  sont  écrits 
tfVMft'ieufs  livres.  Mais  les  Vaiaques  et  les  Moldaves  parlent  l'idiome 

*  valaque ,  et  n'entendent  pas  un  mot  de  ce  qu'ils  lisent  en  langue 
»-seÊ»lemie^  A  raison  de  cela  Vasili  a  fait  bâtir  pour  eux,  près  de  (on 
ir monastèrei,  aoi  vaste  collège ,  et  a  fait  imprimer  des  livres  dans  leur 
*tptt>prè  idiome*  Lis  Serviens,  les  Bulgares  r  les  Cosaques  et  les  Moscq» 
*'VUfcs  parie** 'iras  va*  seule  et  niérne  langue,  qui  ne  diacre  qfte  p*r, 


AOUT   1830.  4yj 

»  Xanchnnttè  (  il  est  difficile  de  comprendre  ce  que  l'auteur  veut  dire 
»  par-là  ) ,  et  par  quelques  nuances  locales  ;  mais  leurs  livres  et  leur 
»  écriture  sont  absolument  les  mêmes.  » 

Je  me  suis  laissé  aller  à  transcrire  tout  ce  passage,  parce  qu'il  est 
peut-être  un  des  plus  curieux  de  l'ouvrage ,  quoique  d'ailleurs  le  portrait 
de  Vasili  et  de  la  considération  qu'il  avoit  acquise,  soit  sans  doute  un  peu 
exagéré,  et  qu'il  puisse  y  avoir  quelque  chose  qui  ne  soit  pas  parfaite- 
ment exact  dans  les  détails  qui  concernent  les  langues  des  diverses 
contrées  où  règne  l'idiome  slavon. 

Notre  auteur  ne  fait  pas  un  portrait  flatteur  des  habitans  de  la 
Moldavie.  Les  hommes,  si  on  l'en  croît,  sont  tous  des  assassins  et  des 
voleurs.  Les  registres  de  la  justice  prouvent  que  le  vaivode  Vasili,  pen- 
dant ving-trois  ans  de  règne ,  avoit  puni  de  la  peine  capitale  plus  de 
quatorze  mille  voleurs;  et  cependant  il  ne  condamnoît  ordinairement 
a  mort  que  les  coupables  qui  avoient  déjà  été  repris  trois  fois  de  justice. 
La  sévérité  de  Vasili  n'épargnoit  pas  plus  les  prêtres  que  les  autres 
Moldaves.  Quant  aux  femmes  et  aux  filles,  leurs  mœurs  étoient  telle- 
ment dépravées,  que  la  rigueur  du  prince  n'avoît  pu  les  améliorer,  quoi- 
qu'il en  eût  fait  périr  plusieurs  milliers. 

Parmi  les  remarques  relatives  aux  usages  particuliers  de  la  Moldavie , 
je  citerai  la  suivante.  «  Il  faut  observer ,  dit  l'auteur  de  la  relation ,  que 
»  depuis  le  commencement  du  mois  iïadar  (mars)  jusqu'au  10  du 
»  même  mois,  la  cloche  de  fer  du  couvent  nommé  le  couvent  de  Veffendi , 
»  sonnoit  douze  heures  dans  le  jour,  et  autant  dans  la  nuit,  mais  que, 
»  passé  le  1  o ,  elle  sonna  quatorze  heures  dans  le  jour  et  dix  dans  la 
»  nuit.  Depuis  le  1 ."  de  nisan  (  avril  ) ,  elle  sonna  quinze  heures  le 
«jour  et  neuf  heures  la  nuit;  enfin  dans  les  mois  de  haxjran  et  de 
»  tamou^  (juin  et  juillet) ,  elle  sonna  seize  heures  le  jour  et  huit  la 
a  nuit.  » 

Le  récit  des  cérémonies  et  des  offices  ecclésiastiques  du  carême  et 
de  la  semaine  sainte,  est  interrompu  par  celui  d'une  révolution  poli- 
tique qui  renversa  du  trône  Vasili,  et  coûta  la  vie  au  brave  Timoihée , 
son  gendre,  fils  de  l'hetman  des  Cosaques,  après  que  par  sa  valeur  il 
eut  balancé  pendant  quelque  temps  les  succès  du  grand  logothète 
Georges.  Celui-ci  cependant  finît  par  supplanter  entièrement  Vasili, 
a  qui  il  devoit  son  élévation  et  sa  fortune ,  et  qu'il  trahïssoit  depuis 
long-temps,  ayant  des  intelligences  secrètes  avec  Atathi  ou  Mathieu, 
vaivode  de  Valachîe,  et  avec  le  roi  de  Hongrie.  Le  régne  de  Vasili 
occupe  beaucoup  de  place  dans  l'Histoire  de  la  Moldavie  écrite  en 
langue  moldave  par  Myron  ou  Ko.-  tin  ,  et  traduite  en  grec  vulgaire  par 


f   î 


4 


# 


4j^  JOURNAL:  DES  SàVANS, 

Jilexandre  AnririsffoSmyme;  et  fbnj>em regretter  que  M.  Hase*  qui  a 
ait  conooîôfe  cetife  histoire  dans  les  Notices  et  extraits  des  manuscrits. 
tome  XI,  p.  274  et  suhr.,  n'ait  pas  jugé  à  propos  de  publier  cette 
portion  de  l'ouvrage.  Çeorges,  vainqueur  de  Vasili,  prit,  en  montant 
aur  le  trène ,  selon  notre  auteur,  fe  titre'  de  Iranov  Georgieça  Stepka*** 
rmrvodt:  «  car,  ditol,  la  coutume  des  beysde  Moldavie!  et  de  Vahchfe 
»  est  de  mettre  devant  leurs  noms  Ivanov,  comme  étant  Je  prénom  ou 
•>  plutôt  ie  titre  officiel  du  prince  de  ces  pays.  Leurs  armes ,  ajouterai!* 
»  sont  la  tête  d'un  veau.  Le  nom  du  nouveau  bey  étoit  proprement 
»  Georges,  et  ses  pères  et  ses  ancêtres,  avoient  autrefois  été  prince!  de 
*  ce  pays.  Leur  nom  commun  étoit  Sufpkanos,  c'est-à-dire,  Etienne. 
«  Notre  auteur  remarque ,  à  cette  occasion ,  que  Vasili  étoit.  détesté 
des  Moldaves,  parce  qu'étant  Grec  de  naissance  et  d'origine,  il  avoh 
rempli  sa  cour  de  Grées ,  auxquels  il  avoit  accordé  tous  les  offices  im- 
portans ,  tandis  que  le  prince  lui-même  et  ses  {compatriotes  traitoient 
avec  le  dernier  mépris  les  Moldaves ,  qui  se  trouvoiertt  réduits  à  la  plus 
profonde  misère.  Vasili  étoit  effectivement  un  Epirote  ou.Aibaftois.  Les 
historiens  de  la  Moldavie  nous  apprennent  que  Vasili  avoit  aussi  an- 
disposé ,  dans  les  premières  années  de  son  règne  *  lés  Moldaves,  en  pre- 
nant pour  épouse ,  à  cause  de  sa  rare  beauté ,  une  Circas$ienne  qui 
professoh  la  religion  musulmane.  L'archidiacre  Paul  garde  le  silence 
sur  cette  circonstance,  quoiqu'il  ait  remarqué  que  la  domina  étoit 
Circassienne.  II  n'est  peut-être  pas  inutile  d'observer  que  cette  prin- 
cesse portoit  le  nom  de  Catherine,  qu'elle  avoit  fait  reconstruire  un 
couvent  appelé  du  nom  de  Notre-Dame,  à  Yassi ,  couvent  où  l'on 
conserve  une  ancienne  image  de  la  Vierge  ,  qui  passe  pour  avoir  opéré 
des  miracles;  enfin  que,  dans  cette  église,  étoit  un  tableau  où  l'on 
voyoit  le  bey  de  grandeur  naturelle ,  tenant  dans  sa  main  la  représen- 
tation de  l'église,  et  près  de  lui  la  domina  avec  son  fils  et  ses  trois 
filles.  Ailleurs  on  voit  que,  dans  le  palais,  outre  la  chapelje  du  bey, 
dédiée  à  S.  Georges,  il  y  en  avoit  une  pour  la  domina ,  sous  l'invocation 
du  même  saint.  Tout  cela  donne  lieu  de  penser  que  cette  Circassienne 
avoit  embrassé  la  religion  chrétienne. 

La  relation  de  l'archidiacre  Paul  est  entremêlée  de  quelques  détails 
sur  ie  climat  de  la  Moldavie ,  les  productions  du  pays ,  les  grands 
officiers  et  l'étiquette  de  la  cour ,  les  repas ,  les  usages  civils  ou  reli- 
gieux particuliers  aux  Moldaves ,  le  costume  des  homjnes  et  des 
fiemtàes,  &C..11  observe,  à  cet  égard,  entre  autres  choses  *  qu'à  Corts- 
teitinople  et  dans  les  contrées  voisines ,  les  veuves  portent  des 'coiffures 
de  cottieùr  orangée  *  mail,  q  perdait  s  la  Moldavie ,  la  Valachie  et  le'pays 


des  Cosaques ,  l'habillement  des  veuves ,  depuis  la  tête  jusqu'aux  pieds , 
est  entièrement  noir,  comme  celui  des  religieuses.  Il  ajoute  que,  dans 
la  Moscovie ,  les  veuves  portent  des  caftans  noirs  de  laine  ,  très-amples 
et  très-Jongs,  avec  des  manches  d'une  largeur  immense. 

A  l'occasion  du  carême  ,  il  remarque  que  la  cour  et  les  classes  les  plus 
élevées  de  la  société  observoient  le  jeûne  avec  une  exactitude  rigoureuse. 
«  Quant  aux  basses  classes,  ajoute- t-il,  elles  ne  gardent  point  le  jeûne, 
»  ne  font  aucune  prière,  et  paroissent  n'avoir  aucune  religion.  Ces 
»  gens-là  ne  sont  chrétiens  que  de  nom,  et  leurs  prêtres  leur  donnent 
»  l'exemple  de  passer  les  nuits  entières  dans  la  débauche  et  dans 
»  l'ivresse.  Voilà  les  scènes  dont  on  est  témoin  dans  ce  pays.  C'est  toute 
»  autre  chose  en  Vaiachie;  les  habitans  se  distinguent  par  leurs  senti- 
»  mens  religieux,  leur  tempérance  et  leur  bonne  conduite.  » 

Les  événemens  qui  préparèrent  et  accompagnèrent  la  chute  du 
voivode  Vasili,  les  succès  divers  et  alternatifs  des  deux  partis,  les 
désordres  €t  les  alarmes  que  ces  événemens  occasionnèrent  parmi  les 
habitans  de  Yassi,  la  terreur  que  la  marche  des  troupes  jeta  chez  les 
moines,  dont  les  couvens  servoient  de  refuge  à  une  population  effrayée, 
enfin  les  inquiétudes  du  patriarche  Macarius  et  de  ses  compagnons 
de  voyage,  qui,  au  lieu  des  avantages  qu'ils  s'étoient  promis,  se  voyoient 
enveloppés  dans  toutes  les  horreurs  d'une  guerre  civile,  tout  cela 
remplit  les  derniers  chapitres  de  ce  volume,  qui  inspirent  beaucoup 
cTiniérêt.  Quant  à  l'auteur  du  récit,  on  ne  sauroit  se  dissimuler  que  ce 
qui  l'affecte  sur-tout,  c'est  le  regret  d'avoir  perdu  le  fruit  des  présens 
offerts  par  le  patriarche  au  bey  et  à  sa  cour,  présens  qui  avoient  coûté 
quelques  centaines  de  piastres,  et  d'être  privé  de  f'effet  des  promesses 
de  Vasili ,  qui  s'étoît  engagé  à  payer  les  dépenses  et  les  dettes  du 
patriarche,  à  envoyer  avec  lui  un  ambassadeur  à  l'empereur  de  Mos- 
covie ,  et  à  le  défrayer  de  tout ,  tant  pour  le  voyage  que  pour  le 
retour. 

Au  lieu  de  voir  se  réaliser  ces  flatteuses  espérances ,  nos  voyageurs 
restèrent  comme  des  prisonniers,  dans  de  continuelles  alarmes  dont  ils 
n'entrevoyoientpaslafin,  jusqu'à  ce  que,  parla  mort  du  brave  Timothée, 
fils  de  l'hetman  des  Cosaques  et  gendre  de  Vasili ,  et  par  la  prise  de  la 
place  de  Satja  (  Sut^ava  ) ,  où  étoient  renfermés  les  immenses  trésors  de 
Vasili  et  la  princesse  sa  femme,  il  ne  resta  plus  aucune  ressource  au 
voivode  détrôné.  Ce  fut  alors  seulement  que  le  nouveau  voivode  con- 
sentit au  départ  du  patriarche  Macarius  pour  la  Vaiachie;  il  lui  donna 
même  une  lettre  pour  le  bey  de  Vaiachie,  Malthi,  qu'il  appeloit  son 
père,  et  une  somme  d'argent  pour  fournir  aux  frais  de  sa  route;  «  mais, 

Rrr 


4j>9  JOURNAL  DUS  SÀVANS , 

?4k.  fcufeêwr  de  la:  relation,  avec. une  parcimonie  analogue  à  son 
atrMtrésu^affainçe  naturelle.  »  M  • 

Nos*  voyageurs ,  partis  de  Yassi  »  se  rendirent  par  Skentai,  Variouï  et 
Beriad ,  à  une  ville  nommée  TtkwtcU  (  Tekoucttii  )  ;  puis,  ayant  passé  le 
Séretr  il» arrivèrent  à  Fokschan  (Foçzanii) ,  le  ai  septembre  de  l'année 
7* 6fr  Fokschan  est  située  sur  une  rivière  (la  MHcov)  qui  forme  h 
limite  entre  la  Moldavie  et  la  Vaiachie.  Le  patriarche  fut  retenu  par 
4tS/  ordres  qu'avoir  donnés  le  nouveau  voivode  de  Moldavie,  ordres 
qui permettoient  ia  sortie  du  patriarche  seulement  et  de  ses  gens,  mais 
à  l'exclusion  des  étrangers  qui  l'accompagnoient.  Pour  faire  lever  cette 
défense,  Macarius  fut  obligé  de  se  rendre  à  Roman,  ville  oit  se 
trouvait  alors  le  bey ,  et  qui  est  un  des  trois  sièges  épiscopaux  suflfragans 
du  métropolitain  de  la  Moldavie.  De  retour  à  Fokschan,  je  patriarche 
ae  > mit  en  route  le  zi  octobre ,  pour  entrer  sur  le  territoire  de  la 
Valachie. 

,  L'auteur  de  la  relation,  à  l'occasion  du  tiA»iw  (  sorte  de  chasuble 
■fennée)  de  S.  Jean  Chrysostome,  que  conservent  comme  une  relique 
les  é*éques  de  Roman,  dit  avoir  appris  qu'il  y  a  dans  le  pays  des 
Nms&h f  c'est-ràrdire ,  en  Allemagne,. une  grande  ville  nommée  Ituno- 
ptlis ,  qui  est  en  possession  du  corps  de  S.  Jean  surnommé  /y*>tf  h 
M'tsétuofdicux  >  *x.\p  traducteur  observe  qu'il  n'a  aucune  connoissaitoe 
<Fun  saint  ainsi  nommé.  Je  pense  qu'il  s'agit  de  S.  Jean  l'Aumônier, 
patriarche  d'Alexandrie,  mort  en  619,  et  duquel  a  pris  son  nom  > 
suivant  l'opinion  la  plus  commune,  l'ordre  de  S.  Jean  de  Jérusalem. 
C'est  à  Presbourg  qu'est  conservé  son  corps ,  qui  avoit ,  dit-on ,  été 
envoyé  en  présent  de  Gonstantinople  à  Mathias  Corvin ,  roi  de  Hongrie. 

A  ia  suite  de  cette  première  partie  de  ia  relation  des  voyages  de 
Macarius,  le  traducteur  a  ajouté  quelques  notes  qui,  jointes  à  celles  qui 
se  trouvent  au  bas  des  pages  dans  le  cours  même  du  volume ,  sont 
destinées  à  suppléer  à  certains  détails  omis  par  l'auteur  de  ia  relation, 
et  sur-tout  à  expliquer  quelques-unes  des  cérémonies  de  l'église  grecque, 
et  le  sens  des  mots  ou  des  formules  employés  dans  le  rituel  dt^  Grecs. 
On  pourroit  désirer  que  ces  notes,  surtout  celles  qui  $ont  relatives  au 
dernier  objet,  fussent  plus  nombreuses  et  pi  us  développées.  VEœholegitM 
où  Rituale  Grœcarum  du  P.  Goaid  aurait  pu  être  consulté  avec  beau-* 
coup  de  fruit  par  l'éditeur.  Nous  avons  rencontré  plusieurs  fois ,  dans 
cette  relation ,  le  sroc  grec  xoçwn  ,  '  qui  >  comme  nous  le  lisons  à  ia 
page  70 ,  bst  écrit  aihsî  ^^Tdans  le  texte  arabe ,  et  nous  regrettons 
que  M*  Belfour  p'enait  pas  indiqué  la  signification. 

Nous  devons  teamimi  cette  tutioeen  freooQMUHt  que  ia  tracte©- 


lia 


tion  de  ce  manuscrit  présentent  beaucoup  de  difficultés,  et  crue  si 
l'ouvrage  renferme  bien  de  choses  qui  sont  de  nature  à  n'intéresser 
qu'une  classe  peu  nombreuse  de  lecteurs ,  il  contient  aussi,  comme  on 
a  pu  le  voir  par  notre  extrait ,  des  détails  curieux  sur  l'histoire  politique, 
ecclésiastique  et  morale  des  contrées  parcourues  par  le  patriarche 
Macarius.  On  doit  donc  souhaiter  de  voir  paroître  la  suite  de  cette 
relation. 

SILVESTRE  DE  SACY. 


SriiOGE  epigraminatum  veterum ,  ex  marmoribus  et  libris ,  coltegtt 

et  illvstmvit  Fr.  Th.  Welcker;  ei'ttio  altéra  recognita  et  attela. 

Bonna;,  1828,  304  e/  xl  pages. 
Za    der    Sylloge    epîgrammatuin    veterum  :    Abwe'tsung   der 

verungl'ùckten  Conjecture»  des  Herrn  Prof.  Hermann  ,   von 

F.  G.  Welcker.  Bonn  ,    1829. 


Dans  les  deux  éditions  de  l'Anthologie  données  par  M.  F.  Jacobs, 
ce  savant  critique  a  rassemblé  toutes  les  épigrammes,  c'est-à-dire, 
touies  les  inscriptions  en  vers,  qui  avoient  pu  échapper  à  Brunck  ; 
mais  il  en  est  quelques-unes  qui  lui  ont  échappé  il  lui-même: 
d'ailleurs ,  chaque  jour  on  en  découvre  de  nouvelles;  et  peu  de  temps 
après  l'édition  de  l'Anthologie  palatine ,  on  pouvoil  en  réunir  assez  pour 
former  un  supplément  notable;  ce  que  M.  Welcker  a  fait ,  il  y  a  déjà 
plusieurs  années ,  dans  deux  programmes.  Il  les  reproduit  maintenant, 
mais  avec  des  additions  si  nombreuses  ,  qu'ils  sont  devenus  un  ouvrage 
tout  nouveau. 

Dans  une  préface  adressée  à  M.  Fr.  Jacobs,  l'auteur  expose  son  but; 
il  indique  les  sources  où  il  a  puisé  des  inscriptions  inédites  ou  peu 
connues;  il  nomme  les  personnes  qui  lui  en  ont  procuré,  et  les  ou- 
vrages, particulièrement  les  Voyages  récens  en  Grèce,  en  Egypte  et 
en  Syrie,  qui  en  contiennent  que  M.  Fr.  Jacobs  n'avoit  pas  pu  con- 
nohre,  parce  qu'ils  ont  été  publiés  depuis  1817,  date  des  derniers 
volumes  de  \' Anthologie  palatine.  D'autres  ont  été  tirées  par  M.  Welcker 
de  divers  recueils,  tels  que  ceux  de  Gruter ,  de  Muratori  ,  et  le  Musée 
de  Vérone  ;  on  les  y  avoit  laissées,  soit  qu'on  ne  les  eût  pas  aperçues,  soit 


fÇ>ç  .JOURNA'E  JfcES  SAVANS, 

qu'on  ne  les  eût  pas  jugées  dignes  de  figurer  dans  F  Anthologie.  Tontes 
celles  qui  concernent  FAttique  et  la  plus  grande  partie  de  la  Grèce 
continentale',  :ont:  déjà  paru  dans  le  tome  I  de  l'admirable  Corpus 
btscripéionum  dû  M.  Boeckh.  M.  Velcker .  les  reproduit  avec  les  resti- 
tutions du  savant  interprète,  dont  il  ne  s'écarte  que  rarement  Là  tota- 
lité monte  au  nombre  de  deux  cent  quarante* 

Sans  doute  la  plupart  de  ces  petites  pièces  ont  peu  d'intérêt; 
quelques-unes  même  sont  en  assez  mauvais  style:  cependant  leur  collec- 
tion est  utile  ;  on  aime  à  trouver  réunies  jusqu'aux  moindres  parcelles 
d'une  littérature  si  riche.  Traités  par  (Fex  ce  liens  philologues,  comme 
MM.  Jacobs  et  Velcker ,  ces  fragmens  donnent  lieu  à  des  observations 
intéressantes  de  grammaire,  d'histoire  ou  d'archéologie ,  dont  la  science 
tle  l'antiquité  s'enrichit.  Presque  toujours  ces  inscriptions  sont  plus  ou 
moins  altérées;  les  efforts  que  des  hommes  habjles  font  pour  les  com- 
pléter ou  pour  en  épurer  le  texte ,  amènent  de  curieux  rapproche  mens , 
utiles  à  ceux  qui  veulent  appliquer  le  même  genre  de  critique  à  des 
objets  plus  relevés.  Aussi  nous  sommes  fort  loin  de  partager  le  dédain 
que  M.  Hermann ,  critique  d'ailleurs  si  profond  et  si  spirituel ,  montre 
pour  ce  qu'il  appelle  des  minuties.  Par  fefkit,  il  y  a  telle  explication 
exacte  et  complète  d'une  de  ces  minuties  qui  sert  plus  la  philologie  et 
la  connoissance  des  usages  anciens,  que  beaucoup  de  conjectures  ha- 
sardées sur  des 'passages  altérés  de  tragédies  grecques.  D'ailleurs  tout 
travail  consciencieux,  entrepris  par  un  homme  profondément  versé 
dans  la  matière,  et  qui  n'y  met  ni  prétention  déplacée,  ni  charlatanisme, 
ne  peut  qu'être  utile  dans  la  sphère ,  quelque  étroite  qu'elle  soit ,  où 
l'auteur  se  renferme.  II  mérite  les  égards  et  la  reconnoissance  de  qui- 
conque ne  se  laisse  point  égarer  par  un  esprit  trop  exclusif,  ou  par 
quelque  éloignement ,  soit  pour  lapersonhe  de  l'auteur,  soit  pour  le 
sujet  qu'il  a  choisi. 

Entre  autres  observations  que  contient  la  préface ,  on  distingue  celle 
qui  regarde  la  méthode  à  suivre  pour  restituer  ce  genre  de  textes.  On  ne 
doit  pas  se  donner  une* aussi  libre  carrière  que  lorsque  Ion  corrige  le 
texte  d'un  ancien  écrivain  ;  et  la  raison  en  est  simple  :  c'est  qu'il  n'y 
a  qu'un  ou  deux  intermédiaires  entre  l'auteur  de  l'inscription  et  le 
critique.  II  faut  donc  s'écarter  fort  peu  des  traces  marquées,  avoir 
égard  aux  intervalles ,  et  éviter  sur-  tout  de  vouloir  absolument 
trouver  des  vers  parfaits.  Beaucoup  de  ces  pièces  ont  été  composées 
par  des  gens  peu  habiles  dans  la  versification,  qui  se  sont  permis 
bien  des  licences.  A  côté  d'un  vers  excellent,  qui  peut-être  n'est 
qu'une  réminiscence,  s'en  trouve  souvent  un  mauvais ,  qu'il  ne  faut  pas 


I 


tenir  à  rendre  trop  bon  ;  car  on  n'auroit  plus  celui  de  l'auteur.  Les 
seuls  cbangemens  qu'un  critique  judicieux  se  permettra,  se  borneront 
à  rectifier  les  erreurs  qui  proviennent  de  la  confusion  des  lettres  de 
même  forme  ou  des  syllabes  de  même  prononciation)  ou  ces  lapsus 
qui  dévoient  échapper  souvent  aux  lapidaires  illettrés  qui  gravoient 
les  inscriptions.  Faute  de  se  renfermer,  à  cet  égard,  dans  les  limites 
d'une  saine  critique,  on  a  souvent  refait  des  inscriptions  qu'il  failoit 
se  borner  à  rétablir. 

Les  deux  cent  quarante  inscriptions  que  contient  ce  recueil  sont 
divisées  en  trois  classes,  sepulcralia,  anathematica  et  promiscua  ;  et 
dans  chaque  classe ,  l'auteur  a  distingué  celles  que  fournissent  les 
marbres,  cippes  ou  sarcophages,  de  celles  qu'il  a  tirées  des  livres  im- 
primés. 

La  première  classe  est  la  plus  nombreuse  :  elle  en  contient  cent 
seize  ,  dont  cànt  quatre  tirées  des  marbres  ;  le  reste  consiste  en  courtes 
épitaphes  tirées  des  anciens  auteurs.  M.  Welcker  se  contente  de  donner 
le  texte  en  lettres  courantes;  mais  il  transcrit  dans  ses  notes,  en 
capitales,  les  leçons  qui  peuvent  être  l'objet  de  quelque  remarque  ou 
donner  lieu  a  des  difficultés.  Par  ce  moyen,  on  juge  des  motifs  qui 
l'ont  détermine  à  lire  de  telle  ou  telle  manière.  Ses  observations  sont 
courtes  et  substantielles ,  rédigées  à-peu  près  dans  le  genre  de  celles 
que  M.  l'r.  Jacobs  a  jointes  à  l'Anthologie  palatine  ,  mais  un  peu  plus 
développées. 

Nous  avons  dit  plus  haut  que  ce  recueil  renferme  toutes  les  inscrip- 
tions en  vers  qui  se  trouvent  dans  la  collection  de  M.  Boeckh.  Lorsque 
ce  profond  critique,  presque  toujours  heureux  dans  ses  restitutions, 
a  passé  sur  un  monument  de  ce  genre,  ce  qu'on  peut  faire  de  mieux 
ordinairement,  c'est  de  le  suivre.  Quant  aux  explications ,  comme  il 
s'est  imposé  l'obligation  d'être  fort  concis ,  il  peut  être  quelquefois  à 
propos,  dans  un  travail  spécial  comme  celui  de  M.  Welcker,  d'ajouter 
quelques  développemens  à  ce  qu'a  dit  M.  LJoeckh ,  qui  se  contente 
de  toucher  les  points  les  plus  saillans,  et  de  résoudre  les  difficultés 
principales.  Si  ceux  qui  lui  ont  fait  un  reproche  de  cette  concision, 
avoient  voulu  songer  à  l'immense  carrière  qu'il  parcourt,  ils  l'auroient 
loué  d'une  sobriété  qui  est  une  preuve  de  plus  de  son  excellent  juge- 
ment. M.  Welcker  complète  fort  souvent  et  avec  autant  de  critique 
que  d'érudition  le  travail  de  son  prédécesseur. 

H  est  un  bon  nombre  des  ipigrammes  de  cette  première  partie  qui , 
sans  être  inédites ,  n'ont  jamais  été  traitées  par  personne ,  et  que 
M.  Welcker  explique  pour  la  première  fois;  telle  est  une  inscription 


;e*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

du  musée  réyat  (  ni*  578  ) ,  relative  à  un  gladiateur,  difficile  à  lire  et 
à  comprendre:  (  in*  4?  )  >  et  qu'if  expliqué  dans  un  commentaire  fort 
Audit  »  où  H  donne  tfîntéressans  détails  sur  les  combats  de  gladiateur* 
dm  les  Grecs.  Nous  lui  recommanderons  Une  antre  inscription  du 
Même  genre  qu'il  n'a  pas  connue,  et  qui  a  été  trouvée  près  de  Sagâlassus 
f*r  M.  Ârundel  (1)  (  n.°  aol.  L'hiscription  (  n.°  5 1  )  est  fort  difficile 
klite;  les  restitutions  et  suppiémens  de  M.  Velcker  annoncent  autant 
de  sagacité  que  de  connoissance  dans  la  langue.  Quelques-unes  laissent 
des  doutes;  mais  il  n'est  pas  facile  de  mettre  autre  chose  en  place; 
et  f  exemple  d'un  savant  helléniste  qui  s'est  trompé  plus  d'une  fois  assea 
gravement ,  eh  voulant  faire  mieux  que  M.  Velcker,  montre  qu'en 
<e  genre,  comme  en  tout*  il  est  souvent  difficile  de  faire  mieux  que 
celui  que  Ton  critique. 

II  est  une  inscription  à  laquelle  M.  Velcker  met  beaucoup  d'in- 
térêt ,  parce  qu'elfe  est  gravée  sur  un  monument  funéraire  trouvé  aux 
environs  de  Bonn:  elle  a  été  publiée  d'abord  dans  Fiais  (  1 8 ai  ,  1. 1), 
et  dans  l'ouvrage  de  M.  Dorow  intitulé  Denkmal  germanischer  und 
tûmischer  ZiU  in  dtn  Rhtfa.  Wtstphâl.  Provin^en,  tome  I,  pag.  5 1.  Elfe 
a  déjà  été  expliquée  par  M.  Grotefènd  ;  mais  sa  leçon  jpst  inexacte  en 
plusieurs  points,  comme  le  prouve  lefac  simite  qu'en  donne  M.  Velcker. 
Là  restitution  qu'il  en  propose  est  très-satisfkisahte.  L'inscription  se 
OGfeppose  de  trois  hexamètres  suivis  d'un  pentamètre;  fi  s'agit  d'une 
femme  de  Thessalonique ,  nommée  Hyle.  Sur  le  devant  du  sarcophage , 
eft  sculptée  une  petite  chienne.  M.  Velcker  pense  qu'il  y  a  là  un  de  ces 
feux  de  mots  assez  communs  dans  l'antiquité  ;  ainsi,  on  avoit  sculpté  un 
lion  (xi*v  )  sur  le  tombeau  d'un  individu  nommé  Léon  ;  une  lionne 
(xitufàt)  sur  celui  de  Leana;  une  génisse  (fd/uaXtç)  sur  celui  d'une  femme 
nommée  Dama  lis;  un  sanglier  (  aper  )  sur  celui  d'un  homme  appelé 
Aper,  &c.  De  même  ici,  la  figure  de  fa  petite  chienne  peut  se  rapporter  à 
la  ressemblance  du  nom  propre  Hyle  (ta*)  avec  les  mots  Cxar  ou 
vhtmtiïp ,  aboyer. 

Au  reste ,  ce  que  cette  inscription  offre  de  plus  remarquable,  c'est 
d'avoir  été  trouvée  près  des  bords  du  Rhin.  M.  Velcker  la  regarde, 
sous  ce  rapport ,  comme  unique. 

il  a  inséré ,  dans  cette  partie  de  son  ouvrage ,  une  inscription  que 
M.  PouquevrHe  a  copiée  au  couvent  d'Arotina,  qu'on  croit  être  sur 
remplacement  d'Erineum  en  Doride.  D'après  son  contenu,  ce  seroit 


(1)  A  Visit  to  the  sevtn  churches  of  Asie;  London,  1828. 


AOUT   1830.  Soj 

une  épitaphe  de  Calchas  dit  Mopsus.  M.  Welcker  la  donne  avec  la 
restitution  la  plus  probable.  Il  ne  doute  cependant  pas,  non  plus  que 
M.  Jacobs,  qu'elle  n'ait  été  fabriquée  avec  une  scholie  de  Tzetzès  sur 
Lycophron:  si  les  moines  d'Arotina  la  conservent  avec  si  grand  soin, 
c'est  sans  doute  comme  une  preuve  que  leur  couvent  occupe  l'emplace- 
ment de  la  métropole  dorique.  Celte  opinion  nous  semble  préférable 
à  celle  de  M.  Boeckh  [Corp,  iriser.  n.°  759) ,  qui  la  croit  antique,  mais 
fabriquée  après  coup  à  l'époque  romaine.  Il  n'est  ptis  facile  de  deviner 
quel  intérêt  on  pouvoit  avoir  alors  à  forger  une  inscription  pareille. 
Quoi  qu'il  en  soit,  vraie  ou  fausse,  nous  dirons  qu'elle  n'avoit  aucun 
titre  à  entrer  dans  ce  recueil;  car  elle  n'est  point  en  vers.  La  collection 
de  Pococke  a  fourni  plusieurs  inscriptions  a  M.  Welcker,  qu'on  n'avoit 
pas  crues  être  en  vers  ,  tant  la  leçon  en  étoït  altérée.  J'en  ai  déjà  relevé 
une  dans  ce  journal  (  1  ) ,  et  M.  Welcker  l'a  reproduite .  Malgré  ses  soins, 
il  en  a  encore  laissé  échapper  une  autre;  elle  est  de  Smyrne,  et  com- 
mence par  l'hexamètre  :  tri*  wflç  ngaix**  **«tÔv  owb/m  WA  Tutpùra  [2). 
Au  reste,  cette  partie  du  recueil  de  M.  Welcker  est  celle  qui 
doit  le  plus  s'accroître  :  il  n'est  pas  de  voyage  dans  un  des  pays  où 
s'étoit  répandue  la  langue  grecque,  qui  n'en  fasse  connoître  quelques- 
unes  de  nouvelles.  Quoique  l'auteur  ait  mis  tout  le  soin  possible  à  se 
tenir  au  courant  de  ce  qui  avoit  paru ,  on  pourroit  déjà,  avec  ce  qui  a  été 
découvert  depuis ,  faire  un  supplément  assez  considérable.  Je  me  con- 
tenterai de  citer  celle  qu'a  publiée  M.  Raoul-Rochette  dans  ses  Monu- 
mens  inédits,  d'après  M.  Léon  de  Laborde,  qui  l'a  trouvée  à  Sakkarah, 
et  que  M.  Welcker  a  reproduite  dans  sa  réponse  à  la  critique  de 
M.  Hermann  :  la  leçon  èm\â$efvit  que  M.  Welcker  substitue  à  celle 
d'tutys»*  est  autorisée  par  l'original,  qui  porte  bien  distinctement 
A*PONA.  Je  citerai  encore  une  inscription  de  trois  vers  qui  est  dans 
le  musée  royal  égyptien  -,  elle  vient  d'Egypte ,  et  a  peut-être  été  trouvée 
à  Lycopolîs  : 

Uinfii  fur  fui  ici  Avxa'v  -TTcXtç.   €ltv  J     LAj^u&t  , 
€ixan  H&\   ivî   xSpa   ign*9C%9&5*i(  irtcurr*- 
♦e/Ceu  X&l  Meuoïr  0  Stpa-J.  MfMMf£É|  i/*nr. 

«  Ma  patrie  est  Lycopolîs;  mon  nom  est  Elémon,  et  j'ai  été  enlevé 
»  par  la  mort  à  vingt  et  un  ans;  serviteur  de  Phœbus  et  des  Muses, 
»  j'étois  célèbre  en  tous  lieux.  » 


(0   i»»S.  P- 399--W  Pag- 24,  n.*  a3- 


% 


5o4  JOURNAL  DES  SAVANS. 

.  Sans  cette  inscription ,  le  nom  de  ce  poète  ci  fibre  n&  seroit  point 
venu  jusqu'à  nous. 

La  seconde  partie ,  comprenant  les  <tr<tStp*ni}  ou  didicatoires ,  en 
renferme  soixante-cinq ,  dont  cinquante-quatre  tirées  de  marbres  :  Tune 
des  premières  est  l'inscription  du  musée  Nani ,  gravée  sur  une  colonne 
striée ,  regardée  comme  des  plus  anciennes  par  Vilioison  ei  Lanzi  ;  elle 
est  for t  difficile ,  et  Pihterprétation  de  M.  Welcker  diffère  en  quelques 
points  de  celle  de  M.  Boeckh.  Dans  son  érudit  commentaire,  il 
explique  plusieurs  locutions,  entre  autres  %iw  yfairm  îr  o*rX?>  et 
généralement  tiniw  yf*m*m>  qui  ne  s'entend  que  d\me  figure  peinte , 
quoi  qu'en  aient  dit  quelques  critiques.  II  auroit  pu  rappeler  les  observa- 
tions de  AL  de  Koehîer  (  i ).  M.  Welcker  se  sert,  à  cette  occasion ,  d'un 
passage  fort  souvent  cité  de  Plutarque  dans  la  vie  de  Périclès ,  où  il  est 
question  des  divers  genres  d'ouvriers  qui  travaillèrent  au  Parthénon  : 

fyydw™*  *w«**nM ,  ToptvW  (a).  Les  diverses  corrections  de  ce  passage  ne 
sont  pas  satisfaisantes.  M.  Welcker  entend  par  Cat^tïç  ceux  qui  pei- 
gnoient  les  statues»  Caftîç  \id*r;  et  il  joint  hxiçarnç  avec  Ç*y&pu  : 
mais  on  ne  peignoit  pas  l'ivoire  ;  (Tailleurs  qu'est-ce  que  fyvrov  (j&k*xihf% ç! 
H  y  a  déjà  long- temps  que  j'ai  proposé  de  lire,  en  changeant  la  ponc- 
tuation, C&QtTç  Xfva™>  (JufauriipK  ixifmrnç,  aux  qui  teignent  l'or  (  c  est- 
à-dire  qui  préparent  Yor  de  couleur  si  usité  dans  la  toreutique  ) ,  ceux  qui 
amollissent  l'ivoire  :  c'est  en  effet  par  un  amollissement  successif  qae  les 
anciens  rendoient  fivoire  capable  de  se  plier  aux  divers  usages  auxquels 
ils  fempioyoient.  De  là,  les  expressions  /ua\<t<mtv  ixiçetmty  et  ars  mol- 
liendi  eboris  (  3  ) ,  pour  indiquer  ces  opérations.  Je  soumets  cette  expli- 
cation à  un  savant  aussi  profondément  versé  dans  l'histoire  de  1  art  chez 
les  Grecs  que  dans  celle  de  leur  langue. 

.  Je  trouve  dans  un  voyage  récent ,  celui  de  M.  Beggren ,  une  courte 
inscription  en  vers  qui  concerne  encore  un  poète  inconnu  ;  elle  a  été 
trouvée  à  Panorme  ,  près  de  la  Propontide  : 

ArA0HITTXHI 
IIOIHTHNEÏTHSAN 
AIlAMEÀMAHIMONASrOI 
APAM&NON  AOIflN 


(1)  Remarques  sur  les  antiquités  du  Bosphore  Cimmirien,  pag.  123,  124. — 
(%)  In  Pericl.  $.  12.  —  (3)  Schneider  ad  Eclcg.  vhys.  p.  16.  —  Ruhkopf 
ad  Senec  epist.  xc,  S-  3*. —  Quatr.  de  Quincy,  Jup.  Olymp,  p.  418. 


AOUT   1830.  îos 

ITEMMATOATMniAûnN. 

Y\atinnv  'motte  Avmfita  MÀ^ifter  ainat 
àfttutror    Jhîar    nfifi.cn     Ohv fA-Ti 1  «JW . 

« Les  ciioyens    ont    élevé  ce  monument  au  poêle   Maxime 

»  d*Apamée,  qui  a  remporté  les  couronnes  de  deux  olympiades.  »  Vrai- 
semblablement ce  poète  avoit  eu  le  prix  de  poésie ,  deux  fois ,  dans  les 
jeux  olympiques  qui  se  célébroient  a  Smyrne  en  l'honneur  d'Adrien  ; 
car  je  ne  pense  pas  qu'il  s'agisse  des  jeux  de  l'Elide. 

Viennent  ensuite  les  deux  inscriptions  des  casques  trouvés  à  Olympie; 
l'une  d'elles  relative  à  Hiéron  ,  et  expliquée,  pour  la  première  fois , 
par  M.  Boeckh.  J'avoue  que  je  ne  puis  me  persuader  qu'elles  soient 
des  vers.  L'espèce  de  rhyihme  et  de  mesure  qu'on  trouve  dans  la 
réunion  de  quelques  mots ,  n'est  point  un  effet  de  la  volonié  de  ceux 
qui  les  ont  écrites;  ces  mots  se  seront  présentés  naturellement  ainsi  à 
leur  oreille  façonnée  au  rhythme  poétique.  Là  se  trouve  encore  la 
belle  inscription  de  Catilius  Nicanor,  en  l'honneur  d'Auguste,  copiée 
à  Philes  par  M.  Hamilton  et  M.  Gau.  Il  ne  restoit  d'incertain  que  la 
date;  elle  vient  de  m'être  fournie  par  une  bonne  copie  qu'a  prise 
M.  Lenormand.  Cette  date  est  de  l'an  23  d'Auguste,  c'est  à-dire ,  de 
l'an  7  avant  notre  ère. 

Cette  partie  est  terminée  par  l'inscription  gravée  sur  un  des  doigts 
du  grand  sphinx,  copiée  par  Caviglia,  et  restituée  par  le  D.'  Young 
dans  le  Quaterly  Rtv'uw.  Il  y  a  déjà  quelque  temps  qu'on  me  pria  de 
passer  au  musée  royal  égyptien,  pour  y  voir  quelques  blocs  de  pierre 
qui  venoient  d'arriver,  et  sur  lesquels  étoient  gravés  des  caractères 
grecs:  la  surface  de  ces  blocs  qui  porte  les  caractères  est  sensiblement 
bombée.  Les  premiers  mots  que  je  distinguai  m'apprirent  qu'ils  faisoïent 
partie  d'une  inscription  en  vers  :  mettant  les  blocs  bout  à  bout,  je 
reconnus  bientôt  celle  que  Caviglia  avoit  copiée  sur  le  doigt  du  sphinx , 
et  je  me  convainquis  que  les  huit  blocs  que  j'avoîs  sous  les  yeux, 
faisoient  partie  de  ce  doigt  lui-même ,  qu'on  avoit  coupé  en  plusieurs 
fragmens  pour  pouvoir  le  transporter.  Malheureusement  il  en  manque 
quatre  pour  compléter  finscription,  soit  qu'on  les  ait  laissés  sur  le 
lieu,  soit  qu'on  les  ait  égarés  en  chemin;  en  sorte  qu'il  ne  reste 
que  sept  ou  huit  lettres  des  quatre  derniers  vers ,  qu'il  est  impossible 
de  rétablir.  La  restitution  qu'en  a  donnée  le  D.'  Young  est  tout-à- 
fait  hypothétique  :  pour  les  premiers  vers ,  elle  est  exacte  ;  il  y  a  quelques 
différences  dans  les  vers  j-j,  qu'il  faut  lire  ainsi  : 

SSS 


y_ 


>od  JOURNAi*DBS  SXVANS, 

>iiW«  TlvpetfûJhév  W»r  dm*  ilêÊf  nattes , 
otî  7*?  OtJhmJko  C&ivwnroï  mç  *m  feitou*, 
vrtf  Ji  d*2  Arro  srgptfisikir  myéowu^. 
....  7*&u<mv  Twm&piwtt  feiAor.  <&nttA*  {*\ 
y&inç  Alynrmo   (2)   ffi&quov  iyniifùL. 

«  ...;. .  Çç  voisin  que  les  dieux  ont  donné  aux  pyramides ,  n'est  point , 
»^otnme  àT^hèbés,  fe  sphinx  horpicide  cf (Edipe  \  c'est  fe  suivant  vénéré 
»  de  Ja  déesse  Latene,  c'est  le  râfdiep  du  désiré  et  boh'Osiris ,  roi 

*  1  ■  J^i  '     ^^      I*..'  i  *    '      '  '  I  B  a 

»  vénéré  de  la  terre  a  Egypte.  »  l 

»  Ainsi,  fq  possédant  cette  inscription,  le  musée  royal  égyptien 
possède  fln  des  doigts  du  grand  sphinx. 

T  f|jA  troisième  section,  intitulée  epigrammata  promiscua,  renferme 
tputes  les  inscriptions  Çui  ne  sor^t  ni  funéraires,  ni  dédicatoires ; 
M.  Velcker  y  a  réuni  .pruicipaleipçnt  des  hommages  religieux  ou 
7jyçcx¥*»'ff47*  ».  qui  peut-être  auroieitt  été'  aussi  bien  placés  dans  là 
précédente ,  .comme  l'inscription  dû  sphinx* 

La  première  est  l'oracle  copié1  à  rergame  par  M.  le  comte  de 
Y*du*,  et  dont  il  a  été  question  dans  ce  journal.  II  étoit  difficile  à  tire 
ex  à  comprendre,  et  aussi  intéressait  pour  le  fond  que  pour  tes  détails. 
Lgs  pfincîpales  des  autres  sont  dès  inscriptions  trouvées  en  Egypte  et 
en  Nubie ,  plusieurs  déjà  connues  et  expliquées  ;  par  exemple ,  une  de 
Philes,  expliquée  par  M.  Niebuhr  (3),  une  autre  de  la  même  jfe, 
expliquée  dans  les  Recherches  sur  l'Egypte  (4):  celle-ci  n'avoit  droit 
à  entrer  cfcns  le  recueil  de  M»  Velcker  que  parce  qu'elle  est  précédée 
<Tun  vers  ;  car  le  reste  est  bien  certainement  de  la  prose ,  et  je  ne  vois 
pas  pourquoi  M.  Welcker  a  disposé  les  deux  dernières  lignes  comme  s'il 
les  croyoit  des  vers.  Enfin  il  y  en  a  une  autre ,  rapportée  par  M.  Gau  et 
déjà  expliquée  dans  ce  journal  (  j  ) ,  de  même  que  deux  inscriptions  du 
temple  d'Hermès  à  Dekkeh  (6)  :  l'une  est  cette  inscription,  si  mutilée, 
d'un  stratège  venant  adorer  le  dieu.  M.  Welcker  a  reproduit  le  texte 
que  j'en  ai  donné.  Dans  les  deuxième  et  troisième  vers,  il  change  la 
ponctuation.  J'avois  lu  : 

• .  m  «fi  ,  ctr«£  Sr%*juJb(>  U  (mJ\uç 
Ahv*v*]r  (?)  7%  u*t*%v  ^H  A$dtl[wm  na-mç  >»*]• 
U  sépare  XruÇ  de  irûduJk ,  mais  à  tort ,  je  pense.  Une  nouvelle  copie  9 
plus  exacte  et  plus  complète  que  celle  de  M.  Gau ,  prise  par  M.  Ch. 

*— y#*l  11  11  ■  »    '      ■   \     ■■« 1.       H  ■'         "         "  "        •     '       '  * 

(l)  Yotwg  iWitf.  — (a)  Vouag  Aiytwéw.  — (3)  Gau,  Inscr.  nub.  XJI, 
».•  41.  —  (4)  Page  470- —  (j)  *8*j„  page  103.— (6)  1824,  P*g«  3°*- 
—  (7)  Trisyllabe  par  syoéirèse.  , 


AOUT  1830.  <  $07 

Lenormand ,  en  confirmait  pleinement  h  leçon  U  IhJhh  ,  donne  pour 
l'autre  vers. . .  .NTEMETAKTKAïAieion^N. . .  .epmh.  La  leçon  dés 
deux  vers  devient  ; 

an  Â9  cttct%  ^lAxie^f,  oç  fuJiac 
AïyuTrriaijf  7%  (têTctÇv  ^  Albion»*  [>»*},  Afpiiïm.  . 

Le  complément  de  jaJW  est  y#*,et  l'expression  yi  fct7«£v  Aiymém 
7%  *#  hibtoTWf  désigne  fa  mèpne  chose  que  hlylnmo  fwtfi»  &*  Atàuwv 
dans  une  autre  inscription  de  Dekkeh.  J'ajoute  qu'au  quatrième  vers  » 
la  leçon  %vx^H9  que  j'avois  proposée  pour  les  lettres  T<>.  •  .NOÇ,  est 
Confirmée  par  lai  nouvelle  copie ,  qui.  donne  XOMCNOc 
.  Les  quatre  dernières  inscriptions  de  cette  partie  sont  du  nombre 
de  celles  qui  ont  été  gravées  sur  le  colosse  de  Memnoa.  1/uue  d'elles  est 
l'Inscription  du  pt>ê.te  homérique  Arius  (car  c  e$t  Jà  sop  nom,  d'après  les 
copies  de  Sait,  et  non.  Argius)y  expliquée  et,  commenté?  dans  ce 
journal  (  1  )  ;  la  Seconde  a  été  déjà  expliquée  par  AL  Jacobs ,  dans  son 
Mémoire  sur  Mfemnon  :  de  la  troisième,  M*  VeJcfcer  ne  donne  que 
ce  seul  vers  Stiôr*™  *iî*7wp  iftfifXm  àfl/wtrof  l\to>  qui  e$t  en  effet 
dans  f  ouvrage .  <fo  JabJonslti  et  dans  la  Description  de  Thèbes;.  mais 
cette  ligne  évidemment  ne  tient  k  rien;  elle  se  trouve  au  milieu  de  deux 
autres  lignes  sur  la  copie  de  Pocockfc,  que  M*.  Jacobs  a  essayé ,  mois 
en  vain ,  de  restituer*  Ces  trois  lignes  sont  inséparables  >  et  il  faut  les 
lire  ainsi  : 

€i  {£&)  AoCiitSJjpfc  iXu/»y  vclv\t9  *oXo]wàr , 
StKni-rw  rt/*«wp  Ipèpir  ïm  h/Lijjûrwoç  ih&w* 
■  '  titXvor  iç  KflbwAof  (4)  *t*pç  0  e»G*fcfrfi  » 

Ce  Catulus  étoit  un  épistratége  d*  la  Thébajde*  ou  chef  militaire  et 
civil  de  la  haute  Egypte.  .  > . 

.  Enfin  la  quatrième  est  celle  qui  a  été  gravée  sur  la  face  sud  du 
piédestal,  et  qui  a  été  mise  à  découvert  par  les  savans  français  lors  de 
la  fouille  entreprise  pour  retrouver  le  sol  antique.  M.  Welçker  reproduit 
l'excellente  leçon  que  M.  fioissonade  a  donnée  des  quatre  premiers 
yers  (  $  ).  Une  autre  copie  de  Sait ,  qui  m'a  été  communiquée  ,  contenant 
quelques  traits  de  plus  que  celle  de  M.  Girard ,  m'a  fourni  te  moyen 
d'en  restituer  douze  vers;  et  au.  lieu  d'un  fragment  sans  suite,  on  a 


*^*n^^*+m 


(s)  i8*3vP*  7Ji-7î8*t-(2)  wertlweffceftimedensIIorMt^^i,nwAit, parce 
411e  cette  dfrpbthctaguc  exprime  ua  u  bréf ;  CatitUis ,'  Pesthumuf ,  Fùdeuf.  -<- 
(3)  Comment,  epigraph.  ad  caU  L.  H.  epist.,  p. 

$$$  2 


5*8  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

maintenant  Tune  des  plus  curieuses  de*  inscriptions  du  colosse  de 
Memnon  (i). 

Si  nous  n'avions  craint  de  rebuter  les  lecteurs  par  trop  de  discussions 
grammaticales ,  nous  aurions  pu  citer  bien  des  passages  où  ils  auroient 
pu  juger  par  eux-mêmes  des  heureux  résultats  de  (a  sagacité  de 
M.  Welcker:  le  peu  que  nous  en  àVoris  dit'  suffira,  nous  l'espérons, 
pour  lés  faire  apprécier/  La  même  raison  nous  empêche  de  le  suivre 
dans  sa  polémique  contre  M.  Hermann  :  le  litre  de  la  brochure  que 
notfs  avons  transcrit  en  tète  (  Exposé  'des  malheureuses  conjectures  du 
Pr.  Hermann) ,  n'annonce  pas  un  ton. de  discussion  bien  doux;  fe 
texte  répond  assez  bien  au  titre.  On  en  jugera  par  le  passage  où  il 
annôhce  <*  qu'il  a  prouvé  clair  comme  ie  jour  que  la  critique ,  en  fait 
»  d'inscription,  ne  sauroit  être  exercée  plus  de  travers  (nickt  verkekrter 
» ausgeufa  utierden  konnte)  qu'elle  ne  l'a  été  par  M.  Hermann  dans  la- 
»  dite  Récension  ;  que  cette  Récension  contient  plus  de  choses  incon- 
»  sidérées  (  Uebereilungen  ) ,  d'erreurs  et  d'inepties  {  Ungemmtheiten  ) , 
n  que  peut-être  aucun  philologue  n'en  poùrroir  réunir  à-la-fois  dans  un 
»  espace  aussi  jresSerré.  »  Le  reste  *est  plus  ou  moins  dans  ce  goût. 
M<  Wefcker  s'en  extuse,  et  se  rejette  sur  \*  partialité  de  son  critique, 
qui  aura  voulu  frapper  du  même-  coup  et  Fauteur  de  la  Trilogie 
d'Eschyle  et  l'éditeur  de  Pindaraf  I  est  vrai  que  M.  Hermann  n'a  pas 
été^parftitemerït  juste  envers  ce  dernier,  dans  sa  Récension  Aw  Corpus 
inscriptionum ,  quoiqu'il  soit  plus  que  personne  en  état  d'apprécier  fe 
mérite  de  cet  ouvrage  colossal,  véritablement  hors  de  ligne  ,  par 
l'immensité  des  matériaux  qu'il  réunit,  par  la  profondeur  de  critique 
de  son  auteur ,  qui  embrasse ,  avec  un  succès  égal ,  toutes  les  branches 
de  la  philologie  grecque.  Je  ne  connois  la  Récension  que  M.  Her- 
mann a  faite  du  Sylloge  de  M,  Welcker ,  que  par  les  extraits  que 
celui-ci  en  a  donnés  ;  ils  suffisent  pour  montrer  que  la  discussion  des 
inscriptions  grecques  n'est  pas  aussi  familière  à  l'illustre  auteur  des 
Elementa  doctrinœ  metrica  que  celle  des  anciens  poètes.  Qu'on  me  per- 
mette de  borner  là  mes  observations.  Mais  je  ne  puis  m'empêcher  de 
manifester,  en  terminant,  le  regret  de  voir  un  homme  que  la  finesse 
de  son  esprit  autant  que  la  profondeur  de  son  savoir  rendent  si  bien 
fait  pour  apprécier  le  mérite  des  autres,  se  mettre  à  poursuivre  des 
philologues  si  distingués,  de  critiques  dont  le  moindre  défaut  est  de 


\ 


(i)  Mon  mémoire  sur  tontes  les  inscriptions  de  Memnon  s'imprime  en  ce 
moment  dans  le  tome  II  des  Transactions  de  la  Société  royale  de  littérature 
de  Londres. 


AOUT  1830.  509 

n'être  pas  toujours  justes,  au  Heu  de  s'unir  avec  eux  par  les  liens  de  cette 
bienveillance  mutuelle  si  profitable  aux  progrès  de  la  science.  Les 
hommes  comme  lui,  capables  de  ces  recherches  profondes  et  con- 
sciencieuses qui  seules  peuvent  en  reculer  les  bornes,  devroient  réserver 
leurs  forces  pour  ces  honorables  et  utiles  travaux.  Tout  au  plus  doivent- 
ils  s'en  laisser  distraire  de  temps  en  temps  pour  rendre  aux  lettres  le 
service  de  démasquer  l'ignorance  présomptueuse»  la  médiocrité  intri- 
gante ou  le  charlatanisme  protégé ,  et  de  défendre  le  mérite  contré  les 
jugemens  intéressés  des  coteries. 

LETRONNE. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES, 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 


(  Suite  des  prix  proposés  par  l'Académie  des  sciences). 

V.  Prix  de  physiologie  expérimentale  fondé  par  M.  de  Montyon  :  une  me» 
daille  d'or  de  ia  valeur  de  896  fr.  sera  décernée,  le  premier  lundi  de  juin 
1831,  à  l'ouvrage  imprimé  ou  manuscrit  qui  aura  le  plus  «contribué  aux 
progrès  de  la  physiologie  expérimentale. 

VI.  Prix  de  mécanique  fondé  par  M.  de  Montyon ,  médaille  d'or  de  500  fr, , 
pour  l'invention  ou  le  perfectionnement  des  machines  ou  instrumens  utiles 
aux  progrès  de  l'agriculture,  des  arts  et  des  sciences.  Les  ouvrages,  modèles, 
appareils,  &c. ,  doivent  être  envoyés  avant  le  i.cr  janvier  1831. 

VII.  Prix  de  statistique  fondé  par  M.  de  Montyon  :  l'Académie  considère 
comme  admis  à  ce  concours  les  mémoires  manuscrits  qui  lui  sont  envoyés  avant 
le  même  i.er  janvier,  et  les  ouvrages  imprimés  dont  on  lui  donne  conoois- 
sance. 

VIII.  Question  de  médecine  :  «  Déterminer  quelles  sont  les  altérations  physi- 
»  ques  et  chimiques  des  organes  et  des  fluides,  dans  les  maladies  désignées  sous 
»  le  nom  de  fièvres  continues  ;  quels  sont  les  rapports  qui  existent  entre  les  mala- 
»  dies  et  les  altérations  observées  ;  insister  sur  les  vues  thérapeutiques  qui  se  dé- 
»  duisent  de  ces  rapports.  » 

IX.  Question  de  chirurgie.  «  Déterminer ,  par  une  série  de  faits  et  d'observa- 
tions authentiques,  quels  sont  les  avantages  et  les  inconvénients  des  moyens 
»  mécaniques  et  gyranastiques  appliqués  à  la  cure  des  difformités  du  système 
^osseux.  » 


5io  JOURNAL  DÈS  SAVANS, 

:  m  Désirant  qae  cette  question  »  d'une  utilité  pratique  et  immédiate  >  toit 
résolue  aussi  complètement  qu'il  est  possible,  l'Académie  demanda  aux  conçu*» 
rçns:  i.°  la  description  générale  et  anatomique  des  principales  difformités  qui 
peuvent  affecter  la  colonne  vertébrale,  le  thorax,  le  bassin  et  les  membres; 
2.*  les  causes  connues  ou  probables  de  ces  difformités ,  le  mécanisme  suivant 
lequel  elles  sont  produites,  ainsi  que  l'influence  qu'elles  exercent  sur  les  fond- 
rions et  particulièrement  sur  la  circulation  du  sang,  la  respiration,  ife 
digestion  et  les  fonctions  du  système  nerveux;  3.0  de  désigner  d'une  manière 
précise  celles  qui  peuvent  être  Combattues,  avec  espoir  de  succès.,  par  l'emploi 
aés  moyens  meta  niques,  celles  qui' doivent  l'être  par  d'autres  moyens,  enfin 
celles  qu'il  seroit  inutile  ou  dangereux  de  soumettre  à  aucun  genre  de  traite- 
ment; 4-*  de  faire  connoître  avec  soin  les  moyens  mécaniques  qui  ont  été 
employés  jusqu'ici  pour  traiter  les  difformités ,  soit  du  tronc ,  soit  des  membres , 
en  insistant  davantage  sur  ceux  auxquels  la  préférence  doit  être  accordée.  La 
description  de  ces  derniers  sera  accompagnée  de  dessins  détaillés  ou  de  modèles, 
et  leur  manière  d'agir  devra  être  démontrée  sur  des  personnes  atteintes  de 
difformités.  Les  concurrent  devront  aussi  établir,  par  des  faits  les  améliorations 
obtenues  par  les  moyens  mécaniques,  non -seulement  sur  les  os  déformés ,  mais 
sur  les  autres  organes  et  sur  leurs  fonctions,  et  en  premier  lieu  sur  le  cœur,  le 
poumon,  le  système  digestif  et  le  système  nerveux.  Us  distingueront,  parmi  les 
cas  qu'ils  citeront,  ceux  dans  lesquels  les  améliorations  ont  persisté,  ceux  où 
elles  n'ont  été  que  temporaires,  et  ceux  dans  lesquels  on  a  été  obligé  de  sus- 
pendre ou  d'abandonner  le  traitement,  à  raison  des  accidens  plus  ou  moins 
S  raves  qui  sont  survenus.  Enfin  la  réponse  à  la  question  devra  mettre  l'Aca- 
émie  dans  le  cas  d'apprécier  à  sa  juste  valeur  l'emploi  des  moyens  mécaniques 
et  gymnastique*  proposés  pouf  combattre  et  guérir  les  diverses  difformités  du 
système  osseux.  « 

*  La  valeur  de  chacun  de  ces  deux  derniers  prix  (  VIÏI  et  IX  )  dé  médecine 
et  de  chirurgie',  sera  de  6,000  fr.  Les  mémoires  devront  être  remis  au  secrétariat 
de  l'Institut  avant  le  i.er  janvier  1832. 

L'Académie  française  a  tenu  sa  séance  publique  ordinaire  le  2j  août. 
M.  Parseval-Grandmaison  a  prononcé,  en  qualité  de  président  ou  directeur, 
un  discours  sur  les  prix  de  vertu ,  qui  ont  été  distribués  comme  il  suit  :  à 
Simon  Albouy,  de  Rodez,  4°°  fr*'>  à  la  demoiselle  Barreau,  de  Cahors, 
3,000  fr.;  à  la  veuve  Meyer,  de  Béfort,  3,000  fr.;  à  seize  autres  personnes, 
seize  médailles  de  600  fr.  chacune:  total  19,600  fr.,  provenant  de  l'une  des 
fondations  Montyon. 

Quinze  mille  francs  provenant  des  libéralités  du  même  fondateur,  ont  été 
employés,  par  l'Académie  française,  à  soulager  les  veuves,  les  orphelins  et  les 
blessés  victimes  des  journées  des  27 ,  28  et  29  juillet. 

Les  prix  Montyon  destinés  aux  ouvrages  les  plus  utiles  aux  moeurs,  ont  été 
décernés  dans  cet  ordre  :  premier  prix  (  8,000  fr.  )  à  M.  Say ,  auteur  d'un  Cours 
complet  d'économie  politique  pratiques  deuxième  prix  (6,000  fr, )  à  M.  Ch. 
Lucas,  pour  son  livre  sur  le  Système  pénitentiaire  en  Europe  et  aux  Etats-Unis  ; 
troisième  £rix  {3,000  fr.)  à  M,  Norvins,  pour,  un  poëme  iixt  f  Immortalité  de 
Vame  ;  quatrième  prix  (2,000  fr.  )  à  M.  Alissan  Chazet,  pour  un  ouvrage 
intitulé  Des  abus ,  des  lois  et  des  mœurs,  précédé  d'une  Vie  de  Aï.  de  Montyon. 


,    AOUT   1830.  jii 

C'est  de  ce  même  bienfaiteur  que  proviennent  les  10,000  fr.#  valeur  d'un  prix 
proposé  dès  1827  Pour  1829,  et  qui  n'a  point  encore  été  décerné.  Le  sujet  est 
énoncé  en  ces  termes:  De  la  charité,  considérée  dans  son  principe,  dans  ses 
applications,  et  dans  son  influence  sur  les  mœurs  et  sur  l'économie  sociale.  Les 
ouvrages  destinés  à  ce  concours  devront  être  envoyés  avant  le  i.eT  février 
183 1  ;  ils  ne  seront  point  rendus  aux  auteurs  ,  qui  auront  seulement  la  faculté 
d'en  faire  prendre  des  copies.  Chaque  manuscrit  portera  une  épigraphe,  répétée 
sur  un  billet  cacheté  où  sera  le  nom  de  l'auteur,  qui,  dit  le  programme,  ne  doit 
point  se  faire  connoïtre.  Ces  dispositions  sont  communes  aux  concours  dont  les 
annonces  vont  suivre. 

Prix  d'éloquence:  l'Éloge  de  Lamoignon  Malesherbes;  sujet  remis  an 
concours  pour  1 83 1 ,  aucun  des  ouvrages  présentés  en  1 830  n'ayant  pleinement 
satisfait  l'Académie,  qui  toutefois  a  distingué  le  n.°  8,  portant  pour  devise  ? 
incorrupta  fides  nudaque  veritas. 

Prix  de  poésie  :  la  Gloire  littéraire  de  la  France.  Le  genre  et  la  forme  du  poëme 
sont  laissés  au  choix  des  concurrens.  «  Notre  langue  a  depuis  long-temps , 
»>  dit  l'Académie  française,  l'honneur  d'être,  en  quelque  sorte ,  la  langue  uni- 
»  verselle  de  f  Europe:  cet  avantage  lui  appartenoit  dès  le  xi.c  et  le  xil.e  siècle; 
»  elle  Ta  toujours  conservé ,  et  même  il  n'a  pas  cessé  de  s'accroître.  Le  siècle 
»  ouvert  par  Corneille  a  répandu  notre  idiome  et  notre  littérature  dans  tout  le 
»  monde  civilisé:  par-tout  on  a  imité  nos  poëtes,  traduit  nos  auteurs.  Le 
w  siècle  de  Voltaire  a  encore  ajouté  à  notre  gloire  littéraire;  Montesquieu, 
i»J.  J.  Rousseau  et  plusieurs  autres  écrivains  français  du  xyni.e  siècle,  ont 
»  préparé,  secondé  ce  grand  mouvement  des  peuples  vers  un  meilleur  ordre  de 
»  choses  en  politique  et  en  morale.  Toutefois  quelques  étrangers  se  sont  élevés 
»  contre  cette  grande  renommée  littéraire,  et  malheureusement  ils  ont  trouvé 
»  en  France  même  des  auxiliaires;  ils  ont  particulièrement  attaqué  la  gloire  de 
»  notre  théâtre  tragique,  se  figurant  sans  donte  que,  s'ils  parvenoient  à  enlever 
»  ce  poste  important ,  ils  pourraient  se  rendre  les  martres  et  se  proclamer  les 
»  vainqueurs  de  tout  le  parnasse  français.  Il  s'agit  de  s'opposera  cette  invasion, 
»qui  a  quelque  chose  de  barbare;  de  combattre  pour  nos  autels  et  pour  nos 
»  foyers.  L'Académie  propose  à  nos  poëtes  de  traiter  un  sujet  qui  semble 
»  appeler  leur  patriotisme  et  leur  talent ,  comme  étant  tout-à-la-fbis  national 
»  et  littéraire.  »  Ce  concours  ne  sera  fermé  que  le  1 5  mai  1 83 1. 

En  1832,  l'Académie  décernera  un  prix  extraordinaire  de  io,joo  francs 
(Montyon)  k  l'auteur  qui  aura  le  mieux  exposé  l'influence  des  lois  sur  les 
mœurs,  et  Vinfluence  des  mœurs  sur  les  lois.  Ce  sujet  étoit  proposé  pour  1830: 
un  seul  ouvrage  a  mérité  une  mention  honorable;  c'est  le  n.°  5,  ayant  pour 
épigraphe  ces  mots  extraits  des  Mémoires  de  Sully:  Si  j'avois  un  principe  à 
établir,  ce  seroit  celui-ci,  que  les  bonnes  mœurs  et  les  tonnes  lois  se  forment 
réciproqL  ement. 

Après  l'annonce  des  prix  décernés  et  proposés,  M  •  Andrieux  a  lu  un  poëme 
intitulé  l'Enfance  de  Louis  XII  et  quelques  traits  de  sa  vie/  M.  Leraercicr ,  un 
poëme  lyrique,  ayant  pour  titre  le  Triomphe  national.  Le  recueil  de  tout  ce 
<jui  a  été  lu  en  cette  séance  a  été  imprimé  chez  M.  Firmin  Didot ,  35  pages 

L'Académie  française  a  perdu  fun  de  ses  plus  anciens  membres,  M.  le 


Ïi2  JOURNAL  DES  SAVANS. 

comte  de  St'gur,  aux  funérailles  duquel  des  discours  ont  été  prononcés  par 
MM.  Parseval-Grandmaison  et  Arnault. 

M.  Parseval.  «  Pressé  du  besoin  d'exprimer,  au  nom  de  l'Académie,  le* 
regrets  que  lui  Inspire  la  mort  de  notre  illustre  confrère,  je  viens  Taire  à  sa 
dépouille  mortelle  un  triste  et  dernier  adieu.  Naguère  encore,  il  sembloit 
nous  annoncer  ce  fatal  instant  .quand  nous  lui  donnions  son  fils  pour  collègue, 
«t  qu'if  nous  disoit  d'une  voix  émue,  que  nous  venions  d'embellir  ses  derniers 
jours,  ne  pouvant  en  reculer  le  terme  très-prochain.  Ces  paroles ,  les  derniètes 
qu'il  a  prononcées  parmi  nous,  et  que  les  anciens  eussent  appelées  novissi  m  a 
verba,  nous  parurent  un  douloureux  présage  de  la  triste  cérémonie  qui  nous 
rassemble. ...» 

M.  Arnault.  «  C'est  par  les  qualité»  de  l'esprit  qu'un  littérateur  se  fait 
rechercher;  c'est  par  les  qualités  du  cœur  qu'il  se  fait  regretter.  Comme 
celui  dont  nous  accompagnons  ici  les  restes,  quand  un  académicien  meurt 
après  avoir  glorieusement  fourni  une  longue  carrière  ,  le  charme  de  son  talent 
n  est  par  mort  pour  la  société  ;  elle  le  retrouve  dans  des  écrits  qui  survivent 
à  leur  auteur.  Il  n'en  est  pas  ainsi  du  charme  de  son  caractère  ;  il  s'est  évanoui 
tout  entier  avec  lui,  et  ce  n'est  que  par  le  désespoir  de  n'en  plus  jouir  qu'il  est 
rappelé  à  la  mémoire.  Tel  est  le  sentiment  que  nous  éprouvons  sur-tout  au 
bord  de  cette  tombe,  prête  à  se  refermer  suri  un  des  hommes  les  plus  sociables 
qui  aient  siégé  parmi  nous.  » 

Nota.  On  peut  s' adresser  h  la  librairie  de  M.  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la 
Harpe ,  n,'  8t ,-  et  à  Strasbourg ,  rue  des  Serruriers,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savans.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et 
le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE. 


Bibliothèque  choisie  des  Pires  de  l'église  grecque  et  latine  ,  ou  cours 
d'éloquence  sacrée,  par  M.  Afaric-Nicolas-Sitvestre  Cuillon. 
(  Troisième  article  de  AI.  Raynouard.) Pag.  4$'  ■ 

Notice  sur  lesvases  et  objets  antiques  d'argent  trouvés  près  de  Bernay. 

{Second  article  de  AI.  Raoul- Kochette.) 4î9- 

Chefs-d'œuvre  du  théâtre  indien  ,  traduits  de  l'original  sanscrit  en 
anglais,  par  A4.  H.  H.  IPitson  ,  et  de  l'anglais  en  français  ,  par 
M.  Langlois.  (Second  article  de  M.  Abel-Kémusat.  ) 473. 

Les  Voyages  de  Afaca'tre ,  patriarche  d'Anûoche,  mis  par  écrit  en 
arabe,  par  l'archidiacre  Paul  d'Alcp.  (Article  de  M.  Silvestre 
de  Sacy.) 487. 

Sylloge  epigrammatum  veterum ,  ex  marmoribus  et  libris ,  colltgit  et 

illustravit  Fr.  Th.   Welckcr,  (  Article  de  M,  Letronne.) 499- 

Nouvelles  littéraires 509. 

FIN    DE    LA   TABLE. 


JOURNAL 


DES   SAVANS. 


SEPTEMBRE     1830. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 

,1830. 


Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  40  fr.  par  la  poste,  hors  de  Paris.  On  s'abonne ,  à  la  maison  de 
librairie  L&VRAULT,  à  Paris,  rue  de  la  Harpe,  n.°  85  ;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouvea ux,  les  lettres ,  avis ,  mémoires,  &c. ,  qui 
peuvent  concerner  LA  rédaction  de  ce  journal ,  doiyent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans,  à  Paris,  rue  de 
Ménil-montant ,  n.°  22. 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 

SEPTEMBRE    1830. 


L'Ilia  de  ,  traduction  nouvelle  en  vers  français  ,  précédée  d'un 
Essai  sur  l'épopée  homérique ,  par  A.  Bignan.  Paris,  Belin- 
Mandar,  libraire,  rue  Saint-André-des-Arics,  n.°  55  , 
2  vol.  in-8.° ,   1830. 

* 

I L  est  permis  de  cr&ire  qinl  est  plus  aisé  de  traduire  les  vers 
d'Homère  que  ceux.de  Virgile:  l'Iliade  laisse  à  ses  traducteurs  plus  de 
latitude  que  l'Enéide  n'en  permet  aux  siens;  la  poésie  simple  et  majes- 
tueuse d'Homère  ne  réunit  pas  en  aussi  grand  nombre  que  les  vers 
élégamment  travaillés  de  Virgile ,  ces  beautés  de  détail  qui  exigent  tant 
d'art,  de  soins  et  de  talent,  pour  être  reproduites  dans  nos  langues 
modernes.  Les  images  du  poSte  grec ,  presque  toujours  vulgaires  , 
appartiennent  sur- tout  h.  la  nature  physique;  ses  épithètes  n'ajoutent  le 
plus  souvent  que  des  idées  matérielles;  enfin  on  trouve  rarement  dans 
l'Iliade  ces  habiles  alliances  de  mots,  ces  expressions  créées,  ces  traits 
hardiment  poétiques,  qui  font  le  charme  des  lecteurs  de  Virgile. 

Toutefois ,  si  cette  simplicité,  je  dirois  presque  cette  nudité  de  style, 
autorise  suffisamment  le  traducteur  moderne  à  ajouter  quelques  déve- 
loppemens  à  la  pensée  ou  à  l'image .  grecque ,  une  pareille  faculté 
devient  un  écueil  dangereux;  car  il  faut  qu'on  *oit  sans  cesse  en  garde 
pour  rejeter  tous  les  ornemens  de  i^tyle  contraires  au  génie  de  la 
langue  originale;  et  plus  on  a  de  talent,  plus  il  est  difficile  de  ne  pas 
mettre  l'esprit' de  nos  langues  modernes  à  la  place  de  la  belle  simplicité 
homérique.  M.  Higran  m'a  paru  manquer  quelquefois  h  cette  règle  de 
convenance  littéraire.  Je  me  bornerai  h  lui  indiquer  quelques  passages 
de  sa  traduction,  et  je  ne  doute  pas  qu'il  ne  reconnoisse  lui-même  la 


nécessité  de  le*  corriger. 


Ttt    2 


5i6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Dans  le  livre  ni ,  v.  22 1 ,  il  peint  ainsi  Ulysse  : 

Sans  remuer  son  sceptre,  il  sembloit  dans  son  ame 

D'un  stupide  courtoux  nourrir  la  sombre  flamme  ; 

Enfin  sa  grande  voix ,  s'échappa  ru  de  son  sein, 

De  ses  rapides  mots  faisoit  voler  fessai  m.  . 

Homère  n'a  rien  dit  qui  permît-  d'employer  la  figure  de  Tessaim  des 
mots  ;  maïs  seulement 

c<  Mais  lorsqu'il  lançoit  de  son  sein  sa  forte  voix.  » 
Au  commencement  du  livre  xvi ,  v.  8. 

'  Tu  pleures  ;  comme  on  voit,  près  de  sa  tendre  mère , 
La  fille  -qu'à  son  sein  elle  vient  d'arracher, 
Se  suspendre  à  son  voile,  à  ses  pas  s'attacher, 
Et ,  vers  elle  tournant  des  yeux  baignés  de  larmes ,  • 
Du  baiser  maternel  redemander  les  charmes. 

• 

Je  ne  ferai  qu'indiquer  fe  contre-sens  du  second  vers.  M.  Bignan  sup- 
pose que  la  mère  a  arraché  son  enfant  à  son  sein,  tandis  qu'Homère 
dit  seulement. 

.  .  .  iff ta<suL  pwrfi  ùiovr  avtXijùeti  ajùoyit. 

La  fille  ,  courant  avec  sa  mère ,  demande  qu'elle  la  prenne  dans  ses 
bras.  »  Mais  rien  n'indique  les  expressions  si  modernes  et  si  peu 
homériques  : 

Du  baiser  maternel  redemande  les  charmes. 

Dès  le  premier  chant,  il  dit,  en  parlant  du  père  de  Chiyséis  : 

Pour  racheter  sa  fille,  aux  vaisseaux  de  la  Grèce 
Chry«ès  avoh  tramé  sa  plaintive  vieillesse* 

L'original  ne  fournit  pas  ce  dernier  vers ,  dont  l'expression  est  plus 
latine  que  grecque  ou  française. 

Plus  bas  je  puis  faire  la  même  observation  sur  le  second  vers  : 

Déjà,  pendant  neuf  jours,  sur  le  champ  désoé, 
Ues  flèches  d'Apollon  le  courroux  a  volé. 

L'original  porte  seulement  :  «  les  flèches  du  dieu ,  pendant  neuf  jours , 
»  volent  sur  l'armée.  » 


«c 


SEPT-EMBRÉ  1830.  317 

Err>f^utfp  (lit  ara,  ç-parnp  «Jfcrro  *ÏA*  Stoîo. 

J'ai  insisté  sur  ce  point  de  discussion  littéraire ,  moins  pour  faire  la 
critique  des  vers  de  M.  Bignan  ,  que  pour  rappeler  un  principe  qui  est 
peut-être  trop  méconnu  (1).  J'avoue  qu'il  est  très-difficile  d'assouplir 
assez N  habilement  notre  langue  pour  reproduire  avec  élégance  la  sim- 
plicité originale.  La  langue  allemande  et  la  langue  italienne  fournissent 
beaucoup  plus  de  ressources  aux  traducteurs  des  anciens  classiques  : 
on  cite  pour  l'allemand  la  traduction  de  Voss  ;  Maffei  avoit  rendu  en 
vers  blancs  le  premier  chant  de  l'Iliade ,  et  chaque  vers  de  sa  traduc- 
tion est  exactement  calqué  sur  l'original  (a). 

Cependant  le  caractère  dominant  de  la  traduction  de  M.  Bignan  est 
une  exactitude  aussi  sévère  qu'elle  peut  l'être  en  poésie,  jointe  à 
une  élégance  presque  continue  ;  on  ne  peut  disconvenir  que ,  sous  ce 
rapport ,  il  n'ait  surpassé  les  auties  littérateurs  qui  avoiènt  tenté  de 
reproduire»  en  tout  ou  en  partie»  l'Iliade  en  vers  français. 

On  admire  quelquefois  dan*  Homère  l'adresse  de  placer  à  la  fin  de 


(})  Ce  n'tst  pas  qu'Homère  n'anime  quelquefois  son  style  en  donnant  des 
épithètes  morales  à  des  objets  matériels  ;  ainsi,  au  XV.e  livre,  v.  542,  de  l'Iliade, 
il  dit  :  «  le  dard  courroucé  perce  le  sein.  » 

Maïs ,  outre  qu'il  emploie  rarement  ces  sortes  de  figures,  je  crois  qu'il  n'auroit 
pas  dit  le  courroux  JLu  DARD.  Aussi  M.  Bignan  a-t-il  traduit  : 

Il  le  blesse  à  l'épaule  ,  et  l'airain  furieux 
Dans  sa  large  poitrine  entre  victorieux.  * 

(2)  En  voici  les  premiers  vers ,  qui  permettront  de  juger  du  reste  : 

Canta  lo  sdegno  del  Peliade  Achille , 
O  dhra ,  atroce  sdegno ,  che  infiniti 
Produsse  aftànni  a*  Greci ,  e  motte  ancora 
Anzi  tempo  a  Plutone  anime  forti 
Mandù  d'eroi ,  e  d'essi  pasto  a  i  cant 
Fcce  e  agi!  augclli.  Ma  cosi  di  Giove 
Adempieosi  il  consigiio. 

• 

Si  j'avois  à  comparer,  sous  le  rapport  de  l'exactitude  de  la  traduction,  ces 
vers  avec  la  plupart  des  traductions  en  vers  de  l'Iliade,  je  ferois  remarquer  qu'il 
n'y  a  pas  un  mot  de  l'o  iginal  qui  ne  soit  reproduit  par  Maffei.  On  trouve 
Achille  fils  de  Ptlée,  l'envoi  des  héros  à  Pluton  avant  le  temps  marqué  par  les 
destins ,  circonstance  presmie  impossible  à  rendre  en  yen  français  avec  élé- 
gance et  sur-tout  san*  une  longue  périphrase. 


V 


m 


Ïi8  JOURNAL  DES  6AVANS, 

son  récit  le  mot  qui  donne  une  orCe  nouvelle  il  la  phrase  qu'il  termine. 
A  ce  sujet ,  je  cite  avec  plaisir  es  vf:T$  du  vi.c  chant  ,  que  M.  Bignaa 
a  traduits  aimr  : 

Dans  les  rangs  ennemis ,  on  char  au  vol  rapide 

A  ses  regards  présente  un  héros  intrépide,  • 

Hector.  , 

• 

Cette  coupe  de  phrase,  qui  rejette  le  mot  Hfxtor  au  commencement 
du  troisième  vers ,  rend  d'une  manière  harmonieusement  poétique  la 
beauté  de  l'original  :  de  telles  formes ,  employées  à  propos ,  réussissent 
toujours ,  parce  qu'elfes  présentent  un  heureux  accord  de  l'harmonie 
et  de  l'image  ;  mais  ce  sont  des  exceptions  qui ,  hasardées  sobrement , 
apportent  à  l'oreille  une  sensation  agréable ,  et ,  prodiguées  sans  motif, 
fatiguent  et  indisposent  le  lecteur.  Parmi  les  divers  traducteurs  qui  ont 
eu  à  rendre  cette  beauté  de  détail ,  je  rapporterai  la  traduction  de  M,  lie 
Rochefort,  qui  paroît  ne  s'être  pas  douté  qu'il  eût  &  s'emparer  d'un 
effet  poétique  :        • 

Quand ,  chassant  dans  la  plaine  une  foule  craintive , 
Sur  un  char  teint  de  sang  soudain  Hector  arrive. 

Le  mot  ?rip ,  qui  termine  la  belle  description  du  xx/  livre  que  Lohgxn 
a  citée  et  que  Boileau  a  traduite  ,  commençant  par  ces  vers  : 

L'enfer  s'émeut  au  bruit  de  Neptune  eh  furie,  &c. 

et  terminée  par  ceux-ci  : 

Ne  découvre  aux  vivans  cet  empire  odieux, 
Abhorré  des  mortels  et  craint  même  des  dieux. 

n*a  pas  été  reproduit  par  M.  Bignan.  Dans  Boileau,  MÊME  des  dieux 
ne  rend  que  foiblement  l'idée  d'Homère ,  qu'on  pourroit  traduire  des 
DIEUX ,  tout  duux  qu'ils  sont,  tout  immortels  quVs  sont>  ou  tout  au 
moins,  des  dieux  eux-mêmes.  MM.  de  Rochefort  et  Aignan  avoient 
conservé  ,  avec  quelques  corrections ,  dans  les  premiers  vers ,  la  traduc- 
tion de  Boileau  et  le  vers  qui  la  termine  : 

Abhorré  des  mortels,  et  craint  même  des  dieux. 

M.  Bignan,  quf  a  tenté  de  lutter  contre  la  traduction  de  Boileau ,  ne 
I'a-t-il  pas  aî!oiLIie! 

Ne  dévoile  aux  vivans  cet  empire  des  ombres 
Empire  dé  o!é,  redoutable,  odieux, 
Maudit  par  les  mortels,  abhorré  par  les  dieux. 


9      #     SEPTEMBRE  1830.  51^ 

Que  devient  le  *ip  qui  est  dans  Homère  un  large  coup  de  j>fticeau  (1  ). 

Pour  faire  connaître  le  genre  de  mérite  de  la  traduction  et  des  vers 
de  M.  Bignan  ,  je  choisirai  principalement  les  passages  dont  les  traduc- 
tions furent  présentées  en  1776  et  en  1778  au  concours  de  poésie  de 
l'Académie  française.  Dans  celui  de  1 776,  l'Académie  avoit  laissé  au  gré 
de£  auteurs  la  traduction  en  vers  alexandrins  d'un  fragment  de  l'Iliade. 
Le  prix  fut  partagé  entre  MM.  Gruet  et  André  de  Merviile,  qui  s'étoient 
exercés  l'un  et  l'autre  sur  les  adieux  d'Hector  et  d'Andromaque.  Les 
adieux  d'Hector  et  d'Andromaque  ont  l'avantage  de  fournir.*- la-fois  le 
dramatique  et  le  pittoresque ,  et  un  bon  traducteur  peut  faire  preuve 
d'un  talent  varié. 

La  traduction  de  M.  Bignan  m'a  paru  élégamment  poétique  ;  \l  a 
conservé  la  couleur  originale,  et  je  lui  ai  su  gré  d'avoir  interverti  l'ordre 
des  Vers  "d'Homère ,  qui  peignent  le  jeune  Astyanax  se  rejetant  au  sein 
de  sa  nourrice  : 

Le  jour  vient,  je  le  sent  dans  le  fond  de  mon  ame, 
Où  tomberont  les  murs  de  la  sainte  Pergame; 
Où  Priam  et  son  peuple,  Hpcube  et  ses  enfans, 
Périront,  égorgés  par  les  Grecs  triomphans  ; 
Où ,  vaillans  et  nombreux  ,  nies  trop  malheureux  frères 
Céderont  la  victoire  à  des /nains  étrangères. 
Eh  bien  !  tant  de  revers  m'inspirent  moins  d'effroi 
Que  l'image  des  maux  accumulés  sur  toi, 
Lorsque  biegtôt,  pleurant  ta  liberté  chérie, 
Par  un  Grec  arrachée  à  ta  douce  patrie , 
Tu  viendras,  sous  les  lois  d'une  femme  cTArgos/  . 
Captive ,  ourdir  Ja  toile  et  tournef  les  fuseaux .... 
Ah!  qu'en  ses  flancs  profonds  la  terre  m'engloutisse , 
Avant  que  jusqu'à  moi  ta  douleur  retentisse! 
A  ces  mots,  le  guerrier ,  doucement  attendri, 
.  •      S'apgroche ,  étend  les  bras  vers  son  enfant  chéri; 
Mais  du  casque  d'airain  l'aigrette  frémissante 
Sur  la  tête  d'Hector  t'agite  menaçante; 
Au  sein  de  sa  nourrice  alors  l'enfant  craintif 
Se  rejette,  et  sa  bouche  exhale  un  cri  plaintif. 


MM 


(1)  Cesarotti  semble  n'avoir  pas  senti  l'original,  lorsqu'il  a  traduit 

■  <        ■  < 

I  ruggmosi  suoi  «quaîlîdi  âlhetghi 
Abbominio  dcl  ciefo  ,  orrtir  dei  mondo. 


V- 


jio  JOURNAL-DES  SAVANS,     ' 

Pour  les  yeux  maternels  ce  spectacle  a  des  charmes  ;  ~ 

Hector  même,  en  voyant  ses  naïves  alarmes,  • 

Sourit,  et  devant  lui  dépose,  au  même  instant ,  » 

Le  casque  surmonté  du  panache  éclatant; 

11  soulève  son  fils ,  le  contemple ,  et  l'embrasse  : 

«  Jupiter,  et  vous,  dieux!  protecteurs  de  ma  race!  &c.  » 

Si  toute  la  traduction  étoît  écrite  de  ce  style ,  elle  sertit  presque  digne- 
d'éloges  sans  restriction.  Sans  doute  la  citation  dé  ce  fragment  donne 
une  idée  avantageuse  du  talent  de  M.  Bignan;  mais  j'y  remarque  sur- 
tout {Interversion  des  vers  d'Homère ,  dont  j'ai  déjà  parlé.  M.  de  Roche- 
fort  avoit  fendu  ainsi  f  original  : 

Hector  étend  ses  bras ,  s'avance  vers  son  fils;'  • 

Mais  Tentant  s'épouvante ,  il  pousse  de  grands  cris  ; 

Au  sein  de  sa  nourrice  il  se  prçsse  et  se  cache; 

II  frémif  à  l'aspect  du  terrible  panache 

Pont  l'aigrette  superbe  et  les  touffes  de  crin 

S'élèvent  en  flottant  sur  le  casque  d'airain,  *    . 

L'époux,  en  regardant  son  épouse  plaintive, 

Avec  elle  sourit  de  sa  frayeur  naïve.  ^  •  •  • 

Aussitôt,  découvrant  son  front  majestueux, 

Hector  pose  à  l'écart  son  casque  radieux  ;  # 

11  retourne  à  son  fils,  l'embrase,  le  caresse. 

Si  le  traducteur  conserve  Tordre  des  *ers  <THdïnère,  qui  fait  rejeter 
au  sein  de  sa  nourrice  le  jeune  Astyanax  au  moment  où  Hector  lui 
tend  les  bras ,  on  éprouve  un^premier  sentiment  pénible ,  en  songeant 
que  le  fils  d'Hector  repousse  les  caresses  de  son  père,  puisque  Homère 
n'indique  la  cause  du  mouvement  de  l'enfant  effrayé  qu'après  qu'H  s'est 
caché  au  sein  de  sa  nourrice.  L'explication  tardive  ne  conviendroit  pas 
à  une  composition  moderne,  et  Ton  doit  savoir  gré  au  traducteur  qui 
a  mis  sur  le  premier  plan  cMju'Homère  n'avoit  placé  tpi'au  fond  du 
tableau. 

Hugues  Salel,  qui,  dans  la  seconde  moitié  du  XV.e  siècle,  avoit 
publié  une  traduction  des  onze  premiers  chaiits  de  l'Iliade ,  s'exprime  en 
ces  termes. 

Tendit  les  mains  pour  avoir  en  ses  bras 
Son  petit  fils,  poupin  douillet  et  gras; 
Lequel ,  voyant  Tarmet  et  le  penntge 


SEPTEMBRE  1830.  s** 

Horrible  et  fier ,  soudain  tourne  visage, 
Pleure,  et  s'escrie,  et  sa  nourrice  appelle, 
Baissant  le  chef  sur  sa  ronde  mammelle. 

II  est  remarquable  que ,  dans  son  poëme  sur  le  troisième  consulat 
<FHonorius,  Claudien  a  présenté  le  tablçau  suivant,  sans  doute  imité 
d'Homère ,  mais  modifié  d'après  les  idées  morales  du  JV,e  siècle  de 
notre  ère,  «  C'est  au  milieu  des  boucliers  que  tu  t'essayais  à  marcher  ; 
»  les  dépouilles  récentes  des  rois  servoient  aux  jeux  de  ton  enfonce . .  . 
»  Souvent  ton  père ,  revenant  vainqueur ,  céda  en  souriant  à  ton  désir 
»  d'être  élevé  sur  le  bouclier  étincelant,  et  te  pressa  sur  son  sein 
»  haletant ,  sans  que  le  fer  t'effrayât  ;  et  loin  de  craindre  les  sombres 
*>  menaces  de  son  casque ,  tu  tendois  tes  jeunes  mains  vers  les  aigrettes 
»  qui  se  balançoient  au  sommet  (1).  » 

L'Académie ,  qui ,  lors  du  concours  de  1776 ,  avoit  laissé  le  choix  du 
fragment  à  la  volonté  des  concurrens ,  reconnut  qu'il  étoit  difficile  de 
juger  par  comparaison  des  fragmens  différens ,  qui  exigeoient  les  uns  fa 
souplesse,  d'autres  la  force,  et  que  caractérisoient  diversement  les 
beautés  dramatiques  ou  les  détails  pittoresques.  Pour  le  concours  de 
1778,  elle  indiqua  spécialement  le  commencement  du  xvi.c  livre,  où 
la  Patroclée.  J'en  ai  cité  précédemment  un  passage  tiré  de  la  traduction 
de  M.  Bignan ,  et  fea  ai  indiqué  les  défauts  ;  il  a  été  plus  heureux  dans 
le  reste. 

Patrocle  se  revêt  de  l'éclatante  armure. 
Deux  riches  brodequins  composent  sa  chaussure; 
Sa  brillante  cuirasse ,  ouvrage  heureux  de  Fart , 
Autour  de  la  poitrine  arrondit  son  rempart.    * 
Le  glaive,  aux  clous  d'argent ,  sur  son  dos  se  balance , 
Et  l'épais  bouclier  protège  sa  vaillance. 
Surmonté  des  longs  crins  d'un  ondoyant  cimier, 
Le  casque  menaçant  couvre  son  front  guerrier. 
Armé  de  javelots ,  il  les  soutient  sans  peine; 


(1)  Reptasti  per  scutapuer,  regumque  récentes 

tiuvwe  tibi  ludus  crant 

Me  coruscand  clypeo  te  saepc  volcntem 
Sustulit  anidens  et  pectore  pressit ,  anhelo, 
Intrcpidura  fcrri ,  galeae  nec  triste  timentem 
Fulgur ,  et  ad  summas  tendentem  brachîa  cristas. 

{  CI.  CLAUDIANI  de  II L°  cons.  Hons.  Paneg.  ▼.  M-3*-  ) 

V  V  V 


j22  JOURNAL  DES  SAVANS,  1 

Mais  il  n'ose  toucher  cette  lance  de  frêne , 
Instrument  de  carnage  et  de  destruction  , 
Que  jadis,  aux  sommets  du  vaste  Pélion, 
Façonna  le  Centaure,  et  dont  Ienorme  masse,  &c» 

A  l'époque  de  ce  dernier  concours ,  Voltaire  vivoit  encore ,  et  il  eut 
Ja  singulière  velléité  de  .rentrer  dans  la  lice  académique;  il  ambitionna, 
il  se  flatta  même  d'obtepir  une  couronne  qui  auroit  encore  ajouté 
quelques  fleurs  à  celles  dont  on  l'accabloit.  Circonstance  digne  de 
remarque!  Voltaire,  à  la  fin  de  sa  carrière  poétique,  éprouvoit  ce 
besoin  d'un  succès  académique,  auquel  il  avoit  -prétendu  en  vain 
soixante-six  ans  auparavant ,  lorsque  l'Académie  proposa  en  1 7 1  2,  pour 
sujet  de  prix  de  poésie  ,  le  vœu  de  Louis  XIII à  Notre-Dame  de  Paris. 

L'Académie,  ignorant  que  la  pièce  n.°  5  portant  pour  épigraphe  , 
Nec  verbum  verbo  curabit  reddere  Jidus  lnte'rpres  (  Horat.  ) ,  étoit  de 
Voltaire,  récemment  décédé,  en  écouta  froidement  la  lecture  faite 
par  M.  de  la  Harpe,  qui  seul  étoit  dans,  la  confidence.  II  faut  lire 
dans  la  correspondance  de  ce  dernier  les  détails  du  jugement;  il  les 
termine  ainsi  :  ce  La  pièce  ne  fit  aucune  sensation;  à  peine  y  vit-on  uu 
»  beau  vers,  et  Ton  eut  peine  à  aller  jusqu'à  la  fin.  Elle  n'auroit  pas 
"  même  obtenu  une  mention,  si  je  n'avois,  en  opinant ,  ramené  mes 
»  confrères  à  mon  avis,  et  si  je  ne  leur  eusse  représenté  qu'elle  étoit 
55  écrite  du  moins  assez  purement,  mérite  que  l'Académie  doit  toujours 
>5  encourager.  Mais  je  me  disois  a  moi-même:  Si  vous  saviez  quel 
»  homme  vous  jugez  en  ce  moment  !  si  vous  saviez  que  vous  balancez 
x>  à  relire  un  ouvrage  qui  est  de  l'auteur  de  Zaïre  et  de  la  Henriade  ! 
»  voilà  ce  que  jâ  pensois  intérieurement;  et  je  plaignois  le  sort  de 
»  l'humanité  qui  mécônnoît  sa  foiblesse  et  le  sort  du  génie  qui  vieillît.  » 

A  ce  témoignage  de  M.  de  la  Harpe,  on  peut  joindre  celui  de 
Vagnière,  secrétaire  de  Voltaire.  Dans  l'édition  des  poésies  de  VoIta:re 
publiée  en  1825  avec  lej  notes  de  M.  Beuchot,  celui-ci  eut  soin 
d insérer  ces  vers;  il  les  reproduira  sans  doute  dans  l'édition  complète 
qu'il  publie  en  ce  moment,  avec  des  notes  et  des  indications  souvent 
utiles  et  toujours  intéressantes;  je  crois  qu'il  devra  y  joindre  la  traduc- 
tion en  prose  qui  les  précède  dans  l'édition  publiée  en  1778  chez 
Demonville,  et  dans  laquelle  l'ouvrage  est  attribué  à  M.  de  Villette  ; 
cette  traduction  est  évidemment  l'ouvrage  de  Voltaire.  On  reconnoît 
In  touche  du  vieillard  de  Femèy,  ex  ungue  leonem ,  à  ces  vers  qui  n 
sent  pas  fournis  par  l'original.  La  traduction  en  prose  par  Voltaire  porte: 


e 


SEPTEMBRE  1830.  52} 

«c  Je  ne  crains  pas  les  prédictions . ...»  La  traduction  en  vers  s'exprim  2 
en  ces  ternies  : 

Je  méprise,  dit-il,  cette  erreur  populaire 

Qui  croit  que  l'avenir  au  prêtre  est  révélé, 

Et  qu'il  nous  faut  mourir  lorsque  Delphe  a  parlé. 

Je  me  garderai  de  citer  d'autres  vers  de  la  traduction  de  Voltaire; 
M.  Bignan  désavoueroit  lui-même  l'avantage  que  la  comparaison  lui 
fèroit  accorder.  • 

La  traduction  de  M.  Bignan  est*précédée  <Tun  Essai  sur  l'épopée 
homérique,  dans  lequel  il  résume  avec  précision  et  sagacité  diverses  ques- 
tions qui  ont  agité  les  érudits  au  sujet  (THomère. 

En  présentant  ces  diverses  observations ,  j'ai  cédé  à  l'intérêt  que 
m'inspirent  la  persévérance  et  le  talent  de  M.  Bignan.  Outre  l'exacti- 
tude et  l'élégance  que  j'ai  déjà  indiquées  comme  caractère  assez  général 
de  sa  traduction ,  ses  vers  sont  souvent  remarquables  par  la  richesse  des 
rimes ,  par  une  facture  savante,  et  par  une  coupe  harmqpieuse.  Si ,  après 
de  longs  et  grands  efforts ,  il  lui  reste  encore  un  certain  nombre  de 
passages  et  divers  détails  à  perfectionner ,  comme  il  aura  sans  doute  la 
modestie  d'en  convenir,  il  lui  suffira,  en  corrigeant  ces  divers  endroits 
de  sa  traduction,  de  se  ressembler  à  lui-même;  et  animé  par  son 
succès,  il  saura  trouver  de  nouvelles  forces  pour  y  ajouter  -encore. 
Deux  traducteurs  d'Homère,  MM,  Bitaubé  et  Dugas-Montbel ,  lui  ont 
donné  un  exemple  honorable  qu'il  ne  dédaignera  pas  d'imiter  (  1  ). 


(0  M.  Bitaubé  avoit  publié,  en  1764,  sa  traduction  avec  un  soccès  non 
contesté:  mais  ce  succès  même  lui  inspira  le  désir  de  s'en  rendre  digne; 
il  retravailla  long-temps  son  ouvrage ,  et  publia  en  1780  la  nouvelle  traduc- 
tion qui  a  obtenu  une  estime  et  une  vogue  aussi  constantes  que  méritées.  Sur 
Ja  version  en  prose  de  M.  Dugas-Montbel,  voye2  l'article  suivant. 

RAYNOUARD. 


r. 


VVV    2 


ja4  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

]1uade  d  Homère,  traduite  en  français ,  par  M.  Dugas- 
Montbel,  avec  le  texte  en  regard;  3  vol,  in-8.° ,  et  un 
volume  de  notes.  Paris ,  chez  Firmin  Didot. 


Cette  nouvelle  édition  et  traduction  d'Homère  est  destinée  à 
commencer  une  grande  collection  des  principaux  auteurs  grecs  1  dont 
MM,  Firmin  Didot  doivent  publier  le  texte  avec  la  traduction  en  regarcL 
Le  spécimen  qu'ils  en  ont  publié"  il  y  a  quelque  temps,  étoit  fait  pour 
appeler  l'attention  de  tous  les  amis  de  la  saine  littérature,  et  la  sollicitude 
d'un  gouvernement  protecteur  de  tous  les  travaux  utiles.  Espérons  que 
l'appui  nécessaire  à  une  si  vaste  entreprise  ne  fui  manquera  pas. 

La  sage  lenteur  que  M.  Didot  met  dans  cette  publication,  est  un 
garant  du  soin  qu'il  y  apporte.  II  ne  veut  admettre  que  des  traductions 
nouvelles,  faites  par  des  hommes  qui  joignent  au  talent  d'écrire  une  con- 
noissance  approfondie  de  la  langue  grecque,  et  il  s'est  assuré  la 
coopération  de  la  plupart  de  ceux  qui ,  dans  notre  pays ,  sont  le  plus 
capables  d'atteindre  au  but  qu'il  se  propose, 

II  étoit  naturel  d'ouvrir  cette  suite  de  chefs-d'œuvre  de  la  littérature 
grecque  par  les  plus  grands  de  ces  chefs-d'œuvre,  par  ceux  qui 
occupent  le  premier  rang  en  date  et  en  mérite,  par  les  poèmes 
homériques.  M.  Didot  a  heureusement  trouvé  tout  fait  un  travail 
complet  sur  Homère,  fruit  d'un  talent  consciencieux  et  d'un  goût 
persévérant.  M.  Dugas- Montbel,  qui  a  consacré  une  vie  indépendante 
et  sans  ambition  à  l'étude  des  poëmes  homériques,  a  publié  en  1815 
une  traduction  de  tous  ces  poëmes  (  4  volumes  in* 8!  ).  Cette  traduction 
a  été  placée  par  les  connoisseurs  au-dessus  de  celles  de  Bitaubé  et  de 
Lebrun  ,  les  meilleures  qui  existent  en  notre  langue,  ou  ,  pour  mieux 
dire,  les  seules  qui  méritent  quelque  attention  depuis  celle  de  M.mcDa- 
cier.  Mais  les  éloges  donnés  a  ce  travail  n'ont  pas  empêché  M.  Dugas  - 
Montbel  de  ne  le  considérer  que  comme  une  ébauche,  qu'if  a  remise 
sur  le  métier,  qu'il  a  perfectionnée  chaque  jour,  à  mesure  qu'une 
familiarité  plus  grande  avec  son  poète  favori  le  faisoit  pénétrer  plus 
profondément  dans  sa  pensée,  ou  lui  en  faisoit  apercevoir  les  nuances 
les  plus  déicates. 

C'est  seulement  après  une  révision  de  plusieurs  années  que  le  tra- 
ducteur a  consenti  à  présenter  son  travail  une  seconde  fois  au  public. 

II  atfoue  pourtant  qu'après  tant  de  soins,  il  a  encore  aperçu  bien 
des  taches  dans  sa  traduction ,  lorsqu'il  l'a  vue  en  regard  du  texte. 


SEPTEMBRE  1830.  J2j 

«  Un  examen  attentif,  dît  à  ce  sujet  M.  A.  F.  Didot,  a  fait  sentir  h 
»  M;  Dugas-MontLel  combien  il  étoit  nécessaire  de  la  revoir  <fe  nouveau, 
»  afin  de  la  rendre  encore  plus  digne  de  supporter  une  comparaison 
»  aussi  redoutable.  Nous  associant  même  à  ses  travaux ,  il  a  voulu 
»  interroger  avec  nous  tous  les  secrets  du  langage,  pour  mieux  se  rap- 
»  procher  de  son  modèle  ;  et  après  avoir  examiné  scrupuleusement 
»  toutes  les  difficultés,  souvent  nous  avons  eu  le  bonheur  de  mettre  à 
»  profit  les  comeils  de  M.  Boissonade  et  ceux  de  quelques  Grecs  pleins 
»  de  science,  jetés  en  Europe  par  des  malheurs  comparables  à  ceux 
»  qui  leur  firent  jadis  y  chercher  un  asyle.  »  Nous  aimons  à  citer  ce 
passage,  parce  qu'il  montre,  dans  M.  Dugas-MontLel ,  des  qualités 
rares  en  tout  temps  ,  la  recherche  opiniâtre  du  mieux ,  la  crainte  de  ne 
jamais  faire  assez  bien,  et  le  besoin  de  consulter  les  autres,  pour  se 
garantir  de  ses  propres  illusions.  La  traduction  de  l'Iliade  est  entière- 
ment achevée  :  chaque  volume  contient  huit  chants.  Il  y  aura  deux 
volumes  de  notes;  un  premier  seul  a  paru. 

Que  cette  traduction  se  recommande  par  une  grande  exactitude  y 
c'est  un  mérite  qu'on  peut  lui  supposer  d'avanêe ,  d'après  tous  les  soins 
que  l'auteur  a  pris  :  on  peut  même  dire  que  ce  n'étoit  pas  la  qualité 
la  plus  difficile  à  obtenir,  au  moyen  de  tous  les  secours  que  la  critique 
ancienne  et  moderne  fournit  pour  l'interprétation  des  poésies  homé- 
riques. Ce  qui  imponoit  encore,  c'étoit  d'arriver  à  une  diction 
simple  et  noble  tout- à-la  fois ,  exempte  d'une  vaine  recherche  des 
formes  poétiques  de  notre  langue,  afin  de  donner  quelque  idée  de  (a 
manière  du  poète  à  ceux  qui  ne  le  lisent  point  dans  son  idiome 
original. 

Le  style  de  M.  Dugas-Montbel ,  dans  tous  les  endroits  ou  nous 
l'avons  comparé  à  l'original ,  nous  paroît  avoir  ce  mérite  à  un  haut 
degré  ,  et  rendre  le  plus  souvent  avec  bonheur  l'expression  de  cette 
nature  choisie  dont  les  Grecs  ont  eu  le  sentiment  dans  les  arts  de  l'ima- 
gination comme  dans  ceux  du  dessin.  Nous  nous  contenterons  de  citer 
un  seul  morceau,  pris  parmi  ceux  dont  nos  lecteurs  doivent  avoir  sur- 
tout conservé  la  mémoire. 

C'est  le  discours  d'Agamemnon  cîïvus  sa  dispute  avec  Achille  :  «Toi 
»que  1  ivresse  égare,  qui  portes  à-Ia  fois  les  yeux  d'un  dogue  et  le 
»  coeur  d'une  biche ,  jamais  tu  n'osas  combattre  à  1»  tète  des  peuples  , 
»  ni  te  placer  dans  une  embuscade  avec  les  chefs  rie  l'armée  ;  ces  périls. 
»  te  semblent  la  mort.  Sans  doute  il  est  bien  préférable  de  parcourir 
»  le  vaste  camp  des  Grecs,  et  d'enlever  sa  récompense  à  celui  qui 
»  contredit  tes  paroles  :  roi  fléau  des  peuples ,  parce  que  tu  commande* 


^ 


5i6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  îi  des  lâches;  sans  cela,  tu  m'aurois  outragé  pour  !a  dernière  fois. 
»  Mais  je*  le  déclare,  je  le  jure,  inviolable  serment!  je  jure  par  ce 
^sceptre  qui  désormais  ne  poussera  ni  rameaux  ni  feuillage,  qui  ne 
»  verdira  plus ,  depuis  que  ,  séparé  du  tronc  sur  les  montagnes ,  le  fer 
»  Ta  dépouillé  de  ses  feuilles  et  de  son  écorce,.par  ce  sceptre  que  portent 
»  aujourd'hui  dans  leurs  mains  les  fils  des  ôrecs,  chargés  par  Jupiter 
»  de  maintenir  les  fois;  je  jure,  et  ce  serment  te  sera  funeste,  que 
»  bientôt  un  grand  désir  de  retrouver  Achille  s'emparera  de  tous  les 
»  Grecs;  et  toi,  malgré  ta  douleur,  tu  ne  pourras  les  secourir,  lorsque 
»  en  foule  ils  tomberont  expirans  sous  les  coups  de  l'homicide  Hector  : 
»  alors ,  furieux ,  tu  te  rongeras  le  cœur  pour  avoir  outrngé  les  Grecs,  » 
Ceux  de.  nos  lecteurs  qui  sont  familiarisés  avec  Homère,  auront  jugé, 
d après  ce  fragment,  que  M.  Dugas-M on tbel  s'est  heureusement  tiré4 
des  difficultés  qu'éprouve  un  traducteur  d'Homère  en  français  à  rendre 
les  épithètes  dont  fe  styfe  du  poète  est  hérissé.  II  y  a  de  ces  épithètes  qui 
ne  sont  amenées  que  pour  faciliter  la  facture  du  vers  ;  c'est,  je  pense,  un 
reste  du  caractère  primitif  d'improvisation  qu'avoft  la  poésie  épique  chez 
les  Grecs:  d'autres  sonf  caractéristiques,  et  reviennent  chaque  fois  que 
le  même  nom  se  rencontre.  Les  rendre  toutes  en  français  seroit  fasti- 
dieux ,  et  Souvent  inutile  au  sens  ;  mais  il  en  est  qu'on  ne  peut  se  dis- 
penser de  reproduira.  C'est  un  choix  à  faire,  dont  le  goût  est  juge,  et 
celui  de  M.  Dugas-Montbel  me  paroît  avoir  posé  une  limite  fort  rai- 
sonnable. Partant  du  principe  reconnu  par  les  anciens  grammairiens , 
que  beaucoup  des  épithètes  d'Homère  expriment  In  qualité  générale  de 
l'objet,  au  moyen  d'un  trait  particulier  de  cette  qualité ,  ou  bien  encore 
expriment  la  cause  par  l'effet  et  réciproquement,  le  traducteur  a  traduit 
souvent  les  épithètes  par  des  équivalens  qui  rendent  peut-être  mieux 
ce  que  le  poète  avoit  dans  l'esprit  qu'une  version  lout-à  fait  littérale. 
Ainsi,  il  a  cru  que  l'idée  de  vaillant,  de  courageux,  ressortoît  des  épithètes 
alxfjun-niç  (qui  combat  avec  la  lance  ),  àjx't^wàs  (  quî  combat  de  près), 
.  tîjKvrfuç  (bien  armé  des  jambes) ,  Jkfopm  (  qui  s'occupe  des  combats  ) , 
Ï7miJkfjicç  (qui  dompte  les  chevaux)  ;  que  l'idée  générale  de  beauté 
répondoit  aux  idées  particulières  de  teunûtevoç  (aux  I  eaux  bras), 
tïÇmoç  (à  la  belle  ceinture  ou  à  la  belle  taille),  teKa-mpyoç  (aux  belles 
joues  ) ,  épi.hète  qu'Homère  donne  sur-tout  à  de  jeunes  tilles  ,  comme 
Chryséis  et  Briséis,  et  qui  emporte  une  idée  de  fraîchi  ur;  aussi 
M.  Dugas-Montbel  l'a- 1-  il  rendue  quelquefois  par  jeune,  et  avec  raison , 
ce  me  semble.  Ce  qu'Homère  appelle  des  vaisseaux  creux  (  JwîXari  rSuç  ) , 
jl  le  rend  par  larges  vaisseaux  ;  les  adjectifs  novn-mfoi  (  qui  traversent  la 
mer),  ifiififatojoç  (  que  Ion  pousse  en  ramant  des  deux  côtés),  &c. , 


SEPTEMBRE   1830.  r~7 

appliqués  aux  vaisseaux  ,  sont  traduits  par  légers ,  et  ainsi  de  beaucoup 
d'autres.  II  se  trouvera  sans  doute  des  personnes  qui  auroient  mieux 
aimé  une  traduction  plus  littérale  :  mais,  avant  de  nous  prononcer  sur 
leur  opinion,  nous  voudrions  voir  un  chant  entier  d'Homère  traduit 
dans  leur  système. 

On  pourron  désirer ,  parfois ,  que  le  traducteur  eût  été  fidèle  à  lui- 
même,  et  eût  traduit  les  mêmes  épithètes  toujours  de  la  même  manière  : 
par  exemple  ,  tufûwcç,  traduit  par  belle  le  plus  souvent,  Test  par  ornJe 
d'élégantes  ceintures  dans  un  endroit  (  4' ,  260  )  ;  il  paroît  pourtant  que  , 
dans  Homère,  cette  épithète  exprime  la  beauté  d'une  partie  du  corps,  plutôt 
qu'une  particularité  de  vêtement.  Le  traducteur  rend  S'iorptprç  par  nobh 
(  P  >  v.  75  )  ;  c'est  plus  le  sens  que  fils  de  Jupiter ,  appliqué  à  Patroc'* 
(  x',  648  ) ,  et  ailleurs  ,  dans  le  discours  d'Agamemnon  (  a ' ,  1  76  )  :  «  dj 
»  tous  les  rois  enfans  de  Jupiter ,  tu  m'es  le  plus  odieux.  »  Cette  traduc- 
tion est  un  peu  à  côté  de  la  pensée  du  poète ,  qui  n'a  pas  voulu  dire 
que  Jupiter  fût  le  père  de  Patrocle ,  d'Achille  ou  des  autres  princes  ;  cet  te 
épithète,  appliquée  si  souvent  aux  rois  par  Homère,  signifie  nourri 
sous  les  auspices  de  Jupiter;  un  équivalent  fort  approché  seroit  aimé  > 
chéri  de  Jupiter.  Une  autre  épithète  qui  revient  à  chaque  pas  est  celle 
de  yhcLuxZ'mç  ,  attribuée  à  Minerve  :  on  peut  se  dispenser  de  la  rendre  ,  >i 
Ton  veut,  et  c'est  le  parti  que  prend  souvent  le  traducteur;  m:iis  dès 
le  moment  qu'on  l'exprime  ,  on  doit  la  traduire  par  aux  yeux  d'azur , 
comme  M.  Dugas-Montbd  le  fait  dans  un  endroit  (  C,  166)  y  et  1101* 
par  sage,  comme  il  le  fait  ailleurs  ,  attendu  fju'fl  n'y  a  point  de  rappoit 
entre  le  sens  de  yXcivxaTnç  et  celui  de  sage.  II  est  bien  vrai  que  la  sagesse 
est  l'apanage  de  Minerve;  mais  ce  n'est  pas  à  cela  que  pense  Homère  , 
quand  il  lui  donne  {'épithète  dont  nous  parlons.  De  même  ,  lorsqu'il 
qualifie  Ilion  de  venteuse ,  de  battue  des  vents ,  mnfMtajtt  (  4,  297  )  r  je  ne 
pense  pas  qu'il  y  attache  Pidée  de  superbe:  cette  épithète  ne  se  rap^rte 
qu'à  la  situation  élevée  de  Pergame ,  partie  de  Troie.  Ainsi,  avant  de 
rendre  une  épithète  homérique  par  son  équivalent,  il  faut  être  bien  sûr 
que.  l'idée  générale  qu'exprime  cet  équivalent  comprend  l'idée  particulière 
que  le  poète  lui-même  a  exprimée.  Je  me  hâte  d'ajouter  que  M.  Dugao- 
Montbel  s'est  le  plus  souvent  conformé  à  ce  principe. 

J'ai  parlé  plus  haut  de  l'exactitude  de  la  traduction  nouvelle;  je 
pourrois  citer  bien  des  passages  que  j'ai  rencontrés ,  où  M.  Dugas- 
Mbntbel  a  rectifié  le  sens  adopté  par  les  autres  traducteurs.  J'aime- 
mieux  lui  présenter  les  doutes  qui  me  restent  sur  quelques  passages, 
dont  il  semble  que  sa  traduction  ne  reproduit  point,  je  ne  dirai  pas  le 
sens  général  (  car,  a  cet  égar  I ,  on  le  prendroit  bien  rarement  en  défaut)» 


5^8  JOURNAL  DES  SAVANS  , 

du  moins  la  nuance  précise.  Peut-être  a  t-il  souvent  eu  de  bonnes  raisorts 
j>our  traduire  ainsi;  mais  ses  notes  n'en  font  pas  mention:  il  aura  plus 
d'une  occasion ,  dans  la  suite ,  de  résoudre  ces  pentes  difficultés* 

a  ,  30.  Dans  le  discours  d'Agamemnon  à  Chrysès  ,  on  lit:  ce  Non, 
»  je  ne  délivrerai  pas  ta  fille  qu'elle  n'ait  vieilli. . . .  occupée  à  lisser  le 
»  lin  et  destinée  à  partager  ma  couche.  »  Le  grec  porte  i&\  l(jm  Mx°* 
iivoaouv  ;  cela  veut  dire ,  et  préparant  mon  lit(i).  A  cette  époque  ,  où 
Ie>  femmes  étoient  comptées  pour  si  peu,  c'étoit  une  de  leurs  fonctions 
de  préparer  le  lit  de  leurs  époux  ou  de  leurs  amans.  L'idée  de  partager 
ma  couche  est  donc  comprise  h.  la  rigueur  dans  celle  de  la  préparer;  mais 
pour  rendre  toute  la  pensée  <f  Agamemnon ,  l'expression  de  l'idée 
propre  est-eïle  indifférente  !  Je  ne  le  pense  pas.  La  menace  est  rendue 
bien  plus  énergique  par  l'expression  des  deux  fonctions  serviles  : 
«  occupée  à  filer  le  lin  et  à  préparer  ma  couche.  »  Peu  après  :  ce  fuis, 
»  **e  m'irrite  pas,  si  tu  veux  t'en  retourner  Sqns  malheur  (  ctLumptç  is 
»  km  Wuéc/).»  Sans  malheur  est  foible  :  la  traduction  exacte  est  sain  et 
sauf;  mais  peut-être  M.  Dugas-Montbel  ne  l'aura-t-il  pas  trouvée  assez 
élégante. 

C,  232.  «Te  faut-il  une  nouvelle  captive  pour't'unir  d'amour  avec 
»elle,  et  la  renfermer  dans  ta  tente!  »  La  pensée  nest  ni  aussi  claire 
ni  aussi  énergique  que  celle  de  l'original,  î!rr  ai™*  ûnovlt-Çi  tynrxltu. 
Le  mot  av-nç  emporte  ici  l'idée  de  pivoç  :  «  et  la  posséder  seul  en  la  tenant 
»  à  l'écart.  » 

^48.  ce  Et  ne  viens  pa*  seul  outrager  les  rois.  »  pi^  c3«x  oîoç 
iptÇijuurat  Çamteuav  :  ce  non  pas  outrager,  mais  te  mesurer,  fen  prendre 
»  aux  rois ,  les  braver.  » 

456.  «  Comme  une  flamme  dévorante  consume  une  vaste  forêt  sur 
le  sommet  des  montagnes.  »  Ouptoç  \v  xapvçyç.  Ceci  est  un  cas  particulier  ; 
la  traduction  littérale  est  plus  juste  :  w  sur  les  sommets  d'une  montagne.  » 
La  forêt  est  si  vaste  (  irmmç) ,  quelle  couvre  les  diverses  sommités  d'une 
montagne.  Un  peu  plus  bas ,  Âaia  h  Mtp2vi  :  «  dans  les  prairies  d'Asia.  » 
II  faut  d' Asias  ou  SAsius  (  v.  Heyne  ad  I.  c.  ). 

5  3  5 .  ce  Venus  des  terres  voisines  de  l'Eubée,  les  Lccriens  suivirent 
»  A;ax  sur  quarante  vaisseaux.  »  II  y  a,  dans  le  grec  :  ce  les  Locriens  qui 
»  habitent  au-delà  de  I'Eubée . . .  oï  vetioun  mpnv  Up nç  hvCoinç.  »  Ici ,  ridée 
étoit  if  autant  plus  importante  h  conserver ,  qu'elle  caractérise  la  patrie 
de  celui  qui  a  écrit  le  catalogue  des  vaisseaux  ,  si  toutefois  le  vers  n'est 
pas  interpolé.  II  n'y  a  qu'un  homme  né  ou  habitant  sur  la  côte  de 

■    ■  ■  '  |  1  ■  ■  ■■ 

(1)  Buttman  Lexihgns,  1,9. 


SEPTEMBRE  1830.  î*9 

l'Asie  mineure  qui  pouvoit  dire  que   les  Locriens  sont  au-delà  de 
l'Eubée.  On  sait  le  parti  que  Wood  en  a  tiré  pour  son  hypothèse. 

6} 2.  «  Les  uns  habitent  Ithaque,  Nérite,  ombragée  de  forêts.  » 
ci  p  fotxnr  tîfcOK  {fj  N*piw  ttpooiçutoo*.  II  y  a  ici  un  hendiadys  que 
la  traduction  ne  fait  pas  sentir.  En  mettant  ombragée»  on  laisse  croire 
que  Nérite  étoit  une  autre  île,  connue  Ithaque,  tandis  que  c'était  la 
partie  montagneuse  de  Ilfe  d  Ithaque  même;  c'est  comme  s'il  y  avoit , 
ci  iàxxnv  %$xoy  iy  y  Napiw,  70  iiro*ipt/ttor  opo*  iji.  On  lit  en  effet  dans 
l'Odyssée  :  v&m**  <F  fâaxxr  tû«Aw't?w  iv  <F  opoç  «utj  Nw'p#w  ùvoatçvtocv 
dptTrpvmç  (#.  22  )• 

748.  Je  crois  que  le  passage  suivant  laissera  aussi  xjuelque  chose  à 
désirer  pour  la  précision  géographique.  «  Gonée  partit  de  Cyphos  avec 
»  vingt-deux  vaisseaux  ;  les  Eniènes  le  suivent  dans  les  combat» ,  et 
*  les  Pérèbes.  .#. ,  et  les  habitans  de  la  froide  Dodone,  et  ceux  que 
»  virent  naître  les  rivages  du  rapide  Titarèse,  &c.  »  D'après  cette  tra- 
duction, il  y  «1  ici  quatre  peuples  différens  :  mais  Homère  ne  parle  que 
de  deux,  les  Eniènes  et  les  Pentes;  car  tout  ce  qui  suit  se  rapporte  à 
ces  derniers  : 

ïllpOLlGot 

et  oipi   àuSvnf  Sb<rxi!fMpov  ofxj  tSivi» 
os  r  iftQ  ifup7vt  TrnLpiarov  %py  ivifjtûrn* 

«  Les  Perèbes ,  tant  ceux  qui  habitent  aux  environs  de  la  froide 
»  Dodone ,  que  ceux  qui  cultivent  les  terres  sur  les  agréables  bords  du 
»  Tharésius.  »  C'est  ainsi  que  l'entendent  les  anciens  ;  et  là-dessus 
s'appuyoient  même  les  Thessaliens  dans  leur  prétention  que  leur  pays 
avoit  possédé  une  Dodone,  comme  l'Epire.  Ces  vers  sont  probable- 
ment d'un  rhapsode  qui  aura  voulu  flatter  leur  orgueil  national. 

r'.  3.  <c  Les  Grecs  volent  sur  l'Océan  rapide,  »  hr  cix**r7o  poJun; 
H  faut  vers  l'Océan.  L'Océan  étoit  placé,  selon  I opinion  des  anciens 
poètes  grecs,  à  l'extrémité  de  la  terre,  tout  autour  de  son  disque.  C'est 
peur  cette  raison  qu'on  pourroit  aussi  trouver  à  dire  à  cette  traduction  : 
««  je  vais  aux  extrémités  de  l'Océan  (  ttpt  p»p  aZvç  \if  xixjawo  pltdpa  4- 
»  20  5  ).  »  II  ne  peut  être  question  des  extrémités  de  l'Océan. 

28.  La  liaison  des  idées  est- elle  bien  saisie  en  cet  endroit  !  «  Tel 
»  Ménélas  est  plein  de  joie,  lorsque  Paris  s'offre  à  sa  vue;  enfin  il 
»  espère  venger  son  outrage.»  On  devoit  dire,  car  ou  parce  qu'il 
espère  (  ou  parce  qu'il  se  promet  de  )  punir  le  coupable,  &c  9*7»  >*p 
11  aidât  ixti-nit.  Voilà,  en  effet,  ce  qui  causoit  sa  foie. 

105.  Il  est  possible  que  l'idée  ne  soit  pas  non  plus  exactement 
reproduite  en  cet  endroit  ;  «£t7i  À  Upta+wto  Ciwr ,  ïfp  îpxs*  ift/ury  «v7tf , 

Xxx 


53o  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

\m)  o#  TPuJiç  imfplttXùi  %£  imrm.  ce  Que  Priam  vienne  fortifier  nos 
»  sermens. . . ,  car  ses  fils ,  &c.  »  Homère  ne  dit  pas  que  Priam  doit 
fortifier,  mais  qull  doit  recevoir  les  sermens  lui  seul,  faire  lui  seul  tes 
cérémonies  qui  aclompagnoient  la  prestation  de  serment.  Plus  bas 
(  v-  2  S *  )  >  garantir  les  sermens  présente  la  même  nuance ,  qui  ne  me 
semble  point  exacte.  * 

200.  ce  Et  quoique  le  pays  (  Ithaque  )  soit  stérile ,  les  ruses  d'Ulysse 
»  sont  inépuisables.  »  Je  crois  qu'ici  M.  Dugas-Montbel  prête  à 
Homère  une  antithèse  qui  n'est  point  et  ne  peut  être  de  lui.  Opposer 
la  stérilité  d'Ithaque  à  la  fertilité  de  l'esprit  d'Ulysse  est  un  trait  d'eéprit 
qui  sent  le  moderne ,  qui  du  moins  n'a  rien  d'homérique  :  te  rpifn  h 
<h/jup  làottitç  *f*r*Yiç  wip  Ipiffnç ,  IsiÙç  v&rrviovç  71  J&Kwç  %$\  fmJUt  yrvuti. 
Ce  qui  a  trompé  le  traducteur,  c'est  la  particule  ay ,  qui  a  le  plus  sou* 
tent ,  dans  Homère  ,  et  sur-tout  en  pareil  cas ,  le  se*  de  quoique.  Mais 
souvent  aussi  elle  ne  sert  qu'a  donner  plus  de  force  h  une  circonstance  de 
la  proposition  principale:  ainsi,  hni  fx  troue  ?*  tupup&iÀip  mp  ton* 
(  a  ,  3  5^j;  et  7i7*«âr ,  fSrtp  ê/ai  • .  .  fm  0%  ,  f/A«r  mp  lououf ,  ir  o?3*A^ïç 
ÏJbjUAi  Stifofump  (  « ,  586  )•  «  Supportez  vos  peines,  6  ma  mère*  • .  , 
»  afin  que  je  ne  vous  voie  point  de  mes  yeux  outragée ,  vous  qui 
»  m'êtes  si  chère.  »  • 

à'.  5. S.  Junon  dit  à  Jupiter  :  «  Mon  origine  est  égale  à  la  tienne.»  Le 
grec  offre  une  idée  un  peu  différente  et  plus'énergique  :  a  mon  origine 
»  est  la  même  que  la  tienne.  »  yipoç  S*  ipêi  trôtf ,  oSt*  ni  ;  plus  littérale- 
ment ,  }e  sors  d'où  tu  sors. 

Z.  5  8.  II  y  a  là  une  difficulté  dont  M.  Dugas-Montbel  auroit  pu  dire 
un  mot  dans  ses  notes.  II  traduit  :  ce  que  l'enfant  même  sur  le  sein  de  sa 
mère  n'échappe  pas  à  jios  coups  (  p*i  \rm+  yawiipt  pimp  Kovpov  \ln* 
çiptu ,  fiM?  oç  $vy>i  ; .  Heyne  donne  de  fort  bonnes  raisons  en  faveur  de 
l'autre  sens  :  a  que  l'enfant  même  dans  le  ventre  de  sa  mire,  &c.  *>  Il 
eût  été  à  propos  de  le  discuter,  puisqu'on  ne  l'admettoit  pas. 

8p.  II  y  a  encore  ici  une  différence  entre  ie  texte  et  la  traduction  : 
«  qlsftls  n'aillent  pas  en  fuyant  se  jeter  dans  les  bras  de  leurs  femmes, 
»  pour  être  la  risée  de  nos  ennemis.  »  Je  crois  qu'il  fàudroit  ;  *  pour 
»  faire  la  joie  de  nos  ennemis ,  pour  combler  de  joie  nos  ennemis  (  qui 
»  lès  verroient  fuir  ) ,  »  Jhmoi  A  x*ft**  y*vl*&*t»  Ailleurs  (  *  ,  193)9 
M.  Dugas-Montbel  a  très-bien  rendu,  dans  ce  même  sens ,  le  membre 
fui  x&pya.  >wifa<9*  JbqarltoBfr,  ce  ou  de  peur  que  nous  soyons  un  sujet 
»  de  foie  pour  nos  ennemis.  » 

2.  483.  Dans  la  description  du  bouclier  d'Achille,  M.  Dugas- 
Montbel  n'a  pas  osé  rendre  ntatrar  71  ffAi'dwm  par  la  lune  dans  son 


SEPTEMBRE  1830.  jtj 

plein ,  ou  la  pleine  lune  ;  il  a  préféré  la  lune  arrondie ,  qui  est  plus  élégant , 
mais  n'exprime  rien,  puisque  la  lune  est  arrondît  dans  toutes  ses  phases. 
l\  ne  faut  pas ,  au  reste ,  croire  que  cette  ylàne  lune  qu'on  représentoit 
sur  les  anciens  monumens  fût  une  face  entourée  de  rayons,  comme 
on  le  voit  sur  les  essais  de  restitution  du  bouclier  d'Achille  ;  c'était  une 
femoy  montée  sur  un  char  ou  sur  un  cheval,  ayant  sur  Ja  tête  un  disque. 
Je  terminerai  ces  remarques,  en  regrettant  que  M*  Dugas-Mqntbel , 
dans  le  passage  où  le  poète  (%' ,  160) ,  parle  d'Hector  tournant  trois,  fc^is 
autour  d'il  ion  pour  fuir  la  poursuite  d'Achille,  se  soit  laissé  entraîner  par 
la  traduction  qu'en  a  faite  M.  Lechevallier.  Ce  voyageur,  ne  sachant. com- 
ment arranger  la  position  qu'il  assigne  à  Troie  avec  le  passage  d'Homère, 
a  supposé  qu'Hector  a  tourné  devantTroïe,  et  non  autour  de  Troie.  C'est 
là  une  de  ces  interprétations  imaginées  uniquement  dans  l'intérêt  d  un 
système  ,  et  auxquelles ,  sans  cela,  on  ne  jourcoit  jamais  songer.  Aussi 
les  anciens  ,  qui  ont  tant  subtilisé  sur  ce  passage ,  ne  se  sont-il*  jamais 
avisés  de  pareille  chose  ;  et  depuis  Euripide  jusqu'à  Virgile ,  tous  ont 
montré  qu'ils  entendoient  lempi  d'Homère ,  comme  le  veulent  vet  le  génie 
de  la  langue  et  le  bon  sens.'  Que  *tpi  ait  parfois  un -.sens  vague  qui 
prête  à  cette  interprétation,  cela  est  vrai,  mais  en  des  cas  tout  diffèreps, 
comme  le  prouvent  les  exemples  mêmes  cités  par  M.  Lechevallier  et  le 
comte  de  Choiseul-Gouffier  d'après  lui  (nfojr  ft*xtr$**  &&rur  ).  Mais» 
en  cas  pareil ,  mf)  ne  peut  avoir  d'autre  sens  que  celui  d  autour.  Ainsi , 
quand  Achille  affligé  tourne  trois  fois  autour  du  corps  /de  Patrocle , 
suivi  des  chars  thessaliens,  le  poète  dit,  oi  A  rfiç  mfi  rtxpèr  iirpi&ç 
i\tu*9  jvTODf  (  1  )  ;  et  lorsque  le  héros  traîne  le  cadavre  d'Hector  trois 
fois  autour  du  tombeau  de  son  ami,  fe  poète  dit  encore,  -rgiç  S"  JaftiJ) 
mût  <rifit*  MîvomâJk  Atlmç  (2)  ;  enfffi  s'agît-il  de  chars. -qui  tournent  la 
borne,  Homère  dit  **fi  7»p/u*  Cm*êtta*c  (3).  Au  reste,  pour  ^txe  convaincu 
que ,  dans  le  passage  en  question,  le.  sens  de  tourn  r  autour  est  le  seul 
admissible,  il  suffit  de  voir  le  passage  entier ,  et  de  remarquer  qu'il  y  a 
deux  termes  de  comparaison,  dont  Choiseul-Couffier  a  prudemment 
passé  le  premier  sous  silence  (4).  «  Comme  de  rapides  coursiers. .... 
»  tournent  rapidement  autour  des  bornes  de  la  carrière  [.JuJ9  lr  JU§r~ . 
Xopopot    mpi     liffjutTaL    /u*rvxtç    Iwmt.  .  .T*«£»ff  ) .  . .  .  ainsi    les    deux_ 
*  guerriers  tournent  autour  de  la  ville  de  Priam  (  »c  w  -rùïçUpti^to  wixsf 
mft  iAr»3iÎ7wr,  leçon  que  je  préférerais  à  *y#J>r»d*iii'  ).  a  Ptour-bh  traduire7, 
comme  M.  Dugas-MombeJ ,  d'après  MM.  Lechevallier  et  Choiseul- 

(t)  //.  *   13.  —  (2}  û    16.  — (3)  T  A**-— HT  Voyage  pittoresque  de  la 
Grèce,  il,  p.  2$a. 

xxx  a 


53*  JOURNAL   DES   SÀVÀNS, 

Gouffier,  le  premier  m*ps  par  autour  9  et  le  second  par  devant,  dans  on  cas 
tout  pareil  î  En  mettant  devant  la  ville  de  Priant,  on  détruit  toute  compa- 
raison ;  tandis  qu'il  est  évident  que  la  ville  de  Troie  est  ici  comparée  à 
l'intervalle  qui  sépare  les  deux  bornes  d'une  carrière ,  autour  duquel 
tournent  des  coursiers  rapides,  llion  est  comme  la  spina  de  la  carrière 
que  parcourent  les  deux  héros.  Quant  à  l'objection  qu'il  n'es*  pas 
vraisemblable  que  les  deux  guerriers  aient  été  capables  de  courir  trois 
fois -autour  de  la  ville,  sans  reprendre  haleine»  il  n'y  a  pas  d'autre 
réponse  à  faire  que  celle-ci  de  notre  savant  Boissonade  :  ce  Frustra  se 
»  torqùére  puto  viros  doctos  qui  wipî ,  non  circiim ,  sed  propi ,  ad, 
»  juxtà  vertunt.  Miror ,  qui  toi  et  tanta  apud  Homerum  miracula  et 
»  heroum  pprtentosissima  fàcta  concoquant ,  hune  cursum  ut  absurdum 
»  rejHidiare  et  interpréta tionis  contortae remedium  quacrere  (î).  » 

Telles  sont  les  remarques  que  je  soumets  au  jugement  du  traducteur, 
qui  sans  nul  doute  connoît  Homère  beaucoup  mieux  que  moi.  Ces 
remarques  d'ailleurs  portent  la  plupart  sur  des  nuances ,  et  ne  peuvent 
en  aucune  façon  affoiblir  les  éloges  que  mérite  son  travail. 

Le  prehiief  volume  déjà  publié  des  notes  ne  contient  que  celles  des. 
doute  premiers  chants  de  l'Iliade.  Le  second  volume ,  qui  comprendra 
la  restitution  des  éoute  derniers  chants,  s'imprime,  et  ne  tardera  point  i 
paroître.  A^ifjfaÀr'pàr  un  Coup  d'oeil  fêté  sur  le  volume  qui  a  paru , 
c'est  -un  travail  fort  important,  qui  fera  autant  d'honneur  à  l'érudition 
de  M.  Dùgas-Montbel ,  que  la  traduction  en  fait  à  son  talent.  Lorsqu'il 
serti  terminé ,  nous  en  donnerons  une  analyse. 

Nous  devons  ajouter  que  l'impression  de  cette  nouvelle  traduction 
et  édition  d'Homère,  ne  laisse  rier^à  désirer  pour  la  beauté  et  l'élé- 
gance. La  correction,  point  si  difficile  à  obtenir  dans  Fimpres>ion  du 
grec ,  nous  a  semblé  aussi  parfaite  qu'elle  peut  l'être.  Nous  n'avons 
rencontré  qu'une  faute  dans  le  greC ,  \\  i^fid^ut ,  pour  îÇ  iirfaàow  ou 
bien  t£t*-p<£fymr  { x' ,  115),  et  dans  le  français  Cotryne  (C  ,  646, 
p.  io}  )  pour  Gortyne.  Par  inadvertance,  on  a  passé  ailleurs  la  traduc- 
tion d'un  vers  entier  :  «  Elle  ressemble  tout-k-fkit  aux  déesses  immor- 
»  telles  (y.  158).» 


(  1)  Notulce  ad  ftbm.  L  L 

LETRONNE. 


•w\  1:;  •     •     i 


£    XXX 


SEPTEMBRE  Î830.'  J3J< 

VERHAÙbEUNGEN .  nw  À*/  Bàtnvuiaszk  iGenàotschôp  van 
Eunsten  en  Wetenschappen. .  .  .  Batavia»  io.c  deert 
1825,  n.«  deei,  1826, /W.* 

Le  dernier  volume  de  la  collection  des  mémoires  de  la  Société  dé 
Batavia  qui  nous  soit  parvenu ,  est  le  onzième ,  publié  en  f  826,  En  faisant 
connôître  les  matières  contenues  dans  ce  volume,  nous  indiquerons  les  r 
morceaux  qui  forment  iepiécédent,  imprimé  un  an  auparavant,  et dokit 
il  n'a  pas  été  rendu  compte  dans  ce  journal. 

Chaque  volume  de  ce  recueil  s'ouvre  par  un  rapport  surPétat  de  ia 
Société  durant  l'intervalle  de  temps  qui  a  précédé  fa  publication.  Ce  rap- 
port ,  ordinairement  rédigé  par  le  secrétaire  f  est  quelquefois  très-étendu. 
On  y  trouve  la  meiit&n  des  principaux  travaux  dont  la  Société  a  reçu  la 
communication,  et  la  liste  des  membres  qui  la  composent.  Le  dixième  1 
volume  en  contient  deux  ;  l'un  pour  1 823 ,  par  M.  Van  der  Vinne ,  se- 
crétaire, et  l'autre  par  M.  Maurice,  président ,  lu  dans  l'assemblée  gé- 
nérale du  2  février  1 82  j.  On  voit  dans  ces  deux  morceaux  un  résumé 
des  principales  circonstances  qui  ont  pu  intéresser  la  Société  de  Batavia,  : 
depuis  que  les  possessions  hollandaises  de  l'Inde  orientale,  momentané»  ' 
ment  occupées  par  les  Anglais ,  ont  ététemises  au  gouvernement  néer- 
landais. La  liste  des  membres  et  les  régie  mens  de  la  Société  sont  répétés  • 
à  la  suite  de  ces  deux  morceaux.  ,:*..;•■■! 

Les  mémoires  compris  dans  le  volume  sont  au  nombre  de  huit.  Nous 
en  rapporterons  les  titres ,  avec  une  courte  indication  de  la  matière  qui  y 
est  traitée".'  -  •  -  :. 

Le  prertiiéfest  une  notice  Sur  un  ouvrage  malais ,  intitulé  jçûA^Ufct  b»-?t&  * 
Hikayet  Isma  Yâtiem,  ou  l'histoire  tflsma  Yâtiem ,  rédigée  par  fsmaé}r  - 
revue  et  corrigée  par  M .  Roordavan  Eysmga.  Cet  ouvrage  à^té  imprimé 
à  Batavia,  en  un  petit  volurile  de  2 1  s  pages in-4*0,  Fart  1 2)7  de  Phé- 
gyre  (  1 8 2 1  ).  Il  est  indiqué  comme  contenant  les*  lois  et  fes  institutions  > 
pour  tous  Tes  princes ,.  grands ,  généraux  et  autres.  L'histoire  d'Isma 
Yâtiem  est  fort  estimée  des  Malais  :  elle  paroît  contenir  dès  antidotes 
sur  les  anciens  princes  indiens ,  dont  les  noms  ,  Ronm  Safrntân,  Indra 
M engin Jrû>  Indra  m  ampli  a  annoncent  les  rapports  tjue  lès  rôisde  Java 
ont  autrefois  entretenus  âvec;  THindoùstan.  On  n'aperçoit,  dans  feu- 
trait de  M.  Roorda  vanEysinga,  ni  dates,  nf  noms  géographiques  qui 
puissent  éclairer  sur  Tépoque  ouïe  théâtre  des  événertiens  tjuiy  sont 
racontés.  ........  •_.:.  : 

Le  second  morceau  traite  de  la  constitution  des  Monts  Gedç  ;  il  est 


534  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

dudocteu*  Blume ,  dont,  nous  aurons  bientôt  occasion  de  rappeler  les 
beaux  travaux  sur  fa  botanique.  Beaucoup  d'observations  de  È  même 
nature  sont  consignées  dans  ce  mémoire* 

M.  Domis  est  auteur  du  troisième,  qui  contient  la  description  des  dis- 
tricts de  Salatiya  ou  Soltigo ,  et  des  Sept  temples,  avec  la  traduction  (Tune 
inscription  dçl'an  4*7  (  i.o  j  %  ). 

On  doit  .le^quatrième  àMi  Yan  deu  Heuveli ,  chirurgien-major  à  Sa- 
irçarang  :  ç'ç?Ua  description  très-dé  ttillée  <fun  monstre  humain  né  dans 
ce»e  r^wœ  sa  *  8*4. 

M.  Vos  a  communiqué  le  cinquième  mémoire,  où  il  fait  connoître  le 
commencement,;  les. progrès,  les  accidens  et  la  méthode  curative  du 
cholera-morbu*  qui  éclata  dans  le  Bengale  en  1M7. 

•M.  de  Sie:bo{d  a  envoyé  de  Nagasaki  les  réponses  à  quelques  questions 
sur  la  pratique  des  $xbuchemens  au  Japon ,  par  Mjfjiazunzo  ,'  médecin 
japonais.     /.        . 

On  trouve  ensuite  un  essai  relatif  au  pays  de  Benfcouli  sur  la  côte 
occidentale  de Tjje  <fe Sumatra ,  par  M.  Nahuis  ;  et  le  volume  est  terminé 
par  des  remarques  détachées  de  M.  Overbeck ,  faites  à  la  lecture  de  l'his- 
toire javanaise  Jutjtulée  Sad/ara  Radja  djawa,  dont  une  traduction  a 
é  té  intérêt dan^Jes  deux  premiers  volumes  du  recueil  de  la  Société. 

Le  onzième  ,volume  est  rempli  de  mémpires  moins  nombreux ,  mais 
eççorç  .plus,  kttéressans  que  les  préçédens.  Le  premier  est  une  courte 
esquisse  de  File  de  Ungga  et  de  ses  habitans,  par  feu  Angelbeek.  On 
sait  que  111c  de  Lmgga  est  située  entre  Sumatra  et  Bornéo ,  au  S.  £.  du 
détroit  de  Malaca ,  et  au  N.  O.  de  l'île  de  Bankar  Sa  capitale ,  Kwala  daï , 
est  dans  la  partie  méridionale.  Les  Chinois  y  ont  formé  des  étabUssemens 
comme  dans  les  autres  îles  de  l'archipel  oriental»  Les  Malais  y  composent 
également  la  partie  dominante  de  la  population.  Leur  croyance  reli- 
gieuse est  l'islamisme.  Leurs  habitudes  ,  leurs  traditions  anciennes  9  se  rap- 
portent généralement  à  celles  des  grandes  îles  voisines;  mais  l'auteur  a 
recueilli  des  détails  qui  mériteraient,  d  être  plus  connus.  La  description 
de  Lingga  fourniroit  un  article  intéressant  aux  tecueils  consacrés  à  la 
géographie  en  général,  ou  à  l'histoire  asiatique  en  particulier. 

■  M.  de  Siebold  résidpît  encore  au  Japon  iort  de  ia  publication  du 
volume  que  nous  analysons.  Cest  de  Desima  qu'il  a  envoyé  V Abrégé  de 
la,  langue  fapoqpUi  qu'on  y  a  inséré ,  et  qui  en  occupe  76  pages.  Les 
neufphuKh^s  joint**  à  cet  abrégé  ont  été  gravées  en  bpisau  Japon  même. 
La; Société  dé  Batavia  ne  pouvoit  manquer  d'accueillir  avec  empresse- 
ment et  de  placer  dans  sa  collection. un  morceau  si  remarquable,  le  pre- 


SEPTEMBRE  1830.  H5 

mieririrft  (1)  dès- travaux  d'un  savant  qui,  à  l'exemple  de  Jùernpfer  et 
de  Thurfberg,  a  su  mettre  à  profit  son  séjour  dans  une  contrée  si  inté- 
ressante, pour  en  étudier  £  fond  les  habhans  et  les  productions.  Dans 
cette  intention ,  M*  de  Siebold  devoit  commencer  par  en  apprendre  la 
langue,  et  ce  sont  les  premiers  résultats  de  ses  efforts  qu'il  a:  consignés 
dans  son  Abrégé.  Indépendamment  de  quelques  renseignemens  que  Fau- 
teur ne  supposoit  pas  connus  en  Europe ,  on  trouve  dans  son  mémoire 
plusieurs  remarques  utiles.  Ii  avoit  alors  à  sa  disposition  un*  collection 
de  dictionnaires  cfu'fl  a  considérablement  accrue  depuis.  Ceux  qu'il  cite 
sont  au  nombre  de  quatre ,  présentant  les  mots  japonais  en  rapport 
avec  les  caractères  chinois  correspondans,  et  imprimés  en  1817»  1818 
et  1819.  Trois  autres  ouvrages  encore  plus  curieux  sont  un  syllabaire 
indien  9  une  description  des  lettres  de  l  Inde  par  un  prêtre  de  ce  pays 
nommé  Pun-ma-bou-di  (vraisemblablement  Pradjnapofi),  et  traduit 
9  y  a  environ  *niHe  ans  à  la  Chine,  par  un  prêtre  chinois  nommé.  Se- 
san-in  (2}  ;  et  enfin  un  vocabulaire  de  la  langue  yezo,  contenant  plus  de 
deux  mille  mots  de  cette  langue ,  divers  dialogues ,  des  décrets  impé- 
riaux ,  des  comédies ,  &c. ,  le  tout  rédigé  par  Wouyebara  Koumasiro , 
interprète  de  la  langue  de  yezo.  M.  de  Siebold  cite  en  ouUe  un  livre 
intitulé  Nederduitsche  taat,  she  Iaku-ken,  idest,  Cl  avis  Ungum  (  belgica) , 
ouvrage  extrêmement  rare,  qui  contient  f abrégé  du  dictionnaire  belge 
de  Haima,  traduit  en  japonais  par  un  savant  japonais,  et  gravé  en 
planchés  de  bois.  Il  en  existe  deux  éditions ,  imprimées  f  une  à  Yedo  > 
l'autre  à  Miyako ,  il  y  a  environ  vingt  ans.  . 

Les  caractères  japonais  sont ,  ainsi  que  tout  le  monde  sait,  les  sèji}s 
qui  mériteptla  dénomination  de /y//j^/yttr/;  la  forme  en  est  connue  en  Eu,- 
rope  depuis  le  temps  de  Duret  (}).  Kaempfer,  et  d'après^ui  Deahauterayes, 
en  ont  donné  des  tableaux  exacts.  AL  Siebold  pense  être  le  premier  qui  ait 
montré  l'origine  chinoise  de  ces  syllabaires.  II  ne  parott  pas  avoir  appris 
l'existence  des  ouvrages  publiés  en  Europe,  où  ce  fait  a  été  établi  d'une 
manière  constante  ;4).  Mais  il  ajoute  quelques  particularités  qui  étoient 


(1)  On  a  publié  à  Batavia,  en  1824,  une  petite  dissertation  intitulée: 
de  Historiœ  naturaiis  statu  in  Japoniâ,  16  pages  in-8S  —rJiï\  C'est  ainsi  que 
l'entends  cette  phrase  de  l'auteur ,  ?  lingua  indien  in  chinensem  versd  per 
sacerdottm  chinensrm  Se^san-in  ,  ante  mille  circher  annos  in  Ctûna  hn pressa. 
Il  est  peu  probable  qu'on  possède  an  Japon  des  ouvrages  impunies  il  y  a  méite 
ans:  il  s'agir  sans  doute  d'une  réimpression.  — (3)  Vcy.  Trésor* <tf*<  langjmt* 
Paris,  1619,  pag.  013. —  (4)  Voy.  Recherches  sur  Us  langue*  tarifes,  toiiu  1 
p*«a. —  Elémensrét  Lt  grammaire  japonaise,  pag.  a), .»*>  aftilififanebcs»*?» 
Ntkee  d'extraits  des  manuscrits,  tom.Xl,  p.  140  et  suivantes  et  planches»    . 


:  H&  JOURNAL  DES  SAVANS, 

moins  vulgaires  Les  caractères  japonais  se  distinguent  en  mâles  et  fe- 
melles. Les  mâles  s'appellent  kata-kana  (  demi-caracteres  empruntés  {\))9 
et  les  femelles  hira-ka-na  (ow  fira-ka-na,  caractères  empruntés  planes  t  ou 

'  communs  [z)J  tyama-foka-na  (  $)  ou  manyoo  ki-na  ^caractères empruntés 
<Tun  poëme  intitulé  Afanyoo  ).  Au  sujet  de  la  distinction  des  écritures 
*n  mâle  et  femelle,  l'auteur  renouyelle  l'idée  que  cette  dernière  a  reçu 
son  nom  du  plus  grand  usage  qu'en  font  les  femmes  ;  et  cette  conjecture 

1  rappelle  l'allégation  des  voyageurs  qui  prétendoient  que  l'écriture  des 
femmes  étoit  ainsi  nommée  9  parce  qu'elle  est  extrêmement  confuse,  et 
difficile  à  lire.  Je  crois  cette  plaisanterie  mal  fondée,  car  l'écriture  fra- 
kana  n'est  pas  moins  fréquemment  employée  par  les  hommes  de  tout 
rang  et  de  tout  état ,  et  je  serois  porté  k  croire  que  c'est  là  une  distinction 
purement  arbitraire,  et  née  peut-être  de  la  forme  plus  arrêtée  et  plus 
régulière  du  kata-ka-na,  eu  égard  à  la  légèreté  élégante  et  capricieuse 
des  traits  du  fra-ka-na.  En  parlant  des  pinceaux  et  de  l'encre  qui  ser- 
vent à  écrire ,  M.  Siebold  remarque  que  la  liqueur  de  la  seiche  n'entre 
pour  rien  dans  (a  composition  de  l'encre  de  la  Chine,  comme  on  le  lit 
dans  un  grand  nombre  d'ouvrages*  On  ne  sait  en  effet  pourquoi  (es  na- 

•  turafîtes  persistent  à  répéter  cette  erreur ,  qui  a  déjà  été  réfutée.  V Ency- 
clopédie japonaise,  dam  la  description  du  sepia  officinales  i4)«  dit  posi- 

rtrvehient:  «  II  y  a  dans  le  ventre  de  cet  animal  du  sang  et  du  fiel,  qui  sont 

*  précisément  comme  de  J'encre  :  on  peut  s'en  servir  pour  tracer  des  ca- 
ractères ;  mais  au  bout  d'un  an  les  traces  s'effacent,  et  il  ne  reste  que  le 
papier  tout  blanc.  »  Et  en  énumérant  ailleurs  les  ingrédiens  qui  entrent 
dans  la  fabrication  de  Pencre ,  soit  à  la  Chine,  soit  au  Japon ,  le  même 
ouvrage  ne  fait  aucune  mention  de  la  liqueur  de  la  seiche  ,  qu'on  n'a  ja- 
mais employée  *  cet  usage. 

M.  Siebold  donne ,  sur  la  prononciation  du  japonais  f  quelques  règles 
"qu'on  a  lieu  de  croire  exactes ,  attendu  le  séjour  que  l'auteur  a  fait  au 
'Japon  même ,  et  le  soin  qu'il  a  pris  de  s'instruire  à  fond  de  tous  les  ob- 
jets qui  ont  fixé  son  attention.  Ces  régies  d'ailleurs  s'accordent  avec  les 
-nombreux  remeignemens  que  nous  possédons  sur  le  même  sujet  :  elles 
. rç'cn  diffèrent  que  pour  les  deux  séries  de  syllabes,  ra,  re,  ri,  ro,  rout  et 


f\ 


•■  (i)  Plus  exactement  lareralia  mutuaia  nomlna,  en  chinois  Pan-kia-ming  ou 
"faanJàtt-min*.  —  (*)  En  chinois  Phwgkia-ming.  — (3)  En  chiuois  Ta-ho- 
ftâhg  ;  caWctèrtf  de  la  pro\ince  de  Taï-ho,  donc  le  nqm  japonais  esc  Yamato. 
41»  ne  faut  pés  confondre  crue  province  de  Yamato  avec  celle  de  Yamasiro ,  où 
fit  flhié  Miyàko  ^  comparez  Encyci.  jap.  liv.  LXXU  et  lxxuk—  (4)  U  U, 


SEPTEMBRE  i8?o.  U7 

fa,  fi  Ji,fo,  fou,  que  Y zuiçxir  prononce Ja,  le,  U,  lo',lou,  et  ha,  Ae, 
»  ai,  ho,  hou,  pafr  une  substituUôn*4pnt  on  trouve  des  exemple»  chez  ses 
devanciers,  et  qui  est. fondée  sur  l'usage  de  plusieurs  provinces/1 

Les  règlçs  grammaticales  que  M.  Siebold  a  remues  au  sujet  des  rap- 
ports des  noms  et  de  la  conjugaison  des  verbe», «ont  le  mérite  drune  . 
grande  simplicité.  On  ne  doute  guère  qu'elles  ne  représentent  plus  fidè- 
lement lé  système  propre  de  l'idiome  japonais  que  les  expositions  em- 
brouillées qu  on  trouve  dans  les  écrits'  des  anciens  missionnaires  sur  la 
même  matière.  C'est  en  suivant  la  piétho  !e  adoptée  par  fauteur,  qu'on 
pourrait  arriver  à  donner  une  idée  complète  de  la  grammaire  japonaise  v 
il  faudrait  seulement  réunir  un  plus  grand  nombre  d'exemples  tirés  des 
livres,  pt  sur- tout  rapprocher  constamment  les  phrases  japonaises  des 
«phrases chinoises  correspondantes,  afin  de  se  mettre  en  état  de  distinguer 
ce  qui  est  commun  aux  deft*  idiomes  et  ce  qui  les  caractérise.  Toute 
expression  japonaise  transcrite  en  lettres  latines  a  perdu  sa  forme  natu-  . 
relie,  et  peut  2t  peiné  être  reconnue  dons  les  textes  originaux. La  lecture 
assidue  de  ces  derniers  est  encore  le  seul  moyen  de  suppléer  à  l'imper* 
fectioh  des  traités  élémentaires. 

Al.  de  Siebold  a  joint  à  son  abrégé  neuf  planchés ,  représentant  les 
divers  syllabaires  japonais,  gravées  en  bois  dans  la  ville  cTOosaka,  d'après 
des  modèles  tracés  par  un  écrivain  du  pays ,  et  qui  sont  d'une  rare  élé- 
gance. Les  explications  qui  s'y  rapportent  sont  très-précises  et  très- 
exactes;  mais  Fauteur  se  trompe  en  assurant  que  ce  sont  les  premiers  ca- 
ractères japonais  authentiques  qui  aient  encore  vu  le  jour  en  Europe.  Des 
syllabaires  plus,  complets  ont  été  publiés  dans  les  ouvrages  -indiqués 
ci-dessus ,  et  il  y  a  plus  de  cinq  ans  que  l'imprimerie  "royale  possède  un 
corps  de  caractères  kata-ka-na,  gravés  en  acier,  et  qui  ont  servi  à  -l'im- 
pression d'une  notice  sur  l'Encyclopédie  japonaise  (  i  ). 

Le  morceau  qui.  suit  d?ns  le  volume  qui  nous  occupe ^est  très-étendu  : 
c'est  une  monographie  du  poivre  de  l'Inde  orientale,  par  M.  Blume.  Après 
quelques  considérations  générales  su*  les  piperades ,  il  décrit  quarante- 
une  espèces  de  cette  famille ,  parmi  lesquelles  trente-quatre  sont  nou- 
velles et  instituées  par  le  botaniste  lui-même  ou  par  quelques-uns  de 
ses. devanciers.  Les  caractères  de  ces  espèces  nouvelles  sont  représentés 
sur  plusieurs  planches.  Une  autre  suite  de  planches  contient  le  simple 
trait  des  fèifflles  de  toutes  les  espèces ,  avec  des  chiffres  qui  renvoient  à. 
la  description. 

Après  cette  monographie ,  on  trouve,  un  discours  biographique  sur 


■*■ 


(j)  Notices  et  extraits  des  manuscrits,  U>m.  XI. 


j38  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

Jean  Pieterstoon  Koen ,  quatrième  gouverneur  général  des  Indes  hol- 
landaises, lue  en  1824  par  M.  de«Sferiè*e.  L'administrateur  auquel  est' 
rendu  cet  hommage  ëtoit  né  en  1587a  Hoom  dans  la  Hollande  sep- 
tentrionale :  il  exerça  les  fonctions  de  gouverneur  général  depuis  1618 
jusqu'à  1 629.  Le  nom  de  Koen  ne  se  trouve  pas  dans  nos  biographies; 
if  sera  aisé  de  remplir  cette  lacune  à  l'aide  du  discours  de' M;  dé  Serièrew 
Enfin  le  dernier  morceau  du  volume  est  une  lettre  de  M.  Ôyerbeek  à 
M.  Lenting,  et  relative  à  Bouddha  et  à  sa  doctrine;  Ce  morceau  -ne  con- 
tient rien  qui  ne  soit  déjà  connu.  L'auteur  a  mis  à  contribution  des  ou- 
vrages très-répandus ,  tels  que  les  As  i  a  tic  Researckes ,  et  les  compilations 
de  Ward.  On  est  en  droit* d'attendre  des  rerisèignemens  plus  importons 
Sur  ce' sujet r  cTune  société  dont  les  membres,  tant  résideris  que  certes- 
poAdans ,  habitent  Tune  des  contrées  les  plus  curieuses  à  étudier,  sous 
le  rapport  de  la  diffusion  des  dogmes  d'origine  indienne,  k  l'orient  des 
deux  presqu'îles  arrosées  par  le  Gange. 

* 

••'.■'*;    J,P.  ÀBEL-RÉMUSAT.    . 


TaraFjE  Moallaca  ,  cum  Zu^enU'  schoMs  :  textum  ad  fidm* 

codicum  parlsiensium  dWgenter  emendatutn  latine  vcrtîtyvhàm 

poêla  açcurate  exposuif,  sekctas  Reiskii  anuotaiiones  suis  sub- 

junxit  >  indiàm  arabicum  addidit  Joannes  Vullers.  Bonna? 

ad  RhenumV  iS.^p»  vj  et  90  pag.,  et  31  pages  de  texte 
arabe.  ..;... 


Le  texte  du  poème  de  Tarafii ,  compris  dans  le  nombre  des  Moat- 
Mas,  ayoit  déjà  été  publié  trois  fois,  cf abord  par  le  célèbre  Reiske ,  en 
174^  ,  avec  une  version  latine,  un  extrait  des  scholies  arabes  cTEbn- 
Nahhas ,  un  prologue  ou  introduction ,  et  un  commentaire  plein  d'une 
érudition  sans  exemple,  alors  en  ce  genre  ;  ensuite  par  l'illustre  WUIiam 
'Jones,  mais  en  caractères  latins  seulement,  avec  les  autres  Moaliakas  et 
une  traduction  anglaise,  en  178);  enfin  à  Calcutta,  avefc  un  abrégé* 
des  scholies  de  Zouzéni ,  en  1  8  2  3 .  De  ces  diyerses  éditions ,  la  dernière 
étoit  trop  rare,  comme  le  sont  en  général  les  livres  arabes  et  persans 
imprimés  dans  l'Inde,  pour  que  les  personnes  qui  se  livrent  en  Europe 
&  l'étude  des  langues  de  l'Asie ,  pussent  espérer  de  se  la  procurer;  celle 


SEPTEMBRE  1.8.30.;  M? 

de  V.  Jones/faute  d'être  imprimée  en  caractères  arabes ,  ne  pouvôit 
eue  d'aucune  utilité:  l'édition  de  Reiske  étpit  donc  la  seule  dan*, 
laquelle  on  pût  étudier  ce  poèinë;  mais  si,  d'un  coté,  elle  annonçoitdans  . 
l'auteur  du. commentaire  une  connoissance  très-étendue   des  poètes 

'  arabes  ,  de  l'autre  ce  commentaire  étok  pUrôt ,  pour  les  jeunes  orien- 
talistes, la  matière  d'une  étude  longue  et  péniMe,  qu'un  secours  pour 
1  intelligence  du  poème  de  Tarifa.  D'ailleurs  les  fragmens  de  poésie 
dont  C* commentaire  est  rempli  sont  souvent  altérés ,  parce  que  Beiske, 
ayant  totalement  négligé  l'étude  de  la  prosodie  et  de  la  métrique  des 
.Arabes,  s'étoit  privé  de  l'instrument  critique  le  .plus  nécessaire  à  un 
éditeur  de  poèmes  arabes.  Ajoutons  que  les  traductions  de  Reiske  sont 
d ordinaire  écrites  péniblement,  difficiles  h  entendre;  et  parfois  peu 
fidèles  *  ce  dont  là  Moallaia.de  Tacafa  fournit  plus  d'un  exemple.  11  y 
.  avoit  donc  .toute  sorte  de  raisons  pour  desirA  qu'on  donnât  une  nou- 
velle, édition  du  poème  de  Tarafa,  qu'on  y  joignît  les  siholies  de 
Zouzéni ,  commentateur  judicieux  et  non  diffus, enfin  qtfoa  appliquât . 
à  rinterjjrétation  grammaticale  de  cet  ancien  et  respectable  monument, 
de.  h  poésie  arabe  avant  l'islamisme ,  les  nouveaux  moyens  que  le 
progrès  des  études  orientales  a  mis,  depuis  une  trentaine  d'années,  à  la 
disposition  de  l'Europe  savan{e.    . 

M.  Vullers  a  placé  à  la  tête  de  son  ouvrage ,  des  prolégomènes  qui 
portent  pour  titre  de  Tarafa  ejuSquc  Moallaca.  Il  y  a  rassemblé  d'à!  ord 
"tout  ce  qu'on  sait  de  la  vie  de  Tarafa ,  de  ses  aventures  aye.c  le  roi^arabe 

.  de  Hinf,  Amrou,  fils  dé  Hénd,  et  de  l'imprudence  qui  coûta  la  vie. 
à  ce  poète  dans  un  âge  très-peu  avancé  ;  ensuite  il  a  exposé  le  sujet  du  ' 
poème,  présenterai  aperçu  des  différente* parties  dont  il  se  compote > 
et  fait  connohre  le  rang  que  les  critiques  arabes  assignent  à  Tarafa, 
parmi  les  anciens  «poètes  de  leur  nation;  enfin  il*  a  donné  le  détail  des 
divers  seiours.  soit  imprimés*  soit  manuscrits ,  qu'il  â  eus,  tant  pour  ta 
publication  du  texte  arabe  du  poème  et  du  commentaire  de  Zouzéni, 
•  que  pour  la  traduction  du  poème  et  pour  la  composition  des  notes 
qu'il  a  jointes  h  sa  traduction.  • 

Tarafa  n'étoit  point  lé  nom  de  nôtre  poète;  il  s'appeloit  Amran , 
.  ou ,  comme  prononcent  lès  AAbes,  Amr,  fils  d'Alabd,  et  il  reçut ,  dit- 
<m ,  le  surnom  ou  le  sobriquet  de  Tarafa,  qui  lui  est  d'ailleurs  commun 
avec  d'autres  poètfcs,  à  cause  d'un  vers  dans  lequel  il  avoit  employé  le 
mot  IÎsjJsl*.  Ce  vers  est  cité  par  l'auteur  du  Kamous  t  et  M.  Vullers 
croit  y  trouver  une  preuve  que  le  surnom*  de  notre  poète  doit  être 
prononcé  Tarafa  et  non  Torfa,  comme  on  Je  lit.dmts  quelques -manus- 
crits. H  est  certain  qu  H  faut  prononcer  Tarafa;  et  l'auteur  du  SiîaA,  qui 

yyy  2 


54a  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ne  hisse  aucun  doute  Ià-des*us ,  dit 'que  tarajïiijt  est  le  singulier  de 
tir/a  pisjit  |  ce  qui  signifie  une  sorte  d'arbre ,  et  que  c'est  du  nom  de  cet 
arbre  que  notre  poète  a  été  appelé  Tara/a.  C'est  aussi. ce  que  dit  Tebrixi 
dans  son  commentaire  sur  le  Hamasa  (  p.  20 1  t  éd.  de  M.  Freytag  )  r 
à  l'occasion  (f  un  autre  poète  nommé  Tara/a.  J'insiste  un  peu  là-dessus  r 
parce  que  je  ne  comprends  pas  bien  comment  l'emploi  du  mot  mouîta- 
tiforiy  dans  le  vers  cité  par  l'auteur  du  Kamou*,  peut  servir  à  démontrer 
qu'il  faut  prononcer  Tarqfa  et  non  Ttnfa.  Au  surplus ,  les  exemples  ne 
sont  pas  rares  de  poètes  Çui  aient  reçu'des  surnoms  pris  de  quelqu'un, 
de  leurs  vers,  et  feji  ai-  indiqué  un  assez  grand  nombre  dans  mon. 
Anthol.  grdmmat.  or. ,  f>*g.  45  9  «t  suhr»Je  dois  ajouter  que  je  ne  com- 
prends pas  le  vfers  cité  par  l'auteur  du  Kamous,  et  je  pense  «que  le 
savant  traducteur  turc  de  c£  dictionnaire  arabe  ne  l'a  pas  compris  non 
plus,  car  il  s  est  .contenté  #de  le  transcrire  &ns  en  donner  l'explication. 
v    Tarafh  étoit  naturellement  porté  à  la  satire»  comme  te  prouvent  les 
•  faits ,  en  petit  nombre ,  que  la  tradition  nous  a  conservés  de  cène  époque 
antérieure  à  l'islamisme;  ifs  nous  apprennent  en  même  temps» que  son 
goût  excessif  pour  les  plaisirs,  ses  débauches  et  sa  prodigalité,  fui  avaient 
aliéné  les  .esprits  de  sa  famille  ef  même,  de  ses  plus  .proches  païens. 
D'ailleurs  ses  vers  satiriques,  dans  lesquels  it  n'épargnoit  ni  ses  p&ens; 
ni  le  roi  de  H  ira ,  Amrou ,  ni  le  frère  cPAmrou ,  Kabous  ,  destiné  2t 
x  succéder  au  trôné ,  lui  avoient  fait  des  ennemis  puissans ,  dont  la  ven- 
geanoe  termina  ses  jours- par  une  mort  tragique,  lorsqu'il  n'a  voit' 
encore ,  si  nous  en  croyons  le  témoignage  dfes  écrivains  arabfes ,  que- 
vingt- six  ans,  ou  même , 'suivant  d'autres,  dix-huit  ans  seulement,  ce 
qui  est ,  il  faut  l'avouer ,  bien  peu  vraisemblable.  M.  Vullers  raconte  en 
détail   les  circonstances  qui  coûtèrent  la  vie    à  Tarafa,    tandis  que 
Moulammè? ,  son  compagnon ,  dévoué  comme  lui  à  la  mort  par  la 
haine  du  roi  de  Hira  ,  mais  plus  prudent  ?  parvint  à  sauver  ses  jours* 
Cette  aventure,  qui  a  donné  lieu  à  quelques  proverbes,  est  trop  connue 
pour  que  je  m'étende  davantage  ici  sur  ce  sujet.  .  • 

Le$  grammairiens  et  les  scholiastes  arabes  citent  assez  souvent  des 
V£T$  de  Tarafe  ;  et  quoique  plusieurs  jtoètes  aient  porté  ce  nom  ,  jl  est 
très- vraisemblable  que ,  quand  ils  n'ajoutent  aucune  autre  désignation, 
c'est  de  fauteur  de  -la  Afoallaka  qu'il  est  question.  Toutefois ,  si  l'on 
en  excepte  la  Afoallaka  qui  porte  son  nom ,  et  qu'il  doit  avoir  com- 
posée ,  suivant  la  conjecture  de  Reiske ,  adoptée  par  M,  Vullers ,  à  l'âge  . 
de  vingt  ans  ou  environ  ;  entre  la  première*  et  la'  huitième  année  de 
Mahomet',  le  temps  ne  nous  a  conservé  de  ce  poète  célèbre  aucun 
ouvrage  de  quelque  étendue ,  et  c'est  ce  que  reconnoît  un  célèbre 


SEPTEMBRE  183p.  j4i 

• 

critique  arabe ,  cité  par  M.  Vullers.  Outre  les  vers  satiriques  contenus 
dans  le  récit  de  ses  aventures ,.  et  une  jolie  pièce  que  j'appellerais 
voleta tiers  un  madrigal,  adressée  à  une  alouette  £  laquelle  il  avoit  rendu 
la  liberté  ,  pièce  dont  il  n'e^t  pas  même  certaip  qu'il  .soit  l'auteur,  je  ne 
comtois  de  lui  quurf  fragment  de  poésie ,  compris  dans  le»  Hàmasa^  et 
qui  paroJt  avoir  échappé  aux  recherches  de  M.  Vullers.  Ce  fragment 
Confirme  bien  le  caractère  satirique  et  caustique  attribué  par  la  tradi- 
tion k  Tarafk!  II  ne  sera. pas  hors  de  propos  de  le  rapporter  ici  (i). 

«  Tes  propos  et  tes  calomnies  ont  mis  'une  barrière  entre  toi  et  les 
»  deux  familles  desquelles  lu  tires  ton  origine,  les  enfans  de  Saâd ,  filj 
»  de  Maleç,  et  les  descendans  d'Amtou  et  <TAuf.  Tu  es  potfr  tes  proche? 
»  une  bise  glaciale  qui  souffle  de  la  Syrie ,  et  dont  le  froid  humide  con- 
»  tracte  le  vfcage  de  ceux  qu'il  atteint ,  tandis  que ,  pour  les  étrangers ,  tu 
^  es  un  doux  zéphyr ,  sans  froidure,  et  qui  amène  des  nuages  dont  les 
»  eaux  fertilisent  les  champs  et  .remplissent  le  lit  des  torrens.  Mais  je 
»  sais,  et  je  le  sais  d'une  scient  certaine  jit  infaillible,  que  méprisable  est 
»  celui  qui  souffre  que  se:  proches  tombent  dans  le  mépris ,  et  que  Ja 
*>  langue  de  l'homme,  quand  il  est  dépourvu  d'intelligence,  ne  sert 
»  qu'à 'mettre  ses  défauts  au  grand  jour.  *>  Le  dernier  ver$  renferme  une 
comparaison  déguisée ,  et  le  poète  veut  d\rey  de  même  que  la  lupgue,  &c 

Je  suis  très-posté  à  croire  que  ces  vers  sont  dirigés  contre  Malec, 
cousin  de  Tarafa,  le  même  .dont  il*  se  .plaint  dans  sa  Moallaka%  car 
Tarafa  et  Malec  descendoient  l'un  et  l'autre  de  Saad,  fils  de  Malec, 

.M.  Vullejs  adopte  Je  jugement  que  Reiske  et  W.  Jorfes.ont  porté  de 
la  poésie  de  Tarafa.  Je  rapporterai  les  propres  expressions  du  premier  de 
ces. deux  écrivains.,  xjui  appelle  le  poème  de  Tarafa,  genuina  antiquïtatis 
ixemplar ,  qued,  simplici  verborum  cul  tu ,  conceptus  Sublimes ,  sed  non  ultra 
naturam  adactoS,  et  auJucfS  nobilif  animi  impetus  exhîbit.  Je  souscrirois 
volontiers* à  ce  jugement,  mais  je  voudrais  en  retrancher  ces  mots» 
simplïti  verborum  cul  tu  ;  car  si  d'un  côté  H  est  vrai  que  le  poème  de 
Tarafa  se  distingue;  entre  les  monumèns  de  l'ancienne  poésie  arabe,  par 
l'élévation  des  pensées,  par  l'expression  d'une  noble  indépendance,  et 
d'une  fierté  qui,  s'é levant  au-dessus  du*  jugement  des  autres  ,  se  vante 
de  ses  vices  comme  de  ses  vertus  ;  par  le  choix ,  la  variété  et  la  grandeur, 
des  .figures  toujours  exemptes,  d'hyperbole,  le -style  au  contraire  est 
constamment  élégant ,  concis ,  élevé  au-dessus  du  langage  ordinaire  „ 
tant  ppr.  le  choix  des  mots  que  par  ses  formes  elliptiques  ,  et  sur-tout 
par  l'usage  des  adjectifs  qualificatifs  presque  toujours  substitués  aux 

■"■■"  ■■■■■■  Il  I  I  ,   ■        ,  ,  ,|       ,        1  „  .!■■  ■  |  ■        I         I     I 

'     (0  Vy*z  k  Hamum,  éJiiivn  de  M.  Freytaj,  pug.  632. 


j4*  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

noms.  C'est  de  qu'a  fort  Lien  observé  M.  VuH^rs,  doftt  }e  ne  puis/me 
dispenser  de  rapporter  le  jugement ,  exprimé  en  ces  ternies  :  Diccndi 

.  gtnus  poetâe  nostnî'est  bftve,  contisum  et  vere  poiticum.  Scatet  'Afoatlaca 
jbrmis  pfrraro  usiiatif*  H  verbis  quœ  normisi  rarisrima  signifie/. '  tient *  et 
çonstructione  *hic  occurrunt.  Loco  substantïvomm  Jere  srmper'  leguntur 
adjectival  rtifinithi  ctpartfci/i  i  f  pferumqi\e eti&m  prœposiiiones  verborum 
quai  euhi  iHïs  cdnstruuntur  virera  itnphnt.  Verba  dtniqut  et  sentent!  œ  ta  m 
fréquenter  omhjra  sunt,  ut  tt/ipsej  durœ  ertnsjlentes  haud  ràro  occurrant. 
C'est  ajsèz.dire  que  ceux  qui  ne  connoîtront  le  poème  dé  Tarafa  îjue 
par  une  traduction ,  ou  qui  n'en  saisiront  le  sens  qy'eti  suivant  servile- 
ment,^ vers  par  vers  ;  ou  plutôt  mot  "par  mot,  le  commentaire  de 
!Zouzéni,  .seront  loin  d'en^  pouvoir  porter  un  jugement  équitable, 
^joutons  tjue,dans  ce  poème,  comme  dans  la  plupart *des  anciens 
poèmes  arabes,  une  longue  et  minutieuse  description <ïç  1a  "hiortt'ure 
sur  Iaquelleje  poète  traverse  les  plaines  arides  et  solitaires,  description 
qui  occupe  une  trentaine  de  vess  ,  ne  pe*t  cfu'êrre  bieri  imparfaitement 
.entendue  par  tout  âùtrô  qiîe gardes  homme:  pour  qui.!e  chameau  est 
la  première  richesse  ,  le  premier  besoin  ,  et  l'objet  continuel  de?  leurs, 
soins  et  de  leurs  pensées.  C'est  dans  ces  descripfioiïs  suf-tôtat  que  nous 
Sommes  condamnes /nous  autres  Européens  ,*à  nous  traîner#pénible- 
ment  à  la  suite  d'uft  schoHastê.où  d'un  grajrffnairiem 

PEisque  jai  cité  ici  le  jugement  porté  par  M.  VuIIers  du  "talent 
poétique  de  Tarafa ,  je  me  fais,  un  devoir  de  saisir  cette  occasion  pour 
signaler  une  erreur  qui  m'est  échappée  en  rendant  compte,  dans  ce 
Journal  (cahier  de  juin  i82t),  de  J'édition  de  fa' MoaVaka  de 
Hârçth  ,  donnée  par  le  même  M.  VuIIers.  Je  ne  saispar  quelle  préoc- 
cupation ,  faute  d  avoir  lu  avec  assez  d'attention  le  jugement  qu'il  avoir 
porté  des  poésies  cTAbou'lala ,  en  ies  comparant  avec  les  anciennes 
poésies  arabes  ,  j'avois  cru  qu'il  donnoitla  préférence  aux  compositions 
du  sifde  de  Moténabbi  et  d'^bou'jala,  c'e  ces  portes  «  dont  les  taMeau*, 
»  avois-je  dit,  ne  sont  ni  vrais:  ni  recommandahies  par'la  pureté  du 
»  dessin,  par  la  bonne  ordonnance  de  toutes  les  parties,  par  I\c!at  et 
»  la  fraîcheur  du  coloris.  »  -Averti  de  ma  méprise  ,  je  regrette  de  n'a  oir 
pas  trouvé  plutôt  une  occasion  de  déclarer ,  cnmme- je  le  fais  ici ,  que 
M.  VuIIers  ne  méritbit  nullement  la  critique  que  je  lui  adressais. .  • 

Si  je  voulois  faire  connoître  ici  la  marche  ordinairement  suivie  pat* 
les  anciens  poètes  arabes ,  dans  les  compositions  auxquelles  on  do*ine  le 
nom  de  kasida  ex^cj»,  ou  même  me  bo»ner  à  présenter  en  Abrégé 
ïes  idées  principales  qui  font  le  sujet  de   la   /MoaV.aka  de  Tarafa,   je 

•    ne  ferois  guère  que  répéter  des  généralités  dont  j'ai  entretenu  plu- 


•«SEPTEMBRE   183a.  .  s4j 

sreirrsfbis  les. lecteurs  de  ce  journal,  ou  copier  ce  que  j'ai  dit,  il  y  a 
déjà  bien  des  années,  dans  .mon  Mémoirx  sur  l'origine  et  .tes  anciens 
monùmens  de  la  ÏUtimtun 'garni  les  Arabes,  mémoire , qui  a  été  publié 
dam* le  tome  L  du  rtcuôil  $e  V Académie  des* belles  lettres,  et  qui  a 
souvent  été  cité  par  M.  V  allers.  Je  dois  donc* renvoyer  uniquement  au 
travail  de  M.  VuIIers  les  lecteurs  à  qui  ces  matières,  ne  sont  pas 
familière»,  ou  qui  ne  seront  pas  fâchés  -de  trouver,  rassemblées  des 
motions  épar>es#dans  plusieurs  ouvrages,  lis  ne  se  repentiront  point 
devoir  consacré  quelque  tur.ps  à  la  lecture  et  à  l'étude  d'un  livre  fait 
avec  méthode-  et  avec  une  sage  critique,  où  il  n'y.  a  rien  de  trop, 
comme  aussi  rien  tf essentiel  n'y  eat  oints ,  et  qui  peut  faciliter  lès 
progrès  des  jeunes .  amateurs  de  la  langue  et  de  la  IVtérature  des 
Arabes.  JI  ne  me  reste  donc  autre  chose  à  faire,  pour  donner  quelque 
.utilité/h  cette  «otice,  que  de-soumetire ,  soit  à  l'auteur  lui-même  ,  sort 
.aux  orientalistes  de  profession,  quelques  observations  critiques  qui.se 
.sont  présentées  à  mon  esprit.  .    . 

■  En  général ,  le  texte  arabe  tant  du  poème- que  du  commentaire  dt 
Zourén»  est  imprimé  correctement;  et  s'il  s'y  est. glissé  quelque» 
fautes,  ce  qui  est  inévitable,  surtout  lorsque,  comme  dans  le  caa 
prient ,  i'fiapressiQn  se  fait  loin  du  lieu  qu  habite  l'auteur  ou  l'éditeur, 
les  «corrections  ont  élé  indiquées  dan*  un  errata.  lien  a  cependant 
échappé  à  l'attention  de  M.  VuIIers  un  petit  nombre  que  je  crois  utile 
,  d'indiquer. 

Dans  le  texte  du  poème,  au  vers  46?  il  faut  substituer  oSumS 

Anvers  4*>  il ftdt  lire  ^xb,  au  lieu  de  £jdb. 

Au  vers'  77 ,  ê^o  et  <jo*  doivent  étire  changés  en  o>£  et  ^ty*. 
Pans  le   commentaire   de   Zoilzériî,   j'indiquerai   les  correction* 

suivantes.       "  '    *  '  •  ■"■ 

» 

Au  vers  10 ,  on  a  imprimé  deux  fois  J* ,  tandb  qu'il-  falloît  écrire  , 
comme  le  porte  mon  manuscrit  <^i*;  et  cela  n'e^t  pas  douteux,  puisque 
Zouzéui .  expliqué  ce  mot  par  Jpljl.  J'avoue  cependant  que  je  ne. 
«suis  point  ici  de  lavis  4e  Zouzéui ,  et  que  je  tiens  pour  certain  que  1^ 
poète,  par  Jf ,  a  vouju  dire  )ux>n  chagrin  r  ***?  scucis,  et  point  du  tout 
mes  projets.  Je  crois  que  cela  est  démontré  par  ces  mots  qu'il  ajoute* 
•jLi*2fcl  o+£.  Le  sens  est  donc  :/e  lamas  Us  soucis,  lors&il m\n  sut- 
ncniç»s/(/u'iit,.&ç.  ;.  \       7.. 

Au  vers  i a.,  il-raut  substituer  *yi  k  ^Ijll» -et <^à/>y* 


j44        .  JOURNAL  DES  SAVONS, 

Au  vers  3  5 ,  il  faut  lire  lf*l*  et  non  LwUjLc  ,  car  Ta/Exe  se  rapporte 
mu  chameau  et  rio/r  à  ses  deux  veilles.  • 

•Au  vers. 7 8  ,  <jLL>  est  une  faute ,  et  il  faut  lire  ulU». 

Dans  les  prqlégomènes ,  pag.  21,  Ijg.  22  ,  au  lieu  de  in  oppido 
Toufone,  il  faut  mettre  /nr  toif/7/0  quod  extruxit  filius  Toufauàis*  II  s'agit 
là  de  ia  mosquée  d'Ahmed  ,  fils  de  Touioun..  -     * 

Je  ne  itf  arrêterai  point  à  la  traduction  du  poème  ,  et  je  do»  dire  que 
M.  Vullers  me  paroît  en  gépéral  .s-'être  parfaitement, rendu  raison  du 
sens  du  texte ,  et  avoir  fait  beaucoup  cf efforts  pour  être  aussi  littéral 
<ju  iléioit  possible.  Si  cette  traduction  étoit  destinée  à  tout  autre  usage 
qu'à  celui  de  servir  de  guide  pour  parvenir  à  l'intelligence  exacte  du  texte, 
je  voudrais  qu'elle  fi&t  plus  libre  ,  et  qu'elle  pût  s'entendre  sans  que  le 
lecteur  fût  forcé  de  recourir  sans  cesse  au  commentaire.  Elle,  perdroît 
•sans  doute  le  mérite  de  la  concision  et  des  figures  de  langage  qui 
donnent  à  l'original  do  nerf,  et  une  sorte  de  vague,  lequel  contribue 
h  amplifier  les  idées  ;  mais  du  moins  elfe  présenterait  -de*  idées  nettes  , 
liées  ensemble',  et  accessible»  à' tous  les  lecteurs.  Je  doute  fort  qu'un 
lecteur  qui  seroit  réduit  à  cette  traduction  du  vers  i\\xubiti  mlidi,  ab 
utroqut  laie  n  distantes ',  quasi  incedent  cum  d a  a  bus  h  y  drus  aquarii 
robusti,  pût  se  faire  une  idée  de  ce  que  le  poète  a  voi*lu  dire.  Peut-être, 
puisque  en  définitive  il  &ut  avoir  recours  à  un  commentaire  aralw  ou 
latin  pour  comprendre  la  traduction ,  vaudroit-il  mieux  renoncer  à  ces 
traductions  littérales,  nécessairement  barbares  et  parfois  inintelligibles, 
les  remplacer  par  une  traduction  moins  rigoureuse ,  écrite  soit  en  latin , 
soit  en  français ,  en.  allemand ,  &c. ,  et  réserver  pour  le  trommentaiœ 
l'explication  littérale  du  texte.  Au  surplus ,  c'est  d'fcprès  le  -but  que*  s'est 
proposé  M.  Vullers  qu'il  faut  juger  sa  traduction ,  et  mes  observations 
ne  doivent  être  considérées  que  sous  un  point  de  vue  général. 

Je  crois  qu'au  vers  24  ,  le  traducteur  n  a  pas  tout-k-fâit  saisi  le  sens 
du  texte  ,  en  faisant  dire  au  poète ,  dans  la  description  de  sa  monture  : 
Longe  discedit  céleri  incessa  pedum  posteriorum ,  priores  hue  / 1  il  lue 
jaetans  ;  et  je  préfère  la  traduction  de  Reiske,  qui  dit;  infinitum  spatium 
pede  emeticns ,  incredibi/i  rotans  manun  ctleritafr.  En  effel  l'intention 
du  poète  n'est  pas  de  dire  que  le  chameau  qu'il  monte  fait  en  peu 
de  temps  de  longues  marches ,  mais  bien  que  s^$  pieds  de  derrière  font 
des  pas  très-alongcs  >  J*>)l  o^jëJu**,  c'est-à-dire,  U^Li ,  comme 
F explique  un  commentateur.  Peut-être  M,  Vullers  na-t-il  pas  voulu 
exprimer  autre  chose;  mais  ce  n'est  pas  là,  ce  nie  semble,  l'idée  que 
suggèrent  le*  mots  latins  longe  d/sc/dit. 

j£  ne  suis  pas  non  plus  parfaitement  satisfait  de  là  traduction  du 


vers  suivans  \firmiter  se  volvunt  pedes  ejus  anteriores  i  ptttorti  ejusque 
armi  sese  inclinant  s ub  teete  fan}  sujfulto,  quoique ,  en  fa  rapprochant  du 
texte  arabe ,  j'en  devine  le.  sens ,  ce  que  je  ne  saurais  dire  de  -celle  de 
Rejske  :  Si  nu  os  as  dextras  jactanfi,  ut  sartprfilum  sursum  trahit, *et  l accru 
ejus  volutantur  in  çipjfo  cffidto.  #I1'  y.  a  dans  ce  vers  deux  comparaisons 
\à&ti  distinctes,  dont  la  seconde  n>  point  du  tout  été  comprise  par 
ReiskewPans  Ta  première,  le  poète  compare  le  mouvement  des  jambes 
dç  devan^du  chameau ,  lorsqu'elles  se  lèvent  en  formant  une  courbe  et 
s'éloignant  du  poitrail ,  à  celui  d'une  fileuse  qui  d'une  main  ferme  tord 
PétoUpe. qu'elle  file,  en  l'éloignant  de  sa  poitrine  et  la  dilflgeant  oblique- 
ment Le  poète  emploie,  pour  exprime*  cela,  quatre  mots  dont  trois,  dans 
fetir  .sens  propre,  sont  relatifs  \  ¥aft  de-fiter,  o>J ,  Jbc*  et  ^j-a.  Reiske 
a  bien  vu  cefa ,  et  je  ne  sjûs  pourquoi  il  a.  introduit  là  un  tailleur  ou  un 
CD.idônnier,  tarton  D^ns  la  traduction  de  M.  Vullers,  au  lifeu  de  se 
volvunt-,  f aurqjs  nyeux  aimé  motu  obliquo  ètjir/now  pectare  rtctdunt.  Par 
la  seconde  figure ,  le  -poète  a  Voulu,  )p  'pçnse ,  peindre  le  volume,  des 
flancs,  de  l'animal ,  formant  pomme  un  toit  composé  de  tuiles  qui  se  sou- 
tienne^ Tune  l'autre  et  qui  dépassent  la  façade  d'un  bâtiment;  de 
même  les  cuisses  du  chameau  se  meuvent  ej,  s'écartent  en  marchant  iouj 
ses  flancs 'fortement  arqués,  qui  les  débordent  de  chaque  côté.  C'est 
peut: être  de  toute  la  Afoàïlaca  le  vers  le  plus  difficile  à  rendre,  tant 
par  la  nature  des  figurés  que  par  la  concision  de  l'expression. 
'  Au  vers  19  ,:il*se  trouve  un  mot  indfqûant  une.  pièce  d'un  navire  , 
et  sur  la  significàtioo  duquel  les  commentateurs  ne  sont  pas  d'accord; 
rîçst  le  mot  qIXI^.  C'est,  suivant  les  uns»  le gouvernai/;  suivant  d'autres, 
un  mat  :  Reiske  .a  dru  que  c'étoft  une  ancre  /peut-être  parce  qu'il  n'a 
pas  bien  compris  jet  scbôliaste.  qu'il  a  consulté;  et  AL  Vullers  partage 
se»  opiniôn;.qui  est ,  je  crois,  une  erreur.  Le  schoiiaste  dit,  ^  jJI  ^liUt 
iUujuJ!  <j  *yij.  Sans  doute  Reiske  a  cru  que  cela  voûloit  dire  que  ce 
qu'on  appelle  qUU  qt'  ce  qui  sert  à  arrêter  le  navire,  c'est- a-tijpe  ,  une 
ancre,  et  M.  Vullers  adopte  cette  traduction.  Pour  moi,  je  pense  que 
Je  schoiiaste  a  dit  que  c'est  ce  qui  sert  a  diriger  un  navire,  et  je  pronohee 


jc-sj     ^      :  \    'J   t.* 


^A*  et  non  |ji}?'Ce'  schoiiaste  est  doçc  d'accord  avec  un  autre  qui 
entend  parla  le  gouvernail  qui  est  à  l'amer e  du  navire:  jUaâJI  J4>  ylJCJI 
{*j*y*  j  [aà£j-  M>  Vullers,   au  contraire,  tient  pour  certain  que 

q(X^  signifie  la  proue  du  navire  [  rostrum  naris  ]  ;  mais  ce  que  je  ne 
eotoçois  pas,Vetft  cprtf  allègue,  en  feveur  de  cette  interprétation,  Zouzéni 
et  Djewhari,  quf  dBsent  que  c'est  la  queue,  c'est-à-dire,  la  poupe 'du 

zzz 


h^tlment^  î^J\  ^x  Le  '  traducteur  turc  du  Ram***  rend  fe<  mofr 
awbe  plCi  par  le  turc  ^S ,  qui  signifie^tfjmnu?//.  D'aHlèurs  0ld  se> 
trouve  employé  deux  fois  dans  la  tr  ad  uciîqji.  arabe  du  N  eu  veau -Test  a- 

dans 
endroit* 
w  l  propos 

(pleGolius ,  et  après  lui  N[enu)bky  et  d'autres  auteurs  de  dictionnaires, 

m  .... 

ont  traduit  (jlCJ  par  ancre  II  resté  à  savoir  si  un  critique  afabte/Àbou? 
Obéida,,  a  eu  raison: de  dire  que  /dan*  ce  vers  de  Tarafà,  le  mot  oliCï 

signifie  nuit.,  Jii  p^fee  que,  le^nât  ^pp^rtienr  à  la  partie  artiàr«M« 

(la  ppUrfac  jkWJ  )  du,  n^yire^J>voyfcqu£  je  ne  vois  *ucttn  motif  cfe* 
supposer,  que  le.  po§te  ait  employé  ce  mpt  cfeps.une  signification  aussi; 

éloignée  de  son  acception  connue.  Ii  a  très-bien  pu  entendre  par  £>l&» 
Id  gouvernail  ou  l'arrière  d'un  navire,  et  dire,  comme  Texplkjue  Zéuzém, 
que  sa  monture  se  distingue  par  la  longueur  et  llçléVatioft  de  son  cou, 
qtfi,  quand  elfe  le  dresse,  ressemble  h  la  poupe  d'une  embarcation 
qui  remonte  lu  Tigre.  Si  non*  savions  précisément  quelle- étoh  l*tlpèce- 

dJembarcatioh  à  laquelle  on  donnoit  le  nom  de  c*>j*.>  nous  recon- 
npîirions.  sans  ijoijte  pour  quelle  raispn  le, poète  ^comparé  le.  cou  dé 
son  chameau  k  l'arrière  plutôt  qu'à  .Pavant  #  de  ce  bâtiment..  Une 
observation  qui  n'est  peut-être  pas   sans  quelque  importance,  à.  cet 

égftrd ,'  c'est  que>  j»j*  signifie  la  croup*  cT,pne  -femme  ,  et  qu'on  appelle 

#Ly  une  femme  qui  a  la*  croupe  forte \  qualité  dont  les-  Arabes  font- 
geand  cas,  et  qu'ils  associent  souvent' à  lar finesse  de  la  taille.  * 

Le  commentaire  de  M.  VuIIers,  outre  les  variantes  des  manuscrits  et 
des  éditions  qu'il)  a  consultés,  et  le  développement  du  sens  /contient 
encore  desgk>>es  empruntées  ,-soii  à: l'édition  de.Reiske,  soit  à  celle  jde 
Calcutta,  ou  à  quelques  manuscrits..  Parfois  aussi  l!iuteur  relève  des 
erreurs  *s$ez  graves  d?  la  traduction  de  Reiske,,  ou  bien  il  rend 
compte  des  motifs  qui  l'ont  déterminé  à  adopter,  da&s  des  endroits 
obscurs,  lé  sens  auquel  il  a  donné  la  préférence.  II. a  soin  encore  de 
rappeler  les  règles  de  la  grammaire  qu'jl  y  a  tfeu  d'appliquer.,  toutes  les 
fois  qu'elles  pourraient  n'être  pas  présentes' à  là  mémoire  dés  lecteurs. 
Et.  en  général,  comme  je  l'ai  déjà  dh,  cette  partie  de -son  travail  m'a 
paru  faite  avec  méthode,  sans  longueurs  inutiles  r  et  sans  omission  de 
rien  de  ce  que  pourroient  désirer  ceux  à  qui  elle  est  destinée.  Voici 
seulement  deux  corrections  que  je  me  fais  pu  devoir  d'indiquer. 


OttHs  te  tôfMtteftttrîre  eut  le  ve*s  3  ,  page  }4,  ftuWèttf  <#oft  néces- 
saire de  corriger  ht  fe^ttrôe  là  glose -de. Z^uzéni,  oùfl  lu}  p»oît  màhqiieir 
qpékpie  «chôsfe.  f)e  là  manière  dont  il  Fa  imprhnëe/SoJSj  d^ï  k£  à* 


difficulté.  On  y  lit  J|  îj^  jtf,  tf&j  i^fîM»jJ  ^ ,  c'est-à-dire,  * 
cause  de  l'excès  de  l'amour  et  de  la  violence  de  la  passion  qui  trouble 
ma  raison.  VoUa  le  sens,  fi  l'on  admit  &'c.  Si  l'on  ptéféroit  lire  So^aj 
O&jJr,  il  faudrait  supprimer  jSy 

Dans  fe  commentaire  sur  le  septième  vers ,  pag.  37 ,  il  y  k  uh  -mot 
omis,  et  il  &utlire  :  cijô^  >  loof»  j*à>  Jjd±  *Jyj.  Cecf  n'est  sans  doute 
qu'une  fautç  typographique  >  et  je  ne  la  remarque  que  parce  qu'elle 
pourrait  arrêter  les  fafteurs* 

Malgré  iet  commentaires  ïfabes  doftt  M,  VuIIers  a  fait  usage ,  et 
malgré  ses  propres  travaux  et  c&ùx  de  Reiske -,  il  reste  encore  dans  la 
■Moalhcu  de/Tàrafà»  comme  dans  la  pîupart  des  plus  anciennes  poésies 
arabes,  quelques  vers,  en  petit  nombre,  dont  le  sens, est  peu  certain, 
ou  dont  l'analyse  grammaticale  laisse  des  difficultés.  Je  poûrrois  citer 
comme  exemple  du  second  cas  le  huitième  vers  de  Tarafa,  et  le 
trentième*  pourroit  servir  de  preuve  à  ia  première  partie  «de  mon  -asser- 
tion* Mais  doit-on  *W  étonner ,  si  l'on  fait  attention  au  petit  nombre 
de  monuments  gui  nous  restent  de  cette  époque  reculée ,  et  aux  change-» 
mens  qu'a  dû  apporter' au  langage  comme  aux  moeurs  des  Arabes,  fa 
révolution  causée  par  le  mahométisrne  !  Sans  doute ,  lorsqu'on  a  com- 
mencé ,  sous  les  auspices  de  la  paix  et  de  la  prospérité,  dans  l'empire 
musulman ,  à  s'occuper  de  ces  vénérables  restes  de  la  littérature  arabe , 
bien  des  souvenirs  étotent  effacés,  blea  des  traces  a  voient  disparu,  et 
la  mémoire  n'a  voit  pas  toujours  conservé  fidèlement  des  poèmes  qui 
dévoient  paroître  bien  frivoles  aux  rigides  et  sauvages  musulmans  du 
premier  siècle.  *  ■         » 

Pour  compenser  un  peu  la  sécheresse  du  compte  que  je  viens  de 
tendre,  de  là  Moaiiaka  de  Tarafa  publiée  par  M*  VuIIers ,  je  terminerai 
cet  article  par  la  traduction  de  trois  Jolis  vers ,  que  M.  VuIIers  a  cités 
dans  son  commentaire. 

«  Fais- toi  insensé  avec  les  insensés ,  quand  tu  te  trouveras  parmi  eux  ; . 
»  mais  si  par'has&rd  tu  rencontres  des  hommes  sages ,  deviens  sage  avec 
»t*it.  Àcçommode-toi  au  caractère  de  l'homme  avec  lequel  le  sort 
»  t'associe,  soit  qu'il  s'agisse  de  choses  sérieuses  ou  de  chopes  frivoles; 

zzz  a 


j48  JOURNAL  DES  SAVANS, 

»  car  j'ai  reconnu  qu'aujourd'hui  la  raison  contribue  autant  au  malheur 
»  de  l'homme ,  qu'elle  fais  oit  autrefois  son  bonheur.  » 

Je  ne  sais  en  quel  siècle  ces  vers  ont  été  composés  ;  ainsi  L'on  ng 
m'accusera  ppintd'en  calomnier  aucun.      *  • 

SILVESTRE  DE  $ÀCY. 


wmmm 


7 bai té  du  Citrus ,  par  Georges  GalleSio,  auteur  de  la  Pomon* 
italiana,  précédé  d'un  extrait  de  la  kttre  de  M.  Oscar  Lecferc- 
Thouin  à  M.  C. 

'    •     •        .:..- .•.<**..:.. 

Pautàtïm  crescunt ,  ut  par  est,  semine  certo, 
Crescendoque  genus  servant ,  ut  nosccrç  passif 
Qu'arque  sua  de  materia  granâescere  alique, 

(TiV.  Lyp.  Car.  lîb.  i,  v.  ffy.) 

A  Paris,  chez  Fantin,  libraire,  rue  Mazarine,  n.°   ip, 
iQzp,  i  voL  in-8.°  de  366  pages.  • 

Cet  ouvrage  doit  avoir  deux  parties  :  il  n'en  a,  encore  paru  qu'une  ; 

la  seconde  se  faisant  beaucoup  attendre,  nous  avons  cru  devoir  rendre 
compte  de  la  première,  d'autant  plus  que  seule  elle  présente  assez 
de  matière  pour  suffire  à  un  article,  qui  pourra  faire  désirer  et. hâter 
peut-être  fa  publication  de  ce  que  l'auteur  annonce  -avoir  à  dire  de 
plus  sur  cette  sorte  de  végétaux. 

Au  titre  du  livre,  on  croit  qu'il  n'y  est  question  que  du  citronnier 
/  citrus  /,  ou  du  moins  qu'il  .est  l'arbre  principal  d'une  famille  bien 
intéressante  par  la  beauté  comme  par  J'excellejice  de  se$  fruits.  Cepen- 
dant le  citronnier  n'est  pas  Tunique  objet  du'ttaité ,  ni  celui  qui  donne 
le  nom  à  un  genre ,  car  il  n'eii  est  qu'une  espèce. 

M.  Galle  s io  l'a  bien  senti  ;  il  eût  adopté  plus  volontiers  celui  âfagrumi, 
employé  par  les  Italiens  et  comprenant  toute  la  famille  à  laquelle  cet 
arbre  appartient:  mais  écrivant  en  français,  où  le  mot  citrus,  pour 
exprimer  le  genre ,  est  plus  connu  ,  il  a  cru  ne  pas  devoir  en  choisir 
un  autre. 

Tout  le  monde  regarde  comme  mérité  l'éloge  que ,  dans  sa  préface , 
il  fait  de  la  famille  dès  citronniers,  orangers,  cédrats,  bergamotiejs , 
bigaradiers ,.  &c 


SEPTEMBRE  1S30.  549 

«  Ces  arbres,  dif-il,  réunissent  à-Ia-fois  les  avantages  des  arbres 
3>  d'agrément  et  ceux. des  plantes  utiles.  Rien  n'égale  la  beauté  de 
«leurs  feuilles,  l'odeur  suave  de  leurs  fleurs,  l'éclat  et  le  goût  de 
»  leurs  fruits  ;  aucune  plantfe  ne  fournit  comme  eux  des  confitures  dé- 
»  Vicieuses,  des  assaisonnemehs  agréables,  des  eaux  de  senteur,  dès 
»  essences;  des  sirops,  et  l'acide  précieux  dont  on  tire  tant  de  parti 
»  pour  des  teintures;  tout  enfin,  dans  ces  arbres,  charme  les  yeux, 
»  satisfait  l'odorat ,  pique  le  goût,  nourrit  le  luxe  et  les  arts.  » 

En  effet, -ces  végétaux,  dans  les  pays  chauds,  ont  toujours  été 
l'objet  d'une  culture  principale  des  jardins  ;  dans  les  pays  tempérés, 
l'ornement  des  maisons  de  plaisance;  dans  lés  pay s m froids,  ils  ont 
donné  '  lieu  à  ces  bâiiinens  destinés  à  entretenir  une  chaleur  -  douce 
au  milieu  de  l'hiver  ;  aussi  les  agronomes  se  sont-ils  occupés,  de  les 
.conserver  et  multiplier.- 

M.  Gallesio  cite  tes  ouvrages  qui  en  ont  traité;  ce  sont  les  suivans  : 

Les  Nouvelles  Hespirides,  par  Jean  Commelyn  ;  Amsterdam,  * 

Crtricultura ;  ou  Culture  des  arbres  fruitiers,  savoir  ,  les  orangers, 
les  citronniers,  les  limonrpers,  les  grenadiers,  les  lauriers,  Ôx. ,  par 
Fançois  Vin-Sterbeck  (en  hollandais)  ;  Anvers,  1712. 

Magasin  pour*  la* culture  des  jardins  en  Allemagne ,  par  Picler. 
'  Journal  allemand ,  4 •*  série ,  années  1807  et  1808. 

JHesperides,  sive  de*  m  a  forum  aureorum  culturâ  et  ustî  libri  IV,  Jo. 
Jîaptistx  Ferrarîi  SenenSïs  è  societate  Jesu  ;  Romae ,  1 6&6. 

Hesperidum  norimbergensium ,  sive  de  malorun\  citreorum,  limonum , 
'aurantiorumque  culturâ  et  usu  libri  IV,  autore  Joanne-Christophoro  Volc- 
kamero  ,  è  linguâ  germanici  in  latinam  translati;  Norimbergx,  apud 
Endterium.  *  .   "   • 

..'C'est  après  avoir  bien  médité  ces  auteurs,  et  sur-tout  Ferrari  et 
Volckamer,  qui  ont  le  mieux  écrit  sur  ces  végétaux,  "que  M..  Gal- 
les^o  a  trouvé  "que  tous  ayoîent  laissé  à  leurs  successeurs  un  champ 
assez  vaste  à  parcourir,  par  nippon  à  la  classification  des  espèces  et 
variétés  qui  remplissent  confusément  leurs  "ouvrages.  II  a  voulu  .re- 
médier à  ce  défaut  cForare ,  en  établissant  une  nouvelle  méthode  de 
classification  ;  pour  cela  il  s'écarte  entièrement  de  la  marche  adoptée 
par  les  botanfstes  et  Ie&  agronomes ,  ses  devanciers  ;  bien  persuadé ,  dit-if, 
que  sa  méthode,  calquée  sur  la  constitution  *et  la  nature  du  végéta! , 
sera  jugée  comme  tellement  identifiée  avec  cette  origirie-et  cette  orga- 
nisation ,  que  chaque  individu  de  la  famille  se  trouve ,  dans  ses  cadres 
ou  tableaux*  placé  et  indiqué  avec  le  même  ordre  que  celui  qui  est 


Ijo  JOURNAL. DES  SAVANS; 

employé,  dans  les  jardins  botaniques  pour  l$s  plantes  indigènes  et 
exotiques. 

Voulant  atteindre  ce  Fut,  M.  Gailesio  annonce  à* son  lecteur  qu'il 
stest  scrupuleusement  occupé  à  .saisir  Ifesf  caractères  distinctes  de 
chaque  plante,  afin  d'être  en  état  de' déterminer  tes  espèces,  séparer  les 
hybrides  et  les  monstres  des  variétés,  et  en  présenter  le  tableau  par 
divisions  et  généalogies ,  de  manière  qu'après  avoir  ,mis  tous  ses  soins 
à  observer  la  si  rie  non  interrompue  de  chacun  dans  les  premiers  dé- 
veloppemens  de  leur  germination  jusqu'à  leur  fructification  et  repro: 
duction ,  qu'après  avoir  comparé  l'ensemble  des  résufiats  de  ses  expé- 
riences avec  celles  qui  ont  été  précédemment  étudiées  et  avec  tous  les 
phénomènes  connus,  il  peut  affirmer  que  s*  théorie  est  fondée  en 
principes. et  sur  des  faits  non  contestés. 

M.  Gailesio  »raite  ensuite  de  la  greffe  ,  des  boutures,  des  marcottes, 
du  sol  et  de  la  culture ,  soit  relativement  h  la  conservation  dés  qualités 
précieuses  du  genre  et  des  espèces,  soit  pour  concourir  &  la  formation 
de  ces  variétés  nombreuses  çt  particulières  à  ce.  végétal. 

Uçuvrage  est  divisé  en  quatre  chapitre^,  dont  le  premier  contient 
un  grand  nombre  d'expériences  sur  lesquelles  l'auteur  appuie  sa  théorie. 
Voici  les  résultats  qu'il  en  tire  :  "-..*.. 

i .°  Les  espèces  forment  autant  de  branches  dans  les  familles  qui- sont 
connues  sous  le  nom  de  genres,  et  auxquelles  elles  appartiennent  par 
des  caractères  communs  ;  elles  se  distinguent  entre  elles  par  des  carac* 
tères  particuliers.  * . 

Ces  caractères  sont  çonstans,  et  ils  distinguent  le  type  des  va- 
riétés. ' 

Les  types  sont  totfjours  féconds  ;  ils  se  reproduisent  par  leurs  se- 
mences ,  à  moins  que  celles-ci  ne  soient  modifiées  par  la  fécondation. 

2.°  Le  mélange  des  espèces  dans  la  réunion  des  sexes  a  donné 
naissance  à  des  hybrides.  %  * 

L'hybride  participe  des  caractères  des  deux  espèces  dont  elle  est 
composée  ;  ainsi  la  physionomie  extérieure  décèle  son  origine.  Elle  n'a 
pas  besoin  de  procédés  pour  être  connue;  elle  a  une  tendance  h  la 
stérilité. 

3.0  Le  mélange  et  la  proportion  des  principes  de  reproduction  de 
plusieurs  individus  d'une  «même  espèce  ont  donn4lieu  aux  variétés.  Les 
variétés  ne  sont  qui?  des  aberrations  du  type. 

4.°  L'action  irrégulière  et  forcée  d'un  principe  sur  l'autre  dans  l'acte 
de  la  fécondation ,  soit  sur  4a  même  espèce ,  soit  entre  des  espèces  diffé- 
rentes ,  a  donné  lieu  à  la  production  des   monstres. 


SEPTEMBRE  1Ô30.  }%t 

Les  monstres  ne  sont  donc  que  des  individus  dont  l'organisation  & 
subi  une  altération  par  le  fait  de  la  fécondation. 

Si  cette  altération  slcu  lieu  dans  les  Ovules,  le  monstre* est  dans  lé 
germe,  et  ce' germe  semé  produit  urte  variété  qui  ne  porte  que  de* 
monstres.  Nous  ne  chercherons  pas  à  approfondir  cette  théorie  et  à  k 
discuter  ;  nous  laisserons  ce  soin  aux  «physiologistes. 

Si  cette,  altération  a  lieu  dan*  l'ovaire.  le  monstre  est  dans  le  fruit 
qui  en. résulte,  et  pérjt  avec  lui-' 

Dans  le  deuxième  chapitre,  l'auteur  traite  du  genre  citrus  et  de  ses- 
espèces,  qui  oh!*  une  grande  propension  k  se  mélanger,  et  dont  la  fleur- 
présente  beaucoup  de  fàeftité  pour  recevoir  une  fécondation  extraordi- 
naire- M*.  GaHesio  y  établit  les  divisions  des  botanistes  et, des  agro- 
nomes',, et  celles  qu'il  a  adoptées;  il  traite  des  espèces  primitives  et 
des  hybrides  qu'il  subdivise  en  trois  races,  et  ces  trois  races  entleux' 
classes.  La  première  est  £elle  des- hybrides  qui  ont  cogservé  la  phy- 
sionomie de  l'espèce  principale ,  de  laquelle  elles  ne  se  distinguent  que! 
par  des  modifications,  très-légères ,  qui  affectent  k  peine  quelque  parue 
dé  la  plante»  La  seconde  est  celle  des  hybrides  dans  lesquelles  le  mélange 
est  si  prononcé,  qi$e  l'on  ne  peut  le*  confondre  avec  aucune  des  variétés* 
des  epèces  primitives.  L'auteur  appelle  ponches  les  hybrides  du  L'inoinuer 
et  du  cédrat,  limes  les  hybrides  de  l'oranger  et  du  limonnier ,  /amies  les 
hybrides  du  cédrat' et  de  l'oranger;  ' 

C'est  Te  chapitre  111  qui  est  consacré  &  la  synonymie  et  ^  la  description^ 
dés  espèces,  variétés  et  hybrides,  appartenant  à  ce  genre  de  végétaux*» 
Les  deux  derniers  articles  concernent  les  fruits  monstrueux  etJ  fe* 
agrumes  des. Indes/,  avec  des  observations  généraleV 

L'auteur,  dans  le  1Y,C  et  dernier  chapitre ,  quitte  le  rôfe  de  bota- 
niste pour  prendre  celui  d'historien.  11  s'occupe. de  recherches  sur  fes 
pays  où  ces  arbres  sont  indigènes ,  ceux  où  ils  ont  été  transportés  et 
où  ils  se  sont  naturalisés ,  et  les  époques  de  leurs  différentes  transmi- 
grations. #  • 

.  Ce  chapitre* est  rempli  deirecherches  qrû  donnent  lieu  fe  des  discussions 
savantes,  et  présente  beaucoup  d'intérêt  à  une  certaine  classe  d'agricul- 
teurs et  aux  botanistes  L'auteur  y  montre  une  grande  érudition  ;  des 
notes  très -étendues  .attachent  le  lecteur,,  et  prouvent  que  M  .GaHesio 
a  lu  et  consulté  une  infinké  d'écrivains  de  difflrens  siècles  et  de  diffé- 
rentes nations,  et  qu'il  a  voypgé  dans  beaucoup  de  contrées  où  l'on 
cuhive'des 'orangers.  Nous  citerons ,  parmi  ses  notes ,  ceHe  dans  laquelle 
if  rend  compte  de  l'état  dexes  arbres ,  quanta  leur  produit  ààtts  divers1 
pays.  Les  orangers  du  Fthalafc  lui  om  jtutu  lés  pi  as  beaux  dér  fEurdpr/ 


j.52  JOURNAL  DCS  SAVANS, 

Ceux  de  la. Sicile  ont  des  fruits  très-doux;  un  seul  arbre  en  Sonne  douze 
à  quinze  cents.  H  en  est  de  même  de  ceux  des  îles  de  l'Archipel ,  de 
Salo,  de  Nice,  d'Hyères»  Les  moines  du  couvent  de  los  Remrdios  en 
Andalousie  ont  assuré  M.  Gallesfo  qu'ils  avoient  cueilli  à  leurs  arbres  jus- 
qu'à cinq  mille  oranges,  ce  qui  a  lieu  aussi  dans  le  Finalais,  où  même -on 
en  a  récolté  dans  un  jardin  six  mille,  et  dans  un  autre  (celui  dé  M.  Piagia) 
huit  mille  sur  un  seul  individu.  Ce  dernier  arbre  s'élève  à  la  hauteur  de 
neuf  mètres  ;ses  branches,  qui  forment  un  globe  etqpi  descendent  jusqu'à 
terre,  présentent  une  circonférence  de  trente-quatre  mètres  ;  la.  tige,  qui 
est  encore  jeune  et  vigoureuse,  a  un  mètre  et  demi  de  "circonférence. 

L'ouvrage  est  terminé  par  deux  tableaux  synoptiques ,  l'un  des  carac- 
tères di$tii\ctifs  des  différentes  espèces  de  crtrus,  et  l'aiitre  du  genre, 
disposé  d'après  les  principes  de  la  nouvelle  théorie  de  la  reproduction 
végétale.  '  . 

Nous  ne  croyons*  pas  devoir  oublier  dédire  que  M.  Gaflesio ,  à 
la  fin  de  sa  préface ,  témoigne  sa  gratitude  à  trois  de  nos  confrères, 
en  s'exprimant  .de  cette,  manière  :  ce  Ce  traité ,  dit-il ,  n'$uiroît  jamais 
*  atteint  le  degré  où  il  est  parvenu,  Sans  les  secours  que  j'ai  trouvés  à 
»  Paris  i  dans  les  ressources  immense*  qu'offre  ce  centre  des  connois- 
M-sances  humaines,  et  dans  l'aide  de  l'amitié  et  des  lumières  de  MM.  de 
»Sacy,  Desfontaines  et  Mirbel;  c'est  à.  ces  tepis  ^avans,  et  principale- 
a»  ment  à  M.  de  Sacy  ,  que  je  suis  débiteur  d'un  grand  nombre  d'db- 
»  servations  et  de  détails  qui  ont  enrichi  mon  travail  et  qui  en  ont 
»  facilité  le  développement  et  la  liaison  ;  il  m'est  doux  maintenant  de 
»  leur  en  témoigner  ma  reconnoissante  ,  &c.  » 

•."'*'  TESSIER. 


Mémoires  de  Y  Académie  royale  des  sciences  de-  F  Institut  de 
France,  années  182*1-1826 ;  tomes  Vlll  et  IX,  in-4.9  Paris, 
Firihin  Didot ,  rue  Jacob,  n.°  24. 

PREMIER    ARTICLE,   tome  VIII. 

En  commençant  cet  article ,  nous  rappellerons  à  nos  lecteurs  que 
nous  n'avons  été  chargé  par  le  bureau  du  Journal  des  Savans  que  de 
rendre  compte  des  mémoires  cpmpris  dans  la  division  des  sciences 


SEPTEMBRE  1830.  553 

physiques  du  recueil  de  P Académie  royale  des  sciences  de  l'Institut  ; 
l'examen  des  mémoires  compris  dans  la  division  des  sciences  mathéma- 
tiques ayant  été  confié  à  celui  de  nos  collaborateurs  qui  est  spécialement 
arttché  au  journal  pour  rendre  compte  des  ouvrages  du  ressort  de  ces 
dernières  sciences. 

Mémoire  sur  l'origine,  le  développement  et  l'organisation  du  liber  et 

du  bois,  par  M.  Mirbel. 

» 

II  seroit  assez  difficile  <T exposer  clairement  l'objet  de  ce  travail ,  de 

manière  à  en  faire  sentir  toute  l'importance ,  si  nous  ne  rappelions  pas 

la  structure  du  bois  et  de  Pécorce ,.  ainsi  que  les  opinions  principales 

qui  ont  été  émises  sur  l'origine  et  le  développement  des  diverses  parties 

qui  les  constituent  sous  le  rapport  anatomique. 

Lorsqu'on  coupe  la  tige  ou  môme  une  brandie  Kgneuse  d'un  arbre 
de  nos  forêts  perpendiculairement  à  sa  longueur ,  on  aperçoit  presque 
toujours,  au  premier  coup  d'oeil i  sur  chacun  des  deux  plans  circulaires 
qu'on  a  mis  à  découvert,  quatre  parties,  ïécorce,  le  corps  ligneux,  la 
moelle,  et  les  rayons  ou  prolongemens  médullaires,  qui,  partant  du  centre, 
vont  en  ligne  droite  jusque  dans  Pécorce. 

En  examinant  Pécorce  et  le  corps  ligneux  de  plus  près  ,  on  voit 
que  la  première  est  formée  de  couches  concentriques  enveloppées ,  à 
f  extérieur ,  d'un  tissu  cellulaire  :  les  uns  ont  compris  Pensemble  de  ces 
couches  sous  la  dénomination  commune  de  couches  corticales  ou  de 
liber,  tandis  que  d'autres  ont  appliqué  Pépithète  de  corticales  aux 
couches  extérieures ,  en  réservant  la  dénomination  de  liber  aux  couches 
intérieures  ;  quelques  savans  n'ont  admis  qu'une  couche  de  liber.  On 
voit  enfin  que  le  corps  ligneux  est  aussi  composé  de  couches  concen- 
triques ,  dont  la  plus  extérieure,  moins  dure  et  en  général  moins  colorée 
que  celles  qu'elle  recouvre,  est  appelée  aubier;  les  autres  couches 
constituent  le  bois  proprement  dit.  Celle  qui  touche  la  moelle  est 
Vétui  médullaire,  parce  qu'en  effet  elle  semble  la  contenir. 

Les  opinions  qu'on  a  avancées  sur  l'origine  et  le  développement  du 
bois,  rentrent  dans  deux  principales,  lorsqu'on  ne  veut  voir  que  les 
grandes  différences  qui  peuvent  les  distinguer  les  unes  des  autres. 
Grew,  Malpighi,  Linnseus,  Sennebier,  admettent  que  les  couches 
intérieures  de  Pécorce  ou  le  liber  s'ajoutent  au  bois  et  constituent 
Paubier,  tandis  que  les  couches  corticales  extérieures  s'ajoutent  à  Pécorce*. 
M.  Dupetit-Thouars  pense  au  contraire,  avec  Knigt,  que  chaque-* 
année ,  entre  Pécorce  et  l'aubier,  i\  se  produit  une  couche  de  liber  qui 

▲»aa 


$j £'  JOURNAL  DES  SAVONS, 

ajoute  !t  F&orce ,  et  une  couche  cf au  hier  qui  $  ajoute  au  corps  figneu* 
ex  se  convertit  en  bois  l'année  suivante, 

M.  Mirbei  professa  d'abord  la  première  opinion;  mais  l'observation 
lui  eu  ayant  démontré  la  fausseté,  il  «ut  ia  bonne  foi  de  l'abandonner; 
C'est  dans  une  note  lue  en  i  S 1 6  à  la  Société  phiiomatique ,  qu'A 
énonça  sa  nouvelle  manière  devoir,  qui  é  toit  appuyée  d'ailleurs  sur  des 
tfessms  cPtrne  grande  exactitude,  faits  pnr  lui*  même  cPaprès  nature:  fé 
mémoire  que  nous  examinons  nVst  en  quelque  sorte  que  l'explication 
détaillée  de  ces  mêmes  dessins ,  qui  ont  été  gravés  dès  1817,.  avec  une 
grande  perfection ,  par  M.  F.  Béin.  Nous  allons  exposer  les  idées  de 
M<  Mirbei ,  quelque  difficulté  qu'il  y  ait  à  les  faire  comprendre  ai; 
lecteur,  lorsqu'on  n?a  pas  la  ressource  de  les  lui  présenter  avec  les  deux 
planches  qui  accompagnent  le  mémoire  original  et  qui  le  rendent*  si 
clair. 

•  Une  branche  d'orme  de  quatre  ans  fixe  d'abord  son  attention.  Après  en 
avoir  coupé  une  tranche  mince  perpendiculairement  à  f  axe ,  voici  ce 
qu'il  y  reconnoît  :  en  partant  de  l'étui  médullaire ,  on  compte  quatre 
couches  ligneuses-,  y  compris  l'aubier,  et  quatrç  couches  de  liber  ou 
corticales,  car  M,  Mirbei  est  da  ceux  pour  qui  ces  deux  expressions 
sont  synonymes;  chaque  couche  de  liber  est  séparée  de  sa  voisine  par 
une  couche  de  tissu  cellulaire,  et  chaque  couche  de  liber  se  compose 
elle- même  de  lames  alternatives  de  tissu  cellulaire ,  et  cTun  tissu  plus 
dense ,  qui  est  probablement  formé  de  tul.es  ou  de  cellules  très-longues 
à  parois  épaisses  non  criblées  de  trous;  la  couche  de  liber  la  pi  Us 
proche  de  la  circonférence  est  couverte  de  tissu  cellulaire  dans  lequel 
on  remarque  quelques  lacunes. 

Chaque  couche  ligneuse  présente  à  l'observation  un  tissu  que  M.  Mir- 
bei avoit  décrit  d'abord  sous  le  nom  de  petits  tubes,  et  qui  paroît  être 
une  agglomération  de  cellules  à  parois  épaisses,  extrêmement  alongées 
et  fermées  à  leurs  extrémités;  ce  sont  elles  qui  donnent  principale- 
ment au  bois  la  dureté  qui  lui  est  propre;  2.0  des  tubes  vasculaires  , 
à  parois  criblées  de  trous;  ils  limitent  intérieurement  la  couche 
ligneuse;  3."  des  tubes  d'un  diamètre  plus  petit  que  les  précéderas,  à 
parois  criblées  ;  comme  ils  sont  coupés  intérieurement  de  distance  en 
distance  par  des  clouons,  on  pourroit  les  considérer  comme  des  cellules 
alongées  et  criblées.  Ces  tubes,  par  leur  disposition  en  rangées  circu-- 
laines,  partagent  la  couche  ligneuse  en  feuillets  concentriques  analogues 
a ux<  lames  que  nous  avons  remarquées  dans  chaque  couche  de  liber.  La 
dwteté  des  feuillets  extérieurs*  est  plus  grande  que  celle  des  feuillets 
intérieurs;  mais,   en  comparant  sous  le  même  rapport  les  diverses 


•>'    4i 


SEPTEMBRE  1830.  5jj 

couches   du  corps  ligneux,  on   trouvé  que.  leur  dureté  respective 
augmente  avec  feur  proximité  du  centre. 

L'étùi  médullaire,  qui  est  fa  limite  intérieure  de  la  dernière  couche 
ligneuse  ,  présente  de  gros  tubes  vascuiaires  ,  dont  les  uns  sont  criblés 
de  trous,  et  les  autres  formés  d'un  filet  roulé  en  hélices;  ce  sont  ces 
derniers  qu'on  a  appelés  trachées. 

Quanta  la  moelle,  elle  se  compose  d'un  tissu  cellulaire  qui  offre  à 
l'observation  microscopique  deux  parties  très  '  distinctes  :  celle  qui 
ivoisîne  l'étui  médullaire  est  à  parois  très^épaisses ,  et  présente  des 
interstices  ou  lacunes  ,  tandis  que  l'autre  partie ,  à  parois  minces ,  n'en 
présente  pas.  Les  cellules  de  la  première  partie  sont  souvent  remplies 
d'une  matière  qui  a  l'aspect  de  l'amidon. 

H  y  a  continuité  entre  les  prolongerions  médullaires ,  la  moelle  et 
fe  tissu  cellulaire  qui  enveloppe  les  couches  corticales  ;  mais  les  pro- 
ÏOngetnens  médullaires  qui  sont  dans  le  corps  ligneux,  sont  formés  de 
cellules  à  parois  épaisses  ,  tandis  que  ceux  qui  sont  dans  l'écorce  sont 
formés  de  cellules  à  parois  milites, 

II  y  a  tant  de  ressemblance  entre  un  tronc  (Tonne  et  ceux  des  autres 
arbres  de  nos  forêts ,  et ,  d'un  autre  côté,  les  dessins  de  M.  Mrrbel  sont 
si  nets,  si  précis  ,  si  conformes  aux  idées  que  Ton  peut  se  faire  de  la 
structure  des  objets  qu'ils  représentent ,  qu'on  seroit  tenté  de  généraliser 
ce  qu'il  dit  de  la  structure  de  l'orme  à  celle  des  autres  arbres,  sans  qu'il 
parût  nécessaire  de  soumettre  ces  derniers  à  l'examen  :  mais  lorsqu'on  a 
Fhabitude  d'observer  la  nature,  on  a  tant  d'occasions  de  remarquer 
Combien  la  réalité  est  foin   de  l'apparence ,  sur- tout  lorsqu'il  s'agit 
d'étendre  à  plusieurs  êtres  ce  qu'on  a  observé  dans  un  seul ,  que  (a 
philosophie  naturelle  exige  impérieusement  que  l'observateur  ne  géné- 
ralise qu'en  raison  de  la  multiplicité  de  ses  observations.  C'est  pourquoi 
M.  Mrrbel  a  soumis  le  tllia  curopœa,  le  prunus  cerasus,  le  malus  corn- 
munis ,  Itfagus  sylvatica,  k  un  examen  aussi  scrupuleux  que  celui  dont 
Forme  a  été  l'objet  ;  et  ces  nouvelles  observations  sont  venues  généraliser 
les  premières,  pbur  établir  ce  feit  fondamental,  que  toutes  les  fois  qu'un 
arbre  n'a  pas  été  altéré  dans  son  écorce ,  cette  écorce  présente  autant 
de  couches  de  liber  que  le  corps  ligneux  présente  de  couches  ;  qu'en 
conséquence,  on  ne  peut  admettre  que  le  bois  s'accroît  parce  que  le 
liber  s'y  ajoute  en  passant  d'abord  à  l'état  d'aubier. 

Voyons  maintenant  comment  M.  Mirbel  conçoit  le  développement 
de  l'écorce  et  du  corps  ligneux. 

À  chaque  printemps ,  un  produit  organisé,  appelé cambium  par  Grew 
et  Duhamel,  apparoît  entre  l'écorce  et  le  corps  ligneux,  c'est-à-dire, 

Aaaa  2 


55<î  JOURNAL  DES  SAVANS, 

entre  l'aubier  et  la  couche  de  liber  qui  ont  été  formés  Tannée  précédente  : 
peu  à  peu  le  cambium  donne  naissance ,  i.°à  une  couche  d'aubier  qui 
s'applique  sur  l'ancien ,  tandis  que  celui-ci  passe  peu  à  peu  ît  l'état  de 
bois  proprement  ditj  zJ"  à  une  couche  de  liber  qui  s'applique. sur  I* 
surface  interne  de  l'écorce ,  de  manière  que  la  couche  de  liber  la  plus 
ancienne  est  la  plus  extérieure ,  et  que  la  couche  la  plus  ancienne  du 
bois  est  la  plus  interne.  Mais  en  même  temps  qu'il  se  développe  une 
nouvelle  couche  de  liber  et  de  l'aubier,  les  couches  de  liber  formées  les 
années  précédentes  croissent  elles-mêmes,  parce  qu'elles  reçoivent,  entre 
ce  qu'on  appelle  les  mailles  de  leur  yssu,  du  cambium  qui  se  transforme 
en  cellules. 

M.  Mirbel  revient  sûr  l'idée  qu'il  a  émise  au  commencement  de  sa 
carrière  scientifique ,  que  les  différentes  parties  que  l'œil  distingue  dans 
le  végétal  sont  celles  Sun  tissu  continu,  de  sorte  que  les  vides ,  les 
interstices ,  les  lacunes  que  présente  le  tissu  cellulaire ,  ne  sont  pas  le 
fait  de  l'organisation ,  mais  bien  le  résultat  d'accidens  qui  ont  déchiré 
des  cellules  :  il  rejette  donc  ce  que  M.  Treviranus  a  nommé  méats 
intercellulaires;  il  n'admet  donc  pas  la  formation  de  ce  même  tissu  par 
l'agglomération  de  vésicules  qui  se  sont  soudées  ensuite.  Si  l'on  parvient 
à  isoler  une  cellule,  ou  ce  que  M.  Dutrochet  a  nommé  un  clostre,  on 
n'a  pas  dessoudé  cette  cellule ,  ce  clostre ,  des  cellules,  des  clostres  qui 
étoient  contigus  aux  premiers;  mais  la  paroi  commune  à  deux  cellules, 
à  deux  clostres ,  s'est  déchirée  suivant  un  plan  passant  dans  le  milieu  de 
cette  paroi  et  parallèlement  à  ses  faces.  Le  sève  ne  circule  donc  pas  dans 
les  méats,  mais  bi?n  dans  des  vaisseaux,  qui  sont  pour  M.  Mirbel  des 
tubes  criblés  de  trous ,  des  tubes  fendus ,  et  des  trachées. 

Enfin  M.  Mirbel  explique  ce  fait,  que,  dans  chaque  couche  ligneuse , 
la  partie  la  plus  dure  est  à  sa  limite  extérieure ,  et  la  partie  la  moins 
dure  à  sa  limite  intérieure ,  en  disant  que  cette  dernière  partie  ayant  été 
produite  au  commencement  de  la  végétation  de  l'année,  tandis  quç  la 
plus  dure  Ta  été  ensuite,  les  circonstances  atmosphériques  étoient  plus 
favorables  alors  pour  que  la  matière  ligneuse  acquît  plus  de  dureté, 
qu'elles  ne  I'étoient  au  commencement  de  la  saison. 

Recherches  sur  ta  manière  de  discuter  les  analyses  chimiques,  pour 
parvenir  à  déterminer  exactement  la  composition  des  minéraux,  par 
Af.  J.  S.  Beudant. 


Tous  ceux  qui   ont  suivi  l'histoire  des  progrès  de  la  minéralogie 
depuis  les   premiiers  travaux  de  Haiiy ,  ont  sans  doute   remarqué  le 


SEPTEMBRE  183a    #  557 

défaut  de  concordance  qui  existoit -f  à  une  certaine  époque ,  entre7  les 
résultats  de  l'analyse  chimique  et  les  résultats  de  la  cristallographie;  et  alors 
on  pouvoit  d'autant  moins  prévoir  cet  état  de  choses ,  que  ia  chimie 
avoit  confirmé,  de  la  manière  la  plus  évidente ,  des  rapprochement  basés 
sur  la  structure  des  cristaux:  ainsi  Vauquelm,  ayant  découvert  une  base 
salifiable  nouvelle,  la  glucine,  dans  le  bérii,  la  retrouva  dans  Pémeraude, 
où  il  avoit  été  conduit  à  la  rechercher  d'après  l'invitation  de  H  au  y  ,  qui 
yenoit  de  se  convaincre  que  Rome  Delisîe  avoit  eu  raison  de  conclure 
l'identité  de  ces  minéraux  de  l'identité  de  leur  forme  cristalline.  Un 
second  exemple  non  moins  remarquable  que  le  précédent  étoit  te 
découverte  que  fît  Vauquelin  de  la  strontiane  unie  à  l'acide  sulfurique, 
dans  des  cristaux  apportés  de  Sicile ,  que  Ton  avoit  confondus  avec  le 
sulfate  de  baryte,  jusqu'au  moment  où  Haiiy  remarqua  que  l'angle 
obtus  de  la  forme  primitive  des  cristaux  de  Sicile  étoit  plus  ouvert 
d'environ  $  degrés  et  demi  que  dans  les  cristaux  du  sulfate  de  baryte  : 
quoi  qu'il  en  fût  de  cette  harmonie  entre  les  deux  sciences  ,  et  quoique 
Hauy  eût  défini  l'espèce  minéral?,  dans  la  première  édition  de  son  traité, 
une  collection  de  corps  dont  les  molécules  intégrantes  sont  semblables,  et 
composées  des  mêmes  élémens  unis  en  mime  proportion ,  H  s'éleva  des 
difficultés  si  graves,  que  l'auteur  de  cette  définition  adopta,  dans  ses  écrits 
postérieurs  ,  une  manière  de  voir  qui  annihilait,  pour  ainsi  dire,  la  part 
que  cette  définition  accordoit  à  la  chimie  dags  la  détermination  des 
espèces  minérales.  Les  difficultés  dont  nous  parlons  étoient  de  deux 
ordres  :  les  unes  concernoient  des  substances  qui  sont  composées  des 
mêmes  élémens ,  unis  en  une  même  proportion ,  et  qui  ont  cepen- 
dant des  formes  primitives  distinctes;  telles  sont  le  spath  calcaire 
rhomboïdal  et  i'arragonite,  tous  deux  composés  d'acide  carbonique  et 
de  chaux.  Les  autres  concernoient  des  matières  de  la  nature  de  celle 
qu'on  appelle  pierres ,  qui ,  contrairement  aux  précédentes  ,  présentent 
une  même  forme  primitive  dans  des  échantillons  que  l'analyse  chimique 
trouve  différens  sous  le  rapport  de  la  proportion  des  élémens,  et,  dans 
plusieurs  cas,  sous  celui  de  la  nature  même  de  quelques  élémens. 

Les  premières  difficultés  n'ont  jamais  eu  pour  les  chimistes  la  gravité 
des  secondes ,  parce  qu'en  effet  ils  ont  si  souvent  l'occasion  d'observer  ,< 
dans  leurs  expériences,  combien  l'arrangement  des  molécules  d'un 
corps  a  d'influence  sur  sa  couleur ,  sa  densité  »  sa  consistance,  &c.  &c. , 
qu'ils  étoient  suffisamment  préparés  à  admettre. que  les  mêmes  prin- 
cipes, comme  l'acide  carbonique  et  la  chaux,  unis  dans  la  même  pno* 
portion,  pouvoient  constituer  des  solides  aynnt  des  formes  primitive* 
différentes  ;  et  cette  opinion  a  été  ultérieurement  parfaitement  démontrées 


fit  JOURNAL  DES  SA'VÀrNS. 

Les  secondes  difficultés  ne  paroissoi  ent  pas  dé  nature  à  être  expliquées 
aussi  facilement  ;  cependant  tous  les  bons  esprits  ,  en  énuméram  les 
découvertes  .qui  étoient  résultées  de  l'alliance  de  la  cristallographie  et 
de  la  chimie ,  pensoient  avec  raison  qu'il  y  avoit  quelque  principe 
théorique  inconnu  qui,  une  fois  découvert,  rétablirait  l'harmonie 
entre  deux  sciences  qui  se  m  b  (oient  devoir  se  confondre  à  leur  but 
plutôt  que  d'avancer  eh  divergeant  de  plus  en  plus  l'une  de  l'autre. 

Ce  principe  est  cefui  de  Yisomorphism'e ,  découvert  en  1810  par 
M.  Mitscheriich.  11  consiste  en  ceci  t  qu'il  y  a  des  corps  a ,  b ,  c ,  d, .  . . 
qui,  en  se  combinant  avec  un  corps  v,  forment  des  composés  av ,  hv , 
çv,  dy>. . . .  cristalUsabfes  dans  le  même  système,  sous  des  formes  plus 
ou  moins  rapprcfchées  par  leurs  angles,  si  toutefois  ces  formes  ne  sont 

pas  identiques.  Les  corps  a,  b,  c,  d sont  dits  isomorphes,  lis  sont 

acides,  lorsque  v  est  base  sali  fiable  ;  ils  sont  bases  salifiables,  lorsque  v 
est  acide:  en  un  mot,  les  corps  isomorphes  a,  t,  c,  d,. . .  sont  tou- 
|purs  doués  de  la  propriété  antagoniste  de  celle  du  corps  y. 

Mais  avant  d'aller  plus  loin,  noifc  devons  remarquer  que  cette 
découverte  (ut  préparée  par  de  nombreuses  analyses  ,  qui  ont  illustré 
les  noms  de  plusieurs  chimistes,  et  sur  tout  par  l'heureuse  idée  qu'eut 
M.  Berzelius,  de  considérer  les  espèces  minérales  de  la  classe  des  pierres 
comme  des  sels ,  c'est-à-dire,  des  composés  dans  lesquels  un  ou  deux 
principes  fatsoient  fbqption  d'acide  et  un  ou  plusieurs  principes 
faisoient  (onction  de  bases  salifiables.  Cette  manière  de  voir,  appliquée 
spécialement  aux  pierres  siliceuses ,  en  faisoit  des  silkdtcs ,  et  ceux-ci, 
une  fois  rangés  parmi  les  sels,  présentoient  des  silicates  simples,  ou  dçs 
composés  définis  de  silice  avec  une  seule  base ,  des  silicates  doubles , 
triples,. . .  ou  des  composés  de  deux  silicates,  de  trois  silicates. . .  . 
définis  :  dès-lors  leur  composition  pouvoit  être  calculée  comme  celle  des 
sels  simples,  des  sels  doubles,  des  sels  triples. . .,  etdevenoit  susceptible 
d'être  exprimée ,  de  la  manière  la  plus  simple  et  à-la-fois  la  plus  précise, 
dans  le  langage  du  système  atomistique. 

Par  exemple,  les  pierres  appelées  pinite  disthène,  cymophane, 
devinrent  des  silicates  d'alumine  simples  ;  le  zircon ,  la  gadolinrte ,  la 
calamine  ,  des  silicates  de  zircone,  d'yttria,  de  zinc  simples;  l'émeraude, 
Iteuclase ,  des  silicates  doubles  d'alumine  et  de  glucine  ;  le  feld-spath  , 
qui  étoit  une  espèce  unique  pour  Haiiy ,  devint  un  sous-genre  renfer- 
mant trois  espèces  de  silicates  doubles,  savoir,  un  silicate  double 
cfalumine  et  de  potasse,  un  silicate  double  d'alumine  et  de  soude,  un 
silicate  double  d'alumine  et  de  chaux  ;  et ,  fait  remarquable  !  c'est  que 
cette  composition  étoit  telle  qu'en  remplaçant ,  dans  les  deux  première^ 


.    SEPTEMBRE!  483©.  ?^ 

mÊpèa»>,  la  silice  par  l'acide  sulfarique  dans  la  proportfan  convenable 
pour  neutraliser  les  deux  bases  ,  on  a  voit  l'alun  à  base  de  potasse  et 
ÏWun  à  base  de  soude. 

La  décooyerte  de  fispraorphisme  donna  à  ces  faits  une  généralité  et 
une  précision  qu'ils  n'auraient  point  eues  sans  elle»  et  ce  ne  an 
séefletnent  qu'alors  qu'on  sentit  bien  ce  qui  a  voit  manqué  jusque-là 
pour  appliquer  rationnellement  le  système  atomistique  à  uq  asses 
gond  nombre  d'analyses  minérales*  ■> 

*  En  effet,  le  principe  de  Vhomorphismc,  en  généralisant  Je  fait  que 
du  suHàte  d'alumine  forme  des  composés  ootaêdres  avec  du  sulfate  éé 
potasse  ,  du  sulfate  de  soude,  et  même  du  sulfate  d'ammoniaque  ;  que 
du.  silicate  d'alumine  donne  des  composés  de  môme  forme  ,  soit  qu'il 
s'unisse  à  du  silicate  de  potasse ,  soit  qu'il  s'unisse  à  du  srlicatede  soàdev 
ou  bien  même  à  du  silicate  de  chaux,  explique  plusieurs  des  difficultés 
les  plus  graves  que  nous  avons  signalées  plus  haut ,  en  parlant  de  la 
dissidence  de  l'analyse  chimique  et  de  la  cristallographie;  savoir  : 

i.°  Que  des  cristaux,  ayant  la  même  forme  priinfrïvp,  peuvent 
différer  par  quelques-uns  de  leurs  élémens  ,  dans  le  cas  même  où  ces 
cristaux  sont  parfaitement  purs,  ou  ,  en  d'autres  termes,  que  l'analyse 
les'  trouve  formés  cTélémens  unis  en  des  proportions  définies  et  cons- 
tantes. II  est  évident  qu'alors  ils  constituent  plusieurs  espèces  d'un 
même  sous-genre  ; 

2 .°  Que  des  cristaux  peuvent  présente*  des  principes  <Juf  ne  paraissent 
pas  d'abord-être  en  proportions  définies  ,  mais  qui  se  réduisent,  par  un 
examen  aprofondi,  à  des  mélanges  en  proportions  indéfinies  de  composés 
définis.  Cette  difficulté.  ts\  facile  à  concevoir ,  lorsqu'on  sait  qu'uypt 
cristal  d'alun  de  potasse  peut  s'accroître  dans  une  solution  cTaluii 
ammoniacal,  et  que  le  résultat,  qui  n'est  qu'un  mélange  de  deux  ccprps 

Sarfahement  définis, ne  ces.*e  pas  d'être  homogène  à  l'oeil ,  malgré  là 
ifRrènce  qu'il  peut  y  avoir  -4ans  |a  proportion  des  $els  mélangés." 
Ajoutons  à  ces  difficultés  celles  qui  résultent  des  mélanges  qu'une 
cristallisation  rapide  a  opérés  entre  des  corps  qui  peuvent  être  isomorphes 
ou  non  isomorphes. 

D'après  ce  qui  précède ,  il  est  évident  que ,  pour  se  représenter  ta, 
composition  chimique  d'un  minéral  dont  on  aura  fait  l'analyse ,  11  ne 
suffira  pas  d'avoir  déterminé  la  nature  ni  même  les  proportions  de'  açi 
élémens;  il*  faudra  voir  encore  s'ils  sont  dans  des  proportions  conve- 
nables pour  constituée  dés  sels  simples  ou  doubles  :  cpnséquemroenV,  n 
faudra  avoir  égard  aux  composés  isomorphes,  aux,  mélanges  npssîbles 
de  composés  définis  ,  afin  que,  dans  tous  les  cas,  on  puisse,  en  réunissant 


/ 


t6o  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

lés  élémens  trouver  dans  le  minéral  analysé ,  voir  si  ces  élémens 
représentent  un  composé  défini  pur  ou  plusieurs  composés  définis 
mélangés.  Pour  arriver  à  ce  but ,  on  part  de  suppositions  suggérées  par 
les  caractères  extérieurs  du  minéral  analysé,  par  la  possibilité  que  la  matière 
qui  sert  de  gangue  au  minéral  ait  pu  s'y  mélanger,  &c.  Ces  suppositions 
faites,  <xû  cherche  à  les  vérifier  par  des  calculs  :  or ,  ce  sont  les  règles  a 
suivre  pour  opérer  ces  calculs  que  M.  Beudant  s'est  proposé  de  tracer 
dans  le  mémoire  dont  nous  avons  énoncé  le  titre  plus  haut.  Les  consi- 
dérations précédentes  étoient  nécessaires  pour  en  faire  apprécier 
l'intérêt;  et  nous  avons  d'autant  moins  hésité  à  nous  y  livrer,  que 
ce  mémoire  n'est  pas  de  nature  à  être  analysé  fidèlement  dans  ses 
détails.  Nous  nous  bornerons  à  parcourir  rapidement  les  paragraphes 
qui  Je  composent 

$.  i  •*  Expériences  sur  les  sets. 

M.  Beudant  s'est  livré  à  des  expériences  sur  les  sels ,  pour  savoir  si 
rexcès  (te  silice  que  l'on  rencontre  dans  un  grand  nombre  de  silicates 
peut  être  attribué  .à  ce  que  ces  composés  s'étant  trouvés ,  au  moment 
de  leur  formation ,  en  présence  (Tune  quantité  de  silice  plus  grande  que 
celle  qui  est  nécessaire  à  fa  neutralisation  de  leurs  bases  sali  fiables ,  cet 
excès  de  silice  a  été  enveloppé  par  les  silicates ,  soit  qu'il  y  ait  eu  com- 
binaison ou  simplement  mélange. 

Le  résultat  des  expériences  de  M.  Beudant  a  été  : 

i .°  Que  les  sulfates ,  les  nitrates,  les  carbonates  neutres  cristallisables, 
qu'on  fait  dissoudre  dans  des  eaux  qui  contiennent  un  excès  de  l'acide 
Où  de  la  base  de  l'espèce  du  sel  qui  est  dissous,  cristallisent  en  con- 
servant leur  composition  première ,  sauf  le  cas  où  le  sel  dissous  est  de 
nature  à  former  un  sous-sel  ou  un  sur- sel;  maïs  alors  les  principes  du 
nouveau  sel  sont  en  proportion  définie.  Ces  expériences  ne  sont  que  la 
Confirmation  de  ce  qu'un  grand  nombre  de  chimistes  avoient  déjà 
ob$ervé; 

a/  Que  l'eau  mère  acide  ou  alcaline  qui  reste  attachée  mécanique- 
ment à  un  sel ,  n'élève  la  proportion  de  l'acide  ou  de  la  base  qu'à 
quelques  millièmes  f  ou  très-raremeril  à  des  centièmes ,  au-dessus  de  la 
proportion  essentielle 'h  la  combinaiso'n  ;  et  cet  excès  disparoît ,  si  les 
sels ,  avant  l'analyse ,  ont  été  brisés  et  pressés  entre  des  papiers  Joseph 
qui  absorbent  l'eau  mère  ; 

î»°  Que  dés  ^silicates  préparés  par  la  voie  sèche  se  sont  comportés 
d*ûne  manière  analogue  aux  sels  précédens ,  dans  des  circonstances 


SEPTEMBRE*,  |0)Q..->1  jrfj 

analogues.  Aussi  Iajilice  étoit^I«  mêlée  è,^^2^s'4^>*  <Jes  propor^ru 
tjui  constituoieot  dés  composés  neutfrç,  i|,se;  produisait  des  «liçate$ 
neutres.  La  silice  étoit-elle  un  peu  surabondante,.  H.se  produjspit  deux 
combinaisons  distinctes  à  l'œil ,  et  chacune  en  proportion  définie. 

Ces  e;cpériences# n'ayant  pas  dp.n.rçé  la. solution,  de  la  question  que 
M.  Beudant  s'éfioit  proposé  de  traiter,  il  crue  qu'il  h  trou  ver  oit  dans  fa 
tendance  qu  onjt  les  sels  à  se  mélanger  lorsqu'ils,  cristallisent  rapide- 
ment, sur-tout  Jprsque  ces  sels  sont  formés  dû  même  acide  et  ont  en 
outre  la  même  formule  atoratstique;  et  en  effet,-  M.-  Beudant  ayant 
pris  en  considération  la  nature  des  gangues  ,  ou  plus  généralement  celle 
des  matières  qui  enveloppent  les  minéraux  dans  leufs  gîtes,  trouva 
que  les  analyses  calculées  dans  l'hypothèse  ou  il  y  avoit  eu  mélange  de 
ces  matières. avec  le  minéral,  étoient  fies  pins  satisfaisantes. 

.    S-  a. 


Le  second  paragraphe  en  est  la  preuve  :  il  se  compose  de  quatre 
séries  d'analyses. 

La  première  concerne  im  groupe  cristallin  que  l'auteur  considéra 
d'abord,  d'après  les  ^uls  caractères-  physiques  et  minéralogiques^, 
comme  un  mélange  <f  amphibole  acrinote  en  cristkux .  rhomboïdaux , 
et  d'épidote  thallite  en  partie  granulaire ,  en  partie  fibreuse. 

«  L'analyse  du  premier  minéral  représemoit  : 

•  *  ■      .      . 

Amphibole  actinote, *. 55.)  c'est-à-dire ,  de  deux  espèces  du 

Amphibole  trémolite 38.)     »u>genrc  amphibole. 

Tfisilicate  de  fer ....      1. 

Silicate  trialumineux çv  .     %      . 

'  '     .     ■    '  "9?    r: 

\ 

m  • 

L'analyse  du  deuxième  minéral  représentait  : 


• 


Épidotç   zoïsite.  . . . 4 1»7*  (c'est-à-dire,  <ïeux  espèces  du  sous- 

Epidote  thallite 47»9-|    &***.  *pM*te, 

Bisilicate  de  magnésie*. 2,7. 

Bisilicate  de  fer. 7,0. 

Silice  surabondante .  0,6. 

99>9- 

Tels  sont  les  «résultats  obtenus ,  en  calculant  chaque  analyse  sans 
prendre  en  considération  la  possibilité  que  l»  matière  contiguë  à  la  ma- 
tière analysée  s'y  soit  mélangée;  et  quoique  satisfaisans ,  us  ne  le  sont  pas 

Bbbb 


S6x  '     JOURNAL  DÈS  SA-VANS, 

mutant  que  lès  résultais  calculés  dans  ia  supposition  du  m 

corps  contîgos.  Eh  effet ,  dans  cette  supposition ,  ' 

La  prçmière  analyse  donne  :  •  9  • 

*  •  •  • 

Amphibole  actinote... ..... .  47>9»  *'       • 

Vmphibole  trémolite 3% A» 

Jpidote  thaliite. • .  1 0,6. 

ipidotc  foîsite.  . . . 3,0. 

•  99*9* 


La  seconde  analyse  donne 


. 


Epidote  thallite.  ...........  52,7. 

JËpidote  zoîsite 37,»» 

Amphibole  actinote.  ." 6,0» 

Amphibole  trémolite». . . .  .•  ».  •  4,2* 

ico,a. 

■  • 

* 

Résultats  trop  simples  pour  qu'ils  ne  soieAt  pas  adoptés* 

La  deuxième  série  d'analyses  fournit  Ses  résultats  anajogues  pour 
dois  minéraux  qui  présentent  *  chacun  un  mélange  cTépidotes  et  de 
grenats* 

II  en  est  de  même  d'une  troisième  série  cTanalyses  qui  se  rapportent  : 

1 .°  A  une  idocrase  ou  grossulalre  mélangée  de  wollastonite  et  de 
trémolite; 

2.0  Ah  wolfastonrte  mélangée  de  trémolite  et  de  tfisi  licate*  de 
chaux  ; 

3.0  A  de  la  trémolite  mélangée  de  grenat; 

4.°  À  du  trisilicate  de  chaux  mélangé  de  wollastonite  et  de  trémoHte; 

$ ,°  A  du  carbor  ate  de  chaux  mélangé  de  carbonate  de  magnésie. 

Enfin ,  une  quatrième  série  d'analyses  confirme  encore  la  manière 
de  voir  de  l'auteur.  Cette  série  s'applique  ; 

1 .°  A  du  quartz  hyalin; 

2.0  A  du  grenat; 

j.  °.  A  du  disthène  ; 

4.°  A  de  f actinote; 

j.°  A  du  mica. 

M.  Beudant  est  conduit  à  discuter  des  analyses  de  pyroxène  et 
d'amphibole ,  faites  par  différera  chimistes ,  qui  ont  'indiqué  les  miné- 
raux qui  accompagnoiem  les  échantillons  qu'ils  ont  analysés..    • 


• 


9  .SEPTEMBRE  183a  jfij 

«  • 

•  • 

Dans  le  troisième  paragraphe,  l'auteur  applique  sa  méthode  dé 
calculer  les  analyses  à  celles  de  plusieurs  roches;  telles  sont  : 

i.°  Une  roche  de  grenat  d*ala; 

*.°  Un  gninstern  compacte; 

J.°  Un  grunstein  noir  de  Schemnitz  ; 

4.°  Un  trapp  de  Suède  ; 

y.°  Un  basalte  de  Beaulteu; 

6.°  UA  basalte  de  Somos-fcb. 

Il  conclut  que  Ton  confond  souvent,  sous  h  même  dénomination , 
des  minéraux  différens  ;  par  exemple  ,  il  distingue  trois  sortes  de  griin- 
stein  |  au  lieu  (Tune  seule  sorte  ;  et  deux  sortes  de  basalte,  au  lieu  d'une 
seule.  •     • 

$.   4*  Théorie  de  la  discussion  des  analyses  minérales. 

m 

M.  Beudant  distingue  d'abord  cinq  cas  qui  peuvent  se  présenter, 
lorsqu'on  veut  appliquer  sa  méthode  dé  calculer  aux  analyses  minérales. 

//r  cas.  L'analyse  a  donné  des  élémens  en  -proportions  définies* 

.2/  cas.  L'analyse  a  donné  des  élémens  plus  ou  moins  nombreux  en 
proportions  qui  approchent  d'être  définies ,  de  manière  qu'il  y  a  quelques 
matières  surabondantes ,  et  qu'il  faut  admettre  des  mélanges  sur  la  nature 
desquels  on  n'a  pas  de  notions. 

3.'  cas.  L'analyse  est  compliquée ,  mais  elle  est  accompagnée  de 
renseignemens  sur  la  nature  des  mélanges  possibles,  et  peut  être 
partagée  immédiatement  en  deux  portions,  dans  chacune  desquelles 
les  principes  immédiats  se  trouvent 'en  proportions  définies. 

4/  cas.  L'analyse  totale ,  où  Tune  des  parues  dans  lesquelles  elle 
peut  se  «diviser ,  doit  renfermer ,  d'après  les  renseignemens  sur  les 
matières  associées ,  de$  composés  de  même  base  ou  de  bases  isomorphes 
d'ordres  diffêrens. 

Ce  cas  exige  la  solution  de  quelques  éguations  à  plusieurs  inconnues. 

j/  cas.  L'analyse  est  accompagnée  de  renseignemens  sur  la  nature 
des  corps  associés  ou  contigus  ;  mais  quelques  principes  immédiats  du 
corps  qui  peut  être  mélangé ,  ne  sont  pas  en  quantité  définie»  et 
n'ont  offert  que  des  traces  de  leur  présence,  ou  même  ont  été  tout-à- 
fiut  négligés.  La  discussion  ne  peut  sel  faire  que  par  tâtonnement,  par 
un  calcul*  de  fausse  position. 

L'auteur  applique  le  calcul  à  chacun  de  ces  cas  en  particulier»  et  U 

Bbbb  a 


*j*4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

procède  pour  chacfin  d'eux  suivam  deux  méthodes  différentes  :  dans  la 
première  méthode,,  il  part  des  quantités  pondérables  des  principes 
immédiats;  et  dans  la  seconde;  des  quantités  doxigène  contenues  dans 
les  divers  oxictes  ou  acides  des  minéraux. analysés.  Cette  partie ,  quoique 
ia  plus  essentielle  du  mémoire  ,  est  cependant  beaucoup  trop  technique, 
pour  que  nous  essayions  de  l'exposer  ;  nous  nous  bornons  à  l'indiquer 
aukctèur. 

E.  CHEVREUL. 


De  Robert  r  Wacii  carminé  quod  inscrihitur  Bru  tus,  disser- 
tât io  quam  &c.  offert  Levinhus  Àbrahapis,  &c.  ,  ///  audi- 
torio  colle^ii  Èlersiani  ,ji  octvbr.  1828.  .  .  .  Hafnia?,  H1-12+. 


À  Pépoquè  où  notre  ancienne  littérature  étok  très-peu  connue  et 
n'étoit  guère  étudiée  ,  on  accordôîl  justement  des  éloges  aux  laborieux 
érudits  qui ,  fouillant  dons  les  dépots  littéraires  ,  faisoient  ensuite 
imprimer,  en  entier  ou  par  fragments,  les  productions  jusqu'alors  inédites 
de  nos  vieux  écrivains  ;  il  suffisoit  presque  de  la  publication  matérielle 
d'Un  manuscrit,  pour  acquérir  des  droits  à  la  reconnoiasance  et  à 
l'estime.  ... 

Depuis  qu'à  la  faveur,  de  ces  utiles  entreprises ,  on  a  pu  constater 
les  formes  et  même  les  règles  du  langage  des  troubadours  et  des  trou- 
vères, les  éditeurs  qui  se  présentent,  aujourd'hui ,  ont  les.  moyens  de 
choisir  avec  discernement  parmi  les  variantes  nombreuses  que  four- 
nissent les  divers  manuscrits ,  et  ils  ne  doivent  admettre  que  celles  qui 
se  rapportent  k  ces  formes  et  à  ces  règles  reconnues  :  la  critique  "doit 
donc  juger  leur  travail  avec  une  sage  sévérité,  qui  permette  à  la  science 
de  prendre  tous  les  développemens  dont  elle  est  susceptible» 

La  publ  cation"  du  roman  de  Rou  n'avoit  pas  été  précédée  dun 
examen  suffisant  et  de  la  comparaison  raisonnée.des  divers  manuscrits 
dépositaires  du  .texte  ,  soit  en  France  <  soit  en  Angleterre  ;  quelquefois 
l'éditeur  rn?  préfiéra  pas  les  variantes  qui  s'accordoient  davantage  aux 
règles  grammaticales  de  l'époque;  (fans  l'intérêt  de  la  science,  il  fallut 
entreprendre  un  travajl  spécial,  et  il  a  servi  de  supplément  à  1  édition  du 
roman,  :  quelle  est  d'ailleurs  très- recommandante  par  divers  mérites  et 
sou*  plusieurs  raj>portt% 


SEPTEMBRE  ifllO.  j6j 

Je  desjre  vivement  qu'on  ne  soit  pas  réduit  à  la  nécessité  de  donner 
un  pareil  «supplément  pour  le  /oman  de  J3rut  ;  etcçst  sur-tout  sous  ce 
]x>int  de  vue  qiie  j'examinerai  la  dissertation  de  M.  Abrahams. 

L'impression  entière  du  roman  de  Rou,  par  Robert  Wace,  fut 
précédée  d'un  entrait  assez  considérable  >  publié  avec  notes,  p/éface  et 
traduction  danoise,  par  M.  le  chevalier  P.  O.  Bronsted,  qui  travaille  en 
ce  moment  à  un  grand  ouvrage  sur  les  antiquités  de  la  Grèce  ,c  dont 
il  a  paru  deux  belles  li\r?iM>ns.  M.  Bronsted  avoit  eu.  le*  dessein  de 
faire  connoîire  les  faits  concernant  l'histoire  de  sa  patrie,  d'où  partirent 
la  plupart  des  guerriers  qui  formèrent  des  établr>semens  en  Normandie. 

.C'est  dans  le  même  esprit  que  M.  Abrahams  se  prépare  à  livrer 
à  l'impression  le  rpman  de  Brut,  au^si  Composé  par  Robert  Wace;  il 
pense  que  cet  ouvrage  fournira  d'utiles- renseignemèns  pour  la  connoi»- 
sance  de  l'histoire  et  des  antiquités  des  pays  du  nord ,  et  notamment  du 
Dariemarck.  , 

H  expose  que,  voulant  recueillir  de$  documens  relatift  au  Danemarck,, 
il  vînt*à  Paris,  où,  après  avoir  étudié  les  origines  de  la  langue  française,. 
if  rechercha  et  co0*ul ta  les  manuscrit*  .qur  contenqient  les  ouvrages  de 
nos  anciens  auteurs  :  il  lut  d'abord-  les  poètes  du  midi  dé  la  France  ;  il 
s'appliqua  ensuite  à  connoître  ceux  du  nord,  dont  l'idiome  a  plus  de 
rapport  avec  le  langage  actuel  de  la  France  >  et  s'attacha  spécialement 
aux  manuscrits  du  roman  de  Brut,  dont  on  qV publié  ,  dit-il  j  que  peu 
de.fragmens  ,  sur  lesquels  la  critique  ne  s'est  pas  exercée. 

M.  Abjahams  annonce  que,  pour  établir  fe  texte  de  cet  ancien 
poëme,  le  plus  ancien  peut-être  de  tous  ,  selon  lui,  députe  la  forma- 
tion de  la  "langue  romane  ,  il  a  compulsé  cinq  manuscrits  de  la  Biblio- 
tKèqije  du  Roi  \t).  •      •  ■    • 

*l'ai  fieu  de  croire  que  le  prospectus*  "cPtinè  édition  du  roman  de- 
Brut  ,  imprimé  chez  MM.  Firmin  Didot  père  .ef  fils ,  et  répandu  >  il 
y  £  environ  trois  ans,  est  l'ouvrage  de  iVJ.  Abrahams. 

En  attendant  h*  publication  de  ce  roman,  et  pour  offrir  un  spécimen 
de  l'édition  projetée,  il  donne  divers  fragmens,  et  notamment  ceux  gui . 
concernent  les  guerriers  danois  placés  sous  la  conduite  de  Hengist  et 
de  Hors. 

Je  n'entrerai  dans  aucun  examen,  soit  de%  faits  historiques,  soit  des 
récits  fabuleux,  contenus 'en  divers  écrits,  à  la  faveur  desquels 
M.  Abrahams  tâche  d'indiquer  les  sources  où.  Robert  *W ace  a  puisé  le 


(i)   N.°*  76;  j,  n.°  7J37  de  l'ancien  fonds,.  n.°  27,  n.°  7  du  fonds  de: 

Car^é,  it  n.°  106  du  supplément*.  l 


$66  JOURNAL  DES  SA  VANS,    . 

• 

sujet  et  les  épisodes  du  roman  de  Brut  (i);  fatteftds  la  publication 
entière  :  mais  je  dois  dire  qu'on  ne  peut  qu'être  satisfait'  de  cette  partie 
du  travail  de  l'éditeur  futur. 

Outre  les  cinqmanuscrksqu'ildéclareavoirconsultésà.la  Bibliothèque 
du  Roi ,  ji  auroit  pu  profiter  de  cçlui  que  possède  la  bibliothèque  royale 
de  l'Arsenal.  -  . 

Ce  manuscrit  in-jf.9  vélin,  n.°  17 1  ,  contient  des  variantes  précieuses  : 
H  avoit  appartenu  à  M.  de  Bombarde  et  ensuite  à  M.  de  Patrfmy. . 

Je  donnerai  peut-être  une  idée  avantageuse  du  style  de  ce  roman  , 
en  citant  un  passage  qui  ne  se  trouve  pas  dans  les  fragmens  rapportés 
par  M.  Abrahams. 

A  l'époque  des  fêtes  de  Pâque ,  Artur  a  tenu  une  cour  à  Paris  ,  et 
il  a  distribué  des  fiefs  ;  son  sénéchal  «a  obtehu  l'Anjou  ;  puis    - 


*. 


Dona  il  en  fieu  Normendie 

Qui  «donc  (*)  avoit  nom  Neustrie. ...         •  (*)  alors 

En  a^rii,  quant  e(té  entra 

En   Engleterre  trespassa  ;  . 

Mùlt  véissiez,  à.  son  repaire  (*) ,  •    "    •    .    (*)  retour 

Hommes  eufanunes  joie  faire  ; 

Baisent  les  dames  leur  mariz 

Et  les  mères  béisent  leur  fiz  ; 

•  •  •* 

Filz  et  filles  bessent  leurs  pères 

Et  de  joie  pleurent  leurs  mères  ; 

Cousines  beisent  leurs  cousins , 

Et  les  voisines  leurs  voisins; 

Par  rues  et  par  quar refours,  • 

En   véissiez  estre  pfuseurs,  • 

Pour  demander  comment  en  est 

*  ■  * 

Et  (*)  <Ju'il  ont  fait  de  leur  conquest ,  (*)  ce  que 

Qu'il  ont  fait  etqu  'il  ont  trové, 

Et  pourquoi  ont  tant  demouré. 

Cil   racontent  les  aventures, 

Les  batailles  fortes  et  dures f 

Et  ics  travals  qu'il  ont  eu 

Et  les  perilz  qu'il  ont  véu. 


(1)  Koyrç  Particle  de  Robert  Wace  dans  Y  Histoire  littéraire  de  la  France, 
tome  XIII ,  pag.  518-530. 


SEPTEMBRE  1830.  567 

Ces  vers,  que  M.  Abrahams  regarde  ,  ainsi  que  je  l'ai  dit,  comme 
les  plus  anciens  peut-être  de  la  langue  des  trouvères,  me  paraissent 
remarquables  par  la  clarté,  la  correction  du  style,  et  par  la  vérité 
naïve  dès  images.  % 

Je  passe  à  la  comparaison  du  texte  imprimé  par  M.  Abraham*  avec 
le  texte  du  manuscrit  de  l'Arsenal;  ce  sera  le  moyen  sans  doute  de 
rendre  plus  évidente  la  nécessité. des  corrections  que  je  proposerai 
d'après  ce  manuscrit. 

S.  1.  Articles.  La  laftgue  des  trouvères ,  dans  les  premiers  temps  de 
sa  formation  ,  emplpyoit  au  pluriel  l'article  Ll  comme  sujet  masculin  \ 
LES  n'étoit  d'usage  que  pour  le  régime. 

D'après  cette  règle,  il  faudrait  admettre  la  variante  suivante. 

Pag.  fia  de  la  di?sert.  :  Et  les  breton*  torz  temps  cressoîenr. 

Man.  de  l'Arsenal  :  Et  li  brtton  totz  temps,  &c. 

S.  2.  Substantifs,  Selon -le  .principe,  aujourd'hui  incontestable,  qur 
d&jgnoit  au  singulier  le  sujet  par  la  présence  de  Y  s  à  la  fin  du  nom, 
et  au  pluriel  par  son  absence,  tandis  que  les  régimes  direct» ou  indirects 
ne  prenoient  pas  l's  au  singulier  et  l'acceptaient  au  pluriel,  il  faut 
préférer  les  variantes  -qui  sont  conformes  à  Cette  règle*  En  voici 
quelques-unes  que  fournit  le  manuscrit  de  la  Bibliothèque  de  PArsenaL 

Pagl  1 76  de  la  dissert.  :  Hcnguht  qui  maire  et  arnsoez  fu. 

Man.  die  l'Arsenal:  Hengnist  MAIRE* et,  &c. 

Pag.  78   de  la  dtsseri.  :  Tuit  ly  MEILLOftr  eli  plus  fort 

Sont  mit  hors  de!  pais  par  sort. 

II  ne  falioHpas  Ps  à'  meillor  ;  le  manuscrit  de  l'Arsenal  porte  ti 
mfUlour.  *  • 

Pag.  86  de  la  dissert.:  E  ton  grant  preu  (*)  serort  (*)  profit 

Man»  de  F  Arsenal  :  Et  ton  grant  PREVs  seroit     . 

Pag.  96  de  la  dlsserj.  r  Li  CPESTIEN*  l'en  haïrent. 

Dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal  on  Ut  \restUn>  qu'il  faut  adopter. 

Pag.  114  de  la  disserf»:  Mais  BRETONxqn!  païens  cremoient. 

Le  manuscrit  de  l'Aj-senal  porte,  conformément  à  ta  règle,  breton, 

Pag.  116  (Je  Iedi5sert  1  Païen;  lorfauhc  dieux  appeloienj. 

Man.  de  l'Arsenal  :  Payen  leurs  faulx,  &c. 

Pag. 32  de  la  dissert.:  Tôt  emement  bretons  faisofenr** 

Maru  de  l'Arsenal  *  Toc  ensemcnt  breton* 


568  JOURNAL  EÎ.ES  SAVANS, 

S.   3.  Adjectif.  La  même  règle  £toit -appliquée  aux  adjectifs  et  aux 
participes  passés. 

Pâg.  52  de  la  aissert.  :  Tant  prisiez  et  âtnê  seroîe. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  fournit  prisiez  et  AM£{. 

$.  4.  Au  pluriel,  le  sujet  il  ne  prenoit  pas  Ps,  comme  H  Ta  prise 
depuis.  ' 

Pag.  74  de  la 'dissert.  :  Li  roys  rouva  quelz  que  ils  fussent. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  porte  if,  et  l'on  doit  préférer  cette  variante. 

Pag.  76  de  la   dissert.  :  ClLz  oîrent  lor  mandement. 

.Pag.  84.  /f  Lorsignor  sont  cil^  nâtural. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  fournit  àl  dans  les  -deux  passages, 

S.  j.  Omissions,  lacunes. 

Après  ces  vers ,  page  1 1  a  de  la  dissertation  : 

Leur  otroia  en  feu  (*)  Succexe  (*)  fief. 

Et  toteEssexe  et  Mi.ddelxesse  ,  • 

le  manuscrit  de  V Arsenal  ajoute  quatorze  vers  : 

Pour  ce  que  près  erent  de  Kent 

Que  Enguist  et  premièrement, . 

Pour  remembrer  la  traïson, 

De  cotuiaux  .ainsi  a  le  nom: 

Sexe,  ce  dient  le*  Anglols, 

Plusieurs  couteaux  est  en  françois. 

Mes  cil  ie  nom  auques  varient 

Que  ne  sevent  que  s*nefient. 

Anglois  le  reprovier  en  orent  ; 

De  ia  traïson  que  cil  orent 

La  fin  de  la  parole  osterent; 

Ses  noms  des  couteaux  trestorne  rent , 

Pour  ousblier  le  desonnor 

Que  fait  orent  leur  ancessor. 

Après  ces  vers  ,  ie  manuscrit  de  l'Arsenal  continue  par  le  vers  de 
l'imprimé: 

Vostigîer  tôt  lor  a  guerpi. 

Pour  l'intelligence  des  quatorze  vers  que  f  ai  rapportés  ;  je  dois  dire 
que    Henguist  avoit  formé  un  complot  pour  assassiner  les  Bretons  ; 


SEPTEMBRE  1830.  569 

ses  guerriers  dévoient  tirer  et  tirèrent  en  effet  leurs  couteaux  cachas , 
lorsqu'il  leur  cria  en  sa  langue  ,  dit  le  poète  :  NIM  IVER  S£X  ,  prem^ 
vos  couteaux. 

Pag.  120,  après  le  vers  :  Les. bras  toz  nuz,  escuz  lever, 

Le  man.  de  l'Arsenal  ajoute:     Moult  leur  vcissiez  coups  doner 

Et  de  l'acier  le  feu  voler. 

S*  6.  Vers  inexacts  à  cause  âes  pieds  qui  manquent  ou  qui  sont  de  trop. 

Pag.  78  de  la  dissert.  :  Si  coustnme  est  et  us. 

II  manque  deux  pieds  à  ce  vers;  ils  sont  dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal. 

Pag.  78  de  la  dissert.:  Si  comme  coustume  est  et  us. 

Querre  terre  et  mansions. 

La  mesure  exigeoit  TERRES,  comme  on  le  lit  dans  le  manuscrit  de 
l'Arsenal. 

Pag.  84  :  Tult  ly  home  mal  terminent. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  porte ,  te  terminent,  autrement  il  manque- 
rait un  pied. 

Pag.  116  :  Et  chrestien  diex  reclamoient, 

Bien  se  combaltoient  payen. 

L'article  li  ,  placé  avant  chrestien  et  payen,  donne  à  chaque  vers  le 
pied  qui  manque,  et  l'on  trouve  cet  article  dans  le  manuscrit  de 
l'Arsenal. 

Pag.  120:  Pris  avon  cestui  vaincu. 

Le  pied  qui  manque  est  fourni  par  le  manuscrit  de  l'Arsenal  : 

.  .  •  cestui  et  vaincu. 

Pag.  1 12  r  Qui  a  fol  et  fotble  chevetaine. 

Ce  vers  a  un  pied  de  trop.  Le  manuscrit  de  l'Arsenal  porte  plus 
exactement  : 

Qui  a  foible  et  fol  chevetaine. 

Pag.  33  :  Nez  commencierent  à  perillier. 

Le  manuscrit  de  l'Arsenal  réduit  à  huit  pieds  ce  vers ,  et  dit  : 

Nés  commencent  à  periller. 

cccc 


57»  JOCRttAL  ttES  SAVAKS, 

Pag.  52:  Qui  me  cftst  qnc  tant  corne  J'atifote. 

Le  rriattUScfît  tfe  f  Arsenal  supprime  m*,  et  le  vers  tftt  aïofs  que  les 
huit  pieds* 

$.  6.  Variantes  de  mots  préfiraUts. 

Pag.  32  de  la  dissert.:  Dont  véissiez  grans  tueîz 

£  merveilles  detrenceis. 

Ge  second  vert  «t  ainsi  dans  ie  manuscrit  de  l'Arsenal  : 

£  merveilloux  deglageis. 

Pag,  76  :  Notre  terre  est  de  gertt  noie. 

Le  manuscrit  de  P Arsenal  porte  naïve ,  qui ,  dans  le  texte,  rioié  et  doit 
rimer  avec  plaintive. 

Pag.  98  .*  Qui  à  veut  te  desvoie. 

Man.  de  l'Arsenal  :  Qui  à  tnervtrUesjt  deivoiew 

Pag.  1 1 8  :  Haïr  Tôt  et  haïr  le  dut. 

II  faut  lire,  comme  dans  le  manuscrit  de  l'Arsenal  : 

Hril'ot  (c'est-à-dire*  Veut  haï). 

En  indiquant  les  variantes  préférables  que  peut  fournir  le  manuscrit 
de  l'Arsenal,  j'avoue  volontiers  que,. dans  beaucoup  de  passages,  le 
texte  admis  par  M.  Abrahamsest  aussi  bon  et  quelquefois  même  meilleur 
que  le  texte  correspondant  de  ce  manuscrit;  mais,  quand  un  savant 
étranger  se  dispose  à  mériter  l'estime  des  littérateur*  français  par  la 
publication  d\m  ouvrage  aussi  important  que  le  roman  de  Brut ,  j'ai 
cru  servir  et  lui-même  et  la  science  en  fournissant  les  moyens  d'ajouter 
à  l'utilité  et  au  succès  de  l'entreprise. 

Je  terminerai  ces  observations  en  citant  deux  passages  rapportés 
dans  la  dissertation  de  M.  Abrahams ,  qui  confirmeront  sans  doute 
l'opinion  avantageuse  qu'on  se  sera  formée  du  style  de  Robert  \^ace. 

Le  premier  est  relatif  aux  preuves  de  mérite  que  les  daines  exigeoient 
des  chevaliers. 

Ja  nulz  chevaliers  n'y  éust, 

De  quel  paraige  que  il  fus, 

Ja  péust  avoir  druerie  (¥)  (*)  faveurs. 

Ne  courtoise  dame  à  amie, 

$e  il  n'éust  trois  fois  esté 

De  chevalerie  cspfouvé. 

}  t  »  > 


SEPTEMBRE  1&30.  }7j 

1/aUtfe  passage  offre  des  détails  de  ce  qui  se  passoit  aux  églises  lors 
des  cérémonies  religieuses. 

Moult  oïssiez  orgues  sonner. 

Et  clercs  chanter  et  orguener, 

Voix  abaissier  et  voix  lever 

Chans  avaler  (*)  et  chans  monter*  (*)  descendre. 

Moult  véissiez,  par  les  mou  s  tiers, 

Aler  et  venir  chevaliers , 

Taac  pour  oîr  Us  clert  chanter, 

Tant  pour  (es  daines  esgarder* 

D'un  raoustier  à  Fautre  venoient, 

Moult  aloient  et  esgardoient  ; 

Ne  savoient  certainement 

Auquel  fussent  plus  longuement* 

Ne  se  pouoient  saouler 

Ne  de  voir  ne  d'escouter; 

Se  tôt  Io  jor  ainsi  durast, 

Jou  cuidast  (1)  qu'il  ne  Ior  aouiast. 

J'invite  fortement  M.  Àbrahams  à  publier  le  roman  de  Brut,  mais  à 
ne  le  publier  qu'en  rectifiant  le  texte  d'après  les  meilleures  variantes  : 
je  lui  offre  à  cet  égard  mes  soins  et  mon  zélé  ;  je  voudrois  les  appliquer 
à  l'amélioration  et  non  à  la  critique  de  l'édition  annoncée. 


(1)  Parmi  les  variantes  que  présente  le  manuscrit  de  l'Arsen&I  pour  corriger 
ce  passage,  je  n'indiquerai  que  celle  du  dernier  vers,  où  on  lit  CUIT  >)e 
pense ,  au  lieu  de  cuidast,  qui  est  une  faute  évidente. 

RAYNOUARD. 


<CCC    2 


J72  JOURNAL  DES  SAVÀNS , 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE. 


M.  CuviFR  a  publié  l'Analyse  des  travaux  de  l'Académie  des  sciences  pen- 
dant 1820,  de  ceux  du  moins  qui  correspondent  à  la  météorologie,  a  la 
physique,  à  la  chimie,  à  la  géologie,  à  la  physique  végétale  et  à  la  botanique, 
à  l'anatomie  et  à  la  physiologie  animale, à  la  zoologie,  à  la  médecine  et  a  la 
chirurgie,  enfin  à  l'agriculture.  Cette  suite  de  notices  remplit  137  pages  î/i-^.% 
imprimées  chez  M.  Firmin  Didot.  La  mort  de  M.  Fouriera  retardé  la  publica- 
tion de  la  partie  mathématique  des.  derniers  travaux  de  cette  Académie. 

La  partie  physique  est  si  riche,  qu'il  nous  seroit  impossible  d'en  indiquer  tous 
les  articles.  Ceux  qui  se  rattachent  à  la  chimie  peuvent  mériter  une  attention 
particulière.  Dès  les  premières  expériences  sur  l'électricité  galvanique  et  sur 
son  action  chimique ,  on  avoit  prévu  qu'çlle  donnerait  l'explication  d  une  multi- 
tude de  phénomènes  qui  échappoient  aux  lois  connues.  M.  Becquerel  vient  de 
montrer  qu'en  effet  on  peut  se  rendre  compte  par-là  de  la  formation  de  plusieurs 
minéraux  :  c'est  dans  les  effets  électriques  manifestés  par  l'action  chimique  des 
corps  en  contact  qu'il  a  cherché  la  solution  du  problème.  Quand  un  métal  esc 
attaqué  par  un  acide  ou  par  un  liquide,  il  y  a  dégagement  de  chaleur,  puis 
formation  d'un  composé  qui  exerce  une  action  non-seulement  sur  le  métal , 
mais  encore  sur  le  liquide  qui  l'environne  et  avec  lequel-  il  se  mêle  insensible- 
ment. Dans  l'action  de  l'acide  nitrique  sur  le  cuivre ,  l'acide  prend  l'électricité 
positive,  et  le  métal  l'électricité  négative.  En  multipliant  les  expériences, 
M.  Becquerel  a  démontré  que  le  développement  de  l'électricité  est  dû  à  des 
actions  chimiques:  il  a  fait  connoStre  les  lois  de  ce  développement;  il  a  indiqué 
les  moyens  d'obtenir  divers  oxides  et  un  grand  nombre  de  composés  nouveaux. 

M.  SéruIIas,  par  ses  nouvelles  recherches  sur  les  combinaisons  de  l'acide 
iodique  avec  les  bases  salifiables,  est  d'abord  arrivé,  à  l'égard  de  l'iodate 
neutre  de  potasse,  au  même  résultat  que  M.  Gay-Lussac  ,  savoir,  que,  dans  ce 
sel,  l'atome  d'acide  iodique,  contenant  cinq  atomes  d'oxigène,  neutralise  un 
atome  de  potasse,  contenant  un  au>m£  d'oxigène.  il  a  décrit  ensuite  deux 
nouveaux  iodates  de  potasse  avec  excès  d'acide,  qu'il  a  nommés  bi-iodate  et 
tri-iodate,  l'un  contenant  deux  fois,  l'autre  trois  fois  plus  d'acides  que  n'en 
renferme  l'iodate  neutre.  —  En  faisant  des  expériences  sur  les  sulfures  de 
phosphore,  M.  SéruIIas  a  découvert  un  corps  tout-à-fait  nouveau,  contenant 
du  chlore,  du  phosphore  et  du  soufre.  C'est  un  composé  à  proportions 
définies,  qui  n'est  pas  susceptible  de  combinaisons  différentes.  Une  analyse 
attentive  fait  voir  qu'il  est  formé  de  irois  atomes  de  chlore,  d'un  de  soufre  f 
d'un  de  phosphore.  Le  même  chimiste  a  présenté  un  mémoire  sur  deux  autres 
produits,  J'huile  douce  de  vin,  et  l'acide  sulfovinique.  11  a  observé  que  les 
sulfovinates  desséchés  dans  le  vide  donnent  à  la  distillation  une  matière  qu'on 


! 


SEÊTEfoflftË'I^CV  573 

Il  prise  pouf  une  huile,  et  qu'il  a  reconnue  être  le  sulfate  d'hydrogène  bi-car- 
borié  hydraté  neutre.  Outre  ces  résultats,  fruits  de  l'observation  directe 9 
l'auteur  du  mémoire  s'est  livré  à  des  vues  théoriques  sur  la  manière  dont  se 
forment  les  divers  poduits  de  l'éthérification. 

Feu  M.  Vauquelin ,  pour  compléter  l'histoire  des  propriétés  de  ce  principe 
immédiat  des  végétaux  que  Ton  connoît  sous  le  nom  dégelée,  a  fait  l'analyse  d'une 
partie  végétale  ou  ce  principe  se  rencontre  en  abondance,  savoir,  de  la  racine  de 
carotte.  En  la  réduisant  en  pulpe,  il  en  a  obtenu  un  suc  particulier  et  un  marc: 
le  suc  contient,  i.°  de  l'albumine,  qui  entraîne  avec  elle  de  la  mannite  et  une 
matière  grasse  résineuse;  2,°  un  principe  sucré  difficilement  cristallisable; 
3.0  une  matière  organique  dont  la  propriété  la  plus  remarquable  est  d'être  tenue 
en  dissolution  à  l'aide  du  principe  sucré. 

M.  Chevillot  a  examiné  les  gaz  des  intestins  dans  l'homme  malade  :  il  y  a 
reconnu  six  espèces  de  gaz  ,  l'azote,  le  gaz  carbonique,  l'hydrogène  ,  l'hydro- 

Séne  proto-carboné,  l'oxigène,  l'hydrogène  sulfuré.  L'azote  est  le  plus  abondant 
les  gaz  qu'on  trouve  dans  les  voies  digestives  de  l'homme  mort  de  maladie. 

'  Entre  les  travaux  relatifs  à  la  géologie,  on  distingue  le  tableau  des  terrains 
ui  composent  l'écorce  du  globe ,  ouvrage  de  M.  Brongniart.  II  divise  l'histoire 
e  ces  terrains  en  deux  périodes,  qu'il  suppose  exprimées  dans  l'ancienne 
mythologie  par  les  règnes  de  Saturne  et  de  Jupiter  :  celle  où  nous  vivons  a 
succédé  a  la  dernière  des  grandes  catasrrophes  auxquelles  ia  surface  de  notre 
globe  a  été  en  proie;  les  mutations  s'y  réduisent  à  des  volcans,  à  des  allu- 
vions,  à  des  dépôts  formés  de  substances  dissoutes  par  les  eaux.  La  période 
précédente  avoit  été  plus  tourmentée  ;  les  formations  s'y  succédoient,  la  vie 
s'établissoit  et  s'anéantissoit  alternativement  sur  difFérens  points;  le  globe, 
comme  Saturne,  dévoroit  ses  enfans  :  c'est  l'objet  des  hypothèses  et  des  systèmes 
des  géologues.  Mais  ce  qui  n'a  rien  de  conjectural ,  c'est  la  nature  et  la  position 
relative  des  terrains  qui  en  ont  été  les  produits,  et  des  êtres  organisés  dont  ils 
recèlent  les  dépouilles.  Tous  ces  terrains  sont  stratifiés ,  et  leur  stratification 
même  prouve  qu'ils  ont  été  formés  successivement;  mais  il  en  est  dont  la  masse 
non  divisée  en  couches  semble  tenir  plus  intimement  au  noyau  de  la  terre  ; 
d'autres  qui  en  ont  été  vomis  à  l'état  liquide  et  se  sont  répandus  a  diverses 
époques  à  la  surface  des  couches.  L'auteur  a  joint  à  ces  vues  générales  beau- 
coup d'observations  particulières  et  nouvelles, 

M.  Ellie  de  Beaumont,  en  admettant  la  production  des  montagnes  par 
soulèvement,  et  en  examinant  avec  soin,  dans  chaque  système  de  montagnes,  la 
nature  des  couches  qui  y  sont  inclinées  et  de  celles  qui  sont  restées  horizontales , 
a  conçu  l'idée  de  fixer  l'ancienneté  relative  des  montagnes  diverses,  et  a  cru 
reconnoftre  que  les  plus  élevées  ne  sont  pas  celles  qui  ont  été  soulevées  les 
premières.  Il  croit  les  Pyrénées,  les  Apennin  ,  plus  jeunes  que  les  chaînes  plus 
basses  de  la  Bourgogne  et  d"  Forez.  Il  assigne  aux  Alpes  deux  îigt$  difFérens; 
et  selon  lui,  leur  chaîne  orientale,  depuis  le  Valais  Jusqu'en  Autriche,  est  plus 
récente  que  l'occidentale. 

On  a  prouvé  par  beaucoup  d'exemples  que  les  ossemens  incrustés  dans  les 
couches  anciennes  des  terrains  tertiaires  et  secondaires ,  différent  assez  de 
ceux  des  animaux  actuels ,  pour  qu'il  soit  permis  de  lès  regarder  comme  apparte- 
nant à  des  espèces  et  même  i  des  genres  inconnus.  Cependant  M.  Geoffroy 
Saint-Htlaire   pense  qu'il   seroit  téméraire  d'affirmer  que  ces  animaux  des 


1 

1 


J74  JOURNAL  OfcS  SAVAIS, 

anciennes  époques  ne  soient  point  liés,  à  titre  d'ancêtre* $  4  ceux  qui  vivent 
aujourd'hui,  H  aperçoit  une  parenté  réelle  entre  les  uns  et. les  autres;  et  persuadé 
que  la  géologie  n'a  point  fait  encore  assez  de  progrés,  il  annonce  qu  avec  un 
sentiment  plus  profond  et  plus  vrai  des  rapports  zoologiques,  on  pourra  y  appli? 
quer  une  chronologie  qu'il  essaie  de  tracer.  Par  ses  expériences  sur  les  œufs,  il 
a  cherché ,  dit-il  »  à  entraîner  l'organisation  dans  des  voies  insolites  ;  c'est  If 
but  de  son  écrit  intitulé  Déviations  organiques  provoquées  et  observées  dans  un 
établissement  d'incubations  artificielles,  fi  assure  qu'en  opérant  sur  des  masses, 
il  a  toujours  obtenu  des  produits  ;  qu'il  y  a  fait  des  monstres  a  volonté,  ayant  la 
qualité  qu'il  prévoyoit. 

AI.  Héricart  de  Ttuiry  a  publié  un  ouvrage  importas!  sur  les  puits  forés  ou 
artésiens.  Il  faut  souvent  pénétrer  à  plusieurs  centaines  de  pieds  avant  d'arriver 
a  des  eaux  disposées  k  s'élever  ainsi  ;  mais  lorsqu'on  réussit ,  on  se  procure  de 
très-grandes  ressource*.  Tout  fait  croire  que  ce  sont  des  nappes  d'eau  descend 
dues  de  collines  ou  de  montagnes  plus  ou  moins  éloignées»  «sur  lesquelles 
pèsent  des  colonnes  de  la  hauteur  nécessaire  pour  les  élever  au  niveau  ou  elles 
parviennent,  quand  des  couches  de  glaise  ou  de  pierre  ne  les  empêchent  pas  d'y 
arriver*  L'auteur  fait  connoître  toutes  les  régies  à  suivre  dans  ces  opérations» 
les  indices  d'après  lesquels  on  peut  re  guider,  les  rnstrumens  dont  on  doit  se 
servir. 

Sous  le  titre  de  physiaue  végétale  et  botanique,  se  rencontre  un  travail  de 
M.  Dupetit-Thouars ,  ou  la  théorie  de  la  végétation  est  réduite  à  ces  deux 
propositions:  i.°  le  bourgeon  est  une  nouvelle  plante;  a.9  ses  racines  com- 
posent les  nouvelles  couches  ligneuses  et  corticales.  Les  observations  de  cç 
naturaliste  tendent  à  prouver  que  la  formation  des  couches  est  déterminée  par 
la  partie  supérieure,  qu'elle  part  des  bourgeons  et  va  se  terminer  au  chevelu  de 
la  racine;  que  le  cambium  est,  aussi  bien  que  la  sève ,  dont  il  est  une  émanation 
directe,  une  matière  indifférente  qui  ne  prend  de  consistance  qu'autant  qu'elle 
est  employée  ;  que  c'est  le  bourgeon  seul  qui  peut  la  mettre  en  œuvre,  en  dé  ter» 
-minant  les  fibres  corticales  et  ligneuses  qui  doivent  établir  sa  communication 
avec  la  terre  ou  le  réservoir  de  1  humidité.  11  résulte  encore  de  la  même  suite 
de  phénomènes  et  d'expériences,  qu'il  y  a  deux  substances  dans  les  végétaux, 
le  ligneux  et  le  parenchymateux. 

M.  deMirbela  offert  à  l'Académie,  dans  un  nouveau  mémoire,  l'ensemble 
de  ses  observations  sur  l'œuf  végétal:  c'est  l'histoire ,  telle  qu'il  la  conçoit,  de 
l'organisation  et  des  développemens  des  ovules.  Il  y  a  distingué  cinq  périodes. 
Dans  la  première,  l'œuf  végétal  esta  l'état  naissant;  c'est  une  excroissance 
pulpeuse,  conique,  sans  ouverture.  Dans  la  seconde,  l'exostome  et  l'endostome 
s'ouvrent ,  et  se  dilatent  jusqu'à  ce  qu'ils  aient  acquis  le  maximum  de  leur 
Amplitude.  Dans  la  troisième,  la  primine  et  la  secondine,  soudées  ensemble  , 
prennent  un  accroissement  considérable,  et  cachent  la  tercine,  qui  souveoc 
devient  un  suc  membraneux.  Dans  la  quartième ,  la  quartine  naît  de  toute  la 
surface  de  la  paroi  interne  de  l'ovule:  la  quartine  s'alonge,  et  l'on  y  découvre, 
sous  la  forme  d'un  globule  suspendu  par  un  filtrés-délié,  la  première  ébauche 
de  fembryon.  Dans  la  cinquième  période ,  l'embryon  développe  ses  cotylédons 
ainsi  que  sa  radicule  :  il  atteint  sa  grandeur  naturelle. 

Divers  autres  sujets  de  botanique  ont  été  traités  par  MM.  Dunal,  Fée, 


SEPTEMBRE  183a  5?$ 

Càmbetaéde ,  Hetïrt  de  Casslni ,  Decandolles ,  Auguste  Saint-Hilarre.  Nous 
«tons  annoncé  la  nouvelle  édition  du  Catalogue  des  plantes  du  Jardin  du  Roi, 
par  M.  Desfontaines. 

L?anatomie  et  la  physiologie  animale  revendiquent  un  mémoire  de 
M.  Geoffroy  Saint-Hilaire,  Intitule  Fragment  sur  la  nature,  et  inséré  dans 
l'Encyclopédie  moderne  de  M.  Courttn.  La  nature  y  est  représentée  comme  se 
Composant  des  faits  et  des  actions  de  tont  ce  qui  existe.  «  Ce  n'est  qu'une 

*  manière  abrégée  d'exprimer  les  êtres  et  leurs  phénomènes»  On  en  a  partagé  la 
t» science  en  sciences  particulières;  mais  aujourd'hui  c'est  à  la  notion  des  faits 

*  simples  et  primitifs  qu'il  faut  s'élever  pour  entrer  dans  les  voies  de  la  phito- 
»  sophie  générale.  » 

Les  expériences  de  M.  Flourens  concernant  l'action  du  froid  sur  les  animaux , 
établissent,  i.°  que  ce  n'est  pas  seulement  sur  L'organisation  et  la  vie  prises 
collectivement  que  le  froid  agit;  2.0  qu'il  a  une  action  principale  et  déterminée 
sur  l'organe  respiratoire;  3.0  qu'il  agit  sur  cet  organe  de  deux  manières  dis- 
tinctes: l'une  qui  produit  une  inflammation  aiguë  et  promptement  mortelle; 
loutre  qui  cause  une  inflammation  chronique  ,  c'est-à-dire,  la  phthisie  pulmo- 
naire; 4.0  qu'une  chaleur  douce  et  constante  prévient  toujours  l'invasion  de  là 
phthîsie  pulmonaire,  et  souvent  même  en  arrête  les  progrès.  On  doit  aussi  à 
M.  Flourens  des  expériences  sur  la  régénération  des  os,  et  un  mémoire  des- 
tiné à  montrer  que  la  moelle  épiniére  n'a  point  sur  la  ci  culation  i:ne  action 
spéciale  proprement  dte,  distincte  de  l'action  générale  des  centres  nerveux  ; 
que  ce  n'est  point  en  elle  que  réside  le  principe  essentiel ,  encore  moins  le 
principe  exclusif  de  cette  circulation. 

M.  Breschet  a  examiné  les  variétés  de 'structure  de  l'organe  de  l'ouïe  dans 
les  poissons,  et  les  rapports  divers  qui  rattachent  cet  organe  à  la  vessie  natatoirç. 

M.  Seiré  a  donné  lé  titre  à'anatomte  tr  mscenrfante  à  un  mémoire  où  il 
soutient  que  lés  organes  se  forment  par  ùnè  impulsion  de  la  circonférence  au 
centre,  et  qu'au  lieu  du  développement  centrifuge ,  c'est  le  développement 
Centripète  qu'on  doit  admettre.  Cette  manière  de  voir  détruit,  selon  lui, 
l'idée  de  la  préexistence  des  organes  et  des  germes ,  et  change  les  fondeméns 
n?êmes  de  la  science. 

M.  Wacren  a;  donné  la  première  notice-  exacte  des  deux  frères  siamois 
réunis  parle  sternum.  Deux  filles  nées  en  Sardaigne  ont  aussi  vécu  plusieurs  mois 
malgré  une  soudure  intime  de  leurs  parties  inférieures.  M.  Dutroihet  a  observé 
une  vipère  à  deuxitêtes,  que  la  soudure  latérale  de  deux  foetus* sembloit  avoir 
fermée.  Un  jeune  hprrçsnemort  à  Verneuil  en  1804  a  voit  dans  le  ventre  une 
tumeur  fibcçusç^  où  se  trouva  un  autre  individu,  très-déformé,  treVio  compte^ 
et  tju'il  ctoit  pourtant  impossible  de  ne  pas  rtcônnoftre  pour  un  véritable 
foetus  humain. 

Les  articles  de  pure  zoologie  sont  un  mémoire  de  M.  Isidore  Geoffroy  Saint- 
Hilaire  sur  les  singes  d'Amérique^  (a  description  d'une  nouvelle  espèce  de 
tapir,  découverte  dans  la  presqu'île  de  Malacca  par  M.  Roulin ;  des  observa- 
tions -de  Mi  -de  Blainvillc  sur  la  gelinotte  des  Pyrénées  ;■  les  recherches  de 
M.  Mil  ne  Edwards  sur  les  crustacés;  les  monographies  des  animaux  de  plusieurs 
co^tritles,  par  M.  Aodôain;  un  travail  de  M.  3mus>s^le**rgftne*3it  m%4ve- 


i76  JOURNAL  DES  SA  VAN  S. 

inentde  ht  mygale  avicuiaîre.  M.  Cuvier* a.  décrit  un  ver  parasite  qui  habite 
dans  le  corps  des  mollusques  céphalopodes,  M.  Moogez  a  recueilli  tout  ce 
qu'ont  écrit  les  anciens  auteurs  sur  les  animaux  qui  ont  paru  à  Rome  dans  les 
jeux  publics. 

Presque  toutes  les  branches  des  sciences  naturelles  se  sont  enrichies»  en  1829 
et  1830,  des  découvertes  et  des  observations  de  plusieurs  voyageurs  éclaires , 
MM.  Bory  de  Sajnr- Vincent,  d'Urville,  Reynaud,  Rîfaud  ,  Quoy,  Gaimard* 
Bélenger,  &c.  Les  produits  du  voyage  des  officiers  de  la  Chevrette,  donnent  la 
plus  honorable  idée  des  connoissances  qu'acquièrent  aujourd'hui  Ie's  officiers  de 
santé  da,ns  les  excellentes  écoles  que  le  ministère  de  la  marine  a  créées.  Tant  de 
riches  détails  d'histoire  naturelle,  ajoutés  aux  découvertes  de  géographie, 
impriment  un  caractère  tout  nouveau  aux  expéditions  maritimes  exécutées  dans 
ces  derniers  temps. 


Nota.  On  peut  s'adressera  la  librairie  de  M.  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la 
Harpe,  n.°  fr;  et  à  Strasbourg,  rue  des  Juifs,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savans.  Il  faut  affranchir  tes  lettres 
et  le  prix  présumé  des  ouvrages. 


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TABLE. 

L'Iliade,  traduction  nouvelle  en  vers  français  ,  par  AI.  A.  Bignan. 

(  Article  de  M.  Raynouard.  ) Pag.  51  j. 

L  Iliade  d'Homire ,    traduite  en   vers  français ,  par  M.  Dugas- 

Montbel  (  Article  de  M.  Letronne.  ) 524* 

Verhandelingen  van  het  Bataviaasch  Genootschap  van  Kunsten  en 

Wstenschavpen  ;  Mémoires  de  la  Société  de  Batavia.  [Article  de 

M.  Abel-Rémusat.) J33» 

Tarafœ  Moallaca,  cuin  Zu^enii  scholiis.  [Article  de  M.  Silvestre 

de  Sacy.  ) 5?8 . 

Traité  du  Citrus ,  par  Georges  Gallesio.  [  Article  de  Af.  Tessier.  ) . .  j4^« 

Mémoires  de  l'Académie  royale  des  sciences  ,  de  l'Institut  de  France , 

années,  182;  et  1826;  tomes  VIII  et  IX.  [Article  de  M.  Chevreul.)  552. 

De  Roberri  Wacii  carminé,  dissertatio  Levinhi  Abrahams.  (  Article 

de  M.   Raynouard.  ) 5^4  • 

Nouvelles  littéraires • •  <•  572* 


FIN  DE  LA  TABLE. 


Il  I !       I       II  ■  ■!!  ■■     ■      ■  ■  '| 


•  • 


Errata.  Cahier  d'août ,  pag,  508,  lig.  9,  exposé,  lisez  rejet  ou  renvoi, 


JOURNAL 


DES  SA VANS 


OCTOBRE     183O. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE, 

1830. 


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Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  fr*  Par  '*  poste ,  hors  de  Paris.  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
librairie  Levrault,  à  Paris,  rue  de  la  Harpe,  n.°  8j  ;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33,  II  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres  nouveaux,  les  lettres,  avis,  mémoires,  &c,  qui 
peuvent  concerner,  la  rédaction  d&  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris ,  rue  de 
Ménii-montant,  n.°  22. 


JOURNAL 

DES  S  A  VANS. 

OCTOBRE    1830. 


The  Fortunate  union ,  a  romance  translatée  front  the  chinese 
original ,  with  notes  and  illustrations  ;  to  which  is  added  a 
chinese  tragedy,  by  J.  F.  Davis,  F.  /?.  s.  London,  1829, 
2  vol.  in-8.° 

H  an  wen  chi  kiài:  poeseos  sineusis  commentant.  On  the  poetry 
ofthe  Chinese,  by  J.  F.  Davis  (from  the  Transactions  of  the 
royal  asiatic  Society,  vol.  II).  London,  1829,  /7r-^.#  dé 
71  pages, 

lN  OUS  avons  eu  plus  d'une  fois  occasion  de  parler  >  dans  ce  journal , 
des  divers  ouvrages  que  M.  Davis  a  composés  avec  l'intention  de  faire 
conrioître  le  goût  des  Chinois  dans  les  productions  légères  de  leur 
littérature.  £i)  dernier  lieu ,  nous  avons  consacré  un  article'  à  sa  traduc- 
tion anglaise  de  la  tragédie  intitulée  les  Chagrins  de  la  dynastie  Han , 
qui  se  trouve  reproduite  à  la  fin  du  nouvel  ouvrage  que  nous  allons 
examiner.  Homme  de  goût  et  littérateur  éclairé ,  M.  Davis ,  qui  a  passé 
plusieurs  années  à  Canton,  et  qui  s'est  occupé  du  chinois  sous  un  point 
de  vue  tout  littéraire ,  a  profité  des  avantages  de  sa  position;  .et  le  genre 
d'ouvrages  qui  pourroient  le  plus  embarrasser  un  autre  traducteur,  parce 
qu'ils  exigent  l'étude  du  génie  national  et  la  connoissance  des  localités, 
est  justement  celui  vers  lequel  il  paroît  être  le  plus  porté.  On  lui  doit 
déjà  deux  pièces  de  théâtre  et  quatre  nouvelles.  II  acquiert  un  titre  de 
plus  à.  la  reconnoissance  qu'il  a  méritée,  en  donnant  au  public  une 
bonne  traduction  de  l'un  des  romans  chinois  les  plus  cpnnus  ,  <îe  celui 
qui  porte  le  titre  de  Hao  khieou  tchouan ,  ou  l'Union  bien  asforti(*\ ,  -  j 
Le  docteur  Hugues  Percy ,  évéque  de  Dromore,  a  publiée  Londres, 

Dddd  % 


580  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

en  1 76 1  ,  i:ne  traduction  de  ce  rbmjfi*(  rf ,  faite, *8  ce  qu'il  paroît ,  vers 
1719,  par  un  auteur  anonyme  qui  mourut  en  1 7  $6.  Des  quatre  cahiers 
dont  se  composoit  le  manuscrit,  les  trois  premiers  étoient  écrits  en 
anglais,  efle  quatrième  f  d'une  autre  main  ,  en  portugais.  On  croit  que 
l'auteur  de  cette  traduction  étoit  un  Anglais  nommé  HPÏ/kimon,  attaché 
à  la  compagnie  des  Indes  ,  et  qui  s'étoit  livré  à.  I  étude  du  chinois.  Mais 
il  reste  quelque  incertitude  à.  ce  sujet  ;  el  à  quelque  ration  qu'ait  appar- 
tenu ce  traducteur  inconnu  ,  Percy,  qui  avoit  mis  en  anglais  la  quatrién^e 
partie,  et  vraisemblablement  corrigé  le  style  des  trois  premières  ,  étoit, 
en  sa  qualité  d'éditeur ,  le  véritable  repondant  de  ce  petit  ouvrage. 
C'est  sur  sa  version  anglaise  qu'Eidous  en  fit  une  française  (?)  ,  qui  a 
été  réimprimée  il  y  a  deux  ans  (}),  dans  un  moment  où  l'attention  do 
public  avoit  été  ramenée  sur  les  ouvrages  de  ce  genre  par  Ij  publication 
d'un  second  roman  chinois. 

Il  est  naturel  qu'un  nouveau  traducteur  ait  été  frappé  des  défauts 
(Tune  première  version ,  puisqu'il  entreprend  de  la  remplacer,  et  il  a 
f>esoin  de  justifier  son  travail  par  ia  critique  du  travail  de  son  prédé^ 
cfsseur.  M.. Davis  a  usé  de  ce  droit  sans  en  abuser.  11  y  avoit  beaucoup 
de  fautes  dans  l'ancienne  version  du  Hao~Lhieou-tchouan.  Le  titre 
même  de  ce  roman  avoit  été  mal  rendu  par  the  P leasing,  history  : 
M.  Davis  le  traduit  par  the  Fortunate  union  ;  ce  seroit ,  plus  exactement 
encore,  la  Bille  alliance ,  ou  l'Histoire  du  couple  bien  assorti  (4)*  Le 
premier  interprète  parloit  de  canifs ,  pour  un  pays  où  l'on  ne  connoît  pas 
l'usage  des  plumes.  Il  attribuoit  à  une  jeune  fiHe  le  désir  de  voir  ses 
ennemis  sacrifiés  et  leur  chair  en  offrande  pour  apaiser  son  ressentiment, 
désir  dont  il  n'y  a  pas  de  trace  dans  cet  endroit  de  l'original.  H  faisoit 
discourir  le  héros  avec  un  valet  au  sujet  de  son  mariage,  genre  d'entre-  ~ 
tien  imité  de  notre  ancienne  comédie ,  et  qui  est  peu  d'usage  dans  les 
romans  chinois.  Un  petit  nombre  d'interpolations  et  beaucoup  de 
suppressions  faites  sans  motif  et  sans  discernement ,  avoient  contribué 
à  défigurer  une  composition  qui  ne  se  recommande  pas  moins  par  le 
mérite  de  détails  ingénieux  et  caractéristiques  que  par  un  plan  bien 
conçu  et  sagement  mis  à  exécution. 

M.  Davis  donne,  dans  sa  préface,  une  juste  idée  de  son  travail;  il 
y  fek  connoître  les  motifs  qu'il  a  eus  d'adopter  certains  équivalens 

— i 

(1)  Hau-hiou-choaan  or  the  pleas'mz  history  ;  London,  1761,  4  vo'*  il*'*** 
—  (2)  Hau-Iiïou-choaan ,  Histoire  chinoise;  Lyon,  1766,4  vol.  //1-/2.  — - 
(2)  Hau-kiov-choaan ,  ou  Y  Union  bien  assortit,  1828,  4  vol.—  (4)  Voy« 
Mélanges  asiatiques  ,  tome  II,  pag.  396. 


OCTOBRE  1850.  >8i 

pour  les  titres  chinois  :  le  parti  qu'il  a  pris  à  cet  égard  semble  n'être  pas 
exempt  d'arbitraire;  car  il  rend  en  anglais  les  mots  lao-yc  et  tarjin , 
par  worship  >  lorfchip  ou  cxctllcncy ,  et  il  supprime  les  mots  de 
madame  et  de  mademoiselle,  dont  les  noms  de  femmes  sont  toujours 
accompagnés  en  chinois,  de  peur,  dit-il»  qu'ils  ne  produisent  un 
eflfet  ridicule  %  et  parce  qu'ils  ne  représentent  pas  .exactement  le  sens 
des  termes  originaux.  Cette  double  raison  est  foible,  et  de  plus 
elle  ne  s'applique  pas  moins  aux  titres  que  l'auteur  a  pensé  devoir 
rendre  qu'à  ceux  qu'if  a  cru  pouvoir  négliger.  II  y  a  là  une  question  de 
goût  assez  difficile  à  résoudre  par  les  principes  généraux  sur  la  traduc- 
tion. On  peut  voir  quelques  idées  à  ce  sujet ,  proposées  par  un  auteur 
français  dans  une  occasion  toute  semblable  (  >  ) . 

Le  traducteur  pense  que  le  Hao-Khieoutchouan  est  une  peinture 
d'autant  plus  fidèle  des  mœurs  chinoises,  que  le  héros  n'y  épouse 
qu'une  seule  femme.  Les  lois  delà  Chine,  ajoute- t-il  immédiatement, 
ne  consacrent  ji>as  absolument  la  polygamie ,  bien  qu'elles  permettent 
le  concubinage.  Tout  roman  chinois  qui  représente  un  homme  épousant 
deux  femmes  (  et  M.  Davis ,  qui  a  traduit  deux  nouvelles  de  cette  espèce, 
avoue  qu'il  en  existe  un  grand  nombre),  est,  sous  ce  rapport,  une  peinture 
tout  aussi  pou  fidèle  des  habitudes  réelles  que  sous  le  rapport  de  toute 
autre  circonstance  fabuleuse  que  fauteur  se  sera  plu  à  imaginer.  M.  Davis 
cite  plusieurs  traits  du  roman  qu'il  traduit,  pour  confirmer  son  opinion 
à  ce  sujet;  mais  puisqu'il  récuse  l'autorité  des  romans  .dans  cette  matière, 
il  faut  en  chercher  de  plus  graves  et  de  plus  décisives.  On  n'a ,  je  crois, 
jamais  prétendu  que  deux  femmes  chinoises  épousées  par  un  seul 
homme  pussent  être  mises  absolument  sur  le  même  pied  et  jouir  dé 
prérogatives  tout-Màit  égales  :.  la  nuance  qui  existe,  entre  le  mot  thsi 
[  épouse  ]  et  le  mot  tsiei  (  seconde  femme,)  ^e^  topJQurs, obseiyée, 
même  dans  les  romans  dont  une  dou^.alil^npQ  constitue  le  dénoue- 
ment (2).  C'est,  au  reste ,  une  distinction  up  peu  subtile  que  celle  qtie 
M.  Davis  veut  établir  entre  la  polyg^e  proprement ifti)e  et  Je  concur 
binage  autorisé  par  les  lois.  Je  ne  rappellerai  ras  les  nombreux  passages 
des  missionnaires  et  des  voyageurs  relatifs  à  Tétat.  des  tsiei  ou  secondes 
femmes  ;  il  suffira,  sur  un  point  si  bien  constaté,  de* citer  le  passage 
suivant  de  sir  Geo.  Staunton,  dan;  une  nflje  sur  lesra^<^tes  dû  code 


(1)  1+kiàtfi,  préface.- -(a)  Voyea  It  Jv-kiaolï,  ^MhiPkjiHf 
175*  tome  IV,  ii.6a  117..  A  ,  ,    ,!,Wt    1„  1njL   flI 


ruoq 

"  t\    vv.s-v.r.  -,    ;;-  ;  ,  /    (5) 


$8*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

pénal  relatifs  au  mariage  (i)  :  «  Un  Chinois  peut  épouser  légalement 
»  d'autres  femmes ,  à  son  propre  choix ,  et  avec  moins  de  cérémonies , 
»  et  sans  égard  à  l'égalité  des  familles  ou  des  rapports  sociaux-  » 
L'auteur  se  fut  épargné  cette  discussion  superflue,  s'il  eût  remarqué 
que  les  observations  auxquelles  il  a  voulu  opposer  son  autorité  de 
voyageur,  s'appiiquoient  à  ufl  partage  de  semimens  toléré  il  b  Chine 
et  difficile  à  concevoir  en  Europe ,  plutôt  qu'à  une  égalité  dans  b  con- 
dition des  épouses ,  qui  n'a  jamais  été  mise  en  avant  par  ceux  qui  ont 
étudié  la  législation  de  l'empire  chinois  (2). 

On  sait  que  les  romans  de  ce  pays  offrent  cette  ressemblance  avec  les 
romans  modernes  de  l'Europe' ,  que  chaque  chapitre  doit  habituellement 
commencer  par  une  petite  pièce  de  vers  :  les  auteurs  en  placent  aussi 
à  la  fin  des  chapitres  et  dans  le  cours  même  de  la  narration ,  aux  endroits 
où  il  se  présente  quelque  sentiment  passionné  ou  quelque  situation 
remarquable  à  peindre.  L'ancien  traducteur  s'étoit  dispensé  de  b  peine 
que  cette  partie  poétique  eût  exigée  de  lui ,  en  la  passant  entièrement 
sous  silence.  Sir  Geo.  Staunton  avoit  essayé  de  réparer  partiellement 
Cette  omission  ;  mais  M.  Davis  a  tout-à-fiit  comblé  la  lacune  que  ses 
devanciers,  a  voient  laissée  dans  la  traduction  du  Hao  Uiieou-tchouan.  II 
a  pris  soin  de  rédiger  une  double  version  des  morceaux  de  poésie  que 
contient  l'original  :  dans  Tune  f  écrite  en  vers  blancs ,  et  insérée  dans  le 
corps  même  de  Pouvrage,  il  a  cherché  à  rendre  la  lecture  de  ces 
morceaux  agréable  à  ses  compatriotes  ;  dans  l'autre ,  qu'il  a  rejetée  à  la 
fin ,  il  a  suivi  littéralement  le  sens  des  vers  chinois ,  en  Rattachant  à 
conserver  les  allusions  quelquefois  très -éloignées  qui  en  font  le  principal 
mérite  aux  yeux  des  amateurs  du  pays.  Cette  dernière  tâche  étoit  sans 
comparaison  la  plus  difficile.  Les  vers  épars  dans  le  cours  du  roman  ne 
sont  pas  au  nombre  de  plus  de  quatre  cen:s ,  et  l'on  peut  assurer 
qu'ils  sont  loin  d'offrir  les  difficultés  et  le  degré  d'obscurité  qu'on  ren- 
contre en  d'autres  compositions  du  même  genre;  cependant  le  traduc- 
teur avoue  qull  lui  9  coûté  presque  autant  pour  en  représenter  la 
signification  darts  une  version  littérale ,  et  l'esprit  dans  une  traduction 
poétique >  que  potir  tout  le  reste  de  l'ouvrage.  C'est,  comme  on  l'a 
<Jé]i  f^it  ohsérver  dans  ce  Journal  et  cortîme  M.  Davis  le  rappelle 
à  cette  occasion ,  c'est  qu'on  ne  possède  pas  de  dictionnaire  pour  la 


rmmm 


(1)  A  Çhinepe  may  afterwards  espouse  pther  wives,  agreeabiy  to  hîs  own 
'Abfcéy  and  Mth  féwer -cérémonies ,  as  wcll  as  withotit  any  regard  to  èquaïity 
in    point  of  family    and  connexions.  Ta   tsing  leu-iee,  "pag.*  111,  note.  — 
(*)  Voyez  nouveaux  Mélanges  asiatiques ,  tome  I,  page  jj. 


OCTOBRE  I&3Q.7  j8$ 

poésie  chinoise ,  de  livre  ou  se  tr<Wvent  expliquées  les  fréquentes  allu- 
sions ,  les  expressions  détournées  dont  les  vers  abondent ,  et  qui  rie 
sauroient  être  entendues  à  moins  «Tune  connoissance  approfondie  des 
traditions ,  des  récits  populaires  et  des  opinions  fantastiques  des  Chinois. 
La  résidence  au  milieu  des  naturels ,  et  le  secours  qu'on  peut  rédamer 
d'eux  pour  les  passages  difficiles,  sont  peut-être ,  dans  l'état  actuel  des 
choses,  une  condition  indispensable  pour  composer  une  traduction 
irréprochable  d'un  morceau  poétique  quelconque.  JVL  Davis  •  a  relevé 
plusieurs  fois ,  avec  f es  ménageméns  d'une  critique  bienveillante ,  deux 
contre-set^dans  l'interprétation  de  la  partie  versifiée  d'un  roman  chinois 
dont  la  ptpucation  a  précédé  celle  de  Haokhieou-tchouan.  Le  traducteur 
dç  ce  roman  ne  seroit  pas  embarrassé  pour  citer  cinquante  passages 
également  fautifs  dans  cette  partie  de  son  propre  travail  :  il  avoit  eu 
soin  d'avertir  lui-même  qu'il  étoit  loin  d'en  être  satisfait ,  ou  d'affirmer 
que  le  sens  de  l'original  y  fût  toujours  rendu ,  çt  que  ce  dernier  lui  avoit 
échappé  dans  les  occasions  où  le  fil  des  idées  se  déroboit  sous  les  fleurs 
de  l'imagination  chinoise  (i).  Bien  que  les  difficultés  de  ce  genre 
fourmillassent  particulièrement  dans  l'ouvrage  en  question ,  ce  roman 
n'en  méritait  pas  moins  la  préférence ,  sur-tout  dans  le  petit  nombre 
de  ceux  que  l'on  possède  à  Paris ,  et  qui  n'avoient  pas  encore  reçu  les 
honneurs,  de  la  traduction  :  il  la  devoit  obtenir  à  plus  d'un  titre  ;  et  la 
partie  qui  se  refusoit  à  une  interprétation  littérale ,  ne  pouvoit  faire 
mécopnoitre  le  mérite  des  autres,  qu'il  étoit  plusse  de  transporter  dans 
un  idiome  européen* 

Un  ou  deux  exemples  pris  parmi  les  morceaux  dont  Fauteur  du 
H^Uîepu-tchouaa  a  orné  son  roman,  pourront  donner  une  idée 
de  ce  genre  de  composition,  et  montrer  en  même  temps  quelle  est  la 
nature  <fes  obstacles  qu'elles  opposent  à  l'interprète  européen.  Voici  le 
sens  littéral  d'un  quatrain  pris  dans  le  chapitre  VI. 

Les  os  blanchis' sonr  inhumés;  mais Pombre  noue  Pherbe. 

La  fleur  faune  au  bec  (Poiseau  )  peut  aller  exprimer  sa  gratitude. 

Léi  héros  vertueux.  les  hommes  et  les  femmes  éminens . 

La  nuit,  dans  leur  repos,  se  gardent  d'altérer  leur  bonne  conscience. 

Les  deux  premiers  vers  font  allusion  à  deux  aventures  qui  seront 
rapportées  à  fat  fin  de  cet  article.  » 

La  manière  elliptique  dont  ces  idées  sont  rappelées  les  rend  à-peu* 



(i)  Préface  du  JifiMao-li,  page  67. 


^84  JOURNAL  DES  SAVANS, 

près  inintelligibles ,  quand  on  n'a  pas  les  anecdotes  auxquelles,  eHes  se 
rapportent  bien  présentes  à  la  pensée. 

Au  commencement  du  premier  chapitre ,  se  trouvent  les  quatte  vers 
suivait* ,  dont  M.  Davis  n'a  peut-être  pas  complètement  rendu  le  sens  : 

.  DormaBtvéveiUéyM  cherche, il  s'agfte,  il  pense; 
Quel  être  sensible  ne  chérirait  une  belle  personne  ! 
Seulement  que  Ton  n'enchaîne  pas  ses  desin  secrets» 
Et  ce  sera,  parmi  les  hommes.,  la  plus  belle  des  noces. 

M.  Davis  a  traduit  assez  exactement  les  mots  de  ce  qtwram  ,  et  il 
en  a  bien  expliqué  lé  trait  final ,  dans  lequel  les  verbes  eàaam  et  accom- 
pagner sont  pris  pour  les  actions  caractéristiques  (Tune  noce  chinoise , 
et  figurément  pour  la  noce  elle-même.  Mais  il  a  admis,  du  premier  an 
second  vers ,  un  enjambement  que  ne  comporte  pas  la  structure  du 
vers  chinois  :  SUepïng  or  awake ,  he  still  seeks,  still  restUssly,  ihinks  of 
fier ,  With  natural  fuling;  et  de  plus  il  ne  paroi  t  pas  s'être  aperçu  que 
presque  toutes  les  expressions  de  ces  vers  étoient  prisés  du  ChMring , 
et  fbfm'oient  autant  <f allusions  aux  personnages  célébrés  dans  les  odes 
de  ce  livre  classique.  Le  premier  vers  est  emprunté  de  là  pièce  où  sont 
chantés  les  amours  de  Wen-wang  et  de  son  épouse  Thseu  {*).  Au 
second ,  l'idée  d'une  belle  personne  est  rendue  par  les  mots  \mn9  qiù 
signifient  littéralement ,  des  sourcils  semblables  au  papillon  du  ver  à  soie, 
c'est-à-dire,  amincis^  alongés  et  courhés   comme  le  corps   de  cet 
insecte,  Cette  expression ,  devenue  triviale  k  force  d'avoir  été  répétée , 
est  encore  tirée  du  Livre  des  vers  (2) ,  où  se  trouve  Fépithafame  chanté 
pour  l'union  du  roi  de  Veï  avec  la  princesse  Tthouang-kiang.  Les  vers 
du  Hao-khieou-tchouan  sont  tout  remplis  d'emprunts  de  cette-espèce , 
et  qui  commencent  dès  le  titre  même  de  l'ouvrage,  ainsi  qu'on  Ta  fait 
voir  ailleurs.  M.   Davis  eût  considérablement   augmenté  l'utilité  de 
Yappendix  où  il  en  a  placé  la  traduction  littérale ,  s'il  y  eût  joint  l'indi- 
cation de  ces  centons ,  dont  se  composent  toujours  en  grande  partie  les 
vers  modernes.  On  rendrait  un  véritable  service  aux  littérateurs  qui 
s'occupent  de  la  poésie  chinoise ,  en  rédigeant  pour  eux  une  table  des 
expressions  du  Livre  des  vers,  qui  sont  un  objet  habituel  d'imitation. 
Il  faudrait  comprendre  dans  ce  dépouillement  les  poésies  de  ii-taï-pe , 
de  Tou-fou  ptt  de  plusieurs  autres  poètes  célèbres;  mais  tes  composir 
trons  de  les  deux  écrivains  exigeraient  une  étude  bien  plus  longue  et 

ChUhlng,  Kouefoung  #  od.  i.re ,  v.  3 , 8,  10,  —  (a)  P*rt.    u%  c.  v.°.  0<J.  3/ 

v.  11.  t     ■■    • 


hfel^plu*. *flfrtiie  jî  pttrce  qu'on  a  fnoihs'ffe'iwôyëik  péûfMeiî  "acquérir 


no^el^4mp*tffitfté  que  fût  la  prôniére  version  de  Hio-kMeou- 
«ehOxAti^Û  marche  du  roman , V enchaînement  des  înckferfs  et  Tes  traits 
d»l  prihcrpau*  caractères  y  avaient  été  afcse*  tMèfetWert*'  cofkértés , 
pfMtr  qii'iiitfcît  maintenant  superflu  d'en  présenter  Iarmfysé.  Là  ribuvèlte 
#a*kxfen  *tt  beaucoup  plus  exttcfe  dttlift  'léïtiëtiHs ,:  qHtfqtfélfc?  *soif 
<mc<kè  êïuk  étotgnée  d'être  littérale.  L/ftafeur  a  Voulu  qu^Ife  'pût  être 
lue  avec  plabir  dans  sa  langue  maternelle,  et  une  teHe  ftrtëhden  Sapote- 
litoft  des  -sacrifices;  C'est  une  tâché  difficile  pôuf  un  traducteur ,  Çfte  de 
voûiotf  être  fc-Ia-fois  élégant  et  littéral.  Le  style  de  M.  Dayjtfjwfoft 
pbb  empreint  de  la  première  de  ces  qualités  que  de.  li   setonde.: 
JUp'ïaste^tfeit  par  kt  détails  qàe  ces  sbltes^tfmivrsges  »  ree&ïri- 
iti^ydetftrài'itâeiit^  les'ritdyehi  de 

W&ttnflftr  une  idée  Juste  du  tfantefere  moral  >*«ië  nation  a&ftfqûe ;■ 
eiuç&mv&vutfimpjA&rrmt  «u**elàtions  déi  voyégeurs.  "Otefr *àxti  ce 
rapport  sur-tout  qu'ils  recherchent  les  fruits  de  l'imagination  orteritale  9 
et  qu'ils^ se  Montrent  empressés  fe  étudier  Je*;  romans  mdtkàx  des 
Cftincfr ,  plur  ptopres  petat-3tafe  que  oirtr  <r*wttn  autre  peuplé :tk 
fburpir  des  totioas  exactes  sur  le*  habitudes  sociales  ,  les  idées  domi-; 
nantta  et  4'âMt  réel  de  la  civilisation.  Nous  rie  saurions  entrer  darri 

a  1        v 

l'exaiftea  de  ces  détails  ^et  nous  reeorrimartdofts  seulement  la  £tffè 
alliance  tomme  un  tableau  exact  de  la  société  chinoise ,  que  le  talent  de , 
l'auteur  et  l'habileté  de  l'interprète  cortedutent  ï  rendre  très-agréable»  * 

M«  Pavis  a  réimprimé!  k  la  Ai  du  toiftan  de  la  ffrf/e  alltance,  sa 
traduction  de  la  tragédie  chinoise  dont  nous  Avons  rendu  compte  thnS 
ce  {ournàf  (  1  y  Réduite ,  iûrfflqiie  notas  Favoris  dit  t  fr  fa  partie  4a  drame 
qui,  dans  l'original ,  est  écrite  e#  prose',  cette  traduction  n^occupe  ici' 
que  vingt-cinq  pages.  Nous  ne  reviendrons  pas  sur  ce  que  d^s  avons 
dit  de  cette  intéressante  production ,  ek  nous  ne  ferons ,  sur  unephrail' 
de  l'avertissement  qui  la  précède,  qfe'ùée  seule  observation  j  historique 
plutôt  que  littéraire.  La  pîèc£,  selon  rftr  remarque  'de  M";  ï&vis ,  se 
rapporte  à  l'une  des  périodes  les  plus  eUriëiises- des  annales  t&  la  Ghmet 
où  la  mollesse  croissante  de  la  coiir ,  et  la  faiblesse  du  gouvernement;' 
qui  en  étoit  la  conséquence,  enbnrdffËtt  le<  Tartares  dans  ieufe  attaques,  ' 
et  donnèrent  naissance  à  ce  systèmé^m  poli  tique  de  temporisation ,  par  * 
lequel  on  voufoit  se  rendre  ces  barbare*  favorables  au  moyen'  éF un  tribu?;  * 
système  qui,  long-temp*  àfîte ,  aitiena-  là  chute  :de  Femjiifè,  'éTfiêttï* 


(i)  Numéro  de  fi»vrï»t  ! 830. ■  ,)..•.      y 

Eéee 


«. 


5>8&  JOURN^i,  DES  SÀVÀNS, 

bassement  de  la.  dominatidSci  moagpfa  Ges  orç>t*  lûHg-ifmp/  afitir, 
doivent  £tre  relevés  :  en  effet ,  entre  le  temps  de  Hou-han-y&t0kkm*iiiLï 
le  prince  toute  qui  est  l'un  rdes  héros  de  la  «rugédfe»  famel.  ifroh 
trente-un  ans  avant  J.  G,,  et  la  soumission  totale  4e  la  Chine  eits 
Mongqls  sous  Khoubilaï,  il  s'est  écoulé  treiae  cents  ans;. >{£. Ton  n* 
peut  gjièrei  rattacher  l'un  à  l'autre  dettx  firits  séparés  p^Tuim  si  tong, 
intervalle*  sans  avertir  qu'il  s^st  passé  bien  des  événÀiffP  «n^fiCofe  :.• 
essayé  bien  des  système*  y  et  que  i'étu  de?  nations  voisinas  de.  Je  Chine* 
a  changé  bien  des  fois  dans  la  durée  de  treize  siècles*  ..>  ■'.;.;.;.     ■  .    > 

Ce  que  uoms  avons  dit  au  sujet  des  vers  du  Hao^-Uiieptt-tçhottaiii 
nous  engage  à  pajler  aussi  d'un  mémoire  fort  étendu  de  MU  Dans  / 
consacré  à  la  poésie, chinoise  ,iet  qjiia  trouvé  plpce.datis  letonpe  IlddSf 
Transactions  de  la  Société  royale  asiatique  de  la  C^aode^Bi^tagne.  :  ^ts* 
anticiper  sur  le  compte  qui  sers  sansrdôute  rendu  <Je^e  dernier  ouylfige^i 
mais  I  analogie  des  macères  est  un  irçotff  pour  réujtfr  en»  ua.mfrnèi 
article  l'extrait  de.  deux  écrits  d'un  méipè  auteur  q^fonfr-en.  quelque) 
sorte  complétés  l'un  par  fjntre.  .■  *ii  .,  m  .  ,ii. 

Le  mémoire  sur  la  poésie  .chinoise  est. assujetti  à  des  formes  mettes 
djques.qiji  annoncent  un  tr^gil  apj>*ofqn$Ii>:JL/auteur  divise  son  sujet  en» 
deux  pafâer;  .r.°  la;  yersi  fiction,  ouje^/ègfes  particulières  qui  pré- 
sident à  la.  composition  des  vers.,  df.s  Woph&s  tt  des  stentes,  et.  les 
sources  d'où  l'on*  fait  découler  la  mélodie  et  le  rhythme  i  a*  une  vue 
générale  sur  le  style  et  l'esprit  de.  la  poésie  chinoiserie  caractère  dtss 
images  et  des  sentiipens  qu'elle  exprime*,  et  sur  la  division  dont  elle  est 
susceptible,  eu  f^gard  aux  divers  genres  de  poèmes  reconnus  par  tes 
littérateurs  occidentaux. 

Dans  la  .versification  chinoise  j  on  doit  faîte  attention  à  la  nature  des 
sons  qui  constituent  Je  langage,  et  à  leur  propriété  daifcs  lès  compositions 
métriquqfl^à  la  variation  des  accens,  telle  qu'elle  est  déterminée  par  la 
règle  ,  à  la  mesure,  à  la  césure,  placée  vers  le  milieu  de  chaque  vers ,  à 
la  rime,  et  à  l'effet  rhyth inique  produit  par  le  parallélisme  ou  retour 
régulier  des  sons  et  des  idées  dans  une  ou  plusieurs  stances. 

Afin  de  prévenir  l'objection  qu'on  pourrait  élever  contre  l'harmonie 
delà  poésie  chinoise,  du  retour  inévitable  d'un  petit  nombre  de  mono- 
syllabes, M.  Davis  s'attache  à  pr<wer  que  la  langue  parlée  n'est  pas 
exclusivement  composée  de  mono^Iabes.  II  se  fût  peut-être  dispensé 
de  cette  discussion ,  s'il  eût  connu  ce  qui  a  été  écrit  à  ce  sujet  sur  lé 
continent,  il  y  a  dix-sept  ans  (  i  ).  Bien  qu'un  nombre  assez  considérable 

(i)  Mines  de  l'Orient  >  tome  III ,  pag.  279.  Vienne,  1813. 


■  '"■    OCTOBRE  1830.  i%f 

de  «muet  polysyllabiques  trouvent  ptafe'dtas  le  tangage,  In  petite 
chinoise  n'en  semble  pa$  moins  monotone  peufdei  oreilles  étraiigèft*s{ 
«Mb  HL  Davif  remarque  tfès-fustement  qu'elle  saasftrt  depuis  Fort 
longtemps  les  gens  du  pays.  EstnU  vra'semMabie ,  dit-il ,  qifaee  portion 
si4cpsidéntble  de  It  race  Iranaine  eét  persisté  k  cultiver  avec  efttfcou- 
Italie  un  art  absolument  privé  de  ce  charme  qui  en  fut  le  mérite 
principal  en  tout  autre  lieu?  Le  plaisir  que  les  Chinois  trouvent  * 
fcftttittbe  des  Vers  est  un  4feit:  ces  vers  som  donc  Wrmonietat  pour 
M*.  Ad  vestes  fta  coupe  heuréàsè  des  phrases  >  la  fustesse  de*rn*tirtie$ 
«*t Il  beauté  des  images  son r  des  avantages  que  l'on  ne  saurait  contester 
*  de  bon*  vers  chinois,  *t  qui'  peuvent  compenser  ce  que  nous  f 
tlèuvéïts  cte  contraire  à  l'euphonie  des  Jdtomës  auxquels  nous  somme* 
*ecatWmés.  '   *     '" T-.  :  ^ 

'  ta  tnWur*  '  <fc*  vers  varie  depuis  trois  tylkbes  jusqu'à  sept  9  \  cJUn 
eà  le  nombre  fc^lWcofkîdérabie  dont  on  ftise  ^hafchuéftfmëm  wage* 
t^iutettr cite  desr^  Vers  de  trois,  de  quatre,  dé  cinq  et  d*  sept  syllabes, 
itei  h»*Tl«?!^^ni«teme  comme  «temple  cfbeptamètres  méritent  tfétre 
rapporté*  fcH^  : 

ÎCfaq  pîcsVélévent ,:  fiés  fon  à  f autre  comme  les  doigts  de  la  main. 
Ceiï  un  apprit  pôuf  la  vflle  de  Yan ,  une  muraille  à  mi-chemin  do  ciel. 
La  naït,  cerWrnaïrt  se  lave  dans  le  fleuve  d'argent  (ta  voie  lactée),  et 
■  cueille Iles  étoiles  du'  boisseau  (  la  grande  èurse).  -' 
'Le  Jour,  eîle  'AtkTazur  du  ciel,  et  Joue  avec  la  fumée  des  nuages. 
La  ploie  a  cessé,  t%  les  rejetons  de  jaspe  se  montrent  dans  feSpace. 
La  lune  se  Hic  comme  une  brillante  perle  suspemjfcc  dans  h  paume 

de  cette  main.   '  • 

Un  ne  Mit  si  C  est  le  bras  que  le  grand  esprit  porte  en  avant/ 

De  loin;  ao-tfela  des  rners  comptant  les  états  de Tetapire  do  ftdtica. 

.-...■-.■         -,  '  *  '  -■■         "... 

•  1  - 
Les  Chinois  ont  une  autre  règle  de  versification ,  qui  interdît  de 

placer  la  fin  d'une  phrase  au  milieu  cfun  vers.  Chaque  ligne  est  coin* 
plèjeen  soi,  et  Ton  ne  connoît  ritq  cfoçé  que  nous  appelons  enjambe- 
ment. Mais  il  existe  une  césure ,  ^i&  la  quatrième  syllabe  dans  le 
vers  de  sept ,  et  après  la  seconde  dans  ffcVui  de  cinq.  Cette,  césure  se  fait 
sentir  dans  la  déclamation,  comme  Tàiucur  sen  est  assuré  en  écoutant 
attentivement  des  naturels.  La  césure  nç  peut  tomber  sur  un  terme 
composé ,  ni  séparer  un  nom  de  son  adjectif,  un  verbe  de  sçn  adverbe , 
ni  couper  dçux  substantifs  en  comtructiorj.  Cette  règle  est  quelquefois 

Eeee  2 


*|{  JOURNAL  DJEfit^AVANS, 

$im.gm$  secours  .pour  .lïitftliigwa  4e  <«*&&».  vers  obtrar  41 

i,  Pftitire  *tt»r  beaucoup' de  Xiimièr^S:^uM}9«Hm  ipiopittté.  &*<**** 
sWwtf,  que  M.  Davis  fejt  conapître  paç .fooMéfceu*  exempta*  cfest 
I«fMH¥^<n^» ou  ^ppoft  de  sjuoéuâeyrjfti  sV^erve  «nt^  to«^oe* 
«JMMitfcJefctféfp»  tfi»a >«*  '*  l'être  ,*hquejqw&is  dfee  Jfesuopfoqtf 

Wt,^wmi^4wrcj  o*  «pmplété  .par  :  l*  pe*séç  qui  vie**  aptèA*;** 
POHUBft .te*  qçftfiiiéiabliiwDi-m  rapports  <^pp^qt,to^ttirs.jlf4 
H^«io$<ÏW«P<>ûd^it«  dan*  le  ver*,  op  lève  ams*  4»  4qwvt>4M*f 
^ ;r«w»aû(S^ef  qui  po^fpiçht  cause*  iW;giwd  embar^.^i*i*j*p$*t*r 
•WUi  4efciPff uye*  d*  /petft  ;  .«^rtisn.i.  p  dfcf  ïntedgcpiw  &*|itafr4et 
caractères  originaux ,  qu'on  doit  supposer  peu  familiers  -nif,  tonifim  .dllT 
<$,  jp*n#L  lyi. .:  D*v£i;  étatisant  uac*  sç*t&  ck^ow^anpjm^^njtit  Te 
pvaHéiismô  ées,vers  chi^is  et  celui  qu'on  re^^cp^  ^sjjivp^sifl  #s 
Ffebreux ,  çpmpte,  a^  le  docte**  IjQwtb r  jrofc  S9tfe%4fe  ç?feJMf¥ltHft9 


r^gttliè*e* :  ^pressa?»  et  ^  pi»iÊe*V.J*  ^af^M^i^^^^V^^p^Ip 
rapport  d'un  mot  à  un  autre ,  dans  l'ordre  de  Fénonc$qypVA  $4mfkt 
thitique,  ou  l'opposition  de  termes  et  d'idées  inverses,  et  Te  synthétique, 
dans  l^i>JrinQ^f>u.£f  Çgoes  oe  sp^répoo^nç  p^^K^ft  pour 
fe.se^s, J^wisqù  Fpir^.spin  dç  ph^ç,fp  f^rd  l^.|^srd^  %ti*s  les 
:rçoim,JfS  w  phrase^,  fe^^  «W  fipipbre  , 

le*  particules  'négatives  ^  intçrrogatives ,  &c.  ,Les  ç^eç^pliaV  rapportés 
pour  çhapun^  ^ç  ^çes  formes  dpjjùrient  beaucoup  d'^ikéj(:à:f^dissçrjation 
de  M.  Î5avis.  .4  .  '    t 

I4  sècQDde^rtie  traite  du  genre  des  poésies^çWriQist^ ,  L'auteur 
donne  une  idée  de  celles  qui  entrent  dans  la  composiupn.Qu  Q^king, 
et  qui ,  comme  il  J'observe ,  pe  Relèvent  guère  ,au-«ifs|u$  dp  la  chanson, 
bien  que  jks  commentateurs  ^  par  Les  .application  spuyçm. forcées  qu^iis 
en  font  à  des  personnages  connus  ou  à  des  événemens  mémorables , 
leur- aient  donné  une  importance  .historique  ou  philo  opbkjue  qui  les 
rapprpcBe  de1  fa  cantate,  de  rode  ou  de  l'hymjié  On  ne4  peut  nier 
pourtant  que  l'ancien  genre  lyrique  des  Chinois  rie  renferme  des  beautés 
du  premier  ordre ,  et  qui  en  prit  ftit  ,J  pour  les  modernes  run  fus  te  Sujet 
d admiration  et  d!imitatîonllAïfiJ&  lés  odes  du  Chî-king*,  viennent  les 
kio  ,  sorte  de  poésie  irréguhere,,  où  le  désordre  dès'  ppfa^ées  et  des 
images  répond  à  Finégàlfte  <fes  Vers  ,  qui  sont  de  toute  mesure ,  et  à 
la  confusion  ,aes  rimes,. iqtiî..reparoissent  à.  âes  espaces  ifréguliers. 
M.  Davis  eut  ,'sur  la  poésie  aortt  les  drames  sont  en  grande  partie  com- 
posés, des  réflexions  que  notis  h'ânaly serons  pas,  paire  que  nous  en  avons 


/  OCTOBR^E  1830.  j«5> 

dé)^  présenté  de  toutes  semblables,  en  rendant  compte  des  deux  pièces* 
que  cet  auteur  a  traduites  .(1).  II  parle  ensuite  de  Li-uï-pe,  le  plus 
céièbre~des  poètes  de'  ¥  école  moderne-,  qui  vécut  dans  le  vin.e  siècle; 
ntaît  f I  ne  apporte  que  deux  petites  pièces  tirées  «Tune  collection  où 
!fs  oeuvres  de  cet  écrivain  fameux  sont,  selon  M.  Davis,  réunies  à 
celle*  «de  quelques-uns  de  *  ses  *  contemporains.  Des  compositions  si 
estillffiu de*  Chinois  appfeHeroieBt \  ainsi  que  je  l'ai  déjà  dit ,  I  attention 
di  quelques  littérateurs  qui  se  seraient  spécialement  attachés  à  surmonter 
tes  difficultés  inhérentes  aux  sujets  traités  par  les  poètes  de  la  dynastie 
des  *$bang,  et  à  la  manière  dont  ces  sujets  sont  traités.  I^essai  de 
M.  Davis  ouvre  k  voie;  mais  elle  est  encore  hérissée  d'obstacles,  et 
elle  serait  ;bien  longue  à  parcourir. 

>  ^H  n'existe*  la  Chine  aucun  poème  .qui  mérite  rie  nom  d'épique.  I41 
m&e  pastorale  n'y -est  pas  non  plus  cultivée  ;  et  Ja  raison  qu'en  donne 
nuseor*  c'est  que,  les  habitudes  de  la  nation  ,  le  peu  de  soin  qu'on. y 
donne  aux  troupeaux,  le  peu  d'usage  qu'on. y  .fait  de  la  viande  et 
même  du  fah^onrxIétonTné  les  naturels  du  spectacle  des  scènes  qui 
ftappent  l'imagination  des  poètes  bucoliques.  .Toutefois  les  détails 
champêtres  et  les  ocnemens  empruntés  à  la  poésie,  descriptive  dominent 
dans  toutes  les  compositions  -des  poètes  chinois.  Ils  aflectionnent.parti- 
culièrement  (es  sentence*  morales,  et  les  sectaires  ont  composé  des 
pièces  de  vers  religieux.  La  satke  ne  forme  la  base  d'aucun  poème  en 
particulier-,  mais  elle  trofeve  sa  place  en  bon  nombre  d'endroits, 
même  des  morceaux  du  Chi-king. 

^L'auteur  en  vif^ÊÊk  la  partie  vraiment  épineuse  des  poésies  chinoises , 
et  l'on  ausoit  desifOTpi'U  «e&t  réuni  sur  ce  sujet  un  plus  grand  nombre 
de  matériaux ,  et  fbutarkr  ses  lecteurs  des  éclairdssemens  plu?  étendus. 
Toute  la  lartgue  abonde  en  expressions  figurées ,  prises  des  objets  les 
filus  agréables  ou  les  plus  frappans  dans  le  monde  extérieur  j.  et  chaque 
objet  a,  parmi  les  senthnens  ou  les •  passions ,  une  sorte  de  terme 
correspondant ,  qui  est  toujours  rappelé ,  soit  explicitement,  soit,  par 
voie  d'allusion.  C'est  ainsi  qu'on  dit  les  songes  du  printemps  et  les 
nuages  de  l'automne,  poux  désigner  les  illusions  du  bonheur  et  Içs 
infortunes  réelles.;  La  réflexion  de  la  lune  par  les  flots  désigne  un  bien 
qu'on  ne  saurait  atteindre.  Des  nutffts  qui  obscurcissent  le  jour, 
marquent  les  ombres  que  la  caiorinie  prot  jeter  momentanément  sur 
un  beau  caractère.  L'herbe  dans  laquelle  les  piedss'embarrassent  dénote 


.  >■ 


(»)  \htiriuil desSaÙMns,  janvier  1818  et  février  1830. 


\^ 


y9o  JOURK^LJDES  SAVANS, 

fe  difficulté  d'agir.:  Le»  fleuri  «ont  l'embJèm»  de  la  btauté  ;  le  printemp*, 
cehn  de  fa  foie;  eu  l'an  tourne,  celui  dot  chagrins.  La  satisfaction  -est 
exprimée  par  «ne  fleur  épanouie  ;  ia  vertu  sent  tache  d'une  béroftie* 
par  une  génisse  blanche,  un  cristal, pur,  m  morceau  de,  glace  tram» 
parent.  La  saison  où  les  pêchers  sont  en.  fleur  est  le  temps  du  mariage; 
les  hommes  qui  ne  songent  qu'au  plaisir,  sont  des  abeilles  et  des 
papillons  parmi  bs'fleiirs.  Tek  sont  les  exemples  donnés  par  M.  Davis* 

II  y  a  ertx>utre  un  nombre  immense  d'expressions  qui  se  rapportent 
à  des  traits  d'histoire  et  à  des  anecdotes  vraies  ou  controuvées,  et  le 
plus  souvent  H  n'y  est  fait  allusion  que  par  un  mot  ou  par  une  expres- 
sion détournée ,  qu'on  ne  saurait  entendre  à  moins  de  savoir  d'avance 
de  quoi  il  s'agit.  M.  Davis  rappelle  ici  ce  qu'il  a  dit  deux  ou  trois  fins 
dans  les  notes  de  son  roman ,  au  sujet  de  ces  mots  :  le  cwur  qui  répond 
au  luth,  ou  te  phénix  qui  cherche  sert  compagne*.  Ces  phrases  rappéBfftf 
l'aventure  d'une  Jeune  fille  nommée  Weu-kbm*  qui  /étant  apnée  <Ti& 
Jeune  homme  du  nom  d*Ssc-maf  fut  touchée  de  l'entendre  chanter  une 
romsnee  sut  le  phénix  qui  appelle  son  mâle.  Son  eeenr  s 'émne,  dis-onencore, 
et  ces  trois  mots  sont  relatifs  à  la  fuite  de  Ven-kiun  ,  qui  disparut  avec 
son  amant,  laissant,  vers  le  matin,  ses  pas  empreints  sur  la  terre 
humide  de  rosée.     • 

L'autre  exemple  cité  s'est  pareillement  offert  à  M.  Davis  dans  les 
vers  du  Hao-khîeou-tchouan  :  l'esprit. qui  noue  Fierté  ,  et  l'oiseau  qui 
parte  /a  fleur  jaune,  sont  des  expressions  relatives  aux  anecdotes  suivantes. 
Un  empereur  de  la  dynastie  de  Tcheou  enjoignit  à  son  fils ,  qui  devott 
lui  succéder ,  de  faire  enterrer  vive  une  des  femnÉfequ'il  laissoit  après 
lui.  Le  fils,  reculant  devant  cet  ordre  barbare ,  sa^a  la  vie  à  la  veuve 
de  son  père,  et  la  maria  a  un  homme  de  sa  cour.  Dans  une  guerre  qu'il 
fut  obligé  de  soutenir  contre  le  pays  de  Tsin  9  l'empereur  eut  à  com- 
battre un  guerrier  redoutable  ;  mab  il  vit  en  songe  l'ombre  du  père  de 
celle  qu'il  avoit  garantie  de  la  mort ,  qui  lui  promettoh  son  assistance. 
L'événement  répondit  à  cette  promesse  :  une  main  invisible  noua 
l'herbe  du  terrain  où  le  guerrier  ennemi  porta  ses  pas,  et  mit  ainsi 
obstacle  à  sa  fuite.  Une  personne  vit  un  oiseau  tomber  à  terre  blessé 
ifun  coup  de  flèche  :  l'humanité  l'engagea  à  lui  porter  secours ,  à 
arracher  la  flèche,  et  à  lui  ^dre  la  liberté  aussitôt  qu'il  fut  guéri. 
Cette  personne  tomba  malad^queique  temps  après;  et  comme  elle 
étoit  «i  danger  de  la  vie,  l'oiseau  parut,  ayant  à  son  bec  quelques 
fleurs  faunes  que  le  malade  s'avisa  de  manger  et  qui  lui  rendirent 
immédiatement  la  santé. 

La  poésie  chinoise  ne  manque  p^s  non  plus  de  merveilleux.  Des 


r* 


OCTOBRE  ï$$Q.  f?i 

êtres  mythologiques ,  les  génies  qui  président  attractions  de  la  nature , 
aux  phénomènes  du  ciel  et  de  I*  terre ,  aux  collines ,  aux  taux  et  aux 
forêts,  y  jouent  fréquemment  un  rôle.  Hoeï-Iouest  le  monarque  du 
feu;  Lotiï-koung ,'  le  roi  du  tonnerre  Lou-chin,  l'esprit  des  vagues 
automnales.  Le  Vieàbe  et  ia  Itnte  [  Youev-Iao]  a  pour  office  particulier 
de  rattacher  les  uns  aux  autres,  avec  un  fi* de  soie  invisible ,  les  jeunes 
gens  des  deux  sexes  ixx  moment  même  de  Ieur4iaissance<  Après  cette 
opération  ,  ils  sont  invariablement  prédestinés  à  s'unir  entre  eux,  quels 
que  soient  les  obstacles ,  en  apparence  insurmontables ,  que  leur  oppose 
Téloignement  des  lieux  ou  toute  autre  circonstance  défavorable  On 
dit  alors  ycou-youan,  le  fil  existe,  ce  qui  équivaut  à  assurer  <pie  de 
jeunes  amans  sont  destinés  à  vivre  l'un  pour  l'autre.  Avec  une  si 
grande  variété  de  ressources  dans  l'imagination,  dit  M.  Davis,  et 
ayant  sous  les  yeux  les  feuilles  les  plus  brillantes  du  livre  de  la  nature , 
déployées  dans  une  '  contrée  immense  t  qui  ne  le  cêdeà  aucun  autre 
pays  pour  les  avantages  naturels,  if  faudroit  que  ce  pe^B^fût  véritable- 
ment stupide  pour  ne  tirer  aucun  parti  des  rftatériaur  qui  sont  à  s* 
disposition. 

Voilà  une  esquisse,  plutôt  qu'un  tableau ,  de  ce  qu'il  seroit  nécessaire 
de  savoir  pour  être  assuré  de  ne  plus  rencontrer  à  la  lecture  des 
poésies  chinoises,  d'autres  difficultés  que  celles  qui  sont  inséparables  des 
productions  de  ce  genre ,  et  qui  se  présentent  dans  les  écrits  des  poètes 
de  tous  les  pays.  Pour  donner  une  idée  complète  (des  objets  qui  sont 
indiqués  dans  la  dissertation  de  M.  Davis ,  il  faudroit  un  ouvrage  (Tune 
étendue  considérable;  et  cet  ouvrage ,  paç, diverses  raisons  sur  lesquelles 
il  est  superflu  de  revenir,  seroit  plus  facile  à  composer  à  la  Chine 
qu'en  Europe.  On  doit  désirer  que  M.  Davis  profite  du  nouveau  séjour 
qu'il  a  été  appelé  à  faire  à  Canton ,  pour  rendre  un  service  de  plus  à  la 
littérature ,  qui  lui  est  déjà  redevable  de  plusieurs  ouvrages  dignes 
d'estime.  Ce  qui  donne  un  prix  particulier  à  son  mémoire ,  c'est  le  soin 
qu'il  a  pris  d'y  faire  entrer  un  assez  grand  nombre  de  fragmens  en  vers , 
avec  des  traductions  généralement  fidèles ,  quoique  peu  littérales.  II  n'a 
pas  toujours  indiqué  l'origine  de  ces  fragmens.  Plusieurs  sont  empruntés 
au  roman  même  qu'il  a  traduit.  Le  morceau  le  plus  étendu  est  une 
relation  poétique  du  voyage  qu'un  Chinois,  homme  d'une  condition 
honorable  et  <Fun  esprit  distingué ,  fit  en  Angleterre  dans  le  cours  de 
l'année  1 8 1  3 .  On  avbit ,  en  1817,  donné ,  dans  le  Quarterly  review , 
quelques  extraits  de  ce  poème  singulier:  M..  Davis  transcrit  ici  les  dix 
octaves  dont  il  est  composé.  On  sera  peut-êlre  curieux  de  voir  les  deux 
premières  ;  en  voici  la  traduction  : 


* 


59a  JOURNAL  DES  SA  VAN  S, 

Loin  par-delà  h  mer,  à  iWréraité  du  nord-ooest, 
11  y  •  un  royaume  dont  le  nom  est  Ying-hm* 
Le  pays  est  froid  ;  on  y  est  disposé  k  approcher  do  feu. 
Les  maisons  sont  si  hautes  fne  Ton  y  peut  cueillir.  les  é 
Les  esprits  y  sont  droits,  amis  des  rites  et  respectueux. 
Les  cœurs  sont  portés  k  Fétude  des  livres  sacrés. 
On  y  a  une  haine  particulière  pour  les  Fo-lahgsse: 
Le  bouclier  et  la  lance  ne  reposent  jamais  (  encre  eux  ). 

Les  collines  et  les  champs  sont  riches  de  végétation. 
Les  étages  qui  les  partagent  semblent  un  sourcil  peint. 
Les  hommes  sont  animés  de  respect  pour  les  femmes. 
Celles-ci  sont  dignes  du  pays  par  la  beauté  de  leurs  traits. 
Les  jeunes  filles  ont  un  visage  coloré  comme  l'incarnat  des  rieurs. 
Les  appas  des  belles  sont  comme  le  jaspe  blanc. 
L'amoiuade  tout  temps  fait  naître  des  passions  profondes. 
Les  épolHe  plaisent  à  se  prêter  un  mutuel  appui. 

Le  mémoire  de  M.  Davis  est  terminé  par  quelques  pièces  mélangées  , 
et  presque  toutes  du  genre  descriptif ,  qui  est  celui  que  les  Chinois 
affectionnent  particulièrement.  Le  nombre  des  strophes  de  nature  diffé- 
rente qui  sont  rapportées  et  traduites  dans  cette  dissertation ,  s'élève  à 
soixante-dix,  contenant  en  tout  environ  430  vers.  On  ne  sauroit  trop 
inviter  l'auteur  &  donner  suite  k  ses  travaux  sur  la  poésie  chinoise;  aucun 
de  ceux  qui  s'en  sont  occupés  avant  lui  n'a  présenté  au  public  des  maté- 
riaux aussi  nombreux.  Ceux  qui  voudront  porter  plus  loin  ce  genre  de 
recherches ,  devront  commencer  par  étudier  le  résultat  de  celles  qu'il 
a  faites.  C'est  à  cette  doubfe  marque  qu'on  peut  reconnoître  qu'un 
littérateur  a  véritablement  exécuté  un  travail  utile. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


OCTOBRE  l8^0. 

«  •  * 

1     -» 

Dà/t  yfÊtraute  Gçfehrte  des  Einsamen  3in  scUngferligt*  G*g<n* 

jflffiH  ¥on  A  bit  Manssotir  Abdulmelik  te»  Mohammed  bm 

Ismaii Eitseâlebi  nus  Nisabur.  Uebersèttf,  herichttgt  ind  mit 

Amerkungen  trfkutert  dttrch  Gustav  Ffâgef,   nebst  etàëm 

;  yiirfùhe/der  tierrn  ffojraths,   J#  Ritler  yoi^   Hajpnîer« 

.  tPiçnf  jSip.—  Abrégé dtfofttfage  intitule  \ç  Compagnon 

4u  Sotiiaifs  ^çpncernaiit  tes  à-propos  de  ia.  conversation  • 

pérAl><KirMdtisôttrAbd*hkfi/ic  Thùâlehi  deNimbotr+fh  de 

Mohammed,  fils  dlsmatt;  tntdmty  corrigé  et  enrichi  de  not* 

1  par  Ai.  GiistaVfePîîitfél,  aïèc  un  prototue  de  M>  le  cOtotffler 

,%de,.cpur  le  fpqiapet  X  de  Hamtaçr.  Vienne,  ;***$*  xjflôj 

/,'frS**  P^Ép*  w-^/vpIi»  50  pag.  de  nôtes^  ., 

£jjf .  tspftiis*nt  Intitulé  4e  fo^vpçç  dqnt  npys  allons  rendre  conpf  tt  » 
WmV^  M  noù^  attwlier.au  tt!W  qf#  .portç  eirambe  et  qw  *t 
p^j^tçrae^t  çl^  çt  jjon  ^  celui  fluïi  a  reçu  <kiu  k  traductic^  flfc- 
j^arid?4'etqui  doit,  ce  nous  semble  t  être  tout-à-fait  inintelligible  pour 
qukopqpe  est  étranger  à  Ja  phraséologie  arabe.  En  effet,  les  utes  de* 
|îvrps^n  fjfato  se  composent  oadinairement  de  deux  parties,  doatja 
pgipière ,  roéiapborique,  allégorique  »  souvent  même  amphigquriqpft , 
MUt  s>y^ïiqu^>,  toute  >orte  d'ouvrages,  et  la  seconde  ezp^iap^^ep 
laines  propfcs  f  Jâaturels ,  le  véritable  sujet  du  livre,  ta  ttaisop  antre 
(JM  .deia  parties  du  titre  d'un  livre  est  constamment  exprimée  par  la 
prtbofcitiop  ^i,  qui  signifie  le  plus  souvent  dans,  mais  qui ,  en  ce  cas , 
doit  é^e  traduite  par.  concernant,  relativement  à,  ou  il  est  traité  de,  ou 
de  tQUte  .autre  manière  propre  à  rendre  la  même  idée.  Nous  ne  croyons 
PI*  que  la  préposition  allemande  in  puisse  exprimer  cette  idée,  et- nous 
pensons  qtfe,  pour  comprendre  ce  titre  allemand,  il  faut  commencer  par 
le  traduire  de  mot  à  mot  en  arabe.  Nous  nejusdfier9ns.ee  que  nous 
li^an^ns  ki,  relativement  aux  titres  de  la  plupart  des  livres  arabes ,  jpr 

d^n  .GKJÉÉf*  f  ParÇp  W*  pfc  **  puroit  être  l'objet  <T aucune  çqfMptr 
tatibn.  lierai  est  pas  de  même  du  sens  que  nous  c^onnon*  u^jçpx 

c  Ffff 


l»4  JOUBfiJAUmHDXtVANS, 

de  quelques  observations:  mais  elles  seroient  prématurées  ici.  Une 
inliâ"il|uè'^ie  mutff  iïutOui  RtWrlc  s4ifje^  pdur  jtKWMI "Tome"  BÊUK 
interprétation  du  mot  ±J*j-*x&  abrégé  que  M.  FJugçl  a  introduit  dans 
WviilriiarWi^'hMrVra^^eésttltiS  sonStrrerîcîfcW',  atarné'tf  |jr]i<W> 
»*«i<b3ml»isieirri  en!  «<■  (U»nUro  cAW*4ln».|iJjcn»''qti'iliM  corMMbé- 
mPVM^^eW^t.^cIg^ra^ntrïiuTifV'iiirte  tfpi&eùpas  l'onWige 
WSfe,elBlrR(ic^TOjfflïîeV8r1'M3,''*UV>  SwiMw  «W**K*s>» 

resyetnt,  etqjl  trop  corrompu  pour  qvj Ton  pût,  parvenir  ^  lui  donnes  un 
ieHspt«iae>,  liitpSrce  ^la^cïéfâwaifigewt^  sitrifici:  Nous 
p«u<>«ïf«'dotû«lir*!iT  *ia!V;-ffav^s'6Htt-f^r<atioWp^r¥'lj*iil 
Al  ùi\*(«»\eai*WWis\, '«S'ifcli  estrpéu>*  fc.  m<>«^w»^««rUcïe*re 
MrWfr -,V*vM>lWy^t^>*»*.  l*WwViL«»r*<  Wmmr.T,  J*. 

mot  du  or* 

«nfvTa^ 

éditeur  c 

propre  à  exercer  les  jeunes  amateurs  de  la  littérature  de  l'Orient ,  et  le 

prioit  de  lui  indiquer  l'ouvrage  sur  lequel  devoit  tomber  son  choix,  et 
un  Irr'térafeïir  capable  d'en  entreprendre 'la  traduction  et  d'en  diriger  la 
publication  j'ïFruï  proposa  Y  Anthologie  de  Th'aâléb'ï,  et  pour  traducteur 
utv  Jeurfe  briéntaliste  d'une  grande  espérance!  M,  Gustave  Flugel ,  de 
Bautén.'  Nous  rie  pouvons  qu'applaudir  au  choix  fait  de  M.  Fliige!  ; 
mais  il  n'en  est  pas  de  même  de  t'a  désignation  de  l'ouvrage*  Entre- 
prendre -h  traduction  d'un  livré  irrite  quelconque  ,  d'après  un  seur 
manuscrit,  n'est  pas  Ta  tâche  qui"  convient  'a  un  jeune  littérateur.  Que 
sera  ce  donc ,  si  le  manuscrit  es;1  P6uvr3ge  d'un  copiste  ignorant ,  qui 
n'a-  pas  Souvent  compris  ce  qu'il  transcrivoit;  s'il  renferme  beaucoup 
dé  vers,  toujours  plus  sujets  à  ê'ire  aîttrés  par  les  copistes  que  la  prose; 
sf'ce  tfaë  conrJèrtt;ie  rnarrascVh T.'esf'^'éin't  un  sujet1,»  soh  Wstoriqjilii 
soit  phifofcgiqtae  on  didactique,  lié  dans  toutes  ses  ■parties'  ,'fetjftrinirjt 
ttn  «hse-iriMe.bu-fes-errdfolts  dtffifcîies-oii  obscurs  et  les  faisais  attelés 
se  *brWgertt  otr  s*expHrjnB«nt  pâf'Ce.1  quHe>''prétètfe'!éfW*rÛj  Iéjsdfti 
ii  érimt,  âttfién  nVcéla,  fl'  s'agit  d'un,  récuèn'  danècHotesdétachées.'âi 

bons  ymi'iJ^i^^'1k^ià6i^^^>fàieet  fytfap&.&mâà 
Mgmtttiquesf  'É  est j drffcH^i  cVriotis'' "Semble,  de'réunfr  nuf'tt 
coridkforB  propres  a  rendre  ti^proWérhiàim**  ié'sUctèiMhê  enp%- 
prtieimssT  Hasardeuse:'  "i1  :  ■'l,  ■"'""  ""  '■ !  '■  m  "  J"B' 
-iMydeHamiii.er's'ottlnpeens^stèyc^ 


q&m*^\i£*lpcmîtmEm*ipttf*&  *  #m  tfetfttfneiit 

•amtehn  i^fe^&arppéeaii;  le  *ha$a.qt  U^cfemion  det  ,moïCf*U*>q*'ils 

*igéntali^  dJMl ,. es aura*  ■*»  ffaro^*,  peu  dfe coÉnoiêsawfc de? l'itapré M 
«jcbianusiAqe  d&pé^Ag/M^^/^  si!roïi^e*aepieM»tMegta 
yyéri^ué»i*Qitaii^âto^hb»am  deo&mutfaj^doiitAA»  Jerprpftsseufc 
ffiEaqiteg  «mat  deiteauàineaavee/sacfcèe  JMfUtk»l  i  pefadr^rtro»  ^ 
**fufa*t  «bb»  ;des  lAmtafogp&a  jécnttts  en  prias*  ^  composée*  data  le 
irjné*fc£i esprit  que  celto  deuStobée  ^  et  rangées  pajJ  oqdre::de  :«Mtîèrt»4 
»&Wts  ^n;j#^W/fcwj^ 

v&jibî&toÇiciÂrA ,  toiwteatcifeiStJlicatkin  joàtériejib  ^eA^fcnnte 
*<H^-éihalÉt^  DmP'ultttmiverfeK  wyifrj>(rèî*i,vjef  ;dartl  ti&Mjftàifiédiê 
»»4*iiyU  -£rscb»*GfbbeÉJt)  je  t'ai  définiq  41  d'après j  le  teati|>fopre>d^  nom 

ctoiiîpa^ipouyoir,  mfena  irn Ait  if  s  g^c»sk>i»^  M^>d»  JHàÉam^f  j;«/** 
£*»£  tchfagfcrqgnrMedck  ;.  *fo$o\vGwaplayc*  vtnttjGxpxeuion  jàiriafes 
^yidl»i»t5.'éeJ^<i»,/W/»>^Wt  /M****  M>  de  Hamn^dret**ei**u peur?  la 
fkf tfficttian  k^e  cette  cknibleidéfii*^  à  laipréfce  de  M.  i  Jfiâgtb  et 
laulfeâw^ë 3pqqtof eDde§feMUi  fa vinet  Arabe.col^U  p#  S^gwmt* 
cimtmà>qméfcok>\m$t*àÊ  rqpp«/>;>p«^qup4esitttre9*<Mi*  leaquots^QHI 
taqgés  ceeaAéodoftea  et  cep  t^o^rmboi^  vbnaat  à  ètm  prononcés  cbfts,  In 
cayavenaiioii,  çappettènfsu^le  dwrap  à^uiquiV/ètfiàmUitfi^  ^vetf 
«»p©dwIs^uf^ue;$ajUie*  quelque,  lépàrtre  iugéoiesMabu^pfapMttf ., 
qtejqaé  iacékie ,  dont*$  ni  ibauque  pas  d'assaisonner  la  conwegsfttioit  » 
*fr$ti  peawena  servir  èamêmè  teaq»  àifomusement  et  ifci'ihttfcMÇttQP  <fc 
prioee^et  dea  g»ànda<seig«euH  ^ui  ioé  fpnt  i'hormeiix,de  ^P^fiwtttff 

e*I  Miutie  JUamiher  *haèrv*  que  les;  recueils  {onni^<*nû  4e  <mn  4* 
<M$kndMbat ,  nèteqpL  aoukion  grand  notai}!**  »  «ont  fégattmeot $gft#fc  & 
faiimii Me<dea.fcâ»aDt>fc «na*  leipanat  de iruf  de; Ja. maraAe#lde  l'histoire 
«fcjfeia  poé«BvU|  a*ote  oçp*oft|B*Jqiitaf  firibéerflaorafe  wiiivnite  **'?  **r 
qafeieopisoévwtik  iaélifetitt^yiigraiit^ec  queJesi  anecdote*  €t  te  ohm* 
*Wcèdes jrfjp»  maéfjutat  pas.  Ia  reste  ^  ppologMe^f Mkvdqifelawmer 
aetcétmngçs  àgeiaujelq  ek  jd  n'en  <eatfra*ai  qtfuai  jeui  fàrt^'ÉMWqwe,  la 
héyijjtWqnr  im^^iide^tk^^yjquie'  poeiède  «cteellemerttJwi  d^yj^HS 
péiàbeifecaabnAritt  ^  donnas  ;*p»s  la.dé^o^ 

*atfc)ttxte  MéhàdktrtH)  gàhûiqur  a /pour  laufeep  AKgt&j4%p4^ 
Mi  Eliïgel  adonnéy  dans  une  note  de  sa- pf4&ce,ua aperçu  dp  m  OU- 

^t^MUCi^ei^MqmeBMpK  ^^lè^we  qu'il  j  a  00e  refeipa  .IliqiMfprf 

Ffff  a 


S96  JOURNAL  DES) SA VÀN S, 

et  sensible  entre  l'état  politique  des  Arabes  ivent  et  après  Mahomet , 
et  leur  littérature  à  ces  deux  époques;  Dans  k  première,  nofcs  ne 
cbnnoissoitt  que  des  poésies ,  et  toute iafittéi» tort  est  renfermée.  <km 
un  cerde  très-borné  ?  dansât  seoomfei  les  conquêtes,  les  richesses ,  le 
houe}  te  contact  ou  plutôt  le  mélange  avec  des  peuples  pfms  avancés 
dam  la  carrière  de  la  civilisation,  ont  étendu  {horizon  de  k  littérature», 
et  en  oht  multiplié  les  objets  .et  les  ressources.  La  prose,  sans  exclure  la 
poésie,  s'est  associée  à  elle»  et  c'est  à  ce*genre  mixte  qu'il  âut  rapporter 
les  recueils  auxquels  appartient  en  commun  te  nom  dAntiê/ogfcsou 
Mokmdkéràt,  ''  tpf  me  qui  a  donné  naissance  k  VAntkologiquc  <y*  Science 
des  Mokodkérat  ^tj^Uif  1*.  «  On  entend  par-là ,  dit  M*  Flâgei,  des 
»  Réponses  où  des  réparties  promptes ,  qui  produisent  une  vive  impits- 
*  séort  ;  ce  qu'il  ne  faut  pas  entendre  comme  si  elles  dévoient  être  précé- 
»  dées  de  questions  arbitraires  ou  produites  par  le  hasard  :  au  contraire , 
3»  on 'considérât  ces  réparties  comme  renfermées  dans  un  cercle  déter- 
»  miné ,  raison  pour  laquelle  presque  tous  les  ouvrages  de  ce  genife 
a»  se  meuvent  dans  le  même  cerclé,  et  se  ressemblent  par  Fexécution  de 
»  l'ensemble.  *  M.  Flâgei  développe  cette  identité  de  plan  et  dTexé» 
cutietoi  mais  il  f  st  inutile  de  le  suivre  datas  cfs  développements  H  en 
est  donc  de'  ces  recueils  à-peu-près  comme  des  vocabulaires  destinés 
à  enseigner  k  nomenclature  d'une  langue,  qui  se  ressemblent  «fus  par 
leurs  divisions  et  leurs  subdivisions,  du  citl,  de  ta  terre,  des  animaux , 
de  l'homme,  du  manger  et  du  boire ,  des  vttemens,  &c.  Sous  des  rubriques 
communes ,  viennent  se  ranger  des  anecdotes  graves  ou  plaisantes ,  des 
citations  de  l'AIcoran,  des  traditions,  des  maximes  empruntées  fax 
philosophes  anciens  et  aux  poètes,  des  bons  mots,  des  facéties,  &c 

Maintenant  je  demande  si  cela  constitue  une  science  qu'on  puisse 
nommer  anthohgîque  ;  fe  ne  le  pense  pas  :  k  réunion  de  toutes  les 
anthologies  arabes  ne  forme  pas  plus  une  science ,  que  k  collection  de 
tous  les  ana;  à  moins  que  par  science  on  n'entende  ici  k  connoissance 
matérielle  d'une  division  de  la  bibliographie  y  et  c'est  peut-être  unique- 
ment en  ce  sens  que  Hadji-Khalfa  a  dit  o[^UJt  JU.  Un  homme  d'un 
esprit  fort  ordinaire  peut  appliquer  toutes  ses  fearités  à  entendre  et  à 
rassembler  dans  sa  mémoire  tous  les  recueils  de  plaisanteries,  bonnes  ou 
mauvaises  ;  il  les  saura,  et  suivant  toute  apparence ,  il  ne  saura  guère 
que  cek.  Possédera-  t-H  pour  cela  une  branche  de  l'arbre  des  sciences  » 
et  pourra-t-on  dire  qu'il  est  savant  eh  antkologique  (  i  )  !  Mais  est-il  béttt 


(i  )  Cest  bien  là ,  en  effet,  le  sens  que  M.  de  Ha  m  mer,  dans  son  Cottp^Tmil 
encyclopédique,  &c.,  donne  au  mot  Mmkolcgkjae;  mais  Je  persiste  à  peaserqee 


OCTOBRE  1830.  S97 

vrai  d'ailleurs  que  le  mot  ï_yA4  réponde  de  près  ou  de  loin  à  l'idée 
que  nous  exprimons  par  anthologie!  Je  ne  crains  point  de  soutenir  ta 
négative.  Ce  mot,  comme  l'a  fort  bien  observé  M-  Fliigel,  signifie  être 
en  présence  de  quelqu'un  (  conversari  cum  aliquo  ),  et  par  suile  causer  avec 
quelqu'un  ;  il  est  analogue,  par  sa  forme  et  par  sa  signification,  à  ï^L* 
disputer  avec  que/qu'un ,  £JL»L*  dijjmcr,  traiter  une  question  avec  quel- 
qu'un, îJA<£  adresser  la  parole  a^mjqu'un,  &c.  Aussi  Soyouti  a-t-il 
intitulé  sa  description  historique  de  l'Egypte  ïj-àL^JI  ^~^  la  Beauté  de 
la  conversation ,  c'est-à-dire,  sujet  agréable  de  conversation  ,  concernant 
l'histoire  de  Atisr  et  du  Caire ,  sans  qu'il  y  ait  rien  dans  ce  titre  qui 
rappelle  l'idée  d'anthologie  { 1  ). 

Et  si  l'on  fait  attention  à  la  définition  donnée  par  Taschcoprî-zadèh  , 
et  rapportée  par  M.  Fliigel,  de  ce  qu'on  entend  dans  l'Orient  par 
o'j-al^J'  le  ,  on  verra  que  c'est  une  étude  qui  fournit  les  moyens  de 
placer  dans  la  conversation,  des  sentences  ,  des  bons  mots,  des  réparties 
spirituelles,  qui  ont  été  dits  par  d'autres,  et  qu'on  ne  peut  employer 
a  propoc  que  quand  on  connoît  les  circonstances  dans  lesquelles  ils  ont 
été  dits  et  l'application  qui  en  a  été  faite  primitivement. 

M.  Fliigel  divise  le  contenu  de  ces  sortes  de  recueils  en  trois  parties, 
éthique ,  historique  et  philologique  ;  et  il  est  évident  que  des  ouvrages 
qui  se  composent  d'anecdotes  et  de  bons  mots  relatifs  à  toutes  les 
circonstances  de  la  vie,  et  dont  les  vertus,  les  vices,  les  ridicules,  les 
bonnes  et  mauvaises  inclinations ,  font  le  sujet ,  ne  peuvent  manquer  de 
se  rattacher  à  l'histoire,  sur-tout  à  l'histoire  des  moeurs,  et  en  même 
temps  à  la  morale  pratique ,  et  à  cette  partie  de  la  philosophie  qui  con- 
cerne les  droits  et  les  devoirs  de  l'homme  vivant  en  société.  Quant  a 
l'histoire  littéraire  et  à  la  philosophie ,  c'est  accidentellement  qu'elle 
entre  pour  quelque  chose  dans  le  fruit  qu'on  peut  retirer  de  la  lecture 
de  ces  recueils ,  du  moins  de  celui  dont  il  s'agit  ici ,  parce  que  l'auteur 
s'attache  quelquefois  à  expliquer  des  expressions  obscures  ,  ou  à  déve- 
lopper les  nuances  qui  distinguent  des  mots  que  l'on  pourroit  regarder 
comme  synonymes.  C'est  au  contraire  le  principal  objet  de  plusieurs 
ouvrages  bien  autrement  importans  ,  tels  que  le  J.UV!  <_jLi=,  d'Abouï- 
faradj  Isfàhant  et  le  >»jJI  l-$u  de  Thâalébi,  que  M.  Fliigel,  suivant 


cette  dénomination   est  très-impropre;  et  si  je  l'admettais,  ce  ne  seroit  que 
comme  une  subdivision  de  la  bibliographie. 

(r)  C'est  par  inadvertance  que,  dam  ta  quatrième  partie  delà  Bibliothèque  des 
i toi tudes  ,  pag.  xxx] ,  le  titre  de  cet  ouvrage  de  Soyouti  a  été  rendu  par  Beaux 
pointe  dt  vuedt  l'histoire  d'Egypte. 


*$8  JOURNAL  B£5>  SA  VANS, 

*AcieIà  l'opinion  de  M.  <Je  Hammer,  rfàtf  erttmr daris  j»  mèroe  kalégorie 
l|uV  lei  Motàdàèrat ,  mais  qui  appartiennent  ,  -  autant  moi ,  ^  k  phifa^ 
J0gie  proprement  dite',  et  qui  sont  en  même  temps  de  véritable»  imtji*- 
Jogies  poétiques.    •  ■  ,     -.  -  •  ■  «  m 

'  Après  ces  généralités,  M.  Ffcgei  donne  4a  vfcdeThaâléM*  extra»  des 
ttto  Au  Hmmn  iUttitrti  dTi>n^fcaUica»>  er  une  lifte  de  toi»  les 
*6dv*agefc  de  Thaôlébi ,  dont  fa^Knofesan^e  Jur  »nété  fournie  par  ir 
Actionnaire  bibliographique  de  HàdjMthalfa;  ek  pair  lès  cataloguée  4e 
diverses  bibliothèques  ;  yen  3  fait  cortooître  4é  mairnscrit  dont  iJ  a  fait 
«U^e, 4es Taisons  qiri  l'ont  déterminé  à  omèttrt  quelques  portions  ik 
l'ouvrage  ,  le  système  qu'il  a  suivi  dans  sa  traduction ,  et  les  bornés  dfos 
lesquelles  H4d&  se  renfermer  en  ce  qui  concerne  les  tioteèi  jointes  k 
cette  traduction,  v    ..■  ■.»  fi        i    •'  .--     :    :    •'•.■ 

~'?  Les .  anecdotes  >  bons  mots  et  réparties  ingénieuses ,,  recueillis  par 
Ihaâlébi  dans  Pouvrage  dont  nous  rendons  compte*»  sbm  cfassé^t 
tfons  l'édition  donnée  par  M.  Fliigel;  sans  trois  >  cent ,  trente*  deçx 
rubriques*  Goidme  f  éditeur  a  pris  la  liberté  de  fàife ,  pour  tle»  ipîsqnk 
que  nous  avons  dites,  quelques  retranchements*  l'original  i,  nou&ittf»» 
posonsqûe dans  cetiMi  le  nombre  des  articles  est  un  peu  ptid  dbfasi- 
dârtbie^NÀis  allons  prendre  au  hasard  quelques  articles ,  pour  dqriffer 
<uàe  idée  juste  de  ce  recueil ,  et  nous  accompagnerons  nos  citatiensr4r 
<fiVe»éfir obstFV^iion»  critiques.  !    :.;  .  -/  ^-i..*  f /'U 

•jb  tî.  DttèlUi  fût  jugé  et  qui  est  lui-mêmt  le  coupable.  ;;     »     -   •  )  ' 

*>ir  *  Un  poète  a  dh  :  Le  plaideur  n'a  aucun  succès  à  espéi-er.  *le  sa 
*  cause ,  quand  tt  a  pour  partie  adverse  le  juge  lui-même»  »    •      ■  i 

«  Un  autre  a  dit  :  Un  des  griefs  les  plus  graves  ;  c'est  épie ï  Ton  Ya 
bidonné  la  charge  de  redresser  les  griefi,  èFékarai>j 
*"■*  «  Oh  raconte  qu  H  étoit  survenu  à  un  soi  un  abcès  qbe  ies4n4dedft* 
«voient  traité  inutilement.  Le  mi  leur  dk  un  jour  v  Vous- vous  fouet  de 
tttoi;  si  Vous  me  guérissez ,  à  la  bonne  heure;  sinon  je  vous  fyai  mourir* 
feës  médecins  alors  sfe  Téunirent  pour  consulter  cotre  eu*ve#  ils  çon* 
vinrent  (Je  dire  au  rôt  t  Voici  le  remède  qui  peut  procure!  votre»  guéris*** 
flfeut  prendre  un  enfant  de  dit  éti%  ;  son  père  et  s»  mère  le  tiendront  » 
ttm  par  lîut&e,  l'autre  par  les- pieds ,-wus'l -égorgerez  au-dessus  de 
votre-  mal ,  et-vou*  boirez  son  sang,  Je  tout  Ai  contentement  du  père 
et  de  la  mère  et  ayee  leur,  acquiescement.  Les  médecins  donnèrent  cet 


médecins ,  et  ton  fit  proclamer  daos  tes  duftreafles.  ville*  la  demanda  du 
roi.  II  se  trouva  un  père  dont  les  enfin*  ;*à<knroient  in&iHibiememt 


.OCTOBRE  1830.  ■  î9$ 

quand  ils  atteignoitnt  l'âge  de  dix  *as.  Cet  homme,  étoit  pauvre,  et 
«voit  alors  un  fils  qui  étoit  près  d'avoir  cet  Age-  .H  riit».ia.fetniae; 
GoadMisoni  natBÉ  fils  »p  roi  ;  mous  ièii  recevrons  line'spmrbeftfangeht; 

aussi  bien  cet  enfam  n£  peut  ,nianquer  de  mourir  dans  pen.rLe  jpèjeet 
la  mère  se  dé [er minèrent  donc  à  cela;  ils  allèrent  trouver  le  roi.,  eijuî 
remirent  leur  fils:  l'un  d'eux  l'ayant  pris  par  la  tète  et  l'autre  par  les 
pieds,  le  roi  saisit  un  coutelas ,  et  alloit  égorger  l'enfant ,  lorsque  celui- 
ci  se  mit  a  rire.  De  quoi  donc  ris-tu;  lui  demanda  le  roi ,  landis  que  tu 
vas  recevoir  te  coup  mortel!  L'enfant  répondit  :  Je  fais  réflexion  qu'un 
enfant  est  plus  cher  à  sa  mère  qu'à  qui  que  ce  soit ,  et  qu'elle  le  défend 
au  prix  de  sa  propre  vie  ;  qu'ensuite  il  grandit  sous  la  garde  de  son  père; 
qu'enfin,  lorsqu'il  est  parvenu  à  un  5ge  fait,  c'est  le  roi  qui  le  protège 
et  lui  assure  ses  droits.  Aujourd'hui  je  vous  vois  tous  les  trois  d'accord 
pour  me  donner  la  mort:  k  qui  donc  irois-je  porter  ma  plainte  i  Ce 
discours  fit  une  vive  impression  de  douleur  sur  le  roi  ;  le  couteau  lui 
échappa  _des_mains  ,  et  la  violente  secousse  qu'il  éprouva  fit  ouvrir  son 
abcès.  JI  guérit,  rendit  la  liberté  à  l'enfant ,  et  l'adopta  pour  son  fils.  » 
Cette  anecdote  est  racontée  par  Saadî  dans  le  Gulistan  ,  avec  plus  de 
goût  et  d'une  manière  moins  prolixe,  M.  Fliïgel  a  corrigé  dans  ce  récit» 
deux  ou  trois  fautes.de  son  manuscrit  ;  mais  il  en  a  laissé  subsister  de 
beaucoup  plus  graves.  Il  a  trouvé  une  sorte  de  redondance  dans 
l'endroit  où  il  est  dit  qu'il  se  trouvait  un  pire  qui  ne  pouvoit  élever  aucun 
infant  au-delà  de  l'âge  de  dix  ans,  &c.  Et  effectivement,  dans  le  texte 

tl  qu'il  l'a  publié,  il  y  a  une  tautologie  dont  on  ne  saurait  rendre 
Triple^  ou  plutôt  des  mots  vides  de  sens.  II  a  cherché  à  pallier  ce 
défaut  dans  sa  traduction  j  mais  il  falloir  tout  simplement  restituer  un 
mot  .que  Ie,copUie  a  PJWfli.eUue^^t/pJf.Jil  Q* ykx'M.itf^ 
JfîUî,  ^  «ij-c  <&<ij*^-  Non  -seulement  alors  il  n'y  a  plus  de  tautologie^ 
mais  on  comprend  pourquoi  le  père  et  la  mère  se  déterminèrent  à  sacrifier 
la-  vie  d'un  enfant  dont.  la  perte  d'ailleurs  leyr  paroissoit  inévitable-, 
tandis  que ,  dans'  lé  texte  imprimé ,  rien  ne  motive  l'action  contre  nature 
«aVpèrè  et  de  la  mérél    ' '.  ""  ll  '  '  .    , 

(.  .Une  autre  faute  non  moins  grave  se  trouve  danj  fes.mots  J*j 

aW  ,^>\^Â_m#mty&$^^r&  $ïWj-*^*#rt? 

flttt**9ÎtTt  ht  privles plaint  net  sage sm  de  £mfm*>  aaais  qoù,  duuia 
•édite*  rie  pd»ve«  ioffiar  auciaa  *aat.  Il  est  évadent  qatâ  aaSoit  lirr 
<J*j|/>r  meitreTei^^'tiim^té'  ■,\ir-'b  '■  i  AlUti"  "-'■'-  ^' 
'■  t.  Exemples  ÏÏIttrUbtts  ^w,^''f  « tt^t  rr^ft  AV^ ^ 


6oo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

déposition, ,  »*//  fn/.,  m  /ici  faisant  des  reproches  è  mots  couverts,  le 
finirent  à.  admettre  leur  témoignage* 

Avant  d'aller  plus  loin ,  je  dois  faire  observer  que  le  sens  que  je  dornie 

aine  mots  j^U  et  JS© ,  est  leur  propre  acception* 

«  Un  maftrè  cFécoIe  se  présenta  pour  déposer  devant  Sawwar.  Je 
n'admettrai  point  ton  témoignage,  dit  le  khadhi.  L'autre  lui  en  de^J 
mande  la  raison*  Cest ,  dit  le  khadhi  9  que  tu  reçois  un  salaire  pouf* 
enseigherfe  livre  de  Dieu  (  PAIcoran  ) .  Mais,  reprit  fe  mahre  <f école, 
▼oùs  recevez  un  saTarre  pour  rendre  fa  justice.  C'est  ttlalgré  moi,  dit  h 
kadhi ,  qu'on  m'a  imposé  ce  devoir.  Soit ,  dit  f  autre  ;  au'on  vous  Ht 
fait  kàdhi  malgré  vous ,  je  fe  veux  i  mais  est-ce  aussi  malgré  .vous  qàfr 
vous  recevez  un  salaire!  Le  ladhi  consentit  alors  k  recevoir  %i  dépo- 
sition. 

*>  Une  autre  personne  déposoît  devant  le  même  SàWar,  iixr  Une 


question  d'état  (  sans  doute  sûr  ta  fégfârtihé  £Wfc  itaissance  contestée)? 
D'où  sais-tu ,  demanda  fe  kadhi  au  témoin ,  ce  que  tu  affimu^  s  DPofr 
vous  savez ,  répartit  fe  témoin ,  que  vous  êtes  Sawwar ,  fils  cPAbd-aflab. 
"'m  Quelques  personnes  déposoient  devant  Abou-Schorma ,  dans  une 
•Étfntestation  relative  à  un  terrain  pfanté  dé  palmiers.  Le  juge  leur  de- 
manda  combien  il  y  avoit  de  palmiers  dam  ce  terrain.  Lés  témoins 
répondirent  qu'ils  n'en  savoient  rien,  et  Ik-dçs$us  fe  kadhi  voulut  rejeter 
fëtirs  dépositions.  L'un  d'eux  fui  dit  :  Kadhi ,  combien  y  a-t-il  de  co- 
fônnes  dans  cette  mosquée  où  vous  rendez  la  justice  depuis  un  tef 
ribmbre  (Tannées î  Le  kadhi  alors  admit  feurs  dépositions.  »  0 

Dans  fa  première  anecdote,  je  fis  Ujtff  J*  %jC>  cdbT  *^*y  et  je  sup- 
prime fe  mot  UjjJj* ,  qui  nç  fait  que  troubler  fe  sens. 

Dans  fa  seconde,  M.  Flugef  fait  dire  au  témoin  :  d'où  je  sais  que  vous 

îtet  Sawwar,  fils  dfAbd-allah  oJL>  o**  ^.  Je  tiens  pour  certain 
qu'if  faut  tire  ^4^ ,  d'où  vous  saveç. 

I.,  1 1.  D'une  partie  qui  a  fait  a  mots  couverts  un  reproche  à  son  jugr.  • 
relativement  au  témoin  qui  déposoit  contre  lui,  et  qui  par  ce  moyen  ttfàU 
%  rejeter  son  témoignage  par  le  juge. 
*■  Sous  cette  rubrique  ;  il  y  a  deux  anecdotes  dont  je  ne  saisie  pas  bien 
lé  tais.  Je  soupçonne  qu'il  se  trouvé  quelques  fautes  dans  f e  texte  de  la 
firatnièrr.  La  seconde,  renferme  plusieurs  expressions  prises  certaine^ 
^»ènt  Ans lia|  sens  obscène,  «tjcjue  je  Ressaierai  pas  d'expliquer.  Le 
traducteur  ne  sembf e  pas ,  d'après  fa  note  qu'il  a  faite  sur  ce  ,  |>a$sage , 
Jç&  fryoir  envisagées  sous  ^  point  4ç  yue  ;  mais  le  mot  QjfavMSft*1 
me  pairoît  mettre  fa  chose  hors  de  doute. 


OCTOBRE   1830.  601 

1%.  De  celui  qui  réfust  de  rendre  un  faux  témoignage.  .  -  ;n: 

ce  Mohammed,  fHs  de  Font ,  étant  vizir,  fit  citer  Alt ,  fife  <fha, 
pour  déposer  en  sa  faveur  contre  là  vérité ,  ce  que  celui-ci  refusa-  de 
faire.  Ali ,  étant  de  retour  chez  {pi ,  écrivit  au  vizir  :  Ne  me  sachez  pas 
mauvais  gré  du  refus  que  j'ai  fait  de  vous  prêter  assistance  en  faisant 
une  fausse  déposition  ;  car  il  ne  peut  y  avoir  d'union  fondée  sur 
l'hypocrisie,  et  Ton  ne  peut  accorder  aucune  confiance  à  l'homme  qui 
ment  et  qui  altère  la  vérité.  Personne  n'est  plus  capable  d'intenter  les 
plus  grossiers  mensonges  à  votre  détriment,  quand  il  sera  en  colère 
contre  vous,  que  celui  qui*  pour  vous  faire  plaisir ,  manque  à  la  vérité, 
quand  il  est  content  de  vous.  » 

ce  Moténabbi  avoit  dit  à-peu-près  dans  le  même  sent:  .  ■•  .  -  - .  . 

»  Celui-là.  t'autorise  à  user  de  perfidie  dans  les  affaires  que .  tu  auras 
avec  lui ,  dont  tu  t'es  une  fois  servi  avec  avantage  confire  Ia  vérité.  ».  . 
'.  Ce  que  j'ai  traduit  par ,  il  n'y  a  pcfott  d'aUord fondé  sur  l'hypocrisie, 
parce  que  je  lis  dans  le-  texte  ^Ui  J^-gUtJ  ^a  été  rendu  amâtpar 
MvFiiigei:  V hypocrite  ne  fait  jamais  aucm  gain ,  comme  le  mpitvkr et 
l'homme  qui  use  de  finesses  ne  trouvent  aucune  croyance.  M*  Flûgtf  «  lu 
et  imprimé   ^Uît  Y.  C'est  sans  doute  une  faute  du  manuscrit;  wiab 

en  lisant  airisi,  on  ne  sauroit  donner  un  Isens  raisonnable  à  ce  passage. 

Je  crois  qu'il  y  a  encore  une  autre  faute  dans  les  mots,  J^Wj  <J<£f^  ok 
gjae  j'ai  traduits  par  inventer  les  plus  grossiers  mensonges,  mais  qui  signi- 
fieraient à  I&lettre*  transgresser  le  mensonge»  comme  ^ft.  <sï>*i  aigqjfip 
transgresser  ta  vérité.  II  serott  pept-ètfe  trop  hardi  de  lire  JiU t '^^xiu  tj S 

et  il  est  plus  vraisemblable  que  l'auteur  a  écrit  jMJf  3  J&*A  pl'HJfassc 
IcïlxfrÀes  en  fkîttiè  inehsonge.  ,    '  "  , 

:*  Le  vers  de  Moténabbi  ne  paroft  pas  contenir  une  jteni^  tfès^rotè; 
il  est  appliqué  de  diverses  manières  par  les  commentateurs/  Le1  igns'^tife 
far  adopté  ^t  un  dé  'ceux  qu'ils  proposent ,  et  celui  qui  fe&i&rf  té  jpius 
naturfeflerrieiit  des  mots.  Mais  peut-être  Thaalebi  Pâ-t-îi  entendu'  iffittr: 
ce  Celui  qui  fa  servi  aux  dépens  de  la  vérité ,  t'a  fait  assez  Coîinôîtlre 
*  qu*H  est  capable  d^te  tromper  diN  fcs  relations  avec  t&  ^W.'ffûgel 


acrw  pciUvoîr  tirer  du  texte,  tel  qu'il1  est  V  un  sens  qu'if  Jfexttf^^ïlH&: 
JA  Fais  pour  toi  choft  cTun  homme  crut;  pour  te  &re  tffefr  {[tilHabi 


»tions,  quana  u  sera  en  çoiere  contre  vn.  ».u*eu  je  moi  45*11x4 
qun  a  rendu  par  devenir  r ennemi  (au  mensonge  J;  mais  ce  verbe  n  a 

°ggg 


tfo*  JOURK'ALTiaBrSiAV'ANS, 

Jamais ,  je  crois ,  cette  signification.  En  outre* ,  te  traducteur  paraît  n'avoir 

paeniït  attentW-nque.^^J  ne  signifie  point  choisît  un  homme  qui,  mais 

(pe  c'est  4ne  forme,  adrôirwjve  ,  toutrMàit  synonyme  de  .^*  ^j»t<-U 

Il  «'igrtore  <  assurément  p»;  qu'on  d%  indifféremment ,  pour  exprimer 

laduurattont  *i~JJ  -la  ou-  +j  (]>-*!• 

;i'-20.  '  intïtatimt  à  faire  uni/on  thpix  des  kêmmts  qu'on  tmpfole  comme 

ckambethtnr  ci  pmiètf,  et  rxpôsitïoà  des  qualités  qu'ils  doivent  avir.  ■'■'■ 

'icjT*M:,!fiW'tie;Mohii(eb  ,:dit  à  son  *Is  :  Prends  pour  secrétaire . «n 
hbmme"  d'esprit  ;'  et  potjr  chambellan  un  homme  de  bon  sens.  ■ . 

i»  Abd-Rlmé^icdit  &  'sori'  frère  :  Veille  aftenriverneni  sur  la  conduite  de 
ton  secrétaire,  de  ton  chambellan  et- de  ton  commensal;  car  les 
étrangers  te  connoîtront  par  ton  secrétaire ,  ceux  qui  viennent  te  trouver 
figeront  t^torpfir  ton  chambellan  ,  et  ceux  qui  sortiront  d'auprès  de 
toi,  par  ton 'dorâmensat.  r  . .  ■  ;  *.- 

*  Le  poéw  Yahya,  fils  de  Moalla-,  a  dit  ;:  Fais-toi  une  règle  de 
cette  maxime,  que  lé  vîiagede  l'hontme,  c'est  son  chambellan.  C'est 
crt  lui  que  âe  montrent  les  bonnes  «t  les  mauvaises  qualités  du  .maître. 

:  w  Uadutre/poéte  «dit  ;  La  sagesse  d'un  honutte  se  connaît  par.  son 


.  pr^^it4arts.|a  traduction  du  mot  d'Abd-almélic,  car  ton ,  secrétaire jwà 
trahir  Us  secrets,  ce  qui  est  déplacé  ici ,  et  ne  se  trouve  point  en  effet 
dans  te  texte.  Dans  le  mot  attribué  à  YézirJ,  uijk.1  à  été  rendu  par 
"ftVàff  s'/verément  et  Jiuù-.l  par  tiens  dans  de  justes  bornes.  Je  ne  pense 
~pas  que :ces  verbes  aient  Jamais  ces  acceptions;  el  d'ailleurs  la  rubrique 
.répoadroit  bien  peu  aux  anecrfoteiiauxquejlés  elle  sert de  titre  commun. 
Je  me  >  permettrai  encore  une.ou  deux  citations.  , 

De  ceux  qui  venant  pour  rendre  visite  (  à  .un  hoitunc  en  place  ) 


cherchent  à  se  procurer  une  admission  facile,  et  se  plaignent  (  du  refus 
.aji'rïs!  éprouvent).  _'"      ....'",     '  '.;'.■■■■ 

.;  ?  t/n  émir  vint  pour  voir  un  autre  émir  ,  et  écrivit  un  billet  qu'3 
d^^aa.an  chambellan  pour  je  remettre  à  son  maître.  Lo  bijlet  cwiteooit 
:Ce|V|ërs':"  ^'^        ■■",...' 

»Sî  tu  le  permets,  nous  te  saluerons,  et.  nous. serons  comme  une 
plume.,  qui ,  quand  fe  courant  d'air  l'emporte]  se  laisse  entraîner  (sans 
doute  il  vpuloit.dire  qu'il  se  retireroit  au*'  moindre  s^gne,  qui  Iui,-feroit 
connoître,  que  sa  présence  importuneroit  Ternir  ).  , 

»  Dis-lui  qu'il  s'est  fait  bien  léger  :  ce  fut  la  réponse  que  Ternir  lui 

fit  faire  parle  chambellan.  ....... 

»  Là-dessus  le  visiteur  écrivit  un  autre  billet,  contenant , ceci  : 
,  ^  t;  n*"uiMV  i*       ■■  i  ■'    ■   •■-.-■■      trij  «»»■■■: 

833° 


«.     OCTOBRE  it&jQv '  ;  i    .  tffc* 

/.«Si  ni  le  permets ,  jtolw  tfr  saluerons, jetiiioi**  seronscomnie  te  pjerç»; 
quand  on  ia  jette  dans  une  irçatte  d'eau*,  elle  tombe  au  fopij. 
-■:  ^L'émir  chargea  cette  fois  le  chambellan  de  lui  dire  qu'U  sjétoit  feit 
lien  lourd.. 

!  »  Alors  le  visiteur  écrivit  un  troisième  billet,  err  ces  termes  :  ; 
-  'j»Si'tu  le  permets ,  nous  te  saluerons,  et  nous  serons  çorouia  mq 
cavalier  qui  s'en  va,  quand  Sa  terminé  ce  qui  l'aàienoft  chez  ftpi.     ..  . 
»  A  la  bonne  heure  pour  cela,  dit  «l'étfiir,,  ^t  il  ordonna  qu^a 
l'introduisit,  »  ! 

"■  Dans  le  dernier  vers  Je  lis  iJL*  jai^  vj^au  lîeu  dé  .oîj  *JU  ,*oroection 
qui  me.  paroît  indispensable.  Au  surplus,  il  y  a  certainement  -erreur 
dans  la  traduction ,  ôh  oh  lit  V  hoos' sothmh  commère  cavalier  qui, 
ftiWju'il tia pas  le  bonheur  de  te  rtncdtitrèr  ,sc  nrrfÀr/Eri-'îldmettant  même 
la  mauvaise  leçon  JJL  ,  cette  traduction  ne  sèrbit  pas*  exacte.  '  • 

1  i  8.  Réprimande  adressée  à  thiïqui  usent'  d'indulgence ,  puis  s'en 

fepcnttuL—: ____    ..  '"  .  "''.''.    k 

•  c<  «Pavois  eu ,  dit  le  fils  de  Tabratéba;  une  drscussFdn  avec  Suie  per- 
sonne, et  favois  supporté  de  si  part  (  beaucoup  de  duretés);  ensuite 
Je  nie  Repentis  démon  indulgence.  Puis  ?f  me  semHa-vbiren  'Songe  un 
vieillard  qui  s'avança  vers  moi,  et  "me  dit  : 

^  «  Quoi  donc ,  te  repens-tu\  api*ès  avoir  usé  icPiridrigericte.  envers  un 

homme  qui  s*est  hià!  conduit  et  qui  a  été  injuste  envers  toi  !  Garde-toi 

di $k&  repeîipr  ;  car  le  pire  de  tous  tant  que  nous  tommes!*  i?es\  cëM 

qui ,  après  a  Voir  fait  une  bonne  action ,  s'en  repeht.  *> 

f  *M1!  Flûgel  a'  bîéh  rendu  je-sensj  mafs  dans  lé  texte ,  au  4ieu-<tfè 

JJUf  L*a  .û^,-îI-^Ï9Pt-K^"U^  t>Lfe,et  dans  te  fermer  versi,  ailfeii 
de^Jl  >v  ^  tr*  •' ce-  W**  ne  •  convient..  ™  au  sens  ni  à  la,  mesure  du  Vep , 
faut  £*jï  <*•-  .  _  .."".. 

,•  ijjê  Qu'il  ne  faut  point  meftre.  sa  confiance  dans  uç  homme  <£ijlsi  f'ori 
atf4\Lwpa%avqnt^  du  mai    ','  't'"  (  .  '  J'  '"  '; 

'^  cr On  a  ifit  :. Si  vous  causez  dû  chagrin  à  l'homme  libre  ,  ne  formez 
ppint  jiptès  Ç^fe  ae  liaison  avec  lui  ;  si  vous  vqvki  fiez  aVec  tiiï ,'  ne  Tuf 
causez  point  de  chagrin.  ?  .  V    '  "   :  ""•«.*"   " 

je  me  coçferite  <f  observer  "/qu&  le  traducteur,  survint  moi, -'»sV*t 
M^remeiit  m»  ^tof  lé  <&«:' tfe^rttè taaxttïe.  ";'  -        '  '>  - 

*  ""  tel i  pâsWges  que  Jil  '  portés  ' sdiit  pfus  ^ue1  Affi^s"'!^**** 
çonnohre  la  nature  d^'Fbûvfige  de  Tfaàl8bii  ëtR»  ?mpërftièt!ôiW 
X  Reuti rVjîr^^èF  ^^I^AtibA^HeS^^r  àia  trtduyftb^OhWera 


j  ■ 


do4  JOURNAL  DES  SAVANS, 

sàits  dbute  que  ce  livre  né  manque  point d'intérêt;  que,  par  la  nature 
même  des  choses  dont  il  se  compose,  9  présente  de  nombreuses  diffi» 
cultes ,  et  que  ces  difficultés  ont  été  beaucoup  augmentées  pour  lé  jeune 
éditeur ,  réduit  à  un  seul  manuscrit ,  et  à  un  manuscrit  qui ,  à  ce  qtrtl 
paroît ,  fourmille  de  fautes  de  toute  nature.  Sans  ces  circonstances .,  fat 
ptafoffcatioit  de  ce  recueil  eût  été  un  service  important  rendu  à  la  litté- 
rature arabe.  Tel  qu'il  est,  il  sera  encore  utile ,  mais  plutôt  aux  sa  vans, 
qm  pourront  y  appliquer  la  critique  nécessaire ,  qu'aux  étudians ,  aux- 
quels il  paroît  avoir  été  destiné.  ' 

Avant  de  terminer  cet  article,  je  dois  dire  un  mot  des  notes  que 
M.  Flugel  a  jointes  à  sa  traduction. 

Un  recueil  de  la  nature  de  celui  de  Thailébi  pourroit  facilement 
devenir  l'objet  d'un  volume  de  notes  plus  considérable  que  l'ouvrage 
lui-même  ,  si  l'on  vouloit  seulement  donner  de  courtes  notices  histo- 
riques sur  tous  les  personnages ,  hommes  de  lettres  ou  autres ,  dont  les 
noms  se  rencontrent  à  chaque  instant  sous .  la  plume  de  l'auteur , 
notices  qui  exigeraient  beaucoup  de  temps ,  dé  recherches  pénibles ,  et 
une  bibliothèque  entière  de  livres  imprimés  et  manuscrits.  A  cela  se 
joindraient  encore  nécessairement  des  notes  critiques  et  purement 
philologiques.  M,  Flugel  a  dû  de  toute  nécessité  s'imposer  des  bornes 
beaucoup  plus  étroites  dans  cette  partie  de  son  travail,  pour  ne  point 
trop  grossir  le  volume  et  trop  élever  en  même  temps  les  frais  d'impres- 
sion. Toutefois  se$  notes  donnent  une  idée  très-avantageuse  de  son  goût 
pour  les  recherches ,  sur-tout  pour  celles  qui  tiennent  à  l'histoire  litté- 
raire; et  quoique  nous  n'ayons  fait  que  les  parcourir  fort  légèrement , 
elles  nous  ont  convaincu  qu'il  est  appelé  à  cultiver  un  jour  avec  succès 
cette  brandie  de  la  littérature  arabe ,  branche  spéciale  qui  laisse  encore 
tant  i  désirer ,  quoiqu'elle  ait  beaucoup  gagné  depuis  quelques  années* 

J'observerai  à  cette  occasion  que,  dans  la  note  n.°  2,  il  a  réuni 
quelques  détails  sur  un  écrivain  arabe ,  connu  sous  la  dénomination 
SEbn-alarabi,  et  dont  f  ai  aussi  parié  dans  mon  Anthologie  grammaticale 
arabe  9  pag.  129.  Mais  le  traducteur  a  eu  tort  de  penser  que ,  dans  le 
passage  auquel  se  rapporte  cette  note ,  et  dans  tous  ceux  où  on  lit  le 
mot  jj^l,  il  s'agisse  de  l'écrivain  nommé  Ebn-alarabi;  ce  mot  né 

signifie  &qu'«#  Arabe  ju  disert*  L'absence  de  l'article  met  hors  de  doute 
que  ce  n'est  point  un  nom  propre.  Les  critiques  et  les  philologues  arabes 
en  appellent  souvent ,  dans  les  questions  relatives  à  la  langue  et  à  la 
Utlénuure ,  au  témoignage  des  Arabes  du  désert. 
, .  Je  dois,  en  terminant  cet  a,rticle,  déclarer  que  jç  n'ai  point  lu  en  entier 
le  volume  dont  je  viens  de  rendre  un  compte  succinct  :  cette 


OCTOBRE  1830.         '  605 

comme  011  peut  en  Juger  par  ce  que  j'en  ai  dit ,  seroit  une  véritable 
étude ,  à  laquelle  je  n'ai  pas  eu  le  temps  de  me  livrer.  Je  crois  cepen- 
dant en  avoir  porté  un  jugement  équitable.  Mais  pour  éviter  toute 
interprétation  qui  pourroit  être  défavorable  au  jeune  savant  à  qui  nous 
devons  cette  publication,  et  que  je  désavouerais  formellement,  je  prie  les 
lecteurs  de  se  rappeler  que  mes  réflexions  critiques  s'adressent  plutôt  à 
la  nature  même  de  l'entreprise,  que  j'appellerais  volontiers  téméraire , 
qu'au  travail  de  M.  Fliigel.  Celui-ci  vraisemblablement  n'aurait  mérité 
que  de  la  reconnoissance  et  des  éloges  sans  restriction ,  s'il  eût  essayé 
ses  forces  sur  un  ouvrage  moins  difficile,  ou  s'il  eût  eu  plus  de  ressources 
pour  l'exécuter  avec  un  plein  succès.  Malgré  les  défauts  qui  déparent 
son  travail ,  il  a  droit  «encore  à  de  justes  témoignages  d'estime  et  à 
d'honorables  encouragement 

SILVESTRE  DE  SACY. 


Transactions  ofthe  royal  Society  of  littérature ,  ofthe  united 

Kingdom;  vol.  I,  part.  11. 


SECOND   ARTICLE. 


»■ 


.Il  nous  reste  à  analyser  le  mémoire  qui  termine  ce  volume.  II  ferme 
à  lui  seul  un  ouvrage  fort  étendu,  puisqu'il  occupe  cent  soixante-dix 
page^U  est  intitulé ,  sur  Us  Dimts  de  l'A  tique,  par  V.  Martin  Leâke  : 
six  pflfches  l'accompagnent ,  savoir ,  une  carte  de  la  Grèce ,  une  de 
rAt tique ,  un  plan  de  Marathon,  un  plan  de  la  forteresse  de  Phyle ,  un 
autre  des  restes  d'Eleusis,  une  carte  pour  l'éclaircissement  de  la  bataille 
de  Sakmine.  Ce  mémoire ,  ou  plutôt  cet  ouvrage  »  peut  être  considéré 
comme  la  description  géographique  la  plus  complète  qu'on  ah  donnée 
de  rAttique.  Les  recherches  de  fauteur  pour  parvenir  à  fixer  fat  position 
des  différera  dèmes,  font  conduit  à  embrasser  la  géographie  éhtière 
du  pays,  et  à  en  discuter  tous  les  points  de  .quelque  intérêt* 

Diodore  le  Périégète  et  Nicandre  de  Thyaâra  paraissent  avoir  été  (es 
auteurs  les  plus  connu*  dans  l'antiquité  par. leurs  ouvrages  Mfpr  If* 
dèmes  de  rAttique  :  c'est  dans  ces  ouvrage»  que  les  {exko^typhçp 
H*rpoci*t*ftj  Etienne  d*Byxaiqj0 Suide*,ont  prinàpaboiett f^sé 


6o6  JOURNAL  DES  SÀ'VÀN& 

les  indications  qu'ils,  donnent  à  cet  égard;    leur  exactitude  est  oon^ 
firm^e> panier  inscriptions.   ^  *■•■...;    1  * .  :•  v»  ■ 

•  Parmi  les  modernes,  S igonins  est  le  premier  qui  ait  donné  une  Ibcb 
de?  dèmes  de  fÀtttque,  dont  il  réctiâHtt  cent  trentë-denx  noms.*  £ri 
\6vfn  Meursra* jtabBa  son  traité  d$  JPçpalis  Attisa  >  «composé  de  itoiob 
rangeai  par  ordre  alphabétique  r  et  appuyé ,  selon  «son  usage ,  dedusjoM 
textuelles  Mate  ,£our  compléter  le  nombre  de  cent  soixante-quatorze* 
donné  par  les1  anciens V  il  a  enflé  sa  liste  de  notas1  qui  n'appartenoiênt 
qu'à  dee  caps,  des  îfes  et  des  montagnes.  Spon,  de  retour  de  Grèce 
cn'i6$6f  avec  tin  grand  nombre  <T  inscriptions ,  entreprit  de  former  un 
nouveau  catalogue; il  exclut  treize  des  noms  rassemblés  par  Meurshwj 
et  en  fntrpduishc.de  .nouveaux  4  la  place.    ..---■ :  !  '  .»•■■■    •■• 

En  1745»  Corsini,  ayant  appliqué  une  critique  jplus  -sévère  in 
sujet ,  et  préférant,  avoir  un  catalogue  exact  plutôt  qu'un  catalogue 
complet,  en  inséra  un  de  cent  soixante  six  noms  dans  le  premier 
volume  de  ses  fastes  attiques. 

Depuis  ce  temps,  rAttîqïïeT(êfrprus  fréquemment  visitée  par  des 
voyageurs  et  des  savans  ;  de  nombreuses  inscriptions  ont  été  recueillies 
£ur  Les  lieux:  il  n'est  donc  pas  surprenant  qu'pn  puisse  former  un  calit- 
iogue  pius  exact  et  plus  complet  qi>e  ceux*  de  Spon  et  de  Corstm. 

En  outre ,  la  géographie  cfè  TÂttique  ïiifeiix* connue,  la  position  bien 
déterminée  des  ruines  qui  s'y  trouvent  encore,  fournissent  une  multitude 
d'indications  précises  qui*  permettent  défaire  autre  chose  qu'un  simple 
catalogue  de  dêmes  sans  application  géographique,  d'en  essayer  une 
classification,  et  même  de  déterminer  la  position  de  quelques-uns  avec 
ûçrirtude  et*  (le  plusieurs  autres;  avec  une  probabilité  suffisante.  TVlul 


Vaux-  points  et  dressé  ufre  carte  détaillée; " 

"'  '.L^ûièiir  fcoiiimence par  exposer  les  grands  traits- de  la  géographie 
prRyirque  du  pays  {  par  indique»-  les  principales'  chaînés  fie  mônffagrtes 
qur/le'  p'tfrcotirentj  les  principaux  courans  qui  endescendent  et-  les 
rdW^^^nafureiles  drue  ce*  chaînes ■  •ëtatlKssem;  fl*é  trcftitt'cbhchiif'lk 
Itëfi&hh'' 'nHu*eIîë  que  îe  SritesJiitèi  H  ■PintMiqaè-'êàm  Mte-slMil»Hk 
même"  iponÀe;  ïPôBiètve-aveé tfaW  qto'lè*6W]éè  PeritéHaie.tfi 
•¥  cyWfém^terè'aâhV'lé'  'MitnWr  f  ****éx*>:  )- actuel  y  a^pfiqW  à 
^n^def g^ïïdti  cWînes'; he  teifroùvé qjuë'tiai* 'P»tisariife ,'ttndW <}«■« 
WTUBéuW  te'arJcîens'/rniébphraste  et  Thucyttitte;'  iife  îpartenr'qfce 
WarYtëJs^^Wdetf'ter^ 


'  '  OC T O B RE  :  1 830  607 

Meatéii.  Après  ces  observations  préliminaires  sur  la  constitution 
physique  du  pays,.  Fauteur  rapporte  lés  divisioiy  naturelles  que  les 
anciens  reconnobsoient  dans  FAttiquç  ;  savoir  :  1 .°  la  plaine  d-' Athènes 
(Wfry),. bornée  au  Sud-Ouest  par  la  mer,  et  entourée  des  autres 
c6té*  par  les  monta  Égaleos,  Parnès,  Pentélique  et  Hymette;;  2."  fe 
district  maritime*  détendant  depuis  l'extrémité  Sud  du  mont  Hyuiefte , 
le  long  du  golfe  Saronique  et  de  la  mer  Egée,  appelé  Para lus  ott 
Paxalia,  dont  Je  chef-lieu  paroît  avoir  été-  Sunium  ;  3/  \\  Aféîègie, 
canton  renferme  dans  les  montagnes  de  (a  Paralie  v  s'étendant  à 
rHymette  et  au  Pentélique  ,  et  conservant  encore  le  nom  de  fA\<xy*\ 
4«°  tout  fc  pays  qui  s'étend  du  Pentélique  i  FQropie,  comprenant "T 
tous  le  nom  dé  Diacrie,  la  côté  Nord- Ouest  de  l' Astique-:  la  Diacrte , 
quoique  montagneuse,  n'étoit  point  stérile;  elle  contenoir  beaucoup  de 
ces  plaines  élevées  et  de  ces  pâturage!  situés  sur  des  hauteurs,  que  les 
anciens  appelorent  V*mij?;  y .°  la  plaine  maritime,  située  au  Sud- 
Ouest  de  la  chaîne  qui  joint  le  Cithéron  au  Parnès,  forme  une  autre 
division  naturel^  GeTATtîque.  Quoîque^ÉIeùsîs  occupât  une  portion  de 
cette  plaine,  eue  s'appeloit  Thrtdfitnne,  du  riom  du  dèm*  Thîia , 
auquel  la  plus  grande  partie  apparfcnoit* 

-  Après  un1  court  résumé  sur  les  changemens  qu'a  éprouvés  là  division 
en  tribus,  Tarneur  commence  par  fixer  la  position  de  plusieurs  dèhies 
importans ,  auxquels  d'autres  positions  ont  été  rattachées;  entre  ces 
points ,  Eleusis  seul  est  bien  déterminé.  Décélie,  fixé  par  Thucydide  à 
cent  vingt  stades  au  Nord  d'Athènes,  dans  une  situation  élevée  qui  la 
rendort  visible:  d'Athènes,  doit  avoir  occupé  uhe  haufen*  àû  vHtagt 
moderne  4e  Tatoy ,  qui  se  voit  distinctement ,  et  se'  trouve  à  : rentrée 
du  défilé  qui  conduit  de  la  plaint  à  Orope  et  à  Tanagra.'  Dilfahrièiffc 
tiApkidna  ne  peut  être  connue  que  par  conjecture  ;  en  ttrtribiflftft  4vec° 
toin  les  textes  des  anciens,  on  est  conduit  il  placer  ce  déine^noh  loin 
dffrBécélie,  dans  un  endrbit  où  sont  encore  leà  vestiges  d'urie  antienne 
*iHe  fortifiée  k  Buga  ou  Meziabéca,  petit  village  au  milieu  de  la  Diatafe. 
Thoricus  et  Ciphisia  conservent  encore  leurs  anciens  noms  peu  ahéréfr. 

.  ;  Selon  Palémon  le  Périégète ,  les  dètnes  de  f  Attiqoo  étôient  au 
iHtabre  de  cent  soixante-quatorze  où  environ*  Mais  Â  est  probable 


,  de  temps  en tehips,  de nouveaur  blêmes  âffem^ttité»  aux^nciètt 
né  prirent  la  place  d'autres  démet  détruits.  Aiflpkk*  BétHéchlé* 
Jouirent  leur  nom  dç  fa  femme  de  Ptoléméé  Pbflflpatdry  >(Nf;iÉ 
Jpêltonicns,  de  celle  d?Ai*fe  Lct  ;  mais  la  pfupaft  étokfff'  de  <J© 
aorienne  date,  -et  subsisté***  pendant  WUttffc  J^odb1  *  ntiMAP» 

àftfalMw  '/>    ■■■  -  /'  *•*''" '■  ' '->i'\  ->  't  intï.-.M  .   :î-    •     \  t.:^'- ni. ''ih'.o  *n*b»:. 


6o8  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Chaque  citoyen  athénien  appartenoit  à  an  déme,  et  l'indication 
de  son  détne.  étoi  (^toujours  jointe  à  son  nom ,  dans  toute  circona* 
tance  publique;  c'est,  ce  qui  fait  que  les  inscription!  de  l'Attique  four- 
nissent un  nombre  considérable  de  noms  de  dêmes;  ces  noms,  ajoutés 
à  ceux  que  contiennent  les  auteurs  attiques  et  les  lexiques  cTHarpocra** 
tion ,  d'Etienne  dé  Byzance ,  cfHésychhis  et  de  Suidas v  forment  à- peu- 
près  le  nombre  indiqué  par  les  anciens. 

M.  Leakè  d'annonce  aucunement  la  prétention  de  fixer  la  position  de 
tous  avec  certitude  :  la  plupart  ont  eu  trop  peu  d'importance  pour  que 
Pbistoire  en  ait  fait  mention;  d'autres  n'étoient  que  de  petites  com- 
munes, consistant  en  un  temple  et  un  lieu  d'assemblée,  entourés  *dt 
groupes  de  maisons.  Des  vestiges  d'anciennes  constructions ,  marquant 
l'emplacement  des*  dèmes ,  se  trouvent  endifférens  lieux1  de  F  At  tique;; 
ils  consistent  généralement  eh  fondations,  jen  restes  de  sculptures  et 
d'architecture,  en  puits  de  marbre.  Mats  la  difficulté  est  d'appliquer 
les  noms;  anciens  à  ces  divers  emplacement;  c'est  ce  que  Ton  ne  peu! 
faire  d'une  manière  satisfaisante  que  pour  un  peiii  n<yibm  M.  Lëafce 
le  recoimof  t  ;  et  dès-lors  on  doit  penser  qu'il  ne  dirige  ses.  recherches 
que  sur  ceux-là ,  ne  s'inquiétant  nullement  des  autres,  dont  fa  position 
nef  peut  être  retrouvée  que  par  le  moyen  de  découvertes  postérieures. 

Il  xfiqise  sas-  recherches  conformément  à  la  division  qu'il  a  établie 
danvTAuique,  c'est-à-dire  qu'il  considère,  i»°  les  dêmes  de  la  plaine 
d'Athènes,  comprenant  ceux  de  la  plaine  et  des  faubourgs;  a.°  les 
dêmes  de  h  Mésogée  et  de  la  Paraliê ,  en  y  comprenant  ceux  de  la 
pjaitte  d'Athènes  *  au  Sud  de  Phalère  ;  ;.°  les  dêmes  de  la  Diacrie  et  du 
j&rnès;  A*  les  dêmes  à  L'Ouest  de  la  plaine  d'Athènes,  «enfermant 
l'îlei  de.  Salàmine.  a  /  ?> 

II  nous  est  impossibIe.de  suivre  l'auteur  dans  les  discussions  relatives 
à, cette  foule  de  points  obscurs;  leur  analyse,  en.  supposant  que  noua 
plussions  la  présenter  brièvement  avec'  la  clarté  nécessaire,  ne  séroft 
.djaucU*  ihtérét  pour  nos  Jettent*»  à  moins  qu'ils  n'eussent  sôus  les  yëuz 
J*  carte  dressée  par  M.  Leake. :    •     •    ;rr  *,  W 

;j>;  Nous  préféroni  appeler  i  Jour  attention  sur  plusieurs  observations 
îfctér&fqntes  que  Hauteur  mâle  è  ces  recherches  arides;  de  ce  nomfaft 
QH\çtMoici  sjtrj^ntguéur  du  stade  en  Grèce  :  «  J'ai  déjà  «uoôcasiop 
*tfpÉl*«W&  qitf^ptote.  fct;  Thucydide  paraissent  avoir  calorie  ht 
d^twce^iWKigêtlft-aljlur.Un^tadb  phisrcôuct  que  celui  de  tfoo  pieds 
9&cs>*,  noftirf  W  ippurt^it,!  s'eto  rendit  cxwtfpte  en  disant  que,  fe^K 
JHUUfflH  é»i^,fo(ftit**.Mimi$ï>tmi  dans  ce  cas,  les  dbtanoesim» 
cèdent  ordinairement  la  vérité.  Parmi  les  premières  routes  qui  ontiiété 


V.    OCTOBRE  183a  609 

soumises  à  une  mesure  effective ,  on  peut  compter  celle*  de  h  plaine 
d'Athènes,  et  entre  autres  celles  d'Athènes  à  Acharnes;  dans  là  suite , 
il  en  fut  de  même  de  beaucoup  d'autres,  tant  dans  l'Attique  que  dans 
le  reste  de  la  Grèce  ;  et  de  là ,  il  peut  arriver  que  les  autorités  les  moins 
anciennes  donnent  plus  correctement  les  distances.  Ainsi  Diodore 
compte  100  stades* entre  Phyle  et  Athènes,  et  Thucydide  lao  entre 
Athènes  et  Décélie,  quoique  les  intervalles  soient  égaux;  et  le  ren- 
seignement de  Diodore  s'accorde  mieux  avec  la  carte  moderne  que 
cfelui  de  Thucydide* 

.  »  Quelle  qu'ajt  pu  être  la  longueur  du  stade  chez  les  anciens 
géographes  et  navigateurs,  en  différens  temps  et  en  différens  pays  >  (es  • 
Athéniens ,  au  moins ,  furent  dans  l'habitude  d'employer  le  stade  de 
£00  pieds  grecs;  et  j'ai  peu  de  doute  que  ce  fût  là  l'évaluation  géné- 
ralement adoptée  en  Grèce.  La  longueur  de  4°  stades,  pour  le  long 
mur  du  nord  à  Athènes ,  et  celle  de  3  5  stades  pour  le  mur  de  Phalère , 
données  par  Thucydide  ,  représentent  certainement  des   intervalles 

mesurés-,  ^ct  elUa  oont  «y  a  et  »c  ~dao&4c-  -atade  dit  clympïqut* 

s»  Je  prendrai  cette  occasion  d'observer,  par  rapport  à  la  différence 
<gp  est  supposée  exister,  entre  les  stades  olympique  et  pythique ,  que  si 
rousjfbus  en  référons  au  stade  de  Delphes  pour  juger  la  question,  il 
y  en  a  des  vestiges  suffisans-pour  qu'on  puisse  s'assurer  qu'il  n'y  a  point^. 
de  différence  sensible  entre  sa  longueur  et  celle  des  autres  stades  dama- 
is Grèce.  On  peut  ajouter  que,  quoique  tous  les  stades,  tant  en  Grèce 
qu'en  Asie  mineure,  soient  plus  ou  moins  ruinés,  il  existe  assez  de  restes 
du  plus  grand  nombre ,  sinon  de  tous ,  pour  juger  que  la  distance  entre 
f  «up rmpUt  et  le  **fwnfy ,  ou  la  longueur  de  (a  course  à  pied,  étoit  la  même 
pu  à- peu-près  la  même  dans  tous,  c'est-à-dire,  d'environ  600  pieds 
grecs,  en  prenant  pour  module  la  centième  partie  de  la  largeur  du 
Parthénon.  »  4É 

Une  autre  observation  curieuse  concerne  la  ville  de  Thoricus ,  où  il 
existe  encore  les  restes  d'un  théâtre  d'uqe  forme  singulière ,  et  dont 
M.  Leake  donne  le  plan. 

A  l'occasion  de  Marathon,  M.  Leake  entre  dans  une  discussion 
approfondie  sur  la  bataille  entre  les  Grecs  et  les  Perses  ;  il  en  explique 
les  détails ,  d'après  le  plan  exact  qu'il  a  dressé  du  champ  de  bataille.  II 
examine  les  rapports  des  anciens  sur  le  nombre  des  Perses  qui  y  com- 
battirent, et  il  en  montre  l'exagération.  Toute  l'armée  f  d'après  les 
calculs  les  plus  raisonnables ,  ne  pouvoit  monter  à  plus  de  180,000 
hommes.  11  soumet  aussi  à  un  nouvel  examen  toutes  les  circonstances 
de  la  bataille  de  Salamine  :  il  compare  entre  eux  les  récits  d'Eschyle  et 

Hhhh 


CTitt  JOURNAL  X*t S  SA  VANS, 

d'Hérodote.  Ce  morceau ,  qui  tient  plus  de  quarante  pages ,  embrtajd 
non-seirfemerit  la  description  de  la  bataille ,  mais  encoite  tout  ie  récit 
de  l'expédition  de  Xtrxès ,  depuis  le  passage  de  l'Hetlespont.  L'auteuf 
y  discute  le  texte  si  difficile  cf Hérodote  sur  la  construction  do  périt 
de  bateaux.  Ces  deux  essais  topographiques  méritent  l'attention  de# 
historiens  et  des  militaires. 

Quant  h  la  bataille  de  Safamîne  elle-même;  il  change  les  fdéeil 
qu'on  s'étoit  faites  sàr  la  disposition  respective  des  deux  flottes.  Jn*. 
qu'ici,  on  ayoit  pensé  que  la  flotte  persane  avoit  occupé  la  partie  & 
plus  large  du  détroit  de  Safamîne ,  en  face  de  la  presqu'île  de  Mutoychie 
et  du  Pirée,  jusqu'au  cap  Cynosure;  et  que  la  flotte  grecque  étant 
rangée  en  face,  pfos  au  nord ,  dans  l'espace  étroit  qât  sépare  fîle  <kt 
mont  i£ga(eos.  M.  Leafce  pense  au  contraire,  d'après  une  comparaison? 
plus  exacte  des  textes  d'Hérodote  et  d'Eschyle ,  que  la  flotte  grecque 
s'étoit  embossée  dans  le  golfe  de  Salamine,  et  que  les  Perses  se  dére» 
loppoieht  sur  trois  lignes  le  long  du  détroit ,  parallèlement  h  (a  côte  de 
i'Attique.  Les  raisons  quH'dWme  de  cette  disposition  tstms  paroîssent 
avoir  beaucoup  de  forcé.  II  explique,  à  cette  occasion ,  plusieurs  textes 
cf  Hérodote ,  et ,  entre  autres,  le  passage  si  difficile  où  il  est  dit  que  fee 
vaisseaux  des  Perses  qui  étaient  rangés  «autour  de  Céos  tt  de  -Cjmsurt 
^fc>  (  oî  A/jLf)  ikv  Tior  tfl  ■fir  Kxmaw&*9  vin ,  76  ),  vinrent  occuper  tout  lé 
^%  détroit  jusqu'à  Munychie.  »  II  adopte  l'opinion  de  Barthélémy,  *jue 
Cynosure  est  un  cap  de  l'He  de  Safamîne;  il  en  est  certainement  de 
même  du  mot  Céos,  si  le  texte  n'est  point  atltéré.  Wesseling  et  Lnrcher 
y  voient  l'île  de  Céos;  mais  cette  opinion  est  inadmissible» 

Le  mémoire  de  M.  Leake  est  terminé  par  le  catalogue  de  tous  les 
noms  de  dèmes  qu'il  a  pu  tirer  des  auteurs  anciens  et  des  monumens. 
Ce  catalogue  est  divisé  en  trois  parties  :  dans  la  première,  sont  rangé* 
les  dèmes  par  ordre  alphabétique ,  sur  deux  cotflhnes ,  Tune  contenant 
leuts  noms,  l'autre  ceux  des  tribus  auxquelles  ils  apparlenoiem  ;  les 
noms  des  dêmes  sont  écrfts  conformément  à  l'orthographe  des  monu- 
mens. La  seconde  partie  du  catalogue  contient  les  noms  des  dèmes 
qui  ne  sont  connus  que  par  :Ies  auteurs  anciens  et  n'ont  point  été 
trouvés  jusqu'ici  sur  des  inscriptions  lapidaires  ;  à  chaque  nom  est 
Joint  celui  des  auteurs  qui  en  ont  parlé.  Enfin  la  troisième  partie  cot> 
fient  quelques  noms  douteux,  et  M.  Leake  expose  les  raisons  pourôtf 
Contre  leur  admission  au  nombre  des  dêmes. 

Le  total  des  noms  contenus  dans  les  trois  listes  monte  h  cent 
quatre-vingt-cinq  ,  ou  onze  de  plus  que  le  nombre  mentionné  par  Strai- 
bbh,  Il  ne  s'ensuit  pourtant  pas  qu'il  faille  'écarter  onze  noms  de  ee 


i .  1 


.  h  :    OCTOBRE  1815a;  j     r.  éi i 

cfttfclogue  ;  cfr  certains  éêmts  peuvent  a«ojr  é^té  créés  plus  tard»  notant^ 
mem  du  temps  d'Adrien  ;  et  il  a  dû  arriver;  pendant  toute  li  durée  de 
Ifetépublique,;  que  de  nouveaux  démesont  été  substitués  à  d'anciens 
tlimés:  or,  les  noms  des  anciens  et  des  nouveaux  peuvent  se  trouver 
â&is  des inscriptions  de  cWïérens  temps* 

•  Le  mémoire  de 'M.  Leake  est  réellement  un  travail  très- approfondi, 
neuf  dans  presque  toute  ton  étendue,  qui  répand  bien  du  jour  sur  fa 
géographie  ancienne  de  TAttique ,  et  éclairait  un  grand'  nombre  de 
textes  anciens  ?  on  peut  le  comparer  à  ce  qu'il  y  a  de  mieux  dans  les 
autres  collections  académiques  ;  c'est  dire  qu'il  courpftne  dignement  ce 
pftffiier  volume  des  Transactions  d une  Société  qui  s'annonce  comme 
hé  devant  pas  rester  en  arrière  de  celles  dont  les  travaux  ont  été  le 
plu*  Utiles  au  progrès  de  Ja  littérature  et  ëè*  sciences  historiques.  - 

?o-.-r- .    ■.•-•:■     ;    ■.-..-.    .    ..•;....-■'    .... 

,;»,  :.     LÉTRONNE. 

■  ■  •  * 

»  •  ■    ■  m.    J 


.1.  ■         :a 


OEUVRES  divertis ,  italiennes ''et fiancaisei ,  /Énnius  Quirinus 
Vf;  Visconti *  recueillies  et  publiées, par  le  docteur  J.  Labùs; 
..«:  tomes  I,  II,  UI,  Milan  ,  1827^18.30,  in-8.° 


PREMIER  EXTRAIT. 

.  L'édition  des  œuvres  diverses,  <fE.  Q^.Visoontij  publiée  à  Milan, 
4M  confiée  aux  soins  et  aux  connaissances  dp  docteur  J.  Labus,  est  unç 
entreprise  littéraire  trop  importante ,  et  cette  entreprise  e$t défi  trop  àvan-r 
cet  9  pour  que  nous  ne  regardions  pas  comme  un  devoir  d'en  rendre  k  nos 
lecteurs  un  compte  aussi  détaillé  que  le  comportent  la  nature  et  les  bornes 
dece  journal.  Si  l'éditeur  ,qui  jusqu'ici**  est  montré  si  fidèle  à  toutes  ses  pro- 
messes ,  tient  l'engagement  qu!il  à  pris  d'abord ,  et  qu'il  a  encore  renoû- 
ràlé  tout  récemment,  de  terminer  f.  avec  l'armée  où  nous  sornmçs,  l'é- 
djtion  entière ,  dont  il  ne  reste  plus  à.  paraître  que  le  IV.*  et  derniçr 
tyclume,  nous  pouirotis  nouv-méme  donner  une  idée  complète  d'un 
recueil  si  intéressait  à  tant  de  titres  *  et  nou$  n'éprouverons  que  le  regret 
de  ne  pas  remplir  peut-être  une  tâqhç  si  difficile  d'une  manière  4'gixe 
<fe*pn  objet,,        .    ;  ,    ,  ;..  . 

:  Mxxçjïa&fi^ww  fc  mérite  de  Visconti.  Le  mng 

Hhhh  a 


6t2  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

que  ce  savant  illustre  occupa  pendant  une  grande  parue  d'une  vie 
core  plus  remplie  de  travaux  que  d'années  9  à  la  tète  de  tous  les  aati» 
quaires  de  son  siècle ,  lui  sera  certainement  confirmé  par  le  sufiragé 
des  siècles  qui .  suivront.  Viscoiûi  a  pu  jouir  lui-même  d'une  gloire  fi 
légitimement  acquise;  la  postérité  avoit  commencé  pour  lui  de  sofi 
vivant  ;  et  depuis  qu'il  est  entré  tout  entier  dans  le  domaine  de  l'histoire, 
sa  renommée  n'a  fait  que  s'accroître,  à  mesure  que  ses  travaux  ont  été 
plus  souvent  et  plus  sérieusement  étudiés;  II  est  pourtant  vrai  de  dbp 
que  la  patrie  de  Wincltelmann  n'a  pas  été  généralement  aussi  juste-è 
l'égard  de  Visconti ,  que  la  patrie  de  celui-ci  s'étoit  montrée  équitable  et 
même  généreuse  envers  l'auteur  de  T Histoire  de  l'art*  L'Allemagne  *  je» 
nanti  plut  d'une  fois  dé  critique*  où  te  grand  nom  de  Visconti  n'était 
pas  plus  ménagé  (Jueie  véritable-intérêt  de  là  science;  et  nous  voudricNN^ 
pour  l'honneur  d'un  pays  si  cher  aux  études  archéologiques ,  qu'il  nous 
fût  permis  d'ignorer  les  diatribes  d'un  antiquaire  de  Pétersbourg,  qui, 
en  s  attaquant  à  Visconti ,  ne  respecta  ni  la  vérité ,  ni  Visconti ,  ni  lui* 
même.  '   ■* 

Ce  n'est  pas  que  nous  prétendions  que  tout  soit  irréprochable  dans 
les  productions  de  Fimmqrtel  auteur  du  Musée  Pie-CIémentin.  Des  q&- 
vaux  qoji  embrassèrent  presque  tout  Je  domaine  de  l'antiquité  écrite  ou 
figurée,  qui  fpiçnt  produits,  les  uns  par  une  extrême*  Jeunesse,  tes 
autres  par  une  circonstance  fortuite  ;  qui  devancèrent  enfin,  sur  plusieurs 
points,  les  découvertes  de  la  science,  ne  purent  toujours  offrir,  dans 
tous  leurs  détails ,  ce  caractère  de  certitude  çt  de  maturité  qu'on  re- 
marque à  un  si  haut  degré  dans  ses  principaux  ouvrages ,  fruits  de  lon- 
gues, études  et  de  laborieux  loisirs.  Visconti  eut  sans  doute  trop  souvent 
le  tort,  attaché  aux  habitudes  de  son  pays  et  de  sa  profession,  d'écrire 
trop  facilement  et  trop  vite  sur  toute  sorte  de  sujets ,'  à  chaque  fois  que 
quelque  monument  nouveau  venoit  s'offrir  à  son  observation  ;  ces  petits 
écrits,  inspirés  par  le  moment  ou  dictés  par  la  complaisance,  ont  nui 
peut-être  à  la  réputation  de  Fauteur,  tout  en  servant  au  progrès  de  la 
science.  Visconti  avoit ,  si  je  puis  m'exprimer  ainsi ,  son  savoir  si  prompt 
et  si  bien  préparé,  qu'il  étoit.  toujours  prêta  le  répandre  à  tout  propos, 
et  pour  ainsi  dire  au  gré  de  tout  venant;  et  cette  facilité  dont  on  abÂsa 
contre  lui,  et  dont  je  ne  nierai  pas  qu'il  n'ait  abusé  lui-même»  n'a  que 
trop  donné  prise  II  la  malveillance  et  que  trop  réjoui  l'envie.  Mais  3 
fôut  le  reconnoître  hautement*;  ces  légères  imperfections  dans  F  homme 
qui  produisit  tant  de  solides  et  excellens  écrits,  rie  font  même  pas  une 
ombre  à  sa  gloire.  II  n'appartient  qu'à  ceux  qui  ont  la  prétention  d'être  m- 
faillibles,  de  se  récrier  contre  la  ftiWesie  de  ijùeKfdés  opuicuies  échajlpés 


OCTOBRE  183p.  <Jij 

à  fauteur  des  plus  grands  travaux  archéologiques  de  son  siècle  ;  et  tel  qui 
a  pu  dire  que  telle  dissertation  de  Visconti  ne  sert  qu'à  montrer  quoi  nt 
doit  pas  écrire  toujours  ni  sur  toute  chose ,  n'est  sans  doute  qu'un  de 
ces  hommes  qui,  lents  à  travailler  et  paresseux  k  produire,  ne  savent 
guère  que  se  faire  un  avantage  de  leur  stérilité  et  un  mérite  de  leur  im- 
puissance. 

. .  Cétoit  donc  une  entreprise  utile  et  digne  de  tout  l'intérêt  des  amis 
de  l'antiquité ,  que  celle  de  recueillir  en  un  corps  d'ouvrage  cette  foule 
de  petits  écrits  de  Visconti ,  produits  à  diverses  époques  de  sa  vie,  fcn  diffé- 
rentes langues  »  et  sur  tant  de  questions  diverses  ;  quelques-uns  des- 
quels ,  publiés  séparément  et  pour  ainsi  dire  en  feuilles  volantes , 
d'autres,  cachés  dans  des  collections  volumineuses,  et  oient  rares  et  diffi- 
ciles à  découvrir ,  et  quelques-uns  enfin ,  restés  jusqu'à  ce  moment  inédits , 
attendoient,  pour  voir  le  jour  (Tune  manière  digne  de  leur  auteur,  les 
soins  d'une  main  habile  çt  amie.  Tel  est  l'objet  que  se  sont  proposé 
les  éditeurs  de  la  collection  qui  nous  occupe ,  et  tel  est  le  devoir  que 
ttet  **arg*  rfc  renjj£.!ppy^r^  *\lïJ^  ^  PnM'r  A/L  le  docteur  J.  Labus, 
qu'une  foule  de  travaux  épigraphiques ,  ou  l'érudition  la  plus  vaste 
se  joint  à  la  sagacité  la  plus  heureuse ,  ont  déjà  signalé  à  l'Italie  et 
i  l'Europe  savante  çonjme  le  plus  habile  disciple  et  comme  le  digne 
héritier  de  Morceili,  * 

\  En  commençant  le  compte  que  je  me  propose  de  rendre  de  cette 
édition  des  œuvres  diverses  de  Visconti,  j'ai  une  première  obligation  à 
remplir,  dans  l'intérêt  de  la  vérité,  autant  que  dans  celui  de  f entreprise 
elle-même  ;  c'est  de  déclarer  que  l'exécution  matérielle  en  est  très-supé- 
rieure ,  sous  tous  les  rapports ,  aux  éditions  semblables  des  grands  ou- 
vrages de  Visconti  qui  ont  été  publiées  à  Milan.  Il  est  trop  reflet  trop 
notoire  que  ces  éditions,  par  la  manière  dont  elles  ont  été  conduite;, 
ne  peuvent  être  que  d'une  assezfeédiocre  utilité  pour  ceux  qui  ne  coiv- 
noissent  pas  les  éditions  originales;  et  que,  sans  avoir  beaucoup  servi  % 
sous  ce  rapport ,  l'intérêt  de  la  science ,  elles  auraient  pu  nuire  à  la  réputa- 
tion de  l'illustre  auteur ,  si  le  mérite  de  $es  ouvrages  avoit  pu  souffrir  de 
la  négligence  ou  de  la  précipitation  de  ses  éditeurs.  Mais  la  collection 
4ont  nous  allons  nous  occuper ,  remarquable  généralement  par  le  soin 
et  par  la  correction  avec  lesquels  elle  est  exécutée ,  et  qui  sont  dus  à  la 
coopération  active  du  docteur  J.  Labus,  n'a  réellement  rien  de  commun 
avec  ces  malheureuses  réimpressions  que  le  format ,  et  que  l'intentioty, 
cette  fois  du  moins  justifiée  par  le  succès,  de  rendre  les  travaux  gp 
-Visconti  accessibles  et  familiers  à  tout.  le  monde.  L'exécution  des 
planches ,  non  moins  soignée  que  cçlle  du  texte  >  méritç  également  des 


6ti  JOURNAL  DES  SAVANS, 

éloges;  et  c'est  un  double  avantage ,  pouf  un  livre  tel  que  celui-ci,  de 
parqîrre  sous  les  auspices  d'un  savant  comme  M.  Labus ,  assisté  <fipi. 
artiste  comme  M.  Palagî. 

]Nous  allons  parcourir  chacune  des  dissertations  contenues  dans  les 
deux  volumes  que  nbu$  avons  dès  ce  moment  sous  les  yeux,  en  suivant 
I  ordre  où  elles  s'y  présentent,  lequel  est  en  général  celui  des  temps  ou 
elles  ont  été  produites  ;  et  nous  nous  arrêterons  sur  ceux  de  ces  écrits 
qui  peuvent  donner  lieu  &  quelques  observations  nouvelles. 

Le  premier  morceau  qui  s'offre  en  tête  de  cette  collection ,  et  par 
lequel  s'ouvrit  aussi  la  carrière  de  Visconti ,  est  la  description  du  Mo* 
nument  des  Sapions,  publié  d'abord  dans  l'Anthologie  romaine,  maisdotit 
on  ne  connoît  plus  guère  aujourd'hui  que  la  belle  édition  donnée  en  un 
volume  In- fol.,  par  J.-B.  Pïranesi,  en  i?8j.  On  sait  quel  vif  et  uni* 
Verse!  intérêt  excita ,  dans  Rome  d'abord ,  et  bientôt  dans  toute  l'Europe  * 
h  découverte  fortuite  faite,  au  mois  de  mai  1780 ,  du  tombeau  de  b 
plus  illustre  famille  de  {'ancienne  Rome.  Visconti,  bien  jeune  encore; 
fut  un  des  premiers  h  visfrer  ref  auguste  hypogée,  cFob  sortrwnt  en 
Fouie  tant  de  précieuses  connoissances ,  unies  à  tant  d'émotions  gêné* 
reuses  ;  et  ce  fut  sans  doute  un  rare  avantage  pour  un  antiquaire ,  de 
commencer  à  signaler  son  nom  par  la  publication  du  plus  glorieux, 

£  eut-être,  et  du  plus  ancien  des  monumens  funéraires  de  l'antique 
ioine.  Viicoatï  ne  resta  pas  .au-dessous  de  h  tâche  qu'il  s'étoit  imposée 
ni  de  {'intérêt  qui  s'y  attachoit%  Toutes  les  observations  consignées  dans  ce 
court  et  savant  écrit,  portent  l'empreinte  d'un  esprit  éclairé,  d'un  goût  sûr, 
cTitffe  érudition  saine  et  choisie;  et  l'on  peut  dire  que,  dans  ce  premier 
tjpavîirt,'  .le  mérite  de  l'auteur  se  révéloit  déjà  tout  entier,  et  tel  qu'il 
apparût  plus  '  tard  dans  des  productions  plus  importantes.  Mais  cerné- 
ritfe  mêhre  nous  fait  un  devoir  d'ajouter ,  sur  quelques  points  ,  aux  ob- 
servations de  Visconti ,  afin  de  les  r^dre ,  autant  qu'il  peut  dépendre 
de  nous ,,  plus  conformes  à  {'état  actuel  de  la  science. 

Visconti  n'avoit  pu  s'empêcher  de  remarquer ,  en  commençant ,  qu'une 
inscription  cPun  des  Scipions,  découverte  en  1 6 1 6 ,  et  conservée  encore 
aujourd'hui  au  palais  Barberirii ,  àuroit  dû  mettre ,  depuis  près  de  deux 
fendes  9  les  antiquaires  sur  la  voie  du  véritable  tombeau  des  Scipions , 
ab  sùfet  duquel  il  s'éleva ,  durant  tout  cet  intervalle,  tant  de  discussions 
trtfiftctuettSès.  Plus  loin  encore,  il  rappela  l'observation  déjà  faite  par 
îftâriiii;(  t),  que  l'inscription  d'un  autre  Scipion,  du  fils  du  vainqueur  d'An- 
tfcchus,  et  oit  consignée  ;  depuis  cent  cinquante  ans,  dans  un  manuscrit 

Kf.é.'-      i.  '    .      .  j..*  m  .■•'-.■,  . 

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y  ■      "     '  _i    '     "       ■  "  ''  * 

(i)  ïscrîi. ^4 Iban.  dèdic.  pag.  IX-X.    ■    .    ■      j-    ■  '       ■      ■ 


OCTOBRE  1830.  615 

dé  ce  même  palais  Barberini,  et  publiée ,  depuis  un  demi-siècle,  dans  le 
recueil  de  Doni  (  1  )  :  d'où  il  résultait  indubitablement  qu'à  l'époque  la  plus 
brillante  de  la  renaisssance  des  lettres,  au  commencement  du  XVH.C  siècle, 
et  &  Rome  même,  dans  le  centre  des  études  littéraires ,  le  tombeau  des 
Sapions  avoit  été  connu  et  visité,  que  des  savans  en  ay  oient  vu  et  copié 
les  inscriptions  ;  ce  quin'avoit  pas  empêché  que,  dans  un  espace  de  temps 
si  court  et  dans  un  pays  si  éclairé,  la  tradition  d'un  monument  aussi 
illustre  ne  se  fût  totalement  perduç.  Un  fait  analogue  à  celui-I^  s'est  vu 
révélé  tout  récemment  par  la  découverte,  également  due  au  hasjud, 
d'un  grand  nombre  de  tombeaux  romains  situés  sur  l'ancienne  voie  Àu- 
réliênne ,  et  retrouvés ,  en  1 8 1 9 ,  dans  les  jardins  de  la  moderne  villa 
Panfili.  Parmi  les  monumens  qui  en  sont  sortis ,  on  a  pu  distinguer 
une  inscription  funéraire  bilingue,  doni  la  totalité  avpjt  été  insérée 
d'une  manière  défectueuse  dans  le  recueil  de  Mu  raton  (2) ,  et  les  deux 
épigfammes  grecques,  qui  font  suite  à  l'épitaphe  latine,  se  lisoient  sépa- 
rément dans  l'Anthologie ,  avec  deux  vers  de  moins  à  {a  seconde  {fe 
ces  épygraniiiiL3  (3).  M.  Nîibulu , témoin  orafoire  de  cet  événement, 
a  publié  le  monument  bilingue  en  question ,  dans  sa  vraie  teneur,  avec 
nnfac  slmile  à  l'appui  ?4)  ;  et  il  a  été  démontré  par  ce  second  et  -irrécu- 
sable exemple  des  vicissitudes  singulières  auxquelles  ont  été  sujets  les 
monumens  antiques ,  dans  les  temps  de  ia  civilisation  aussi  bien  que 
dans  ceux  de  la  barbarie ,  que  beaucoup  de  ces  monumens  qu'on  croit 
perdus  ne  sont  peut-être  qu'égarés,  et  que  d'autres  qui  ont  parti  suspects 
<faprès  une  publication  vicieuse,  n'attendent  peut-être,  pour  recouvrer 
toute  leur  autorité,  que  la  circonstance  fortuite  qui  les  fera  sortir  une  se- 
conde fois  du  sein  de  la  terre ,  ou  de  l'obscurité  qui  les  recèle.  Car  il  est 
bon  d'observer  que  l'inscription  Barberini  du  fHsde  Barbatus,  du  vainques 
de  la  Corse  ,  avoit  été  condamnée  par  Maffei,  précisément  à  raison  des 
particularités  nouvelles  de  langage  et  d'orthographe  que  son  docte  inter- 
prète, le  P.  Sirmond,  y  avoit  signalées  tout  le  premier ,  en  même  temps 
qu'il  les  avoit  si  savamment  expliquées.  L'inscription  du  fils  de  Scipion 
Asiatique  avoit  paru  également  suspecte  à  Gorr  ;  et  il  a  fallu  que  cette 
dernière  se  retrouvât  à  sa  place  antique  dans  l'hypogée  des  Scipions  ,  et 
que  ce  tombeau  même,  rempli  d'inscriptions  semblables  ,  s'ouvrit  tout 

■■■■■■■■■■  iii  1      1       1     ■     ■  11  11  1 m 

(1)  Class.  V,  n.°  21.  —  (2)  Thesaur.  III,  p.  1321;  conf.  Dorville  ad 
Charit.  pae.  39;  Leich.  Cut  Secund.  in  Murator.  p.  43.  —  (3)  Brunck, 
Analect.  III,  adespou  n.  LXXVIII  et  dcxciii  ;  conf.  Jacobs,  Xi,  329-331, 
et  XII ,  264-265.  —  (4)  KUine  historische  und  philologhclte  Schrifun ,  von  B, 
G.  Nrebuhr,  I  Sammlung,  S.  338  ;  Bonn,  1828. 


6ï6  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

entier  aux  observations  de  la  science,  pour  réduire  h  leur  juste  valeur 
les  critiques  hassrdées  et  les  doutes  frivoles  des  antiquaires  de  Vérone 
et  de  Florence  ;  grave  et  mémorable  leçon ,  sur  laquelle  Visconti  jn- 
sistoit  avec  raison ,  k  l'époque  où  elle  sortit  avec  tant  d'éclat  du  tombeau 
des  Scipions ,  et  qui  n'a  pourtant  pas  profité  à  tous  ceux  qu'elle  devoit 
éefaher,  si  Ton  en  juge  par  la  témérité  avec  laquelle  on  voit  encore 
tous  les  fours  des  hommes  plus  ou  moins  habiles  essayer  trop  souvent 
de  contester  aux  monument  qu'ils  ne  comprennent  pas  la  foi  qui  leur 
est  due  ,  et  prendre  trop  aisément  la  mesure  de  leurs  connaissances  pour 
celle  de  toutes  les  vérités  connues  ou  k  connoître. 

Je  ne  puis  m'empécher  encore ,  au  sujet  d'une  de  ces  inscriptions 
trouvées  dans  le  tombeau  des  Scipions ,  et  reproduites  récemmehtpar 
M.  Orelli ,  dans  son  savant  et  utile  recueil  (  i  ) ,  de  remarquer  que  la 
manière  dont  Visconti  remplissoit  et  expliquent  la  lacune  laissée  sur  la 
pierre  aux  sixième  et  septième  vers  de  l'inscription  du  jeune  fils  de 
Cn.  Scipion  Hispalus  (a) ,  me  paroît  encore  préférable  à  celle  de 

M.  Orelli  (3),  qui  lit  tout  simplement  Jaùdî ,  au  lieu  doVcnrWs,  proposé 

par  Visconti,  ou  de  lausibus ,  terme  équivalent,  admis  par  M.  Grote- 
fèttd ,  dans  son  excellente  grammaire  latine  (4)  ;  et  cela ,  sans  ienm  le 
moindre  compte  des  lettres  m  and  ,  qui  se  voient  encore  sur  la  pierre  9 
et  sans  essayer  de  lier  le  sens  du  mot  MANDatus,  qui  résulte  certaine- 
ment de  ces  lettres,  avec  le  reste  de  l'épitaphe,  comme  l'a  fait,  (Tune  ma- 
nière aussi  satisfaisante  qu'il  étoit  possible ,  Visconti  suivi  par  M.  Grote- 
fend  ;  et  j'avoue  franchement  que  je  ne  conçois  pas  comment  M.  Orelli , 
critique  habituellement  si  difficile ,  et  juge  si  sévère  des  inscriptions  la* 
tines,  qu'il  n'admet  4e  plus  souvent  dans  son  recueil  qu  afin  d'avoir  une 
occasion  de  les  condamner ,  a  pu  se  flatter  qu'une  interprétation  aussi 
arbitraire  et  aussi  incomplète  que  la  sienne,  qui  ne  s'appuie,  pour  fa 
leçon  Idudi ,  sur  aucune  autorité ,  et  qui  laisse  tout  le  dernier  vers  de 
l'inscription  dépourvu  de  sens,  obti endroit  plus  de  confiance  que  celle 
de  Visconti ,  d'après  le  seul  motif  qu'elle  offre  plus  de  facilité  :  sed 
nostrurn  facilius  est;  ce  qui  me  paraît  très-douteux, 

Si  la  plupart  des  observations  de  Visconti  qui  ont  pour  objet  Fin* 
telligence  et  l'explication  des  monumens  lapidaires  de  l'hypogée  des 
Scipions,  semblent  encore  aujourd'hui  dictées  par  un  savoir  exact,  et 

(1)  fnscriptionum  latinarum  selectarum  amplissima  collectio  ê  &c«;  cum 
inédites  Jo.  Casp.  Hagcnbnchii  suisque  adnotation.  edidic  Jo.  Casp.  Oreljiui ; 
Turici,  1828  ,  2  voll.  îfi-£*  —  (2)  Monum.  dei  Scipioni  ,  p.  50-ji.  —  (3)  Op, 
laud.  n.  555 ,  tom.  1 ,  p.  150.—  (4)  Grotefend  ,  Gramm.  lau  II,  p.  i$Î6. 


OCTOBRE  1830.  617 

pm  Une  critique  judicieuse;  il  n'en  est  peut~ém  pas .  tout-krfah.  de 
|Hêmè  de  quelques-unes  des  idées  de  l'illustre  auteur,  relatives  k  certaines 
fueitioot  d'art  ou  d'antiquité.  Telle  est,  entre  autres,  l'opinion  exprimée 
$u  su)et  dû  prétendu  mélange  des  divers  membres  de  l'architecture 
gretque  qu'oftroit  l'élévation  latérale  du  monument  des  Sapions.   II 
subsiste  encore  >  au  second  étage  de  cette  élévation ,  la  partie  inférieure 
tfilne  colonne  cannelée  et  à  base  attique ,  en  partie  engagée,  de  manière 
à  figurer  de  ois  côté ,  avec  d'autres  colonnes  maintenant  détruites,  un 
feu*' portique,  correspondant  sans  doute  k. une  portique  véritable, 
fui  dut  foAner  la  principale  façade  dé  ce  monument ,  du  côté  de  h 
voie  Appienne.  D'après  la  manière  et  le  goût  des  cannelures ,  Visconti 
Wpposoit  que.  la  colonne  en  question  avoit  dû  être  dorique  ;  et  cette 
supposition  admise,  l'addition  dune  base  attique,  élément  qui  fut  cons- 
tamment étranger  au  véritable  dorique  grec ,  lui  paroissoit  fjpfièt  <Tun 
de  ces  emprunts  maladroits  faits  au  génie  pur  et  élégant  des  Grecs  par 
te  goût  encote  inculte  des  Romains.  Mais  au  lieu  de  chercher  k  excuser, 
par  Jg  >îl«no»  on  p«»  r>n%<>îté  Jl  VtTruTercetttr/fcntgy;  comme  il  l'ap- 
pelle ,  Visconti  aurait  pu  faire  une  autre  supposition  :  c'est  que  la  colonne 
dont  il  s'agit,  et  le  portique  entier  dont  elle  fàisoit  partie,  dévoient  être 
d'ordre  ionique;  ce  qui  me  parott  résulter  en  effet  du  style  même  des  can- 
nelures et  des  proportions  de  la  colonne,  et  ce  qui  peut  en  même  temps, 
fans  avoir  besoin  de  recourir  aux  préceptes  étroits  et  aux  règles  arbitraires 
de  Vitruve ,  sertir  k  rendre  compte  de  l'addition  d'une  base  attique. 
Un  autre  fait  qui  vient  manifestement  à  l'appui  de  celui-là ,  et  oit  Vis- 
•  conti  avoit  cru,  avec  un  égal  embarras*  reconnohre  k  même  licence, 
c'est  la  composition  du  grand  et  célèbre  sarcophage  de  Barbants ,  dont 
k*  couronnement  consiste,  comme  on  sait,  *n  une  frise  dorique,  avec 
métopes  et.  triglyphés ,  terminée  par  une  volute  ionique.  II  y  avoit  Ik 
aussi  un.  mélange  des  deux  ordres  grec*,  qui  pouvoh  sembler  con- 
traire aux  principes  sévères  de  la  bonne  architecture  ;  et  tout  en  pro- 
clamant le  goût  exquis  avec  lequel  sont  exécutés  ces  ornemens, 
empruntés  k  deux  systèmes  différais ,  Visconti  se   crut  obligé  ■  de 
convenir  qu'un  pareil  mélange  tenoit  à  ce  que  les  arts  de  là  Grèce,  V 
peine  encore  naturalisés  dans  le  Lathiiu ,  n'étoient  pas  employés  k  RoMe', 
dans. le  siècle  des.  Sapions ,  avec  le  jugement  qui  en  régla  toujouf* 
l'application  chez  les  Grecs.  En  un  mot ,  il  crut  que  c'étoit  faute  dàtofr 
pénétré  asse7m  avant  dans  /'esprit,  et,  pour  me  servir  de  se$  propres  exprti^ 
stons ,  dans  la  philosophie  de  l'art,  que.tts  artistes  témoins,  séduits  faVord 
par  la  beauté  des  ordres  grées,  en  avaient  ainsi  confondu,  dans  leurrÊÈÊF 
miens  ouvrages,  les  élémens  et  les  principes.  Ce  sont  Ik  dés  assertkmAu 

lui 


3£S  SAVÀNS, 

lesquelles  le  progrès  opéré  dans  nos  connoissances  archéologiques 
permet  aujourd'hui  de  dire  que  Visconti  s'est  assez  gravement  mépris, 
sans  que  cela  nuise  le  moins  du  monde  à  sa  haute  réputation.  II  est 
maintenant  avéré,  par  une  foule  d'exemples,  que  l'emploi  de  l'ordre 
ionique  ,  sur  les  inonumens  funéraires  de  fa  Grèce ,  tenoit  à  des  idées 
d'un  ordre  symbolique  ,  et  qu'il  s'y  étoit  produit,  avec  celle  destination 
spéciale,  à  une  époque  antérieure  à  celle  où  l'ordre  en  question  fin 
admis  à  figurer  dans  les  grands  inonumens  publics.  Il  n'est  pas  moins 
certain ,  ne  fût-ce  que  par  l'exemple  du  monument  héroïque  qu'oïl 
appelle  le  tombeau  de  Théron,  à  Agrigente,  que  le  mélange  des  élémens 
propres  aux  deux  ordres  doriqueet  ionique,  fut  autorisé,  chez  les  Crées 
eux-mêmes ,  a  une  belle  époque  de  l'art ,  sans  doute  en  vertu  des  mêmes 
idées;  et  il  n'est  plus  possible,  après  de  pareils  exemples  ,  d'attribuer  a 
I  ignorancg  et  à  l'impéritîe  des  Romains  un  emploi  des  ordres  grecs  , 
qui  n'avoit  paru  abusif  et  vicieux  h  des  personnes  trop  exclusivement 
attachées  a  la  docirine  de  Vitruve,  précisément  que  faute  d'avoir  pénétré 
'ISte^  avant  dans  /'esprit  tl  Jtmj   la  fhiSaîofthit  tit  l'art  grrt. 

Le  morceau  qui  suit  est  le  Catalogue  des  inonumens  du  mutée  Jtn- 
k'tns  (  i  J ,  lequel  fut  publié  à  Rome  en  1 787,  en  un  petit  volume  in-j..', 
devenu  aujourd'hui  assez  rare.  Les  inonumens  dont  i!  s'agit ,  consistant 
pour  la  plupart  en  autels,  cippes,  urnes  cinéraires  ,  et  autres  marbres, 
ou  le  mérite  de  l'art  se  joint  le  plus  souvent  à  l'intérêt  des  inscriptions, 
provenoient  de  diverses  collections,  jadis  célèbres,  telles  que  celles 
du  palais  Altieri  et  de  la  villa  Montalto  ou  Negroni;  et  ce  que 
M.  Labus  a  négligé  d'indiquer  dans  sa  préface ,  tous  ces  monumens  ■ 
ont  été  depuis  acquis  pour  le  musée  du  Vatican.  Quelques-uns  a  voient 
déjà  paru  dans  les  recueils  de  Boissard,  de  Gruter,  de  Muratori* 
d'autres  étoient  encore  inédits:  mais  on  peut  dire  des  uns  presque 
comme  des  autres,  qu'ils  avoient  tous  également  besoin  d'une  main 
habile,  telle  que  celle  de  Visconti,  pour  être  véritablement  publiés.  Les 
interprétations  de  ce  savant ,  généralement  courtes  et  précises ,  ont  sur- 
tout pour  objet  de  montrer  en  quoi  chaque  monument  complète  , 
étend  ou  rectifie  les  notions  précédemment  acquises  à  la  science  :  et 
sous  ce  rapport,  elles  manquent  rarement  leur  objet:  quelquefois, 
cependant,  on  peut  y  trouvera  redire  ou  à  ajouter;  et  c'est  sous  ce 
double  point  de  vue  que  je  me  permettrai  de  faire  ici  quelques 
observations. 

Le  monument  décrit  sous  le  n."  o.  est  une  statue  de  Mercure,  en 

0)  ?<>£■  7'-"7- 


mhrbfè  ffiéc,  d'une  ^rdpottion  un  ?eu /plus  £Mr>feè.*aftiaèv  i||t  Jt 
pJmmde  bosselle  se  Ht,  gravé  m  £rrâ  caiactènes  >  ie  nom  deftatitt*; 
deceîteMtuiièie  *  iTOtirrij  sot»-emendu  vpms;  { travrage]  fMpàmtL 
Ce menpment *p  voit  pnaiiiirtiriit*  au  musée  Pto-<2iétnèrifcijrt,  4b  »  t  ééfc 
pdiié  4>ar  nette  autdur  (i),qu  n'«  pfas  manqué  de  ISire  T*raaft}i|êrî 
*t  bette  occasion ,  l'excessive  rtreié  des  non»  «Jt  sculpteurs  eunishit 
amé  giuvés  sur  leurs  owrtges ,  et  fat  forme  pew  commune  dé  cette 
intaipdoh  etie»mé'irie.  Visconri  ajoutoit  qui!  ne  se  mppetok  epfe  Ae«k 
eocemples  analogues  ;  c'est  i  savoir,  te  Pofyrium  sfriiicài  ,^ûi  a  kfk 
«en ! nom ,  Mttirsfcrs  l*b.-,  sur  ia  plmte  d'âne  statue  dd  musée  4e 
Gepttofe  ï*) ,  tnVArtichmus,  uiesr  <Tunè  statue  de  la  <3ahrie  dfe 
flmettce.  Mais  ces  deux  exemples  pourrwoat  fcie» nltoe  pas  d'adtfotf 
«Me  FopMon  de  Vbcontr;  car  le  nota  de  \Pofysim*s  (  j)  étant  pttftf- 
mèm  gnc,  a  est  probable  que  fbrttae  qui  1e  postait  étoh  «h  4e  ce* 


^rm  affranchis ,  par  les  mafc^iesquels  *'eaé<utdiem  jpieaqué  tons  les 
ouvssdfe  <faft  qui  se  raisoierWt  Rome;  et  fauteur  de  la  ittlieft 
Fforfflfrrmi  le  via!  uum  duquel  on  n*est  pas  Wcorvbirnifté  .$K 


étoit  certainement  un  Grec  asMqué ,  nartftfAphrotfsiss  de'Omtepot 
jmbeMefftfnt  sorti  de  cette  même  Uccle  dUphrocïsias ,  dont'  ikh|s 
coraioissons  plusieurs  statuaire* ,  et  dont  il  nous  est  resté  plusieurs 
ouvrages.  Quoi  quil  en  soit,  Je  nom  du  sculpteur  remain  Ifigtmuét, 
vestIt-H  le  seul  qui  nous  ftt  connu  de  cette  rpaaièm,  ce  que  je  auis  loin 
tfMbjfettie,  n'en  est  que  plus  Intéressant  k  recueillir  ;  et  Ton  a  Heu  fféét 
surpris  que  ce  nom  ah  été  omir  dans  Toiraagè,  <TaHIeui*  si  savant  bfcsi 
utile  r  du  docteur  SïHig  (  $) ,  autti  bien  que  le  nom  de  At^fte*r,<ftài> 
teur  de  la  statue  eapitolme,  .... 

Un  autre  nom  d'artiste  noua  est  révélé  partir*  marbre  dfc  UNMc)de 
Jenkins,  décrit  sous  le  n.#  idj  c'est  tthx  de  Zfrttr  #'MfrtHaAtiê\ 
auteur  présnrtré  (Tune  statue  qui  se  toit  dans  la  ViIIa?Ludbfisi  ÇÂ)  f 'lié 
inarbre  en  question  est  uni  Hennés  aoÉphide,  sur  le  pilastre  &guçi 

(!)  Mus.  P.  Ctem.Ul,  tav.  XLl,  p,  $a-f4._(a)  Afifc.  G^iêêL  M  ,.6& 

—  (3)  Vtscontt  récrit  POLYTHIMVS;  mais  c'est  une  ^rrçurqua  relevée  en 
dernier  lieu  M.  Welcker,  Kunstblatt ,  LBay,  n.°  83,  p.  331,  —  (4)  Bracci, 
Manor,  dei  Incisori,  II,  a6i ,  lit  A  niât  an  Us,  et  c'est  la  leçon  qoe  suit  notre 
auteur;  1rs  interprètes  de  W inckelmann ,  Werkt,  VI,  2 1  p.  341»  donnent 
AtttUanus,  et  c'est  sous  ce 'nom  que  M.  Sillig  tn  fait  mention,  Catalog.  vet. 
Artif.  p.  102:  et  ce  qu'il  y  a  d'étrange ,  c'est  que  tous  ces  écrivains  s'autorisent 
de  la  leçon  de  Buonarotti ,  qui  a  publié  le  premier,  Vetri,  prefàz,  p.  ?xi,  on 
fac  simiù  de  cette  inscription ,  où  le  nom  est  écrit  assez  luifnetncfbt  Anithtiis. 

—  (5)  Vatdtog.  vmr.  Artlf  «0  Dresd.  1827 ,  iW.#  —  f5)  Vrndtelrhaijri^ 

Wtihii  VJ ,  #7».  -    ^    :  •        * 

•  -  •  •  • 

lui  a 


6io  JOURNAL  DES  SAVANS, 

est  gravée  une  inscription  grecque,  en  vers  hexamètres  ,  doni  les  dix 
premières  lignes  seules  ont  pu  èire  déchiffrées  ;  c'est  Wincfcelinann  qui 
en  fit  le  premier  mention  (t)  ,  et  c'est  dans  l'édition  romaine  de  son 
Histoire  de  l'Art  que  l'inscription  même  fut  publiée  pour  la  première 
fois  (2} ,  mais  d'une  manière  si  défectueuse ,  que  l'éditeur  ,  M.  C.  Fea  , 
crut  devoir  la  reproduire  de  nouveau  dans  un  errata  (j)  ,  telle  qu'il  la 
devoit  aux  soins  éclairés  de  Viscomî,  et  telle  que  Visconti  lui-même 
la  fit  connoître  dans  l'ouvrage  qui  nous  occupe.  C'est  donc  à  Visconti 
seul ,  et  non  aux  interprètes  de  Winckelmann,  comme  l'a  fait  en  der- 
nier lieu  M.  SiJIig  (4)  ,  qu'il  faut  rendre  grâces  de  la  publication  de  ce 
monument ,  ainsi  que  de  la  notion  exacte  qu'il  en  a  déduite  le  premier, 
relative  à  ce  sculpteur  Zenon  d'Aplirodisias,  et  à  l'existence,  confirmée 
par  ce  nouvel  exemple ,  de  toute  une  école  de  statuaires  grecs  établie 
dans  celte  ville  de  l'Asie  mineure,  au.v  11. c  et  ni.'  siècles  de  notre  ère. 
Un  des  marbres  les  plus  curieux  de  la  collection  Jentins,  est  l'ins- 
cription publiée  sous  le  n."  1  1  ,  où  fWst  question  des  JVegoiiàttrtJ  ex 
Area  Saturni  (j).  Visconti  remarque  avex.  mison  <ju'«ucwn  d^Hepo- 
graphes  de  Ron.e  n'a  fait  mention  de  cette  Areà  Saturai ,  et  il  conjecture 
qu'elle  dut  être  située  dans  le  Velatrvm,  où  ces  auteurs  placent  m\t 
Area  Saneta  près  d'une  y£.des  Saturni.  Mais  if  y  a ,  dans  ce  peu  de  mot*, 
plus  d'une  inexactitude  qu'il  importe  1  la  conhoissance,  encore  aujourd'hui 
si  imparfaite,  de  la  topographie  romaine,  de  relever  ici,  puisque  l'occasion 
s'en  présente.  D'abord,  il  semble  que  Visconti  ne  devoit  pas  ignorer 
qu'il  est  fait  mention  d'une  Area  Saturni  dans  une  belle  instripiidii 
découverte  près  du  Forum  romain  au  temps  de  Panvinï.qui  la  publia  (6), 


(1)  WinckelmannV  Wtrke,  VI,  279,  e!  part.  II,  p.  341,  note  1299. — 
(2)  Storia  dtll'  Arte,  t.  II,  p.  3 70.  —  {3)  laid,  tom.  III  ,  p.  60).  —  (4)  CataU/g. 
vtt.  Artif.  v.  Zenc ,  p.  4S7-  —  {5)  Cette  inscription  est  maintenant  placée 
dan»  le  corridor  Chinramonti,  sous  le  n."  297.  —  (6)  Panvinî,  Urbs  Ronui , 
p.  186,  éd.  Paris.  I  j88.  Voici  l'inscription  même ,  qui  mérite  d'eu*  rappelée, 
attendu  qu'elle  a  échappé  à  l'attention  de  tous  les  modernes  topographes  Je 
Rouie,  depuis  Nardini  juiqu'à  M.  Nibby  : 
t.  CALPVRNIVS.  PISO 
M.  SALLVIVS   (fie  ) 

PR.    AER. 
AREAM.  EX.  S.  C.  A.  PRIVATI5 

PUBLtCA.   PECVNIA 
FEDEMPTAM.  TERMINAVER 
Ji    résulte   de    cette   inscription    que    L.    Calpnrnius    Piso    et   M.    Salviui , 
prêteur;   de  Tarrarivin,  fixèrent  les  limites  de\'.4rea,  apréi  l'avoir  rachetée  , 
aux  frais  de  l'Ëiat,  de  divers  partimliers  qui  l'occiipoient;  le  tout  conformé- 


\ 


OCTOBRE ,  l8f9i    l  tfu 

et  qui  ne  se  fit  aucune  difficulté  dadmetti?,  sur  k  fi»  <fe  çettç  iq^ 
cription,  VAr&t  Saturai,  en  la  plaçant  au-devant  4e.  ÏALrwrium  (i), 
L'indication  de  cette  j4w  tfétort  donc  pas  aussi  nouvelle  que  le 
pegsoit  Visconti  ;  et  la  place  qu'il  lui  wsigrioit  $ur  le  Vçlaprum  n'^joit 
pas. exacte ,  puisque  h  proximité  de  VuErarium  empêche  defthephp 
ailleurs  qu'au  voisinage  du  temple  de  Saturne ,  c'est-à-dire  %  au  pied 
du  Capitale,  VArea  en  question;  sans  compter  que  la  potion  (Tune 
mdes*£aturni  %  au  quartier  du  Velabrum ,  ne  repose,  à  ma  coupôûfcr 
senc^que  sur  un. teste  de  Victor,  probablement  interpolé  (a).  Voici 
maintenant  de  nouveaux  témoignages,  qui  achèvent  de  prouver  que  le 
temple  de  Saturne,  servant  ds£rarium,  étoit  précédé  cTune  pfae, 
Area  $  cpUe-Ià  mtme  où  résidoient,  les  marchands  qoï  se  qualifient ,  suf 
rinscriptioa  Jenkins*  Negotiataret  ex  Area_  Saturai.  Pline  parle  d'un 
fguier  planté  dev&t  le  temple  d*  fat*r*t.  *  ?et  quj  .dut  être  arraché  9  parce 
que  cet  arbre ,  en  vieillissant ,  menaçoit  d'entraîner  la  chute  d'une 
statue  de  Sylvain  érigée  spus  son  ombrage  (3).  U  suit  de  là  qu'il  deyçfr 

y  svoir?  cUvaut  —  tyiiijiIoy   mu  ••puer -Mbre  y  uneJr62#  pOUJ*  qu'uil 

pareil  ari>re  ait  pu  y  croître  et  y  subsister  durant  au  moins  trois  siècles. 
U  eixistoit  de  plus*  sur  ce  même  espace,  un  autel  de  Saturne*  celui-là 
riftme  dont  on  rapportoit  réfection  à  Hercule ,  et  qui  se  voyoit  encore 
à  celte  place,  au  temps  de  Denys  cfHalicarirçsse  (4)9  et  plus  tard  encore/ 
puisqu'il  en  est  fait  mention  par  les  légionnaires  en  ces  termes  :  Ara 
Mus  Saturai.  C'est  du  rn^me  autel  quïl  est  aussi  question  9  dans  un 

ment  à  un    décret:  du  sénat.  Or,  d'après  ia  qualité  même  de  préteurs  têt 
l'arrarium  que  prennent  ces  magistrats,  et    d'après  le  lien  où  lue  trouvçt 
l'inscription  même»  il  est  évident  qpcl'Area  dont  il  y  est  question  ne  peut 
être  que  VArea  Saturni,  puisque  c'était  le  temple  de  Saturne  qui  servit  ' 
d'ararium. 

(1)  Panvini,  Urbs  Roma,  p.  188  :  Area  Satumi  ante  ALrarium.  Cette 
inscription  est  citée  dans  une  lettre  d'Holstenhis ,  apud  Fea,  Miscellan  antiq. 
pag.  cccviij.  —  (a)  Le  tMe  de  Victor,  apud  Nardsni,  il,  128,  j>prte: 
jEdes  Opis  et  Saturai  inyico  Jugariot  et  plus  loin,  p.  130  ;  vieits  Jugar 
tins,  hum  et  Thurarius ,  ubi  sunt  Ara  Opis  et  Cereris  cum  signe  Vertumni. 
On  voit  que ,  dans  ce  second  passage ,  il  n'est  plus  question  qoe  des  autels 
d'Ops  et  de  Cirés,  Aucun  autre  auteur  ne  parle  d'ailleurs  d'un  second  temple 
de  Saturne  dans  cette  position,  ou  ne  jdit  que  le  temple  d'Ops  fut  commun 
avec  Saturne.  T?e  temple  d'Ops  étoit  célèbre,  parce  ou  il  servoit  de  trésor  poux 
les  particuliers,  comme  celui  de  Saturne  pour  F£t^L  Ciçer.  Phtlipp.  1,7, 
et  XI,  14  :  et  c'est  peut-ctre  cela  qui  aura  causé  u  méprise  de  Victor  ou 
de  son  copiste. —  (3)  Plin.  xv ê  s8  :  Fuit  et  ante  Saturni  *dem,Urbis  anno 
eclz  sublata,....  cum  Sylvani  simulacrura  subverteret.  —  (4)  Uioayu  H4L 
i*34-  .    .         .     .  .  ...    :> 


ptisJjgè  tuiteti*  dé  Mtcrëbé  p^\  inhiba  fo*&  n^  &À\b4fté  jk&*, 
«il .  Ifeù  d'Aram ,  <e  tjaè  h  tourtiiw*  tfe  Va  phrase  sèftibtabit  a«wM|felr -, 
et  &  çitf  viêmfroft  directement  '%  Itoptf  de  l'existence  en  cet  en*ek 
Wmkèpfatt,  Arta  Stiturni.  Je  fftppélfètiifiAqiie,  dam  une  feutie  fiiffe 
*ftxn£*Jèdé ,  1  fut  trouvé,  précfcémëht  %  fendrait  où  dut  4m  cétft 
ifhw,  tu  pied  dû  Cèpitolè,  les  twteî  <Turi  portique  et  de  tr&iï  foùtifwé* , 
qui  feppartenoîént  sans  dototè  4  ces  Ntgotiatorcs  ex  Area  Saturni  nwhitoés 
sur  Fmscrîpdon  Jenkin's  fi). 

;  jè.n  ai  plus  que  deux  observations  à  faire,  au  sujet  déxléttx 
dans  l'interprétation  desquelles  la  critique  de  Visconti  a  pu  parote*  Wi 
défituc  L'une,  qui  se  fit  sur  un  petit  autel ,  n.°  7 ,  se  termine  par  ces 
péîofes ,  10 AI.  posit  ,  que  Visconti  lit  IAOI  POSVIT ,  et  qtfà  «oit 
{relatives  kïlao  de  Macrdbe ,  ou  au  Jekova  des  Juifs.  41  me  parcft  évident 
quH  faut  lire  tout  simplement  IOVI ,  et  qu'il  n'y  a,  dans  le  monunNgilt 
en  question ,  aucune  raison  de  le  rapporter  fa  ce  culte  étranger.  L'autre 
inscription,  publiée  déjà  par  Gruter,  et  fort  curieuse  sous  piusfetiHfc 

rapports  que  Visconti  a  parfkttemrn^-rhdkju^  ,  «ftnc,  k  fa  4ùtttfèrn£ 

ligne,  ces  mots,  DEDtT.  sing.  *  il,  qrâi  interprète  ainsi,  dédit 
SINGVlis  DONAhiA  BINA.  M.  Làbus  na  pas  manqué  de  relever,  dans 
sa  préface ,  page  xfij,  cette  étrange  interprétation ,  et  d'avertir  le  lecteur 
qu'il  firiloit  lire ,  dédit  singulis  denarios  dvO.  Mais  avant  d'im- 
puter à  Visconti  une  erreur  si  fâcheuse ,  avant  d'admettre  qu  un  |>areU 
antiquaire  avoit  pu  ignorer  une  notion  si  triviale ,  chose  qu  on  ne  peut 
réellement  supposer ,  puisque ,  dans  un  autre  de  set  ouvrages  ,  à  locc*- 
sion  d'une  inscription  oit  se  trouve  la  même  formule,  sing.  *  v, 
Visconti  fa  rendue  de  cette  manière ,  singvlis  denarios  qvin- 
Qve  (3),  la  simple  équité  ne  commandoit-elle  pas  d'avoir  recours  à  une 


(1)  Saturn.  1,8:  Habet  (jfSdes  Saturni)  aram  et  antè  senaculum.  Ce 
senatulum,  ou  lieu  destiné  aux  réunions  du  sénat  At  une  nouvelle  dépendance 
du  temple  de  Saturne  j  placée  en  avant  de  ce  temple ,  antè ,  qu!  sert  encore  à 
montrer  l'existence  d'un  espace  libre,  d9une  area ,  en  cet  endroit.  —  (2)  Fauno  > 
Antich.  di  Rom»  lib.  il,  c.  X.  Des  inscriptions  trouvées  en  place  sur  l'archhravfc 
de  ce  portique,  sembloient  indiquer  qu'il  appartenoit  à  un  édifice  nommé 
Sckola  Xantha  par  les  Régionnaires,  ce  qui  n'empêche  pas  que  les  Nteottatorn 
ex  Area  Saturni  n'aient  nu  avoir  leurs  boutiques  dans  le  même  local.  Dû  reste^ 
lés  questions  qui  ont  rtjj^ort  au  véritable  emplacement  du  temple  de  Saturne, 
avec  ses  dépendances,  sont  encore  loin  d'être  résolues ,  malgré  ce  qu'a  dit  à  ce 
sujet  M.  Nlbby,  Foro  ramant,  pag.  1 08- 1 13;  ce  devroit  être  l'objet  d'un 
travail  particulier,  et  conséquemment  ce  ne  peut  être  celui  d'une  note,  — 
())  Aflonumenti  Gabini  délia  villa  Pinciana,  p.  124. 


•  OCTOBRE  1/830,    ■;  Ut 

wattt  àuppositian  !  ç  est  qu'il  f  avoit  ici  une  fauté  dlropitssîon  ,  et  qu'au 
fitilée  ûokarJA  bina  ;  paroles,  qui  n'offrent  auAut  seiu  ifcisojinable* 
Vjsfconti  airoit  écrit  denàiuà  bina*  mots  qui  s'écartent  ssty  doute 
fermage  général ,  mais  qui  du  moins  éloignent  de  Visconti  ridée  d'une 
inadvertance  aussi  grave.  Cest  une  conjecture  que  je  soumets,  du  veste, 
au  bon  esprit  de  M.  Labus,  et  dans  laquelle  il  reconnoîtra  le  zèle  qui 
n'inspiré  et  qui  l'anime  lui-même  pour  la  mémoire  de  ce  savait  illustre.. 
Des  dnf  petits  écrits  qui  vieiment  immédiatement  après  le  Catalogue 
des  monumens  Jenkins  v  et  qui  ne  consistent  chacun  qu'en  deux  ou 
trois  pages,  trop  rapidement  écrites,  pour  comporter  un  examen  sérieux 
ou  une  critique  sévère ,  on  ne  sauroh  rien  dire  aujourd'hui*  si  ce  n'est, 
par  rapport  au  monument  qui  fait  le  sujet  du  premier-  de  ces  écrits  (  i  ) , 
quç  f  explication  qu'en,  adonnée  Visconti  éjcît .  réellement  trop  super- 
ficielle. 1/»  monunrçtt  dont  if  s'agit  est  up  superbe  vase»  de  niarbre  et 
de  travail  grecs,  orné  <Tu*i  bas -relief,  qui  fait  encoje  actuellement 
partie  de  la  collection  du  prince  Chigi,  et  que  Visconti  eût  le  mérite 
de  faire  connohre  le  premien  Makçn  y:  voyant  uii  vase  funéraire ,  avec 
une  composition  analogue ,  il  n'apprécia  pas  suffisamment  t'iraponpocq 
et  Je  véritable  objet  de  ce  monument  Zoéga  s'étoit  proposé  <fen 
donner  une  explicatiob  nouvelle  et  complété,  ainsi  qu'on  en  peut  juger 
d'après  les  allusions  qu'il  y  fait  en  plusieurs  endroits  de  ses  Disserta- 
tions (a).  H  y  voyoit  un  sujet  relatif  au  mythe  de  P\ytàiî  et  c'est  aussi 
d'après  la  même  donnée ,  que  le  savant  éditeur  de  ces  écrits  posthumes 
de  Zoéga,  M*  Welckçr,  a  publié  une  interprétation  suffisamment 
développée  de  ce  rare  et  curieux  monument  ($).  Cette  opinion  a  été 
à-peurprès  généralement  admise  ;  et  je  citerai,  entre  autres,. M.  Hirt  (4) 
et  M.  Creuzer  {$) ,  qui  ont  reproduit  fûn  et  l'autre  le  vase  Chigi, 
avec  l'explication  dé  AL  Welcker:  mais  j'avoue,  malgré  l'autorité  de 
tant  d'illustres  suffrages ,  quefeette  explication  ne  me  paroît  pas  encore 
exempte  de  difficultés;  et  comme  une  discussion  sur.  un  pareil  sujet 
m'entraîneroit  nécessairement  beaucoup  au-delà  des  bornes  oîi  jel  dois 
me  renfermer,  je  me  contente  d'exprimer  ici  le  regret  que  M.  Labus 
ait  gardé,  un  silence  absolu  sur  une  opinion  aussi  contraire  à  celle  de  son 
auteur,  au  sujet  de  laquelle  il  eût  pu  être  si  important  à  la  science  de 
faire  connoître  son  propre  sentiment. 

•       •■  ■  . 

(i)  LttUra,  &c.  p.  1 19-121  .t-(2)  G.  ZoegaV  Abhandlungtn ,  deje.  »  p.  $a,  8 14 
taf.  v,  n.  13.  —  (3)  Nachtrâge  des  Herausgebtfs  (  H.  WeJcker)  rp.  38^393. 
-*-  (4)  \\xn<  Bilderbach,  &c.  Il ,  I ,  p.  1 03  ;  coo£  ibid.  >  p»  Xlfar-foYAùbUdungai 
zu  Symbolik,  &c,  taf.  XXXVII,  2,  pag.  24-25^ 


*** 


*a*  JOUJtKALDlES  SÀVÀNS, 

"*■■  l*  DtssmaOmw^^lut^mïfÊâ  antifmis9  qui  parut ",  en  1788,  en 
mpmfrmiumiJt-Kt  trta-him  imprimé  à  Panne,  chez  Bodooi  i  et 
quiTempfevfagH*pt  pages  de  notre  édition  (1)',  pôiwroit  dootwvJbu 
i  |beimc^  4bbtêi^ack^que  je  me  vok  obligé  de  supprimer  ;  maisA 
en  est  une  que  Je  ne  puis  passer  sont  silence.  C'est  un  des  écrits  de 
Visconti  qui  ont  donné  lien  à  la  plus  grave  imputation  dont  il  ah  été 
jannris  r ofcfet .  lin  savant  allemand ,  M.  de  Koehler ,  n'a  pas  craint  d'ex- 
primer  le  soipçonque  tes  mosaïques,  objiets  de  ce  travail  de  Visconti, 
étaient  Aruvre  d'un  faussaire  r  dont  l'illustre  antiquaire  eût  été  dupe  on 
complice ,  de  manière  \  abuser  de  la  bonne  foi  du  chevalier  rTArara  9 
possesseur  des  mosaïques  en  question  (a).  A  la  vérité,  M.  de  Koehler 
n>voit  paà  vu  les  monumens  originaux;  il  n'en  parle  que  d'après  de  pré- 
tendues lettres  de  Marini  et  de  Lanzi,  qui  .n'ont  été  ni  produites  par 
personne,  ni  retrouvées  nulle  part;  et  M.  Labus  rapporta  textuellement, 
dans  sa  préface ,  un  témoignage  émané  de  AL  Philippe- Aurèle  Visconti, 
frère  cTEnmus  ,  ;et  Juwnêipe  antiquaire  célèbre ,  qui  déclare  avoir  vu  , 
parmi  le»  papiers  du  du  cTAzara .  les  calques  des  mosaïques  dam  il  s'agit, 
pris  sur  (es  monumens  mêmes,  et  qui  assure  que  la  seule  altération  quds 
aieiit  subie ,  c'est  d'avoir  été  passablement  améliorés  dans  le  dessin  par 
L'artitte  mqderne  chargé  de.  la  gravure.  Ce  seroit  donc  k  cette  espèce  dé 
falsification  si  ordinaire ,  et  Ton  pouiroit  dire  si  innocente,  que  se  réduijort 
te  tort  de  Visconti,  si  toutefois  on  peut  le  fui  imputer  à  lui-même;  et 
j'avoue  que,  jusqu'à  ce  qu'il  soit  démontré  qu'un  pareil  homme  ait  été 
capable  d'une  supercherie  ou  d'une  méprise  qui  inculperoit  si  grave- 
ment son  caractère  ou  son  savoir,  j'aime  mieux  croire,  comme  je  l'ai 
défi  dit -ailleurs  (3),  que  M,  de  Koehler  a  manqué,  dans  cette  occasion, 
qui  n'est  pas  la  seule ,  de  lumières  ou  d'urbanité,  que  Visconti  de  discer- 
nement ou  de  probité.  Du  reste ,  cette  dissertation  de  Visconti  renferme» 
sur  la  pratique  de  Yignispicium  chez  les  (frecs  et  chez  les  Romains,  dés 
notions  neuves  et  curieuses ,  dont  le  mérite  est  tout-à-fait  indépendant 
de  celui  du  monument  qui  y  a  donné  lieu.  C'est  dans  ce  même  écrit  que 
Visconti  énonça ,  pour  la  première  fois  (4) ,  son  opinion  au  sujet  du 
célèbre  groupe  de  S.  Iidefbnse ,  oh  il  voyoit  Vapotkéote  d'Antinous  ; 
trompé  par  une  ressemblance ,  plus  apparente  que  réelle ,  qui  existe 


d Oi ,  0 r_    -j---  —    ______,._  ^ 

plusieurs  écrits  de  Visconti.  —  (j)   Oicstéidt,  p.    175,  note  3:  —  (4)  Voy* 
pag.  159*162  de  notre  édition.  . 


'Jr. 


OCTOBRE  1830.  €if 

entre  la  tète  d'un  des  personnages  et  la  physionomie  si'  connue  du  favori 
tf Adrien.  Cette  opinion  est  l'une  de  celles  qui  lui  tenoient  le  pi  us.  à 
cœur;  et  c'est  pourtant,  on  peut  se  permettre  de  le  dire.  Tune  des  moins 
heureuses  qu'il  ait  jamais  eues:  il  Ta  reproduite,  à  chaque  occasion 
nouvelle,  dans  son  Musée  Pie-Clémentin  (1  ) ,  dans  ses  Monumenti scelti 
Borgkesiani^[i)\  et  c'est  de  sa  touche  même  que  l'avoit.  recueillie 
en  dernier  lieu  M.  Mongez ,  qui  la  suit  encor^Jans  son  Iconographie 
romaine  (3I ,  et  qui  s'est,  comme  ota  voit,  laissé  tromper  par  sa  mé- 
moire ,  en  assurant  que  Visconti  n'avait  rien  laissé  d'écrit  sur  ce  groupe* 

Je  ne  m'arrête  pas  sûr  la  relation  des  fouilles  jattes  h  Rotna-Vecthia, 
dans  le  cours  des  années  iy8p  à  1792  (4) ,  attendu  que  la  plupart  des 
monumens  trouvés  dans  ces  fouilles ,  et  décrits  dans  cette  relation , 
ayant  été  acquis  pour  le  musée  du  Vatican ,  sont  devenus  »  dans  le 
grand  ouvrage  de  Visconti ,  l'objet  d'explications  qui  rendent  celles-ci 
i-peu-près  indifférentes.  Le  morceau  qui  suit,  intitulé  Observations  sur 
un  camée  antique  représentant  Jupiter  jEgiochus  { 5  ) ,  ne  fait  pas  moins 
d'honneur  au  goût  qu'à  l'érudition  de  Visconti ,  bien  que  M.  de  Koehler, 
toujours  injuste  envers  "Ciscbnti ,  ait  été  d'avis  que  l'illustre  antiquaire 
ifavolt  su  remarquer  rien  de  ce  qui  distingue  ce  beau  monument,  sous  le 
rapport  de  l'art ,  non  plut  que  sous  celui  du  sujet  (6).  II  semble  que  le 
critique  auroit  dû  chercher  à  suppléer ,  du  «noins  sur  quelques  points, 
au  silence  absolu  qull  reproche  k  Visconti  ;  c'est  ce  qu'un  savant , 
vraiment  animé  du  zèle  de  la  Science,  n'auroit  pas  manqué  de  faire  h  cette 
occasion  :  mais  c'est  ce  que  celui-ci  n'a  (ait  encore  nulle  part  ;  et  lorsque 
l'on  compare  une  allégation  si  rigoureuse  avec  la  dissertation  de  Vis** 
conti ,  pleine  de  détails  si  curieux  et  d'observations  si  savantes  ,  on  ne 
peut  s'empêcher  d'éprouver  une  surprise  qui  n'est  certainement  pas  à 
l'avantage  du  critique. 

Nous  retrouvons  encore ,  et  c'est  bien  malgré  nous,  l'antiquaire  de 
Péfersbourg ,  dans  l'examen  d'une  des  plus  curieuses  dissertations  de 
Visconti ,  la  Lettre  sur  une  collection  d'obj  ts  antiques  d'argent,  détour 


(1)  %M.  P.  Clem.  VI,  XLVll,  63.  —  (2)  Mon.  scelt.  Borgh.  1 ,  59,  — 
(})  Jcon.  rorn.  111  ,  cy.  —  (4)  Pag.  §76-100.  —  ($)  Pag.  191-209.  J'observe 
à  cette  occasion  que  le  beau  camée  qui  fait  le  sujet  de  cette  dissertation ,  se 
conserve  maintenant  dans  la  bibliothèque  /de  Saint-Marc  %  établie»  com#|c 
on  sait,  dans  l'ancien  palais  ducal,  à  Venise.  —  .($)  Amalthea ,  I,  pti  )pr«: 
«  Visconti's  Schrifc. . .  ubergeht  inlbg  die  Hauptsachen,  welche  dieset  PftoiofcJ 
»  angehen ,  und  mehreres,  aas  die  Vomtllung  beiriflt,  und  fie  ausgc^chpet, 
»ist  nicht  g^orig  ausgefiihrt.  »  _         .1  ViJ.,^ 


6x6  JOURNAL  DES  SAVANS. 

verit  û  Homt  tn  iyp}  (i).  Lé  critique  atrabilaire,  qui  semblait  avçjr  ' 
pris  à  tache  d'attaquer  tous  les  travaux  de  Visconti,  n'épargna  ni  celte 
dissertation ,  ni  les  raonumens  mêmes  qui  en  étoieot  l'objet.  Sans  avoii 
jamais  vu  ces  jnonumens ,  qui  appartenpient  alors  à  M.  de  Schellersbepn, 
et  qui  sont  maintenant  dans  la  collection  de  M.  ie  duc  de  Blacas,  il  ne 
craignit  pas  de  les  signaler  comme  d*i  objets  de  fabrique  moderne;  et  si 
quelque  chose  peut  Atonner ,  après  de  pareils  soupçons  opposés  k  U 
notoriété  publique ,  c  est  que  M.-  Boettiger ,  qui ,  ie  premier ,  dans  s& 
Sabine,  fit  usage  de  la  publication  de  Visconti,  n'ait  pas,  dans  son 
Amaltkca  ,  protesté  contre  des  suppositions  si  faussés  et  si  injurieuses. 
M  est  inutile ,  aujourd'hui  que  l'authenticité  des  monumens  en  question 
n'etft  mise  en  doute  par  personne ,  d'insister  plus  long-temps  sur  ce 
point;  et  je  terminerai  cet  article  par  quelques  observations  auxquelles 
peut  donner  lieu  le  travail  même  de  Visconti. 

La  Itttrt  qui  nous  occupe  parut  à  la  fin  de  Tannée  1 7 y  3  ,  en  un  petit 
volume  devenu  très-rare ,  dont  un  exemplaire ,  enrichi  de  quelques 
corrections  et  additions  inédites  de  là  main  de  rameur,  et  communiquées 
à  l'éditeur  M.  Labus  par  l'antiquaire  romain  Th.  A.  Visconti ,  a  servi 
de  texte  pour  cette  réimpression.  Mais  je  suis  surpris  que  M.  Labus 
n'ait  fait,  dans  sa  préface,  aucune  mention  d'une  seconde  édition 
romaipe  de  ce  même  opuscule ,  publiée  eu  1825  par  les  soins  de 
Montagnani ,  ■  avec  des  planches  assez  bien  exécutées ,  et  même  avec 
quelques  passages  que  je  ne  retrouve  pas  dans  le  texte  reproduit  par 
M.  Labus ,  entre  autres  celui  qui  se  lit  à  la  page  22  de  cette  seconde 
édition  romaine  (2).  Quoi  quil  en  soit,  la  réimpression  faite  parles 
soins  dp  M.  Labus  se  distingue  par  quelques  additions  importantes  , 
l'une  desquelles ,  à  cause  de  son  objet  et  de  son  étendue ,  mérite  d'être 
signalée  à  l'attention  de  nos  lecteurs  ;  c'est  celle  qui  se  trouve ,  en 
forme  de  note,  pag.  215-217.  L'auteur  y  rend  compte  de  la  décou- 
verte faite,  plusieurs  mois  après  la  publication  de  sa  lettre,  de  quelques 
fragmens,  au  moyen  desquels  l'inscription  gravée  sur  le  couvercle  de 

■  »  ■  I  !  ,  ,  — — ■ 

(1)  Pàg.  2to-2jf.  —  (2)  En  voici  le  titre  entier:  Letîera  di  E.  Q.  Visconti 
interno  ad  un*  antica  supeilettile  d'argento  scopcrta  in  Roma;  Ronta,  1825  , 
dalle  st&mpe  del  Salvincci,  in-4.0  L'éditeur,  Montagnani,  qui  a  dédié  cette 
réimpression  à  M.  le  duc  de  Blacas,  a  fait  suivre  ce  travail  de  Visconti  de 
étvix  morceaux,  l'un  de  feu  .M.  d'Agincourt,  pag.  23-30,  l'autre  de 
Galeani  Napione ,  31*44»  relatifs  au  même  sujet.  Les  planches,  au  nombre 
4e  24»  contiennent  la  totalité  des  objets  dont  se  composoit  ce  trésor  dômes* 
•fftqte,  avantage  qui  manque  i  ia  réimpression  de  M.  Labus,  tt  dont  je  ne 
pouvois  me  dispenser  de  faire  la  remarque,  _ 


>  -r 


*    '      OCTOBRE  1830.  Ul 

fm  pyxis  ou  cassette  cf  argent ,  a  pu  être  restituée  toute  entière ,  tfvec 
le  monogramme  dû  Christ  quLIa  précède,  de  cette  manière  iSECVNDI 
AT  phOIECTà  V1VATIS  in  ChristO  ;  d'où  il  résulte  indubitablement 
que  ce  monument  fut  exécuté  pour  des  personnages  chrétiens.  Visconti 
observe  qu'il  n'avoit  pas  osé  d'abord  suppléer  la  lacune  laissée  entre 
les  lettres  vivàtis.  . .  .nch.  .  ,  par  la  formule  si  connue  qui  s'est 
trouvée  de  fait  sur  le  monument;  et  le  motif  qu'il  en  donne,  c'est  que 
les  emblèmes  et  les  personnages  païens  employés  à  sa  décoration  ne  lui 
permettoient  pas  devoir,  dans  ce  monument,  une  œuvre  chrétienne.  H 
ajoute  qu'il  ne  connoît  aucun  autre  exemple  d'une  divinité  païenne ,  telle 
que  Vénus ,  représentée  sur  un  monument'  chrétien ,  malgré  I  emploi  si 
fréquent  qu'il  convient  avoir  été  fait  dans  les  peintures ,  les  sarcophages 
et  les  verres  des  catacombes,  d'une  foule  de  types  et  de  motifs  em- 
pruntés k  l'antiquité  profane;  de  sorte  que  (c'est  fa  conclusion  qu'il 
tire  lui-même  de  ces  observations  )  le  supplément  retrouvé  a  démontré 
'que  ce  qui  étoit  contre  ia  vraisemblance,  étoit  pourtant  la  vérité. 
*  Ce  seroit  sans  doute  le  cas  de  beaucoup  de  nos  restitutions ,  si  tes 
parties  du  monument  que  nous  suppléons  par  conjecture  se  re  trou  voient 
en  réalité  ;  bien  des  inscriptions ,  où  nous  croyons  n  avoir  rétabli  que 
des  vérités, ne  nous  offriraient  peut-être  que  des  erreurs,  si  jamais  le 
texte  original  venoit  à  reparoître  ;  et  cette  réflexion  devroit  nous  rendre 
un  peu  moins  décisifs  à  juger  uniquement  sur  ce  que  nous  savons ,  et 
-sur-tout  à  juger  de  ce  que  nous  ne  savons  pas.  Mais,  pour' en  revenir  au 
fait  particulier  qui  a  donné  lieu  à  cette  observation  de  nôtre  auteur ,  je 
«lois  dire  que  sa  doctrine ,  en  ce  qui  concerne  l'emploi  fait  par  les  pre- 
miers chrétiens  des  types  créés  par  le  paganisme ,  est  loin  <f  éti*  irré- 
prochable. Il  seroit  facile  d'alléguer  une  foule  d'exemples  contraires  à 
cette  doctrine  ;  et  pour  n'en  citer  qu'un  seul,  des  figures  de  Bac  chu  s  (  1  ) 
et  de  Mercure  (2) ,  tout  aussi  profanes  que  celle  de  Vénus  Anaiyomenc 
qui  orne  le  couvercle  de  la  pyxis  et  un  autre  vase  de  la  collection  qui 
vous  occupe ,  se  retrouvent  sur  des  sarcophages  et  des  peintures  chré- 
tiennes des  catacombes,  où  le  contraste  de  ces  images  païennes  avec 

* '      i     ■  *  ■■!      ■  1     .  .  a    1         ■  ■  .    h       ■ ■   ,    ,     1  1  ■    ■       i       ■  1  .i       m  — — ■— » 

(1)  Voy.  le'sârcophage  f Aurélia  Agapttilla ,  qualifiée  Ancilla  Dit,  orné  de 
figures  de  Batchus  et  de  génies  bachiques ,  et  tiré  du  cimetière  de  Sainte- 
Agnès  ,  dans  Boldetti ,  qui  a  pris  ce  Bacchvs  pour  une  Vénus  liHtint;  Osserva^. 
tifra  i  cimiteri,  *c. ,  pag.  466-467.  —  (2)  Un  Mercure  Psychepnnpe ,  prfcé- 
*<t>nt  le  char  de  Pluton  ravisseur  de  Proserpinè,  est  un  sa  jet  manifesmnent 
empramé  des  basreliefs  et  des  peintures  funéraires  de  IWicraité  frotta,  qui 
se  retrouve  sur  une  peinture  chrétienne  des  cataeowbtif  publiée  par  Rotiari, 
Piituret  seuls,  sagr.  &c.,  torm  1H,  p.  218.         .„  ■■»•...-.-... 

Kkkk   2 


**<  JOURNAL  DES  SAVANE,  % 

H  sainteté  du  lieu  et  avec  la  nature  même  du  monument  pourroft 
paraître  bien  plus  étrange  que  sur  la  toilette  d'une  dame  chrétienne.  Je 
rien  dirai  pas  davantage  sur  ce  siîjet,  qui  seroit  susceptible  d'une  dis- 
cussion approfondie,  et  qu'il  m'est  conséquemment  impossible  de  traiter 
convenablement  dans  un  article  de  journal. 

Relativement  à  la  manière  dont  les  noms  des  deux  époux  à  qui  appar- 
tenoit  cette  toilette  antique  sont  exprimés  au  moyen  de  monograjnmes 
renfermés  dans  une  couronne,  partie  dorée,  partie  colorée  de  cette  espèce 
d'émail  nommée ,  à  cause  de  sa  couleur  brune  ou  ncirâtre,  nigtllum ,  d'où 
est  venu ,  comme  on  sait ,  le  nom  moderne  de  niello ,  Visconri  s'étoit 
borné  à  exprimer  le  soupçon  que  fa  pratique  du  nielle  n'avoit  pas  été  in* 
connue  aux:  anciens.  C'est  un  soupçon  qu'il  eût  pu  changer  en  certitude, 
pour  peu  qu'il  se  fût  livré  sur  ce  point  h  quelques  recherches;  et,  à  cette 
occasion,  je  ne  puis  m  empêcher  de  remarquer  combien  un  Essai  sur  les 
nie/les ,  récemment  publié  en  France  9  et  passablement  vanté  par  des 
personnes  étrangères  à  l'histoire  de  lart ,  présente  d'omissions  graves  et 
d'erreurs  capitales  sur  ce  qui  fait  le  principal  sujet  de  cet  essai ,  jusque 
là  qu'iln'y  est  fait  aucun  usage  ni  même  aucune  mention  du  célèbre 
traité  de  Théophile  Presbyter ,  rédigé  au  Xi.c  siècle  (0  ,  où  tout  ce  qui 
a  rapport  à  la  pratique  du  nielle  se  trouve  minutieusement  décrit ,  en 
vertu  de  traditions  qui  dévoient  être  fort  anciennes.  Mais  je  me  laisserois 
encore  entraîner  trop  loin  de  mon  sujet,  si  je  m'arrètois  à  signaler  toutes 
les  imperfections  de  V Essai  sur  les  nielles ,  et  je  dois  me  contenter,  de 
renvoyer  i^os  lecteurs  à  un  savant  mémoire  de  M.  Cicognara,  le  célèbre 
auteur  de  l'Histoire  de  la  sculpture,  mémoire  publié  récemment  dam  le 
recueil  de  V Athénée  de  Venise  (2),  où  cette  tâche  est  remplie  de  manière 
à  ne  laisser  rien  autre  chose  à  désirer,  que  la  publication  du  livre  même 


(1)  Leasing  fut  le  premier  à  donner  connoissance  de  ce  curieux  et  important 
ouvrage,  d'après  un  manuscrit  de  la  bibliothèque  de  Wolfenbuttel ;  voy.  $ts 
Sàmmtliche  Schriften,  tom.  VHI^pag.  287-368.  Cinq  ans  plus  tard,  c'est-à- 
dire  en  1779»  le  savant  Morelli  ajouta  de  nouveaux  détails,  dans  son  catalogue 
raisonné  des  manuscrits  de  la  maison  Nani,  p.  33  ;  et  le  livre  même  fut  publié  à 
Brunswick,  en  1787  ,  dans  une  collection  d'opuscules  commencée  par  Lessing 
et  terminée  par  Ch.  Leist.  Il  eût  suffi  à  l'auteur  de  V Essai  sur  les  Nielles  de  lire 
avec  quelque  attention  le  livre  de  Bans  ch,  qui  lui  sert  de  manuel  ,  pour  trouver, 
aux  pages  2  et  36  du  X1I1.C  volume,  l'indication,  du  traité  de  Théophile  Pres- 
byter, cité  précisément  pour  ce  qu'il  renferme  de  curieux  au  sujet  du  nielle.— 
(2)  Dell'  origine,  composizione  e  decomposizione  dei  Nielli,  esercitazione  dei 
C.  D.  Cicognara,  dans  le  tome  I ,  pag.  99-136 ,  des Esercitafioni  scientificht  e 
•     ktteràrie  delT  Ateneo  di  Venejia^  Venez.  1827  $  in-ff 


OCTOBRE  1830.  6zy 

t 

qu'il  nous  fait  espérer,  d'une  Histoire  de  la  gravure,  dont  on  sait  qrçe 
M.  de  Cicognara  s'occupe,  et  qui  sera  digne  sans  doute  de  sa  haute 
réputation. 

•'  Entre  les  notions  curieuses  que  nous  a  procurées  Iadécouveite  de  cette 
argenterie  antique ,  il  en  est  une  que  je  me  reprocherais ,  comme  Vîs- 
conti  lui-même ,  de  passer  sous  silence  :  il  avoit  remarqué ,  sous  Fune 
des  quatre  petites  soucoupes  (fargent ,  scutdlœ  >  l'inscription  que  voici , 
SCVT.  1111.  p.  v,  qu'il  déclare  ne  pouvoir  s'interpréter  autremeift  que 
de  cette  manière:  Scvtellàk.  quatvor.  pondo  QtJlNQVE;  et  en 
effet ,  ajoute-t-il,  les  quatre  pièces  ensemble  $  mises  dans  la  balance ,  pro- 
duisent juste  le  poids  indiqué  (1).  Voilà,  pour  en  faire  en  passant  la 
remarque,  un  exemple  décisif,  fourni  par  l'orfèvrerie  antique ,  à  l'appui 
cfune  pratique  que  j'ai  signalée  moi-même  sur  les  yases  de  terre  peints, 
oj^gdes  inscriptions  telles  que  celle-ci ,  TAPI A£  nu  (2),  indiquent  si 
manifestement  le  nombre. et  Informe  des  vases  qu'il  s'agissoit d'exécuter 
en  fabrique  ;  et  cet  exemple  peut  suffire ,  en  attendant  mieux ,  à  réfuter 
certaines  critiques  de  M.  1$  comte  de  Clarac  (3) ,  où  l'on  regrette  que 
le  noble  antiquaire  ait  employé  plus  de  personnalités  que  de  raisons, 
dans  un  langage  qui  ne  convient  pas  plus  à  sa  qualité  qu'à  son  mérite. 
Le  morceau  qui  termine  le  premier  volume  des  œuvres  diverses  de 
Visconti ,  est  le  Mémoire  sur  les  célèbres  inscriptions  triopéennes  (4)  >  un 
des  écrits  de  Visconti  qui  contribuèrent  le  plus  à  lui  assurer,  en  qualité 
de  philologue ,  la  réputation  qu'il  avoit  déjà  comme  antiquaire ,  mais  qui 
est  depuis  trop  long- temps  et  trop  justement  apprécié,  ainsi  que  les 
jnenumens  mêmes  qui  en  sont  l'objet,  pour  que  nous  ne  devions  pas 
nous»  borner,  sur-tout  à  la  fin  d'un  article  déjà  long  outré  mesure,  à 
cette  simple  indication. 


(1)  Pagr22j.  —  (2)  Voy.  ma  Notice  de  V ouvrage  intitulé  Catalcgo  di  scelle 
anAchità  del  pr.  di  Canino,  &c,  extfaite  du  Journal  des  Savant,  février  et 
ntars  1830,  p.  y,  note  3.—  (3)  Mélanges  d'antiquités grecaues  et  romaines,  par 
M.  le  comte  de  Clarac  ,  officier  de  la  légion  dlionneur,  chevalier,  &c.  Pans*, 
1830;  voy.'  pag.  37-40*  H  y  a,  dans  cet  opuscule,  quelques  observations  rela- 
tives à  des  bas-reliefi  publiés  ou  décrits  dans  mon  recueil  de  Monumens  médita, 
observations  qui  ne  semblent  pas  toutes  dictées  par  l'intérêt  de  la  science, 
d  auprès  le  style  dans  lequel  elles  sont  rédigées.  Je  répondrai,  en  temps  et  lieu» 
à  celles  de  ces  critiques  qui  ê  portant  sur  de*  faits ,  méritent  de$  expïicadonf. 

RAOUL.RQCHETFS»    :^ 


y 


*)*'  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Lettre  à  M*  le  chevalier  P.  O,  Brqnsted.  /.  sur  quelques 
médailles  cufiques  dans  le  cabinet  du  roi  de  Danemark  ,  récem- 
ment trouvées  dans  file  de  Falster,  et  sur  quelques  manuscrits 
cttfiques,  par  Jac.  Chr.  Lindberg;  avec  xi)  planches. 
Copenhague,  1830. 

Les  médailles  gravées  et  décrites  par  M.  Lindberg  sont  au  nombre 
de  M  ;  elles  ont  été  trouvées ,  en  1 827 ,  dans  l'île  de  Falster ,  et  sontcorv- 
jfeiVées  aujourd'hui  dans  le  cabinet  du  roi  de  Danemark.  Quatre  de  ces 
médailles -en  argent  sont  frappées  au  coin  des  monarques  persans  de  la 
dynasjtie  des  Sassanides.  M.  Lindberg  fes  attribue  toutes  quatre  à  des 
princes  musulmans ,  antérieurs  à  l'an  7  5  de  l'hégire  ;  et  il  n'est  plus  coû- 
teux aujourd'hui  que  les  premiers  khalifes  ont  effectivement  fait  frapper 
dés  monnaies  d'argent  au  type  des  princes  sassanides ,  en  y  ajoutant  ou 
leurs  propres  noms  ou  quelques  formules  arabes  musulmanes.  Mars,  des 
«quatre  pièces  décrites  par  M.  Lindberg ,  il  n'y  en  a  qu'une  qui  appartienne 
indubitablement  à  cette  époque ,  c'est  celle  qui  occupe  Ien.°  9  de  la  pi.  2  9 
et  qui  porte  le  nom  S  Omar.  Rien  n'autorise,  ce  me  semble,  à  attribuer 
les  trois  autres  à  l'époque  musulmane ,  plutôt  qu'aux  derniers  temps  de 
la  dynastie  des  Sassanides.  Au  n.°  8  de  la  même  planche,  M.  Lindberg 
croit  voir,  sur  le  revers  de  la  médaille,  trois  figures  en  pied,  dont  celle  dm 
milieu  ressemble  à  une  statue.  C'est,  à  mon  avis ,  une  erreur,  et  ce  revers 
offre ,  suivant  l'usage  constant  ,  deux  figures  en  pied ,  placées  des  deux 
cotés  d'un  pyfée  ou  autel  du  feu.  Ce  qui  s'élève  au-dessus  de  l'autel 
n'est  vraisemblablement  qu'une  grossière  repésentarion  de  la  flamme  : 
peut-être  seroit-il  permis  de  supposer  qu'on  a  voulu,  comme  sur  quel- 
ques autres  médailles  sassanides ,  représenter  une  tète  humaine  au  milieu 
de$  flammes. 

Les  médailles  eufiques  sont  au  nombre  de  1 8 ,  toutes  en  argent.  La 
plus  ancienne ,  qui  n'est  qu'un,  fragment ,  me  paroi t ,  comme  a  M.  Lind- 
berg, être  de  Fan  95  ;  elle  a  été  frappée  dans  la  ville  de  Sabpur ,  ou 
plutôt  Schakpour.  Ces  médailles ,  au  surplus  >  ne  jettent  aucune  nouvelle 
lumière  sur  les  problèmes  qui  restent  encore  à  résoudre»  relativement 
la  numismatique  musulmane.  Toutefois  on  doit  savoir  gré  k  l'auteur  de 
tes  avoir  fait  connoître.  Il  est  seulement  à  regretter  que ,  sur  quelques 
points,  il  n'ait  pas  connu  ce  que  les  travaux  de  M.  Frarfm  et  de  quelques 
autres  orientalistes  ont  ajouté,  depuis  peu  d'années,  aux  notions  que  Ton 
possédoit  déjk  sur  cette  numismatique.  II  n'auroit  pas  dit  que  la  médaille 


OCTOBRE  1830.  tfj* 

placée  sous  le  n.°  7 ,  pi,  1 ,  a  été frappée  à  Afukammédi* ,  **0  partit  4i  la 
tille  de  Bagdad.  II  ept  reconnu  aujourd'hui  de  tout  le  monde  que  pif 
Mohammédiyya ,  il  faut  entendre  la  ville  de  Reï.  J'observe  en  passant 
que  cette  médaille  offre  une  cingularité  bien  remarquable,  c'est  que  le 
xpot  Aiahdi  y  est  écrit  ainsi  <soJv>>  sans  l'article.  J'ai  peine  à  croire  qu'il 
n'y  ail  pas  ici  une  erreur  dans  la  gravure.  Je  ne  comprends  pas  pourquoi 
l'auteur  dit  que  la  médaille  pi.  1 ,  n.°  4s  est  remarquable  par  la  forme  gram- 
maticale dans  le  chiffre  (  il  a  voulu  dire  dans  le  nom  de  nombfr)  deux  çjswJlf 
et  pourquoi  il  a  cru  nécessaire  de  justifier  cette  forme,  en  observant  quelle 
se  trouve  sur  d'autres  médailles.  La  vérité  est  que  cette  forme  est  la  seufe 
vraiment  régulière ,  et  que  ce  sont  les  autres  formes  de  ce  même  nombre 
deux,  <£jJI,  v5ul  et  Ut,  qu'offrent  beaucoup  de  médailles»  qui  sont 
en  opposition  avec  les  règles  de  la  langue  arabe.  La  médaille  pi.  1 ,  n.°  9, 
a,été,  où  je  me  trompe  fort,  frappée  à  Abbasiyya*  Sur  la  médaille  qui  oc- 
cupe le  n.°  3  de  la  pi.  2,  au  lieu  de  Hamounak  Vj^,  nom  que  M.  Lind- 
berg  dit  lui  être  inconnu,  il  faut  certainement  lire  Hàmouyïk  <tjf>  ainsi 
qu'a  lu  M.  Frxhn  sur  une  médaille  frappée  &  Samarcande  y  et  qui  est  de 
j'an  193  ,  comme  celle  du  cabinet  du  roi  de  Danemark,  Hamouyik  est 
un  nom  très-connu  plus  tard  dans  l'histoire  des  Samanides ,  et  c'est  un 
de  ces  noms  composés  d'un  mot  arabe  et  d'une  particule  persane ,  comme 
Sibcwdih,  que  l'usage  a  altéré  et  changé  en  Sibouyèh. 

Je  ne  puis  au&si  me  dispenser  d'observer  que  les  passages  de  i'Âicoran 
qu'on  lit  sur  les  inonnoies  musulmanes ,  sont  souvent  traduits  d'une 
.  m  s  nier  e  peu  exacte.  Assurément  les  mots  è»\  j*aX>  Of^j^  rj**  o**y. 
n'ont  jamais  voulu  dire  :  jam  lœtentur  fidèles  auxilio  Dei.  Et  puisque  je 
signale  cette  inexactitude  dans  la  traduction,  je  dois  ajouter  tout  de  suite 
qu'il  est  fâcheux  que  le  compositeur  qui  a  été  employé  pour  les  textes 
arabes ,  ignorât  complètement  les  premières  règles  de  l'écriture  de  cette 
•  langue,  à  moins  peut-être  que  les  fautes  innombrables  qui  défigurent  les 
mots  arabes ,  ne  viennent  de  l'imperfection  et  de  l'insuffisance  du  carac- 
tère qu'il  avôit  à  sa  disposition. 

Les  médailles  dont  je  viens  de  parler  sont  l'objet  de  la  première  partie 
du  travail  de  M.  Lindberg;  la  seconde  est  consacrée  à  quelques  remar- 
ques sur  l'ancienne  écriture  arabe,  c0sur  les  manuscrits  cufiques  qui  se 
trouvent  à  Copenhague.  Je  porterai  encore  sur  cette  seconde  partie  le 
même  jugement  que  j'ai  porté  $ur  la  première.  La  description  matérielle 
des  manuscrits  cufiques  qui  se  trouvent  à  Copenhague,  et  les  nombreuses 
planches  gravées  avec  beaucoup  de  soin  qui  accompagnent  cette  des- 
cription, seront  accueillies  avec  plaisir  et  reconnoissance  par  tou<ceux 
qui  s'intéressent  aux  progrès  des  études  orientales ,  et  spécialement  k 


*$a  JOURNAL  DES  SAVAIS, 

taux  de  là  paléographie  arabe ,  pour  laquelle ,  comme  le  dit  fort  bien 
M<  li&tdbétfg,  H  g  été  A  peu  fait  jusque  ce  Jour.  Mais  quant  aux  recher 
<^s  scîetitifiqnes  «et  aux  observations  préliminaires  qui  précèdent  cette 
description,  on  poùrroit  penser  que  l'auteur  a  plutôt  voulu  se  rendre 
compte  de  ce  qu'il  avoit  fu  sur  la  matière  dont  il  traite,  que  communi- 
quer au  public  quelques  nouvelles  lumières.  Il  n'est  pas  même  parfaite- 
ment au  courant  des  pas  qui  ont  été  faits ,  depuis  quelques  années ,  dans 
la  connoissance  de  f  histoire  et  des  vicissitudes  de  l'écriture  arabe.  Il  croit 
encore ,  comme  tous  les  savans  le  croyoient  il  y  a  vingt  ans ,  que  le 
caractère  arabe  connu  sous  le  nom  de  neskhi,  est  postérieur  de  deux 
ou  trois  siècles  à  celui  qu'on  nomme  cufiquc,  et  il  ignore  que  des  monu- 
mens  authentiques  et  irrésistibles  ont  démontré  la  haute  antiquité  du 
caractère  neskhi ,  ex.  ont  forcé  de  renoncer  au  système  qu'on  s'étoît  fait 
à  cet  égard,  système  contre  lequel  cependant  s'élevoient  de  fortes  objec- 
tions ,  qu'une  préoccupation  encore  plus  forte  empêchoit  seule  d'appré- 
cier à  leur  juste  valeur. 

On  ne  s'imaginera  pas ,  je  pense ,' qu'en  émettant  mon  opinion  comme 
Je  l'ai  fait,  avec  une  entière  franchise,  j'aie  voulu  décourager  un  jeune 
savant  dont  le  zèfe  mérite  au  contraire  d'être  loué  et  soutenu ,  à  qui  il 
n'a  manqué  que  de  connoître  tout  ce  qui  avoit  été  fait  avant  lui,  et 
qui  a  toujours  rendu  un  vrai  service  h  la  numismatique  et  à  la  paléogra- 
phie arabe,  en  publiant  des  médailles  récemment  découvertes ,  et  de 
nombreux  spécimen  d'anciens  manuscrits. 

SILVESTRE  DE  SAC  Y. 


Bejdracen  tôt  de  Flora  van  Nederlatidsch  Itidië,  uitgegeven  door 
C.  L.  Blume,  M.  D.  enr.  1-1.7  cahiers  in-#S  9  avec  un 
«hier  de  planches  et  de  tableaux  in  fol.  Batavia  ,  1825- 
1826. 

M.  le  docteur  Blume,  commissaire  pour  le  service  médical  civil, 
directeur  des  plantations  de  Buitenzorg ,  et  auteur  de  plusieurs  ouvrages 
estimés  concernant  la  Flore  de  l'Inde  hollandaise,  a  publié  à  Batavia,  dans 
les  années  1825  et  1826,  17  fascicules  d  additions  à  la  même  Flore ,  for- 
jnam  ensemble  trois  volumes  in-8.*  L'exercice  de  fonctions  relatives  à 


OCTOBRE  1830:      "î  £33 

TtirC  de  guérir  >  et  à  la  culture  des  productions  naturelles  dans  des  con- 
trfes  et  sous  un  cKmat  si  injéres^ans  pour  les  botanistes  ;  assurent 
à  hauteur  un  mérite  incontestable,  celui  d'avoir  rassemblé  beaucoup  de 
filés  nouveaux  pour  la  science.  II  n'est  pas  de  région  dont  on  puisse 
aftfendre  plus  d'observations  curieuses  sur  des  plantes  rares  ou  même 
entièrement  inconnues  jusqu'ici.  Aussi  le  nombre  des  genres  et  des  es- 
pèces qui  ont  été  décrits,  pour  la  premier*  fois,  pgr  MfBlfrme *  soit 
dtàs  cet  écrit,  sort  dans  les  précédera,  est-ÎI  fort  tonsidéraftlé.  Ortairtes 
familles  naturelles  reçoivent  des  accroissemens  très-remarqiiabtes.  Dans 
l'impossibilité  de  relever  en  détail  ces  importantes  additions',  il  suffira 
tf  indiquer  les  plus  saillantes ,  en  parcourant  rapidement  les<feahiers  de 
l'ouvrage.  '  l 

M.  Biume  a  suivi  ies  familles  naturelles.  Quelques  fascicules  en  coiv, 
tiennent  chacun  plusieurs,  et  de  celles  qui  sont  les  plus  nombreuses  en 
espèces,  comme  les  ranunculacées ,  les  crucifères ,  ies  càryophyllées,  les' 
maivacées.  Les  cinq  premiers  en  renferment  trente-huit.  On  y  trouve 
comprise  une  description  détaillée  du  cocotier ,  par  M,  Rôorda  van  Ey- 
akigau  Mais  les  6.* ,  7/  et  8.c  cahiers  offrent  une  monographie  étendue' 
sur  les  orchidées  de  Java,  distribuées  en  trois  tribus,  et  contenant  cent 
dix-huir  genres,  La  classification  de  nombreuses  espèces  dé  cette  famille 
nécessite  fadditron  de  cinq  tableaux  synoptiques ,  et  de  plusieurs  grandes  ' 
planches,  où  sont  représentées  les  parties  de  la  fructification ,  servant  de 
Caractères  à  plus  de  soixante  espèces  peu  connues.  La  famille  âe$  uni* 
eéés  et  celle  des  amentacées  remplissent  les  9/  et  iô.*  fascicules.  Les 
fascicules  11,  1  3  à  1  j ,  et  le  1 7/  ou  dernier,  correspondent  ensemble  à 
cinquante-neuf  familles,  dont  plusieurs  sont  au  nombre  des  plu*  remar- 
quables de  tout  le  règne  végétai ,  et  cette  circonstance  indique  de*  ae- 
croissemens  proportionnellement  moins  considérables  pour  chacune*  de* 
ces  familles*  Le  1 2.c  caUtfne  renferme  que  les  euphorbes ,  et  le  1 6f , 
qui  est  très-étendu ,  qu^HÉamilles  seulement;  les  nibtacées,  Tes  strydl- 
nets,  fes  apotynées  et Iwasclépiadées.  Si  M-.1  Blum^^t^arcotart  le 
cercle  entier  des  familles  naturelles  et  complété  par- là  tes' Imptortsàftfe!* 
additions,  l'ouvrage  dont  nous  parlons  eût  acquis  un  intérêt  plus  grand 
ehcore  ;  mais  c'est  ce  que  sans  doute  il  ne  manquera  pas  de  taire  dans  M 
nouvelle  édition  qu'il  doit ,  dit-on,  publier  en  Hollande ,  et  ejui  infir- 
mera toutes  'HP observations  botaniques  qu'il  a  p*  recueillir  pendant 
sort  séjour  dans  f  une  des  principales  îles  de  HArchipd  o!*ehtaP;  ■•>  **>  ■» 

Les  espèces  nouvelles  établies  par  M,  BIume>  d'apt^M**  fe*vtfu*  Jier* 
Kttotls ,  ou  d'après  des  individps  jquTii  *  entérinés  d*u  de*  6dHfedSoJB 
fctteées  antérieurement ,  ècmnènt jfce  ^i«ftési  valeur  ***  toIIect*&it,<de 

LUI 


6$4  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

sont  autant  <f acquisitions  dont  là  science  des  plantes  s'enrichit,  et  qui  la 
comptaient  dans  une  de  ses  parties  les  plus  dignes  d'intérêt  Mais  lès 
espèces  connue»  que  l'auteur  a  observées ,  croissant  spontanément  dans 
njé  de  Java ,  sont ,  sous  d'autres  rapports ,  également  propres  à  fixé? 
l'attention  des  botanistes.  La  géographie  des  plantes,  cette  branche 
nouvelle  de  l'histoire  du  règne  végétal ,  peut  puiser ,  dans  les  matériau! 
qui  lui  sont  fournis  par  M.  Blume,  une  multitude  de  faits  nouveaux;  ^t 
l'on  sait,  par  iesçpèmplesde  M.  Mirfoel  et  de  plusieurs  autres,  combien 
d'utiles,  applications  les  résultats  de  ce  genre  peuvent  avoir  pour  l'éco- 
nomie rurale  et  domestique ,  l'industrie ,  la  physiologie  végétale  9  la  géo 
Sophie  physiqueet  la  géologie.  Sans  entrer  ici  dans  un  détail  qui  exigerait 
trop  de  développemens  purejnent  techniques ,  nous  indiquerons  comme' 
P9uvaju,4u*  l'objet  d'un  double  rapprochement,  sous  ce  rapport,  la  (a- 
roiilç  des  amentacées ,  une  de  celles  dont  les  espèces  paroissent  plus  par*, 
tiçelièrefnent  affectée»  à  la  zone  de  transition  tempérée.  Cène  famille* 
<&?z  M,  Blume ,  a  vingt-neuf  espèces ,  habitantes  de  Java,  et  parmi  les* 
qi*e|Iç s  vingt-quatre  sont  instituée* par  l'auteur.  Nous  ne  nommerons  que 
Ie%  qutnus  ebgans,  phantaria ,  glabtrrima,  pstudo-molucca ,  angustatu, 
sj&dai^  frutiepsa ,.  roflmdata  f  ind*tài  intata ,  gemeltijhra*  torbinaM, 
/*4f  441  ;  les  ca?t4MA  argentea,  tuagmrutjavanica;  le  liquidambarahifigiMMt 
l*  lubofayw  javtn sis,  genre  nouveau»  Deux  espèces  dp  genre  sa/ix  ont 
été  apportées  du  Japon ,  Tune,  te  s>  japonica,  par  Tbunberg;  l'autre,  le; 
j-  suboldiana,  par  les  soins  du  naturaliste  auquel  elle:  a  été  dédiés,  et 
dont  on  attend  dans  ce  moment  de  si  précieux  renseignemens  sur  toute* 
les  b^nches  des  sciences  naturelles  qu'il  a  pu  cultiver  au  Japon. 
.  Unç  description  méthodique  de  toutes  les  espèce*  de  plantes  java-> 
nais  es,  particulièrement  de  celles  qui  sont  nouvelles,  met  les  botaniste* 
99>  état  de  profiter  pleinement  des  matériaux  qui  ont  été  rassemblés pott* 
eu*  par  M.  Blume.  Ha  pris  aussi  un  soin  qui,  n'est  pas  toujours  asse* 
présent  à  la  pensée  dès  naturalistes  qui  voyagflKlans  les  contrées  ori*n~ 
t|f «i  c'es*  dç  recueillie  les  noïhs  des  pays,  q^euyejat>  en  mille  occa^ 
WWj deneflir  l'instrument  d'une  synonymie,  du  plus  hau^  intérêt  pou* 
fr  science  même,  qu  chi  moins,  pour  son  histoire,  et  pour  les  recherches 
ftljuîvçs  ^l'économie  rurale,  aux  arts  mécaniques,  à  la  matière  médt* 
c^.(  II  3  plqçé  à  te  suite  de  chaque  description  de  plante  Je  nom  que 
«CMUft. pfcntfi  pQPtf  *n  javanais.  Sans  doute  il  aura  prisses  précautions 
nécessairsspo#f  aftufcr  &  cette  partie  de  son  travail  ledtegré  de correctfeu 
^f  ¥W  Wde  qfcM  peut  en  ntttdre  l'usage  sûr  et  profitable  :  ce  sera  dbnc 
«W»..w  si^éfient «reportant ifcfxrquemras  possédons  en  ce  gemet 
4&hhhmvj*g*  iteii Jhi^tff ïi^riottttr  Atoifeu.  t*.  de  pbiwufi 

1:  la 


OCTOBRE  4830-  *|$ 

luttes.  II  manque ,  à  l'Usage  d'un  tel  livre ,  des  index  Ittiftà  «  javanais  j 
niais,  ainsi  que  nous  Pavons  dit,  l'ouvrage  est  demeuré  incomplet  :  il  Te$t 
ttu  moins  dA  l'exemphire  que  nous  avons  sous  les  yeux;  car  nous  ne 
voudrions  pas  assurer  que  ce  qui  y  manque  n'ait  pas  paru  à  Batavia  depuis 
l'époque  de  l'impression  du  1 7/  fascicule.  II  règne  toujours  beaucoup 
d'incertitude  sur  les  particularités  relatives  à  la  publication  des  livret 
dans  ces  contrées  reculées  de  l'Asie,  et  les  vérifications  sont  longues  éfr 
difficiles.  Daris  tous  les  cas ,  la  réimpression  annoncée  remplira  indubi- 
tablement lés  lacunes  de  Fédition  originale;  mais  cette  dernière  nous  à 
paru  assez  importante,  même  dans  l'état  d'imperfection  ou  nous  la  pos- 
sédons, pour  que  nous  en  fissions  connokre  l'existence  aux  amis  de  la 
science  végétale. 

J.  P.  ÀBEL-RÉMUSÀT. 

NOUVELLES  UT  TER  AIRES. 


INSTITUT  ROYAL  DE  ERANCH. 


L'Académie  royale  des  beaux-arts  a*  tenu,  le  3  octobre,  sa  séance  pu- 
Mique  annuelle,  qui  a  été  présidée  par  M.  Galle,  et  qui  /est  ouverte  par  Tesé- 
cution  d'une  cantate.  On  a  entendu  ensuite  le  rapport  de  M.  le  Bas»  sur  les 
ouvrage»  des  pensionnaires  du  Roi  à  1* Académie  de  France  à  Rofne.  L'exé» 
cucion  d'un  autre  morceau  de  musique  a  précédé  la  distribution  de»  grands  prix 
de  peinture,  de  sculpture  et  d'arctihectafe,  de  gravure  en  taille  douce  1  et  de 
composition  musicale» 

I.  Peinture  :  Mêliagre prenant  les  arnuts  à  la  sollicitation  de  soit  épouse.  Pre- 
mier grand  prix ,  M.  Sfgnol ,  de  Paris  ;  second ,  M.  Schopin ,  né  à  Lubeck  ;  tous 
deux  élèves  de  M.  le  baron  Gros. 

II.  Sculpture:  Thésée  vainqueur  du  Afinctaure.  Premier  grand  prix, 
JflL  Husson,  de  Paris,  élève  de  M.  David;  second  grand  prix,  M.  Rartras, 
d'Aix ,  élève  de  M.  Cortot  ;  mention  honorable  de  M.  Eug.  L.  Bion ,  de  Paris, 
élève  du  même  mafire. 

III.  Architecture  JQflfaison  de  campagne  pour  un  prince,  à  peu  de  distance  de 
la  capitale.  Premier  grand  prix,  M.  Garrez,  de  Paris*  second  grand  prix, 
M.  Alph.  F.  Jos.  Girard,  de  Montîgny;  tous  deux  élèves  de  MM.  Vaudoyer  et 
le  Bas. 

IV.  Gravure  en  QûIIe  douce.  Premier  grand  prix ,  M.  Martinet,  de  Paris, 

?  LUI  a 


f}6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

élève  de  M«  Forster  et  de  M.  Heim;  second  grand  prix,  M*  JL*  Ad.  SaImon> 
élève  de  M.  Dupont  et  de  M.  Ingres. 

V.  Composition  musicale.  Premier  grand  prix,  M.  Berlioz,  jÉ^  département 
de  l'Isère,  élève  de  M.  Lesueur  et  de  M.  Reicha  (  scène  exécutée  au  milieu  de 
la  séance  )  ;  deuxième  premier  grand  prix,  M.  Alex*  Montfort,xIe  Paris,  élève 
de  MM.  Berton,  Boïeldieu  et  Fétis  (cantate  exécutée  à  l'ouverture  de  là 
séance)  ;  second  grand  prix,  M.  Laur.  Fr.  Ed.  Millauit,  de  Paris,  élève  de 
iWM.  Boïeldieu ,  Lesueur  et  Fétis. 

La  séance  /est  terminée  par  l'exécution  d'une,  scène  italienne  (  Maria  di 
Brabante),  musique  de  M.  Alb,  Guillion,  pensionnaire  du  Roi  à  Rome, 
élève  de  MM,  Berton  et  Fétis. 

r'  LIVRES  NOUVEAUX. 

•  -  »  ■  * 

;     FRANCE. 

,  Nouveau  jy  s  terne  d'enseignement  du  latin ,  ou  Essai  sur  la  .valeur  des  prépo- 
sitions latines,  développée  par  des  figures,  et  (sur)  la  possibilité  de  soumettre 
l'étude  des  langues  anciennes  et  modernes  à  l'esprit  d'analyse  et  à  la  méthode 
rigoureuse  dès  niaftiênlaticicfns;. précédé  d'observations  sur  les  inconvéniens  du 
système  actuel  d'instruction  publique ,  t>ar  M.  F.  G.  Pottier,  professeur  d'huma** 
nités  au  collège  royal  de  Henri  XV^Jçaris,  imprimerie  de  Lachevardière,  li- 
brairie de  Roret,  1829  ,  in-Ô.°,  ci;  et  224  pages.  Dans  sa  préface,  l'auteur 
oppose  aux  explications  usuelles  de  quelques  mots  latins  celles  qu'il  croit  plus 
méthodiques,  il  rèofiercKe  iensuife  li  -Wiéorfe  génlérale  des  prépositions  latines. 
L'ouvrage  contient  l'analyse  grammaticale  de  chacune  de  ces  prépositions,  dis- 
posées dans  l'ordre  alphabétique  ,  depuis  Ab  jusqu'à  Ultra.  II  est  possible  de 
-ne  point  adopter  toutes  les  idées  générales  de  M.  Pottier,  et  de  contester 
quelques-uns  des  détails  qu'il  expose  ;  mais  son  livre  suppose  une  étude  atten- 
tive de  la  littérature  classique  des  Latins,  et  des  meilleurs  traités  de  grammaire 
anciens  et  modernes.  —  Le  même  auteur  a  publié,  eu  1830 ,  chez  M.  Lâche* 
vardière,  un  .volume  in-8.°i  intitulé:^  Sa  Majesté  Louis-Philippe)  Roi  des 
Français ,  sur  l'Instruction,  viij  et  128  pages.  L'auteur  y  entremêle  a  sa  théorie 
les  reproches,  trop  amers  sans  doute,  qu  il  se  croit  en  droit  d'adresser  au  conseil 
de  l'université. 

La  Divine  Comédie  de  Dante  AHghieri  ,  traduite  ea  français,  par  M.  A,  F. 
Artaud ,  ancien  chargé  d'affaires  de  France  à  Florence,  à  Vienne  et  à  Rome; 
avec  le  texte  italien  en  regard,  et  des  notes.  Paris,  Firmin  Didot,  9  vol. 
in- 1 8. —L'Enfer, deuxième  édition,  1828,3  voI.T.I,xxxj  et  226  pages; avant» 
prgposf  vie  de  Dante  ,  les  onze  premiers  chants  du  poëme,  et  les  notes  qui  les 
concernent  (avec  une  gravure).  T.  II,  246  pag.,  ch.  XII-XXII.  T.  III,  286  p., 
ch.  XJUII-XXXIV.  — Le  Purgatoire,  deuxième  édition ,  Ujjo,  3  vol.  T.  I ,  viij 
et  253  pag.  Avant-propos,  ch.  I-XI,  et  notes  (  avec  un^gravure).  T.  II,  226 
pag.,  ch.  XII-XXII.  T.  111 ,  243  pag.,  ch.  xxiil-xxxin  (Sur  les  vers  proven- 
çaux qui  terminent  le  26.*  chant,  M.  Artaud  a  recueilli  les  remarques  de  M.Ray- 
nouard  qu'on  a  lues  dans  notre  cahier  de  février  dernier,  pag.  67-78). —  Le 
Paradis,  deuxième*  édition,  18  jo,,}  vol.  vj  et  244  pag*  Dédicace  du  traduc- 


OCTOBRE  1830.  (Î37 

tturà  sa  fille,  avant-propos,  ch.  I-XI,  et  notes  (avec  une  gravure  ).  T<  II  ,236  p. , 
ch.  xii-xxii.  T.  III,  243  pag.  ;  les  onze  derniers  chants.  Cette  traduction  a 
obtenu  un  grand  succès. 

Chansons  du  châtelain  de  Coucy ,  revues  sur  tous  les  manuscrits ,  par  M.  Fran- 
cisque Michel;  suivies  de  l'ancienne  musique,  mise  en  notation  moderne,  avec 
accompagnement  de  piano,  par  M*  Perne ,  correspondant  de  l'Institut  royal  de 
France.  Paris,  imprimerie  de  Crapelet,  1830,  cr.  in-8.°  «  Cette  édition  des 
«Chansons  de  Regnault  de  Coucy,  châtelain  de  Côucy,  tirée  à  cent  vingt 
»  exemplaires  sur  papier  Jésus ,  quinze  sur  papier  de  Hollande,  et  deux  sur  vélin , 
»  numérotés  à  la  presse,  aux  frais  et  par  les  soins  de  Francisque  Michel,  est 
»  dédié  à  la  ville  Je  Lyon,  sa  patrie.  »  Pag.  j-xxxvij ,  Essai  de  l'éditeur  sur  la 
Vie  et  les  chansons  du  châtelain  de  Coucy ,  suivi  de  notes  et  éclaircisse- 
mens.  Pag.  1-16,  Chronique  du  châtelain  de  Coucy  et  de  h  dame  de  Fayel. 
a  Au  temps  que  le  roy  Phi  lippes  régnoit,  &c.  ;  »  suivie  de  notes,  et  de  la  des- 
cription des  manuscrits  où  se  trouvent  les  chansons  du  châtelain.  Pages  17-128, 
les  vingt-quatre  chansons,  suivies  d'additions  et  corrections,  et  de  pièces  de  divers 
auteurs.  Pag.  129- 139,  glossaire.  Pag.  i41m|95  >  ancienne  musique  de  ces  chan- 
sons mise  en  notation  moderne.  Pag.  197-199,  table  des  matières ,  &c.  Ce  vo- 
lume est  orné  de  vignettes,  représentant  les  armoiries  du  sire  de  Coucy ,  les 
ruines  de  son  château  &c.  :  il  est  à  joindre  à  celui  dont  nous  avons  rendu  compte 
dans  notre  cahier  d'août  1829:  Histoire  du  châtelain  de  Coucy,  &c. 

Ode  à  la  mémoire  du  chevalier  d'Assas  et  de  Triaire  l'artilleur,  par  M.  J.  P. 
fÀrgallies.  Nîmes,  Bianquis-Gignoux ,  1830,  16  pages  in- 8.° 
.  Lucius  Junius  Brutus ,  tragédie  en  cinq  actes  et  en  vers,  par  M.  Guill.  Stan. 
Andrieux ,.  membre  de  l'Institut ,  secrétaire  perpétuel  de  l'Académie  française, 
professeur  de  littérature  française  au  collège  royal  de  France.  Paris ,  librairie 
de  M.me  de  Bréville,  rue  de  TOdéou,  n.°  32,  1830,  in-8.0,  xxxj  et  9^pag. 
Cette  tragédie  a  été  représentée  pour  la  première  fois  sur  le  Théâtre  français , 
le  13  septembre  dernier. 

,  Keepsake  français,  ou  Souvenir  de  littérature  contemporaine,  orné  de  dix-huit 
gravures,  deuxième  année,  1831.  Le  premier  volume  de  ce  recueil  a  paru  en 
1830  :  le  second  est  dédié  à  la  Reine  des  Français;  il  contient  des  morceaux  de 
littérature  dont  les  auteurs  sont  MM.  Audibert ,  Ballanche,  Belmontet,  Bé- 
ranger,  Chateaubriand,.,..  AI.  Dumas.,  Français  de  Nantes,  de  Mancy , 
Sainte-Beuve,  &c.  MM.œcf  Cottin,  de  Staël,  Tastu,  Tercy,  Valdor,  Val- 
more..  . .  ;  avec  18  gravures  anglaises,  annoncées  sous  le  titre  $  Illustrations  ? 
volume  i/*-&%  qui,  relié  en  soie  et  doré  sur  tranche,  coûte  25  fr.  On  a  tiré 
sur  grand  panier  vélin ^  avec  fig.  sur  papier  de  Chine  ,  avant  la  lettre ,  quelques 
exemplaires  dont  le  prix  est  de  60  fr.  A  Paris,  chez  Giraldon-Bovinet,  passage 
Vivienne ,  n.°  26. 

Cartes  géographiques  et  portatives  des  résidences  royales  aux  environs  de  Paris  f 
dédiées  à  la  Heine,  par  M.  Maire  :  1 ,  carte  générale  et  géologique ,  2  Ver- 
sailles, 3  Fontainebleau ,  4  Compiègne,  5  Rambouillet,  6  Saint-Germain-, 
Saint-CIoud  et  Meudon.  Paris,  Delaunay,au  Palais-Royal,  1830,  7/2-4."  obi. 
Ces  six  cartes  sont  exécutées  avec  un  grand  soin. 

Paris  et  Londres  comparés ,  par  M.  Am.  de  Tfasot.  Paris  ,  imprimerie  de  Du- 
cessois,  librairie  de  Ducollet,  1830,  in-8.° ,  180  pages.  Le  titre  de  ce  volume 
ne  correspond  guère  qu'aux  premières  pages  ;  les  autres  sont  remplies  de  divers 


tf|8  JOURNAL  DES  SAVANS, 

projets ,  dont  le  plus  littéraire'  est  on  nouveau  système  de  versification  finn* 
çaise. 

Œuvres  de  Tacite ,  traduites  par  M.  C.  L.  F.  Panckoucke  :  Histoires,  tome 
premier.  Paris  ,  de  l'imprimerie  de  l'auteur,  1830»  in-8.°,  458  pages.  Préface 
du  traducteur,  suivie  de  morceaux  de  sa  version  et.de  celle  de  M.  Burnouf, 
comparés  ;  les  deux  premiers  livres  des  histoires  de  Tacite ,  en  latin  et  en 
français  ;  notes  de  M.  Panckoucke  sur  ces  deux  livres.  Nous  nous  proposons  de 
rendre  compte  de  ce  volume.  (Voy.  dans  notre  cahier  de  sept.  1824,  p.  563**68, 
un  article  sur  le  tableau  des  mœurs  des  Germains  v  traduit  par  M.  Panckoucke.  ) 

Histoire  de  saint  Lcys,  roi  de  France,  par  Jehan,  sire  de  JoinvHIe,  revue 
sur  tous  les  manuscrits  et  les  imprimés,  par  M.  Francisque  Michel ,  tom.  I.#r 
Paris,  imprimerie  de  Béthùne,  1830,  gr.  in-t8,  xlij  et  302  pages. Ce  volume 
fait  partie  de  la  Bibliothèque  choisie ,  par  une  société  de  gens  de  lettres,  tousia 
direction  de  M.  Laurentie.  Quand  cette  nouvelle  édition  de  Joinville  sera. 
complète,  nous  la  ferons  plus  particulièrement  connoître.  Les  précédentes  sont 
indiquées  et  appréciées  dans  Y  Avis  que  M.  Francisque  Michel  a  placé  à  la  tête 
de  celle-ci,  et  qui  est  suivi  d'une  Notice  sur  Joinville.  Nous  venons  d'annoncer, 
H  y  a  peu  d'instans,  les  Chansons  du  châtelain  de  Coucy ,  publiées  par  le  même 
éditeur ,  qui  paroit  avoir  fait  une  étude  sérieuse  et  méthodique  des  monument 
du  moyen  âge. 

Histoire  des  communes  de  France,  et  législation  municipale,  depuis  la  fin  dtfc 
XIe  siècle  jusqu'à  nos  jours,  dédiée  aux  deux  chambres,  par  M.  P.  J.  S. 
Dufey,  de  FYonne.  Deuxième  édition.  Paris ,  imprimerie  ne  Marchand  du 
'  Breuil,  librairie  de  M.m*  Vergne,  in^8.*  de  24  feuille*.  Prix,  6  fr.  La  première 
édition  est  de  1828  (  voy.  Journal  des  Savons ,  fum ,  1 829 ,  p.  374  ),  L  ouvragé 
est  divisé  en  quinze  chapitres:  1,  Régime  municipal  depuis  les  plus  anciens 
temps  jusqu'au  ministère  de  Snger  et  des  frères  Garlande  (  xil.e  siècle  ).  II  et 
III,  jusqu'au'règne  de  Louis  XI.  IV,  V  et  VI ,  jusqu'aux  États  généraux  de  1614 
et  à  l'assemblée  des  notables  de  1626.  VII ,  sous  Louis  XIV.  VIII,  au  XVliL* 
siècle  jusqu'en  1777»  IX  et  X ,  jusqu'en  1789.  XI,  XII  et  XIII,  en  1789, 
1790  et  1791 .  XIV,  Depuis  1792  jusqu'à  présent.  XV,  Résumé  et  conclusions. 

Conséquences  du  système  de  cour  établi  sout  François  1." ,  première  livraison , 
contenant  l'histoire  politique  des  grands  offices  de  la  maison  et  couronne  de 
France,  des  dignités  de  la  cour,  et  particulièrement  des  marquis,  et  du  sys- 
tème nobiliaire  depuis  François  L",  par  M.  P,  Rœderer.  Paris,  imprimerie  de 
Lachevardière ,  librairie  d'Hector  Bossange,  1830,  1 27  pages  tn*S.' 

Notice  historique  sur  la  distribution  de  la  décoration  de  la  légion  d'honneur 
dans  le  vallon  de  Terlinctun,  près  la  ville  de  Boulogne-sur-Mer,  le  28  ther» 
midor  an  12  [  16  août  1804]»  et  sur  la  pierre  monumentale  destinée  à  trans- 
mettre le  souvenir  de  cette  fête  solennelle  ,  par  M.  B.  Bertrand  ,  D.  M.  Bouw 
logne-sur-Mer ,  imprimerie  de  F.  Bible,  1030  ,  31  pages  in-8.°  M.  Bertrand 
est  auteur  d'un  Précis  de  l'histoire  de  Boulogne,  en  2  vol.  in-8.9  (  voy.  Journal 
des  Savans,  août  1828,  p.  509,  octobre  1829,  p.  635  )• 

Dissertations  politiques  et  philosophiques  sur  les  principes  des  gouvernemens, 
les  délibérations  des  assemblées ,  &c. ,  par  M.  L.  M.,  ancien  élève  de  l'École 

riy technique!  Paris,  imprimerie  de  Fain,  librairie  de  Carilian-Gœury,  1830, 
et  103  pages  in- 8.* 
Mélanges  d'antiquités  grecques  et  romaines,  on  Observations  sur  plusieurs 


OCTOBRE  1830.  63$ 

bas-reliefs  antiques  da  musée  royal  du  Louvre ,  par  M.  le  comte  de  Ciarae , 
conservateur  de  la  première  des  deux  divisions  du  Musée  royal  des  antiques 
du  Louvre.  Paris,  Firmin  Didot,  1^30,  80  pages  in-8.9  «Ces  observations  sont 
»  tirées  de  la  nouvelle  édition',  qui  sera  bientôt  publiée,  de  la  Description  du 
»  Musée  des  antiques ,  et  de  l'ouvrage  du  même  auteur,  intitulé  Alusée  de 
»  sculpture  antique  et  moderne»  * 

Cours  d'antiquités  monumentales,  professé  à  Caen  par  M.  de  C  au  mont, 
secrétaire  perpétuel  de  la  Société  des  antiquaires  de  Normandie,  &c.  Histoire 
de  Fart  dans  l'ouest  de  la  France,  depuis  les  temps  les  plus  reculés  jusqu'au 
XVii.e  siècle,  tome  I.er,  première  partie,  ère  celtique.  Caen,  imprimerie  de 
Chalopio.  Rouen,  librairie  de  Frère.  Paris,  librairie  de  Lance,  1030,  xvj  et 
271  pages  in-8.°  Nous  reviendrons  sur  cet  ouvrage,  qui  doit  contribuera 
étendre  e&à  diriger  l'étude  des  monumens  celtiques.  » 

Revue  normande,  rédigée  par  une  société  de  savans  et  de  littérateurs  de 
Rouen,  de  Caen,  et  des  principales  villes  de  la  Normandie,  sous  la  direction 
de  M.  de  Caumont,  i.-r  vol.,  première . partie.  Caen,  imprimerie  de  Cha- 
lopin;  Rouen  et  Paris, librairies  de  Frère  et  de  Lance;  septembre,  1830,  i/i-&% 
îx  et  1 50  pages.  La  Revue  normande  paroîtra  de  quatre  mois  en  quatre  mois, 
par  cahiers  de  huit  feuilles  au  moins,  qui  formeront  un  volume  in- S  S  en  chaque 
année.  Le  prix  de  l'abonnement  annuel  est  de  15  fr. 

Considérations  générales  sur  Us  volcans ,  et  examen  critique  des  diverses 
théories  qui  ont  été  successivement  proposées  pour  expliquer  les  phénomènes 
volcaniques; par  M.  J.  Girardin.  Rouen, impr.  de  Periaux  jeune  ;  Paris,  librairie 
de  Carilian  Gceury  ,  1831 ,  //!-&• ,  252  pages. 

Recueil  général  des  anciennes  lois  françaises  depuis  Tan  4*0  jusqu'à  la  révo- 
lution de  1789,  par  MM.  Isambert,  conseiller  à  la  cour  de  cassation  ;  dt 
Crusy ,  directeur  des  affaires  criminelles  et  des  grâces  au  ministère  delà  Justice; 
Taillandier*  conseiller  à  la  cour  royale  de  Parts.  Tome  XX  :  juin  1687  — 
i.er  septembre  1715.  Parts,  împr.  de  Gratiot,  librairies  de  Belin  le  Prieur  er 
de  Verdière,  1830,  in-8s  ,  648  pages —  Tome  XX] ,  i.er  septembre  171  j  — 
i.er  jauvier  1737,  in-8.° ,  422  pages.  Prnc  de  chaque  volume,  7  fr.  Nous 
avons  annoncé  les  dix-huit  premiers  tomes  de  cette  utile  collection  ,  ainsi  que 
les  six  qui  correspondent  au  régne  de  Louis  XVI.  Voye^  nos  cahiers  de  nov, 
1822,  p.  643-650;  mai  1824.,  p.  413-419;  octobre  1829,  p.  637;  janvier 
1836,  p.  62,  &c.  H  ne  reste  à  puolier  que  les  lois  qui  appartiennent  aux  trente- 
huit  dernières  arVnçes  de  Louis  XV  :  1737-1774.  oous  fort  peu  de  temps,  ce 
recueil  sera  complet,  et  nous  achèverons  de  le  faire  connoître  par  une  analyse 
plu»  étendue  de  toutes  les  parties  qui  le  composent. 

Essai  sur  Us  finances ,  par  M.  Ducherne,  avocat  à  Grenoble.  Paris ,  impr. 
de.^ondey-Dupré,  librairie  de  Delaunay ,  1831,  in-8.0,  vj  et  540  pages. 
Prix  7  fr.  Nous  annonçons  cet  ouvrage ,  parce  qu'il  nous  paroh  offrir  un 
ensemble  de  notions  positives  ,  exposées  avec  clarté,  distribuées  avec  méthode. 
On  y  peut  puiser  une  connoissauce  exacte  de  la  plupait  des  faits  relatifs  aux 
dépenses  et  aux  recettes  du  gouvernement  français.  L'auteur  a  u.<é  du  droit 
d!y,  joindre  ses  propres  idées  sur  la  manière  de  limiter  ou  régler  les  unes  et 
(es- pitres  :  l'examen  de  ces  parues  de  son  travail  entraînerait  des  discussions 
politiques  qui  doivent  rester  étrangères  au  Journal  des  Savans. 


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6io  JOURNAL  DES  SAVANS. 

Explication  du  mot  de  Messe ,  par  M.  J.  L,  (  la  Bouderie  ).  Paris,  impriment 
de  Pfassan,  1830,  in-8.c  Ce  morceau  d'histoire  liturgique  est  suivi  de  quelques 
détails  historiques  sur  la  béatification  et  la  canonisation. 

Annuaire  pour  l'an  i8ji,  présenté  au  Roi  par  le  Bureau  des  longitudes, 
Paris,  Bachelier,  188  pages  in-/ 8, 

PAYS-  BAS.  Disscrtatio  litteraria  de  Deo  Platon  is,  quam.—  pro  gradu  docto- 
rat û$  summisqr.e honoribus  ac  privilegiis  in  Academia  Iugduno-batava  rite 

et  légitimé  consequendis,  publico  et  solemni  examini  submittit  Joannes  Tide* 
man  Amstelodamensis,  diejcviij  januarii  1830.  Arastelodami,  ex  officinâtypo* 
graphicâ  A.  Zweeaardt,  in-8.° ,  xvij  et  214  pag. 

ITALIE.  Nuovo  Di^ionario  de3  Sinonimi  délia  lingua  italiana,  di  N.  Toma» 
seo.  Ficenze,  Luîgi  Pezzati,  1830  ,  in-f.0 

Essai  sur  la 'géographie  physique  et  botanique  du  royaume  de  Nûples,  pai 
M.  Tenore.  Naples,  imprimerie  française ,  in-8.° 9  103  pages,  avec  deux  cartel 
géographiques  coloriées. 

ANGLETERRE.  Notes  on  Haïti,  made  dnring  a  résidence  m  that  repuhlic* 
Notes  sur  Haïti,  prises  durant  un  séjour  dans  cette  république,  par  Ch. 
JMackensie.  Londres,  Colburn  et  Bentley,  1830,  2  vol.  in-8.ê 

Commentants  on  the  life  and  reign  of  Charles  the  first*  Commentaires  sur 
la  vie  et  le  règne  de  Charles  L" ,  par  J,  d'Israeli,  Londres,  Colburn,  1830, 
5  vol.  in- 8.° 

Nota.'  On  peut  s'adressera  la  librairie  de  M.  Levrault,  à  Paris,  ruede  I4 
Harpe ,  n.°  8t  ;  et  a  Strasbourg,  rue  des  Serruriers,  pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  des  Savons*  Il  faut  affranchir  Us  lettres  et 

le  prix  présumé  des  ouvrages. 


TABLE 

The  Fortunate  Union ,  a  romance  translated  from  the  cfiinese  original, 

with  notes  and  illustrations.  (  Article  de  Af.  Abel-Rémusat.  ). . .  Pag.  579» 
Abrégé   de    l'ouvrage    intitulé   le    Compagnon    du    Solitaire,    par 

Aj.  Gustave  FlugeL  (  Article  de  M.  $uvestre  de  Sacy.) 593. 

Transactions  oft/ie  royal  Society  of  littérature  ofthe  unlted  Kingdonx, 

(  Second  article  de  AI.  Letronne.  ) .       60 J . 

Œuvres  diverses,  italiennes  et  françaises  ,  d'Ennius  Quirinus  Visconti, 

par  le  docteur  J.  Labus.  (  Article  de  M.  Raoul- Rochette. ) .  . ..  61 1, 

Lettre  à  Af.  le  chevalier  P.   0.  Bronsted ,  sur  quelques  médailles 

cufiques  dans  le  cabinet  du  roi  de  Danemark  ,  par  M.  Jac.  Chu 

Lindberg.  (  Article  de  M.  Silvestre  de  Sacy.  ). , 63p. 

Bejdragen  tôt  de  Flora  van  Nederlandsch  Indie ,  uitgegeven  door  C*  L. 

Blume.  (  Article  de  M.  Abel-Rémusat.  ) 63a. 

Nouvelles  littéraires *  .  t O^i 

FIN  DE  LA  TABLE. 


JOURNAL 


DES   SAVANS 


NOVEMBRE    J830. 


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A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 

1830. 


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Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  40  fr.  par  la  poste»  hors  de  Paris,  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
librairie  LEVRAULT,  à  Paris,  rue  de  la  Harpe,  n.°  85  ;  et  à  Strasbourg, 
rue  des  Juifs,  n.°  33.  Il  faut  affranchir  les  lettres  et  l'argent. 

Les  livres nouvea ux,  les  lettres ,  avis ,  mémoires,  &c. ,  qui 
peuvent  concerner  LA  ftÉDAGTWff'  de-  ce  journal ,  doivent  être 
adressés  [au  bureau  du  Journal  des  Savans,  à  Paris,  rue  de 
Ménil-montant ,  n.°  22. 


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JOURNAL 


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DES  S  A  VAN  S. 


NOVEMBRE    1830. 


Annals  and anti quittes  of  Rajasthan ,  or  the  central  and  western 
Rajpoot  states  of India,  by  lieutenant- colonel  James  Tod, 
la  te  political  agent  to  the  western  Rajpoot  states;  vol,.  I.  — ^ 
Annales  et,  antiquités  du  Rajasthan ,  ou  des  états  des  Rajr 
poiites  dans  les  répons  centrales  et  occidentales  de  l  Inde  0  par 
M.  le  lieutenant-colonel  J.  Tod  ;  cl- devant  agent  politique 
auprès  des  étais  occidentaux  dès  Rajpoutes;  tome  I.  Londres. 
1 829  ,  xxx  et  806  pag.  grand  in-4.0,  avec  divers  tableaux 
et  planches  gravées. 


v^j'EST  peut-être  une  entreprise  téméraire  que  d'essayer  de  fore  con- 
noître,  même  très-superficiellement,  en  un  ou  deux  articles  <Tun 
journal ,  un  volume  in- 4* de  plus  de  800 .pages ,  où  la  mythologie  et 
Fhistoire ,  des  traditions  embellies  ou  défigurées  par  l'imagination  dès 
poètes  et  des  conjectures  plus  ou  moins  plausibles,  mais  toujours 
fondées  sur  un  nombre  infini  de  rapprochement  ingénieux ,  les  antiquités 
et  les  monutaens  de  tout  genre,  comme  les  aventures  personnelles  d'un 
voyageur ,  les  questions  les  plus  délicates  de  la  critique  historique  et 
les  considérations  les  plus  graves  de  la  politique ,  se  trouvent  réunis 
ou  plutôt  mêlés  et  coitfbndus  ;  un  ouvrage  pour  la  juste  appréciation 
duquel  il  faudrait,  à  chaque  instant,  avant  d'admettre  ou  de  rejeter  les 
opinions  de  l'auteur ,  peser  et  soumettre  à  répreuve  de  fa,  critique  les 
preuves  empruntées  aux  historiens  cfe  la  Grèce  et  de  Rome ,  aux  poètes 
et  aux  mythologues  indiens,  aussi  bien  qu'aux  anciennes  chroniques  de$ 

Mrtimm  a    %  *,*!" 


644  JOURNAL  DES  SAVA-NS,  ' 

peuples  du  nord  et  de  toutes  ces  nations  que  l'Asie  a  vomies  à  diverses 
époques  sur  l'Europe;  un  ouvrage,  enfin,  où  jouent  un  rôle  très-  « 
important  les  ^étymologies  et  la  comparaison  des  langues ,  genre  de 
preuves  dont  F  usage  légitime  est  cértairiefaient  chine  grande  autorité , 
mais  dont  il  est  si  facile  d'abuser.  Aussi  devons-nous  ', "avant  tout,  nous 
empresser  d'avertir  les  lecteurs  que ,  tout-à-fait  étrangers  aux  langues 
de  l'Inde ,  et  inhabiles  par  conséquent  à  appliquer  la  critique  aux  monu- 
mens  écrits  de  tout  genre  de  ce$  contrées  »  nous  admettrons  toutes  les 
autorités  qu'ils  fournissent  au  savant  auteur,  lors  même  que  nous 
pourrions  concevoir  quelques  doutes  sur  leur  authenticité  ou  leur 
interprétation.  Nous  serons  d'ailleurs  obligés  à  passer  tout-à-fait  sous 
silence  plusieurs  des  objets  qui  occupent  une  place  importante  dans 
l'ouvrage  de  M.  Tod,  ou  à  les  indiquer  seulement  en  peu  de  mots.  Ce- 
qui  nous  occupera  principalement ,  ce  sera  de  faire  connohre  jusqu'à 
quel  point  on  peut  espérer  de  trouver,  dans  les  traditions  et  les  monu- 
mens  du  Rajas than ,  quelques  données  certaines  ou  du  moins  très- 
Vraisemblables ,  capables  de  former  la  base ,  ou,  si  l'on  veut,  le  canevas 
d'une  histoire  de  rlftde  antérieurement  à  l'invasion  des  musulmans. 

En  dirigeant  principalement  vers  cet  objet  l'attention  des  lecteurs , 
nous  entrons  tovit-à-fkit  dans  les  vues  de  M.  Tod  lui-même,  comme  on 
le  voit  par  l'introduction  qu'il  a  placée  à  la  tète  de  son  livre ,  et  dont 
nous  allons  donner  une  idée.  ' 

Les  espérances  qu'on  avoit  d'abord  conçues  de  trouver  dans  la 
littérature  sanscrite  une  source  abondante  de  notions  historiques  qui 
pourroient  jeter  un  grand  jour  sur  les  premiers  âges  du  monde  ,  ayyit 
été  pendant. long- temps  complètement  déçues  ,  une  opinion  ou,  si  l'on 
veut,  un  préjugé  tout  contraire  a  prévalu  parmi  les  savans,  et  Ton 
croît  assez  généralement  aujourd'hui  que  les  peuples  de  l'Inde  n'ont 
point  et  n'ont  jamais  ëù  d'histoire  nationale.  II  y  a,  suivant  toute 
apparence ,  Beaucoup  d'exagération  dans  cette  opinion,  comme  l'espoir 
que ,  sous  ce  point  de  vue ,  on  avoit  fondé  sur  la  littérature  indienne, 
é.toit  exagéré.  Les  annales  du  royaume  de  Caschmir,  écrites  pàrdiffèrens 
historiens, indiens»  et  que  le  savant  M.  Wilson  a  fait  connoître  dans  le 
tome  XV  àes*  Recherches  asiatiques  9  ont  déjà  prouvé  que  les  compositions 
historiques  ne  sont  pas  étrangères  à  la  littérature  sanscrite ,  et  il  est 
permis  .de  concevoir  l'espérance  de  découvrir  d'autres  ouvrages  du 
même  gjenre.ll  faut  pourtant  observer  que,  quand  on  viendfoit  à  trouver 
beaucoup  d'autres  annales  dçs  provinces  ou  des  royaumes  de  l'Jrtde , 
semblables  zn  Raja  Tarringini  ou  Annales  de  Caschmir ,  l'histoire  des 
âges  anciens  du   monde  y  gagnerait  vraisemblablement   bien  peu. 


NOVEMBRE   1830.  64 

M.  Tod,  au  surplus,  remarque  que  nous  sommes  encore  aujourd'hui  bie 
loin  de  connoître  toute  l'étendue  de  la  littérature  indienne,  et  qu'on 
peut  sans  témérité  attendre  de  nouvelles  lumières  d'un  nombre  considé- 
rable d'anciennes  bibliothèques,  antérieures  aux  invasions  des  musul- 
mans ,  et  qui  ont  échappé  à  leurs  recherches  et  à  leur  fanatisme 
destructeur.  De  semblables  collections ,  soit  publiques,  soit  particu- 
lières, sont  communes  dans  les  provinces  centrales  et  occidentales  de 
l'Inde.  Parmi  les  livres  qu'elles  renferment ,  il  y  en  a  qui  sont  écrits  en 
un  caractère  inconnu  aujourd'hui  aux  propriétaires  de  ces  collections. 
Certes,  il  est  bien  difficile  de  supposer  que,  chez  des  peuples  où  les 
sciences,  les  lettres  et  les  arts  étoient  cultivés  avec  tant  de  succès,  il  ne 
soit  venu  en  idée  à  personne  de  consigner  par  écrit  les  événemens  qui 
intéressoient  les  nations  ou  les  princes.  Comment  un  peuple  qui  nous 
a  laissé  tant  de  monumens  de  son  existence  et  de  sa  grandeur,  dans  les 
ruines  de  Hastinapour  et  d'Indraprestha  (aujourd'hui  Dehlî) ,  d'Anhal- 
warra  (Nehrwala  ou  Pattan,  dans  le  Guzarate)  et  de  Soumenat, 
dans  les  excavations  d'Éléphanta  et  tfEIIora ,  auroit-il  été  sans  histo- 
riens !  Ne  faut-il  pas  plutôt  attribuer  la  disette  de  monumens  historiques 
écrits ,  aux  musulmans  qui ,  à  tant  de  reprises  ,  depuis  bien  des  siècles , 
ont  envahi  et  dévasté  ces  contrées!  C'est  un  fait  dont  ces  invasions 
étrangères  suffisent  pour  rendre  compte,  que  ,  pour  les  temps  qui  se 
sont  écoulés  depuis  la  mémorable  guerre  qui  fait  le  sujet  du  grand 
poème  épique  Makabharata,  jusqu'à  l'expédition  d'Alexandre,  et  depuis 
ce  grand  événement  jusqu'à  l'invasion  de  Mahmoud  le  Gaznévide,  la 
littérature  indienne  a  offert  à  peine  à  la  curiosité  des  Européens  quelques 
lignes  vraiment  historiques,  excepté  toutefois  les  annales  de  Caschmir. 
Cependant,  dans  l'Histoire  héroïque  de  Pirthiraja  (i),  le  dernier  des 
souverains  indiens  de  Dehli,  écrite  par  le  barde  Tchand  (  je  me  sers  ici 
de  la  dénomination  de  barde  ,  parce  que  c'est  elle  qu'emploie  constam- 
ment M.  Tod  )  ,  nous  trouvons  des  indications  qui  nous  autorisent  à 
penser  que ,  lorsqu'il  écrivoit ,  il  existoit  des  compositions  de  la  nature 
de  la  sienne  propre ,  pour  les  temps  qui  séparent  Mahmoud  le  Gaz- 
névide de Schéhab-eddin  Gouride  (  1000  de  J.  C.  à  noj  ). 

Au  reste,  dit  M.  Tod  ,  si  nous  manquons  encore  ,  pour  l'histoire 
ancienne  de  l'Inde,  d'annales  proprement  dites,  il  existe  une  foule 
d'autres  sources  qui,  sous  la  main  d'un  critique  habile  et  patient,  peuvent 

(1)  Pour  la  transcription  des  nomi  indiens ,  je  me  suis  en  général  conformé 
à  1  orthographe  de  M.  Tod  ,  excepté  dans  le  cas  où  leur  prononciation  mVtoic 
parfaitement  connue. 


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646  JOURNAL  DES  S  A  VAN  S, 

fournir ,  pour  remplir  cette  lacune  f  dès  matériaux  qui  ne  sont  nulle-» 
ment  à  mépriser.  Au  premier  rang  sont  les  Pourana,  Ces  ouvrages  t 
toujours  suivant  M.  Tod ,  au  milieu  de  détails  mythologiques  ,  dajlé- 
gories ,  et  de  circonstances  improbables ,  contiennent  néanmoins  beau* 
coup  .de  faits  qui  peuvent  servir  comme  de  points  de  reconnoissanoe 
pour  diriger  les  recherches  de  l'historien*  M.  Tod  applique  aux  Pouranfi 
ce  que  Hume  a  dit  des  annales  et  des  annalistes  de  i'heptarchfe 
saxonne  (i);  et  ce  jugement  réduit,  ce  nous  semble,  à  bien  peu  de 
chose  le  secours  que  l'histoire  peut  attendre  des  Pourana  :  d'ailleurs  f 
pour  faire  uii  usage  légitime  de  ces  légendes ,  et  ?vant  d'entreprendre 
avec  quelque  espoir  de  succès  le  départ  de  la  vérité ,  cachée  peut-être 
sous  ces  fables ,  il  fàu droit  pouvoir  fixer  avec  vraisemblance  l'époque 
où  chacun  de  ces  livres  a  été  écrit ,  en  connoître  les  auteurs,  et  savoir 
sous  l'influence  de  quelles  circonstances  ils  ont  été  composés.  Or ,  c'est 
précisément ,  nous  le  croyons  du  moins ,  ce  que ,  jusqu'à  présent ,  if 
n'est  point  possible  de  faire. 

Les,  poèmes  héroïques  de  l'Inde  sont  la  seconde  source  à  laquelle 
peut  puiser  l'historien.  «  Dans  l'Inde ,  dit  M.  Tod ,  Calliope  a  reçu  Iç 
»  culte  des  bardes,  depuis  le  temps  de  Viyasa,  contemporain  de  Job  , 
»  jusqu'à  celui  de  Béni-dasa ,  le  chroniqueur  actuel  du  Méwar.  Les 
»  poètes  sont  les  principaux ,  pour  ne  pas  dire  les  seuls  historiens  de 
»  l'Inde  occidentale ,  et  il  n'en  manque  pas  ;  toutefois  ils  ont  un 
»  langage  particulier ,  qui  veut  être  traduit  dans  le  langage  simple  de 
»  la  probabilité.  En  dédommagement  de  leur  enflure  et  de  leur  obscu- 
»  rite ,  leur  plume  est  libre  ;  le  despotisme  des  princes  rajpoutes  ne 
»  s'étend  point  jusqu'aux  chants  des  poètes  ;  ces  chants  coulent  sans 
»  autre  contrainte  que  celle  que  leur  impose  la.  rigueur  inflexible  dé 
»Ia  s  tance  serpentine  [  tchand  bhoijounga  ] ',  contrainte  qui,  il  faut 
»  l'avouer ,  n'est  pas  un  petit  obstacle  à  la  marche*Iibre  de  la  muse 
»  historique.  »  Il  est  fâcheux  que  cet  éloge  de  la  liberté  que  le  despo- 
tisme laisse  à  la  plume -du  poète,  éprouve,  de  l'aveu  de  M.  Tod,  u&e 

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(i)  ce  Elles  abondent  en  noms,  mais  sont  extrêmement  stériles  en  faits, 
»  ou  bien  ces  faits  sont  tellement  racontés,  dépouillés  de  leurs  causes  ec  de 
»  leurs  circonstances ,  aue  l'écrivain  le  plus  profond  et  le  plus  éloquent  doit 
•  désespérer  de  les  rendre  instructifs  ou  amusa n s  pour  le  lecteur.  Les  moines 
»(  substituez  aux  moines  les  brahmines)  vivant  éloignés  des  affaires  publiques , 
»  ne  considéraient  toutes  les  transactions  civiles  que  dans  leurs  rapports  avec  les 
»  affaires  ecclésiastiques,  et  étoiem  excessivement  crédules ,  amis  du  merveil- 
leux et  enclins  à  l'imposture.  »  Nous  pensons  que,  pour  ce  dernier  trait,, 
l'historien  anglais  a  cédé  lui-même  à  un  sentiment  de  partialité.  v 


NOVEMBRE   1830.  647 

bien  importante  restriction ,  par  la  libéralité  avec  laquelle  les  princes 
paient  la  louange  et  ia  flatterie  ,  et  par  l'empressement  des  poètes  à 
obtenir  le  prix  de  leurs  complaisances.  Sans  doute  cette  circonstance 
diminue  de  beaucoup  le  .prix  que  l'historien  peut  attacher  à  ces  poèmes 
héroïques,  ce  qui  n'empêche  pas  toutefois  que,  quand  ils  sont  dus  à 
des  poètes  contemporains  de*  princes  qu'ils  chantent,  l'histoire  ne  puisse 
tirer  un  parti  très -utile  de  ces  compositions.  Peut-être  y  a-t-il  bien  peu 
à  attendre,  pour  l'histoire  proprement  dite ,  des  épopées  mythologiques , 
telles  que  le  Mahabkarata  et  le  Ramayana  ;  au  contraire ,  des  poèmes 
historiques,  tels  que  celui  dont  M.  Tod  invoque  souvent  l'autorité,  et 
qu'il  a  fait  connoître  dans  un  mémoire  inséré  dans  la  première  partie 
du  tome  I  des  Aie  m  oins  de  la  Société  asiatique ,  je  veux  dire  l'histoire 
héroïque  de  Pirthiraja  par  Tchand,  présentent  un  intérêt  très-réel  à 
l'historien.  Il  seroit  à  souhaiter  qu'on  en  possédât  un  grand  nombre 
de  ce  genre,  composés  a  diverses  époques,  sur-tout  s'ils  étoient 
antérieurs  aux  invasions  des  Musulmans. 

Enfin  il  existe  encore  une  troisième  sorte  de  documens  qui ,  sans 
avoir  pris  leur  naissance  dans  l'intérêt  de  l'histoire  politique  et  civile  de 
l'Inde,  contiennent  cependant  un  nombre  considérable  de  renseigne- 
mens  historiques ,  propres  à  jeter  du  jour  sur  la  géographie  et  la  chro- 
nologie. Je  veux  parler  des  monnoîes,  des  inscriptions  gravées  sur  la 
pierre  et  sur  le  cuivre ,  relatives  à  la  construction ,  la  réparation  et  la 
dotation  des  temples  ou  autres  établissemeus  religieux;  des  légendes 
conservées  par  les  brahmines,  concernant  le  même  objet,  et  ainsique 
les  rites  et  les  cérémonies  pratiquées  dans  les  lieux  de  pèlerinage; 
enfin  des  écrits  qui  ont  trait  aux  controverses  religieuses,  et  qui  sont 
entre  les  mains  des  djaïnas.  Parmi  cette  troisième  sorte  de  documens, 
on  conçoit  facilement  de  quelle  importance  sont,  sur-tout  sous  le  rap- 
port chronologique ,  les  inscriptions ,  et  les  titres  de  concession  gravés 
sur  des  planches  de  cuivre. 

Tefs  sont  les  divers  matériaux  a  la  recherche  desquels  M.  Tod  s'est 
livré  avec  un  zèle  digne  des  plus  grands  éloges ,  pendant  plusieurs 
années  que  les  intérêts  politiques  de  la  compagnie  des  Indes  et  les 
devoirs  de  sa  place  l'ont  obligé  a  passer  dans  la  partie  de  l'Hindoustan 
qui  est  connue  sous  les  noms  de  Rajpoutana  ou  province  d'Ajmir , 
et  qu'il  désigne  sous  la  dénomination  de  Rajasthan.  Je  dois  passer  les 
détails  qu'il  donne  sur  le  nombre  et  la  nature  des  matériaux  que  lui 
ont  fournis  ses  recherches ,  et  sur  les  secours  de  tout  genre  dont  il  a 
fait  usage  pour  s'en  procurer  l'intelligence  ;  mais  je  ne  saurois  omettre 
de  faire  remarquer,  avec  l'auteur,  qu'il  ne  faut  point  juger  de  fimpor- 


I 


6A&  JOURNAL  DES  SA  VAN  S, 

tance  que  doit  avoir  l'histoire  de  ce  pays ,  par  le  rôle  très-secondai» 
que  jouent  aujourd'hui  les  Rajpoutes  et  leurs  états  dans  FInde  centsaie 
et  occidentale.  Peut-être  le  lecteur  ne  partagera-t-il  pas  tout  Teinfiatè 
siasme  de  M.  Tod  pour  un  peuple  et  une  contrée  auxquels  ii  * 
consacré  tant  (Tannées  de  voyages ,  de  travaux  et  de  recherches  pénibles; 
mais,  s'il  esc  impartial ,  il  sera  forcé  d'avouer  que,  san$  cet  enthousiasme, 
fauteur  auroit  été  bientôt  rebuté  par  les  difficultés  de  cette  entreprise; 
et  l'Europe  eût  été  privée ,  peut-être  pour  toujours ,  des  lumières  que 
son  travail  ne  peut  manquer  de  jeter  sur  l'histoire  entière  de'  l'Inde. 

En  ce  qui  concerne  l'antiquité  des  familles  de  Rajpoutes  qui  se 
partagent  présentement  ht  souveraineté  plus  ou  moins  indépendant»  du 
Rajasthan,  je  ne  puis  mieux  faire  que  de  transcrire.ee  qu'en  dit  M.  Tod 
«  De  toutes  les  dynasties ,  dit-il ,  qui  exercent  aujourd'hui  autorité  dus 
»  FInde  centrale  et  occidentale ,  il  n'y  en  a  que  deux  dont  l'origine  né 
»  soit  pas  complètement  renfermée  dans  les*  limites  de  la  probabilité 
»  historique;  toutes  les  autres  n'ayant  dû-  leur  premier  établissement 
»  qu'au  progrès  des  armes  musulmanes ,  leurs  annales  sont  confirmées 
«  par  celles  du  peuple  conquérant.  Ii  est  de  fait  que  toutes  les  familles 
»  qui  existent  maintenant ,  n'ont  obtenu  leurs  domaines  actuels  qu'à 
»  des  époques  postérieures  aux  invasions  des  Musulmans ,  à  l'exception 
»  des  états  de  Méwar  et  de  Jessebner,  et  de  quelques  principautés  plus 
»  petites  situées  dans  le  désert  ;  tandis  que  d'autres  familles  de  la  plus 
»  haute  importance,  telles  que  celles  de  Promara  (  ou  Puar),  et  de 
»SoIanki,  qui  gouvemoient  à  Dhar  (Daranaggar)  et  Anhalwarm, 
»  ont  cessé  d'exister  depuis  plusieurs  siècles.  » 

Le  passage  suivant  n'est  pas  moins  important ,  puisqu'il  expose  en 
quelques  lignes  un  objet  que  M.  Tod  nous  paroît  n'avoir  jamais  perdu 
de  vue  dans  tout  le  cours  de  ses  recherches  et  dans  la  rédaction  de  son 
ouvrage,  ce  J'ai  osé  affirmer ,  c'est  ainsi  qu'il  s'exprime ,  et  j'ai  essayé  de 
»  prouver  que  les  tribus  martiales  du  Rajasthan  et  celles  de  l'ancienne 
»  Europe  ont  une  origine  commune.  Je  me  suis  étendu  un  peu  I&igte- 
»  ment  sur  les  preuves  qui  établissent  l'existence  dans  l'Inde ,  d'un 
»  système  féodal  semblable  à  celui  qui  a  dominé  dans  FEurope  coati» 
n  nehtale  pendant  les  âges  passés ,  et  dont  il  reste  encore  des  traces  dans 
»  les  lois  de  notre  propre  nation.  »  M.  Tod  n'ignore  pas  que  des 
systèmes  de  ce  genre  ne  trouvent  pas  un  accès  facile  dans  les  esprits» 
naturellement  prévenus  contre  de  semblables  rapprochemens  ;  mais» 
comme  il  soumet  les  preuves  de  ses  assertions  au  jugement  des  lecteuin» 
il  ne  doit  point  encourir  le  reproche  d'avoir  cherché  à  introduire  dàri* 
l'histoire  des  paradoxes  que  rien  ne,  justifie.  On  connoissoit  déjà  fto 


NOVEMBRE    1830. 


«4j 


partie  son  opinion  à  cet  égard ,  par  le  mémoire  qu'il  a  inséré  dans  le 
tome  I  du  recueil  de  la  Société  asiatique  de  l'Angleterre. 

En  terminant  cette  introduction  ,  M.  Tod  fait  observer  qu'il  n'a  pas 
prétendu  écrire  précisément  une  histoire ,  ce  qui  i'auroit  obligé  d'exclure 
de  son  livre  bien  des  détails  qui,  sous  d'autres  points  de  vue ,  ne  seront 
point  sans  utilité,  et  il  désire  que  l'on  considère  son  ouvrage  comme  une 
réunion  de  matériaux  offerts  à  un  historien  futur;  s'il  a  éprouvé  une 
crainte  ,  en  le  composant,  c'a  été  bien  moins  de  les  trop  multiplier  , 
que  d'omettre  quelque  chose  d'utile. 

Après  avoir  donné  cet  extrait  de  l'introduction  de  M.  Tod  ,  je  dois 
présenter  les  principales  divisions  dont  se  compose  ce  premier  volume. 

On  y  trouve  d'abord  une  esquisse  de  la  géographie  du  Rajasihan  ou 
Rajpoutana,  puis  l'histoire  des  tribus  des  Rajpoutes,  divisée  en  huit 
chapitres.  Vient  ensuite  un  tableau  du  système  féodal  établi  dans  cette 
contrée  ;  il  contient  cinq  chapitres  et  un  appindix.  Une  quatrième 
grande  division  ,  composée  de  trente  chapitres  et  d'un  appendix ,  et  qui 
occupe  environ  six  cents  pages ,  est  partagée  en  trois  subdivisions  : 
i."  annales  de  l'état  de  Méwar,  chap.  t  a  i  8  inclusivement;  2."  établisse- 
mens  religieux,  fêtes  et  usages  de  Méwar,  chap,  19  à  24;  î.°récitdes 
faits  personnels  à  l'auteur  ,  chap.  2  $  à  jo.  h'appendix  est  formé  de  la 
traduction  de  quelques  inscriptions  qui  fixent  des  ères  dans  l'histoire 
des  Rajpoutes,  et  du  traité  conclu  le  ij  janvier  1828,  sous  le 
gouvernement  du  marquis  Hastings  ,  entre  la  compagnie  des  Indes  et 
le  grand  raja  ou  makarana  Bhim-sing,  rana  d'Oudipour. 

Pour  la  partie  géographique ,  il  me  suffira  de  donner  une  idée 
générale  de  ce  qu'on  entend  aujourd'hui  par  Rajasthan ,  Rajwarra , 
comme  on  dit  dans  l'idiome  vulgaire  de  cette  contrée  ,  ou  Rajpoutana  , 
selon  l'appellation  la  plus  commune ,  c'est  à-dire ,  de  la  région  où  sont 
renfermés  les  principautés  ou  domaines  des  Rajpoutes. 

En  se  reportant  a  l'époque  antérieure  à  l'établissement  des  petits 
royaumes  musulmans  de  Mandou  et  d'Ahmedabab  ,  capitales  du  Malwa 
et  du  Guzarate,  établies  sur  les  ruines  de  Dhar  et  d'Anhalwarra-Pattan, 
le  nom  de  Rajasihan  s'applique  à  l'espace  qui  est  terminé  à  l'ouest  par 
la  vallée  de  l'Indus ,  a  l'est  par  le  Boundelkhand ,  au  nord  par  les  déserts 
de  sable  situés  au  midi  du  Sétledje ,  et  nommés  Jongktl-dis  ;  au  sud 
enfin  ,  par  les  monts  Vindhiya,  ce  qui  comprend  à-peu-près  8  degrés 
de  latitude  et  9  de  longitude,  et  produit  une  superficie  de  j 50,000 
milles  carrés.  Parmi  les  états  qui  se  partagent  cette  vaste  contrée,  et  dont 
l'auteur  se  propose  d'esquisser  [a  situation  passée  et  actuelle  ,  il  annonce 
qu'il  s'attachera  sur-tout  a  ceux  qui   sont  situés  au  centre,  savoir  - 

Nnnn 


65ô  JOURNAL  DES  SAVANS, 

t.°  Méwar  ou  Oudipour;  a/  Marwar  ou  Jodpour;  j.°  Bikaneret 
Kischengarh;  4**  Kouta  et  5/  Boundi,  réunis  sous  la  dénomination 
commune  de  Harotî  ;  6.°  Amber  on  Jeypour  avec  ses  dépendances  ; 
7.°  Jesselmer;  8.°  le  désert  indien  jusqu'à  fâ  vallée  de  f  Indus.  Les 
détails  tnès~étendus  dans  lesquels  ii  se  propose  d'entrer  relativement  au 
Méwar,  lui  permettront,  ainsi  qu'il  l'observe,  d'être  plus  court  en 
traitant  des  autres  états.  II  fait  connottre  les  circonstances  qui  iîont  mis 
à  portée  de  recueillir  les  matériaux  à  l'aide  desquels  il  a  composé  sa 
description  géographique  du  Rajasthan,  et  il  en  a  dressé  la  carte  qui 
accompagne  ce  volume.  '>     .  •      • 

Passons  à  fhistnire  des  Rajpoutes.  M.  Tod,  s'appuyant  sur  quelques 

traditions  conservées  dans  les  Pourana ,  et  sur  certaines  circonstances 

qui  lui  paraissent,  d'accord  avec  ces  traditions,  indiquer  une  origine 

étrangère ,  émet,  dès  les  premières  pages  de  son  histoire,  une  hypothèse 

qui  sert  dans  la  suite  comme:  de  point  central  autour  duquel  *e  groupent 

tontes  ses  observations,  savoir,  que  c'est  des  plaines  de  la  Scythte  que 

sont  sortis  les  ancêtres  des  Rajpoutes,  aussi  bien  que  les  colonies  qui 

ont  peuplé  la  Scandinavie;  et  que  les  deux  races  royales  connues  sous 

les  noms  de  Sowrya  et  In  don,  ou  descends»  du  soleil  et  de  la  lune ,  qui 

ne  ton*  que  deux  branchés  d'une  même  fàmitte ,  reoonnoisseitt  pour 

leur  berceau  Communia  région  où  naissent  i'Oxus  et  le  Jaxaitès.  Noue 

auteur  ne  pense  point  qu'il  y  ait  trop  de  témérité  à  admettre  au  nombre 

des  dbcumens  historiques ,  sur  la  foi  des  Pourana  et  de  diverses  légendes 

mythologiques ,  des  listes  de  princes  qui  remontent  de  Vtcrwnaditya  à 

Rama  et  k  Crisihna ,  et  de  ceux-ci  à  Icschwara*  fils  de  Menou ,  tige  de 

la  race  solaire,  et  à  Bouddha,  tige  de  la  race  lunaire.  II  pense  que*, 

d'après  ce  qu'on  lit  dans  les  Pourana  relativement  à  l'origine  de  la 

race  lunaire,  on  est  autorisé  k  conclure  que  ces  généalogies  efisftoimt 

dès  le  temps  d'Alexandre.  C'est,  suivant  lai,  une  circonstance  heureuse 

que  la  chronologie  qui  résulte  des  diverses  listes  généalogiques  fournies 

par  les  Pourana  ne  présente  pas  un  parfait  accord,  que  le  nombre  des 

princes  varie ,  qu'il  y  ait  des  transpositions  dans  le*  noms:  toutefois  les 

principaux  traits  se  reconnoissent  également  dans  toutes  :  ce  d'oà  ¥  on 

»  doit,  dit-il,  tirer  cette  conclusion,  que  ces  listes  sont  l'ouvrage  de 

axKfârens  écrivains,  qui  tous  ont  puisé  à  une  même  source  primitive.  » 

Nous  doutons  beaucoup  que  ce  raisonnement  porte  la  conviction  daats 

l'esprit  de  quiconque  examinera  avec  quelque  attention  ces  listes  et  les 

confrontera  les  unes  avec  les  autres.  Que  des  princes  qui  se  crotent 

rtninenriH  i  du  soleil  et  de  iafoae ,  sachent  par  qccnr  les  noms  et  désire 

respectif, cte:  tous  Jeu*  ancètaesj'^ue  les  généalogistes- de  profettfap 


;    Ilf: 


NOVEMBRE   1830. 


«ji 


puissent  réciter  ces  listes  sans  hésiter,  nous  ne  voyons  pas  trop  ce  que 
cela  prouve.  Ce  qu'il  faudrait  établir  sur  un  fondement  solide  ,  ce  seroit 
l'autorité  des  Pourana  où  l'on  a  dû  puiser  la  connoissance  de  ces 
généalogies.  M.  Tod,  qui  les  admet,  s'autorise  d'un  petit  nombre  de 
laits,  ou  plutôt  de  récits  mythologiques,  d'où  résultent  des  synchro- 
nismes  entre  des  personnages  de  la  race  solaire  et  des  princes  ou  prin- 
cesses de  ia  race  lunaire,  synchronismes  qui  ne  s'éloignent  pas  beaucoup 
de  ceux  que  fourniroit  la  seule  comparaison  des  généalogies  respectives 
de  ces  deux  races.  Mais,  en  supposant  que  ces  synchronismes ,  transmis 
par  des  traditions ,  appartiennent  pour  le  fond  des  événemens  à  l'histoire, 
n'ont-ils  pas  pu  servir  comme  de  jalons  pour  construire  des  généalogies 
fantastiques  !    ■ 

Au  surplus ,  n'oublions  pas  de  faire  observer  ce  que  M.  Tod  dit  lui- 
même  avec  beaucoup  de  vérité  :  «  Quand ,  après  tout,  toutes  ces  généa- 
«  logies  des  anciennes  familles  de  l'Inde  seraient  des  pièces  fabriquées , 
»  du  moins  la  fabrication  remonte  à  une  date  ancienne,  et  ce  sont  la 
n  les  seules  notions  que  ces  familles  elles-mêmes  possèdent  à  ce  sujet. 
»  Après  une  parfaite  connoissance  des  véritables  origines  antiques  des 
«  nations ,  le  pas  le  plus  important  dans  celte  carrière ,  c'est  de  connoitre 
»  ce  que  les  nations  elles-mêmes  regardent  comme  tel.  » 

Je  puis,  je  crois  ,  sans  témérité  ,  appliquer  à  ces  généalogies  ce  que 
notre  auteur  dit  ailleurs  a  l'occasion  des  trente-six  races  royales  du 
Rajasthan.  «  Le  temps  a  emporté  dans  sa  course  plusieurs  de  ces 
»  tribus;  maïs  le  généalogiste  qui  a  horreur  du  vide  dans  sa  mystique 
"  page»  remplit  leur  place  par  d'autres  ,  qui  ne  sont  que  des  branches 
»  de  quelque  ancienne  tige  tombée  dans  l'oubli  (pag.  211  ).  » 

Les  calculs  approximatifs  auxquels  s'est  livré  notre  auteur  ,  l'ont 
déterminé  a  fixer  environ  à  l'an  :  2  s  6  avant  l'ère  chrétienne ,  l'établisse- 
ment dans  Tlnde  des  deux  grandes  races  des  Sourya  et  des  Tchandra, 
c'est-à-dire,  des  descendans  du  soleil  et  de  la  lune.  En  cela  il  s'éloigne, 
comme  il  le  remarque  lut- même ,  deVAgnî-pourana  ,  suivant  lequel  fa 
race  de  Sourya,  venant  de  l'Asie  centrale,  se  seroit  établie  dans  l'Inde  à 
une  époque  antérieure  à  l'arrivée  de  toute  autre  colonie  étrangère.  Ce 
qui  l'oblige  à  faire  coïncider  l'établissement  des  deux  races  dans  l'Inde  , 
c'est  que  Bouddha  doit  avoir  épousé  Ella,  c'est-à-dire  ,  fa  terre ,  sœur 
<rfcschwara. 

Les  traditions  indiennes  sur  les  diverses  fondations  de  royaumes  et  de 
villes  attribuées  à  des  princes  des  deux  races ,  occupent  ensuite 
M.  Tod;  maïs  ces  traditions,  semblables  à  celles  de  tous  les  peuples 
de  POrient,  ont  presque  toujours  pour  bases  des  synonymies;  et  le* 


65a  JOURNAL  DES  SAVANS, 

noms  des  fondateurs  pourraient  bien  n'avoir  été  inventés  que  plusieurs 

siècles  après  la  fondation  des  villes  ou  des  royaumes:  ce  qui  ne  veut 
pas  dire  toutefois  que  toutes  ces  traditions  soient  fausses  et  inutiles  à 
recueillir ,  mais  signifie  seulement  qu'elles  peuvent  difficilement  servir 
de  fondement  à  la  chronologie  et  à  l'histoire. 

Depuis  Rama  et  Crischna  jusqu'à  Vicramaditya ,  il  est  assez  vraisem- 
blable que  peu  à  peu  la  mythologie  fait  place  à  l'histoire ,  et  que , 
parmi  ce  grand  nombre  de  noms  dont  se  composent  les  listes  généa- 
logiques, ceux  auxquels  se  rattachent  quelques  événemens,  appartiennent 
'effectivement  à  des  personnages  dont  la  mémoire  s'est  conservée, 
mais  qu'on  les  a  liés  entre  eux  par  des  degrés  intermédiaires  dont 
l'authenticité  est  fort  douteuse  ;  en  sorte  qu'on  ne  peut  assigner  aux 
faits  aucune  date  qui  ne  soit  très- hasardée.  Tout  au  plus  l'époque  de 
l'invasion  v  d'Alexandre  peut-elle  fournir  un  synchronisme  qui  fixe  un 
point  au  milieu  de  ce  long  espace  de  temps ,  où  cinquante-six  rois  se 
succèdent  dans  la  race  de  Sourya,  depuis  Rama  jusqu'à  Soumhra, 
lequel  ne  précède  que  de  peu  de  temps  Vicramaditya.  On  les  connoît 
sous  le  nom  de  Sotuyavansa.  Les  princes  actuels  qui  font  remonter  leur 
origine  à  la  race  solaire ,  descendent ,  dit-on ,  Tes  uns  de  Lava,  les  autres 
de  Casch  ,  tous  deux  fils  de  Rama ,  ce  qui  au  surplus  est  encore  sujet 
à  une  variété  d'opinions.  Quant  à  ceux  qui  se  vantent  d'appartenir  à  là 
race  lunaire  ou  de  Tchandra ,  les  uns  s'y  rattachent  par  Youdischtra,  fils 
de  Pandou  et  frère  cTArjouna,  les  autres  par  Jarasandha ,  qui,  ainsi 
qu'Arjouna  et  Youdischtra  ,  appartient  à  l'époque  du  Mahabharala  : 
ces  deux  lignes  collatérales  portent  en  commun  le' nom  SIndouvansa. 
M.  Todreconnoît  que  la  liste  desdescendansde  Pandou  par  Youdischtra, 
lesquels  régnèrent  à  Indraprestha  ou  Dehli ,  est  entièrement  vide  de 
faits  ,  ce  qui  assurément  doit  la  faire  paroître  bien  problématique.  À  la 
vérité,  s'il  étoit  bien  démontré  que  Youdischtra  eût  institué  une  nouvelle 
ère ,  appelée  de  son  nom ,  et  dont  l'usage  se  conserva  durant  onze 
cents  ans ,  jusqu'à  la  conquête  cTIndraprestha  par  Vicramaditya ,  il  ne 
pourroit  point  rester  de  doute  sur  l'époque  de  Youdischtra  et  de  la 
fondation  cTIndraprestha ,  que  M.  Tod  fixe  par  approximation  à  1 1 79 
ans  avant  J.  C.  et  1 123  aqs  avant  Vicramaditya.  Mais  s'il  en  étoit 
ainsi,  M.  Tod  lui-même  n'auroit  pas  eu  besoin  de  calculs  approximatifs 
pour   fixer  l'époque   de  Youdischtra,  dont   les  aventures  d'ailleurs 
appartiennent  évidemment  à  la  fable  bien  plus  qu'à  l'histoire. 

•Nous  voilà  parvenus  au  sixième  chapitre  de  l'histoire  des'Rajpoufep,, 
et,  (jfoprès  le  titre  que  porte  ce  chapitre,  Histoire  généalogique  des  tribus 
dfjf  Qa)poutcs  depuis  V\cramadîtya ,  on  pourroit  s'attendre  à  y  trouver 


NOVEMBRE   l 


830. 


«S3 


des  listes  des  princes  par  lesquels  les  familles  royale»  ou  princières  du 
Rajasthan  se  rattachent,  soit  a  Vicramaditya,  soit  aux  personnages  des 
branches  des  Souryayansa  ou  des  Indouvansa,  contemporains  de  ce  roi. 
Cependant  ce  qui  est  relatif  à  ce  sujet  a  été  dit  dans  le  chapitre  v  , 
ou  est  réservé  pour  le  chapitre  VU,  et  le  chapitre  V!  n'est  que  le 
développement  des  deux  paragraphes  par  lesquels  il  commence,  et  que 
nous  devons  mettre  sous  les  yeux  des  lecteurs. 

«  Ayant  ainsi  tracé,  dit  M.  Tod ,  l'histoire  généalogique  des  anciennes 
»  races  guerrières  de  l'Inde,  en  descendant  depuis  la  plus  ancienne 
m  période  jusquà  Youdischtra  et  Crischna,  et  de  la  jusqu'à  Vicrami- 
»  ditya  et  jusqu'à  présen  t ,  il  ne  sera  pas  hors  de  propos  de  faire  quelques 
»  observations  sur  les  races  qui ,  durant  ce  dernier  espace  de  temps  , 
»  ont  fait  des  invasions  dans  l'Inde  ,  et  occupent  aujourd'hui  une  place 
»  parmi  les  trente-six  familles  royales  du  Rajasthan. 

»  Les  tribus  dont  j'entends  parler  ici  sont  les  Hya  ou  Aswa,  les 
»  Takschac  et  les  Jit  ou  Cites.  H  semble  qu'on  trouve  un  garant  de 
»  leur  communauté  d'origine  avec  les  Chinois,  les  Tartares ,  les 
nMogoIs,!es  Hindous  et  les  Scythes,  dans  les  traits  de  ressemblance 
»  que  présentent  leur  théogonie ,  les  noms  compris  dans  leurs  antiques 
»  généalogies,  et  beaucoup  d'autres  points.  » 

Il  est  nécessaire  d'ajouter  que,  sous  le  nom  de  Scythes ,  notre  auteur 
comprend  toutes  les  peuplades  qui ,  à  diverses  époques  ,  ont  passé  des 
contrées  élevées  de  l'Asie  centrale  dans  l'Europe.  Aussi  dans  la  compa- 
raison que  M.  Tod  fait  de  la  religion,  des  mœurs,  des  coutumes,  des 
vétemens  de  ces  diverses  nations ,  avec  ceux  des  habitans  du  Rajasthan  , 
on  voit  figurer  les  Ases,  les  Celtes  et  leuws  druides,  les  Germains  ,  les 
Suèves  ,  les  Cattes,  les  Cimbres  ,  les  Huns,  les  Goths  ,  les  Comans  , 
et  toutes  les  tribus  de  la  Scandinavie.  N'est-il  pas  à  craindre  que  tant  de 
rapprochemens  avec  un  si  grand  nombre  de  nations  diverses,  n'af- 
foiblissent  plutôt  qu'ils  ne  fortifient  le  système  de  M.  Tod ,  et  qu'à  force 
de  vouloir  trop  prouver,  il  n'ait  rien  démontré!  Bornons-nous  au 
surplus  à  transcrire  ce  qu'il  dit  en  finissant  ce  chapitre. 

«Je  terminerai  ici  ces  analogies  entre  les  races  indo-scythiques  du 
n  Rajasthan  et  celles  de  l'ancienne  Europe.  J'aurois  pu  les  multiplier. 
»Les  anciens  caractères  runiques  de  la  Scandinavie,  ceux  des  Celtes, 
»  des  Osques  et  des  Etrusques ,  comparés  avec  ceux  qu'on  voit  dans 
»  les  temples  souterrains  et  sur  les  rocs  du  Rajasthan  et  du  Saouraschtra 
»  (  le  Guzarate  ) ,  offrent  encore  des  traces  évidentes  d'une  primitive 
»  ressemblance,  et  le  nom  même  des  Germains,  formé  de  wrr  [ guttrt] , 


M  JOURNAL  ÛfeS  SAVANS, 

y 

»  pourroft  être  considéré  comme  dérivé  des  mots  wer  (dispute]  et  whî 

*  f  ennemi]  ;  n*it&  chez  les  Rafpoutes. * 

a>  S!  ces  coïncidences  sont  purement  accidentelles ,  fen  ai  déjà  trdp 
»dit;  sinon,  les  autorités  que  j'ai  citées  et  les  hypothèses  que  fia 
»  énoncées  i  pourront  servir  à  d'autres  écrivains.  »     . 

Ajoutons  seulement  que  M.  Tod  rapporte  la  première  migration  des 
nations  scythiques  dans  l'Inde,  au  vi.*  siècle  avant  J.  C;  que,  sefoli 
les  Pourana  qull  cite  &  ce  sujet,"  on  ne  trouvera  plus  (fans  ï'Inde 

*  autan  prince  d'un  sang  pur  (  c'est-à-dire ,  sans  doute ,  descendant 
*ikm  mélange  des  rates  salaire  et  lunaire) ,  mais  que  les  Soudra,  les 
nTihtkac  et  les  Yavàna  (c'est-à-dire,  les  Turcs  et  lès  Grecs)  pire- 
»  vaudront.  *  On  voit  que  ceci  est  dit  sous  la  forme  d'une  prédiction , 
qu'il  faut  prendre  touteftfe ,  avec  M.  Tod ,  pour  Pénoncé  d'un  fidt 
passé  à  l'époque  oit  ce  Poutana  a  été  écrit.  M.  Tod  a  cherché  à  établir 
que  tes  époques  des  invasions  des  races  scythiques  iTmïilHtilf  ufljt  I 
dent  avec  celles  de  leurs  migrations  daps  fÀsie  mineure  et  dans*  ht 
Scandinavie.  Enfin  il  tient  pour  certain  qu'elles  profesoient  toutes-  la 
refigloti  de  Bouddha* 

De  ces  hypothèses  archéologiques ,  notre  auteur  passe  an  tableau  des 
trente-six  races  royales,  ou  éteintes,  ou  encore  existantes,  qui  ont  partagé 
ou  se- partagent  aujourd'hui  b  possession  du  Rajasthaa,  et  à  h  dts- 
ctrtsfon  de  ce  tableau. 

Le  tableau  présente  plusieurs  listes  assez  peu  d'accord  sur  un  giand 
notnbifé  de  noms ,  et  dont  quelques-unes  ne  contiennent  pas  le  nombre 
comtpfef  de  trente^six.  L'auteur  a  soin  de  faire  connoftre  les  sources  ^|ui 
fui  ont  fourni  ces  diverses  listes,  et  il  déclare  qu'il  s'arrêtera  à  h  phtt 
complète ,  qui  est  ie  fruit  de  ses  propres  recherches,  et  que  c'est  (FapÉfes 
cette  liste  qu'il  se  guidera  pour  donner  une  esquisse  rapide  de  chacune 
des  trerite-six  races  royales  ou  raj-cala.  Parmi  ces  races  ou  cala .  H  y  en 
a ,  et  <?e*t  le  plus  grand  nombre,  qui  se  divisent  en  satcha  ou  brandies, 
et  se  subdivisent  en  jrùtrà  ou  familles  :  un  tiers  environ  n'ont  aucune 
ramification  ;  on  appelle  ce?Ies-cî  ika. 

Oritte'  ces  racés  ou  tribut  mHitaîres,  on  connoît  encore,  dans  le 
ftéjÉktftirt,  quatre  vihgtH^uatre  tribus  marchandes ,  la  plupart  Rafpoute* 
(farjgfde,  puis  dès  tnbusiaborigènes ,  agricoles  et  pastorales.  WL  Tod 
ne  donne  de  toutes  ces  autres  tribus  que  les  noms. 
"  VDans  tes  i^es  ândèhs,  dît-if,  fl  n'y  avoit  que  deux  races,  ceBes  dé 
*'9Mty*  et  Tcfiari8ft£^que!fcs  eh  ftirenta^outées  quatre  autres  qfat^of- 

»  tout  Toutes  les  autres  sont  ou  des  subdivisions  des  deux  races  primitives 


NOVEMBRE   1830.  6(î 

»  Sourya  et  Tchandra ,  ou  bien  des  salcka  ou  branches  d'origine  indo- 
»  scythi'que,  qui  obtinrent,  sans  beaucoup  de  difficultés,  avant  1ère 
m  mahométane ,  une  place,  quoique  fort  inférieure ,  parmi  les  trente-six 
«races  royales  du  Rajasthan.  Nous  pouvons  assez  convenablement 
»  considérer,  pour  le  moment ,  les  premières  comme  les  races  celtiques , 
»  et  les  autres  comme  les  races  gothiques  de  l'Inde.  » 

M.  Tod  nous  apprend  que  chaque  xzce(satcha)  a  son  gotmatckarya, 
ou  sa  profession  de  ibi  généalogique,  contenant  les  particularités 
essentielles  qui  la  concernent,  ses  opinions  religieuses,  et  l'indication  de 
son  ancienne  résidence  (tj.  Chaque  Rajpoute  devroit  être  en  état  de 
répéter  de  mémoire  son  gotra-atcharya  ;  mais  aujourd'hui ,  il  n'y  a  guère 
que  le  prêtre,  le  généalogiste  ou  le  poète  de  la  tribu  qui  possèdent  par 
cœur  ce  titre  de  famille,  lequel  est  cependant  dune  grande  autorité 
pour  fixer  les  affinités,  et  la  légitimité  ou  l'illégitimité  des  mariages- 

Après  ces  généralités,  Al.  Tod  parcourt  successivement  toutes  ces 
races  royales ,  et  donne  sur  chacune  d'elles  quelques  détails  historiques, 
trop  courts  pour  qu'on  puisse  en  apprécier  l'authenticité  et  la  liaison  , 
et  d'ailleurs  dénués  des  preuves  qu'on  seroit  en  droit  d'exiger.  Sans 
doute  il  a  réservé  ces  détails  pour  la  suite  de  son  ouvrage ,  qui  doit 
contenir  une  histoire  proprement  dite,  sinon  de  toutes  ces  races,  du 
moins  des  principales.  Ici  il  s'est  contenté  de  fixer  les  points  les  plus 
importans,  et,  si  j'ose  m'exprimer  ainsi,  de  tracer  Jes  premiers  linéamens 
de  toutes  ces  histoires  particulières.  Je  vais  en  donner  une  idée,  en 
prenant  pour  exemple  la  race  nommée  Tuar. 

«  La  famille  des  Tuar ,  quoique  reconnue  pour  n'être  qu'une  subdi- 
»  vision  des  JWoa,  est  admise  par  les  meilleurs  généalogistes  au 
»  nombre  des  trente-six  races ,  rang  auquel  sa  célébrité  lut  donne 
«  justement  droit.  D'ordinaire  nous  pouvons  donner  l'étymologîe  du 
m  nom  de  chaque  race  célèbre.  Nous  n'en  avons  aucune  pour  les  Tuar  , 
»  et  nous  devons  nous  contenter  de  l'assertion  du  barde ,  qui  affirme 
»  qu'ifs  tirent  leur  origine  des  Pandou.  Quand  les  Tuar  n'auroîent  a 
"  se  faire  honneur  que  de  Vicramaditya ,  ce  monarque  souverain  de 
"l'Inde,  dont  i'ère,  qui  commence  cinquante-six  ans  avant  J,  C.  , 
»  sert  encore  aujourdhuî  comme  de  base  à  toute  la  chronologie  în- 
»  dienne,    cela   suffiroit   pour  leur   assurer  le  plus   haut    rang.    Mai» 

(l)  Il  me  semble  que  M.  Tod  n'a  pas  toujours  apporté  assez  de  rigueur 
dam  l'usage  des  mot*  race  (cala),  branche  (sarcha),  et  famille  {  gotra ) ,- 
en  général  j'ai  pensé  ne  devoir  rien  changer  à  sa  technologie  ,  lor»  misa*  tjae 
j'ai  cm,  à  tort  peut-être,  y  remarquer  quelque  confulieo.     . 


m 


6)6  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

»  cette  race  loyale  a  encore  d'autres  titres  à  nôtre  respect.  Dehli , 
»Fancienne  Indraprestha ,  fondée  par  Youdischtra,  et  qui ,  suivant  la 
»  tradition ,  •  étoh  demeurée  dans  un  état  de  ruine  pendant  huit  cents 
»  ans ,  fut  rebâtie  et  repeuplée  par  Anangpal  Tuar ,  en  l'an  808  du 
*> sombrât  (c'est-à-dire,  de  Père  de  Viaramaditya  ) ,  792  de  J.  C. 
»  Anangpal  fut  suivi  (Tune  dynastie  de  vingt  princes,  dynastie  qui 
»  Vétteignit  avec  «m  prince  du  même  nom  que  son  fondateur  Anangpal, 
»en<ran  1228  dû  ramfoat,  1 164  de  J. C,  ijpsque,  en  contradiction 
»  avec  la  loi  salique  des  Rajoutes,  ce  prince,  qui  n'avoit  point  d'enfuis, 
m  abdiqua  fa  souveraineté  en  faveur  de  son  petit-fils  Pirtbira|a  9  de  la 
*»  ifccedes  Tchohm;  - 

.3»  Aujourd'hui  les  Tuar  doivent  se  contenter  de  leur  ancienne  ce- 
»  nommée  ;  car  H  ne  reste  plus  aucune  possession  indépendante  à  cette 
»  race ,  qui  trace  sa  généalogie  en  remontant  jusqu'aux  Pandou ,  qui 
»  s'honore  d'avoir  produit  Vicramaditya ,  et  à  laquelle  appartient  la 
»  dernière  dynastie  des  empereurs  de  i  Hindoustan. 

»  Ce  seroit  un  fut  qui  n'a  point  son  pareil  dans  l'histoire  du  monde , 
»  si  nous  pouvions  démontrer  jusqu'à  une  entière  conviction  que  le 
»  dernier  Anangpal  Tuar  étoh  le  descendant  en  ligne  directe  Ai 
«fondateur  d'Indraprestha »  et  que  la  postérité  de  Youdischtra  était 
»  encore  assise ,  après  un  laps  de  deux  mille  deux  cent  cinquante  ans , 
»  sur  le  trône  qu'il  avoit  élevé.  C'est  une  opinion  universellement 
»  admise  ,  et  ce  fait  est  tout  aussi  bien  établi  que  ie  peuvent  être  beau- 
»  coup  d'autres  faits  historiques  d'une  époque  si  ancienne  :  aucune 
»  dynastie,  aucune  famille  en  Europe  ne  peut  produire  des  preuves 
»  d'une  antiquité  beaucoup  moins  reculée ,  aussi  fortes  que  celles  que 
»  peuvent  faire  valoir  les  Tuar. 

»  Les  principales  possessions  que  conservent  aujourd'hui  les  Tuar  , 
»  sont  le  district  de  Tuargar ,  sur  la  rive  droite  du  Tchambal,  près  du 
*  confluent  de  cette  rivière  avec  la  Joumna,  et  ie  petit  domaine  de 
»  Patan-Tûatitesi  dans  i'état  de  Jeypour  *  domaine  dont  ie  chef  pré- 
**end  tenir  par  affinité  aux  anciens  rois  d'Indraprestha.  » 

/ajoute  que  M.  Tod  ne  dissimule  point  la  copfusion  et  les  anachro- 
nisme* ijue  les  arinales  des  Rafpoutes  offrent  dans  quelques-unes  de 
leur*  traditions.  Ainsi  fa  race :  des  Y/utou  mêle  des*  noms  mahométans 
i.des  ftil§'  dont  l'époque  est  de  beaucoup  antérieure  à  l'ère  chrétienne. 
W  F£*te  donc  à  savoir  si  la  critique  a  des  moyens  suffisons  pour  distinguer 
ra  Jç  yx*f  flu  ^^dam  (put  çe.qui  précède  Jçs  invasions  des  musulmans. 
eqpttilBre  l'ordre  acfoptéjpiurM.  Tçdn'efct^  pas  le  plus  propre  k  faH?t*r 

la  Solution  de  q§p#gblètolt.  v..pi  j»p  v;.-  i:;:;r,-    ;     m  '.  . 


NOVEMBRE  1830.  6i7 

Le  dernier  chapitre  de  cette  première  division  de  l'ouvrage  de 
M.  Tod  étant  tout-à-fait  et  exclusivement  Telatif  aux  intérêts  politiques 
des  dominateurs  actuels  de  l'Inde,  il  nous  suffit  de  l'indiquer  à  nos 
lecteurs. 

La  seconde  division  de  l'ouvrage  que  nous  analysons,  composée,  ainsi 
qu'il  a  été  dit,  de  cinq  chapitres,  offre  une  esquisse  du  système  féodal 
des  Rajpoutes ,  comparé  avec  celui  de  l'Europe.  Les  détails  très-curieux 
dans  lesquels  l'auteur  est  entré  sur  ce  système ,  et  dont  il  justifie  l'exac- 
titude ,  soit  par  le  récit  de  divers  événemens  qui  en  ont  été  les  consé- 
quences ,  soit  par  un  assez  grand  nombre  de  doc u mens  originaux  qu'il  a 
réunis  dans  un  appcndix ,  forment  un  tableau  d'un  grand  intérêt ,  mais 
peu  susceptible  d'extrait.  Nous  le  recommandons  à  l'attention  des 
lecteurs  ;  et  nous  aurions  vofontiers  transcrit  le  récit  d'une  anecdote 
arrivée  sous  le  règne  de  Djéhanghir ,  après  que  ce  prince  se  fut  rendu 
maître  de  la  place  forte  de  Tchitore ,  qui  étoit  comme  le  boulevart 
de  l'état  de  Méwar ,  si  nous  n'avions  craint  de  donner  trop  d'étendue  à 
cet  article.  L&istoire  de  la  féodalité  et  des  siècles  chevaleresques  de  l'Eu- 
rope n'offre  aucun  trait  plus  remarquable  que  ne  l'est  la  rivalité  de 
deux  branches  de  la  race  royale  des  Rajpoutes  de  Méwar ,  se  disputant 
l'honneur  d'entrer  les  premiers  dans  fa  forteresse  cTOntala,  et  de 
décider  ainsi  la  contestation  qui  s'étoit  élevée  entre  eux  sur  le  droit  de 
former  i'avant-garde  de  l'armée  qu'avoit  mise  en  campagne  le  rana  de 
Méwar. 

Dans  un  second  article  nous  nous  occuperons  de  l'histoire  particulière 
de  la  race  royale  de  Méwar ,  celle  des  trente-six  races  royales  du 
Rajasthan  oit  se  sont  le  mieux  conservés ,  à  ce  qu'il  paroît,  les  institu- 
tions ,  les  coutumes  et  l'esprit  d'indépendance  des  Rajpoutes. 

SILVESTRE  DE  SAC  Y. 


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OOOO 


6  58  JOURNAL  DES  SAV  ANS., 

Storja  ed  analisi  degli  ahîichi  romani}  di  càvaUeria  e  dei  poemi 
romaneschi  d'Italia,  cort  dissertayoni  sull$  origine,  \sugV  institutl, 
su/le  cerimonie  de  cavalierï,  su/le  corti  d'amore,  sui  tornei,  sulle 
giostre  ed  armature  de'  paladini ,  sulï  inven^ione  e  suïï  uso 
degli  stemm i ,  &c.  ,  con  figure  tratte  dai  monuments  darte  ; 
del  dottore  Giulio  Çerrario.  Milano ,  dalla  tipografîa  dell' 
autore  f  i  8  28- 1 8  zp ,  in-8.°  t  4  vol. 

Histoire  et  analyse  des  anciens  romans,  de  chevalerie  et  des 
poèmes  romanesques  d'Italie ,  avec  dissertations ,  &c. ,  par  le 
docteur  Jules  Ferrario.  Milan,  de  l'imprimerie  de  i  au- 
teur, &c.  Se  trouve  à  Paris  chez  Valiardi ,  quai  Malaquais, 
n.°  15.  Pr.  38  fr. ,  et  avec  les  planches  coloriées,  68  fr. 


Le  titre  de  cet  ouvrage  en  annonce  l'importance,  et  l'exécution  en 
constate  le  mérite.  L'auteur  a  eu  le  dessein  de  faire  connoître  spéciale* 
ment ,  1 .°  les  romans  de  chevalerie  qui  appartiennent  à  la.  littérature 
italienne  ;  2.0  les  poèmes  romanesques  de  cette  littérature* 

Pour  traiter  ce  sujet  dans  tout  son  ensemble ,  il  a  placé  d'abord  dans 
son  ouvrage  six  dissertations  ,  qui  en  sont  -une  savante  mais  longue 
introduction ,  car  elles  occupent  autant  d'espace  que  le  fond  même  du 
sujet. 

Je  commencerai , par  l'examen  indispensable  du  travail  préliminaire. 

a 

i.fe  DISSERTATION.   Origine  des  romans  du  moyen  âge. 

Le  docteur  Ferrario  ajoute  peu  de  faits  et  peu  d'observations  à  ce  qui 
avoit  été  écrit  avant  lui  sur  ce  sujet. 

Quant  à  l'origine  du  mot  roman,  il  me  semble  que,  sans  entrer 
dans  aucune  discussion ,  il  auroit  dû  adopter  tout  simplement  l'opinion 
de  M.  Ginguené. 

Ce  savant  académicien  avoit  pensé  que  l'idiome  formé  des  débris  et 
de  la  corruption  de  la  langue  latine ,  avec  quelque  mélange  de  langues 
du  nord  ,  se  divisa  en  diverses  branches ,  parmi  lesquelles  la  langue  des 
troubadours  et  celle  des  trouvères  eurent  le  nom  général  de  langue 
romane;  que  les  diverses,  compositions  faites  dans  ces  deux  langues 
prirent  le  nom  de  roman  ;  et  qu'enfin  ce  nom ,  dans  un  sens  restreint  f 
désigna  spécialement  les  récits  poétiques,  fabuleux,  héroïques  du 


..  -r. 


i 


NOVEMBRE 


1830. 


6j9 


moyen  âge ,  et  les  diverses  compositions  destinées  a  flatter  et  à  amuser 
l'imagination  des  peuples  et  leur  goût  pour  les  narrations  merveilleuses 
des  entreprises  guerrières  et  amoureuses. 

L'analyse  de  ia  chronique  attribuée  à,  Turpin  occupe  un  très-grand 
nombre  de  pages.  Le  docteur  Ferrario  a  rassemblé  les  différentes  con- 
jectures qui  ont  été  émises  sur  l'auteur  et  sur  l'époque  de  cet  ouvrage 
pseudonyme.  Dans  le  cours  de  l'analyse  qu'il  en  présente ,  il  a  soin  de 
désigner  les  pensées ,  les  images  et  les  détails  qu'y  ont  puisés  les  auteurs 
de  Riçkardet ,  du  Roland  amoureux  et  du  Roland  furieux. 

A  l'analyse  de  la  chronique  de  Turpin  succèdent  de  longues  notes 
historiques  sur  la  vie  de  Charlemagne:  quoiqu'elles  aient  le  mérite  de 
l'exactitude  et  de  l'érudition,  elles  ne  paroissent  pas  absolument 
nécessaires  pour  arriver  aux  romans  de  chevalerie.  L'auteur  a  discuté 
l'opinion  de  M.  Sismondi  sur  Roland.  Une  grande  difficulté  s'est 
présentée  aux  écrivains  qui  ont  regardé  Roland  comme  un  héros  histo- 
rique: il  n'est  nommé  que  dans  Eginhari  ;  cet  historien  ne  cite  aucun 
tait  particulier  de  ce  fameux  chevalier;  il  ne  parle  même  pas  de  sa 
mort  à  Roncevaux. 

M.  Sismondi  a  pensé  que  Roland  combattit  sous  Charles  Martel 
contre  les  Sarrasins.  En  supposant  qu'il  étoitné  dans  les  dix  premières 
années  du  vin.'  siècle,  il  auroit  pu  combattre  en  752  a  la  bataille  de 
Poitiers;  mais  a  l'époque  de  celle  de  Roncevaux,  en  778,  il  eût  été  d'un 
âge  si  avancé,  qu'il  serait  difficile  d'admettre  les  actes  de  prouesse  qui 
lui  sont  attribués. 

II  est  étonnant  que  M.  Sismondi  ait  admis  l'hypothèse  que  Roland, 
fils  de  Berthe  et  du  comte  Milon  cTAnglante,  étoît  né  dans  les  dix 
premières  années  du  vin.'  siècle,  puisque  Pépin ,  père  de  Charlemagne 
et  de  Berthe  ,  ne  naquit  qu'en  7 1 4- 

Le  docteur  Ferrario  propose  aussi  une  hypothèse,  savoir,  qu'il  a 
existé  deux  Roland,  l'un  sous  Chartes  Martel,  l'autre  sous  Charle- 
magne; il  s'appuie  sur  Éginhart ,  qui,  après  avoir  nommé  Roland  fils 
de  Berthe  ,  sœur  de  Charlemagne ,  ajoute  :  «  Il  y  eut  un  autre  Roland , 
dont  je  ne  dois  rien  dire  à  présent. 

Mais  c'est  de  Roland  neveu  de  Charlemagne  qu'il  s'agit  dans  les 
récits  soit  historiques,  soit  romanesques,  et  ce  Roland  n'a  pu  naître 
qu'après  la  bataille  de  Poitiers  contre  les  Sarrasins. 

II."  DISSERTATION.    Origine  des  chevaliers ,  et  institution  de  la  chevalerie. 

L'auteur  rassemble  tout  ce  qui  a  été  écrit  sur  cette  institution,  que 
Juste  Lipse  fait  remonter  à  l'ordre  équestre  des  Romains. 

Oooo  2 


66o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

II  mfe  suffira  de  dire  ici  que ,  sous  Charlemagnè  et  les  Carfo- 
vingiens,  la  création  du  chevalier  consistait  seulement  dans  la  céré- 
monie de  lui  ceindre  l'épée  ;  mais  il  ne  paroît  pas  qu'il  existât  d'ailleurs 
des  statuts ,  une  hiérarchie ,  un  ordre  de  chevalerie  9  comme  les 
romanciers  les  ont  indiqués  ensuite.  L'auteur  reproduit  les  détails  qu'ont 
donnés  divers  écrivains,  et  notamment  Sainte- Palaye  et  Mura  ton,  sur 
{'ordre  de  la  chevalerie ,  sur  les  droits  et  les  devoirs  des  chevaliers  ; 
mais  il  ne  fournit  aucune  autorité  particulière  tirée  des  historiens*:  eç 
effet,  on  n'en  trouve  aucune  avant  les  croisades  et  avant  les  institutions 
des  ordres  religieux  et  militaires. 

Parmi  les  causes  de  la  décadencç  de  la  chevalerie  ,  l'auteur  compte 
avec  raison  l'organisation  ou ,  si  Ton  veut ,  le  rétablissement  de  la  gen- 
darmerie sous  Charles  VII. 

Pendant  le  règne  de  François  I.rT ,  la  chevalerie  reprit  force  et 
faveur  ;  mais  elle  parut  s'ensevelir  dans  la  tombe  de  Henri  II. 
L'accident  funeste  de  la  mort  de  ce  prince  refroidit  sur  la  tenue  des 
tournois,  qui  étoient  restés  encore  un  des  exercices  chevaleresques 
depuis  la  décadence  de  cette  célèbre  institution  militaire. 

ili.e  dissertation.  Cours  d'amour. 

L'auteur  a  traité  en  très-grand  détail  cette  institution  du  moyen  âge  ; 
il  a  repris  les  choses  de  très-Ioirç,  en  citant  Nostredame,  qui  ne  mérite 
pas  toujours  une  entière  confiance,  les  recherches  de  Crescimbeni  et 
de  Quadrio  r  le  traité  du  président  Roland  sur  les  cours  d'amour,  M.  de 
Sainte-Palaye ,  qui  a  eu  occasion  d'en  parler  dans  ses  mémoires  sur  la 
chevalerie  ,  et  M.  Sismondi ,  dans  son  Histoire  de  la  littérature  du  midi 
de  l'Europe;  il  en  est  ensuite  venu  à  l'ouvrage  de  M.  d'Aretin,  et  enfin 
à  celui  que  j'ai  inséré  au  tome  II  du  Choix  des  poésies  originales  des 
troubadours ,  sous  le  titre  de  Recherches  sur  les  cours  d'amour. 
•  Je  ne  sais  si  je  m'étois  mal  exprimé;  mais  le  docteur  Ferrario  me 
reproche  de  n'avoir  pas  rendu  justice  aux  auteurs  italiens  ,  et  d'avoir 
voulu  donner  à  entendre  que  j'avois  le  premier  déterré  l'ouvrage 
d'André  le  Chapelain. 

Un  étranger  a  pu  se  méprendre  sur  mes  expressions  et  sur  fespric 
qui  les  avoît  dictées.  Comment  me  serois-je  vanté  d'avoir  déterré  un 
ouvrage  dont  je  cite,  pag.  Ixxxij,  trois  éditions,  Tune  sans  date  et 
les  deux  autres  de  1610  et  i6i4>  quand  je  dis  expressément  que 
M.  d'Aretin  en  avoit  cité  quelques  fragmens ,  et  que  j'indique  même 
une  traduction  italienne  ! 

Voici  les  expressions  qui  ont  fait  croire  au  docteur  Ferrario  que 


NOVEMBRE  1830  66i 

favois  voulu  dérober  à  Crescimbenî  et  à  Quadrio  l'avantage  d'avoir 
connu  avant  moi  l'ouvragé  d'André  le  Chapelain. 

<c  Comme  les  écrivains  qui ,  avant  moi ,  ont  traité  ce  point  intéressant 
»  de  notre  histoire ,  je  serois  réduit  à  ne  présenter  que  des  conjectures 
»  plus  ou  moins  fondées ,  si,  dans  l'ouvrage  de  maître  André ,  çhapelaiô 
»  de  la  cour  royale  de  France,  ouvrage  NÉGLIGÉ  ou  ignoré  par  ces 
»  écrivains ,  je  n'avois  trouvé  les  preuves  les  pluà  évidentes  et  les  plus 
»  complètes  de  l'existence  des  cours  d'amour ,  durant  le  xn.e  Siècle, 
»  c'est-à-dire ,  de  fan  1 1 5  o  à  l'an  1 200.  » 

Le  docteur  Ferrario  auroit  dû  voir,  dans  le  mot  NÉGLIGÉ ,  que  je 
me  fkisois  un  devoir  d'annoncer  que  d'autres ,  avant  moi ,  avoient  connu 
le  traité  d'André  le  Chapelain,  car  on  ne  néglige  que  ce  qu'on  connoît , 
mais  que  je  cntyois  qu'ils  n'en  avoient  pas  tiré  tout  le  parti  que  j'espérois 
en  tirer  moi-même. 

Ai-je  réussi  à  cet  égard  !  J'accepte  volontiers  le  docteur  Ferrario  pour 
juge;  j'avoue  même  qu'il  a  mis  dans  son  opinion  sur  ce  point  une 
politesse  par  laquelle  il  semble  vouloir  me  dédommager  de  sa  critique. 

ce  Après  avoir  rendu ,  dit-il ,  la  justice  qui  étoit  due  aux  écrivains 
»  italiens  (  Crescimbenî  et  Quadrio  )  ,  nous  avouerons  avec  une  égale 
»  franchise  que  M.  Raynouard,  profitant,  plus  que  tout  autre ,  de  1  ou- 
»  vrage  de  maître  André , . .  •  .  a  su  composer  un  article  qui ,  par  la 
»  quantité  des  matières  qui  y  sont  contenues,  et  par  l'ordre  dans 
»  lequel  elles  sont  distribuées ,  forme  un  ensemble  qui  n'existoit  pas 
»  avant  lui.  » 

Le  docteur  Ferrario  déclare  ensuite  qu'il  reproduira  volontiers  mon 
propre  travail,  en  y  ajoutant  quelques  corrections  et  d'importantes 
notices.  II  a  traduit  non-seulement  le  texte,  mais  encore  les  notes  de 
mon  ouvrage  ;  je  regarde  comme  un  succès  pour  moi  qu'il  n'en  ait 
rien  omis ,  et  j'aime  à  l'en  remercier. 

Quant  aux  corrections  et  aux  notices ,  elles  ne  sont  pas  relatives  aux 
cours  d'amour  ;  ce  sont  des  digressions  sur  les  troubadours ,  sur  les 
jongleurs ,  &c.  ;  elles  n'ont  qu'un  rapport  très-indirect  aux  court 
d'amour,  qui  elles-mêmes  ne  doivent  être  qu'un  appendice  dans 
l'histoire  de  la  chevalerie. 

IV.C  DISSERTATION.  Armures  des  paladins ,  châteaux ,  forteresses ,  sièges  ê 

machines  militaires  .  Ù'c. 

■V.  *  t 

L'auteur  remonte  à  l'époque  de  Charfemagne;  des  gravures  qui 
représentent  divers  monumens  qu'il  indique ,  font  connoître  la  plupart 
dés  objets  dont  il  parle.  Les  divers  détails  qu'on  lit  dans  cette  disserta* 


46z  JOURNAL  DES  SAVONS, 

tion,  offrent  rarement  quelque  chose  de  nouveau  aux  personnes  qui 
ont  étudié  les  monumens  du  moyen  âge  ;  mais  le  rapprochement  de  ces 
nombreux  objets,  leur  représentation  par  la  gravure,  rendent  cette 
dissertation  une  des  parties  les  plus  intéressantes  de  l'ouvrage.  En  voici 
quelques  traits. 

Les  hommes  du  nord ,  pour  se  donner  un  air  martial ,  portaient  des 
moustaches  courtes ,  lorsqu'ils  faisoient  leurs  invasions  sur  ia  -France  ; 
frais  ils  les  quittèrent  après  leur  établissement  en  Normandie.  Quand , 
sous  Guillaume  le  Conquérant,  ils  s'emparèrent  de  l'Angleterre ,  en 
1066  y  les  Anglais  portoient  des  moustaches  et  une  touffe  de  poil  au 
menton;  Guillaume,  voulant  opérer  la  fusion  des  deux  peuples  y 
ordonna  que  chacun  fût  rasé. 

Au  sujet  des  palefrois  et  des  destriers ,  Fauteur  (fit  qife  le  palefroi  et 
le  roncin  étoient  destinés  aux  voyages ,  tandis  que  le  destrier ,  conduit 
à  la  main  par  des  écuyers ,  afin  qu'il  ne  fût  pas  fatigué  au  moment  de 
l'action,  servoit  spécialement  aux  chevaliers  dans  les  batailles  et  dans  les 
tournois.  Alors  il  quittait  le  palefroi  pour  prendre  le  destrier.  Une 
loi  de  f empereur  Frédéric  I.er  établit  que  celui  qui  attaqueront  un 
chevalier  monté  sur  son  palefroi ,  seroit  puni  comme  violateur  de  la 
paix,  tandis  qu'on  ne  déclarait  pas  tel  celui  qui  avoit  attaqué  un 
chevalier  monté  sur  son  destrier. 

En  décrivant  les  armures  des  chevaliers  ,  l'auteur  indique  avec  raison 
le  capuce  à  mailles  de  fer  tissues  ;  mais  il  ne  donne  pas  son  véritable 
nom.  C'étoit  le  camaïl ;  les  troubadours  l'appeloient  cap  MAIL,  tête, 
capuce  de  mailles.  , 

Ni  aubère  ab  capmail 
Non  fon  per  els  portatz 

(  Rambaud  de  Va  que  iras  :  ges  sitôt  ). 
Ni  haubert  avec  camail  ne  fut  porté  par  eux. 

Dans  la  chronique  de  Bertrand  Duguesclrn ,  on  lit  :  «  II  voit  ses 
»  chevaliers  bien  armés  de  camails,  » 

Cette  armure  défensive  t  destinée  à  garantir  la  tète  des  chevaliers 
contre  les  coups  des  ennemis ,  fournit  ensuite  son  nom  au  camail  des 
prêtres,  destiné  à  préserver  leur  tête  du  froid  et  de  l'humidité  des 
églises;  mais  le  p  de  CApMAiL  roman  ayant  été  supprimé  dans  l'ortho- 
graphe du  mot,  un  étymoiogiste ,  l'académicien  Huet,  évêque  <TÀ- 
vranches,  voulant  l'expliquer ,  «avança  que  le  camail  avoit  reçu  son  nom 
des  poils  du  chameau ,  du  camelot ,  étoffe  qu'on  employoit  ordinaire- 
ment pour  le  faire. 


NOVEMBRE   l 


830. 


66. 


Au  sujet  des  balistes ,  machines  de  guerre  dont  on  se  servoil  pour 
lancer  des  flèches,  l'auteur,  d'après  Muratori,  cite  le  concile  II  de 
Latran ,  tenu  en  1  1 39  sous  le  pontificat  d'Innocent  II.  Le  vingt- 
neuvième  canon  défend,  sous  peine  d'anathème ,  d'user ,  contre  les 
chrétiens  et  les  catholiques,  de  l'art  des  baliataires  et  des  sagittaires  ,  art 
mortel  et  réprouvé  de  Dieu. 

Les  détails  sur  les  forteresses  sont  intéressans  :  l'auteur  pense  que 
celles  qui  existoient  en  Italie  du  temps  des  Romains  et  même  des  Goths, 
avoient  été  détruites ,  et  admet  qu'on  en  bâtit  de  nouvelles  a  l'époque  des 
invasions  postérieures,  et  sur-tout  de  celles  des  Sarrasins,  quand  les 
habitans  étoient  forcés  de  chercher  les  moyens  les  plus  expédiens  de 
mettre  leur  vie  et  leur  fortune  mobilière  a  l'abri  des  attaques  subites. 

Les  évêques,  les  abbés  ,*les  comtes  et  les  autres  puissans  du  siècle 
sollicitoïent  et  obtenoïent  des  rois  et  des  princes  la  permission  de 
construire  des  fortifications,  des  remparts,  des  tours,  des  châteaux, 
pour  résister  aux  barbares  ;  Muratori  rapporte  beaucoup  de  documens 
des  ix."  et  x.*  siècles ,  et  bientôt  les  pays  en  furent  hérissés.  La  plupart 
de  ces  fortifications  étoient  bâties  sur  des  montagnes  et  sur  des 
hauteurs. 

Au  sujet  des  combattans  appelés  gialdonieri ,  le  docteur  Ferrario 
critique  la  définition  que  l'académie  de  la  Cr'usca  a  donnée  du  mot 
gialda  ,  quand  elle  a  dit:  «  sorte  d'arme  antique,  dont  l'usage  s'est 
»  perdu  ainsi  que  la  connoissance.  » 

Sans  doute  ces  expressions  ne  définissent  rien  ,  et  seraient  appli- 
cables à  un  grand  nombre  d'armes  antiques  dont  on  ne  se  sert  plus  et 
qu'on  ne  connoît  même  plus. 

Le  docteur  Ferrario  pense  que  cette  arme  étoit  une  espèce  de  lance 
ou  pique,  d'autant  plus  que,  dans  un  manuscrit  de  l'ouvrage  de  VÏHani, 
qui  fait  mention  de  ces  soldats,  on  lit  lande  au  lieu  de  gtalde. 

A  la  faveur  des  renseignemens  que  fournissent  l'idiome  des  trou- 
badours et  celui  des  trouvères ,  je  présenterai  ici  quelques  observations. 

Lagel^e  était  composée  d'une  troupe  d'hommes  armés;  on  n'y  voyoit 
pas  de  chevaliers,  mais  seulement  du  peuple. 

Dans  la  langue  des  troubadours ,  fauteur  du  roman  de  Gérard  de 
RossfUon  a  employé  le  moi  gelda,  avec  l'acception  de  foute,  multi- 
tude ,  troupe  de  gens. 

La  GELDA  venc  ab  ircis  e  ab  saeeias 

(  Roman  dt  Gérard  de  Rotsilton,  fol.  106.  ) 


Li/ôute  vint  avec  arcs  et  Sèches, 


■'  iiwt]  uh 


66£  JOURNAL  DES  SàVÀNS, 

ir  Fetz  venir  son  pavalho 

E  la  gelda  que  mena  la  ga/izo. 

(Romande  Gérard  de  Rossillon ,  fol.  106.  )' 

i.  ^  »     .    .  »  ■  •  •■  . 

il  fit  venir  sa  tente  et  la  troupe  de  gens  <jur  conduit  les  équipages. 

, JLa . tf^duction.  du  {ivres  des  Rois,  l'un  des  monumens  tes  plus 
anciens  de  la  langue  des  trouvères,  traduit  ,  fol.  <5,  ce  passage  du 
Ijyj  I,,  chap.  4  «  et  cecideruut  de  Israël  triginta  milia  pcditum ,  en  ces 
termes  Y  «  Hi  chaînait  trente  mille  degelde.» 

"':'  '"     ,;    -Gelde  WEvgeis  é  de  Norraans.  ( Roman  de  Rou ,  v.  13196.) 
J;  Nosut  geïde  et' dos  homs  fêtes  avant  haster. 


.1 


[Roman  de  Rots,  v.  1522.) 


Les  hommes  qui  composoient  la  geïde  étoient  armés  (Tune  lance 
qufow  désignoit  paf ;  l'adjectif  geldîere. 


)  iiiivj  ■  ;  r. 


r 


>    •*,» 


JCi  porte  arç  e  ki  hache,  kj  grant  lance  geJdiére. 


j    •!,*;u 


(  Roman  de  Rou ,  v.  4680.  ) 
i  rEfifîqi  Iescomt)attans<Jutccmîposoient  I>  geïde  s'appelojçnt  geldon.< . 

•VJ      '  ^    Ô  ïâ  prôci&ion  issirent  H  baron, 
,  Chevaliers  é  borgeis  etarchiers  e  §eldûn\ 

n( |  ; ■.    ri  *ffâf  cjj  y « j^r  '»0 -t  ^  pferre  et  <lç  bàston. 

(  Roman  de  Rou  >  y.  1628.  ) 

j^^^r^amrr^ent  des  diverses  acceptions  qu'avoient les  mots  geldum , 
gitaum,  venus  du  saxon  gjld  ,  telles  que  tribut ,  paiement ',  amende)  le 
mot; çild^  signifia , (dan$  la  bass$  latinité,  réunion,  société,  assemblée; 
et  ^i^dq,  confrm^qmpiisnQn.  On  trouve  dans  Dy^cange  divers  passages 


qui  çoris Wept  ces  acceptions- 
'  Le  docteur  Ferrario  traite  ensuite  dps  défis  et  des  gants  de^atailie , 
dbf  &tjfc.d&  guerre ,  d^s  jétendarcïs1,  Bannières  et  penons,  <fes  tentes  et 
pavillons ,  de  l'pi^ammê  de  Sabû-Depjs  ^<fe  t  celui  die  la  famille  d'Haïr* 
court,  du  carrosse  de  Milan  ^  qui  étoit  conduit  à  l'armée  lorsque  la,  com- 
mune combattoit  ;  d'autres  villes  avoient  aussi  leur  carrosse.  La  perte 
de  ce  signe  guerner ,  dans  urfe  bataille,  étoit  regardée  comme  le  plus 
grand  é^hèo 'du. p^ttàlwûrictfc,  et.  sa)  prise  corrime  le  plus  beau  trophée 
du  parti  vainqueur.  Frédéric  1^  #5^  &%%  1}%$*  3?  Î^J?<¥Jance  ^e  sa 


NOVEMBRE  1830.  66s 

victoire  contre  les  Milanais ,  envoya  aux  Romains  ses  alliés  le  carrosse 
dont  il  s'étoit  rendu  maître. 

L'invention  et  l'usage  de  la  poudre  opéra  une  grande  révolution  mi- 
litaire-: il  naquit  une  nouvelle  tactique ,  et  la  force  ne  contribua  plus  aux 
succès  des  combats  dans  la  même  proportion  qu'autrefois. 

v.e  DISSERTATION.  Tournois ,  joutes ,  chevaliers  delà  table  ronde,  &*c. 

Malgré  les  recherches  qui  ont  été  faites  avant  le  docteur  Ferrario  et 
celles  qu'il  a  tentées  lui-même ,  il  n'est  guère  possible  d'avoir  une 
idée  exacte  de  l'époque  et  des  pays  où  les  tournois  furent  d'abord  en 
usage.  II  est  si  naturel  à  des  personnes  qui  s'adonnent  ou  se  destinent 
aux  armes ,  de  s'essayer  dans  des  combats  fictifs ,  que  diverses  nations 
peuvent  s'être  livrées  à  ces  exercices  guerriers,  sans  en  avoir  pris 
l'exemple  des  autres:  au  reste  il  a  suffi,  pour  le  dessein  de  l'auteur, 
d'analyser  les  opinions  des  écrivains  qui  ont  discuté  ce  point  de  critique 
historique. 

Parmi  les  nombreuses  gravures  qui  accompagnent  et  éclairassent 
cette  dissertation ,  ii  a  placé  celles  de  quelques  bas-reliefs  représentant 
des  joutes  et  aventures  chevaleresques.  Ces  bas-reliefs  en  ivoire  avoient 
déjà  été  examinés  dans  une  dissertation  de  M.  Lévesque  de  la  Raval- 
iière  (1);  ils  appartenoient  alors  à  M.  de  Boze,  de  l'Académie  fran- 
çaise, et  secrétaire  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres ,  dont 
le  nom  est  sans  doute  connu  du  docteur  Ferrario ,  quoiqu'il  se  borne  à 
le  nommer  un  certo  de  Boze. 

Le  docteur  Ferrario  cherche  à  expliquer  ces  bas-reliefs ,  et  à  recon- 
noître  à  quel  roman  ifs  ont  rapport  ;  mais  si  une  telle  discussion  offre 
quelque  intérêt  dans  un  ouvrage  spécial,  elle  occupe  trop  d'espace  dans 
celui-ci ,  sans  aucun  résultat  direct  pour  la  connoissance  des  joutes  et 
tournois. 

Je  dois  dire  pourtant  que  de  nombreuses  indications  de  faits  histo- 
riques et  d'opinions  d'auteurs  qui  ont  écrit  sur  la  matière  1  recom- 
mandent particulièrement  cette  cinquième  dissertation. 

Vl.*  DISSERTATION.  Enseignes,  armoiries,  blazon,  &c. 


procède  de  la  même  manière  que  dans  les  dissertations  pré- 
cédentes ;  ft  recueille  et  compare  ce  qui  a  été  écrit  sur  ces  sujets. 


(1)  Histoire  de  V Académie  des  inscriptions,  tome  XVIII  »  p.  31a. 

pppp 


666  JOURNAL  DES  SA  VANS  , 

JI  arrive  enfin  au  point  principal  et  essentiel  de  son  ouvrage ,  c'est- 
à-dire  ,  à  l'histoire  et  à  l'analyse  des  romans  de  chevalerie  et  des  poème» 
romanesques  d'Italie ,  que  je  me  propose  d'examiner  incessamment  r 
mais  je  crois  devoir,  dès  à  présent,  revendiquer  pour  un  écrivain  français 
le  mérite  d'un  travail  aussi  difficile  qu'intéressant,  qui  se  retrouve  en 
partie  dans  l'ouvrage  italien;  ce  sont  les  généalogies  des  héros  des 
romans  dont  il  y  est  question. 

Quadrio  avoit  déjà  donné  quelques  généalogies  de  ces  personnages  ; 
M.  Dutens,  de  l'Académie  des  inscriptions  et  belles-lettres,  fit  un  ouvrage 
spécial  intitulé  Tables  généalogiques  des  héros  de  roman,  avec  un  catalogue 
des  principaux  ouvrages  de  ce  genre  ;  Londres,  chez  M.  Edwards,  Païl- 
Mall,  iu-+r 

Cet  opuscule  en  tableaux  est  anonyme  et  rare  ;  mais  je  ne  puis  douter 
qu'il  ne  soit  connu  du  docteur  Ferrario. 

RAYNOUARD. 


Transactions  ofthe  royal  asiatic  Society  o/Great  Britaln  and 
Irelana;  vol.  Il,  part,  i  et  H.  London ,   1825)  et   1830, 


in- 4." 


PREMIER    ARTICLE. 

Les  deux  parties  du  second  volume  des  Transactions  de  la  Société 
royale  asiatique  de  la  Grande  Bretagne,  formant  ensemble  plus  de  700 
pages ,  ont  paru  depuis  que  nous  avons  entretenu  nos  lecteurs  des  mé- 
moires contenus  dans  le  premier  voiture  de  cette  importante  collection 
académique  { 1  ).  Vingt-sept  morceaux  qu'elles  renferment  livrent  à  notre 
examen  une  matière  si  abondante  et  si  variée ,  que  nous  ne  saurions 
même  essayer  d'en  réduire  l'analyse  aux  bornes  cTun  article  unique. 
Nous  pourrions  nous  contenter  de  joindre  aux  titres  de  ces  mémoires 
une  indication  succincte  de  leur  contenu;  mais  nous  tomberions  dans 
l'inconvénient  de  ne  présenter  qu'une  aride  énumération ,  peu  propre 
à  satisfaire  ceux  de  nos  lecteurs  qui  n'ont  pas  à  leur  disposition  le  re- 
cueil dont  nous  parlons.  II  paroît  plus  convenable  d'insister  particulière-* 


(1)  V*y*k  notre  numéro  de  novembre  182V. 

,1 .-.-,  , 


NOVEMBRE  1830.  667 

ment  sur  un  petit  nombre  d'écrits  que  recommandent  également  et  les 
noms  de  leurs  auteurs  >  et  l'intérêt  des  sujets ,  et  de  comprendre  les  autres 
dans  un  résumé  rapide  et  sommaire ,  ainsi  que  nous  l'avons  fait  à  l'égard 
du  volume  précédent. 

Celui-ci  s'ouvre  par  la  cinquième  partie  des  recherches  de  M.  Cole- 
brooke,  sur  la  philosophie  des  Hindous  :  elle  sert  à  compléter  ce  que  ce 
savant  illustre  avoit  dit  du  mimansa  pratique,  dans  un  morceau  anté- 
rieur, qui  a  été  publié  par  la  société  (  1  )  t  et  dont  .nous  avons  rendu  un 
compte  détaillé  (2}.  C'est  donc  un  devoir  pour  nous  de  donner  aussi 
le  complément  de  nos  précédera  extraits ,  qui  s'étendront  par-là  à  l'en- 
semble du  beau  travail  exécuté  par  le  président  de  la  Société  asiatique. 

Le  système  dont  il  s'agit  dans  ce  nouveau  mémoire  est  appelé  outtara 
mimansa  (  mimansa  supérieur  )  ,  par  opposition  au  mimansa  pratique, 
parce  qu'il  consiste  dans  la  recherche  des  preuves  qu'on  peut  déduire 
des  Védas  par  rapport  à  la  théologie ,  comme  l'autre  a  pour  objet  les 
eeuvres  et  le  mérite  qu'elles  produisent.  On  le  nomme  aussi  védanta, 
terme  qui  signifie  conclusion  des  Védas,  et  qui  est  relatif  aux  Oupani- 
siads,  lesquels,  pour  la  plupart,  forment  une  section  additionnelle  aux 
Védas ,  auxquels  ils  appartiennent.  Le  même  mot ,  dans  une  autre  accep- 
tion plus  large,  exprime  aussi  la  fin  et  le  but  des  Védas.  Les  sectateurs 
du  védanta  se  partagent  en  plusieurs  sectes  anciennes  et  modernes ,  sur 
lesquelles  M.  Colebrooke  se  propose  de  revenir  plus  tard.  I!  cite  les  titres 
d'une  douzaine  d Oupanishads,  dont  l'autorité  est  le  plus  souvent  invoquée 
dans  ces  livres.  Certains  exercices  religieux,  par  exemple  une  profonde 
méditation  prolongée  dans  une  posture  particulière ,  sont  recommandés 
comme  une  préparation  convenable  au  savbhr  divin.  La  partie  des  Védas 
qui  concerne  cet  exercice  est  donc  un  des  fondemçns  de  la  doctrine  du 
védanta  :  mais  le  livre  capital  où  elle  est  enseignée  est  le  recueil  des 
Soutras  ou  aphorismes ,  intitulé  Brahma-s  outra  ou  Sharlrâka  mimansa. 
Beaucoup  de  commentaires,  et  des  poèmes  didactiques,  tels  que  le 
Bkugavat~gitâ  et  le  Yâga*vasishiha ,  réputés  inspirés  pour  Texeef  lèhce  de 
leur  doctrine ,  sont  destinés  à  éclaircir  le  sens  du  recueil  dont  il  s'agît. 
On  l'attribue  à  Bâdarâyanâ,  qui  est  le  même  que  Vyàsa,  surnommé 
Véda-yyâsa.  Ce  personnage ,  suivant  la  mythologie ,  avoit ,  dam  une 
existence  antérieure ,  acquis  une  connoissance  parfaite  de  là  révélation 
et  de  la  science  divine \  et  il  avoit  obtenu  par-là  la  béatitude  éternelle. 
Néanmoins  >  par  un  commandement  exprès  de  Dieu ,  H  reprit  un  corps 
et  «ne  forme  humaine  ;  et  dans  la  période  qui  sépara  le  troisième  âge  du 


11  j»i 


(1)  Transactions,  tom.  I,  p.  439.  —  (^)t  Numéro  d$  mui»  J&& 

Pppp  a 


668  JOURNAL  DES  SAVANS, 

inonde  actuel  du  quatrième  âge ,  ii  fut  le  rédacteur  des  Védas ,  ce  que 
son  nom  de  Vyâsa  signifie.  Les  Pouranas  le  représentent  comme  une 
incarnation  de  Vishnou.  En  laissant  de  côté  les  traditions  mythologi- 
ques ,  il  est  naturel  d'admettre  que  celui  qui  mit  en  ordre  les  Védas ,  rut 
conduit  à  composer  un  traité  sur  Fessence  de  leur  doctrine.  II  est  moins 
vraisemblable  qu'il  ait  été  aussi  l'auteur  du  Mahâbhârata  et  de  plusieurs 
des  principaux  Pouranas,  puisqu'on  trouve  dans  ces  livres  beaucoup 
d'idées  qui  sont  en  contradiction  avec  les  aphorisme*  en  question*  Le 
nom  de  Vyâsa  est  plusieurs  fois  cité  à  la  troisième  personne  dans  le 
recueil  qu'on  lui  attribue  :  il  en  faut  conclure  qu'un  disciple  est  le  véri- 
table rédacteur  du  livre  qui  passe  sous  le  nom  du  maître.  Quelques  autres 
écrivains  sont  pareillement  cités ,  ce  qui  établit  leur  antériorité  à  l'égard 
du  recueil  ou  leurs  noms  ont  trouvé  place.  Le  Shariraha  doit  aussi ,  par 
la  même  raison ,  être  postérieur  au  Yoga  de  Patandjali ,  au  Sankhya  de 
Kapila ,  au  système  atomistique  de  Kanadi ,  aux  sectes  des  Djaïnas ,  des 
Baoudhas ,  des  Pâshoupatas ,  et  d'autres  schismatiques ,  dont  les  opi- 
nions y  sont  fréquemment  combattues  et  réfutées.  D'après  ces  circons- 
tances, M.  Colebrooke  conclut  que  ce  recueil  est  le  plus  récent  des  six 
grands  systèmes  philosophiques  postérieurs  aux  hérésies  qui  prirent  nais- 
sance  parmi  les  Hindous  des  castes  militaires  et  marchandes ,  lesquelles, 
rejetant  l'autorité  des  Védas ,  proposèrent  comme  objet  d'adoration  un 
Djaïna  ou  un  Bouddha  plus  moderne  même  que  les  sectes  qui,  reconnois- 
sant  les  Védas ,  s'écartent ,  en  les  interprétant ,  de  la  doctrine  orthodoxe. 
Mais  si  cela  est ,  quelle  part  le  rédacteur  de  ces  mêmes  Védas ,  l'antique 
Vyâsa,  conserve- 1- il  dans  la  composition  du  recueil  qu'on  met  sous  son 
nom  î  et  comment  distinguer ,  parmi  ses  aphorismes ,  ceux  qu'il  a 
vraiment  écrits  au  temps  de  la  composition  des  Védas ,  et  ceux  qu'on  y 
a  joints  à  des  époques  bien  plus  rapprochées  de  nous  ?  Voilà  une  de  ces 
questions  littéraires  si  importantes  pour  l'histoire  de  la  philosophie, 
qui  se  présentent  à  l'occasion  de  presque  tous  les  monumens  de  la  litté- 
rature indienne ,  et  pour  laquelle  M.  Colebrooke  ne  nous  fournit  pas 
de  solution ,  vraisemblablement  parce  qu'il  n'est  pas  possible  d'y  ré- 
pondre. 

La  forme  des  aphorismes  attribués  à  Vyâsa,  et  les  différentes  par- 
ties dont  chacun  de  ces  aphorismes  se  compose ,  ressemblent  à  ce  qui 
s'observe  dans  ceux  du  mimansa  pratique ,  et  que  nous  avons  fait  con- 
nottre  (i }.  La  méthode  en  est  la  même;  et  parmi  les  six  moyens  d'arriver 
I  la  connaissance ,  on  trouve  également  le  syllogisme  régulier  que  nous 

(0  Journal  des  Savant,  1828,  p*  161. 


NOVEMBRE    I  830. 


6q*û 


avions  eu  occasion  de  remarquer  précédemment  (1).  La  question  qui  se 
présente  naturellement ,  c'est  de  savoir  si  celte  forme  d'argument  a  été 
empruntée  d«  Grecs ,  ou  si  elle  est  assez  facile  a  inventer  pour  être  née 
dans  l'Inde  même ,  indépendamment  de  toute  communication  éirangère. 
M.  Colebrooke  ,qui  ne  l'a  trouvée  que  dans  des  ouvragesassez  récens, 
semble  ici  pencher  vers  la  première  de  ces  deux  suppositions.  L'auteur 
réserve  pour  un  autre  mémoire  l'examen  de  fa  logique  des  deux  ni- 
maasas  ,  qui  mérite  d'être  étudiée  avec  soin  ,  mais  qui  a  été  soumise  à 
une  forme  régulière  par  les  sectateurs  plutôt  que  par  les  fondateurs  de 
cette  double  école. 

Les  aphorismes  du  mlmansa  théologique  sont  de  la  dernière  obscu- 
rité, et  n'ont  jamais  pu  être  entendus  sans  le  secours  d'un  commentaire. 
Les  solutions  y  sont  indiquées  plutôt  qu'exposées  ;  et  il  faut  que  le  sens 
en  ait  été  expliqué  par  l'auteur,  oralement  ou  par  écrit,  ainsi  que  cela  a 
dû  avoir  lieu  pour  les  aphorismes  des  autres  sciences  indiennes.  Plusieurs 
commentateurs  on  t  entrepris  d'y  jeter  du  jour,  et  M ,  Colebrooke  rapporte 
les  noms  des  principaux.  Le  plus  célèbre  est  ce  Sankara-âtcharya,  fonda- 
teur lui-même  de  l'une  des  sectes  qui  dominent  encore  de  nos  jours. 
L'âge  où  a  vécu  ce  personnage  a  été  l'objet  des  recherches  de  M.  Cole- 
brooke, de  M.  Wilson  et  du  savant  brahmane  Râma-môhen-râya:  tous 
trois  sont  d'accord  a  le  placer  à  la  fin  du  vin.*  ou  au  commencement 
du  IX.'  siècle  de  notre  ère.  11  n'y  a  pas  moyen  de  déterminer  l'époque 
des  scholiastes  plus  anciens.  Si  le  personnage  auquel  on  attribue  la  ré- 
daction primitive  étoit  le  véritable  auteur ,  il  faudrait  remonter  à  près  de 
deux  mille  ans  pour  fixer  le  temps  de  la  rédaction  des  Vedas  par  Vyâsa. 

\2outtara  mimansa commence,  précisément  comme  le  mim:msa  pra- 
tique, par  indiquer  l'objetdu système,  presque  dans  les  mêmes  termes, 
à  l'exception  d'un  seul ,  celui  de  dharma  (  loi  )  ,  remplacé  ici  par  celui 
de  Brahma  {  Dieu }.  La  recherche  est  dirigée  vers  Dieu  :  il  est  celui 
d'où  proviennent  la  naissance,  la  continuation  et  la  dissolution  de  cet 
univers  ;  il  est  la  source  des  saintes  ordonnances.  A  cette  occasion,  l'auteur 
des  aphorismes  réfute  la  doctrine  sankhya,  qui  présente  la  nature  {pra- 
dhâna),  qui  est  la  cause  matérielle  de  l'univers,  comme  identique  avec  la 
cause  omnisciente  et  toute-puissante  de  l'univers  reconnue  par  les  Védas. 
Il  n'en  est  pas  ainsi  ;  car  cette  cause  a  sa  volonté  ,  comme  on  le  voit  par 
ces  mots  1  m  il  souhaita  d'être  plusieurs  et  de  produire  ,  et  il  devint  mul- 
tiple. »  II  s'agit  donc  d'un  être  sensible  et  rationnel,  et  non  d'un  être  insen- 
sible, comme  le  Prakrittou  iePradhâna  selon  Kapila.  Lacause  de  l'univers, 

(t)  Journal  des  Savant ,   i$2b,  p.  236- 


670  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

omnisciente  ,  toute-puissante,  sensible  ,  est  essentiellement  heureuse  : 
elle  est  l'être  brillant ,  dort,  que  l'on  aperçoit  en  dedans  du  disque 
solaire  et  de  Fœil  humain;  elle  est  l'éthétf  élémentaire,  dteu  procèdent 
toutes  choses  et  auquel  toutes  choses  retournent  ;efle  est  Je  souffle 
lequel  sont  plongés  tous  les  êtres  et  dans  lequel  tous  prennent  fia] 
sance  ;  elle  esWa  lumière  qui  brille  dans  le  cid  et  par«tout  -,  en  haut  et 
en  bas, dans  l'univers,  et  dans  l'intérieur  de  l'être  humain  ;  elle  est  le 
souffle,  le  moi  intelligent,  immortel,  inaltérable  et  bienheureux.  Le 
mot  de  souffle  (prôna  )  employé  dans  ces  passages  t  y  -désigne  le  Brakm* 
suprême;  c'est  la  signification  qu'il  a  dans  d'autres  endroits  des  Védfc*^ 
et  notamment  dans  celui  oii  il  est  dit  que  les  sens  sont  ^absorbés  xfans 
//  souffle  pendant  lui  sommeil  profond j  car,  quand  un  homme  don 
sans  faire  de  songes,  son  ame  est  avec  Brakma* 

Ailleurs  on  s'attache  à  donner  une  idée  de  tet  être  par  des  propos 
sitions  négatives ,  et  à  enseigner  ce  qu'H  est  en  faisant  rémunération  <fe 
ce  qu'il  n'est  pas.  If  n'est  pas  Pâme  incorporée (skwrita)  et  individuelle; 
il  n'est  pas  le  feu,  mais  le  dévora teur décrit  dans  un  dialogue  tbéologique  en 
ces  termes  :  «  Qui  sait  où  habite  cet  être  ,dont  la  nourriture  est  le  prêtée 
et  le  militaire,  et  dont  la  mort  est  la  sauce  !  »  D'autre*  définitions  encore 
sont  rapportées  ;  mais  elles  sont  si  obscures ,  qu'elles  auroient  besoin 
d'être  commentées  au  lieu  d'être  analysées,  pour  trouver  place  dans  cet 
extrait  II  suffira  ff indiquer  celle-ci  :  «  C'est  \zfirce  intérieure  (  check  )  qui 
est  l'être  suprême ,  et  non  famé  individuelle  ♦  ni  la  cause  matérielle  du 
monde,  ni  une  divinité  subordonnée ,  régissant  le  monde  avec  conscience 
et  intelligence ,  ni  un  saint  possédant  un  pouvoir  transcendant.  Celui 
qui  gouverne  intérieurement  ce  monde  et  les  autres  mondes  et  ioùsiles 
êtres  qu'ils  contiennent,  q*i ,  résidant  sur  la  terre,  n'est  pas  h  terre  r  que 
la  terre. ne  connott  pas,  dont  elle  est  te  corps,  qui  la  gouverne  ipt& 
riëureraent,  cet  être  est  ton  anfte,  ia  mienne,  la  force  interne*  immor- 
telle ,  &<x  »  -.!'.* 

Il  y  a  deux  sciences,  l'an*  inférieure,  l'autre  supérieure  ;  Finfeneàre 
comprend  les  quatre  Véda?  et  leurs  dépendances;  fa  gasanmaiiéj  tel: 
La  supérieure,  qui  est  bien  plus  profitable  v  est  cettexjûi  liait  connohÉfc 
l'être  inaltéra|)lev  imperceptible  aux  sens,  insaisissable T  qui  ne  vient 
d'aucune  race,  qui  n'appartient  à  aucune  tribu  *  qui  nfe  point  dtorgaisé, 
de*  sensation  ni  <f  instrument  tf action ,  le  seigneur  éternel*  présent 
par-topt  quoique  infiniment  subtile  C'est  cerêtre  iitvaiiabirquétle  sage 
contempla «omme  Ik  soqrce  de^^iwiX>OTiuhe 

d'elle-même  et  retirée»  elle  le  fil  de  sa  toile  i-eomme- 1*  pïame-*ort-4* 
terre,  comme  un  cheveu  naît  de  la  ^le^a  f torrwwr  y  cfc  nfcêrae  i'ùniWrs 


NOVEMBRE  1830.  671 

provient  de  \ inaluraBlt.  On  l'appelle  aussi  V  invisible,  la  source  insai- 
sissable ,  Y amg  universelle ,  le  jeu ,  le  grand.  Une  femme  demande  de 
quoi  sont  filés  et  tissas  le  ciel  d'en  haut  ei  la  terre  d'en  bas ,  et  la  région 
transparente  qui  les  sépare ,  et  tout  ce  qui  a  été ,  est  ou  sera  :  la  ré- 
ponse est  que  c'est  de  Té ther;  et  comme  elle  demande  de  quoi  réther  lui- 
même  a  été  fait  et  tissu ,  on  lui  apprend  que  c'est  de  l'être  invariable, 
que  les  Brahmanes  affirment  n'être  ni  grossier. ni  subtil*  ni  court  ni  long. 
La  syllabe  mystique  6m,  composée  de  trois  élémens  d'articulation, 
est  le  sujet  d'une  dévote  méditation,  dont  l'efficacité  dépend  du  sens 
limité  ou  étendu  sous  lequel  a  lieu  la  contemplation.  Si  la  dévotfon 
est  restreinte  au  sens  indiqué  par  un  seul  élément ,  son  effet  ne  dépasse 
passes  bornes  de  ce  monde.  5i  elle  s'étend  à  celui  de  deux  elémens , 
son  influence  se  porte  jusqu'au  disque  de  la  lune ,  d'où  néanmoins  l'àme 
revient  à  une -nouvelle  naissance.  Si  elle  embrasse  les  trois  parties  du 
mot,  rame  s'élève  jusqu'au  disque  solaire;  et  de  k  i  dégagée  du  péché, 
et  délivrée  comme  un  serpent  qui  a  quitté  sa  dépouille ,  elle  se  rend  à 
l'habitation  de  Brahma,  et  se  livre  k  la  contemplation  de  celui  qui  réside 
en  une  forme  corporelle ,  c'est-à-dire,  à  Dieu  considéré  comme  lame  du 
monde,  de  Brahma  effet,  ayant  des  qualités,  le  même  que  le  Virad)  et 
l&*Hiranya~garbka  de  la  mythologie,  lequel  naquit  dans  l'œuf  du  monde. 
.  En  décrivant  le  plus  petit  des  deux  ventricules  du  coeur,  on  dit  que 
dans  l'intérieur  du  corps  est  un  petit  lotus ,  habitation  jdans  laquelle 
est  une  pente  cavité  remplie  par  l'éther.  On  demande  si  cet  étber  est 
l'élément  ahm  nommé,  ou  lame  semitive  individuelle ,  ou  lame  su- 
prême» Les  rayons  du  soleil  n  y  pénètrent  pas,. ni  la  lune,  ni  les  étoile», 
moins  encore  le  feu.  Toutes  choses  brillent  par  la  réflexion  de  sa  lumiène, 
dûnti'écïat  s'étend  à  Funivera.  Une  personne,  dit-on  ailleurs ,  pas  plus 
grosse  que  le  pouce,  habite  rintérieur  de  l'individu  :  elle  est  brillante 
comme  une  flamme  sans  fumée,  maltresse  du  passé  et  de  l'avenir  \ 
eUee^t  aujourd'hui  et  fera  demain.  Qu'est-ce  que  Famé  î  la  lumière  »* 
térieurè  et  intelligente  qui  est  contenue  dans  le  cœur,  lumière  suprême 
qui  s>*est  point  affectée  pas  le  mouvement  des  choses  de  ce  inonde.  Enfin 
l'être  suprême  est  considéré  comme  étant  la  cause  matérielle  de  l'univers, 
aussi  bien  quç  la  cause  efficiente ,  et  Fon  regarde  comme  autant  d'opi- 
nions erronées  celle  des  Sankhyas,  qui  admettent  une  force  plastiqué 
sous  le  nom  à&pradhâna,  1»  notion  des  atomes  ».  celle  du  vide  universel, 
etdkutres  systèmes ,  qui  sont  pareéHemuu  en  contradiction  avec  fe>  texte 
deêVédas.  ;./'?.  fT   - 

<  j  Utte  question  proposée  dans  fesrtdeux  peemières  secfcofis  .  des  apbo- 
rna^est  de  ^eHmm^k^naÈm  HinéM 


<f7i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

des  trois  premières  castes  est  propre  à  l'étude  de  bfthéoJogie ,  et  peur  par- 
venir k  la  connoissance  de  Dieu,  A  ce  sujet,  on  déclare  que  le  soudra  , 
ou  homme  d'une  tribu  inférieure ,  n'a  point  fes  qualités  nécessaires  ,  -et 
que  ces  qualités  appartiennent  aux  êtres  supérieurs  à  l'homme,  Cest 
encore  un  point  reconnu  dans  les  deux  mimansas  que  l'éternité  du  son 
articulé  :  cette  notion  se  lie,  suivant  M.  Colebrooke,  à  celle  de  réter- 
nité  des  Védas  et  de  la  révélation.  II  ne  seroit  pas  impossible  d'en  faire 
une  autre  application  plus  importante  encore. 

Brahma  jouît  de  la  béatitude  que  lui  cause  sa  propre  contemplation. 
N^  auroit-il  pas  là  matière  à  une  objection*  tirée  de  la  distinction  qui 
s'établit  entre  l'être  qui  jouit  et  Fbbjet  de  la  jouissance  !  On  répond  à 
cette  question  en  faisant  voir  que  Brahma  est-cause  et  effet,  qu'il  y  a  en 
lui  unité  et  identité.  La  mer  est  une  9  et  n'est  pas  autre  chose  que  ses 
eaux;  cependant  les.  vagues,  f écume,  les  gouttes  <feau  diffèrent  les 
unes  des  autres.  Un  effet  n'est  autre  chose  que  sa  cause.  Brahma  est 
simple  et  sans  second  :  il  n'est  pas  distinct  de  Pètre  incorporé.  II  est  ame, 
et  famé  est  lui.  Cependant  il  ne  se  borne  pas  à  faire  ce  qui  Iui,est 
agréable.  La  même  terre  présente  des  diamans,  du  cristal  de  roche,  et  de 
l'orpiment.  Le  même  sol  donne  naissance  à  une  diversité  de  plantes» 
La  même  nourriture  se  convertit  en  productions  de  toute  nature,  les 
cheveux ,  les  ongles ,  &c.  Comme  le  lait  se  change  en  fromage ,  et  l'eau 
en  glace  ,  de  même  Brahma  se  transforme  et  se  diversifie  à  l'infini ,  sans 
le  secours  d'aucun  instrument,  d'aucune  assistance  extérieure.  On  ne 
peut  objecter  que  Brahma  est  entier  et  sans  parties  :  il  n'est  pas  totale» 
ment  transfiguré  dans  les  formes  de  ce  monde.  Différera  changemens  se 
présentent  à  i'ame  dans  les  songes.  Le  même  esprit  prend  diverses  format 
illusoires,  difFérens  déguisemens.  Aucun  motif  que  la  volonté  de 
Brahma  ne  peut  être  donné  pour  la  création  du  monde.  On  ne  peu 
lui  imputer  la  dureté,  l'absence  de  compassion.  Les  dieux  sont  heureux; 
les  animaux  sont  misérables;  les  hommes  participent  du  bonheur  et  de 
('infortune.  Chacun  a  son  lot  dans  le  monde  renouvelé ,  suivant  ses  mé- 
rites ,  ses  vertus  ou  ses  vices  antérieurs ,  dans  un  précédent  état  du 
monde ,  qui  est  éternel  ei  n'a  pas  de  commencement  dans  le  temps. 

Le  feu,  l'eau  et  la  terre  procèdent  de  Brahma,  par  l'intermédiaire 
l'un  de  Pautre.  Le  feu  provient  de  l'air,  et  Tair  de  Téther.  C'est  par  sa 
volonté  ,  et  non  par  leur  force  propre,  qu'ils  sont  ainsi  émanés  les  un* 
des  autres ,  où  que ,  dans  un  ordre  inverse,  ils  se  convertissent  Pun  em 
l'autre  ,  et  sont  enfin  absorbés  en  lui ,  dans  la  dissolution  générale  des 
mondes  qui  précède  le  renouvellement  de  toutes  choses.  L'intellect, 
fegprft,  Ue^giiie#(fcwu^  d'action  étant  ibrmés  des  élémem  pii- 


NOVEMBRE  1830.  675 

mordiaux  se  développent  et  sont  absorbés  dans  Tordre  même  des  élé- 
mens  qui  les  constituent  ;  mais  on  ne  peut  affirmer  que  l'ame  soit  sujette 
aux  mêmes  alternatives  de  développement  et  de  réabsorption ,  de  nais- 
sance et  de  mort.  Ces  alternatives,  en  ce  qui  concerne  l'individu ,  se 
rapportent  uniquement  à  l'union  de  l'ame  avec  le  corps  ou  la  matière 
fixée.  Les  âmes  individuelles  sont  comparées,  dans  les  Védas ,  à  des  étin- 
celles qui  se  détachent  d'un  brasier  ardent  ;  et  l'on  y  déclare  expressément 
qu'elles  sont  éternelles  et  n'ont  pas  eu  de  naissance.  Elles  sont  perpé- 
tuellement intelligentes  et  constamment  sensibles ,  comme  l'enseignent 
aussi  les  Sankhyas ,  et  non  par  l'effet  seul  de  leur  association  avec  le 
mens  et  l'intellect,  ainsi  que  le  prétendent  les  partisans  de  Kanadi. 
C'est  faute  d'objets  sensibles ,  et  non  pas  faute  de  sensibilité  ou  de  fa- 
culté percevante ,  que  l'ame  est  dépourvue  de  sentiment  durant  un  pro- 
fond sommeil,. un  évanouissement,  un  accès  de  manie.  L'ame  n'a  pas 
une  dimension  finie  9  comme  ses  transmigrations  paroîtroient  l'indiquer: 
ce  n'est  pas  un  petit  être  habitant  dans  le  cœur,  et  plus  ténu  que  la  cen- 
tième partie  du  centième  de  la  pointe  d'un  cheveu ,  comme  on  le  trouve 
décrit  dans  quelques  passages;  mais,  au  contraire, par  son  identité  avec 
Brahma,  elle  participe  de  sa  nature  infinie.  Elle  est,  non  pas  passive  , 
ainsi  que  le  disent  les  Sankhyas ,  mais  active ,  sinon  par  essence ,  au 
moins  par  association. C'est  ainsi  que  lé  charpentier,  muni  de  ses  outils, 
travaille  et  se  fatigue,  et  que ,  les  mettant  de  coté,  il  se  repose  et  demeure 
tranquille.  L'ame  agit  en  raison  de  ses  précédentes  dispositions;  car  le 
monde  étant  éternel ,  son  état  actuel  a  toujours  dépendu  cTun  état  an- 
térieur. L'ame  suprême  fait  agir  les  individus  conformément  à  leurs 
penchans  honnêtes  ou  vicieux,  de  la  même  manière  qu'une  pluie  fé- 
condante fait  croître  différentes  sortes  de  plantes  selon  leurs  espèces. 

L'aine  étant  une  portion  du  seigneur  suprême ,  son  rapport  avec  lui 
iv'est  pas  celui  du  serviteur  au  maître ,  du  sujet  et  du  prince ,  mais  de  la 
partie  au  tout.  Néanmoins  cet  être  suprême  ne  participe  pas  à  la  douleur 
et  aux  souffrances  dont  famé  individuelle  a  la  conscience  par  sympathie, 
durant  son  association  avec  le  corps  :  la  lumière  du  soleil  et  de  la  lune 
paroît  comme  l'objet  qu'elle  éclaire ,  quoiqu'elle  en  soit  distincte.  L'i- 
mage du  disque  solaire  semble  tremblante  dans  l'eauM'un  bassin  qu'on 
agite  ;  les  autres  images  réfléchies  ailleurs,  et  le  disque  même,  ne  parti- 
cipent point  à  cet  ébranlement. 

Le  nombre  des  agens  corporels  est  fixé  diversement,  tantôt  à  sept, 
et  tantôt  à  onze.  Ce  dernier  nombre  comprend  les  cinq  sens ,  les  cinq  or- 
ganes actifs  j  et  la  faculté  intérieure,  le  mens,  qui  renferme  l'intelligence, 
la  conscience  et  la  sensation.  Ces  agens  sont  finis  et  ténus ,  moins  pour- 

Qqqq 


67A  JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 

tant  que  les  atomes ,  mais  plus  que  les  élémens  grossiers.  L'action  vitale 
ou  la  respiration  est  aussi  une  modification  de  Brahma.  Ce  n'est  pu 
non  plus  1  acte  d'un  organe  corporel  ;  mais  c'est  une  opération  vitale , 
dont  on  distingue  cinq  formes,  trop  obscurément  décrites  pour  que  nous 
les  rapportions  ici. 

Lorsque  la  nourriture  est  reçue  dans  un  corps,  die  se  distribue  en 
trois  parties ,  d'après  sa  subtilité  ou  sa  grossièreté.  Lé  blé  et  les  autres 
alimens  terrestres  deviennent  de  la  chair  :  la  partie  la  plus  grossière  est 
rejetée,  et  la  plus  pure  nourrit  l'organe  mental.  L'eau  se  convertit  en  sang. 
Ses  parties  grossières  sent  excrétées,  et  la  plus  ténue  soutient  le  souffle.  % 
L'huile  et  les  autres  substances  combustibles ,  que  l'on  croit  de  nature 
ignée ,  deviennent  la  moelle.  Leur  résidu  forme  les  os ,  et  la  portion  la 
plus  subtile  forme  la  faculté  de  parler. 

L'ame  est  sujette  à  la  transmigration.  Elle  passe  d'un  état  à  l'autre , 
enveloppée  d'un  corps  subtil  formé  dé  particules  élémentaires,  qui  sont 
la  semence  ou  le  rudiment  d'un  corps  plus  grossier.  En  quittant  cefui 
qu'elle  a  occupé ,  elle  monte  à  la  lune ,  ou ,  revêtue  (Tune  forme  aqueuse , 
elle  reçoit  la  récompense  de  ses  ceuvfes,  te  d'où  elle  retourne  pour 
occuper  un  nouveau  corps ,  sous  1'hffluence  de  ses  actes  antérieurs.  En 
sortant  de  sa  forme  aqueuse ,  l'ame  passe  successivement  et  rapide* 
ment  à  travers  i'éther ,  l'air,  la  vapeur,  le  brouillard  et  les  nuages,  pour 
arriver  à  la  pluie ,  à  l'aide  de  laquelle  elle  pénètre  dans  une  plante  en 
végétation ,  puis ,  par  la  nutrition ,  dans  un  embryon.  Les  êtres  mal- 
faisans  souffrent  la  peine  de  leurs  crimes  dans  sept  régions  déterminées 
à  cet  effet. 

L'ame  incorporée  a  trois  états  ou  conditions  ,  la  veille ,  les  songes , 
le  sommeil  profond.  On  en  peut  ajouter  un  quatrième,  la  mort,  et  un 
cinquième,  la  manie ,  l'évanouissement  ou  k  stupeur.  Dans  cet  état  in- 
termédiaire entre  le  sommeil  et  la  mort ,  il  y  a  une  série  <Tévénemens 
fantastiques,  une  création  illusoire,  qui  toutefois  témoigne  de  l'exis- 
tence d'une  ame  ayant  la  conscience  d'elle-même.  Dans  le  sommeil  pro- 
fond ,  l'ame  individuelle  se  retire  auprès  de  Famé  suprême ,  en  passant 
par  les  artères  du  péricarde. 

Les  partisans  dh  védanta  décrivent  d'une  manière  très-curieuse  le 
phénomène  de  la  mort,  en  rapportant,  d'après  leurs  idées  sur  la  na- 
ture de  l'ame ,  les  degrés  qu'elle  doit  parcourir  pour  passer  d'un  individu 
à  un  autre.  À  la  mort  d'une  personne,  la  parole,  avec  les  dix  autres 
facultés  extérieures ,  distinctes  des  organes  qui  y  servent ,  est  absorbée 
dans  le  mens;  car  l'activité  des  organes  extérieurs  cesse  avant  celle  du 
mens.  Ce  dernier  se  retire  pareillement  dans  le  souffle ,  avec  les  autres 


NOVEMBRE  i8$0.  675 

fonctions  vitales ,  qui  sont  las  compagnes  de  la  vie.  La  même  chose  a 
lieu  daps  un  profond  sommeil  et  dans  l'évanouissement.  Le  souffle, 
avec  son  cortège,  est  rappelé  dans  J'ame  vivante  qui  régit  les  organes 
corporels,  comme  les  gens  de  la  suite  d'un  roi  se  réunissent  à  ses 
«cotés  lorsqu'il  se  prépare  à  un  voyage.  Lame  vivante  ainsi  escortée 
se  retire  dans  un  rudiment  de  corps  composé  de  lumière  et  de  cinq 
autres  élémens  dans  une  forme  subtile.  Ce  départ  de  lame  hors  du  corps 
est  commun  aux  hommes  vulgaires  et  privés  de  connoissances ,  aussi 
bien  qu'aux  dévots  contemplatifs.  Mais  lame  de  ces  derniers»  avec  ses 
facultés  vitales  ,  reste  unie  à  son  corps  élémentaire  jusqu'à  la  dissolution 
4es^ mondes,  où  elle  se  plonge  dans  le  sein  de  la  divinité  suprême.  Ce 
rudiment  corporel  est  assez  subtil  pour  se  dérober  à  la  vue  des  assistans 
quand  il  s'échappe  du  corps  proprement  dit ,  et  pour  ne  pas  être  altéré 
par  le  brûlement  ou  les  autres  traitemens  auxquels  ce  dernier  est  exposé. 
Le  corps  est  maintenu  dans  sa  chaleur  par  La  puissance  du  rudiment 
élémentaire ,  et  devient  froid  quand  celui-ci  l'a  quitté. 

Mais  celui  qui  a  obtenu  la  connôissance  de  Dieu ,  ne  passe  pas  par 
les  degrés  dont  il  vient  d'être  parié;  il  se  réunit  à  Dieu  lui  même,  comme 
une  rivière  se  jette  dans  f  Océan.  Ses  facultés  vitales  et  les  élémens  dont 
est  composé  soit  coœs ,  en  tout  seize  parties,  sont  absorbées  absolument 
et  complètement  :  le  nom  et  la  forme  ont  cessé.  II  est  devenu  immortel 
sans  membres  ni  parties. 

Lorsque  faîne  est,  avfeçles  acuités  vitales  qu'elle  a  absorbées  r  re- 
tirée dans  son  habitation,  qui  est  le  cœur,  le  sommet  de  ce  viscère  devient 
brillant ,  et  éclaire  le  pasiageque  cette  ame  doit  traverser,  la  partie  supé- 
rieure du  crâne  chez  les  sages ,  toitte  autre  partie  chez  les  ignorans. 
Cent  une  artères  partent  du  cœur,  et  l'une  de  ces  artères ,  nommée  sou-' 
shoumna ,  se  rend  au  vertet. .  Ce  rayon  s'étend  ,  pendant  l'existence  du 
corps ,  depuis  le  soleil  jusqu'à  la  veine ,  et  de  celle-ci  au  soleil.  Le  con- 
templatif qui  a  accompli  les  exercices  prescrits  par  les  Védas,  jouit  de 
l'avantage  de  ce  rayon  en  tout  temps ,  en  toute  saison,  de  jour  commf 
de  nuit.  L'été  est  une  saison  pllis  favorable  pour  les  autres ,  ainsi  qu'on 
Ip  voit  par  rexejripfo  d'un  personnage  qui  attendit  le  retour  de  cette 
saison  pour  mourir.  Dana. les  opinions  particulières  enseignées  par 
Sankhya  yoga,  le  temps,  le  jour  et  la  saison  de  Tannée  ne  sont  nulief 
ntenjt  une  circonstance  indifférente. 

Diverses  stations  sont  assignées  à  Famé  voyageuse,  et  plusieurs 
guides  lut  sont  donnés,  pour  lui  tenir  lieu  des  facultés  qu'elle  a  perdues . 
Le  rayon  du  soleil  la  porte  au  royaume  du  feu;  de  là  elle  vient  auprès 
,di^  génie  du  jour,  du  demi-mois ,  des  six  mois  d'été  et  de  l'année;  puis 

Qqqq  % 


676  JOURNAL  DES  SAVANS 

au  séjour  des  dieux  ;  a  l'air  ou  au  vent ,  dont  le  génie 
ses  domaines  à  travers  un  passage  comparé  au  moyeu  « 
jusqu'au  soleil»  d'où  elle  revient  a  la  lune,  puis  a  la 
au-dessus  de  laquelle  est  le  royaume  de  Varouna ,  gc 
car  les  éclairs  et  le  tonnerre  sont  au-dessus  des  nuxj 
aqueuse.  Le  surplus  du  chemin  est  par  le  royaume 
séjour  de  Pradjâpatt*  ou  Brahma.  L'ame  de  celui  qui 
fèction  du  savoir  divin ,  quittant  son  enveloppe  corp 
lumière  suprême ,  qui  est  Brahma ,  et  s'identifie  avei 
pure  que  l'on  jette  dans  un  lac  limpide. 

Celle  qui ,  sans  être  entièrement  délivrée ,  est  parvi 
exercices  de  dévotion  et  de  la  méditation ,  a  un  éa 
moins  parfait,  arrive  au  séjour  de  Brahma,  mais  ne! 
plètement  avec  lui  ;  elle  jouit  d'un  pouvoir  transcend 
un  acte  de  sa  volonté  seule ,  appeler  les  ombres  des 
cer  d'autres  (acuités  surhumaines.  Un  tel  être  est  irn 
soumis  à  aucun  contrôle.  II  peut,  à  son  gré,  revêti 
corps ,  ou  s'en  débarrasser.  Sous  le  nom  de  Yogi,  il 
de  la  divinité ,  à  la  création  prés.  Il  est  exempt  du  ret 
le  kalpa  ou  la  période  actuelle,  mais  non  pour  la  péri 
n'est  par  une  faveur  spéciale  de  Dieu.  L'ame  réuni 
pensée  a  tout  jamais. 

Les  corps  organisés  sont  rangés  par  les  partisans  du 
et  aussi  sous  quatre  divisions.  Leurs  quatre  classes  » 
celles  des  autres  écrivains  ;  mais  la  division  en  trois  seml 
a  cette  école.  Elle  distingue ,  1 ,"  les  vivipares  ,  [corn 
quadrupèdes;  a.Dles  ovipares,  comme  les  oiseaux  et  le 
qui  se  produisent  par  germes ,  c'est-à-dire ,  les  anima 
de  l'eau  et  les  végétaux  qui  naissent  de  la  terre.  Le: 
ont  un  genre  de  génération  équivoque  et  spontané  01 
pagatîon  qui  s'exerce  sans  le  concours  des  sexes.  '. 
dans  leur  ordre  de  développement  ou  de  production 
avec  leurs  propriétés  caractéristiques,  i.*l'éther(âtti 
occupant  tout  l'espace,  et  ne  se  distinguant  pas  du  1 
qualité  particulière;  a."  le  vent  (vaytu  /ou  l'air  en  1 
mobilité  forme  son  caractère;  le  son  et  la  tangibi 
sensibles;  3."  le  feu  ou  la  lumière  (tSdjas),  qui  serf 
leur  ,  et  par  lequel  se  manifestent  le  son ,  la  tangib 
4-*  l'eau  (ip) ,  dont  la  fluidité  est  le  caractère  essenl 
on  rencontre  le  son,  la  tensibilîté ,  la  couleur  et  le 


NOVEMBRE  1830.  677 

terre  (  prithivi  ou  arma),  que  la  dureté  distingue  des  antres,  et  dans 
laquelle  on  remarque  le  son,  la  tangibilité,  la  couleur*  le  goût  et 
l'odeur.  M.  Colebrooke  pense  que  la  distinction  de  l'éther  et  de  Pair  pro- 
vient de  ce  que  la  mobilité  a  été  considérée  principalement  dans  celui- 
ci  ,  et  de  ce  que  le  premier  a  paru  la  même  chose  que  le  fluide  aérien  en 
repos.  De  là  vient  que  l'on  a  comme  identifié  les  idées  de  vent  et  de 
mouvement ,  et  celles  d'éther  et  d'espace. 

Après  de  nouveaux  efforts  pour  donner  la  véritable  notion  de  Brahma , 
considéré  comme  doué  de  formes  et  sans  forme,  et  désigné  conséquem- 
ment  par  cette  expression,  ni  ainsi t  ni  ainsi,    les  auteurs  que  suit 
M.  Colebrooke  traitent  des  pratiques  de  dévotion  et  des  méditations 
pieuses  qui  sont  recommandées  comme  propres  à  mettre  l'âme  et  Fesprit 
en  état  de  recevoir  I*  science  divine.  L'auteur  passe  rapidement  Sur  cette 
partie  de  son  sujet,  plus  religieuse  que  philosophique,  et  il  en  vient  à 
montrer  quel  est  le  fruit  qu'on  doit  attendre  de  cette  science.  Aussitôt 
qu'elle  est  obtenue,  les  péchés  passés  sont  annuités ,  et  toute  offense  ul- 
térieure est  prévenue.  Comme  l'eau  ne  mouille  pas  la  feiiUfe-du  lotus, 
de  même  le  péché,  ne  touche  pas  celui  qui  connoît  Dieu.  C'est  à  la 
mort  que  ces  conséquences  ont  lieu. . Le  nœud  du  coeur  est  rompu, 
tous  les  doutes  sont  dissipés ,  et  les  œuvres  périssent ,  c'est-à-dire  que 
les  mérites  et  le*  démérites  disparaissent  dès^u'on  a  vu  Dieu.  Les  bonnes 
œuvres  comme  les  mauvaises  actions  sont:  anéanties  également;  caria 
servitude  seroit  la  même ,  que  la  chaîne  fût  (For  ou  de  fer.  Le  soin  d'en- 
tretenir un  feu  perpétuel 4  etlcTkutres  pratiques  religieuses,  conduisent 
à  la  même  fin  ;  car  on  déclare  que  les  Brahmanes  obtiennent  la  connois- 
sance  divine  par  les  saintes  étudtj  yp  les  sacrifices ,  les  aumônes  et  la 
dévotion. 

Des  questions  très-abstraites ,  qui  ont  été  agitées  par  nos  théologiens , 
ont  aussi  fixé  l'attendri  dès  seciaftfciiishJu  fcédâdt*  ;  et  oht  ot&siomté 
parmi  eux  de  longues  discussion  .Tejs  asobi  Je  fibre  arbitre,  te  grâce 
divine ,  {efficacité,  des  œuvres  et  dç'Ifi  _fti*£t  plusieurs  autres  peints 
difficiles/  Le  finit  dès  œuvres  est  le  prinçijj>al  sujet  qui  es$  Vfdffé  dans 
le  premier  m\mansaf  cefaf  qui  cpnçejpe  Tçs  ctçyoirs  religieux,  les,  sa- 
crifices et  autres  âbserahées»  Comnie  UiXieç6iiS  mimansd,'  œïui  cJont 
nous  venons  de  nous  /occuper,  tff>Itis  Ûë  apports  âvei  les  éiïjets  {idéo- 
logiques proprement  dits ,  on  y  soutient  la  doctrine  de  la  grâce  ;  on 


passée 
i'unHhrs,  avec  les  renouveflemens  infinis  des  mondes,  dans  lesquels 


67%  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

.  > 

chaque  individu*  apporte  les  prédispositions  qu'il  a  contractées  dans 
des  états  antérieurs,  et  ainsi  en  remontant,  sans  commencement  ni 
limite.  Ceci  ,  comme  on  voit ,  n'a  que  l'apparence  cPuné  solution;  mais 
comment  exiger  davantage  d'un  peuple  réduit  à  ses  propres  lumières 
dans  une  matière  où  la  sagesse  de  tous  les  peuples  n'a  pu,  après  mille 
discussions ,  qu'arriver  à  la  conviction  de  son  insuffisance  ! 

La  notion  qui  présente  le  mondé  changeant  comrtie  une  illusion 
(wfyâ),  où  tout  ce  qui  se  piasse  n'est  qu'une  création  de  l'imagination, 
cette  notion  ne  paroît  pas  reçue  dans  la  doctrine  du  védanta.  M.  Cote- 
brooke  n'a  rien  remarqué  à  ce  sujet  dans  1er  soutras  de  Vyâsa ,  ni  dans 
les  gloses  de  Sankara;  mais  il  y  a  beaucoup  de  choses  qui  s'y  rapportent 
dans  les  commentaires  du  second  ordre  et  dans  les  traités  élémentaires, 
k'aïiteur  pense  que  cette  idée  n'appartenoit  pas  au  védanta  primitif, 
piais  à  une  :  autre  branche  à  laqudUe  les  écrivains  postérieurs.  Font  em- 
pruntée ,  en  mêlant  et  confondant  les  deux  systèmes. 

Nous  n'avons  pas  pft  renfermer  en  moins  d'espace  l'analyse  d'un  long 
mémoire,  sur  l'un  des  plus  importans  sujets  qde  présente  fhistoire  de 
h  philosophie  orientale.  L'exposition  de  M.  Gofebrooke  est ,  comme  à 
l'ordinaire ,  savante  et  méthodique;  peut-étua  «fy  rtmarque-t-on  pas 
jtout-à-fait  autant  de  chrfté  qu'A  en  a  su  mettre  dmitet  essais  précédons. 
JI  nous  fiwdra  au  moins  lin  second  article  pour  les  mitres  mémoires 
compris  dans  le  second  volume  des  TYsxsactions. 

J.  P.  ABEL-RÉMUSAT. 


UlMiMM» 


p  ■  •  r 

.  ^IBUOTHECA  CLASfiCA  LATIN  a.  M.  Accii  Plàuti  ComœSa , 

,.xum  selectis  vdûotum  nolis ,  et  novis  commentants ,  curante 

■o. .  J.Naudet,  XLviro  in  régla  Inscripùonum  Açadèmïa.  Parisiis, 

'"  excudebat  A.  Firminns  Pidot , .  gai Ucarura  academiarum 

typographus  ;  colligebat  Nie.  Elig.  Lemaire,  poeaeos  latin» 

profe&sojr,  1830*  Voiumen  primtim,  vi;  et  655  pag.  in-8* 


9 

m 


M.  N audet  a  renvoyé  au  dernier  volume  de  cette  édition  de  Plaute , 
Ta  notice  générale  qu'if  doit  donner  de  la  vie  et  des  écrits  de  ce  poète  :  la  ' 
préface  du  tome  I."  n'offre  qu'un  simple  exposé><fe*  devoihf  que  le  savant 

fi  t».  -  *  t  •  •  -     .  •  •  § .  1  .  ■  •  ■  •  ,*       •  .^^^       » 


NOVEMfc^E  1830.  m  6y9 

éditeur  se  prescrit  ;  c'est  une  courte  annonce  ctun  très-grand  travail.  Le 
texte  de  Plaute  sera  reproduit  d'après  les  éditions  les  plus  accréditées 
et  le  manuscrit  j  5  68  de  la  bibliothèque  du  Roi.  On  donnera  une  atten- 
tion particulière  à  ia  versification  et  à  l'orthographe,  à  l'égard  desquelles 
il  subsiste  d'assez  graves  difficultés.  Le  commentaire  aura  deux  objets 
principaux  :  l'un,  cfédaircir  les  textes  que  la  vétusté  du  langage  ou  le  ca* 
ractère  des  allusions  peut  rend», obscurs;  fcuttre ,  de  recueillir  dans  ces 
comédies  des  notions  historiques  relatives  aux  usages  civils  du  peuple 
romain ,  et  spécialement  à  ceux  qui  concernoient  l'art  théâtral 

Le  volume  que  nous  annonçons  contient  six  pièces ,  l'Amphitryon , 
TAsinaria,  TAuIutaria,  les  Bacchides,  les  Captifs  et  la  Casma.  Chacune  est 
précédée  d'un  sommaireou  argument  en  vers  acrostiches,  attribués  soit  à 
Prisden ,  soit  à  Sidoine  Apollinaire,  soit  aussi  quelquefois ,  mais  sans  la 
moindre  vraisemblance ,  à  Plaute  lui-même.  Les  argumens  en  prose  de 
Camerarius  sont  un  peu  plus  instructifs,  e^fc  deviennent  davantage 
quand  M.  Daudet  y  fait  des  additions.  9' 

Le  prologue  de  l'Amphitryon  a  cent  cinquante-deux  vers;  et  Iq 
nouvel  éditeur  craint  qu'if  ne  paroisse  un  peu  long  aux  lecteurs  mo- 
dernes. Nous  croirions  plutôt  que  les  détails  ingénieux  et  pjquans  dont 
il  est  rempli ,  doivent  inspirer  dès  l'abord  une  très-haute  idée  du  talent 
de  l'auteur  :  mais  on  n'attend  point  de  nous  des  observations  sur  le 
fond  des  ouvrages  de  Plaute;  il  doit  nous  suffire  de  faire  apprécier, 
par  quelques  exemples,  le  travail  de  M.  Naudet,  le  caractère  des 
notes  qu'il  a  extraites  des  anciens  commentaires,  le  mérite  et  l'utilité 
de  celles  qu'il  y  a  foin  tes. 

Sosie ,  dont  Mercure  a  pris  le  nom  et  la  figure ,  s'écrie  :  Vivo  fi  qnod 
nunquam  qutsquam  mvrtudjaciet  miki  ;  «on  me  fait  de  mon  vivant  ce  que 
jamais  personne  ne  dort  me  faire  après  ma  mort.  »  Selon  Douza,  Sosie 
veut  dire  qu'on  lui  rend  le*  honneurs  funèbres.  Gruter  et  M.m*  Dader 
rejettent  cette  explication  cémmë  trop  vajgue ,  et  citent  un  passage  de 
Suétone ,  où  il  est  dit  qu'aux  funérailles  de  Vespasien ,  le  chef  dès  mimes , 
portant  lé  masque  de  cet  empereur,  contrefrisoit  ses  gestes  et  son  langage. 
Suivant  le  commentaire  de  Lambin,  le  valet  d'Amphitryon  dit  qu'on 
porte  devant  lui  son  image,  et  qu'assurément  il  ne  sera  point  enterré 
avec  tant  de  pompe.  M.  Naudet  adopte  cette  interprétation ,  indiquée 
en  effet ,  à  ce  qu'il  nd^sembfe ,  par  le  vers  qui  précède  immédiatement 
Vivo  fit  ^  et  qui  consiste  en  ces  mots  ;  Nam  hic  quiiim  omnan  imagiàiwf 
meam,  quœ  antekàc  filtrat,  possidei;  «  cet  homme-ci  possède  ou  porte 
mon  image  toute  entière ,»  telle  qu'elle  m'avoh  ci-devant  appartenu.  » 

Quand  Mercure  «fit  (scène  111 ,  vers  i<a ,  1 3  )  : 


6io  JOURNAL  DES  SAVANS, 

s£depol ,  nœ  illa  si  isris  rébus  te  sciât  opérant  dartj  . 
Egofaxim  te  Amphitruonem  esse  malis,  quàm  Jovem , 

la,  plupart  des  interprètes  croient  que  c'est  Alçmène  que  le  pronom 
illa  désigne, et  Molière  paroiten avoir  conçu  cette  idée»  Au  contraire, 
Lambin  et  M.  Naudet  sont  persuadés  qu'il  Vagît  de.  Junou,  et  que 
Mercure  lève  un  doigt  au  ciel  en  prononçant  cet  à-partc.  Nous  incline- 
rions à  penser  que  le  poète  a  voulu  qu'/V/d  fftt  à-ïa-fbis  susceptible  de 
ces  deux  sens*  Alcmèhe,  qui  vient  de  dire,  Ecastorreexptrfor  quanti  facias 
uxqrcnt  tuam ,  a  cru  parier  d'elle-même  ;  mais  les  spectateurs ,  plus  ins- 
truits qu'elle  y  ont  pu  songer  aussi  à  la  véritable  épouse  de  Jupiter.  Illa 
se  rapporte  à  uxorcm  tuam,  entendu  comme  chacun  voudjna,  Cette  am- 
biguïté ,  qui  se  reproduit  plus  d'une  fois  dans  la  pièce ,  étoit  en  quelque 
sorte  une  des  données  du  sujet.    :-'.'... 

L'Amphitryon  de  Plwte  est  suivi, dans  la.  nouvelle  édition,. des 
Sosies  de  Rotrou.  La  cWèdie  de  Molière  est  trop  universellement  ré- 
pandue , pour  avoir  besoin  d'être  aussi  reproduite.  En  réimprimant,  sauf 
quelques-  retrandxemens  ,  celle  de  .Ko trou ,-  M.  N?ude$  rend  hommage 
aux  talens  que  ce  poète  avoit  jreçus  de  U  nat^ie*  et  dopt  il  auroit  pu 
faire  un  plus  heureux  usage,  ce  Quisquis  Exe  ïegerit ,  mirabitur  certè 
»  illam  vim  scribendi  et  elpquentkm  poetse  illa^oratam ,  tanqjikm  è 
*•  divite  venâ  profluentem.  Félix  profectô  et  pracclarum  viri  ingenhun , 
»  qui  utinam....  studio  perfeçisset  dotes  quas  à  naturâ  acceperat,  neque, 
»  quod  magis  proclive  erat  versus  prompte  fàcienti  et  voluptatibus  de- 
»  dito,  hispanicas  fabulas  imitari  semper  voluisset!  Inter  praecipua  nos* 
»  tratis  theatri  décora  etiam  nunc  spectaretur.  » 

Dans  le  vers  37  de  la  première  scène  de  l'Asinaria,  Equidcm  scio  )àm 
filius  qubd  amet  meus ,  J.  Fred.  Gronovius  veut  qu'on  lise  quom ,  quum  ou 
quant  au  lieu  de  quod:  il  réprouve  scio  quod  cojnme  une  locution  barbare, 
étrangère ,  quoi  qu'en  ait  dit  Sciopphis ,  à  l'antique  latinité.  M.  Naudet 
prend  ici  le  parti  de  Scioppius ,  dont  il  justifie  l'opinion  par  des  exemples 
qui  nous  paroissent  décisifs.  Adversis  animis  acceptum  quod  Jtlio  Cl  audit 
socer  Stfanus  destinaretur.  Tac.  Ann.  ni,  29.  Cognito  quod  ïnsidlœ sibi 
pararaitur.  Justin,  XXVJI ,  3.  Cum  cernât  uterque  quod  nec  inops  jaceat 
piet as.  Claud.  de  Land.  Stilic.  jif  129,  &c.  Plaute,  qui  i  mi  toit  en 
latin  des  comédies  grecques,  a  fort  Jbien  pu  tra^fee  quelquefois  ïti  par 
quod.  Ce  n'est  que  par  un  très-pénible  commentaire  de  ce  passage,  qu'on 
parviendront  à  y  introduire  quant  ou  quum. 

Le  vers  de  la  même  pièce ,  Velus  est,  nihili  coda  est  ;  scis  cujusl 
non  dico  ampli  us,  est  l'un  de  ceqx.qui  ont  le  pins  tourmenté  les  inter-  ' 


NOVEMBRE  1830.  681 

prêtes.  D'après  Porphyripn  et  Festus*  cocio  a  été  pris  pour  synonyme 
àaxilator,  homme  qui  marchande,  qui  offre  des  arrhes,  qui  veut,  de 
manière  ou  d'autre,  gagner  sur  un  marché.  Selon  Gronovius,  cocio  est  un 
entremetteur,  un  courtier  qui  répond  pour  l'acheteur.  On  a  supposé  aussi 
<jUè  ce  mot  pouvoit  avoir  à-peu-près-  le  même  sens  que.  propo/a  (de  *i»to7y)» 
brocanteur ,  qui  ne  paie  qu'après  avoir  revendu.  En  somme ,  nikilf  cocio 
rr/ a  semblé  dire  que  L'argent  qui  n'est .  que  promis  est  réputé  nui. 
M^is  certain*  critiques  corrigent  ce  texte  :  ils  y  changent  cocio ,  soit  en 
coaciio,  ce  qui  n'est  guère  plausible»  soit  plutôt  en  cautio.  A  l'appui  .de 
cette  ^  dernière  leçon ,  Muret  cite  l'altération  de  plaudo  en  plodo ,  de 
çaupo  en  copo ,  deXIaudiys  en  CJodius.  Mais  il  s'en  faut  que  ces  ob- 
servations .grammaticales  suffisent  pour  éclaircir  parfaitement  le  vers 
de  Pîaflte.  En  admettant  que  les  mots  vêtus  est,  annoncent  un  ancien 
proverbe ,  ce  qui  semble  être  la  seule  explication  proposable,  fàudra-t-il 
traduire  scis  quojus  estpai  «vous  savez  ou  savez -vous  de  qui  nous  vient 
cette  maxime!»  A  notre  avis,  Une  peut  g\ièi#  être  ici  question  de  rechercher 
ou  de  rappeler  une  telle  origine.  Selon  toute  apparence ,  il  s'agit  de  la 
chose  ou  de  la  personne  dont  là  cocio  ou  cautio  est  sans  valeur,  Cujus 
rei  !  nempè  pecuniœ  rionprœseriiis,  ou  bien  cujus  hominis  !  scilictt  egentis ,  vel 
magna  promittentis \  vet  forte  amatoris ,  dit  le  nouveau  commentaire.  Non 
dico  amplius,  a  joutejCiééréta;  elle  n'en  dira  pas  davantage,  soit  parce  qu'elle 
tient. le  proverbe  pour  décisif,  soit  pa*ce  qu'elle  a  dè)\  bien  assez  parlé. 
Cette  Ôééreta,  qui  fait  un  trafic  infante,  vient  de  s'exprimer  en  ces  termes  : 

Diim,  aquam y  soient ,  lunam,  noctem,hœc  qrgento  non  emo  : 
C cetera,  quœque  vojumus  uti-,  çrapca  mercamur  fidç. 
Quum  à  pistçrç panem  pétimus ,  vinum  ex  anopolio 9 
Si  œs  habent ,  iant  merçèm  :  eâdetn  nos  disciplina  utimur. 
Sempèr  oculatœ  manus  sunt  nostrœ  j  crtdunt  quod  vident. 
Vêtus  est,  ifc. 

«  II  y  a  des  choses  qui  ne  s'achètent  point,  l'eau,  la  lumière  du  jour,  &c. 
Pour  le  surplus,  le  commerce  s'en  fut  à  la  manière  grecque.  »  Mais  les 
mots  grœcâfidt  sont  aussi  l'objet  d'une  controverse,  Turnèbe  et  Grono- 
vius les  prennent  en  bonne,  part,  c'est-à-dire,  pour  une  convention 
loyale ,  pour  un  engagement  dThonneur.  Nous  croyons,  avec  M.  Naudet , 
que,  devant  des  spectateurs  romains ,  ils  signifioient  une  vente  en  argent 
comptant;  et  c'est  ce  que  disent  assez  les  deux  vers  qui  suivent  :  un 
boulanger ,  un  cabaretier  ne  livrent  leurs  marchandises  que  lorsqu'ils 
ont  .reçu  des  espèces  sonnantes ,  y  cçs  habent;  nous  en  usons  de  même. 
Nos  mains  ont  toujours  xfes  yewc  >  et  n'ont  confiance  qu'en  ce  qu'elles 
'       *fc    "    % "    ' •  "      .  *      Rrrr 


6U  JOURNAL  DES  S  A  VANS, 

dit-on,  chez  les  anciens  Romains,  qui  pesoient  Targent  an  lieu  de  le 
compter ,  impensum  devoit  être  ce  qui  n'avoit  pas  valu  la  peine  d'être 
pesé.  S'il  faut  l'avouer,  cette  explication  nous  laissa  des  doutes,  que  la 
lecture  de  tout  ce  monologue  de  Mnésifochus  n'éclaircit  aucunement. 
La  maxime  en  question  y  est  immédiatement  suivie  de  ces  deux  vers  :    « 

Mahfactorem  amitù  satius  quant  relînqui  beneficujtu 
JVirnio  prœstat  inpendiosum  te  quant  ingratum  dicter* 

ce  Mieuxvaut  épargner  un  malfaiteur  que  de  laisser  un  bienfaiteur  san*  ré- 
compense ;  mieux  vaut  passer  pour  prodigue  que  pour  ingrat.  »  Voilà 
inpendiûsâs  signifiant  prodigue  et  opposé  à  ingratus,  tandis  que  tout  à 
l'heure  un  ingrat  étort  précisément  ce-qu!il  y  avoit  de  plus  impeiuus^vk 
monde.  Ces*,  dit-on*  qvtimpcnsus  et  iniptndwsus  sont  deux,  termes 
tout-à-fait  differens;  Saumaise  l'a  décidé  ainsi  :  la  particule  i*  $  négative 
dans  le  premier  r  est  illatrve  dans  le  second.  Cettfe  distinction  peut  bpen 
s'appliquer  à  d'autres  textes;  mais  ici  le  voisinage  de  <jef  deux  termes, 
pris  en  deux  sens  si  divers,  seroit  d'autant  plus  étrange  >  qu'on  n'y  peut 
guère  soupçonner  l'intention  d'un  jeudt  tHotV.  S'il  nous  ûdjoh  adopter 
une  conjecture  sur  ce  passage  trèsrdifijafev  npm  serions  fart  tentés;  de 
préférer  celle  de  Pistorius. 

r  i  Dans  la  neuvième  soèoe  du  quatrième  ec**>  un  esdave  dit  *u  vieipt 
Nicobufe  :  «De  deux  choses-  l'une  r  il  faut  que  vous  As^iez  le  sacrifice  da 
votre  or  9  ou  que  votre  fils  se  parpre  ;  et  surce  ppint  je  n'ai  rien  à  vous 
ordonner ,  rien  à  vous,  défendre ,  pas  de  conseil  à  vous  offrir,  ». 

Duœ  condifiones  'surit  ;  iïtram tur àdciptûsvidè  : 

Vel  ut  aurum  perdas,  vd  ût  àm'aior  pejerti*     .        .   '  "  ' 

Ego  neque  te  jubeo ,  neque  veto  ,  rtéqûi  iuàdeo/1   '"  .    * 

,  -  ,      I  ■  ■  ,  •!  *     ■ •  '  ■         '       * 

Dans  nos  temps  modernes»  un  père  awpœ  ^'h^sitèro^  pas;  à  ses  yeux  , 
la  perte  de  deux  cents  pistoles  seroit  un,  bieji-  plus  ^g^nd  majheur  quç 
f  impossibilité  o|i;$e  verrpit  ion  fils  d'accomplir  une  promesse  follement 
jurée;  et  sur  nos.  théâtres,  fe  propos  du  vaIetj^flil^erc4ftJûutiIe  ou  in- 
vraisemblable. Mais  il  ê$ea  falloir  qu'il  en  ftf,  Ue  pieuse  au  temps  <fc 
Piaule,  pour  des  spectateurs  roiq^inç ,;  chez  qjii  ia,  jtçtigion  du  sççment 
étoitiin  semiinçnt-supérjeur  à  tQus  les  autresfAib  avoiçut;  fait  du  ser- 
ment une  sorte  de  divinité,  redoutable  à  q^icoiiq^e  osait  ['offenser. C'eqt 
ce  que  M.  Naudet  prftuye  jwx  des  .faits ,  ef.  parycpjièreraentpar  un  tejpç 
de  Cicéron  (  de  0£j(UstrXU  9  $6:}  i>  Ce  qu'a  jfiut  Bigulus ,  U.épfft, 
selon  Cicéron ,  imppssible  qu'il  ne  le  fîtpa^  la  gtojre,§n  est  à  son  sj£çjç 
plus  qu'à  lui-même  ylllu^idem  fâp&& 

•:*.:■  ri 


t  ?  /NOVEMBRE!  ifcj&Un  l  jtof 

fkéistn/ûxinmfstkàmhris;  sedtempàrvm.  Il  suh  de  1à  que  ià  four- 
berie de  l'esclave,  pour,  persuader  à  NicoBuie  xpm  son:  fil*  court Me 
risque  d'un  parjure*,  devoit  faire  sur.  ftsprit  dû  meittard  tine  impression 
égale  à  cette  que  produit ,  dans  une  scène  correspondante  du  théâtre  de 
Molière,  le  conte  des  pintes  écouté  par  un  vieux  Napolitain,  «  Spectay 
»  tores  titra  sénseruit  Chrysalum  (semtm)  îûrisjurapdi  necessitatem 
»*què  probabiliter  «mentkum,  ajque  nos  j  in  ranpare  scenâ  Mo^eridaé 
v  comedix,  jucficannis  opportnnè  excogitatâm  à  Scapino  ptitaticè  manûs 
?  febulam.  Seni  taiiano  refcgio  jurât*  fidei  tarn  ineiuctabiKs  qdànr  sent 

*  neapoHtano  *is paaedômirp  f  dekdk  vident?'.  .! 

*  Nous  pourrions  nous  arrêter  plus  long- temps  i  cettexamédiedefe 
Itoçhides*  qui  est  l'une  des  plus  4pirittieUes<£rQduétk>afr  du  poète  latin  ; 
cependant  M.  Lemerctef  jfcoonçnandè  encore  plus  aux  jeunes- poètes 
ia'lfccturq  des  Gaptifv  Les  notés  dont  cette  pièce  est  accompagnée 
dané  -Fédttkm  ateu+eile  v  son  t  aussi  fort  iristructôres  :  o»  y!  refacontrë 
de*  notions  pdtc»ea  attr  la  langue  rde  Plante,  sw  la  iqwnre  de  ses 
fSf»,  sur  ^a  poétique,  iawr  fes  ]U^es  'auxquels  il  fiût  «aHudion,  sur 
oeafei&M  £rafeésienstou;qorrflions  àociaèès,  tpériaienkentlsuo  celles  des 
parasités;  et  des:  ësdwes,-  Quoique.  Ltrscènè  soir ■■  en Étcrfie,  d'auteur  et 
fcs  sfcteui i  se  açtroumit  souvent  dana  Aome.  C'est  ainsi  qu'ils  parient 
(  l*ri  i  a*  ) *te  importe  trigtmip* wpmmmttAt  celle psfr  où  les  Horace* 
Ht  fes  CtroMta  avofeot passé*  jffilMfpnfc mention  de ^epsès,  de «rânsac^ 
ttatpiidt  pUcfcés  j.  tftVtsfrtc«j6ttrs  cdnfoméaientï aux  lois  et  aux  pratiques 
des  j  Jtomain*.  '  Ils,  nonanent;  fcsr  ^ahrtaits^  dé  -Pîstoie  et!  dé  Plaisance 
{***>  ;jfeî  ^gifant»*^^  btîwfleikfc.CoWvde.Préiièstei  fiégni1 
lwsînMe^Aiatri  (l«^  lok-bo^i^  Makfil^wfà  ohaervci  q lie  ces-  noms 
sottt  pfenfohgéft  tfkgsec*':  etdéçhifiéabbarfcaresj  rodiev&Wâffarii  comme 
fte  mauvaises  ttQM*itu?eM  :  JAi  «r  *if*r*»  ttiMftppm^arè  Mit  fit  tziyri*** 
Nj  w  ty^rS?*^^^  barbaricas.  urkdQuraiJ 

*  n: ' L«  G*ftp£4f  Pfkri* jcfflt4tf  ripdHW^  j»r &Qt*Q*> 
dont  la  pi^jest/icrséiamninéc^K^ 


MkdH^f apr^fô;»  te  'si.  ÛW  a 


*r*"Ti  ( 

ÎMfljps  ^urçuses  de  #eg^ 

4e*  MMfls>C[UAiM»$taNiet  jM-auoqufrjHu  <tefàif*<ebs«rae>:)(j  )?  *•«  -n.-:  i. 


A 
IX 


tonsorîs  celebracissimt  nd»W4«ii^trf^W(*rtBlteTOaiicHfam'\nHM'i^értMrf, 


> 


68tf  J  OURrlUL  DES  SAVAIS, 

• 

là  IriritiètfttVeb  de  là  second*  scène  du  trotsiêéne  acte  de  h  Casino 
se  lit  de  cette  manière  dans  la  nouvelle  édition  :  Nn,  tcostor,  vi//x  tmpnt'sê 
modius  qui  vtnii  sutit  ;  et  l'on  y  suppose .  qu*  il  équivaut  k  cette  phrase* 
Ecostor  kk  komù  nom  rili  nu  moéieo  prttbo  cmêêur*  m/^fx  todcm  pretio  qm 
vcnksiu  w*ditwrm<xllussnlis}<&Gn  vérité,  ce  n'est  pus  acheter  cet  homme 
à  bon  marché  \  que  4e  le  ptyer  ce  que  se  *etfd  un  boisseau  de  sel.  * 
Mais  plusieurs  éditeur»  %nt  écrit  ffc*/  et  Font  suppoeé  au  nominatif* 
Gruter  fa  changé  m  */;  Douze  et  XSrottovhy  ont  substitué  mêdtïh 
moJiur.Ejifm  tctii  a) été  pris ici  pour  synonyme  éhuhenit  :  qui  rente, 
celui  qui  vient,  qui  arrive,  savoir  Alcésfene,  qui  entre  en  scène.  On  * 
donné  It  ce  passage  des  sens  si  divers,  que  nous  n'entreprenons  pas  de  les 
exposer  tous  ï  dans  la  traduction  publiée  e?  i  Bao  ^  fi  est  rendu  parlai 
mots  :«  Afoésime  n'a  pas  acheté  à  bas  prie  fe  bofeaeau  ife  sel  qui  lui  * 
»  été  vendu  ;  »  ce  qui  n'a,  du  moins  à  dos  feiz^nçtta  sens  ptaut&Ie» 
II  y  a  d'ailleurs  peu  de  lumière  à  tirer  de  Penseîribie  du  «Kscours  que 
ce  vers  émgmatlqae  vient  terminer:  c'est  la  femme ^de ; Stalinon  qt* 
parle,  pc  Je  vois  maintenant*  dit-elle ri pourquoi  <nnpi  mari  me  prestoit 
tant  Jalkr  cherche^  ma  joisiàe;  à  vouloir  que  la  maison  cfAlcésirt)* 
fût  libre  9  afin  d'y  conduire  Gashuul  Jeme  gâiJawi  bieitdfe  déplacer  i* 
votene,  ce  seroft  mettre  nos  4euu  Tfant  libertins  trop  k  l'aise^  Mafté 
voici»  le  vofan-  Alyéstme  hu  wdma  »  mi  prétpadn?)  «putten  du  sénat» 
ce  défenseur  du  peuple;  ami  complafamt  qui  pt+cè  su-  maison  1  mon 
époux  :  non  ecamr  vllfs  emptu'stmmtim  q*i  mAr  satiu*  Oh[  eoh  quH 
n'est  pas  facile  de  saisir  fat  iiatsori  <Jut  doit  earissff  centre  *e  wn  et  iea 
précéder*  :  il  est  possible  que  la  J6m mai  de  Smiirton ,  dans  un  mtfuvfc* 
ment  de  colère  contre  Àlcésimèy  /avi$e  de  le  rabaisser  brusquement  au* 
dessous  de  i^  vaJeorcPuntttisseun  de^j  jfeaiaiKro^mmesiornd*  tenir 
cette  interpréttitioirpottt perëutemeqt  ésabêfe.  :fiby  a  des  eavans  qui  ont 

•  -,         '  :        ■         ■  ■-      ^        ''  ■^■■-■>|         '  " * ,  «'     \ 

pariter  roachin.*tibné*  ihstirttf  tit  ahcHfaoi  ^ryti*  aSf&?;d*  furè  iqo  po$teâ  bert> 
céwarur,  bot  tahiën  dfccritofwë  iirter  Whrirfèfaé  ar^MW^^îM'IitriK  Kbtdini 
htspaleusis  répugnai^  «ibraienib  serve*  qw»atrffemea?èunJ  qaoque  sapposb» 
tionem  fieri,  et  mœchi  ludificattonem,  uodè  in  uiu|ti£tobra  r*4w|d«£U  $*d 
his  quifiem  simyibus,  quantum  iptçr;  utrçusqu^  Kpnje  nwtsr  et  proipdë  popnli 
utnnsquê  de  spçcie  decori  in  vhas  privât»  cdmmercîo^is^niàtionem  interceçlav 
maxInYé  fit  trtanif^taMf;  Eô  qqpqtie  'tttitia  et^Mfcà'feibo.Ia  cdntefitem,  ijtiM 
sermpnls  et  ^ctnuih.  prettrvitaté'  lô^ctt  t*  fc*ettiliéittt**  'fcwrVitâl-  iUcMsMIl  j  jt 
mxins.diei.ar,  fimHiap.înMnih  hnminrs  sapfrnfrr  admnaantnr,  Innyi  imam 
priusquàm  Jiiwleiuii  ton«or  in  pr^9m^)V^DK^n^  Wolfe^  et  Rfgnsfdo 
profilera**  qiwi,  eanide^  ^«««^.ii^iWq^ijIfB^^K^f  aiteri  «BWfU 
exprini«^t:iiwili$WFlQp,nna  smedmpp^  aOvf^us.  i(gHA^çrQP(|uvi9  aUeriflu,^ 
fororb  ab  axnante  put  Uk  siniu^i.jiu|(J^ris  f  xç^tftMk>:.  ir  -, 


NOVEMBRE  <ï8$b.  6%f 

1  imaginé  que  le  sel  ètàt  nommé  îd  comme  le  symbole ;  de  fa  sagesse , 

I  et  mis  en  opposition  avec  la  foire 4e$ den*  vieillards*,  qêitt  duo  senes  non 

\  mitant  haben*  su  lis,  scillcet  ptant  insutêi.  M.  Ntudet  a  écarté  avec  raWdh 

m>  commentaire  tiré  de  si  loin. 

>La  même  femme  dit,  dans  la  scène  suivante  (itl,  3,  n  ,  22)  r 

JVon  matronarum  paruan'str  sedmmtricium> 

Vrr'ualiqiis,  rtû  vir ,  subblandirier^  -  .,     .. 

■  .         f  •  •  «  ■ 

Au  Heu  de  parfum,  la  plupart  de*  éditeurs  ont  imprimé  officium.s  et  il  y 

a  plusieurs  manuscrits  qui  portent  :  if  on  matronarum  y  arum  est  officlum* 

Apparemment  de  premiers  copistes  auront  lu  pariim  pour  partum  qu'ils 

ne  comprenoient  pas;  et  ojficium^  es^  peut-être  une  glose  qui  se  sera 

introduite  dans  le  texte  ;  mais  parum  e.t  pjficium  altèrent  là  mesure,  du 

vers.  La  leçon  par  tu  m  ^  qui.  I*  réunît,  ef  t  empruntée  par  ,JVJ,.  Naiidet  à 

M,  Bothe,  Le  grammairien  Charishu nous  apprend  qû'Enniuç  avoit  écrit 

quatuor  partum ,  et  César  haxum  parfum  vous  parti um.  Nm  matronarum 

partum'st  signifiera  apnc  :  «  il  .n'est pas  <îp  rôlç  des  femmes  honnêtes.  » 

A  l'acte.  fv  déjà  même  comédie  î^ène  I  ,.v.  18-19),  nous  lisons  : 
illœ  au  te  m  senem  extrudere  cupiunt  incoçnçm  ex  çdibus.  Lambin  et  Car 
merarius  avoient  mieux  aimé  incanatym  %c\uî  faisoit  disparoître  le  jeu  de 
mots  entre  senem  et  inc&nem.-Çe  c^epbourg,  que  d'anciennes  gloses 
autorisent  à  maintenir.»  seroit  remarquable  en  ce  qu'il  supposerait  que 
la  Jettre  ç  devant  «  prçnpit  dès  1^  tpjnps  de  Plaute  la  valeur  de  ¥s. 

Une  des  scènes  suivantes  s'ouvrç  par  ces  vers  ;     .  r 

Sttavi  eanéu  eeneelebra  omnem  hanc  plateam  hymen  œo. 
Io  hymen  hymenaef  io  hymen! 

On  pourroit  croire  que  l'aueui  pailefnui  juueur  de  ffûte  qui  sort  avec 
lui  delà  maison  deStalinon;  mais,  selon  M.  Naudet,  il  s'agit  de  celui 
qui  se  tenoît  constamment  sûr  le  proscenium  pour  accompagner  les 
cantica  et  les  diverbia;  c'est  comme  si ,  sur  nos  théâtres,  un  personnage 
s'adressoit  à  l'orchestre  ou  à  l'un  des  musiciens  qui  s'y  trouvent  rassem- 
blés :  cette  conjecture  est  fort  conciliable  avec  les  pratiques  des  anciens 
théâtres.  H  nous  resteroit  plus  de  doutes  sur  le  commentaire  des  paroles 

2ue  prononce  ensuite  le  même  acteur  :  esurio  arque  adeè  haud  sitio. 
)omme  quelques-uns  de  se$  prédécesseurs,  le  nouvel  éditeur  veut  que 
cej  texte  soit  altéré ,  et  propose  de  remplacer  adeè  haud  par  non  parùm  : 
J'ai  faim  >  et  je  n'ai  pas  peu  soif.  Saumaise  et  M.  Bothe  ne  corrigent  rien , 


é»8  JOURNAL  DES  SAVANS  , 

et  laissent  dire  au  personnage  3  *  J'ai  ftim,  et  tellement  fiûm  que  je  ne>sens 
point  la  soif.  »]Uid&  petttsembfer  on  peu  recherchée }  mais  .elle  est  iro- 
Hfédiatecnent  exprimée,,  jw .  fes/Ato»  ktmi  ûtqut  adtè  ha*4  sitio  que 
portent  tous  les  manuscrits ,  et  n'est  en  eU^-ttième  dépourvue  m  ddvér 

rite,  ni  d!mteiîtionçpfpiqu^.  •:.;'.  ...*:         ..    ;.:;     .::.:  .; 

Les  notes  que  nous  venons  de  citer  sont  en  bien  petit  nombre  ;  elles 
ont  pourtant  des  obfetsisi  dhrert  ,•  qu'eHesr^peàvialt  suffire  pour  montrer 
que  ce  nouveau  commentaire  tiettf  à  toutes  ié$  braifcttes  de  l'instruction 
classique,  à  la  grammaire,  à  Fhistoirç,  à  la  morale,  à  la  théorie  des 
beaux-arts ,  et  spécialement  dé ; Part  dramatique ,  à  là  critique  mtérîifrë , 
aux  annales  de  fa  Kttétature  aiïciêhné  et  moderne.  Cest  donc  àvècjtfus 
de  finît  que  jjàttais  qtToïî  fâîfalépidierf  dan*  cette  é^bii,  les  fîkâiï- 
cieris  moifamëriJ  qui  noué  r&tèhf  du"  théâtre  dés  TLatihio^rtiêmê  de 
leur  pfôéjfé ,  $ï nous  iiev  tétfdte  paS.îonipte  de  qû&qiîeé 'mgfaètë  qui 


ont  trop  peu  de c'dtosîitariiéè. 'IDéfi iîpr^ëu^jpatsôli antiquité ,  Phxîié 
l'ert  encore  par  fa  ^érîôifté  àè  sbh  talent ,;  c^iqult1  rfèri  ait  pas  tou- 
jours fait  le  plus  heureux  nile  plus  ïouaBfé  usage,  fi  eS?  jSârmis  de  penser 
que  jusqu'à  ce  four  il  n*a  été'lraq^sé'dkijs  lé  gerbe  comique  que  j*ar 
Molière.  Nous  pênsom'IrtuM  et 

mieux  interprété  'qiie ,  pair  sbiï  llôtf^eaû  cort méritàtfeur ,  toïrsqtie  cet  ex- 
cellent travail  de  MÎ  Natutët'a^ 

générale*  tet  préliminaire*  qu*qn "à  dtoit  fottettdfc  de  te  sàvâftt  acadé- 
micien. Le  volume  que  iioUs  venons  (f  annoncer  est  imprimé  avec  tin 
grand  soin  :  il  est  néanmoins  tértniné  par  un  errata  qui  a  plus  de  20 
articles ,  et  qu^uroit  pu  être  oii5  pètï  plus  ïôftg.  - 

DàUNOU. 


il  fi 


■p^» 


•'   l       '   ! 


NOVEMBRE  183Q.  6ty 

Recherches  sur  quelques-unes  des  révolutions  de  la  surface  du 
:  globe,  présentant  différent  exemples  de  coïncidence  entre  le 
redressement  dès  couchés  de  certains  systèmes  de  'montagnes, 
et  les  changement  soudain J  qui  ont  produit  les  lignes  de  démar- 
cation qu'on  observé  en  eertmu  étages  consécutifs  des  terrains 
de  sédiment ;  par  M*  Elle  de  Beaumont.  Paris,  chez 
Crochard,  libraire  éditeur*  cloître  SainfBenoît,  n.°  16  9 

...■  . '  .  - 

Nous  avons  fait  connaître  ,  3  y  a  ppu  de  temps  9  dans  ce  journal , 

un  ouvrage  de  jV^jgiie.  dp  Beaumont;  jious  en  présentons  aujourd'hui 

un  autre  qui  u'estpas  d'un  moindre  intérêt.  Le  premier  çontcnoit  des 

observations  sur  lès  (Jifférentçs  formations  qui*  dans  le  système  de? 

Vosges,  séparent  la  formation  houUlière  de  celle  dw  &*•  Dans  le 

second,  Jauteur  ^pcçupe  de  points  de  géologie  rel& tifs  aux  différentes 

chaînes  de  montages,  p^iicuWretflexu  à  la  manière  djêtre  des  couches 

qui  les  composent ,  et  à  leurs  yariatiqn%t 

Une  fois  qu'il  a  été  reconnu  que  les  chaînes  de  montagnes  s^toient 
formées  par  un  soulèvement,  et  qu'elles  étoient  sorties  déjà  terre ,  on  a 
été  porté  à  rechercher  si  elles  avoient  pu  se  soulever  sans  produire  sur 
la  surface  du  globe  de  véritables  révolutions;  si  le$  convulsions  qui 
ont  enlevé  dçs  masses,  quasi  puissantes  .n'ont  pas  agi  sur  les  couches 
de  l'intérieur  ;  si  les  lignes  de  démarcation  qu'çp,  ob^erye  dajis  Ja 
succession  des  terrains,  et  i  partir  de  chacuue  desquelles  le  dépôt  de? 
sédimens  semble  avoir  recommencé ,  ne  seraient  pas  le  résultat  des 
changemens  opérés  dans  ie* .  limites  et  le  régime  des  mers,  par  les 
mouvemens  successifs  des  montagnes. 

Le  phénomène  du  redressement  ijes  epuches  a,imprimé^ux  diverses 
aspérités  de  la  surface  du  gjobe  terrestre ,  des  caractères  particuliers,  et 
les  montagnes  se  partagent,  ep  {Qfféprens  systèmes  qui  se  distinguent 
pettement  les  uns  des  autres  par  des  directions  qui  y  dominent. 

Le  but  de  M.  Elie  de  pêaumont  £st  dé  prouver  que  fes  époques 
auxquelles  correspondent  plusieurs  des  solutions  de  continuité  qu'on 
observe  dans  la  série  des  terrains  de  sédiment ,  ont  coïncidé  avec  celles 
dc^,  convulsions  auxquelles  souv.^f  Ifs .  redressemeijs  et  les  disloca- 
tions de  couches  qui  nous  présentent  autant  de  systèmes  de  montagnes 
diràpcts,  ou,  en  d'autres  termes,  ,dy  montrer  par  des  exemples  .que  la 

d($J^pt»on  ^u»p  m*b&  *»  «TO^Jff^W  du  glqbe  f  miivaut  une 

Ssss 


V 


tyà  JOURNAL  DES  SA  VANS, 

certaine  direction,  a  formé  une  partie  mtégntote  et  essentielle  de  chacuh 
des  cbarçgemens  brusqua  dont  les  géologues,  et  les  zoologistes  sont 
parvenus  à  reconnoître.ies  tcaces» L'état  de  la  surface  de  notre  globe, 
du  moins  à  partir  de  ces  temps  reculés  et  encore  très- obscurs  qui  ont  vu 
se  former  les  terrains  dits  de  transition,  paroît  dpnc  s'être  composé 
d'une  série  de  périodes  de  tranquille  pfus  ou  moins  analogues  à  celle 
dans  laquelle  nous  vivons,  et  dont  moine  a  été-  séparée  de  la  suivante 
par  une  révolution  subite,  violente  et  passagère  ;  daris  laquelle^  les 
couches  d'un  certain  système  de  montagnes  ont  été  redressées  dans  une 
direction  déterminée. 

Voici  les  exemples  que  l'auteur  en  donne. 

1/  Le*  antiennes  terres1  sur  lesquelles  Oht  cru  tes  végétaux  dont  les 
couche*  de  htraiife  ont  été  composées,  ne  Sont  drflkifcs  à  reconnoître 
aujoùrcThm  quepàt  suite  des  bouleversement  ttemrbtetbc  qui  sont  venus 
depuis  lors  les  déformer.  L'auteur  rite  certaSttes  parties  du  bocage  en 
Normandie,*  certaines  parties  montueusés  de  TAhgléterre  et  des  Vosges, 
qui  ont  fait  partie  des  îles  qui  é'éievoient*  au-1  dessus  des  mers  de  cette 
période  reculée.  Ces  vieilles  terres  doivent  évidemment -leur  inclmaisori 
à  des  convulsions  antérieures  au  dépôt  de  fa  série  des  couches  dont 
celle»  de  howde  font  ^ftfè;  &t. 

a.°<  Le  Rhin,  de  Bittgen  à  Cologne  9  traverse u*j  système  de  mon- 
tagnes dont  lé  Hundruck  et  les  Anfcnne*  font  partie,  et  qui  se 
compose  principalement  de  schiste  argileu* ,  de  grauwacke ,  de  calcaire 
et  de  grès  houfllier ,  dirigés  à-peu^près  de  Fest»ndfd-est  à  F ouest-sud- 
ouest.  Les  couches  houillière*  inclinées  des  environs  de  Sârrebruck ,  sur 
la  tranche  desquelles  s'étendent  horizontalement  les  couches  du  grès  des 
Vosges,  faisant  partie  de  ce  système  que  M.  LéopoM  de  Buch  a 
nommé  système  dès  Pays-Bas ,  il  est  évident  que  le  redressement  des 
couches  de  ce  même  système  a  eu  lieu  entre  le  dépôt  d'un  terrain 
houillier  et  celui  du  grès  des  Vosges, 

3 .°  Les  couches  de  grès  des  Vosges ,  dont  se  composent  les  longues 
falaises  qui  bordent  là  plaine  du  Rhin  depuis  les  environs  de  Bâle  jus- 
qu'à ceux  de  Mayence ,  ne  s'y  trouvant  couronnées  en  aucun  point  par 
les  couche*  de  grès  bigarré  et  de  muscheïkalk  qu'on  observe  si  sou- 
vent à  leur  base,  H  est  naturel  de  penser  que  ces  mêmes  falaises  ont 
dominé,  d'une  grande  partie  de  leur  hauteur  actuelle,  la  nappé  cf  eau  sous 
laquelle  se  sont  déposés  le  grès  bigarré  et  le  muscheïkalk  de  r Alsace , 
et  par  suite  que  la  feHie  qui  leur  a  donné  naissance  a  été'  produite  entre 
la  période  du  dépôt  du  grés  des  Vosges  et  celle  du  dépôt  du  grès 
bigarré.  Telle  est  uonc  la  date  géologique  des  acddens  qui  caractérisent 


:     NOVEMBRE  i8}0.  «91 

le  système  que  M*  Léopoldde  Bucb  a  nommé  syrùme  du  R /tin,  et  dont 
font,  partie  les  longues  fàiaises  que  nous  venons  dt  cher* 

4-°  Les  couches  de>  calcaire  ooKthique ,  en  s'è tendant  horizontalement 
sur  le  prolongement  des  couche»  houillières  de  Montrcéais ,  de  Mont- 
fan,  dé  S»mrGeorge-ChâtriMsdi*  {.  Mame^feLoiie  )  >  redressées  dins 
la.dn%ctioh  nord+oaest,  sud*est,  du  système  dcscôtps  nord-ouest  de  là 
firetagne  et  de  la  Vpndée*  montrent  que  ies  accident  qui  «atactérisent 
ce  système  remofitem  plus  haut  <Jueia  période  furasskjwe.  Au  centre  de 
ia  Fronce»  près  cTÀutuh  -àt>  d^Ayaifan,  on  voit  le*  premières  couchés 
juratsiques ,  composées  idu  fia*  et  d'une  partie  des  arfcosel  devenu*  ri 
célèbres  par  les  savantes  recherches  de  M.  de  Bonnard,  venir  embrasser 
des  pfcotubéhuiicéB  afongéesidfaielanttvffe  directe*  m*d*ouest  au  sud- 
est,  et  composées  àfla-taisiderocfcesgranitiqueier  de  couches  dérangées 
du  terrain  faouilBet  et  «Pèn  afkose  particulier,  contemporaines  marnes 
«rséeq.  >ità  même  direction  y  ef.  probablement  les,  ipé  rites  circonstances 
relatives  àlIHttdhsaisoniet  ^  ^hup/miiaiité  des  couches,  se  présentent 
en  AUemagàfe  daqs  IpTtnaâigei  liai  et-dam  fa  partie  de  Bttimar*ald~ 
gebrige  .cotofhrise  entre  ia  Bavière^  et  4a  Bohème.  Todt  annonce  donc 
que  le  redressement  des  couche»  cPwi  système  de  montagnes  dirigé  dit 
nord»  ouest  au  sud-est,  dans  lequel  seraient  comprises  les  -collines  de 
ia  cote  sud-ouest  de  la  Bretagne ,  celle  de  la  Vendée ,  le  Morvan ,  le 
Thuringenfrald  et  ie  Bohmanraldgebrige ,  pt  fat*  partie  de  la  révolution 
du  globe  qui  a  établi  une  ligne  8e  démarcation  entre' 1a  formation  des 
snames  irisées  et  celle  «dunfias  ;  première  assise  du- terrain  jurassique. 
.  .  5 .°  L'Erzgebiige  ehrSaàe,  la  Côte-cTOr  r  le  PHa$  en  Forez,  font 
partie  d'une  série  d'accktandelasudroda  globe ;,  qui  coupent  te 
sbéricben  de  Dijon  sous  un  angle  cPeûviron  45  degrés,  en  «'étendant 
depuis  les  craies  «horizontales  de  la  Pologne  «et  de  Dresde ,  jusqu'au* 
dépôts  crayeux  du  midi  -de  ia  francè.  Dans;  f intervalle*  le  dépôt  juras- 
sique tout  entier  est,  afïecté  par  ces  aocidens,  aussi  bien  que  toutes  les 
bouches  plus  anciennes.  iMv»  te  pRijuerfcalb  et  te  gréa  de  Konigstekt , 
qui  sont  contemporains  de  la  craie  et  dû -grès  Tert,  ne  s'en  ressentent  paèjr 
et  l'on  remarque  aussi  qu'un  -dépôt  contemporain  du  grèï  vert  s'est 
fermé  dans  les  hautes  vallées»  longitudinale*  $\t  Jura  »  qui  *e»  rattachent 
de  proche  en  proche  à  ce  même  système;  il  est  donc  évident  que  le 
système  dont  1  Erzgebirge  y  la  Otae-d'Qr  et  Je  Pilas  font  partie ,  a  pris 
aon  relief  actuel  entre  4e  dépôt  du  terrain  jurassique  et  celui  du  grée 
wart  et  de  la  craie.  ■ /»  .  .  ,■."■.;.  •;  '  "■  .  -    j 

•    ^4°  On  reconnoît ,  perdes  observations  du  méqie  genre ,  que^hms  k 
etaîa&de*  Pyrénées ,  da»s  les  ppncipavx  chtîoon*  des^Àpenniite  >*ir*i 

s$$$  2 


69i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

que  dans  quelques  petites  montagnes  de  la  Provence ,  les  couches  se 
sont  redressées  entre  la  période  crayeuse  et  la  période  tertiaire.  Ce 
système  comprend  Pescarpement  noid-nord*est  du  Ha» ,  les  Carpathes, 
la  Morée,  quelques-uns  des  chaînons  .des  montagnes  du  nord  de 
l'Afrique ,  Ac,  ;  les  AUeghanys  et  les  Gaies  paroissent  6*y  rattacher  :  en 
un  mot,  il  se  compose  d'une  suite  dé  rides  qui  courent  parallèlement  à 
un  fil  qu'on  tenéîofc  sur  un  globe  terrestre  depuis  Natches  sur  lé 
Mississipi  jusqu'au  golfe  Perskjue,  Dans  toufces  celles  de  ces  rides 
qui  ont  été  suffisamment  eiaminées,  h>  amie  a  .été  redressée  et  les 
couches  tertiaires,  sebt  Tenues  s'étendra  à -leur,  pied  et  dans  leurs 
intervalles-      /,:■"'.-.  *•..-.■ 

7.0  La  variatiea  subite  et  considérable  qui  s^obsenre  dans  la  nature  des 
couches  tertiaires ,  lorsqu'on  passe  des  iroÉrnes  supérieures  an  gypse 
parisien,  au  grès  de  Fontainebleau -,  qui iëur  est  iwntédiatemem 
superposé  j  étant  rapprochée  des  analogies  itîrées  des  exemples  .précé* 
dens ,  semble  conduire  à  rechercher  quets  pourraient  être  les  accidens 
de  la  surface  du  globe  qui  daterotentde  cette i  époque»  Il  parait  trèt-« 
probable  à  M.  Elie  de  Beaumont  que  les  hautes  vallées  de  la  Loire  et 
de  l'Allier  >  parallèlement  auxquelles,  les  tuasses  volcaniques  des  mon* 
tagnes  se  .sont  éloignées  du  nord  tin  sud  >  la  vaHée  dans  laquelle  la 
Saône  et  le  Rhône  coulent  du  nord  au  s«d  de  Chàlon**sur*Saone  à  la 
Mer  Méditerranée ,  le  groupe  alongé  du  nord  au  sud  de  Corse  et  de 
Sardaigne,  et  divers  autres  accidens  du  sol. qui  sillonnent  dans  le  sens 
des  méridiens  l'Italie  ,  la  Turquie  et  la  Hongrie ,  auront  pris  naissance 
entre  le  commencement  et  la  fin  des  dépôts  qu'on  nomme  tertiaires , 
et  auront  peut-être  commencé  à  se  produire  au  moment  du  change* 
ment  par  suite  duquel  le  dépôt  du  grès  de  Fontainebleau  a  succédé 
aux  marnes  de  ia  formation  gypseuse  de  Montmartre. 

8.°  Dans  la  partie  occidentale  des  Alpei  (  de  Marseille  à  Zurich  )$ 
les  couches  secondaires  et  tertiaires  se  sont  toutes  également  redressées  * 
en  faisant  avec  le  méridien  un  angle  d'environ  26  degrés ,  et  un  grand 
♦dépôt  cFattérissement  s'est  ensuite  lentement  accumulé  sur  les  tranches 
des  couches  ternaires  verticales ,  avant  f  époque  du  transport  des  grands 
blocs  de  roches  alpines  qui  sont  venus  le  recouvrir  lui-même  à  une 
époque  postérieure.  Si  Ton  tend  un  fil  sur  un  globe  terrestre ,  du  cap 
Nord  de  ia  Laponié  au  cap  Blanc  du  royaume  de  Maroc,  et  si  on  le 
prolonge  dans  l'Atlantique  jusqu'à  la  hauteur  de  Monte- Video  ?  9 
sera  à-peu-près  parallèle  aux  cordilières  du  Brésil  et  de  la  Norvège, 
aussi  bien  qu'à  une  partie  des  chaînes  de  l'empire  de  Maroc  à  la  ligne 
générale  de  h  côtfe  d'Espagne ,  du  cap  de  Gates  au  cap  de  Creuss,  et 


NOVEMBRE  1830-  693 

à  la  direction  de  la  stratification  dans  la  partie  occidentale  êes  Alpes 
(  de  Marseille  à  Zurich  ) .  Cette  concordance  de  direction  conduit  à 
supposer  que  les  divers  accidens  de  la  surface  du  globe  qui  la  partagent , 
ont  pris  naissance  en  même  temps.  La  position  des  blocs  transportés 
dans  le  nord  de  l'Allemagne  annonce  assez  que  les  Alpes  Scandinaves 
se  sont  élevées ,  comme  les  Alpes  de  la  Savoie ,  après  le  dépôt  des 
terrains  tertiaires  :  du  reste ,  il  n'est  p^s  nécessaire  que  le  transport  des 
blocs  du  nord  de  F  Allemagne  ait  eu  lieu  dans  la  même  révolution  que 
celui  des  blocs  du  Jura ,  qui  a  été  opéré  à  une  époque  plus  récente 
encore  que  celle  dont  nous  venons  de  parier. 

9.0  Les  chaînes  du  Ventoux ,  du  Leberon,  de  la  Sainte-Baume ,  et 
quelques  autres  qui  traversent  la  Provence  de  i'ouest-sud-ouest  à 
l'est-noid-est  f  ont  pris  leur  relief  actuel  après  le  dépôt  de  l'ancien 
terrain  d'attérissement  posé  sur  la  tranche  des  couches  tertiaires/  En 
effet ,  -cet  ancien  dépôt  d'attérissement  se  trouve  redressé  à  7  5  degrés , 
près  du  prolongement  du  Ventoux  (à  Mezei  ).  Ces  chaînes  de  Provence, 
dont  quelques- unes  sont  si  riches  en  dolomies ,  Courent  dans  la  même 
direction  que  h  ligne  de- métaphores. et  de  dolomies  qui  s'étend  de 
Baveno  et  dé  Lugano  à  Predayo  et  à  Bleyberg  (  en  Carinthie  ) ,  et 
parallèlement  à  la  chaîne  principale  des  Alpes  du  Valais  jusqu'en 
Autriche.  Ce  parflléttsme  concourt  avec  quelques  autres  observations , 
pour  prouver  que  la  chaîne  principale  des  Alpes  a  dû  prendre  son  relief 
actuel  après  le  dépôt  de  l'ancien  terrain  d'attérissement  dont  il  a  été 
question,  et  au  moment  du  transport  des  blocs  qui  couvrent  la  pente  du 
Jura.  On  peut  de  proche  en.  proche  rattacher  à  ce  système  les  chaînes 
d'Espagne ,  parallèles  à  la  Siera-Morena ,  celles  des  Baléares ,  les  prin- 
cipaux chaînons  de  l'Atlas ,  la  partie  orientale  de  l'île  de  Candie ,  les 
chaînes  de  l'Asie  mineure ,  le  Balkan ,  la  chaîne  centrale  porphyrique 
du  Caucase,  les  paropamissus  de  l'Hymaiaya.  Toutes  ces  rides  sont 
parallèles  il  un  fil  qu'on  tendroit  sur  un  globe  terrestre  depuis  le  milieu 
de  l'empire  de  Maroc  jusqu'au  nord  de  l'empire  des  Birmans. 

1  o.°  L'apparition  d'une  chaîne  de  montagnes  qui ,  à  en  juger  par  les 
deux  derniers  exemples ,  a  produit  dans  les  contrées  voisines  des  effets 
si  violens ,  n'a  pu  au  contraire  influer  sur  des  contrées  lointaines  que 
par  l'agitation  qu'elle  a  causée  dans  les  eaux  de  la  mer,  et  par  un 
dérangement  plus  ou  moins  grand  dans  leur  niveau  ;  événemens  com- 
parables à  l'inondation  subite  et  passagère  dont  on  retrouve  l'indication 
à  une  date  presque  uniforme  dans  les  archives  de  tous  les  peuples.  Si  cet 
événement  historique  n'étoit  autre  chose  que  la  dernière  des  révolutions 
de  la  surface  du  globe ,  on  seroit  naturellement  conduit  à  demander 


loi  JOURNAL  DES  SAVÀNS, 

quelle  est  la  chaîne  de  montagnes  dont  l'opposition  remonte  \  la 
même  date  »  et  peut-être  seroit-ce  ie  cas  de  remarquer  que  la  chaîne 
des  Andes,  dont  les  soupiraux  Yolcaniques  sont  encore  généTalenpent 
en  activité,  forme  le  trait  le  plus  étendu,  ie  plus  tranché ,  et  pour  ainsi 
dire  Je  moins  effacé  de  la  configuration  extérieure  du  globe  terrestre. 
-  '  Les  divers  systèmes  de  montagnes  dont  nous  venons  de  parler  se 
ressemblent  par  leur  disposition  générale ,  qur  consiste  à  présenter  une 
série  de  chaînons  de  montagnes  courant  parallèlement  les  uns  aux 
autres  dans  une  zone  dont  ia  longueur  ne  dépasse  guère  une  demi- 
circonférence  de  globe  tenture.  On  crorroit  voir  autant  ^applications 
différentes  d'une  même  formule,  dans  laquelle  on  auroit  fait -varier  à-la- 
fois  le  temps  et  la  direction;  et  Ton  doit  remarquer  que  ta  série  formée 
par  ces  termes  successifs  étant  croissante,  rien  n'indique  qu'elle  soit 
terminée.  11  seroit  donc  impossible  d'assurer  que  fat  période  ^de  tran- 
quillité, si  stable  en  apparence,  dans  laquelle  nous  vivons,  ne  sera 
pas  à  son  tour  interrompue  par  l'apparition  d'un  grand  système  de 
montagnes*  Cette  peftsée  de  M.  Elie  de  Beaumont  n'est  pas  Rassurante 
pour  les  personnes  faciles  à  s'inquiéter;  mais  elle. n'effraie  pas  celles 
qui  savent  que  des  bouleyersemens  pareils  à  ceux  dont  tf  vient  cf  être 
question  sont  excessivement  rares  x  comme  îi  l*a  feit  connottre;  Au 
reste ,  nous  laissons  aux  géologues  à  apprécier  todf  le  métije  de*  re- 
cherches de  Fauteur;  noiq  ne  pouvons  que  recorinoître  dans  leur  publfc- 
cation  un  intéressant  travail ,  dû  à  des  réflexions  nées  dans  Pétude 
approfondie  du  globe  terrestre ,  et  auxquelles  M.  Elie  de  Beaumont  a 
été  conduit  en  partie  par  l'examen  sur  les  lieux  de  plusieurs  chaînes  de 
montagnes  de  l'Europe. 

TE§SIE£. 


NOUVELLES  LITTÉRAIRES, 


\ 


INSTITUT  ROYAL  DE  FRANCE,  ACADÉMIES. 


Le  18  novembre,  l'Académie  française  a  élu  MM.  Cousin  et  Vienjiet,  *eri 
remplacement  dç  MM.  Fourier  et  de  aégur, 
Le  26,  l'Académie  royale  des  inscriptions  et  balIesJttnres  a  élu  MM*  Dugas* 


'• 


NOVEMBRE  1830.  6^ 

Montbel  et  Eusèbe  Salverte  académiciens  libres,  en  remplacement  de  MM.  Lé* 
vêque  de  Pouilly  et  Garnier. 

Le  29,  l'Académie  royale  des  beaux-arts  a  perdu  M«  Catel,  membre  de  la 
section  de  composition  musicale. 

L'Académie  royale  du  Gard  a  mis  au  concours  les  deux  questions  suivantes: 
1.  Quels  sont  les  obstacles  qu'apportent  les  patois  aux  progrès  de  la  civilisation 
de*  classes  inférieures  du  peuple,  dans  les  contrées  où  ils  sont  en  usage  !  (Prix, 
une  médaille  d'or  de  la  valeur  de  300  fr.)  ~~  II.  Déterminer  quelle  est  l'in- 
fluence exercée  par  les  substances  salines  solublet  que  l'on  peut  se  procurer  à 
bas  prix  dans  le  commerce,  telles  que  le  sel  Commun,  le  sulfate  de  soude 9 
l'hyorochiorate  et  l'acétate  de  chaux,  les  seis  ammoniacaux,  son  employés  en 
dissolution,  %qn  à  l'état  pulvérulent  :  déduire  de  ce  genre  de  recherches,  et  in- 
diquer d'après  des  expériences .  quelles  ressources  1  agriculture  pourroit  retire? 
de  ces  sortes  de  matières  employées  comme  çiigrais.  (  Prix ,  une  médaille  va- 
lant 4 $0  fr.  )  — -  Les  concurrens  doivent  adresser  leurs  ouvrages,  francs  de  port, 
avant  le  i."  août  ^prochain,  à  M.  Nicot,  secrétaire  de  l'Académie,  à  Nîmes. 

L'Académie  de  Copenhague*  entre  autres  sujets  de  prix,  en  propose  un  de 
physique  et  un  d'histoire ,  en  cet  termes  1 1.  Unde  pendec  ut  darè  audiatur 
sonus  per  spatium  quantum  fieri  potes!  maximum  1  Quienam  postant  ex  ejus 
rei  cognitione  deduci  prjecepta  in  «dificiis  toustruendis  observanda ,  ad  ora- 
tiones  et  concentus  auoiendos  destin atis!  Quatenùs  sine  nimiâ  totfus  aedificii 
immutatîone  corrigt  poslunt  vitia  architéctbnila  quse  audituî  àfficiunt!  — 
IL  Constat  taedii  «tvi  tempore ,  maxime  secttiis  xill-xv,  et  initio  sec.  xvi, 
in  variis  Europsr  partibus,  exempii  causa,  in  Galtiâ,  Angliâ,  Germaniâ,  Urigàriâ , 
Danià,  crebro  exortos  esse,  et  veluti  contagiotos  serpsisse,  motus  et  tumultus 
populares,qui^/ii  rustica  appellari  soient»  Cùm  hi  motus  et  tumultus,  Iicet 
temporis ,  loci ,  et  rerum  condition*  diverti ,  ubique  tamen  similem  aliquara 
faciem  habeant,  desideratur  ut  institut*  generaK  istorum  motuum  comparatfone, 
ottendatur ,  quid  vel  in  iptlt  moliminibus>  vel  In  origine  et  causis,  vel  in  eventu 
et  effectibus*  commune  naberent. 


M.  Abel-Rémusat  a  lu,  dans  le  courant  d'octobre  dernier,  à  l'Académie  des 
belles-lettres,  un  mémoire  étendu  sur  un  voyage  dans  l'intérieur  de  l'Asie, 
commencé  l'an  300  de  J.  C. ,  et  terminé  douze  ans  après,  par  plusieurs  Sa- 
manéens  ou  Bouddhistes  de  la  Chine.  La  relation  de  ce  voyage  existait  à  Ja 
bibliothèque  du  Roi.  Deguignes,qui  enavoheu  connaissance, avoit  renoncé  à  la 
traduire,  par  la  difficulté  de  recorinohre  les  noms  des  lieux  indiqués  par  le 
voyageur ,  et  qui  ont  pour  la  plupart  disparu  darts  l'éspace.de  quatorze  siècles. 
C'est  précisément  à  déterminer  la  position  de  ces  lieux  et  à  fixer  la  synonymie  de 
cet  noms  crue  M.  Abel-Rémusat  a  consacré  les  discussions  dont  son  mémoire  se 
compose.  En  Combinant  les  matériaux  fournis  padH'autres  vovagëurs  chinois,  et 
ceux  qui  ont  été  tirée  en  trop  petit  nombre  des  anciens  (ivres  indiens,  il  est  parvenu 
à  tracer ,  sans  aucune  interruption ,  toute  ta  série  des  points  visités  par  les  pèle- 
rait ,  et  il  çn  résulte  un  fait  géographique  très-remanfeaHe.  En  effet ,  il  demeure 
établi  par  ce  mémoire  que  Chi-fa-nian  et  ses  compagnons,  apte*  avoir  quitté  la 
ville  de  Si-'an-fou  dans  le  Chen-si,  traversèrent  divers  états,  vinrent  au  pays 
des  Ouïffours,puisàKhotan,  et  ensuite  dans  le  GtfdWmire  ;  au'ayam  çiavi  les* 
monta  Himalaya  et  passrf  l'indu*  aux  environs  tfAttôck  où  oe  Peishawer,  ils 


696  JOURNAL  DES  SAVANS, 

trouvèrent  sur  la  rive  gauche  <Ie  ce  fleuve  une  population  tout  indienne  pour 
la  langue,  les  usages  et  la  religion,  des  princes  voués  au  culte  bouddhique ,  et 
des  états  portant  des  noms  sanscrits.  Parmi  ceux  qu'ils  visitèrent  dans  ces 
contrées ,  et  dont  la  relation  parle  avec  quelque  détail,  se  trouvent  ceux  d*Ott~ 
diana ou  du  Jardin,  complètement  inconnus  d'ailleurs,  de  Gandhara  (ou  des 
Gandhari  )  et  des  Fe-ieou-cha  Ou  Beloutches ,  peuple  dont  on  trouve  ici  la  men» 
tion  la  plus  ancienne.  Après  avoir  visité  tous  Jes  lieux  de  ces  pays  que  des 
souvenirs  religieux  a  voient  rendus  célèbres,  les  pèlerins  repassèrent  findusy  et 
entrèrent  dans  l'Inde  proprement  dite.  Us  se  rendirent  a  Matoura  et  à  Ca- 
noudje;  puis,  s'élevant  dans  la  partie  de  PHindoustan  qui  est  au  nord  dm 
Gange,  ils  parcoururent  les  royaumes  de  Jtoushala,  de  Kabila,  de  Rama,  de 
Kousninagar^ ,  tous  plus  ou  moins  fameux  dans  les  annales  au  bouddhisme  pri- 
mitif, et  dont  la  position,  demeurée'incertaine  jusqu'ici,  est  indiquée  avec  pré» 
cision  par  ChMa-hfan,  et  déterminée,  pour  la  première  fois,  par  AL  Abet» 
Rémusat.  Les  pèlerins,  continuant  leur  router  vinrent  ensuite  dans  (eMagadha* 
à  Patalipoutra  ou  Patna ,  puis  à  Kashj .  oU  Bénarès ,  le  seul  point  de  ce  long  iri* 
néraire  que  Deguignes  ait  reconnu  dans  l'aperçu  qu'il  en  a  donné  en  cinq  pages. 
De  Bénarès,  ÇhVfa-hian  revint!  Patna,  et,  descendant  le  Gange,  s'arrêta  aans 
le  pays  de  Tchampaou  Bhagelpour,  et  plus  tard  dans  celui  de  Tamialipti  ou 
Tamfouk ,  où  il  s'embarqua  pour  Ceylan.  Le  séjour  qu'il  fit  dans  .ces  différens 
états  est  décrit  avec  plus  ou  moins  de  détail. selon  le  degré  d'importance  re- 
ligieuse des  objets  qui  se  présentaient  à  son  observation ,  et  selon  les  facilités 
qu'il  y  trouva  pour  étudier  le  sanscrit,  les  livres  théologiques  et  les  traditions 
sacrées.  II  repaxtit  de  Ceylan,  muni  die  coftaoissancesJtrès*éftendues  en  ce  genre , 
et  d'une  riche  collection  d'ouvrages  sanscrits. et  d'images  religieuses.  Une  navi- 
gation très-orageuse  le  poussa  (FaSord  à  Java;  puis,  par  une  suite  de  tempêtes, 
le  vaisseau  qui  le  potfoit,  et  qui  faisoit  route  vers  Canton ,  ae  trouva  entraîné 
jusque  dans  le  nord  de  la  Chine,  et  il  débarqua  dans  la  province  de  Chan- 
toung.  Deguignes  s'est  trompé  même  sur  ce  point ,  en  faisant  rentrer  Chi-fa~hian 
en  Chine  par  Canton.  Les  conclusions  du  mémoire  de  M#  Abel-R^musat  sont 
résumées  ainsi  qu'il  suit:  i.°  Le  bouddhisme  étoit,  au  commencement  du 
cinquième  siècle,  établi  dans  la  Tartane  centrale,  à  l'ouest  du  grand  désert, 
aux  environs  du  lac  de  Lop,  chez  les  Ouigours ,  à  Xhotan ,  dans  tous  les  petits 
états  au  -nord  de  l'Himalaya:  On  y  voyoit  des  .monastères  peuplés  de  religieux; 
on  y  celébroit  des  cérémonies  indiennes;  on  y  cultivait  le  sanscrit,  et  cette 
langue  y  étoit  assez  répandue  pour  donner  naissance  à  des  noms  de  localités. 
2~°  La  même  religion  etoit  encore  plus  florissante  à  l'ouest  de  Tlndus ,  dans  les 
états  tout  indiens  qui  occupoient  alors  les  montagnes  de  F  Afghanistan,  Oudiana, 
Gandhara,  Beloutcha,  Tchioudasira,  &c.  Le  culte  de  Bouddha y  avoit  porté 
ses  pompes,  et  des  traditions  locales  plaçoient  dans* ces  contrées  le  théâtre 
de  plusieurs  événemens  relatifs  à  Tataagata,  à  ses  voyages,  à  ta  deuxième 
rédaction  des  textes  sacrés.  #ne  extension  si  remarquable  des  langues  et  des 
doctrines  de  l'Inde  dans  l'occident,  a'étoit  encore  que  soupçonnée  :  Fa-hian 
en  rend  l'existence  incontestable,  en  fait  connoitre  l'époque  et  l'origine,  et 
fournit  a  l'érudition  des  matériaux  qui  lut  raanquoient  pour  expliquer  le  mé- 
lange et  la  combinaison  de  plusieurs  doctrines  orientales.  3,0  L'Inde  centrale , 
c'est-à-dire,  le  pays  qui  est  situé  sur  les  bords  du  Gangs,  entre  les  montagnes 
du  Nipol,  les  rivières  Djpumna  et  Gogra,  est  U  véritable  patrie  du  boud- 
dhisme, qu'on  avpit  à  tort  tfatsportée  dans  le  B^bar  nvéridf  onaL  Chakia-mounf 


«tJié  à  Kapîla,«Hi  environ* d'Aoode  et  de  Likltrww.Son  pèraétoit  un  prince 
de  cep^s,'trtlduiredu-«pi  deMagadtH,  qui  résidait. à  Aialipoutrâ; :  Toute 
ta  prédication  t'est  accomplie  au  .nord  du- Gange,,  dans  le»  province»  d'Aoude, 
dé  Bén»ùf,  àkm  feBeiW  septentrional.  11  *  fini  isa. carrière  au  nord  de 
i*ttt» ,  d*m  lt*TOinmg9  der-montÉnK)  du  rNipol.  Tout  ces  faits:,  ignorés  jui- 
qtftcl  on doa^Uwetw c été.dtpl^aéèv  rectifient  In  eirnnidéceut  qui» comme 
Oegeigirei  j tint  'fbcé  là  qatsmaoce  de  iBottddna ^dinrhtCirbemi»*  «de  ceint 
qui,  d'après  de  savans  Aftgknt,  l'^op  reportée  dant  If  aaràe  «Mdittwle  du  Bebar; 
p^ye<^yâjAc.4.°*^^d^«ndeicef>waIfl>1b.r^adrfbBTae  y  avoir;  cinq 
siècles  après  f ouverture  doriotre  ère,  conservé,  en  oppas^ttoa  avec  le  b>ahrn*i 
uijme,  une  sone  de  supériorité ipaUtiiiae ;  des  tradition*  I» ftrisoient  remonter 
tans  intemipiion  Jusqu'au  X.*  siècle  avant  J.  C  Des  moanméinf^  dont  plus leurs 
rahsistoient  encore ,  dont  quelques-um  étoient  en  ra  in* ,  tùtifomck  m  la  ttarsenr 
de  «es  cradltums. ç,"  Le.  bouddhisme  avoît  T^éo-é:)usqae  dut*. le  .Bengale  et 
aux  embouchures  du  Gange.  6.*  On  assurait  que  la  même. religion  avojt  aussi 
pénétré  très-anciennement  dan*  le  Décan;  er»il  cris  tort1  dès- for*,  \d*  M  cette 
contrée ,  de*  etcavatiohrun  forme  de  temples^  dont  on  fafawât  mtoonter  I*  cons- 
truction, regardée  comrde  recense,  par  Le*  savans  les  plus*,  célèbres,  au  temps 
même  du:  lacoesseurimiaea'iÉtlde.-Cbatia-nïftuiii.  7+.L&  rsoaddbiiine  étoit 
dominant  à  Çeyho,  et  les  etnétnonirs-  de  re  ç*JM  n'jî  colébxpieiK  av.e*  tn«f  ni- 
ficence.  On  y  trouvoit  des  livres  religieux.  On  s'y  croyott,  dans  le  moment,  du 
voyage  de  FMdÛ^^hUiAmK3ltm.mdlmàXM»fmpMieiinillèm»-9U'iélkàMm 
1*  Nirvana  de  Chakia^nobni.  ffiw-rVio  doweneétre-afontà»  à  ce**  rque Al,  E. 
•urnoufa  discutés  po or  fixer  l'époque  oV  introduction  du  bouddhisme  à  Cey- 
bn.8.*On  cKercrwtt  dèvlois ,  par  Férùde.  des  langues  sacrées ,  entreprise  dan» 
tonte*  les  partiel  de  l'Inde,  fà  compléter  la  collection,  et  à  faciliter  l'intelligence 
des  textes  religieux.  On  en  avait  recueiHi'tm  très-grand  nombre  dans  la  pro- 
vince d'Aoude,  %  Pama^i-Benarèf.,  au  Bengale,  a-.Ceylan.;  m  toutefois  il 
n'est  fait  aucune  mention»  «Via  dWerence  qui  devoh  exauer  entre  lé  dialecte 
de  ces  textes;  selon  qu'île  étaient  éfarhi  en  sanscrit  ou  en  paît ,     . 

Indépendammewt  'du;raéqw>ire  oV»t  on  vient  de  présenter;  !•.  sommaire, 
M.  Abel-Sémusat  a  traduit  en  entier  du  chinois  la  rcJattp*  .Ht  Fa-hUn ,  si  cu- 
rieuse pour  la  jséognphie  urdentie,  dé  l'Inde  et  la  :Cw*no**sance  des  tradi- 
tions bouddkrquirs.LesécfairasMshtBJ  qu'il  a  Joints  à  sa  ïrad-action ,.  lesquels 
font  connottre  d'autres  voyagea  .du  mftne  genre  et  contiennent  beaucoup  de 
renseignenitm  sur  Ténu  de  ïHindousaae.  tàx  IV,*,  «t  VJ  siècles,  «ont  très» 
étendus,  et  formeront  on  volume  fisKfi.1  *i  ■■  :  .  ■-..-.•■■.■.... 


tktiicX 


On  a  publié  une  19.'  édition  de  la  Grammaire  grecque  de  M.  Burnouf.  Parir, 
Aug.  Delalain  ,  1830,  in-S.',  11  feuilles  et  1/4.  Prix,  3  fr. 

;  Nouveih  Rhétorique  française,  extraite  des  auteurs  suivans  :  Arktote,  Hermo- 
gèna, Denis  d'Halicarnasse ,  Lucien,  Lorigiti,.  Cicéron,  Quintilien  ,  J.  Seve- 
rianus,  Fénélon,  Larny,  Colin,  iouvency ,  Gibert,  Roliin,'Crévier,  Racine 
fils-j  Montesquieu,  Dumarsais,  Voltaire,  Marmontel,  Batteux,  Gaillard ,  ]La- 
rMfpf  ,Dpri tainai  .  Mauiy ,  Girard  ;  MM.  Amar,  de  la  Malle,  &c.  ;  par  un'pVo- 

Tllt  "" 


tfo»  JOURJiAL  DE&&AMAHS, 

feimir  del'Unrvewité  roy^e^A^daWe  de  Patiif.*."  édition  „revufc  et  cor- 
rigée.'Parts,  prfrfiin.najo, .  ir»f.'.  f.fifcmBéi et   i/*.  Pri*  .,■  *  Ù. ;8ç>  c       .    .. 

-  Lettres  inidim de  A^aiv^AuTeUuxk  Froment  trtduôtsrsn.  fra*ffta  .ayec.  ie 
teite  fartitt'WU  regard,  «t  dé*  Botês,ipar  M.  Arnana  Ga«<aa*i  Paris ,, le  ,Vjvi*. 
sear,  1H30;  2  vol.  i»-A*  Prilt,  14  fr.  Ceue  édition  et  ces»,  verrion  :ténj  faite* 
d'après  les  deux  édhic^dotn^et  pstrMi  Mài^  ej'lb»  cirreciioraJde  MM.  Btftt* 
matin, H«iBdorf^'NhAutirt  Vo^fa^nrllaaireBiinèi.puUîcsiUq.-tlei  enivre*  dit 
Fnw»i*i  nirt»«ife  de  «spiwibrt  iÔi,6ipag.  JT^jfi.'^  \'it.'~.*  ;'     ,-.  V,*:  .ma 

Rtheltide,  ouk'W  tiette  (mm*  hiaoriqUr)»  par  #.?fJpK*»4^eÔ*tr 
Périt,  Gagniard,'  rtoo,  4-ral.  în-ii,  900  page».  Pri*,  1a  fr.  M.  Siimondie. 
pfcàlfé,  H  y  a  quelques  année*  y  un  ouvrage  dp  mène  genre  et-pcatque  sur  le 
même  wjwJ,«ou*iethw'<feiAJ/;«,Jiv««.  :.  ■>.'•■ 

"  ''  jLfTHabathmpmtçab  >  chansons  phi  losophiqUM  f  poliâqueftj  tatiriques,  éro- 
rrqn**  «IhdltmçrpwMiile Sergent  de»  Vc^es^  P*jù,  tfcflyoart,  183^ ,  <•>** 

Wllfl,1*^  (KM    i  i(i.'»'i>    !i  ■  .!;■-■■   <■■(.>  ■.■»  ',1  .■.;..,.-'  y 

traduits  dei'atfeotand,  m  précéder  d*«ie!N«tké  «ar  levier  et  les  écrUj.dB 
raut^^parMMiAvltwJ-CAar^IlraiPamjAbiChwbubei,  ittao.ùwxj 
$  voi/.^y^g^eî-ic* page».  Prix,  rd.fr."tt.iKbiat{i  mon  en  iSni  l'âge 
de»,V*i*»V»*éttrtt  aoçui*  C« HrépotarJèn  «■< Afleàugne  par  «et  poésie*  et  ta 

r  ■  K^*S#«ftA*/w«»i<«Vdt?yp*»  D.  R^anvABadurt  di^^ani).  accomjagné 
je  rtfaWgt  dediefetellhrtogr«phiqu«;et  précéat  jtfahaenifcttQP»  ter  la.  JiitéV*4 
tore'  âliëtfr nrie  Aï  itoyen  Sge  ypex'M.  Jac»'MitteivLrespoctenrdei'Atadé«ii(l 
de  Strasbourg.  Swa*boarg,L«ra»lt,  ityà'tim<fS>ijdtaaBH*tmt/ttrIittrtariuxi 
in  AltàtHttnrt  tfthàtiiigim ,x-4&i*àmHCÊê  «.1734,  A'Paiia,  è  le  auSte  dei 
^id'rfjpiiwAifliwj'de'Mabrllon  (  «de  Rwnan),  m-^,'        .  . 

Dr  ta  potitiqirt'tt  du  «Htmttw  Ar  ptvpin  de  fantiquitii  par  .M.  A.  H.  Lt 
Heeren,>rflfèiwav-<rhisteii«  a  l'université  de  Gwnngue)  ouvrage  traduit  de 
l'allemand ,  sur  la  quatrième  édition  >  parMt  WrSatcaau,  Pari»,  Firtn.-  Didotj 
1830,  ïr&$.*[  t&rh'«  1  et  H.  Pria  dû  -Boi;  7  fivj  ii  y  en  mil  8.  Nous  nous 
propoîerti  dertftilr*  osmptede  cev'ounraae.  :-i  >  v   :■■■•■  ■:■. 

-  La  Proscriptîbfi  3*  te  vaHhi-BurtHéimy ,  ■fragment  d'hiitoire,  dialogué  en 
5  acte»  et  enproié,  prétedéd  une  ébaufohiwsmgue  des,  première»  guerres  dp 
cour  oa'guerrésJdë*  grarrdi  dana  ie  XTi."  siècle,  nommées  improprement  guerre* 
de  religion;  et^d*2  réflexions  sur  i*  Saéao-BaithéVmy y  «nrri  de  remarque*  sur 
plusieurs  accusations  portées  par  divers  rùateriea*  An  no*  joan.coéire.  Cathe- 
rine de  Médicis;  (  ouyrage  de.  M,Jioïdçrer).  Paris,  imprimerie  de  la  Chevar- 
diére,  librairie  d*HeWOrB«tsange,^8i6^^.*> -VrrîÀ48apa|es. 

Lt  Budget  de  fleuri  III,  ou  les  premiers  Çiatj  de  Étais,  comédie  historique, 
précédée  d'une  dissertation  sur  Ir  nature  dts  guerres  qu'on  a  qualifiées  de  reli- 
gion i  dans  le  xvu'  siècle,  suivie  d'une  notice  nouvelle  sur  la  vie  de  Henri  111  ; 
(par  M.  Rœdérèr).  Pans,  imprimerie  'tp*  ii'  Cfceysrr.dré^  '  *b«rrit  de  H. 
Bossange,   1830.  in-S." ,  vilj  et  368'jiagiél.    :  --■-•'.--•;"'.■  . 

Lt  Mans  anç\entt  moderne^  tt sa  envffûns,  WT KfGnvW :iR|dièIet.  Par», 
Desauges;  îSjo,  ih-i6.  Prix,  3  fr.  erlrvrecbljlien-f-  dW'rjbflrVni  préeife*  et 
curieusc-s  sur  les  monuuiens  antiques  cSi'dej^fierneTJt  de  H  Strthe. 

Delà  Grèce jnc-itrnc,  et  de  ses  ra>ÇOÉnjl»vA rintiquitc,' par  M.  Edgar  Qui- 
nei ,  n-iihie  .de  fa  commission  envoyée  pirïe  ©tmve*nefnem  en  Morée. - Srrtfih' 


^rg,!*pmh«l*dt-l^iMlt;;P«tt«3traiI*»rg,iibMiwdetev«uIt,i63g, 

i*-g.',  460  fag*.  ¥«%&&•  /  ■:  ■  .,-.£.,       ■.-  .     ,-«..;;.- 

"   Tabteatt'àè'là  flotte** a*clt**f  *t~niedenkyyBt\  M,  Léonard CbUelw  (««- 

ht»;  ÎJ#.!'  tî      1    ■       ./.*.  ■  ■   .»■    .'  :      :t       ;, 

Hismrt  <&i*MMek  G>*W, par  M.Caw(J*B.P»saneL  Paris,  Dwauges, 
f8ïb,  a  w&  mi£*  Prtx, Yyfr.  '■"•■■'  w   "■' 

Histoire  dit  cvtonieï  AiiimMj  «(«rH'-poK^xéeii  dkni  VAbytâim  «;daos  lé 
Sestnsatf,  iaepnàr.  b  «IL*  pç*W.WUf-,l,  C  juioft'**  IV.*  Wtle  de  fert  chré- 
tienne, tuivte  de  dissertations  sur 4*  .CvUisatjon  d«s,  peuple»,  du  Soudan,  au 
ïemptd«:M«K>«i»iieaɧ^fM,di»Ç»i'iii*fiBoi»r<i«» £r*cj«desRooi«ns, 
er  de  ptMÉtdn  trnuwsur  fe*  ifalaiâmw  -tomnWrciaiw  de.cci:  peuples  avec  I» 
negttr,  par  ftJ.  Louis  Marco».  Ce*  evXrage  avu  3 -volumes  in-$*,  mii  jpa-, 
ioiti-on,t  de  )  mois  «n  3  m«is,.e,p  ni»  sfxotu  accompagnes'  d'un  atlas.  Prix  .de 
souscription  pi^w.çhaqae  vol., ofi. ,aa.*ouscrït.  cjjp?  l'auteur,  rue  Sjmon-le- 
Franc.    n."  2t ,  à  foris.  '       .  y 

Etudes  élémentaires  de  philosophie  (  ou  cours  de  psychologie  ) ,  par  M.  de 
PardaUlac,  ancien  professeur  Je  philosophie  au  collège  royal  de  Bourbon,  à 
l'antienne  école, normale  et  à  la  faculté  des  lettres,  inspecteur  de  l'Académie  de 
Paris.  Paris,  FWin  Didot,  1830, 1  vol. "tn-8,>  Prix,  15  fr. 

Etudes  philosophiques ,  par  M-  Ch.  de  Commequiers.  Paris,  Biaise,  1830, 
in-P.° ,  1  ç  ï  pag.  Prix,  15  fr.  Les  facultés  intellectuelles  v  sont  réduites  à  deux, 
la  conscience  et  la  foi;  mais  quoique  l'ouvrage  soii  fonde  sur  ce  système,  il  ne 
consiste  qu'en  chapitres  détachés  concernant  là  vertu,  la  prière,  la  parole, 
Téçriture,  &c. 

Elémens  de  philosophie,  par  M.  Patrice  Larroque ,  professeur  de  philoso- 
phie au  Collège  royal  daGrenoble.  Paris,  Hachette,  1830,  in-8.' ,■  410  pag. 
Prix,  7  fr.  La  philosophie  y  est  divisée  en  trois  parties,  métaphysique,  logique 
et  morale;  et  la  métaphysique  jubdïviséeen  théodicée  et  psychologie. 

Questions  politiques ,  par  M,  Parent  Real,  ancien  membre  du  Conseil  des 
cinq-cents  et  du  Tribunal.  Paris,  imprimerie  de  Casimir,  librairie  de  Deiau- 
nay,  1830,  68  pagfeMV,VMfti *& 4f-ft  ,.-;8i  ,->ÀVw.  ;[  .•:■-••,»/:?  hti 
-  Otmmtmti  iwri*  flsrrr»#Psst  smecamm*^$ivmu>f,  mm  M*  J}<awàett'*a- 
pirsine  du.gcat*;  aiiéMuêê-iSmà]  tarlâàtf9mia.4u<*m»..pt*i'k*-fmïfçrM 
dons.  Paru,  Corréard  jeune  ci  Aucelin,  l8jO,  2  vol.  ln-8.',  xjtih  îyQ'tf 
417  pages.  fra^>f  frJ<gew'Jr'UiliA»éè».lfii  ni  fA  .Vwff  »Uwiw  q>ie 
cet  otrvràgff, VKfnatmÈÊiÈÊriHUt >«MMéiim'i' 


traite 


t  o Jvragg, tgeiufecqwmwWiUl  ,itoiwhian.;M,-M;>  ,,:■■.  r.im  «  ,\s-,, J  -  i 
TttitbÀt  kfcawÉWi «tmaj  «fa  mfri  /fciwgbt/.  totwtHinrirjd  jfayfrw  *fc« 
ité  sera  publiée  à  Paris,   en  même  temps  que  le  texte  italien -a -M^as>,;.£i 
avec  les  in^wyUirilHK'Ur>W^Bi^^'At£Winidalffiia^  -ËatHlrM  «ap- 
prouvée par  lui.  '.'.m  .(-.-*;•  tv>>ly*'tX  ,  a'/BitiintlJ  .nioiv;f«wi 

gistarion  acro«fla£*jimigb  pwdWiémtxM  d«noé*Mrt6,  lfs|iWecn>S|?y*tfa  f 
et  jurés,  par  M.  E.  SedilIot.D.  M.  de  la  faculté  de  Pari*.  Paris,  CroçWtL, 
18)*},! fer-*?,    job  pït^ri^Vir*.      'UH  .■>».    '1  .,'1  3,0-jn  ,imi,i'.w  vi\ 
On  rtnràae  ré^rtr^^nrt.hv— biù-rîw  àmle*rmtiipMmèii*tf* sjffWBr 

pour  coIIaborateurt«M.béU»^  HWswr,  %shJSm  b &&*  .****,  Çt&na., 


700  JOUHNÀL  DE*  SAVONS, 

de  Gérando,  Lfcrortriguiére ,.  Lévij  Lotartnanid*  Marrait,  Massias,  Qurtani, 
Rouget-Beaumont,  Saphary,  Serreau,Thurot,  Vantes,  &c.  II  paroft -chaque 
mois  un  cahier  in- 8 S  de  48  pagpvPrix  des  12  nulqéros,  20  h.  k  Paru,  24  dans 
les  département ,  4  f  dans  les  payt  étrangers*  .Le  bureau  (Fabonnenient  esc  à 
Paris,  rue  de  rÉchiquier,  n.°  12.  L'éditeur,  M.  Boussi,  est  auteur  éçlaGram* 
maire  ramenée  i  sts.prmcrpesiMàUm\*+  in:8f ,.  y  J&v»  et  d'une  fl/féthode  de  lecture 
et  4e  prononciation  de  la  langue  française ,  qui  kl  publiera  pqr.  livraisons,,  le -rç 
de  chaque  mois.  Prix  de  là  livraison  ,,ponr  les  socisfiTpteurs,  çocenç- 

PAYS-BAS.  DefcripthndeemonùmefodéJthadestf&r  M.  le  colonel  Rottiers; 
Bruxelles,  Tenré,  1830,  frt-f/,  avec figures. ;■  s 

PhUosopkorwngracorum  ,  veteruuv  fteserfhn  qui  ante  Platonem  6oruerunt  j 
operum  reliquist.  Recensait  et  ttlostravrt  ârmon  Kursten.  Bruxeliis,  Frank, 1830; 
m-8.ê ,  vol.  I.  Pars  prima  continens  Xenophanis  reliquias,  xxj.  et  *o8  pag.  •  ' 

SUISSE.  Plutarchi  consotario  ad  Apollon ium,%nbcè  et  latine,  cum  nom 
éditons  Leonardi  Usteri,  spicilegio  criticb  QrelH ,  varns  recnonibus,et  rndiribus, 
Tiguri,  1830,  in-8.ê 

ALLEMAGNE. 


•       <  > 


*   •* 


■•  ■% 


■         ■  1  * 

Der  germanisent  ttrsprung  der  lateinischen   Sfrachi  #|  vnd  der  rétmxchén] 
wolkes ,  ifc.  Origine  qtrthaniquè  de  fa  langue  latine' et  dû  peuple  romain;  expo- 


tenant  un  poème  didactique  arabe  sur  la  prosodie  ;âàvfec  w  frattûction  et  de4 
remarques  sur  la  poésie  et  les  poètes  arabes,  par  M.  Freytag.  Brjhn,  T830; 

in-$.ê  '  \  ■    ■"  '  •    '         -;.  ;-ï  •■'■•'/.■;■  :  t.  ■" 

Pindari  capnina  que  superftmt ,  cùift  deperdftttnnt  lîrfcgtntntis  sfeleetis ,  e* 
recensione  Boèckii ,  edmmentario  perpetuo  wnstrmvit  Ludolfur  Dissenfus.  Krfbii 
dise,  1830,  ïn-8.* ,  cum  duabutf'tifDulis  topogf.Ce  Volume  est  le  sixième  d'une 
collection  de  poètes  çrecs. 

Exercrtatiohom  cririedrUm  in  romieorgrAcosiïbri  trtty  avetore  Lud.  Hano vio , 
Halis  Saxonum,  Reinicke,  1830,  îii-fc' liber  priions,  rtkd 

De  Cycle  Creecomm  tpiern  etpoetis  cyclicis  sàrijKtt ,  oonnnque  fragmenta  col* 
legh  et  interprétât**  esc C  G.  Afuller.  Lrpstc^  Lehnfaold,  1830,  in- 8 S  cum 
tab. ,  1  rxd.    ■  ■    -  "  -i  »<  .  ;*'•  .  •■■  ■  •  ■  v 

Herodoti  Afuùe.  Testons  ad  Csjsibrdtt>edhk)SWihktecDgnovîc9  perpétua  turn 
Fr.  Creuzeri  tum  suâ  annoutione-insiroait,  cbfloùsaentationem  de.vtti  et  scrip- 
tif  Herodoti,  tabniogeographicas,;  indicé*q«c,adjedt  F.  Bakr.  Lipsiae,  Hahn, 
1830V  in-f.0  ■■■..•  •. •  r. 

Ris  lemnica.  Scopsit  G.  Rodé.  AdjncUrnstJLemni  tabula,  descripta  second ùm 
Choiseiium.  U  ratifia  viae ,  Leuckart ,  1 829 ,  in-8.9 

1  De  éntmuis  i&ktmopméb.&cripàvG..  Hu^CutthU  Grd&wald»,  Maurhius, 
18*19 ,  r«-K#^#»irgrJ  On  remarqué  dans  ce  volnjpe  des  recherches  sur  les  Pé- 
lasaes.  ' ■  ;  ■  ;  •  ■  '■'  -•  .•..■...•". 

1  Iter  haliçum,  autore  Fr.  Blume.  Halle,  Anton,  1*30,  ntt8.9é  3  roi.  II  en 
paroltra  un  ^atrietHeWtdernierS,  que  anrà  no us* objet  le  jfoyaume  des  deux  £î- 
ciles.  Le  troisième  àraite  des  ins^^uonsv»  dnsiawhnrés.  et  des  bibliothèque»  de 
la  ville  de  RoiM«  Uifrftttdt  chaqâeYoieét  tfnolnd.  6  p. 


..  -  ■ .    .    ■». 


:      NOVEMBRE.  1830;  ■  70-1 

.  Ht  Numis  vmntaHbma,  in  nnraophilario  goduuo  aiservati»,  comen  taiio  altéra, 
•nmoi  dynastiarum  recentionun  exhrbens;  anctore  H.  Moeiier.  Gotha,  Ringer, 
iSjO,  Ùf+S  ma/.  I  nd.  13. 

:  Inctrti  auioîtt  mtghtràiuMm  H  uctrdothnim  P.  R.  Expositianes  ineditae. 
Cum  commentario  edidit  Ph.Eduardu  Hoichke,  Juris  urrhisqueet  philosophiae 
•Jocrctr ,  illiujque  profeMor..VraûsIaviarl  sumptrbus  1.  F.  Kornii,  1809,  in-S.'  , 
xiv  et  146  pag,  La  préfacede  l'éjirteiir  tàrt  coonoitra  le  m  ouate  rit  qui  contient  ce 
petit  traité  :  ce*.t  le  manuscrit  latin, BdUa-Iettr«* ,  n.»  6 ,  de  la  bibliothèque  de 
1  Arsenal,  i  Pari* ,  volume  où  se  trouvent,  fol.  «-1  y  ;  le*  deux  livre*  d'Apulée  de 
MOI*  0*pirûtionit  ttdt ■  dipktIungiMf  fol.  io-ij ,  ceux  de  Priscien  dt  actxniibusi  de 
wvwu  et  pondaiinu 1  fol»  31-36 ,  divers  estrahs  oMCeroani-'Iet  nombres  et 
(ni jUMUtti  fol.  36-40,. Gwmriht  Vtrenteuis  de diphthmgh  JiMlut ;  fol.  4°*43t 
WtjMr.  notice  dé*  magistratures  et  dec  sacerdoces  dû'  peuple  romain  que  publie 
M.  Huschke.  II  ne  lait  pas  en  quel  siècle  depuis  J.  C.  elle  a  été  rédigée; 
'd,  la  croirait  du  i  v.*,  s'il  n'en  jageo|i,  que  par  la  nature  et,  l'exactitude  de,  c  er- 
tajn*  détails,;  mais  la,  latinité  ne  permet,  guèjftjdf  la,  faire  remonter  plus  haut 
«ne  lé  temps  d'Isidore  de  Séville,.  EÙe^est,  si  courte,  que,  pour  mettre  nos 
facteurs  en  étjit  de  l'apprécier,  nous  pourrions  presque  en  ■  transrrire  ici  tous 
les  articles  :  en  '  Voici  un  peu  plus  du  ■  tiers,  «  Kei,  Romului  omnium  primas  ; 
»sV  regeodo  diens,  Senatoiw  k  jeneçtut«rajpe|l»ti,  wJ.i  linendo, quoniam 
i  consOfio  serium.  qui  tu  hune  prdinem  recepn  erant ,  primé  reg«  dçirtflc  re»p. 
nregebâtilr  ;  àstnendo.  verô(quia^magistratibus  non  plus  licebat  quam  senatus 
»iinebat.  . .. .  Quststorès,  qui  artrlo  pnerecti  erant,  et  sumpttbos  publici*  în- 
wterertnt,  qui donec  respn.  consule  carébaV,  vîcem  régis  vél  consul»  gerebant. 
«Console»  armaum  magbtratum  habébïnt;' sed  ne  duplicata  resta  potestas 
«videreturj  liiCujoï-locnrrt  consoles  succeueram.,  alteroi»  vicibos  impera- 
»  faant ..... Cenwres  duo  tantùm  moribto  civitatî* prseeram  et  lustrU.conCen-  ' 
»êiif  qnibus  tota  trvftai  sèqu-eWe  populo  nrm  publica  precatione  anroîebànt, 
«rtcribt  cetisori* praieanfe  et  cs,rmen'carietrr*  ùt  eSi  rénip.  uehonm  ampliorem- 


àmieredderent,  censebahtet  mifia  cTvrâni 1  rbma'norum  ino rnstro  esseht  (ni). .. 
i>Tribiini  milifim  ÇKemrfls  pérronrerarrr,  quales  tribunr  ptebit  in  orbe  pro 
»  plèbe. ..  .Triumviri  praeerant  incendiis  noetnmis  et  excubiis,  item  rets  pu- 

«  niendis  et  carceribus. . . .  Praîfecti  praetorio  qui  legunt  condendarum  potesra- 
»tem  habebani,  dummodô  generalibus  legibus  non  contraria;  essent;  nec  ab 
«eorum  sententiis  appellare  Ficebat.  Pontifices  maximi  ad  religionem  non  ?,d 
»  publiées  magistrat  us  pertinebant,  et  exteris  prxerant  ;  nec  poteratnisi  unus  esse 
»  qui  templo  Vestl  custodiîe  palatSii  tlnà  cum  sa'cerdote  maximâ  pneerat.  Pat»r 
»  pairatus  sacerdoiibusfeiialibus  prœposiius  erat....  Sacerdotes  riamines,  qui  étant 
>rà  floculo  lanse,  quem  prœeminentia:  causa  super  apice  gerebant  denorainaE>. 
iiCollegium  augurumordohominum  prudent um  erat, qui  prodigiispublicis  prœe- 
»  rant.  »  Ces  articles ,  et  Ceux  efue  nous  omettons  ,  ne  remplissent  en  tout  que 
quatre  pages. Les  suivantes,  j-i  40  sont  occupées  parle  commentaire.  M.  Huschke 
y  rapproche  de  ces  notices  les  textes  classiques  qui  ont  les  mêmes  objets.  11 
éclaircit  ainsi  plusieurs  détails,  rectifie  ou  complète  ceux  que  le  manuscrit  de 
l'Arsenal  présente,  et  propose,  quand  il  y  a  Heu  ,  de  meilleures  leçons.  Nous 
n'oserions  dire  que  l'opuscule  anonyme  sort  d'un  très-grand  prix;  mais  le' travail 
du  commentateur  se  recommande  par  unesaineet  savante  critique. Ce  volume 
est  à  joindre  au  livre  de  J.  Laur.  Lydus,  de  magittratibus  rçmanis,  publié  en 
1812,  in-8.'  


7Qx  JOURKAIiXïES  SAVONS. 

Atlas  der  Wichtigtten  Scblahtt»  ,  Ce. ,  Atlas  deestégu et  batailla  et  l'anti- 
quité, du  mrryen  âge  et  des  temps i  modernes  t.  publié  par  M.  Ftançob  de  Kaufief 
('auteur d'un  dictionnaire  des  siège*  et  batailles).  Fribourg^  iSjo,  jn-*/  Cet 
atlas  m  publie  par  livraison»;  il  y  eaaur»  13  ou  14.  L'auteur  visite,  autant  qu'il 
lui  est  possible,  le»  lieux  qu'à  doit  retracer  «  décrire. 

Ltepold  von  Ledebur.  ktiikkt  BtUachnatg,  4ft.  Exrnne*  <r 'tif aw  dîr  quelque» 
pointi  de*  campagnes  de  CAarlemagsee  contre  les0axr)KS  et-  1er.  Slavtsy  pouf  servir 
à  l'histoire  et  à  la  géographie  d«  majréivimfAFiMjrLtop.  Ledebur.  Berlin, 
Mhtler,  i8i6.--ivet  19J  pagesiW.»,  1  nd.  ■      

Voyage  en  Nubie, en  Kordofim  et  dans  F Arant*)  petite,  pamculièr«mfltt»  KO» 
les  rapports  de  la  géographie  «  de  la  statistique ,  par  ie  docteur  Edouard  Hua» 
pell-  Francfort,  l«0,  m-S.%  «vec  planches.  Un»  analyse  de  cet  o*W*ge, 
par  M.  Depptng,  tient  d'être  imprimée  étiez  M.  Firmth  Didot,  io  page* 

in-st  .......  -  .■:  .*■■' 

Rein  nach  sud-Africa,  jFc.  Voyage  dans  l'Afrique  du  sud ',  eï  résultat  de  ntet 


expériences  fàttet  chez  les  Hottentocs ,  en  ma  qualité  de  missionnaire ,  avec 

le  récit  de  mes  aventures ,  bar  M;  F.  X.  Ebner.  Berlin,  1830,  ■ni-A*"tom.  I."* 

Die  hhtorich-rtaàrsreckliicheit   Gnnren  motUfner  Gcsttrbungen ,  &C,  Les  Ifc 


mites  historiques  et  politiquement  tégater  dts  Hgfslanons  modernes  ;  ou  quels  sont 
les  objets  susceptibles  ou  noii'ifttjè  rffclé»  par  aesibhr;  bar  le  docteur  VolIjjrafF, 
professeur  d'économie  publique.  Marbonrg.Garthe,  1830, /«-&',  ijj  pages. 

DANEMARK,  JVormaunerpet  $&tpgt ag  dots  Nedsmdtnimgi  Frankrigt-i .-, .  .- 
Copenhague,  Popp,  l8)p,  ùwa.  Ce»t  une  traduction  danoise  de  1  ouvrage. 
deM.  Depping,  sur  les  expédiions  des  Normands,  et  leur  tjtjaUisftflMat.  et* 
Funce  [w/.  Journal de»  Savan»,  nui  et  mai  j  816,  pa*;.. .1,7^178,  a8(.iat). 
.  Le  traducteur  en  M.  N.  fâ,  Peterzen.  ■  ,„.  ,M  '.,,..,■... :■■•.•'. 

t>en  •Ftzrste  Nevemi*rgog4tn,F«TiÇ  Auguste.  Rtchtnhts  fiùfariauei  et  -ar- 
chéologiques sur  {ce  qui  se  pratiquait  chez  les  peuples  du.  nord  \  le  l.*r  no* 
vembre  et  le  1,"  août,  avec  un  supplément  sur  le»  fête»  et  te  culte  dn  feu,  par 
M.  Finn  Magnosen,  professeur  et  archiviste.  Copenhague,  Popp,  i8ao,  ut-è,'  , 
236  pages. 

GRANDE7BRETAGNE. 

DemonotoQ  and  Witcltcraji.  De  la  démonofogie  et  de  la  sorcellerie,  par  sir 
Walter  Scott  Londres,  John  Murray,  1830,  in~i2 ,  400  pag. ,  avec  une  gravure. 
Prix,  y  scnHI.  Ce  volume  est  le  i6.e  article  de  la  collection,  intitulée  Biblio- 
thèque de  Fami  lit  ;  tht  Family  libraryl  II  a  été  réimprimé  à  Paris  chez  M.  J. 
Didot,  sous  le  titre  de  Letters  on  Dcmonology  and  Wiubcraft,  adressée]  toJ.G. 
iockhart  esq.  by  rir  Wa'tter  Scott,  in-iit  434-Pafr  ?"*>  6'fr.,chez  A.  et.\/.. 
Galignani.-     B     !,.,,,  .  J.    .       7,  -,..„.^\  .      ■    .  ,'■  ;„■  .    I 

Narrative  of  a  journey  tinvugfi  Gntee**  ftécii  4'un  voyags  tn  Criée  sn  rfjot 
avec  des  remarque»  sur  f'ërxi  actuel  des  fiacres, miUtaJrts  e(  navale»  de  l'Empire 
ottoman;  par  le.  capitaine  T.  A^^rotnnbie  Traat  .(auteur  de  l'ouvtage  in- 
titulé Twaycart  in  Ava).  Lona>esî,  pilbur«#t,B«sulèy,  tfliQ,i*^.* 

The  H(storyofÇiodeTn  Çrtat- filtre  jeUGrict. latine ràavwKMUWr 
visiemeut  jusqu'à  doi)cmuj^ç^  Jajmç»EmenQnvj^l,drfB,  Coib,uru  .«ijentley,, 

18)0,  a  vol.  tth8.'  ....   .■.}■•■ 


4}  «M  i 

Jnqutrte 


v    NOVEMBRE/ tfijôi    vr  70.3 

TheBoek  qf  Scatland.  Ex  Lim  A  ràdwwfDaciToiicni  méthodique  de  Téurt 
ancien  et  de  l'élit  actuel  de  ci  pays  );  parM.  WHl  Chaoïben,  Edimbourg, 
Bucb*nanî  eti-omifei.lon^raaat  jSjQj  «2  pt^as  in-i".* 

H'utoty  of  tht  Nethtrlands.  Histotrt  des  Pays&m  t  -pw  TWraas  Colley 
Grattas,  Londres,  Lnngman  ,  u8}bj  Mi/Ai  ■'"■■'■ 

,   tfih  lift-  dmtarboim*  in  svutk  Ammiicm.  Surfes  itotblet  dftf Amérique  tttêri- 
dionalt.  Lontlre* , imprirtnerie  de  Trfling!,  flhp*Ua  de  JibJcÏ  Ridgwal,'  1&3OV 

" jtt  wt-A.»  (Munon  d'aiitea».).  .1*    j  K%i'.\  ".-.  <  ,'*  .*''.- 

«rw/  «inivrtijjss;  thc  intrOtctudl  ptoerrs  «rf'fAr  investigation  qfxrûtk.  Rê~ 
eaertna  sur  letfacnhés  inteikctutitti/tt  svtim  manière- de  diaHtvriret  têecnnoître 
iavétiu,  pariVLX  Abercrorabie,  EdlraiMUT|,<Wai<gl*  et  «>»♦..,  1830,  in-#.* 

lOjï.  *£  ...-!■  '       ■  -.!■•(    -λI(.'. 

•.-i93hf  Pbiltsvpky  of  sleqr.  Lm  Pàiéàsqpkàthi  tnwntil,  fgr  ftcb   Magnisk 
Glasgow,  M*ephin,  1830,  i*-*1.*  ,-  ■.■..!.!.      ..    .     . 

£TATS-U N IS  D'AMER  I  QUE.  TheHistory  and  topography  oftKe  United 
States,  Hlttoite  et  topographie  des  États-Unis ,  par  M.  J.  H  îtuon  ,.&>&'.'&'  plu,- 
lietin  komitin  de  lettres  d'Amérique  et  d'Angleterre;  ouvrage  orné  de  vues 
destinées  iar  les  lieux,  et  gravées  exprès.  Philadelphie,  Wardle;.  New-YoHi, 
C*r#flï}  ÇbjtOh,  Gray  et  Bowen;  Londres,  Jennings ,  1830,  inr^.' >  'fîT 
îlvrWsoti.  '  ''.'.■■, 

ITALIE. 

Bibliogrqfia  italiana.  Tiim  des  livres  qui  se  publient  en  Italie.  H  en  a  paru 
29  numéros  in-8.' ,  à  Parme,  en  1819  ei  1830.  Ce  recueil  a  le  roème  objet, 
mais  non,  à  Ce  qu'il  semble,  la  même  étendue  ni  la  même  exactitude  que. la 
Bibliographie  de  la  France ,  rédigée  par  M.  Beuchot, 

Storia  délia  ieiteratiira  ïratiana.  Histoire  de  la  littérature  italienne  au  JCViji.' 
siècle,  par  M.  Ant.  Lombardi.  Modène,  1830,  tome  IV  et  "dernier,  in-S/ 

Intqrno  ail'  indol^deUaUtumturaJl^anaj^^^Essfij  sur.  Usarsuilt  de  la 
Hafrâturt  tuttinnfBIf X7X".*"îtefr ,  SVeYBtf!ffiJena!ce""siïr  la"  poésie  Héroïque, 
la  poésie  sacrée   et  les  beaux-arts,  par   M.  Sacchi.  Pavie,   Landon,   i8îo, 

/ȣ.  .aJaAT 

Totiui  latinitatis  lexicon  ,  consilio  et  cura  Jacobi  Faccioiati ,  operâ  et  studio 
yEgîdii  Forcellini;  in  hâc  tertiâ  editione  auctumet  emendawmàlosephoFurla- 
netto,  seminarii  patavini  alumntt.  Pado'va,  tyoîsefùsdeniseriiinarii,  1830.  Le  io.* 
fascicule  du  tome  3.*  de-  cette  nouvelle  édition  va  jusqu'au  mot  Pfavîfragvs. 

&ggi*  di  poésie  arabiche  di  Abulctssen ■ ,  recare  rrWersi  italiani  dal  professore 
Antonio  Rainerî-Bncia,  Toscane.  Firenze,  Magheri,  1830  ,  in-8.° 

HSecolo  di  Dante,  commemo  storieo  necessario  air  intelligenza  délia  divin; 


Coin  média  ,  scritto  da  Ferdinando  Arrivabene;  seconda  edizione ,  arrichita  di 
tune  le  illu*rtréfefti^ serît»  (fit  l?er>  Wrcolp) ,  con  fndiee  atcntairi-,  FrreriW, 
Rrettrdi  e  C-.i^o.-aTOMii-ftVpW/^o^fjfeC   ■  £  '"'  !,     \A   ~  .'  ■ 

CHstefon  Ceiàtiiêc'idramàfa  storïco  tf'Crrus.epW^GheTtrdi  *  Arrêta.  Fii 
renze,  Magherif  ïbjàytfr-iBÏ  'f^'-j'^'Vàèi  iVWr-Afpliii  rr<rrgï;"iWs"J  W 
Frtttce  un  drame-  biitorjjae1  fl*  OTi*rVo^"«oiVjTiar;pifW;*t^^ 

Racconti di  Gxstpait  Gozzi,iyc.Ct>ntadeGaspat  Gv'tzï\ vqnV rtèie TTOn- 
vont  pas  dans  la  collection  de  ses  œuvres.  Venue,  Alvisopoli,  1830,  in-8.' 

Çollerionedi  Romanzi  storki  trtghati  haMhtk ^F&enze ,  Veroli  e  C.  succeuori 


■* 


7o4  JOURNAX  DESISTA  VAN  S. 

di  Gius.  Molini,  1830»  in-iz>  Le  prospectus  annonce  50  volumes,  chacun  d'en- 
viron 1 80  page»,  et  du.  prix  et  l  fiv  jo  c.  Les  quatre  premiers:  tomes  ont  paru  ;  ils 
contiennent  les  Prisonniers  de  Pizzighettone,. ...  la  Bella  céleste  (par  B. 
Bazzoni),  GeItrude,Emilia.     ,  .... 

Storia  d'Italia.  Histoire  générale  de.  l'Italie ,<  par  Gesare  Balbo.  Turin ,  Pomba , 
.t  830 ,  in?8S ,  tomes  J  et  ÎI ,  qui  ^onesbondent  aux  années  476  à  774;  depuis 
Je  détrâneraent  d'Augustule  jùsqè'à  rentrée  dëCharlemaghe  en  Italife.  ' 

Annali  d'Italia  daîryjo  al  1819,  compilât!  da  Antonio  Coppi;  nuova  edi- 
iione.  Roraa^Pietro  MërIe,jV30>  rn-Af  Le  dernier  tome  de  la  première  édi- 
tion a  paru  en  1820:  la  nouvelle  aura  six  volurnesvqui  doivent  parohre  de  deux 
en  deux  mois  ;  pboe  chaque  tome  50  ba).  (xfivyoc.)  Ces  annales  d'Italie,  depuis 
le  milieu  du  dernier  siècle,  continuent  celles  de  Muratori,  qui  descendent 
du.  commencement.de  Tère  vulgaire  Jusqu'en  1750,  et  qui  se  réimpriment 
aujourd'hui  à  Venise,  chez  Antonelli,  en  48  voL  in~i&,  y  compris  une.  autre 
continuation  jusqu'au  temps  présent. 

Atlante  geogrqfico,  fisico  e  storico  délia  Toscana,  dei  dottor  Àtu^io  Zuc- 
chagni  Orlanaini.  Firekizè ,  stamperia  granducali,  1830,  II  avoit  déjà  paru  12 
cartes  de  cet  atlas  de  la  Toscane ,  au  mois  de  juin  dernier. 
'  Essai  sur  la  géographie  physique  et  botanique  du  ràyaume  de.  N aptes,  par 
M.  Tenore.  NapIes/imprimerWihUiçais^,  in-8.ê ,  103  pages,  avec  deux  cartes 
coloriées. 


r  •       -v 


.  .    1     > 


Nota.  On  peut  s'adresser  à  la  librairie  4e  Àf.  Lcyrault,  à  Paris,  rue  de  la 
Harpe,  n.°  Si;  et  à  Strasbourg,  rite  dés  Juifs,' pour  se  procurer  les  divers 
ouvrages  annoncés  dans  le  Journal  du  Satians.  Il  faut  affranchir  les  lettres 
et  tt  prix  présumé  des  ouvrages»  ',    •         ... 


*mé 


■   ■'    Hl.:«l         •       •    ■     >.  '•■■/■.   'u'     ■'.■.     >*  ■  ■  \ 


TABLE. 

•  :■.•'.'.■■•  ■   î  "  ■ 

Annales  et  antiquités  du  Ra)asthan,  ou  des  états  des  Radjepoutes 
dans  les  régions  centrales  et  occidentales  de  l'Inde  *  par  le  lieute- 
nant-colonel J.  Tod.  (  Article  de  M .  vSilvestre  de  Saçy»  )• Pag.  643  • 

Histoire  et  analyse  des  anciens  romans  de  chevalerie  et  des  poèmes 
romanesques  d'Italie,  par  U  docteur  Jules  Ferrario.  (  Article  de 
M*  Raynouard.) t#;. •  •.•.-.»•.        .   658. 

Transactions  ofthe  royal  asiatic  Society  ofGreat  Britain  and  frcland; 
vol.  II. (Article  de  M.  Abel-Rémusat.).. .?..,............. .  666. 

Édition  de  Plaute,  par  M.J.  DlaudeL  {  Article  de  /i/;,Daunou.j.. ,  678. 

Recherches  sttr  quelques-unes  des  dévolutions  de  la  surface  du  glpbe, 
par  M.  Élie  de  Ëeaumont  (  Article  de  jV.;  Tessier, }  .„ ,,.,....;,    .    ',689. 

flfouvelles  littéraires ..?..v. ...... . ',,,,  Wf  ....  694. 

FIN  J)Ç  LÀ  TABLÉ.  v    ■.,  .' :  \ 


JOURNAL 


DES  SAVANS. 


DÉCEMBRE     183O. 


*■-*— ^. 


A  PARIS, 

DE  L'IMPRIMERIE  ROYALE. 

1831. 


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Le  prix  de  l'abonnement  au  Journal  des  Savans  est  de  36  francs  par  an 
et  de  4°  fr*  Par  'a  poste ,  hors  de  Paris.  On  s'abonne,  à  la  maison  de 
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peuvent  concerner  la  rédaction  de  ee  journal ,  doivent  être 
adressés  au  bureau  du  Journal  des  Savans ,  à  Paris ,  rue  de 
Ménil-montant,  n.°  22. 


JOURNAL 

DES    SAVANS. 

DÉCEMBRE    1830. 


Œuvres  diverses,  italiennes  et  françaises ,  </"Ennius  Quirinus 
Viscohti ,  recueillies  et  publiées  par  le  docteur  J.  Labus  ; 
Milan,  1 827-1 830,  vol.  I ,  II,  III. 

SECOND    ARTICLE. 

JLe  second  volume,  dont  l'examen* fera  le  sujet  de  cet  article,  s'ouvre 
par  une  dissertation  très-remarquable,  et  qui,  dès  son  apparition  même , 
avoit  été  rendue  si  rare ,  qu'on  pourroit  presque  dire  qu'elle  est  publiée 
aujourd'hui  pour  la  première  fois  ;  c'est  la  Description  du  célèbre  vase 
Poniatouski  (  1  ) ,  laquelle  parut  à  Rome,  en  1 794 ,  en  un  petit  volume 
in-fol. ,  tiré  à  un  très-petit  nombre  d'exemplaires ,  et  distribué  exclusive- 
ment parmi  les  amis  du  prince  et  ceux  de  l'antiquaire.  Le  vase ,  un  des 
plus  beaux  et  des  plus  intéressans  que  Ton  connoisse  (2),  fut  reproduit, 
quelques  années  plus  tard,  dans  le  recueil  de  Millin  (3) ,  qui,  dans 
son  explication  ,  se  borna ,  comme  il  le  dit  lui-même ,  à  donner  un  ex- 
trait des  observations  de  Visconti ,  sans  y  rien  changer,  sans  y  rien 
ajouter  ;  et  déjà  auparavant,  M.  Boettiger,  dans  son  exposition  du  mythe 
de  Triptolime ,  destinée  à  l'intelligence  de  deux  vases  du  second  recueil 
d'Hamilton  (4) ,  avoit  fait  usage  du  travail  de  Visconti,  en  y  propo- 
sant quelques  rectifications  plus  ou  moins  importantes.  Ce  travail  étoit 
donc  suffisamment  connu ,  dans  tout  ce  qu'il  avoit  de  neuf  et  d'essentiel. 
Mais  ce  n'en  est  pas  moins  un  service  rendu  aux  études  archéologiques, 
que  d'avoir  reproduit  en  entier ,  de  manière  à  le  sauver  pour  jamais  de 

—  ■        —  Il  M^B^— 

(1)  Totn.  II ,  pag.  i-22. —  (2)  Ce  vase,  donné  par  son  illustre  propriétaire 
au  cardinal  Gonsalvi,  se  voit  maintenant  dans  la  bibliothèque  du  Vatican.  — 
(3)  Peintures  de  vases ,  II ,  XXXI-XXXII,  4$  -50.  —  (4)  Tischbein  ,  I ,  VIII,  IX; 
voy.  les  Vasengemâlde ,  II,  193-232. 

VVVV    2 


7o8  JOURNAL  DES  SA  VANS  , 

l'oubli ,  uii  morceau  de  critique  très-recommandable  pour  l'époque  où 
il  parut ,  et  qui ,  aujourd'hui  encore  que  la  connoissance  des  vases  peints 
s'est  enrichie  de  tant  de  monumens,  conserve  une- grande  partie  de  son 
mérite.  Cette  opinion,  que  nous  exprimons  en  toute  conviction,  suffirait 
seule  à  la  gloire  de  Visconti  ;  car  c'est ,  à  notre  avis  ,  ce  que  l'on  pourra 
dire,  en  tout  temps,  de  chacun  de  ses  ouvrages,  grands  ou  petits, 
quels  que  soient  les  progrès  de  la  science. 

L'explication  que  donne  Visconti  des  deux  ordresde  figures  dont  se 
compose  la  peinture  principale,  aussi  judicieuse  et  plausible  qu'elle 
étoit  neuve  et  difficile ,  dans  l'état  où  se  trouvoit  alors  la  connoissance 
des  vases  peints,  n'éprouveroit  pas ,  aujourd'hui  que  cette  connoissance 
s'est  si  fort  étendue,  de  bien  graves  modifications.  Seulement  on 
pourroit  observer,  en  général,  au  sujet  de  cette  représentation  du  mythe 
de  Triptolcme ,  que  Viscgnti  croyoit  si  rare ,  et  dont  cette  rareté  même 
lui  paroissoit  tenir  au  secret  imposé  dans  les  mystères  ,  qu'il  tiroit  une 
conséquence  trop  rigoureuse  du  petit  nombre  des  monumens  alors 
connus  ,  quelques-uns  desquels ,  appartenant  à  l'époque  romaine  ,  sont 
tout-à-fait  hors  de  la  question.  Le  Eut  est  que  les  représentations  pure- 
ment grecques  de  ce  mythe,  telles  que. celles  des  vases  peints,  sont 
maintenant  assez  communes  (  i  ) ,  pour  qu'il  n'y  ait  pas  lieu  de  croire  que 
de  pareilles  images  fussent  interdites  par  le  respect  des  mystères.  Quant 
au  petit  nombre  de  points  sur  lesquels  la  science  ou  la  sagacité  de  Vis- 
conti se  trouva  en  défaut ,  et  qu'il  me  sera  facile  d'indiquer ,  j'observerai 
encore  que  ce  fut  moins  la  faute  de  l'antiquaire  que  celle  du  temps 
où  il  écrivoit,  je  veux  dire,  d'une  époque  moins  riche  que  la  nôtre  en 
monumens  de  cette  espèce. 

Entre  les  figures  de  Tordre  inférieur ,  Visconti  désigne  comme  Hécate 
et  Rhéa  ou  Cybele,  celles  qui  se  présentent  à  droite  et  à  gauche  du  groupe 
principal:  l'une,  debout,  tenant  un  flambeau  ;  l'autre  ,  assise  ,  et  offrant 
a  boire ,  dans  une  patère ,  aux  dragons  attelés  au  char  de  Triptolèmé  (2). 
M.  Boettiger  se  refuse  à  croire  que  des  divinités  d'un  rang  aussi  élevé 
aient  pu  remplir ,  dans  une  composition  pareille,  un  rôle  aussi  subalterne; 
— — »— — —  ii    '   ■       1  ■  m  ■  ■    ■  ■  ■  ««— — 

(i)  Indépendamment  des  vases  cités  à  la  note  2  de  la  page  suivante,  je 
puis  encore  en  indiquer  quelques  autres,  déjà  connus  du  temps  de  Visconti 
ou  découverrs  depuis:  tels  scfht ,  le  vase  Guahieri,  publié  par  Dempster, 
Etrur.  reg.  1  ,  xlvii;  les  deux  du  second  recueil  d'Hamilton,  Tischbein , 
V,  8  et  9;  celui  de  la  collection  Bartholdy,  Mus.  Bartold.  pag.  131;  les 
trois  de  la  collection  de  Lamberg,  I ,  XXXIII,  XL  et  LXlil  ;  et  sur-tout  le 
fameux  vase  trouvé  à  Armento,  et  conservé  à  Naples,  au  musée  Bourbon, 
Neapelsanu  Bildwerhe,  1 ,  284-286.  —  (2)  Pag.  îi-ij. 


DÉCEMBRE  1830.  709 

il  y  voit  deux  simples  figures  accessoires  d'un  ordre  bacchique  (  1  )•  L'obsép- 
vation,  vraie  et  juste  en  général,  s'est  trouvée  pourtant  contredite  en 
partie  par  les  faits.  Dans  la  plupart  des  compositions  de  ce  mythe  qui 
ont  été  récemment  découvertes,  la  même  figure,  tenant  pareillement  un 
ou  deux  flambeaux ,  s'est  retrouvée  près  de  Cérès,  et,  sur  quelques-unes 
de  ces  peintures,  avec  son  nom  EKATE  lisiblement  écrit  (2)  :  en  sorte  qu'il 
ne  peut  rester  le  moindre  doute  sur  la  présence  de  cette  divinité ,  que 
Visconti  a  voit  reconnue  ici,  uniquement  sur  la  foi  de  l'hymne  homérique 
à  Cérès.  Quant  à  l'autre  figure,  il  me  paroît  certain  que  notre  auteur 
s'est  trompé,  aussi  bien  que  M.  Boettiger.  Cette  femme,  assise,  coiffée  en 
cheveux ,  dans  un  costume  et  dans  une  attitude  si  peu  conformes  à  la 
gravité  de  Cybèie ,  tç  sauroit  être  la  déesse  en  question  ;  rien  ne  ca- 
ractérise non  plus  en  elle  une  nymphe  bachique  :  mais  il  y  a  toute 
apparence ,  d'après  sa  position  même  et  d'après  son  action ,  que  c'est 
la  nymphe  d'Eleusis,  témoin  naturel,  et  pour  ainsi  dire  obligé,  d'une 
scène?  pareille ,  assise ,  comme  le  sont  en  effet  la  plupart  des  nymphes 
ou  divinités  locales  (.3) ,  et  nourrissant  de  sa  main  les  dragons  sacrés  ;  ce 
qui  étoit  aussi  l'office  le  plus  convenable  pour  un  pareil  personnage. 

Dans  l'explication  de  la  figure  de  Cérès,  Visconti  a  commis  une 
méprise  assez  grave ,  qu'il  importe  de  relever ,  puisqu'elle  a  été  re- 
produite par  Millin  et  négligée  par  M.  Boettiger.  H  a  pris  pour  une 
sorte  de  râteau  de  bois,  ou  de  herse,  l'instrument,  fort  singulier  au  pre- 
mier aspect ,  que  la  déesse  porte  sur  l'épaule  gauche;  et  le  même  instru- 
ment ,  souvent  joint  aux  images  de  Cérès  et  toujours  considéré  comme 
aratoire ,  a  induit  en  erreur  beaucoup  d'antiquaires ,  notamment  ceux 
qui  se  sont  occupés  des  médailles  de  Métaponte  (4) ,  où  ce  symbole 
est  figuré  avec  un  type  qui  a  manifestement  rapport  à  l'agriculture. 

(1)  Vasengetnàldt,  II,  204:  Es  sind  bloss  Bacchische  Nebenfiguren.  — 
(2)  Un  de  ces  vases,  appartenant  au  marquis  del  Vasto ,  à  Naples,  étoit 
venu  à  la  connoissance  de  Visconti  lui-même,  qui  en  cite  les  inscriptions, 
nEP2n*ATA  (sic),  HPMH2,  HKATE,  AHMHTHP,  dans  une  note  ajourée 
au  V.c  volume  du  Musée  P le- Clément in ,  pag.  77.  Un  vase  célèbre,  que  je  visa 
Nota  en  1827  ,  et  qui  a  passé  depuis  dans  le  cabinet  de  M.  le  duc  de  Blacas, 
offre  le  personnage  S  Hécate ,  indiqué  par  son  nom  EKATH ,  avec  ceux  de 
Triptolbnt  et  de  Déméttr  ;  ce  vase  vient  d'être  publia  dans  les  Monum.  ined. 
dell*  Instit.  di  corr.  ardu  tav.  iv.  —  (})  Voy,  l'observation  que  j'ai  faite  à  ce 
sujet,  Orestéiie,  pag.  191 ,  note  2.  —  (4)  Voyez  M.  Avellino,  qui,  après  avoir 
contribué  plus  que  personne  à  accréditer,  par  l'autorité  même  qui  s  attache  à 
ses  opinions ,  Terreur  commune  au  sujet  de  cet  instrument,  JtaL  vet.  num.  II , 
19-20,  a  reconnu  sa  méprise,  etsignaléia  véritable  nature  de  l'instrument  en 
question ,  Annal,  dell9  Instit,  di  corrispond.  archeol.  tom.  I ,  pag.  aj  j-2 j8. 


7io  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Cependant  il  est  certain  que  ce'  prétendu  instrument  rustique  est  le 
flambeau,  symbole  constant  de  Cérès ,  tel  qu'on  le  voit,  en  effet ,  porté 
à  la  main,  et  allumé \  sur  un  vase  représentant  \trapt.de  Proserpinc, 
qu'a  publié  en  dernier  iieu  M.  Miilingen  (  i  )  :  ce  qui  réduit  au  néant 
toutes  les  suppositions  auxquelles  cet  objet  avoit  donné  lieu ,  sans  rien 
ôter  cependant  au  mérite  des  remarques  de  Visconti ,  en  ce  qui  con- 
cerne l'emploi  de  l'instrument  en  question  dans  l'agriculture  antique. 
Je  ne  ferais  pas  mention  de  l'observation  de  notre  auteur,  au  sujet 
de  la  forme  particulière  du  caducée  de  Mercure  (2) ,  sans  l'importance 
qu'il  attache  à  cette  observation,  au  point  d'y  voir  un  motif  grave  à 
l'appui  de  l'explication  du  célèbre  groupe ,  présumé  de  Mercure  et  VuU 
cain,  de  la  villa  Borghèse.  II  faudrait  plus  qu'un^inalogie  de  ce  genre, 
fût-elle  aussi  réelle  qu'on  le  prétend,  pour  autoriser  une  pareille  ex- 
plication ;  et  le  caducée  se  voit  figuré  tant  de  fois  et  de  tant  de  manières 
différentes  sur  les  vases  peints ,  qu'il  n'y  a^  réellement  rien  à  induire  de 
telle  ou  telle  de  ces  innombrables  variétés ,  relativement  à  un  monu- 
ment de  la  statuaire  antique ,  de  l'ordre  de  celui  dont  il  s'agit.  Mais 
une  observation  plus  importante ,  que*  je  ne  saurois  m'empécher  de 
faire  ici,  c'est  que  Visconti  s'est  totalement  mépris  sur  le  sujet  de  la 
seconde  peinture  du  vase  Poniatouski ,  en  y  voyant,  daqs  le  jeune  héros 
dia  émé,  avec  un  chien  à^ses  pieds,  debout  au  sein  d'une  édicule  distyle, 
Jasion ,  le  héros  favori  de  Cérès  (  3)  ;  et  cela  parce  qu'il  s'est  laissé  tromper 
par  la  relation  intime  et  nécessaire  qu'il  croyoit  exister  entre  les  deux 
compositions  de  ce  vase.  II  est  trop  avéré  aujourd'hui,  par  une  foule 
d'exemples  que  Millin  pouvoit  déjà  connoître,  et  qui  auroient  dû  lui 
inspirer  quelques  doutes  sur  une  pareille  explication  qu'il  se  borne  à  re- 
produire textuellement;  il  est,  dis- je,  trop  avéré  que  la  peinture  du 
rêver*  n'avoit  le  j>Ius  souvent  rien  de  commun  avec  le  sujet  principal, 
ou  du  moins  qu'elle  n'y  tenoit  que  par  des  rapports  généraux ,  en  ce 
qu'elle  noffroit  habituellement  elle-même  qu'une  image  générale ,  qu'un 
type  commun,  lié  à  telle  ou  telle  représentation  particulière,  par  un 
système  d'idées  religieuses  ou  d'intentions  funéraires.  Tel  est  certainement 
I&cas  de  peinture  qui  nous  occupe.  On  la  trouve  reproduite  au  revers 
d'un  grand  nombre  de  vases,  dont  le  sujet  principal  varie  sans  cesse  ;  de 
!>orte  qu'il  est  bien  évident  que  ce  n'est  pas,  sur  le  vase  Poniatouski, 
l'image  de  Jasion,  réunie  ou  opj>osée  à  celle  de  Triptolème,  à  cause 

(1)  Ane.  untd,  monutn-  part.  1  ,  pi,  XVI,  p.  46.  —  (2)  Pag.  n9  note  /. — 
(})  Pag.  16-18. 


DÉCEMBRE  183O.  '        7^\ 

du  rapport  qu'a  voient  entre  eux  ces  deux  favoris  de  Çérès,  mais  bien  I^i 
représentation ,  produite  sous  une  forme  générale ,  d'un  jeune  initié  éWyç 
a  la  condition  héroïque,  et  placé  dans  Vhêroon  ou  le  tombeau,  avec 
le  chien ,  fidèle  compagnon  des  mânes ,  et  avec  tous  les  attributs  de 
cette  condition ,  la  couronne,  la  h  as  te  et  la  bandelette.  C'est  ce  qu,e prouve 
(failleurs  ta  présence,  constamment  reproduite  dans  les  peintures  de 
cette  espèce,  de  ces  quatre  figures  placées  deux  à  deux,  Tune  au-dessus 
de  l'autre  ,  de  chaque  côté  de  Vhêroon ,  toujours  avec  les  mêmes  objets 
mystiques  ou  funéraires,  la  bandelette ,  la  couronne 9  la  ciste,  le  miroir 
mystique  (1)  ,  la  corbeille  de  fruits,  et  figurant  ainsi,  cte  manière 
qu'on  ne  puisse  s'y  méprendre,  les  honneurs  héroïques,  *m  iv*j*ey#t*  9. 
rendus  aux  morts ,  dans  la  personne  de  ceux  qui  leur  étoîeut  unis  par 
les  liens  de  la  famille  ou  de  l'initiation  (2).  1 

Parmi  tes  morceaux  qui  suivent  la  dissertation  dont  il  vient  d'être 
question  ,  je  me  contenterai  de  citer  la  Description  d'une  ancienne  trpmbfi 
hydraulique,  en  bronze  (3),  trouvée  près- do  Ci viu-VeCchia.,  monument 
d'antiquité  unique  jusqu'à  ce  jour,  (Tune  conservation  parfaite -y  et  4on$ 
le  mécanisme  s  accorde  si  juste  avec  la  description  dp  Vitruvç  ,4),  qu.'il 
est  impossible  d'y  méconnoître  une?  des  inventions  de  ce.  Çtésibius 
d'Alexandrie,  illustré  par  une  foule  de  travaux  de  ce  genre.  Je  ^appel- 
lerai ,  à  cette  occasion ,  un  trait  qui  auroit  pu  trouver  place  dan?  la  des- 
cription de  ngtre  auteur;  c'est  l'invention  des  orgues  hydrauliques  * 
attribuées, au  même  Çtésibius  par  Athénée  (  5  ) ,  et  dont  l'image  s'est  con- 
servée sur  une  médaille  de  Néron  (<fy ,  de  telle  spr|e  que  ie  monumfpt 
numismatique  peut  servir  de  commentaire  au  texte  de  l'écrivain. 

Un  morceau  de  critique ,  plus  considérable  à  tous  égards ,  est  la  Lettre 
au  cardinal  Borgia  sur  un  ancien  plomb  de  VeUetri  (7) ,  publiée  d'abord  , 
aux  frais  de  ce  docte  et  illustre  prince  de  l'église ,  par  un  antiquaire  qui 
continue  tous  les  joltrs  encore  de  rendre  &  la  science  numismatique  da 


»■**■ 


-  (îV  Vtscomr  s'est  trompé  awssî  sot  Ut  véritable  natuf»-<U  c«t  inmupieaty 
où  i^  vQyoit  une  patere  à  manche,  ou  bien  une  espèce  de  flabellum  ;  deux 
objets  qui  n'ont  en  effet  qu'un  rapport  de  ferme  tres-éldigné  avec  le  miroir 
mystique.  —  (2)  M.  Boettiger  avoît  exprimé  ra  même  idée ,  en  rendant  compte 
<îu  travail  de  Visconti,  dans  YAllgem.  IU.  Zeh.  de  1796 1  n.  276;  et  M  P* 
reproduite  dans  ses  Vasengemâtde,  p.  205.  —  (3)  Pag^-fy-jl. — (4)  Vîtruv. 
IX ,  g;  conf,  PKn.  VII ,  ?0.  — •  (5)  Athen.  jv,  2j.  —  (6)  Suétone,  "tn/teron; 
41  »  parle  de  ces  organa  hvdraalica  novi  et  ignoti  generis;  ce  qui  prouve  que* 
h  cdnnoissance  s'en  introduisît  assez  tard  à  Rome.  La  médafillf,  qui  se  trouve 
dans  tous  I*s  cabinets,  a  été  sur- tout  illustrée  par  h  P.  Pacciaudf,  Puteuê 
sacer ,  %.  v,  p.  21-22,  —  (7)  Pag.  33-46. 


7ii  JOURNAL  DES  SAVANS, 

rtouveanx  et  signalés  services ,  M.  Sestini  (  i  ).  Le  monument  même  existe 
ail  cabinet  du  Roi  ?  c'est  une  tess^re,  du  genre  de  celles  qui  se  distribuoiem 
daris  les  Colonies  romaines  pour  ia  célébration  de  certaines  fêtes  muni* 
cipates.  A  «et  égard  ,  l'opinion  de  notre  auteur,  d'accord  avec  celle.de 
M.  Sestini,  nesàuroit  être  sujette  à  aucun  doute.  L'explication  qu'il  donne 
ensuite  du  double  type  de  cette  médaille  ,  comme  offrant ,  du  côte  de 
l'inscription,  MVNICIPI  veliter,  ia  tête  barbue  du  Municipe  person- 
nifié, conformément  au  mode  générai  de  personnification  admis  poUf 
Senatus,  Bot/Ail,  Ttfovoi*,  et  autres  êtres  allégoriques  du  même  ordre  ;  et  en 
regard  de  la  seconde  inscription  ,  ivv  en  a  (sic)  veliter,  h  tête  jeun* 
et  imberbeda  Collège  êtes  jeunes  gens  réunis  pour  la  célébration  des  fët» 
juvenalia;  cette  explication*  dis-je,  me  paroît  véritablement  la  seule 
plausible.  La  détermination  chronologique  de  ce  monument,  telle  qu'elle 
est  fixée  par  notre  ''auteur ,  au  premier  siècle  de  notre  ère ,  soit  qtfon 
la  rapporte  à  la  première  origine  des  feux  dits  juvenalia,  sous  Caligula, 
comme  le  pense  Visconti ,  soit  qu'on  la  place  \ui  peu  plus  bas ,  à  l'époque 
de  ia  restauration  et  de  la  plus  grande  faveur  de  cette  espèce  de  fêtes , 
sous  Néron,  comme  le  crditavec  plus  de  raison  M.  Labus  (2),  mè 
semble  également  établie  de  la  manière  la  plus  probable,  contre  le  senti- 
ment de  M.  Sestini,  qui  voudroit  faire  descendre  ce  monument  jus» 
qu'au  vi. c  siècle  de  l'empire.  La  discussion  relative  à  l'âge  et  à  l'emploi 
de  la  formule  d'acclamation,  felix,  féliciter,  de  laquelle  dépend 
en  grande  partie  la  fixation  de  ce  point  chronologique  ,  ne  laisse  rien 
à  désirer  en  faveur  de  l'opinion  de  Visconti  :  je  puis  bien  dire  moi-même 
que ,  d'après  l'examen  que  j'ai  fait ,  à  plusieurs  reprises  ,  de  la  tessère  en 
question,  il  m'a  semblé  que  tous  les  caractères  du  style  ,  dans  l'ex- 
pression du  double  type ,  et  que  la  forme  des  lettres  de  la  double  ins- 
cription ,  s'accordoient  parfaitement  avec  l'idée  de  Visconti;  mais  j'a- 
voue qu'au  sujet  des  deux  leçons  IVVENA ,  ou  ivveSta  ,  entré  lesquelles 
Visconti  étoit  resté  indécis  (3) ,  en  témoignant  le  désir  que  cette  incer- 


(2)  Illustrayone  di  un'  antïca  medaglia  di  piombo  appartenente  a  Velletri  ; 
Roma,  1796,  /V4.tf  Cette  illustration  étoit  adressée  au  ctlèbre  G.  Zoëga.— 
(2)  Prefa^.  p.  Y.  te  savant  éditeur  de  Visconti  a  suivi  en  cela  l'opinion 
exprimée  par  M.  Cardin aji,  dont  le  docte  et  curieux  ouvrage,  Iscri^.  anU 
vetitern^ Ùlustrate ,  Roma,  18^}*  in-fol. ,  mérite  d'être  consulté  sur  tout  ce 
qui  a  rapport  aux  inscriptions  de  Velletri ,  et  en  particulier  à  celles  qui  nous 
occupent  ;  voy.  p.  16-21.—  (3)  Pag.  4  S  :  Il  determinarsi  fra  queste  due  manière, 
dipenderebbe  assai  dall'  ispezione  del  monumento  che  si  dee  trovare  a  ParJgî 
nelP  immensa  collezione  del  museo  nazionale. 


.5    DÉCEMBRE  !#jo.     •?•  i\.y 

tkude  fût  dissipée  par  une  vérification  exacte,  je  ne  plus  partager  I opi- 
nion vers  laquelle  il  penchoit  dès-lors,  et  où  il  fut  confirmé  depuis  pajr 
Milim,  qui  croyoit  avoir  vu  les  lettres  N  et  T  liées  ensemble  par  un? 
sfgk  (1)  ;  ce  qui  ne  Jtie  parott  pas  réel,  et  ce  qui  ne  seroit  guère  en 
rapport  avec?  la  forme  et  la  dimension  des  lettres ,  non  plus  qu'avec  l'é- 
poque présumée  du  monument.  II  y  a,  du  reste,  dans  cette  dissertation- 
de  Visconti,  quelques  notions  curieuses  touchant  d'autres  plombs  anti- 
ques extraits  du  recueil  gravé  de  ficoroni  ou  de  la  collection  médite 
de  Récupère  ;  genre  de  moftumens  beaucoup  trop  néglige ,  et  sur  lequel' 
notre  auteur  a.  exercé  avec  le  même  succès  la  sagacité  dont  il  a  fait 
preuve  à  l'égard  de  presque  tous  les  éiértjens  de  l'archéologie. 

C'est  encore  un  plomb  antique  qui  fait  le  principal  objet  de  la  disser- 
tation suivante  (2) ,  adressée ,  sous  I?  forme  de  lettre ,  au  célèbre  Zoëga  ; 
et  cette  médaille  de  plomb  appartient ,  comme  la  précédente ,  à  la  cité 
de  Vellétri.  On  y  vok ,  d'un  côté,  une  tête  de  femme,  tournée  à  droite, 
coiffée  à  la  manière  qu'on  sait  avoir  été  propre  aux  princesses  de  la  fa- 
mille ou  du  siècle  d'Auguste,  avec  l'inscription  :  GERANO.  cvra.  FELIM 
c'est-k-dSre,  Gttano  Curatori.  Féliciter;  et  au  revers,  la  figure  en  pied  de 
Mercure,  avec  la  bourse  et  le  caducée,  accompagnée  de  la  légende  que  voici  : 
SODAU.  velitejr.  fel.  ,  c'est-à-dire ,  Sodalibus  Veliternis.  Féliciter.  Ce 
rare  et  curieux  objet  d'antiquité ,  qui  faisoit  partie  du  célèbre  cabinet  Bor- 
gîa,  à  Vellétri,  est  venu  donner  une  éclatante  confirmation  à  plusieurs 
des  conjectures  proposées  par  Visconti  dans  sa  dissertation  antérieure* 
C'est,  efi  effet,  un  monument  nouveau  et  authentique  de  l'usage  où  étaient 
les  divers  collèges  ou  corporations  établis  dans  les  municipes  romains, 
de  distribuer  entre  leurs  membres  de  ces  sortes  de  usseres,  pour  les 
fêtes  ou  cérémonies  qu'ils  cèlébroient  en  commun;  et  l'existence  de 
ces  diverses  corporations  à  Vellétri  devient  désormais  un  feit ;  indubitable: 
Quant  à  la  destination  particulière  de  la  tessère  en  question,  Viscontî 
présume  qu'elle  se  rapporte  à  la  célébration  de  jeux  funèbres  insti- 
tués 'en  mémoire  cFAntonia,  mère  de  Claude,  princesse  à  l'honneur  . 
de  laquelle  furent  consacrés,  comme  on  sait,  beaucoup  de  médailles 
et  quelques  autres  monumens  qui*  nous  Testent,  et  dont  il  croit  récon* 
noître  le  portrait  dans  la  tète  de  femme  gravée  sur  cette  médaille ,  en 
même  temps  quefia  figure  de  Mercure  Psychopompe  lui  paroi  t  un  indicé  g| 
décisif  à  l'appui  de  l'usage  funèbre  de  cette  tessère. 
4  Cette  explication  très-ingénieuse  a  pourtant  rencontré  l'opposition  h 
plusTive,  exprimée  «dans  les  termes  les  moins  mesurés,  de  I»  part  d^ 


«WWWNlWWWWi^WPWW^WP^^wp^, 


(!)  Pagefy.~(z)Ptg.  tyf6. 

xxxx 


71*  JOURNAL  DES  SAVANS, 

• 

même  critique,  M.  de  Kcehler,  dont  H  a  été  parlé  dans  notre  précé* 
dent  article  (i).  Selon  ce  critique ,  décidé  d'avance,  à  ce  qu'il  paroît,à 
tout  blâmer  dans  les  travaux  de  Visconti,  c'est  sans  le  moindre  fonde- 
ment que  l'illustre  antiquaire  a  vu  le  portrait  cTÂntonia  dans  une  tète 
de  femme  qui  auroit  dû  être ,  en  ce  cas ,  accompagnée  de  son  nom ,  et 
non  pas  de  celui  du  magistrat  curateur  de  la  corporation  qui  fît  frapper 
cette  tessère  ;  et  le  prétendu  Mercure  Psychopùmpe  n'a  pas  plus  de  réa- 
lité» Sur  ce  point  seulement,  j'avoue  que  je  serois  disposé  à  me  ranger 
à  lavis  de  l'antiquaire  de  Pétersbourg.  S'il  falloit  reconnoître  ,  à  la  bourst 
et  au  caducée ,  l'emploi  funèbre  que  iremplissoit  Mercure  en  sa  qualité 
de  Dieu  Psychopompe ,  on  sexposeroit  certainement  à  de  grayes  et  fré- 
quentes méprises;  et  pourtant  il  seroit  juste  d'observer  que  les  nom- 
breux exemples  produits,  par  Visconti  de  la  présence  de  Mercure  sur 
des  monumens  du  même  genre ,  avec  des  types  évidemment  funèbres  (a) , 
pouvoient  donner,  sous  un  autre  rapport,  quelque  probabilité  à  son 
opinion.  Le  fait  est,  suivant  nous ,  que  la  médaille  en  question  n'a  rien 
(Je  funéraire,  et  que^r'est  tout  simplement  une  tessère  gravée  à  {'usage 
des  sodales  veliterni  ,  et  en  l'honneur  du  curator,  nommé  GE- 
banus;  L'image  de  Mercure,  avec  les  attributs  de  dieu   Â^p«uoç  ou 
Forensis,  figure  naturellement  sur  un  monument  tel  que  celui-ci ,  des- 
inéà  l'usage  de  corporations  dépens  de  négoce  ou  d'industrie.  Quant 
à  la  question  de  savoir  si  c'est  véritablement  le  portrait  SAntoniç,  mère 
de  Claude,  qur  se  voit  sur  cette  tessère,  on  peut  dire  que  toutes  les 
apparences,  le  caractère  de  la  tête  ,  la  coiffure,  et  le  style  même  du 
monument,  autant  qu'il  est  permis  d'en  juger  d'après  la  gravure ,  sont 
en  faveur  de  l'opinion  de  Visconti;  et  il  est  certain,  en  tout  cas,  que 
l'objection  tirée  de  la  présence  du  nom  de  magistrat,  au  lieu  de  celui 
d'Antonia  elle-même,  accuse  dans  le  critique  qui  la  propose  une  igno- 
rance complète  des  monumens  numismatiques.  Mv  Labus  a  réfuté  sur 
ce  point  l'étrange  doctrine  de  l'antiquaire  du  TiorcI,  de  manière  à  ne 
laisser  rien  à  dire  ni  à  désirer  (  3  )  ;  et  j'observe  à  mon  tour ,  en  réponse 
au  '  reproche  général  qui   signale  en  masse  une  foule  d'erreurs   dans 
l'écrit  de  Visconti ,  sans  en  spécifier  aucune,  que  c'est  au  contraire  un 
des  écrits  de  notre  illustre  auteur   où  il  a  répandu ,  dans  les  détails 
de  sa  composition,  le  plus  de  notions  neuves  et  curieuses.  Telle  est 
Tidée  qu'il  donne  des  sodales,  lorsque  ce  mot  est  accompagné  d'un  nom 
cfe  peuple,  tel. que  veliterni,  tvscvlani  y  lXnvvini   (4),  mo\ 


*m 


(1)  Voy.  Journal  des  Savant ,  octobre  1 830 ,  pag.  624 1  «uiv. — (2)  Pag.  5+  — > 
(3)  Prefa^.  pag.  vij-viij.  —  (4)  A   ces  nom*,  cités  par  Visconti,  d'après  des 


DÉCEMBRE  1830.  715 

qu'il  expliqué  par  h  réunion  des  diverses  corporations  ou  confréries  d'une 
même  ville.  Telle  est  aussi  ia  manière  dont  il  interprète  le  titre  de  cufator, 
et  la  distinction  qu'il  établit  entre  ce  titre  et  ceux  de  magister,de  quin- 
quennatis  et  de  patronus.  Telle  est  sur- tout  la  discussion  relative  à  la 
belle  inscription  grecque  métrique  de  M.  Pompéius  Junior ,  publiée 
-<pouria  première  fois  par  notre  auteur  ,  et  interprétée  avec  autant  d'in- 
telligence que  de  bonheur  (1).  II  suffit,  sans  doute,  pour  réduire  à  sa 
juste  valeur  l'opinion  si 'rigoureuse  de  M.  de  Kcehler,  d'observer  que  le 
texte  de  cette  inscription  a  été  reproduit  par  M.  Jacobs  (2),  tel  que 
l'avoit  donné  Visconti ,  et  qye  l'interprétation  en  a  été  admise  par  cet 
•habile  philologue,  aussi  bien  que  l'attribution  faite  de  l'çpigramme 
grecque  à  M.  Pompéiûs  Junior;  et  il  est  permis. d'opposer  une  approba- 
tion si. complète,  exprimée <Fune  manière  si  honorable,  par  un  savant  du 
premier  ordre ,  tel  que  M.  Jacobs  ,  à  l'expression  acerbe  d'une  critique 
iqni  ne  porte  sur  aucun  fait,  et  qui  n'est  réellement  d'aucune  autorité. 

On  retrouve  les  qualités  ordinaires  de   l'esprit  de^ Visconti  dans 
une  lettre  inédite,  adressée  à  Lambertf  #e  Milan  (3)  ,   an  sujet  de 
rdeux   inscriptions,    l'une  latine,   déjà  publiée,  mais   d'une  manière 
peu  correcte,  l'autre  grecque  et  médite,  mais  de  peu  d'importance.  Les 
1  notions  curieuses  qui  résultent  de  ta  première  de  ces  inscriptions ,  sont 
très-bien  exposées  par  notre  auteur,  excepté  néanmoins  celle  qui  a 
rapport  aux  cinq  décuries  de  juges  /que  Visconti  croyoit  réellement  com- 
posées de  cinquante  juges,  à  raison  de  la  signification  rigoureuse  du  mot. 
M-  Labus  n'a  pas  manqué  dé  relever  cette  inadvertance  (4)  ?  en  prou- 
vant que  les  déeufies  étoient  des  réunions  ou  collèges  d'individus,  en  nombre 
de  beaucoup  supérieur  à  dix -7  que,  dans  le  cas  particulier  dont  il  s'agit , 
f  chaque  décurie  étoit  composée  de  mille  personnes  au  moins  ;  et  consé- 
.quemment ,  que  les  cinq  décuries  déjuges  Formoient  un  total  de  cinq  mille, 
•  entre  lesquels  on  choisissoit  des  juges  pour  chaque  affaire  ;  institution 

.marbres  ou  des.  tessères  Connus  de  son  temps,  on  peut  joindre  aujourd'hui  ceux 

d'ALBANl  et  de  VERVLANI,  l'un  et  l'autre  gravés  sur  des  tessères  de  plomb, 

'  et  tous  deux  aussi  ayant  servi  au  collège  des  jeunes  gens  de  ces  villes,  d'après  le 

•mot  IVVEN.,  qui  s'y  lit  au  revers.  Ces  deux  tessères,  citées  par  M.  Sestini, 

'  C/ass.  gênerai,  pu  12 ,  comme  faisant  partie  de  la  collection  de  M.  Millingen  , 

viennent  d'être  acquises  par  mes  soins  pour  le  cabinet  du  Roi ,  où  il  dortm'être 

permis  de  dire ,  à  Cette  decasiori,  que  j  ai  formé  une  suite  nombreuse  deplothbs 

antiques,  quelques-uns  *tfe  travail  grec,  rapportés  par  moi-même  de  la  Sicile, 

et  la  plupart  encore  inédits,  que  je  me  propose  de  publier. 

•  ■(■!•)  Poe.  (9-96.—?  {2)  Paralipom.  ad.  AnthoL  Pal.  û.  VIII,  p.  775-756; 

conf.  ièid..YoL  IH,  part.  III,  p..94l-94**-*-  (3}  /^-Jp-'Of  • -"  (4)  Prefoz. 
pag.owrj.         < 

XXXX   X 


7\6  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

• 

tout-à-fait  analogue  à  celle  de  notre  jury  moderne ,  et  sur  laquelle  le  té- 
.  moignagede  Pline  (i) ,  accompagné  d'expressions ,  telles  que  celles-ci  f 
qui  se  lisent  sur  des  marbres  antiques ,  Judices  selecti  ex  decuriis  (a) , 
Judkés  ex  quinque. decuriis  intersclectos  (  3),  ne  laissent  aucune  incertitude. 
Je  crois  devoir  me  borner  à  une  simple  indication  des  deux  Itihts 
qui  suivent,  l'une  très-courte  et  inédite ,  relative  aux  sei^e  colonnes 
de  San>Loren%o ,  à  Milan  (4) ,  sur  lesquelles  on  a  beaucoup  écrié  (  j) ,  et 
v  que  notre  auteur  croit ,  avec  toute  sorte  de  vraisemblance ,  avoir  été 
transportées  de  quelque  édifice  antique  à  la  place  qu'elles  occupent  ac- 
tuellement; ia  seconde,  déjà  publiée  (6j  9  concernait  une  belle  mo- 
saïque antique ,  trouvée  dans  la  Sabine  ,  et  placée  actuellement  au  musée 
Chiaramonti ,  derrière  la  statue  colossale  du  Nil.  Une  gravure  de  cette 
mosaïque  accompagne  Popu^cule  de  Visconti ,  où  il  serait  facile  de 
trouver  à  reprendre  quelques  légères  erreurs ,  entre  autres  son  opinion 
sur  l'origine  de  ia  pal  mette  9  ornement  d'architecture  si  connu,  qu'il 
croit  procéder  du  silphium,  représenté  sur  les  médailles  de  Cyrène; 
et  ia  manière  même  donfril  qualifie  rarissimes  ces  médailles  >  qui 
sont  au  contraire  des  plus  communes.  Je  me  contenterai  pareillement 
d'indiquer  la  description  tftw  groupe^  antique  représentant  Apollon  et 
Hyacinthe  (7) ,  et  celle  d'un  autre  groupe ,  de  la  Paix  allaitant 
Plutus  (&);  ce  dernier  écrit  resté  jusqu'ici  inédit,  mais,  malheureuse- 
ment aussi ,  privé  des  éclaircissements  et  des  détails  -que  rendoit  néces- 
saires l'importance  du  sujet.  Ceux  qui  savent  à  quel  point  sont 
rares  les  groupes  de  figures .  vraiment  antiques,  et  combien,  dans 
l'antiquité  même ,  ces  sortes  de  compositions  furent  toujours  peu  com- 
munes ,  ne  pourront  assez  s'étonner  qu'un  monument  tel  que  celui  qui 
est  indiqué  en  premier  lieu ,  consistant  en  deux  figures  de  proportion 
un  peu  au-dessus  de  nature ,  à  ce  qu'il  paroît  ;  de  grandeur  inégale ,  à 
f  effet  d'indiquer  la  différence  entre  un  dieu  et  un  mortel  ;  monument 
entièrement  neuf  pour  le  sujet,  d'une  intégrité  presque  parfaite,  de 


■* 


(1)  Plin.  H.  N.  XXXIII,  2>  7:  Judicura  nonnisi  quatuor  tlecuria?  fuere» 

primo  ;  vbcque  singula  millia  in  decuriis  inventa  sunt.  —  (2)  Gruter,  CfcCCLix, 

j^ —  (3)  Maffei,  mus.  Verou.  p.  ccclxxj  ,4-  —  (4)  Pag*  105-108.  — (5)  Je  me 

contente  de  citer  un  des  écrits  publiés  le  plus  récemment  sur  ce  sujet ,  ia  disser- 

.  tation  de  M.  A.  Guillôn ,  Sulle  sedici  colonne  corintie  antickedi  rnarnw  stanti  in 

Milano  ;  Milano ,  1 8 1 2  >  in-8.°,  où  Ton  cherche  à  prouver  que  les  seize  colonnes 

en  question  sont  un  reste  des  thermes  Jbâtis  à  Milan  par  I  empereur  Maximien 

Hercule,  à  L'imitation  de  ceux  de  Dioclétien , à  Rome.  —  (6)  Pag.aog*ti+,pl.  y 

et  K/.  Cette  lettre  avoit  d'abord  paru  dans  le  tome.I.fr  des  Memorie  romane  di 

antichità  e  belle  arti  ;  Roma,  1824,  in^.°  —  (7)  Pp^  rjj-r}8,~{$)  Pag,  rjfi-i+Q* 


;  DÉCEMBRE  fi8jQy     !,  717' 

marbre  et  dé  ciseau  grecs ,  enfin  d'un  rare  mérite  cfexécution,  trouvé 
dans  un  lieu  aussi  célèbre  que  la  Ville  Adriénne,  à  Tivoli,  et  à  une 
époque  aussi  éclairée  que  celle  de  1  ^90 ,  ait  pu  rester  si  complètement 
inconnu /que  la  description  de  Visconti,  qui  remplit  à  peine  quelques 
pages ,  n'ait  vu  ie  fou*  qu'en  1 8  2  j ,  dans  une  feuille  périodique  (  1  ) ,  et 
*jue  le  monument  même  ah  disparu  de  Rome,  sans  qu'on  puisse 
savoir  ce  qu'il  est  devenu  et  en  quelles  mains  il  a  passé*  Je  ne  puis 
cependant  inférer  d'aucune  de  ces  circonstances  rien  de  contraire  à  i'au- 
jhentreité  du  monument;  mais  Avoue  que  les  mêmes  considérations 
qui  s'appliquent  à  l'autre  group*Mfe  la  Paix  allaitant  Çlutjis,  jne  por- 
teroient à  concevoir  quelques  dbutes  au  sujet  de  ce  second  monument, 
qui  n'est  devenu  tel ,  d'après  l'assertion  de  Visconti  lui-même ,  qu'à  la 
suite  d'une  restauration  opérée  par  le  sculpteur  romain  Paccetti,  L'ex- 
ttéme  brièveté  des  détails,  et  l'absence  totale  des  renseignemens  concer- 
nant un  groupe  si  curieux ,  sont  faites  pour  inspirer  d'assez  graves  soup- 
çons; et,  dans  tous  les  cas,  il  y  a  lieu  d'être  surpris  qu'un  monument 
si  remarquable  à  tous  égards,  s'Uétpit  réçHetaent  antique,  soit  demeuré 
jusqu'à  ce  four  dans  un  aussi  profond  oubli.  C'est  sur- tout  par  ce  motif 
que  fai  cru  devoir  signaler  l'uft.et  l'autre  opuscules  de  Visconti  à  l'atten- 
tion de  nos  lecteurs ,  sans  prétendre  rien  préjuger  du  mérite  ou  de  l'ori- 
ginalité des  monumens  dont  il  s'agit ,  en  quelque^  état  et  dans  quelque 
lieu,  qu'ils  se  retrotfvenj.  (La  suite  au  prochain  .cahier.  J 

RAOUUROCHETTE. 


.  Storia  ed  andlisi  degli  antichi  roman?}  ii  cavalleria  e  dei  poemi 
romanesçhi  d'ttalia,  con  dissettaiioni  suïl'  origine,  sugt  institut!, 
sulle  ceremoniç  de  cavalier! ,  salle  corti  d'amore ,  sut  tornei,  sulle 
giostre  ed  armature  de  palgdini ,  suÏÏinvenjione  e  sulï  uso  degli 
stem  mi ,  &c. ,  con  figure  tratte  dai  monuments  d'âne,  daldottore 
GiuïioFerrario.  Milano ,  dalla  tipografia  dell'  autore,  1828- 
1  825)  f  in+8.° ,  4  vol.  (A  Paris ,  chez  Vallardï / <juai  Mala- 
quais  f  n.°  i  y  ;  pr.  3  8  fr.,  ertavec  lesplanches  coloriées,  (58  fr.) 

SECOND   AfcTICLE. 

VII.#  DISSERTATION.  Romans  et  pohnes  romanesques  de  chevalerie  qui  eurent 
'  pour  su/et  Us  entreprises  des  Francs  ,  des  Bretons  et  des  Gaulois. 

Depuis  long- temps  il  est  reconnu  en  histoire  littéraire  que  lès  ro- 


^ 


V  ■  f 

(1)  Ejfemeridi  romane,  fascicolo  ouûcu. 


718  JOU^frAL  DES  SAVÀNS, 

ffians  et  épopées  de  chevalerie  offrent  trois  principales  divifioRS  :  i.°  les 
romans  qui  ont  pour  héros  Charlemagne  et  ses  douze  pairs,  djc.  »  ce 
sont  les  Francs  ou  Français  :  2.0  les  romans  qui  célèbrent  Artur  et  les 
chevaliers  de  la  table  ronde,  &c+  ;  ce  sont  les  Bretons  :  $.T  ceux  qui  .sont 
consacrés  au*  exploits  et  aventures  cFAmadis  des  Gaules.,  &c  ;  ce  sont 
les  EspagnoIs^Les  autres  romans  de  chevalerie  qui  ne  peuvent  pas  être 
classés  dans  ces  trois  divisions  générales,  ne  sontni-ea  aussi  grand  nombre» 
m  aussi  anciens  que -ceux  qui  y  sont  compris.  Cest  surtout  aux  romans 
français,  desï-à-dire,à  ceux  qui  ontr*qgpté  les  prouesses  et  les  aventures 
de  Charlemagng  et  des  douze  "paire,  &c»,  que  les  Italiens  ont  emprunté 
plus  générafement  leurs  romans  ou  épopées  de  chevalerie;  car  on  pour* 
!<ott  dire  qu'ils  n'ont  rien  imargirtéy  mais  qu'ils  ont  seulement  travaillé  sur 
un  fond  étranger  à  leur  lit tératore  :  toutefois  on  doit  se  ranger  &  lavis 
du  -docteur  Ferrarro  ,  quand  il  soutient  que  l>Vantage  honorable  cF avoir 
-produit  tes  meilleures  épopées  romanesques  ne  peut  'être  contesté  à 
l'Italie.  Avant  de  parler -de  ces  divers  ouvrages  'relatifs  à  Charlemagne, 
à  ses  pairs ,  et  .aux  paladins  de  France»  Je  présenterai  une  observation 
qui  me  paroît  de  quelque  importance  pour  fixer  l'époque  où  ont  pu 
commencer  les  opinions  qui  ont  donné  Jitfu  aux  traditions  romanesques 
■sur  ce  grince  et  sàr  ses  guerriers.- N'est-ce  pas  orne  circonstance  remar- 
quable, «que,  dans  tous  lesromahs  et  ouvrages  romanesques  relatifs  à 
Charlemagne  et  aux  sieAs,  le  siège  ëe'  fteïppfae  soit  ^onsaùmpettt  il 
Paris ,  qu'il  y  tienne  ses  cours ,  qu'il  y  soit  assiégé ,  tandis  que ,  sous 
son  règne,  Paris  n étott  -rien  moins <{ue  4a-€apkale  de  ses  états  ,  et  qu'à 
"peine  il  a  passé  accidentellement  par  cette  viHe  >  sans  y  faire -aucun 
séjour  l  II  m'a  semblé  qu'on  pouvoit  induire  de  cette  particularité,  que 
les  premiers  ouvrages  romanesques  relatifs  à  ce  prince  et  à  ses  paladins 
n'ont  été  composés  qu'à  une  époque  où ,  sous  la  troisième  dynastie  , 
les  rois  de  France  avorent  étalai  définitivement  "4  Paris  le  siège  du 
royaume,  et  que  cette  ville  étoit  devenue  ta  véritable  .capitale  de  leurs 
états.  •  •  ■       , 

.  Romans  dont  lorigint  est  française  oujrmujue.  On  trouve,  dans  la 
littérature  italienne ,  un  roman  dont  les  héros  sont  an  teneurs  à  Charle- 
magne  et  aux  héros  de  son*  époque;  c'est  Potivrage  intitulé  ï  Henli  di 
Francia  ,  c'est-à-dire,  les  princes  de  la  race  royale  de  France  qui  précé- 
dèrent Charlemagne,,  tels  que  .Fiova ,  Fiora vante,  Bueves  d'Au- 
tone ,  Àc  &c.  Cet  ouvrage ,  écrit  d'abord  en  prose  italienne ,  imprimé , 
pour.  la  première  fois,  à  Modène,  en  i49'>  ^ut  m^s  envers  par  un 
auteur  qui,  le  publiant  vers  l'an  1  j  34 ,  sous  le  ndm  deCristofano  altïs- 
simo ,  avança ,  sans  en  fournir  aucune  preuve ,  que  le  savant  Alçuin  avoit 


DÉCEMBRE  1830.  7:19 

primitivement  composé  ce  romaivea  latin.  Dans  le  roman  en  prose ,  il 
est  parlé  de  l'oriflamme  que  Louis  le  Gros  porta  le  premier  dans  les 
batailles.  Le  docteur  Ferrario  s'étonne  de  ce  que  Gordon  de  Percel 
n'a  pas  fait  mention  des  /?<#//  di  Francia  dan$  sa .  Bibliothèque  des 
rçmans.  Je.  m'étonnerois  moi-même  de  ce  que  le  docteur  Ferrario 
ignore  que  cet  ouvrage  fiançais  est  pseudonyme ,  que  son  véritable 
auteur  est  l'abbé  Lenglet  du  Fresnoy ,  si  je  ne  trouvois  que  le  docteur 
a  été  induit  en  erreur  par  Quadrio,  qui  nomme  toujours,  dans  son 
ouvrage,  Percel  et  non  Lenglet  du  Fresnoy.  Dans  ces  Rtali  di  Francia, 
on  distingue  entre  autres  le  chevalier  du  Lion ,  Fiovo ,  à  qui  fut  transmise 
par  un  ange.  la  bannière  qu'on  nomma  oriflamme;  Fiorello,  de  qui 
sortit  la  maison  de  France;  Fiore,  qui  fut  chef  de  la  maison  de  Darr 
demie.  Le  docteur  Ferrario  a*  inséré  dans  cette  partie  de  son  ouvrage 
r arbre  généalogique  de  ces  maisons  de  France  et  de  Dardenne ,  célèbres 
dans  l'histoire  romanesque  de  Charlemagne  ;  la  généalogie  de  la  maison 
de  Claramont ,  illustrée  par: les  exploits  de  Renaud;  et  enfin  la  généa- 
logie de  celle  de  Montgrave,  pu  se  trouve  Guérin  dit  il  Afcschtno, 
J>  docteur  Ferrario  regarde  le  poème  du  trouvère  Adenès,  qui  fleurit 
de  1  270  à  1 28  5 ,  et  célébra  Pépin  et  Berthe  au  grand  pied,  comme  le 
roman  français  le  plus  ancien  dont  le  sujet  ait  été  puisé  dans  la  famille* 
de  Charlemagne. 

RoJ>ert  Wace ,  qui  écrivait  son  poème  de  Rou  vers  1150,  rapporte 
qu'à  la  bataille  (THastings ,  c'est-à-dire  en  1066  y  le  trouvère  Taillefer 

Devant  If  dus  atout  cantant 

De  Karlemaine  è  de  RoIIant  # 

E  d'Oliver  è  des  vatsals 

Kr  moururent  en  Renchevals. 

L'épisode  des  Rtali  di  Francia  relatif  à  Bueves  cTAntone  Ka  fourni  la 
plus  ancienne  épopée-romanesque  dans  la  littérature  italienne. 

Bueves  cTAntone ,  }d^scendant ,.  d'après  la  chronologie  romanesque, 
ainsi  que  Charlemagne,  de  l'empereur  Constantin ,  fut  bisaïeul  de  Milon 
cTAnglante,  père  de  Roland.  Ce  poème  italien  fut  imprimé  en  1487  , 
in- 4*'  Le  docteur  Ferrario  annonce  que  Quadrio  indique  un  roman 
provençal  de  Bueves  d'Antone ,  dont  le  manuscrit  existe  dans  la  biblio- 
thèque du  Vatican  t  pajmi  ceux  fie  la  reine  de  Suède.  Crescimbeni 
disoit  l'avoir  vu,  et  qu'il  pgrte  le  n»°  1 8 1  et  la  date  de  1580.  Après  le 
roman  de  Bueves  cTAatone ,  le  docteur  Ferrario  cite  le  poème  roma- 
nesque imprimé  à  Venise  l'an  14889  et  divisé  en  soixante-quatorze 
chants,  sou*r  fe> titre  de  ZJfyû  dclï  inaamaramtnii  drf  ri  Çarlo>&c. 


-7*>  JOURNAL  bES-SÀ-Y ANS, 

■  .  ■  x  » 

'     Ogier  le  DaftofS ,  dont  il  «t.  parié  dans  f es  Reali  di  Frçncia ,  avoit  été 
lé  sufet  d'un  roman  attribdé'au  trouvère  Adenés  ;  ce  roman  paroît  avoir 
fourtoT  ïe  sujet  de  deux:  po^me's  ronlânésqiies  italiens,  la  Mortt  4tl 
Danese ,  par  Lasio  dâ  NAnî.,  imprimé  en  1 jli ,  et  le  Danese  Uggiai, 
par  Giroîamo  Tromba,  publié  en  1  799.  D'autres  ouvrages,  tels  qu'Ah- 
théé  le  géant,   Artabel,  et  le  roi  Trojan  ,son  frère;  la   Conquête 
des  Espagne*  par  le  grand  Charlemagne,  avec  les  faits  et  gestes  ides 
douze  pairs  de  France; et' du  grand  Fierabras,  se  rattachent  à  l'histoire 
}  fabuleuse  dé  cet  empereur  si  souvent  célébré»  Le  même  sujet  de  la 
conquête  des  Espagnes  par  Charlemagne ,  fut  traité  en  italien  sous 
le  titre  de  ta  Spagna  histmata ,  poënié  en  quarante  chants;  on  y 
lit  la  dernière  expédition  de  Charlemagne  en  Espagne  jusqu'à  la  bataillé 
de  Roncevaux.  Le  quarantième  chant  contient  là  punition  du  traître 
Ganeloh,  qui  causa  les  malheurs  de  cette  journée.  M.  le  docteur  Fer* 
rario  en  rite  une  édition  de  1 488.  Le  poème  anonyme  intitulé  Regina 
Ahcroja  contient7  trente  chants.  Cette  reine  guerrière  ,  ahnée  contre 
Charlemagne  ,  réduit  la  France  aux.  dernière*  extrémités.  Chaque  chant 
commencé  par  uçe  prière  adressée  à  Dieu,  au  Père  éternel,  à  son  fils, 
à  la  Vierge,  afin  qu'ils  accordent  au  jxrëte  leur  assistance  pour  chante^ 
dignement  les  batailles  et  prouesses  dès  guerriers,,  et  même  cf autres 
actions  plus  mondaines ,  dent  je  citerai  un  exemple.  La  reine  propose 
à  Guidon  Saunage  de  lui  rendre  la  liberté  à  lui  et  à  dTâutrek  chevaliers 
français  ses  prisonniers*,  à  une  condition  qui  n'auroit  pas  effarouché  un 
héros  vulgaire,   mais  que  la  délicatesse  de  Guidon  Sauvage  refuse 
d'accejflér  :  un  enchanteur,  qui  vient  à  son  secours,  donne  à  un  être 
magique  la  forme  et  la  figure  du  chevalier  rétif;  la  reine  goûte  le  plaisir 
d'être   trompée,  et  les  captifs  4pi vent  à  cette  .aimable  erreur  leur 
pleine  liberté. 

Parmi  les  romans  qui  traitent  directement  des  entreprises  de  Charle- 
magne,'où  daiis  lesquels  il  figure  comme  uh. des  principaux  personr 
nages,  on  cite  un  roman  espagnol  en  prose  Contenant  l'histoire  de 
Charlemagne  et  des  douze  pairs  de  France /imprimé $  Séville  en  1  j  28  , 
et  divisé  en  trois  livres ,  le  premier  tiré  déjà  Chronique  de  Turpin ,  le 
second  d'un  ancien  poëme  français ,  et  le  troisièirtè\du  Miroir  historfcal 
de  Vincent  de.BëauvAis.  Le  docteur  Ferrario  ajoute  qu'on  crojjt  que 
ce  roman  est  presque  entièrement  copié  d'un  autre  écrit  en  français  et 
appartenant  à  la  bibliqthèque  royale  de  Paris.  Je  me  borne  à  indiquer 
cette  assertion!;  J'espère  ^vofr  bientôt  l'occasion  de  fournir  à  cet  égard 
tous  les  éetfaircissemens  convenables. 
le  m'èYhpfeSse  d'arriver  aux  ouvrages  de  Pulcr  «  <W  Bojarcjo ,  qui , 


DÉCEMBRE  1830.  7±* 

au  xy.e -siècle,  puWièrent  chacun une  épopée  romanesque.  Louis  Pulci, 
né  en  »4}i  ,  composa,  sur  l'invitation  de  Laurent  4e  (Vlédiçis,  pu 
peut-être  de  sa  mère  Lucrèce  Tornabuoni,  le  Morganu  Afaggiore, 
où  sont  célébrées  les  entreprises  de  Charlemagne,  de  Roland  et  d'autres 
paladins.  Dans  ce  poème  italien,  Roland,  irrité  contre  le  traître  Gaoelon» 
et  lié  d'amitié  avec  le  géant  Atorgant  convertr  à  la  foi  chrétienne  > 
s'éloigne  avec  lui  ;  ils  vont  .chercher,  des  aventures  dans  les  pays  des 
infidèles.  Cependant  Renaud,  Olivier  et  Dodon,  inquiets  de  l'absence 
du  comte  de  Brave,,  partent  pour  le  rencontrer»  Paris  est  assiégé  ;  les 
paladins  de  Charlemagne. font  de  grandes  prouesses  contre  les  ennemis; 
Après  le  nécit  de  plusieurs  autres  entreprises,  parmi  lesquelles  on 
distingue  celles  de  Roland  et  de  Morgan t,  qui  prirent  Babytone,  de 
Renaud,  qui  vainquit  les  Amazones  et  marcha  ensuite  contre  M  argile 
en  Espagne  ,  le  poème  finit,  par  la  bataille  de  Ronce  vaux ,  la  mort  de 
Roland  et  la  punitipn  de  Ganelon.  On  a  prétendu  que  le  docte  Politien, 
ami  de  Pulci  r  lui  avort  fourni  d'utiles  indications  pour  la  composition 
de  son  poème;  et  en  effet,  dan?  le  2  £»e  chant,  hauteur  lui  dit  :  «  Q vous, 
?>  honneur  et  gloire  de  Mont/epulci,  qui  me  donnâtes  connoissance 
»  d*  Anpaud  et  cFÀIcuin  >&c.  »  C'est  d'Arnaud  Daniel ,  troubadour ,  que  fe 
poète  parlé  ép  ces  vers.  Indépendamment  du  mérite  du  style,  fe 
Àîorgante  AJaggiore  présente .  l'épopée  romanesque  sous  un  nouvel 
aspect.  Pulci  quitta  le  ton  grave  et  sérieux  pour  le  ton  comique  ef 
plaisant  ;  il  fut  en  quelque  sorte  le  précurseur  de  l'Àrjoste  et  <fe  Cer- 
vantes. r  *  -■  «  '  '<  so 
..  Si  les  encouxagemens  de  la  famille  Médicis  engagèrent  Pulci  à 
composer  son  poème ,  ceux  de  la  famille  dé  Gonzague  protégèrent 
dan^  le  même  temps  un  poète  priv^  de,  la  .vue ,:  l'aveugle  de  Femre, 
auteur  de  Mambriano.  Renaud  avc4t  tué  Mambrin,  roi  d'Asie;  Mam-> 
brian  9  neveu  de  ce  prince,  voulut  le  venger  en  détrui*aju  Montaaban. 
Ce  poçmeest  en  quarante-cinq  chants.  Le  docteur  $errtrio  indfyie 
divers  ouvrages  dans  lesquels  lç  poète  peut  avoir  puisé  le  sujefet  les 
détails  de  sa  composition.  Mais  le  pq&e  rçxpançsque  le  plus  distingué. de 
fépoqpe,.  c'est  Bojarcfo,  auteur  de  YOrlanda  inuamorato,  qui  fut  son 
poème  le  plus  célèbre,  II  est  divisé  en  trois  livres,  contenant,.  le  premier 
▼  ing t-neuf  chaotjS ,  le  second  trente- un,  et  le  troisième  neuf,  parce  que- 
lau^eor  n'eut,  pas  je  temps  de  le  terminer  ;en  tou^  soixante -neuf  chants. 
Une  gtoire.  véritable  pour  jBçj?fdo,  c'est  que  son  poème  mérita 
d'être  contwuç  par  TÀnîpste ,  auquel  U  fournit  beaucoup  de  njatériaur 
que  ^cejgand  poè  te  .  eutJL'ait  dLs  approprier  par sa  manière  de  les 
employer.  Des  critique*  gafcwtfqnf  p**  quoique dç  fiuj-e  les  i^ppéocbe- 

Tyyy 


72a  JOURNAL  DES  5AVÂNS, 

mens  des  passages  communs  aux  deux  poètes  ;  on  a  cité  plus  de  trente 
aventures  que  FArioste  a  imitées  ou  déduites  de  l'ouvrage  de  Bojardo  : 
un  de  ces  critiques  s'est  montré  surpris  et  même  scandalisé  de  ce  que 
FArioste,  ayant  emprunté  à  Bojardo  l'invention  et  la  disposition  de  soi» 
poème»  et  jusqu'aux  noms  de  ses  héros ,  navoit  pas  daigné  ou  n'avoit 
pas  osé  le  déclarer.  Le  Tasse,  traitant  cette  question  littéraire  avec 
pfus  de  respect  et  sur-tout  de  modération,  trouve  qu'il  manque  une 
fin  au  poème  de  Bojardo,  et  un  commencement  à  celui  de  FArioste, 
et  il  condùt  qu'on  ne  doit  considérer  celui-ci  que  comme  la  suite  de 
l'autre.  Ce  qui  a  nui  à  la-  renommée  du  ^Roland  amoureux,  c'est  v  d'une 
part  |  le  mérite  supérieur  du  Roland  furieux ,  et  de  l'autre  le  travail  de 
Berni ,  qui  retoucha  l'ouvrage  de  Bojardo ,  en  insérant ,  changeant  bu 
retranchant,  selon  son  goût  ou  les  caprices  de  son  imagination,  un 
grand  nombre  de  passages.  Malgré  les  critiques  qui  s'élevèrent  contre 
l'audace  de  Berni ,  son  travail  •  postérieur  au  poème  de  FArioste,  fut 
généralement  préféré  à  celui  de  Bojardo;  Berni  est  resté  en  possession 
de  compter  en  son  propre  nom  parmi  lés  poètes  romanesques  d'Italie. 
Peut-être  doit- on  attribuer fe  succès  de  Berni  aux  hardiesses,  aux 
facéties ,  aux  détails  scandaleux  qui  le  firent  condamner  par  Fégiise* 
D'ailleurs  le  style  a  obtenu  tous  les  suffrages  >  et  Bernr  fut  un  des  écri- 
vains italiens  auxquels  l'Académie  de  la  Crusca  emprunta  des  exemples 
pour  autoriser  son  dictionnaire. 

L'Arioste  employa  longues  années  à  composer  et  à  polir  son  poème  » 
qui  fut  imprimé  en  i  5  1  j ,  et  dont  il  soigna  encore  une  édition  aug- 
mentée de  six  chants  (ï  ) ,  en  i  5  32  ;  ce  qui,  indépendamment  de  son 
talent,  lui  donna  un  avantage  sur  Bojardo,  qui  navoit  pas  eu  le  temps 
de  terminer  et  sur- tout  de  corriger  son  Roland  amoureux.  On  sait  que 
Dante  avoit  commencé  sa  Divlna  cctnmed'ta  en  vers  latins  \  FArioste  vou- 
lut d'abord  écrire  son  Orlando  en  terja  rima ,  à  la  manière  de  Dante  ; 
quelques  vers  de  son  travail  ont  été  conservés  ;  mais  il  préféra  bientôt 
Vottava ,  comme  plus  propre  au  développement ,  à  l'arrondissement  et 
à  l'harmonie  des  périodes  poétiques.  Bembo  avoit  conseillé  à  FArioste 
d'écrire  son  poème  en  vers  latins  ;  l'Arioste  répondit  à  son  ami  :  «  J'aime 
39  mieux  être  un  des  premiers  parmi  les  écrivains  toscans ,  qu'un  des 
»  seconds  parmi  les  auteurs  latins.  »  C'est  une  circonstance  digne  de 
remarque ,  et  sur-tout  d'être  proposée  en  exemple ,  que  fe  soin  que  FA- 
rioste avoit  de  provoque)*  et  d'écouter  les  critiques  de  ses  vers ,  afin  de 
h*  corriger;  Cej  illustre  péjête  prit  le  parti  de  laisser  pendant  deux  ans 

(1)  Lft  33,  37;  39>  4*V«;4  3*  ff  ides  éditions  tnaderne* 

v  ■/■/( 


JD£C£MBtlB  1830.  jxy 

soh  manuscrit  exposé  dans  une  salie  de  $a  maison,  où  chacun  étoit\ 
admis  k  en  prendre  lecture  et  fc  en  dure  son  jugement. 

Le  docteur  Ferrario  pense  que,  pour  comprendre  parfaitement  l'A- 
rioste, il  faut  lire  non-seulement  le  Roland  amoureux ,  mais  encore 
les  Reali  di  Frauda ,  et  les  autres  poèmes  chevaleresques  antérieurs  au 
Roland  furieux.  On  a  prétendu,  que  l'Arioste ,  pour  se  préparer  à  la 
composition  et  à  l'exécution  de  son  poème,  traduisit  en  italien  divers 
romans  espagnols  et  français  ;  aussi  y  trouve- t-on  quelques  passages 
et  épisodes  empruntés  aux  romans  de  la  table  ronde.  La  piste  admira- 
tion ,  la  haute  estime  littéraire  qu'inspire  et  mérite  l'ouvrage  de  l'A* 
nos  te,  nous  ont  accoutumés  aux  grands  éloges  que  lui  ont  prodigués 
la  .vénération  et  l'enthousiasme  de  quelques  critiques  renommés.  Baretti 
voudroit  que  la  lecture  de  XOrlando  furioso  ne  fût  permise  qu'aux 
personnes  qui  9  par  quelque  service  rendu  à  la  patrie  ♦  obtien- 
draient en  récompense  l'autorisation  de  jouir  (Tune  aussi  belle  poésie. 
On  a  disputé  kïOr/ando  furioso  le  titre  d'épique;  mais  on  a  répondu: 
«  Si  vous  ne  voulez  pas  l'appeler  épique ,  il  faut  donc  l'appeler  divin.  » 
Quant  au  reproche  fait  à  l'Arioste  d'avoir  manqué  souvent  aux 
règles  d'une  décence  sévère ,  tellement  que  son  poème  ne  peut  être 
mis  entre  les  mains  de  toutes  les  personnes ,  les  apologistes  du  poète 
répondent  qu'au  siècle  où  il  a  écrit ,  les  gens  du  monde  n'étoient  pas 
difficiles;  un  de  ces  apologistes  s  exprime  ainsi  :  «Je  crois  qu'alors  on  étoit 
moins  scrupuleux;  c'est  ainsi  que /parmi  certains  Indiens,  la  nudité  ne 
cause  pas  de  scandale,  comme  elle  en  causeront  parmi  les  Européens.  » 
D'ailleurs ,  observe  le  docteur  Ferrario ,  si  nous  comparons  les  licences 
de  l'Arioste  à  celles  des  auteurs  de  l'époque,  nous  nous  convaincrons 
que  c'est  un  des  poètes  les  plus  modestes  et  les  plus  réservés.  Les  har- 
diesses de  l'Arioste  n'effarouchèrent  ni  les  princes  de  l'église ,  ni  ceux 
du  siècle ,  puisque  son  ouvrage  fut  imprimé  avec  le  privilège  du  Roi 
4e  France ,  du  gouvernement  de  Venise  et  d'autres  puissances ,  et 
qu'enfin  deux  papes ,  Léon  X  et  Clément  VII ,  accordèrent  des  brefs 
imprimés  dans  les  premières  éditions. 

M.  Ferrario  ne  pouvoit  passer  sous  silence  la  dispute  relative  à  la 
prééminence  de  l'Arioste  ou  du  Tasse ,  au  sujet  de  laquelle  on  avoit 
dit  que  le  poème  de  la'  Jérusalem  est  meilleur,  mais  que  l'auteur  du 
Roland  furieux  est  plus  grand  poète;  il  est  peu  de  littérateurs  ita- 
liens, plus  ou  moins  distingués ,  qui  n'aient  eu  à  s'expliquer  à  cet  égard. 
Le  célèbre  Métastase  écrivoit  que ,  dans  sa  jeunesse ,  il  avoit  été  ad- 
mirateur de  l'Arioste;  mais  que ,  dans  un  âge  plus  mûr,  il  se  sentit  plein 
$  admiration  pour  le  Tasse ,  et  d'un  implacable  courroux  contre  ceux 

Tyjry  a 


7*4  JOURNAL  DES  SÀVANS, 

qui  disent  que  c'est  outrager  l'Arioste  que  de  lui  comparer  fauteur  de  ht 
Jérusalem.  H  résume  ainsi  son  jugement  :  «Si,  pour  manifester  sa  puîs- 
»  sahce ,  H  venoit  au  bon  pfèife  Apollon  la  fantaisie  de  faire  de  moi  tu* 
»  grand  poète ,  et  s'il  iri'ordÀnnoit  de  fui  déclarer  franchement  auquel 
a*  des  deux  poèmes  je  voudroîs  que  ressemblât  celui  qu'il  daignevoit  me 
a»  dicter ,  sansdoute  j'hésiterais  beaucoup  ;  mais  je  sens  que  mon  extrême 
»  goût  pour  l'ordre ,  l'exactitude  et  l'ensemble ,  me  feroit  pencher  en 
»  feveur  du  Goffredo.  »  Malgré  l'autorité  de  ce  jugement,  le  docteur 
Ferrarïo  exprime  le  sien ,  que  je  traduiraien  entier,  comme  un  des  morceaux 
dé  son  ouvrage  qui  peuvent  le  mieux  faire  apprécier  sa  manière  et  son' 
talent.  «  lime  semble  évident  que  l'auteur  de  YOrlando  a  l'imagination 
y%  beaucoup  plus  vive  et  plus  féconde  que  l'auteur  de  ia  Jérusalem.  Je 
»  ne  sais  quel  effet  produit  dans  les  autres  la  lecture  de  ces  deux  poèmes  ; 
*>  quant  à  ce  qui  appartient  à  l'énergie  des  récits  et  à  la  vivacité  de* 
»  descriptions;  pour  moi,  j'avoue  que  les  récits  du  Tasse  me  plaisent, 
»  m'intéressent,  et  je  dirai  me  séduisent,  tant  Hs  sont  gracieux,  finis  et 
a»  parfaits  :  mais  ceux  de  ÎArioste  me  ravissent  hors  de  moi  ;  ils  échauffent 
»  mon  cœur  de  cet  enthousiasme  dont  Hs  sont  pleins;  tellement  qu'il  né 
y>  me  semble  pas  lire,  mais  voir  les  choses  racontées.  Le  Tasse  me  paroît 
»  un  peintre  délicat  et  très-gracieux ,  dont  le  dessin  et  le  coloris  ont 
»  toute  la  pureté  qu'on  peut  désirer  ;  l'Arioste  me  semble  un  Jules 
»  Romain ,  un  Buonarotti ,  un  Rubèns ,  qui ,  avec  un  hardi  et  vigou-^ 

*  reux  pinceau ,  place  sous  mon  œil  et  me  fait  presque  toucher  avec 
»  la  main  les  objets  les  plus  grands ,  les  plus  passionnés ,  les  plus  ter-* 
»  ribïes  ;  et  pourtant  TArioste  lui-même  ,  lorsqu'il  veut  employer  un 
»  pinceau  plus  délicat ,  ne  le  cède  à  personne.  Angélique  fuyant  Olympie 
»  abandonnée ,  et  cent  autres  passages  pareils ,  qui  se  rencontrent 
x>  dans  YOrlando  y  peuvent  soutenir  le  parallèle  avec  tout  ce  que  les 
*>  muses  grecques  et  latines  offrent  de  plus  séduisant.  On  ne  doit  pas 

*  dissimuler  que  les  narrations  de  l'Arioste  ne  sont  pas  toujours  égale* 
*>  rrierit  agréables  ;  parfois  elles  languissent  et  semblent  presque  ramper; 
»  celles  du  Tasse  sont  plus  soutenues  et  plus  égales  :  mais  outre  que  ce 
>à  fut  peut-être  ,  de  la  part  de  l'Arioste  ,  un  art  pour  mieux  faire  res- 
y>  sortir  les.  récits  dans  lesquels  il  vouioit  se  signaler,  cela  prouve  seule- 
»  ment  qtie  l'Arioste  n'est  pas  toujours  égal  h  lui-même,  mais  ne  prouve 
yy  pas  qu'il  ne  soit ,  quand  il  lui  plaît  de  l'être ,  supérieur  à  tout  autre. 
»  Reste  à  parler  de  l'élégance  du  style  ;  et  en  cette  partie,  on  ne  peut 
»'nier,  si  je  ne  me  trompe ,  que  le  Tasse  ne  soit  supérieur  à  PArioste, 

ly*  parce  que  chaque  parole  et  chaque  expression  est  dans  le  premier  étu- 
»  dfiée  et  choisie,  et*  qu'if  dit.  toute  chose  ler  plus  noblement  qu'il  «e  ^ 


. r  DÉCEMBRE' tS^ÔH  x  l  ?*y 

»  prisse*  1-e  Second,  plp*  attentif aux choses  qu'aux  paroles^  ne  mer 
>*pas  beaucoup 4e  som  dans  W  choix  de  expression*  et,  emplojç par- 
»  fois  des  màfetateet  Vulgaires  :  iï  sait  pourtant' se  relever  quand  il  loi 

*  pfoftv  et  uw*k  propos  ides  termes  4es  plus  délicats;  il  sait,  quand  il 
*lè  vëM ,  plaéer*dan*'ses  veife  des  ornemens  et  des  grâces  ;  et  il  nous 
»  montre  que ,  s'Ufetott  pqvAu  corriger  son Orlando  avec  un  plus  grand 
»  *scirt ,  ce  poème  ne  le  céderoit  à  aucun  autre  en  élégance;  » 

Je  ne  critiquerai  pokit  le  jugement  $u  docteur  Ferrario,  mais  fas 
pensée*  exagérées  qu'il  emploie  pour  l'exprimer.  Est-ce  un  vrai  emhou- 
siasnfce  cjfce  de  dire.  deT  A  rioste  ,  «  H  a  peut-êttre  mis  de  l'art  à  faire  des 

*  torrdiims  IsiitguiMariks ,  pour  mieux  faire  ressortir,  ses  beaux  fécit$;  il 
»  sait -se  fefeter,  quand  >JA  lui  plaît;  il  sait,  quand  il  h  veut,  &c.  S'il 
navoit  voulu  corriger  avec  un  plus  grand  stin/'ôucA  »  Ces  exagéjratiqns 
me  font  souvenir  dHine  anecdote.insérée  dans  Je  Journal  encyclopédique 
de  Juillet  i^ï.^Un Italien, homme  de  beaucoup  d'esprit ,faisoi  d'éloge 
»  du  Tasse  avec  %in  grand  enthousiasme.  N'est-il  pas  vrai  t  lui  dit*on,q\ie 
»  si  Dieu! véuloft faire  un  pbéme  épique,  il  en  composerait  «ncomm&Ii 
»  Jérusalem  délivrée!  L'Italien  répondit  avec  vivacité  :  Se potessc4signori, 
* yep&trtse.  *>  J&'hâs*rderatfciunç  observation  par  laquelle»  entre  autres , 
je  me  retids  raison  de  ta  préférence  assez  généralement  accordée  à  TAt 
rioste.  Les  gens  du  monde,  et  même  la  plupart  des  gens  de  lettres, 
ighoréntcorhbtea  ce  peëte  a  pris  et  choisi  dedétails  et  d'épisodes  dans  les 
composition  peu  ocÂumes  de  ses  devanciers ,  tandis  que  chacui*  i^çoon^t 
aisémem  une  grande  partie  des  emprunts  faits  par  le  Tasse  :  Jinsi ,  dan? 
l'Arioste,  on  admire  des  parties  qu'on  croît  être  de  vraies  qn&tions^ 
tandis  que  dans  4e  Tasse  on  reconnoît  souvent  que  plusieurs  parties  ne 
sont  que  d'habiles  imitations.  L'impression  différente  que  produisent  ces 
divers  genres  de  médite  peut  avoir  rangé  un  plus  grand  nombre  d'avis 
en  faveur  du  poète  qui  est*  cenié  créer  qu'en,  f5rveur.de  celui  qui  imite. 

Abandonnant  TArkiste ,  le  docteur  Ferrario  indiqué  divers  poèmes 
romanesque*  consacrés  encore  à  Chariemagne  ou  à  se*  paladins  ;  i .° . 
les  Amours  de  Miloh  ^Angiance  et  de  Berthe ,  sœur  du  roi  Chariemagne, 
là  naissance  de  Roland  ,-et  lès. descendances  ou  généalogies  des;  paladins 
de  Frafece;  *•  YOrianéU  ;  $»  les  premières  entreprises  du  comte  Ro- 
land*.^* VAsptamtnte;  j.p  l'Oroni?  géant;  6.°  Fakonet; ty.9  \; Anti- 
for  ai  Bdroriâ.tkpWsSbjztàom  l'A  rioste  r  des  imitateurs  osèrent  «owinixy 
leurs ouvragen  Ontmuveun  poêrne  intitulé  Jstfr*  de  Rolemd  fimeux  ,m& 
ShmertâeRôgerttfp&Vit  en  i  j4î  \  il  oonôéat  soixan te- twris  cfcia Wl»  Ôfi 
^^v^enc«*edeuràu(re«pbè^lie^  Fpn,  Roland  banni^etl&fti*,  Jfttfaad 


728  JOUftNAt  DES  SAVANSj 

pouvoit  regretter  que  Schekfius  n'eût  donnq  Ir-.  texte  d'aucune  des 
scholies  arabes  dont  il  avoit  fait  usage ,  et  qnç  ses  propres  notes  >  soit 
philologiques,  soit  historiques,  se  réduisissent  à  peu  de  chose.  Ce 
regret  étoit  d'autant  mieux  fondé  «qu&Je  jKrëine.  cPEbn-Doréid  rappelle 
une  iquJtitude  d'événemens  et  çle  personnages  célèbres  %cjans  l'histoire 
des  Arabes1  ,*  soit  avant ,  soit  $prè$  f^ririsftie  V  et  qtie ,  sous  le  point  de 
vue  dé  la  tangue,  il  petit  être  considéré teomme  tfnlivi* classique  cfcune 
grande  autorité.  M*  Ifoisen  a  donc  &é,  heureusement  mspiré,  en  choi- 
sissant ce  poème  pour  le  sujet  du  pijjniqr  tniuaii  par,  lequel  il  vouloi  t 
signaler  son  entrée  dans  la  carrière  de  la  littérature  orientale.  * 

1-e  volume  dont  nous  allons  rendre  compte  ,*  et  qui  est  annoncé 
comme  la  première  partie  de  TouyÀg^ ,* ne  contient  que  les  cent 
quinze;  premiers  vers  du  poème;  II  se  cctoiposèd»  texte  arabe ,  tant  des 
vers  que  cfes  scholies,  d'une  traduction  "btinerdesrv' en ,  dé  prolégomènes, 
et  dénotes,  soit  critiques,  soit  philologiques  et  historiques. 

Les  prolégomènes  f  qui  doivent  d'abord  fixer  notre  attention ,  sont 
divisés  en  cinq  sections ,  sous  les  rubriques  Suivantes  : 

•i.  Prafatio.  2.  De  tiomlnibus ,  àtg^m^nto  et  indoh  rarmirfîs.  3.  ï)e 
metto.  4>.  De  tâUiômbus ,  codicibus  et  sikolite.  y.  De  vira  atictérls.    ■  ■■ 
'    Dans  la 'fi  replia  j*e  section,  M.  Boben  Justifie  ïe  cftoir  quli  a  fait  dtt 
poème  cfFÂh-Doréid  pour  çn  faire  fè  sujet  de  son  tràv&iï ,  et  Ton  voit 
^tie.ion  ChV)ix  a'  été  déterminé,  tant  par  ion  goût  personnel,  que  par 
Popihiôn.de  plusieurs  kà vans  célèbre^ qui  s*mtéressofent'k  sesr snccèè', 
et' parmi  lesquels  M.  Freytk'g  tient  le  premier  rang. 
t  .  Dans  la  seconde  section,  l'auteur  s'attache  cTabbrd  à  développer  le 
•  seiW  propre  du  mot  kasida  &<ya.i1,  et  les  raisons  qui  ont  fait  dbnwr 
cette  dénomination  au  genre  de  poésfe  auquel  appartient  le  poème 
cf  Ebri-Dôréid  :  iï  explique  ensuite  fe  titte  particulier  de*  Afaksçura; 
puis  enfin  H  présente   l'analyse  du  poème  et  dés  différentes  parties 
dont  il  sfe  compose;  et  de  cette  analyse,  frcondirt  que  le  véritable 
sujet  du  poèine    est    Téïoge  '  des  '  dëut   princes  piersans  '  Ebn-Mical 
(  Abd  allah ,  fils  de  Mohammed  )  et  Âbôtfi-abba*  Ismaèl. 

Je  doute  fort  que  l'espèce  des  poèmes  nommés  kasida  ait  pris  son 
nom  de  ce  que  dans  ces  compositions  '  le  poète  se  propose  un  objet 
déterminé  *#***  f  comme  le  dit  M.  Boîsèn  ,  propositum  aliquod  patina- 
riftm ,  ad  quod  omnia  speetant  ;  car  dest  là  une  Qualité  commune  à  toute 
composition  poétiquç.  Je  dense  bien  plutôt  que,  par  cette  dénomination , 
on  a  voulu  désigner  primitivement;  yn  poème  dune  moyenne  longueur, 
qui  n'est  ni  .très-court,  ni  très-foiïg;  signification  qui  est  tout-à-fait 
analogue  à  celle  du  verbe  û*+2  injransîtif  •  medio  modo  se  habuit, ,  non 
passa*,  non  tfacHis;  n^é  (^(^f^n  prodi^  ;  non  celer  >  no*  fartus; 


n    DÉCEMBRE  1830.-  72? 

modum  rectum  te  nui  t.  Golius  a  donc  eu  raison  de  traduire  ôx*j>  et 
ôUaÏ  par  poema  justo  vetsuum  numéro  tonstans  Ce  n'est  que  par 
une  conséquence  de  la  dénomination  affectée  à  ce  genre  de  compositions, 
et  devenue  nom,  quoique  dans  l'origine  elle  fût  un  adjectif,  qu'on  a 
nommé  ^JU  le  personnage  à  l'éloge  duquel  é toit  consacrée  une 
kasida,  et  que  le  verbe  j-oi  ,  et  à  la  huitième  forme  oua*ïl,  a  pris  l'ac- 
ception jde  se  fivrer  habituellement  a  la  composition  du  poème  de  l'espèce 
nommée    kasida  ;  car  c'est  là  le  sens  de  ce  passage  du  Kamous , 

et  ojLaJlll  Jl/*  JUtj  ne  signifie  point  du  tout  opus  propos itorum  conjup- 

gère ,  comme  fe  traduit  M.  Boisen,  niais  bien,  iteratis  et  continuais 
vicibus ,  carminibus  e  génère  kasidarum  pangendis  operam  dare. 

L'objet  de  la  troisième  section  est  le  mètre  du  poëme ,  et  en  général 
le  système  métrique  des  Arabes.  Nous  pensons  que  c'est  avec  raison 
que  M.  Boisen  refuse  son  assentiment  au  système  que  M.  Ewald  a 
voulu  substituer ,  sans  aucun  fondement  solide ,  à  celui  que.  lés  écrivains 
arabes  eux-m^mes  nous  ont  transmis,  çt  qui  a  été  fixé  par  écrit  de?  le 
premier  siècle  de  rhégïre.  Peut-être  M.  Boisen  s'est-il  lui-même  Kvré 
un  peu  trop  à  des  conjectures  sur  la  formation  successive ,  et,  S  j'ose 
me  servir  de  ce  terme,  sur  l'arbre  généalogique  des  divers  mètres 
employés  par  les  poètes  arabes.  II  seroit  assurément  téméraire  de 
•déterminer  à  priori  Tige  respectif  des  anciennes  poésies  arabes  par  de 
semblables  conjectures;  et  nos  connoissanc^s  historiques  sur  la  date 
précise  de  ces  antiques  compositions  sont  trop  imparfaites ,  pour  que  , 
de  leur  classification  chronologique ,  nous  prissions  déduire  à  postêriéri 
l'ancienneté  respective  des  diverses  sortes  de  mètres. 

*  Je  passe  à  la  quatrième  section  ;  et  laissant  de  côté  ce  que  M.  Boisen 
dit  des  deux  précédentes  éditions  du  poème  cf  Ebn-Doréid ,  je  me  borne 
à  faire  connoître  le* manuscrits ,  soit  du  texte  ,  soit  des  commentaires, 
qui  lui  ont  servi  pour  son  édition  et  pour  la  composition  de  ses  notés. 

Le  manuscrit  qui  a  'servi  de  base  à  l'édition  de  M.  Bofeèn  ,  est  uhe 
copie  faite  par  le  professeur  J.  P.  Berg,  de  Duisbourg,  du  manuscrit 
n.°  1  J93  de  la  bibliothèque  de  l'université  de  Leyde,  le  même  dont 
s'étoit  servi  Haitsma ,  et  qui  est  indiqué  comme  contenant ,  outre  le  texte 
du  poème ,  les  scholies  cTEbn-Héscham  (  Àbôu-Abd-allah  Mohammed  ), 
Lakhmi  Sebti ,  c'est-à-dire ,  natif  de  Ceuta.  Berg  a  joint  à  sa  copie 
les  variantes  que  Fui  ont  fournies  les  manuscrits  n.°*  1 590  et  1 592  de 
la  même  bibliothèque  ;  il  a  aussi  fait  usage  (f  une  copte ,  faite  par  le 
célèbre  A.  Schultens ,  (Fuji  autre  commentaire  dont  l'auteur  est  nommé 

•»■"'■•  zzzz 


730  JOURNAL  DES  SAVANS, 

Abou-Abd-allak  Hïséin,  fils  de  Chahuwiya ,  où  plutôt  Kkaliwàih 
o^U..  Tous  ces  travaux  do  professeur  Bterg  6ht  été  mis  à  contri- 
bution pa!r  M*  Boisen.  De  plus,  il  a  copié  \  Paris  le  poème  d'Ebn- 
Doréid  ,  accompagné  d'un  bon  commentaire  anonyme ,  qui  se  trouve 
parmi  les  manuscrits  arabes  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  sous  le  n.#  1 4  ï4? 
snfin,  if  a  aussi  fait  quelque  usage  d'un  manuscrit  de  la  bibliothèque 
royale  *de  Copenhague,  portant  Ien.°  t  \  et  daris  lequel  au  texte  sont 
jointes  des  schoiies  très-courtes. 

M.  Boisen  dit  qu'il  a  fait  imprimer,  en  entier  les  schoiies  d'Ebn- 
Hescham  qui  étoient  inédites ,  Haitsma  n'en  ayant  fait  presque  aucun 
usage,  ej:  que  c'est  principalement  le  travail  de  ce  scholiaste  qui  lui 
a  servi  de  guide  dans  ses  notes ,  sans  toutefois  qu'il  ait  négligé  de  faire 
son  profit  des  schoiies  cTEbn-Khaléwaïh  et  de  celles  des .  manuscrits 
n.°  2^5  4  de  Paris  et  n.°  i  de  Copenhague* 

Il  est  fâcheux  que  M.  Boisçh  ait  ignoré  que  la  Bibliothèque  du  Roi 
possède  une  autre  copie  du.poëme  d'Ebn-Doréid ,  avec  un  commen- 
taire beaucoup  plus  étendu  que  tous  ceux  dont  il  a  eu  connoissance. 
Cette  copie  se  trouve  à  la  suite  aun  traité  de  jurisprudence,  iricdmplet , 
dans  le  manuscrit  n.°  4?0  ,  et  a  été  fort  mal  indiquée  dans  le  catalogue 
imprimé ,  d'après  une  notice  manuscrite  de  Joseph  Ascari ,  en  ces 
termes  \Anonymi  carmen  obscur issimum,  ai doctrinam  morum  pertinens, 
ufà  cum  commentariis  doctoris  Eben  Draid.  Dans  ce  manuscrit)  qui  est 
excellent  et  qui  a' été  corrigé  avec  soin,  le  poème  d'Ebn-Doréid  est 
acéphale ,  et  .il  manque  les  seize  premiers  vers ,  ainsi  que  les  schoiies 
correspondantes.  En  comparant  ce  commentaire  avec  les  schoiies  cTEbn- 
Hescham  •  publiées  par  M.  Boisen^,  je  me  suis  convaincu  que  ces 
schoiies  ne  sont  qu'un  extrait  du  commentaire  d'Ebn-Hescham  ;  que 
c'est  ce  commentaire  que  nous  offre ,  dans  toute  son  étendue ,  le  manuscrit 
n.°  49°  »  et  qu'il  fournit  presque  toujours  le  moyen  de  corriger  les 
fautes  assez  nombreuses  .et  de  réparer  les  omissions  palpables  ,  soit  du 
manuscrit  même  de  Leyde,  soit  de  la  copie  du  professeur  Berg.  Je  dois 
observer,  en  passant ,  que  le  manuscrit  n.°  490  renferme  encore  un  autre 
poème  d'Ebn-Doréid,  mais  incomplet,  dans  lequel  chaque  vers  con- 
tient un  mot  qui ,  dans  une  certaine  signification ,  se  termine  par  un 
élifbref,  et  par  conséquent  est  jy+&* ,  et  dans  une  autre  finit  par  un 
tlij  long,  et  par  conséquent  est  ïjouC*  Voici  les  deux  premiers  vers  de 
ce  poérae,  qui  donneront  une  idée  juste  du  but  que  le  poète  sfest 
proposé,  dans  cette  singulière  composition  : 


.lj-jut  *_ïjUu  JjcLlj  c*j-i--M  Jt  Û^j* 


■ 

^DÉjOEMBRE   1.83b.'  ;'  \     ?3'i 


*-*       6 


Le  poème  Maksourâ  cTEbn-Dçréid  a  eu  un  grandi  nombre  de  commen- 
tateur*, et  j?en  possède  moi-même  un  tr?$rbofi  m^pi^crit,  avec  des 
schoiies  et  une  analyse  grammaticale  ,  qui  ont  pour  auteur  Afohammçfl 
Comari  jijLOI  ifaç/  ou  Daji  \}jj\  ou  ^j jJI  ,fils  de  Sçlipian. 

La  cinquième  section  des  prolégomènes  contient  fa.  vie.  cTËtjfi- 
Doréid,  traduite  cTEbn-Hescham ,  et  dont  Je  texte  Forme  \\ç  epm- 
mencement  des  scholies  de  ce  commentateur.  II  y  a,  dans  e*ttie  wie 
plusieurs  passages  qui  ont  été  mal  entendus,  pfu:  le.  traducteur,  pp  dont 
le  texte  a  besoin  de  correction.  C'est  ainsi  que )f  dans  le  texte  Vpag.i., 
lig.  rio,  il  faut  lire  ï£jJ\  au  lieu  de  jL-^Jl ,  mauvais?  Iççoii  que 
M.  Bôisen  a  traduite,  sans  aucune  raison-,  par  s  ingu/os  versus Jinmant{aj 
que,  page  2 ,  ligne  z  ,  4JL*  doit  être  changé  en  *JL*>f  ce  qulveujLdire 
parmi' st  s  contemporains ,  et  non  pas  in  amiculo  ferait  ;  enfin  que ,  m£rae 
page ,  lig.  1 7  ,  an  lieu  de  \y> ,  ce  qui  ne  saurçit  signifier  consul to ,  il 
faut  lire  lo£  ,4)iot  qui  sert  simplement, de  transition. 

Quant  aux  errçufs  commises  dans  la  traduction ,  jelles  sont  en  assez 
grand  nombre»'  et  déna,turçnt  tout  à-fait  fe  sens. 

L'auteur  Ebn7Hescham  commence  y .  suivant  l'usage ,,  par  céjfébrer 
les  losanges*  de  Dieu  et,  invoquer  sa  protection  en  faveur^e  Mahomet 

et  de  ses  descendons,  Jf^  0*4  J^.  Comme  il  lui  fal loi*,  pour  le  parallé- 
lisme ^  xme  phrase  qui  rimât  avec  ceile*Ià ,  il  ajoute  ^U&jl  j*4  o^  L 
éS\  j  Vcfc que  le  traducteur  a  rendu  ainsi:  Certe  quod  subsïderït  hemo 
autemerserity  à  Dto pende  t~\\  e$t  évident  tp'il  a  prononcéle  dernier  mot 
«Jf  ou  <iBf ,  'ce  qui  ne  petit  être  -,  puisque  fe'  rime  seroit  en  défaut , 

tandis gu'il  faut  nécessairement prononcer  «JL  Ici  le  mot  J[  signifie  jfe 
phinomine  du  mirage,  dont  A4.  Boisen  lui -même  a  parlé  assez  au  ïorjg 
dans  son  commentaire  sur  Jçyers  4tt^^n^^.parjticulîèreinenr  celui  çffi 
e*t  produit ,  à  l'horion  /visuel  p^r  le  brouillard  qui  s'élève  au  lever  et  au 
couch/er-4u  soleif  >  et  par  l'effet,  duqjiel  les  objets  éloignés  semblent 
cftapg/sj  de  position  et  s'élever  progressivement  dans  l'atmosphère  au- 
dessus  du  soI>  Le  mot  jà^  signifie  les.. corps  et  leur  apparence ,  et  <^est 
le  terme  consacré,  gua^T  on  pjrçle  de  cette,  illusion  <f  optique.  Lprsqfip 
le  brouillard  ou  la  vapeur,  épaissit  et,  s'élève ,  les  objçts  que  la  vue 
aperçoit  à  l'horizon,  paraissent  aussi  s'élever,  ce  qu'ori  exprime  par  le 
mot  Ut ,  .qu*£bai-liprékl  lui-même  emploie  ea  ce.  sens  au  vers  49*de  son 
poëme  :  qiuuid  le  brouillard  diminue  et  se  dissipe,  ils  semblent  s'abaisser. 
Le  texte  d'Eltei-î^efcfia m  signifie  doftc'Sla  lettre  £  éfuamdià  suisîdent , 

Zzzz   2 


732  JOURNAL  DES  SAVANS, 

vel  supematabunt  corporum  slmulacra  in  vapore  e)us;  et  c'est  une  méta- 
phore qui  veut  dire  simplement ,  aussi  long-temps  qu'il  restera  des 
descendans  de  sa  race  qui  se  succéderont  les  uns  aux  autres. 

Là  singularité  de  cette  métaphore  peut  excuser  l'erreur  du  traducteur; 
mais  û  est  moins  excusable  d'avoir  traduit,  page  27 ,  ligne  .5  ,  jL>Vf ,  qui 
signifie  les  lunes,  par  nemo  eorum  qui  eu  m  eo  aléa  certarunt,  ce  qui  est 
tout-à-fait  étranger  à  fa  pensée  de  l'auteur. 

Plus  loin,  Ehn-Hescham  raconte  qu'Ebn-Doréid ,  à  l'âge  de  quatre- 
vingt-dix  ans ,  éprouva  une  violente  attaque  de  paralysie ,  à  la  suite  de 
laquelle  cependant  il  recouvra  une  santé  aussi  parfaite  qu'il  favoit 
jamais  eue ,  et  ne  s'aperçut  d'aucun  affaiblissement  dans  ses  facultés  ;  car 
c'est  là  ce  que  signifient  ces  mots ,  CLa  <ÛJû  &>  j£x±  Jfj,  et  non  pas ,  ut 
nihilsibi  negavit,  vel  suscipiendum  récusant. 

Près  de  mourir ,  Ebn-Doréid ,  suivant  son  biographe ,  avoit  récité 
souvent  ce  vers,  dont  il  se  faisoït  l'application  : 


ce  Oh  !  quel  cuisant  chagrin  pour  moi  !  je  ne  possède  plus  ni  une  vie 
»  pleine  de  charmes  ,  ni  de  bonnes  œuvres  capables  de  plaire  à  Dieu  !  » 

Ce  vers  ne  présente  aucune  obscurité  ;  toutefois  H  Jàut  excuser 
M.  Boisen  d'en  avoir  tout-à-fait  altéré  le  sens ,  puisqu'il  a  également 
échappé  à  Scheidhis  et  à  M.  Hamaker. 

Je  me  suis  peut-être  arrêté  trop  long-temps  sur  ces  prolégomènes  ; 
mais  ce  que  j'en  ai  dit  me  permettra  d'être  plus  court  quand  je  parlerai 
du  commentaire  de  M.  Boisen,  commentaire  fort  estimable  sous  plu- 
sieurs points  de  vue ,  mais  oit  l'on  rencontre  assez  souvent  des  fautes 
pareilles  à  celles  que  je  viens  de  signaler.  Je  dois  maintenant  m'occuper 
du  texte  arabe ,  non  pas  du  poème  lui-même ,'  qui  donne  lieu  à  bien  peu 
d'observations  ,  mais  des  scholres  cFEbn-Hescham ,  qui  ont  besoin  d'un 
assez  grand  nombre  de  corrections.  Je  répète ,  au  surplus ,  ce  que  j'ai 
déjà  dit  :  ces  fautes  peuvent  appartenir  ou  à  la  copie  du  professeur 
Berg ,  ou  même  au  manuscrit  de  Leyde.  M.  Boisen  en  a  corrigé  plu- 
sieurs ;  mais  il  en  est  resté  pour  le  moins  autant,  qu'on  peut  corriger,  ou 
par  conjecture ,  bu  à  l'aide  de  notre  manuscrit  n.*  490»  Ce  secours  me 
manquant  pour  les  scholies  des  quinze  premiers  vers ,  c'est  par 
conjecture  que  je  corrige  les  fautes  suivantes  : 


Pag-  5  >  Kg-  4,  l— *  ,  4&ï  ,^LJI  lisez  L,»^  <£&  ^L_)f 
Pag.  J  .  I.  23  ,  jU  Jc'fÏA  f  U  ^L  J*  fSj  jj  Cr 


DÉCEMBRE  1830:  733 

Pag.  5,1.  x  j  ,   :        jVI  lisez  « j VI 

rag.  0,1.22,  « }jV — a — e^JJ  « ^ — A — 6 — u 

c'est-à-dire ,  à  cause  que  ce  sont  des  lettres  du  même 
organe  à-pcu-prcs. 

Pag*  9>  '•  2°  >  ftv**    f  o-£— a^l  lisez  pjy-  *  v  ^  f   *jf 
Pag.  9, 1.  22,  l ^ — Lj|  rfj  l — * — JLJfl  &j 


c'est-à-dire,  de  ces  deux  formes,  cette  dernière  est  la 
.    moins  usitée. 

m 

,  Pag.  10  ,  1.  9  ,  isolas  j  JfjJl  A^y  Ceci  ne  donne  aucun  sens.  Le 
scholiaste  ayant  (fit  que  oJLç  est  le  sujet ,  ou,  comme  disent  les  grammai- 
riens arabes,  l'agent  du  verbe  ^$,  a  dû  ajouter  que,  si  Pon  ne  voyoit 
pas  dans  ie  mot  JLë  sur  le  o  la  voyelle  dhamma  qui  caractérise  le  nomi- 
natif ou  agent  du  verbe  ,  c'est  qu'elle  avoit  disparu  à  cause  du  pronom 
affixe  de  la  première  personne.  Peut-être  le  texte  doit-il  être  rétabli 
ainsi  : 

^cX^  3  J5CjlX\  ja-c*  *iUV  c>**ô  JîoJf  &fe»j*j 

Pag.  1 1  ,  lig.  4*  On  ne  conçoit  pas  à  quel  propos  le  commentateur 
observe  que  les  Arab&s ,  pour  exprimer  la  possession  de  cent  chameaux 
ou  de  cent  brebis,  se  servent  du  mot  <Jsà  ,  mais  que ,  s'il  s'agit  de  cent 
chèvres,  ils  disent  <sS  ou  ïjï.  II  n'y  a  aucun  doute  qu'il  avoit  dit 
auparavant  que ,  dans  ce  seizième  vers ,  au  lieu  de  yju»j ,  quelques  per- 
sonnes lisoient  u*ij  ;  il  faut  donc  restituer  ainsi  le  texte  : 


A  partir  d'ici ,  nous  ayons  le  secours  du  manuscrit  n.°  490  ,  qu'un 
nouvel  éditeur  ne  manquera  sans  doute  pas  de  consulter.  Je  me  bornerai 
donc  à  montrer,  par  quelques  exemples ,  les  ressources  que  ce  manuscrit 
fournira  pour  donner  plus  correctement  les  scholies  cTEbn-Hescham. 

Dans  la  scholie  du  vers  1 7  f pag.  1 1 ,  lig.  1  o) ,  on  lit  dans  l'imprimé , 
t>jj&  4TjJUll  * 3  J*»j  ;  ce  qui  n'offre  aucun  sens  :  tout  est  clair  en 
corrigeant  <Taprè$  le  manuscrit ,  *jj&  t*j*£j  s>^"  f  <*  Ja*j- 

Au  vers  1 6  ,  on  est  surpris  qu'à  l'occasion  du  mot  <^>,qui  signifie 

là  un  animal  du  genre  des  lézards,  le  commentateur  indique  diverses 
acceptions  de  ce  mot ,  et  oublie  précisément  celle  que  le  poète  a  eu 


73i  JOURNAL  DES  SAVANS, 

en  vue.  C'est  une  omission  du  copiste  ;  car,  dans  le  manuscrit  4po ,  on 

J!  v,^  ,  ce  qui  ne  peut  être  que  ia  vraie  leçon. 

La  scholie  du  trente-unième  vers,  où  M.   Boisen  a  corrigé  avec 
raison  plusieurs  fautes ,  exige  encore  d'autres  rectifications.  Au  lieu  de 

jut  ^j  ,  le  manuscrit  490  porte  *îoJt  ^jt  et  i^lït  Y,  au  lieu  de 
olï  V  ;  puis  au!  oU )t  Uwt  LjJ  JaI  ,  ce  qui  signifie  que  le  grammai- 
rien dont  parie    Fauteur   a  regardé   LjJ  comme  un  nom  qui  représente 

le  sens  de  *wf  aAs]  que  Dieu  le  te  levé.  II  est  singulier  que  l'éditeur  ait 
introduit  dans  cette  scholie  deux  corrections  qui  sont  non-seulement 
inutiles,  mais  tout-à-fait  déplacées.  D'abord  je  ne  saurois  concevoir 
pourquoi  il  veut  substituer  o^jyJI  &■  oj^j^  »  mot  <IU*  sïgn^e  propre-? 
ment  les  grammairiens  qui0 s'occupent,  non  de  la  grammaire  (  on  appelle 

ceux-ci  o^îj^'  9  ma*s  ^es  mots  ^e  ^a  tangue  >  ou>  si  Ton  veut ,  de 
son  lexique.  En  second  lieu ,  il  substitue  p^J^\  0^0^  J  à  ce  que  porte 
le  manuscrit,  >y.>»  &41**  j*  Auroït-il  cru  que  py>»  est  un  nom  propre  ! 
ce  setoit  une  erreur.  Ce  qu'on  entend  par  *;£>-•  «iuoA.,  c'est  une  pa- 
role du  prophète  qui  a  .été  rapportée  par  un  de  ses  compagnons, 
au!  Jy^j  Jy  ^  ^LjbJI  y±\  L,  comme  dit  l'auteur  du  livre  des  Défini- 
fions. 

Dans  cette  même  scholie  (pag.16,  lig.  1  ) ,  il  v  a ,  dans  un  vers  cité 
du  poète  Ascha  (  Maïmoun ,  fils  de  Kaïs  ) ,  une  faute  d'autant  pfus 
surprenante,  que  M.  Boisen  a  voit  sous  les  yeux,  comme -on  le  voit 
par  ses  notes,  mon  Commentaire  sur  les  Séances  de  Hariri ,  où  se 
trouve  rapporté  ce  même  vers,  et  où  il  est  imprimé  correctement. 
M.  Boisen  a  traduit  ainsi  ce  vers  :  Camela  robore  prœdita  >,  quee  si  cespi- 
taret ,  periret  potius ,  quam  ut  ei  acclamarem ,  Resurge ;  et  il  ajoute  que 
cela  veut  dire  que  cet  animal,  quand  il  fait  un  faux  pas,  se  relève  si  vite  , 
que  celui  qui  le  monte  n'a  pas  le  temps  de  lui  dire  UU ,  c'est-à-dire  , 
que  Dieu  te  relevé.  C'est  effectivement  là  le  sens,  mais  on  le  chercherait 
inutilement  dans  le  texte,  si  on  lisoit ,  comme  a  fait  l'éditeur ,  ^jùJli , 
ce  qu'il  a  rertdu  par  si  periret,  tandis  que  la  vraie  leçoïi  est  (jjJJ\9  actio 
resurgendi. 

La  glose  du  vers  j  ^  (  même  page ,  lig.  1  %  )  exige  une  correction 
qu'on  ne  pourroit  guère  faire  par  conjecture.  Au  lieu  de  j  JyJt  j>jM , 
il  faut  lire    jljM  ^f.  < 

Dans  cette  même  glose ,  il  faut  lire  (  pag.  1 8  ,.  lig.  2  )  ,jUII  au  lieu 
de  jUIl ,  ce  qui  n'est  peut-être  qu'une  faute  d'impression,  et  (  ij>.  lig.  3 


DÉCEMBRE  1830.  735 

et  4  )  >  <j&jau  lieu  de  cjU-j  ;  puis  il  faut  rétablir  ainsi  le  second  des 

vers  cités  pour  prouver  le  sens  du  mot  <jUi  : 

i. 

I — ^ — ft— "  e>^*-?y.  ^wJ^' 

c'est-à-dire ,  </«/.*■  /??//;.r  //riî/fj  intrépides  qui  brisent  tes  têtes. 

II  est  peu  surprenant  qu'un  copiste  ait  défiguré  le  mot  ^Jjli,  dimi- 
nutif dé  tfjjL  ou  L$j&>  :  cette  expression  f  qui  est  d'un  usage  rare ,  est  un 
augmentatif  de  j-^.  bon,    * 

La  sçholie  du  vers  34  (  pag.  17  ,  lig.  17  )_  contient  une  observation 
grammaticale  qui  ^  pour  objet  les  racines  dont  la  seconde  et  ia  troisième 

radicale  sont  desj,  comme  <jçjï,  qui  estpour  jy,  ainsi  qu'on  le 
reconnoft  à  la  forme  du  nom  *}-*.  A  cette  occasion ,  le  grammairien 
observe  qu'il  n'y  a  point  en  arabe  de  racine  dont  la  première  et  la 
troisième  radicale  soient  des  j  ,  si  ce  n*est  le  mot  J^ ,  qui  se  compose 
de  trois j.    Voici,  je  pense,  comme    H    faut    rétablir   ce  passage  ; 

Cette  correction  est  fondée  en  grande  partie  sur  la  leçon  du  manuscrit 
4po  ,  où  l'on  a  omis  seulement  le  mot  <âacj. 

Je  ne  pousserai  pas  plus  loin  ces  observations  critiques  sur  le  texte 
du  commentaire  d'Ebn-Hescham.  Je  passerai  légèrement  sur  la  traduc- 
tion dû  poème ,  à  laquelle  je  ne  pourrois  guère  me  dispenser  d'ap- 
pliquer les  mêmes  réflexions  que  j'ai  faites  récemment  à  l'occasion  de  la 
Afoallaka  de  Tarafk ,  traduite  par  M.  VuIIers.  M.  Boisen  a  dû  s'écarter 
quelquefois  de  la  traduction  de  Schpidius ,  et  plus  souvent  encore  de 
celle  de  Haitsma ,  et  Ton  ne  peut  que  lui  savoir  gré  de  n'avoir  pas  suivi 
aveuglément  ses  devanciers.  II  y  a  pourtant  quelques  endroits  où  je 
préfère  rois  la  traduction  de  Scheidius;  par  exemple  ;*u  vers  6  (  4  de 
l'édition  de  Scheidius  ) ,  que  M.  Boisen  rend  ainsi  :  Et  (quod) factura  sit 
pratum  lusus  siccum  et  fiaccidum ,  postquam  m  adore  antea  effulliverat; 
tandis  que  Scheidius  a  voit  dit  :  Et  quod  évaser  ht  florida  prata  hilaris- 
simse  vitœ  mea ,  a  rida,  emarcida;  postquam  fuerant  olim  cxuberantia 
madore  ;  ce  qui  est  plus  clair,  et  offre  une  figure  plus  juste  que  fe$  mots 
*  poStquam  madore  antea  ebuf/irrrat 

Au  vers  1  j  ,  au  contraire  y  M.  Boisen  a  eu  raison  de  s'écarter  de  la 
traduction  de  Scheidius,  qui  a  mal  à  propos  dooné  à  la  conjonction  <!>( 

le  sens  de^J,  en  traduisant  ainsi  :  Etlamsi  depellcret%< . .  tune  tamen 
cor  insistera. . . .  Cette  faute  a  été  souvent  commise  parles  traducteurs. 


7i6  JOURNAL  DES  SAVANS, 

qui  ont  négligé  la  nuance  délicate  ,  mais  très-importante ,  qui  distingue 
l'une  de  l'autre  ces  deux  particules. 

Le  poète ,  aux  vers  1  y  et  1 6 ,  compare  sa  situation  entre  l'espérance 
et  le, désir  de  voir  se  réaliser  ses  vœux ,  à  celle  d'un  habitant  du  désert 
qui  tient  les  yeux  fixés  sur  un  nuage  d'où  partent ,  il  est  vrai ,  des  éclairs  , 
mais  qui  peut-être  trompera  son  espoir,  et  n'arrosera  point  la  plaine 
aride  qui  soupire  après  ses  eaux.  Pour  avoir  voulu  être  trop  littéral, 
M.  Boisen  est  devenu  obscur  :  Status  meus ,  dit-il,  anxia  observatio  est 
nubïs ,  cujus  fulgurans  [nubes ;  deccptrix  est,  &c.  On  ne  comprend  pas 
facilement  ce  que  c'est  que  la  nuée  d'une  nuée ,  tandis  qu'en  arabe  on  sent 
très-bien  la  différence  qu'il  y  a  entre  c->t^  et  £^L,  et  Haitsma  Fa  rendue, 
sinon  avec  élégance ,  du  moins  d'une  manière  très-intelligible ,  en 
disant:  observa tor  (il  devoitdire  observatio)  nubis,  cujus  falgur  sequentem 
pluviam  non  habet. 

Le  vingtième  vers  donne  aussi  lieu  à  une  observation  ,  et  ce  sera  la  der- 
nière que  je  ferai  sur  la  traduction.  Ce  vers  est  ainsi  conçu  : 


M.  Boisen  l'a  traduit  ainsi  :  Rediturumne  est  mihi  tempus ,  omnino  se 
convertens  in  pristinam  consuetudinem*  an  desperandum  est!  II  est  évident 
que  ce  sont  les  mots  JÎUk"  Vp»  que  le  traducteur  a  rendus  par,  omnino  se 
convertens ,  c'est-à-dire ,  plus  littéralement ,  conversione  perfectâ  ;  mais  il  n'est 
pas  moins  certain  que  tous  les  commentateurs  les  ont  pris  dans  un  sens 
fort  différent,  et  que  je  crois  le  seul  vrai,  savoir,  annum  integrum.Si  l'on 
traduit  «Jj  comme  verbe  actif  et  transitif,  le  sens  est ,  restituetne  mihi 
sors  annum  integrum  !  quai  es  fuerunt  anni  priores ,  si  l'on  regarde  ^Jj 
comme  verbe  neutre ,  il  faudra  traduire  :  rediturane  est  sors  ad  me ,  per 
annum  integrum ,  ad  priorem  suam  conditionem  ! 

Il  est  assez  singulier  que  les  trois  traducteurs  aient  commis  la  même 
faute.  Scheidius  invoque  l'autorité  du  scholiaste  en  faveur  de  sa  traduc- 
tion ,  conversions  plena.  Mais  je  ne  sais  de  quel  scholiaste  il  veut  parler.  Celui 
du  manuscrit  du  Roi  n.°  i4j4>  dit  positivement ,  *Lk"«j~  j}  JWfVj». 
et  explique  cela  ainsi  :  «  Le  sort  ramenera-t-il  à  moi ,  ne  fût-ce  que  pour 
»  une  année  entière,  l'état  heureux  auquel  il  m'avoit  accoutumé!  »  Le 
scholiaste  de  mon  manuscrit  n'est  pas  moins  positif;  il  dit  en  deux 
mots  :  LkJ\  JjA.  On  ne  peut  révoquer  en  doute  que  l'opinion  d'Ebn- 
Hescham  ne  soit  la  même  ,  puisqu'il  observe ,  à  cette  occasion ,  qu'une 
année  s'appelle  #  indifféremment  ^U,  Jj*,  iU~,  *aa^  et  ïufe.  Com- 
ment M.  Boisen,  s'il  a  cru  devoir  s'écarter  de  l'opinion  commune  des 


~s 


DÉCEMBRE   183O.  737 

sçholiastes ,  n'en  a-t  ii  pas  du  moins  fait  là  remarque  !  J'ajoute  que 
l'épi  thè  te  ^Ul^ convient  bien  mieux,  en  entendant  Jj*>  d'une  année. 

Il  me  reste  à  parler  des  notes  que  M.  Boisen  a  jointes  à  sa  traduction. 
Je  dois  dire  en  général  qu'elles  annoncent  dans  l'auteur  un  jugement 
droit ,  une  critique  sage  et  réservée  ,  enfin  une  connoissance  approfondie 
des  principes  de  la  langue  arabe ,  ainsi  que  des  ouvrages  les  plus  im- 
portans  publiés  dans  ces  dernières  années.  Une  seule  partie  de  ces  notes 
donne  assez  souvent  prise  à  la  critique  :  c'est  la  traduction  des  vers  isolés 
cités  par  le  scholiaste,  soit  pour  justifier  se*  observations,  soit  à  cause 
qu'ils  offrent  des  pensées ,  des  métaphores  ou  des  expressions  analogues 
à  celles  qui  se  rencontrent  dans  le  poëme  «TEbn-Doréid.  C'est  en 
général  ce  qu'il  y  a  de  plus  difficile  à  entendre  dans  tous  les  ouvrages 
des  grammairiens,  et  bien  souvent  on  est  réduit  à  cet  égard»  à  des 
conjectures  plus  ou  moins  plausibles.  C'est  aussi  là  que  les  copistes 
font  d'ordinaire  le  plus  grand  nombre  de  fautes ,  à  cause  de  l'obscurité 
même  de  ces  y  ers,  détachés  de  tout  ce  qui  de  voit  les  précéder  et  les 
suivre.  Je  vais  rétablir  le  sens  de  quelques-uns  de  ces  vers. 

La  glose  sur  le  onzième  vers  tfEbn-Doréid  contient,  entre  autres 
citations,  ce  vers  d'un  poète  nommé  Aswad ,jils  de  Yafar. 

«Je  vois  en  effet  que  les  délices  et  tout  ce  qui  fait  l'amusement  de 
». l'homme  aboutira  un  jour  à  la  destruction  et  à  l'anéantissement.  » 

Ce  vers ,  qui  a  été  mal  traduit ,  ne  contient  cependant  qu'une  pensée 
facile  à  saisir,  et  des  expressions  simples  et  naturelles. 

Le  vers  suivant  du  célèbre  poète  Bokhsori,  cité  dans  la  scholie  du 
vingt-quatrième  vers ,  n'offr oit  guère  plus  de  difficultés  : 

J'ignore  de  qui  parle  Je  poète,  si  c'est  d'une  femme  ou  d'une  femellç 
de  chameau.  Ce  qu'il  y  a  de  certain,  c'est  que  les  verbes  omJfet  *lï»? 
sont  au  féminin,  ce  que  semble  n'avoir  pas  yu  M.  Boisen.  Le  sens  est:  ^ 

ce  Elle  a  déjà  éprouvé  la  plupart  des  vicissitudes  fâcheuses  du  temps, 
»  et  elle  ne  s'effraiera  point  lorsqu'il  surviendra  quelque  nouveau  mal- 
>>  heur.  » 

II  étoit  peut-être  un  peu  plus  difficile  de  saisir  le  sens  d'un  vers  (Je 
D jérir  ,  que  le  scholiaste  cite  à  l'occasion  du  vingt-neuvième  vers  cFEbn- 
poréid.  Ce  dernier  dit  :  ~ 

Aaaaa 


p4* 


*■  *  * 


\ 

l 


738  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ce  Je  ne  savais  pas  ,  quoique  le  sort  aime  ayee  passion  à  disperser  ce 
»  qui  est  uni  et  à  détordre  les  fils  qui  ont  été  tordus  ensemble ,  (  je  ne 
»  savais  pas  ,  dis- je  )  que  le  destin  me  jetteroit  dans  un  précipice  dont 
»  ne  sauroit  revenir  celui  qui  y  est  une  fois  tombé.  » 

Ebn-Héscham ,  .à   l'occasion  de   la  métaphore   jy  €j*Jûur  detor- 

quendi  filos  quitus  constat f unis  t  cite  le  vers  suivant  de  Djérir  : 

■ 

j\j^j  ^  I3.>jJI  Jj\  if  <_j5-«  c/Ai  <2y  >li  V 


«  Qu'un  homme  fort  ne  se  flatte  point  que  sa  vigueur  est  à  l'abri  de 
»  tout,  affaiblissement  ;  car  je  vois  que  le  temps  s'exerce  également  il 
»  détordre  et  à  tordre  avec  force.  »    ., 

Cette  métaphore  a  tout-sà-fait  disparu  dans  la  traduction  dé  M.  Boisen, 
quoiqu'il  ait  conservé  le  sens  moral  du. vers ,  en  disant  :  Ne  securus  sit 
r obus  tus  de  potentia  sua;  equiifem  vidi  tempus  imminuendi  et  corroborant 
potiùs.  Je  pense  qu'il  a  confondu  jaJU  détordre,  qui  est  l'opposé  de^f^f 
tordre  fortement ,  avec  jajLi,qui  signifie  diminution.  Il  est  incontestable 
cependant  que  joaJ  est  la  vraie  leçon.  Au  cçntraire ,  dans  le  premier 
hémistiche,  je  conjecture  que  Djérir  a  écrit  *3j*  jai-î. 

La  scholie  sur  le  vers  premier  contient  un  grand  nombre  de  cita- 
tions. II   s'y  trouve  entre  autres  deux  vers  d'un  poète  nommé  J^»| 

Amra  (  si  ce  n'est  pas  une  faute  )  fils  de  Rebia.  Je  me  borne  à  observer, 
relativement  à  ces  vers ,  que  Ljj  signifie  là  une  sorte  d'étoffe  fine  dont 
s'habillent  les  femmes  (voyez  mon  Commentaire  sur  les  Séances  de 
Hariri  ,pag.  245  ) ,  et  non  pas  vclamcn  tentoriorum,  comme  a  traduit 

M.  Boisen,  et  que  >*tj  J&\\  cfc-*  qu'il  a  rendu  par  inter  stationem  et 
montem ,  indique  une  portion  du  temple  de  la  Mecque ,  et  doit  signifier 
entre  la,  station  (le  makam)  d'Abraham,  et  la  pierre  noire. 

Mais  je  dois  supprimer  quelques  autres  observations  du  même  genre, 
puisque  Je  ne  prétends  pas  faire  ici  une  revue  complète  du  poème 
d'Ebri-Doréid  ;  et  je  finis  en  répétant  que  le  travail  de  M.  Boisen  est 
très-estimable,  et  que  c'est  ce'  qui  m'a  engagé  à  profiter,  pour  le 
perfectionner ,  du  bonheur  que  j'avois  de  pouvoir  consulter  deux  bons 
manuscrits  qui  n'ont  pas  été  connus  de  lui. 

SILVESTREDESACY. 


) 


DÉCEMBRE  1830.  739 

KAAYAIOT    nTOAEMAIOY    AAEKANAPEnî    IIEPI    TH2rBûrPA$IKH2 

T^HrHxns,  Sec.  Traite  de  géographie  de  Claude  Ptole'me'e 
d'Alexandrie,  traduit  pour  la  première  fois  du  grec  en  français, 
sur  les  manuscrits  de  la  Bibliothèque  du  Roi,  par  l'abbé 
Halma.  In-4.9 ,  xiij  et  172  pages.  . 


Dans  sa  préface  de  la  traduction  de  l'AImageste ,  l'abbé  1  Halma 
promettait  une  édition  et  une  traduction  complètes  des  Commentaires 
de  Théon  et  de  la  Géographie  de  Ptolémée  avec  toutes  ses  tables. 
Nous  crûmes  devoir  dès-lors  le  dissuader  de  ce  projet  :  nous  l'en- 
gageâmes (  1  )  à  se  contenter  d'extraire  de  Théon  un  certain  nombre  de 
passages  qui  intéressent  réellement  l'histoire  des  mathématiques ,  mais 
à  abandonner  l'idée  de  réimprimer  et  sur-tout  de  traduire  en  entier  le 
trop  verbeux  et  le  plus  souvent  inutile  commentaire  dans  lequel  Théon 
a  délayé  les  démonstrations  déjà  si  longues  de  l'AImageste.  L'abbé 
Halma  n'a  pas  jugé  à  propos  de  suivre  ce  conseil,  et  nous  doutons 
qu'il  se  sait  bien  trouvé  de  sa  résolution.  Son  édition  et  sa  traduction 
commencées ,  mais  non  achevées ,  lui  ont  fait  perdre  beaucoup  de  temps 
et  d'argent,  presque  sans  aucun  profit  pour  la  science.  Quant  à  la 
Géographie  de  Ptolémée  ,  nous  tâchâmes  de  lui  faire  sentir  qu'autant 
il  seroit  utile  de  donner  une  édition  critique  des  tables  de  Ptolémée , 
d'après  toutes  les  éditions  et  manuscrits  que  l'on  possède,  autant  il 
seroît  inutile  de  traduire  en  français  deux  cents  pages  in  fol.  de  noms 
propres ,  avec  les  colonnes  de  chiffres  qui  les  accompagnent.  Nous  lui 
conseillâmes  de  se  borner  au  premier  livre ,  et  à  la*  fin  du  septième ,  où 
Ptolémée  discute  la  carte  de  Marin  de  Tyr,  et  explique  le  tracé  de  sa 
propre  carte;  morceaux  du  plus  grand  intérêt ,  qui  sont  le  complément 
nécessaire  de  l'AImageste.  Ici ,  l'abbé  Halma  s'est  montré  plus  docile 
à  des  avis  qui  fui  étoient  donnés  dans wson  propre  intérêt  ;  et  il  avoue 
que  c'est  d'après  nos  conseils  qu'il  s'est  borné  à  la  partie  théorique 
de  l'ouvrage  de  Ptolémée. 

.  Nous  avons  plusieurs  fois  rendu  compte,  dans  ce  journal ,  des  tra- 
ductions de  l'abbé  Halma;  et  malgré  le  désir  de  ne  point  désobliger  un 
homme  estimable  dont  le  zèle  méritoit  plus  de  succès  ,  nous  avons 


(1)  Journal  de*  Savant,  1818,  p.  275. 


Aàaaa  2 


74o  JOURNAL  DES  SAVANS, 

dû  les  traiter  avec  plus  de  sévérité  que  nous  ne  l'aurions  voulu. 
L'abbé  Hàlma ,  eh  poursuivant ,  avec  une  persévérance  assurément  fort 
louable ,  le  projet  de  traduire  tout  ce  qui  nous  reste  des  astronomes 
grecs ,  consultoit  son  goût  plus  que  ses  forces.  II  savoit  autant  et 
plus  de  ma  thématiques  qu'il  n'étoit  nécessaire  pour  entendre  ces  auteurs; 
mais  il  ne  savoit  pas  tout-à-fait  assez  de  grec.  Sans  doute  ,  il  n'en  faut 
pas  savoir  beaucoup  pour  suivre ,  à  l'aide  des  versions  latines ,  des  théo- 
rèmes et  des  démonstrations  exprimées  par  des  formules  de  langage  qui 
reviennent  presque  toujours  les  mêmes  ;  aussi ,  toutes  les  fois  qu'il  ne 
^agit  pas  d'autre  chose ,  l'abbé  Halma  est  à-peu-près  sans  reproche. 
Mais,  dans  les  anciens  astronomes,  tout  n'est  pas  exposé  de  théorèmes 
ou  de  constructions;  il  y  a  des  théories,  des  considérations ,  des  raison- 
nemens.  Or,  en  pareil  cas,  le  traducteur  qui  ne  sait  pas  suffisam- 
ment •  le  grec  se  fourvoie ,  ce  qui  est  arrivé  très-souvent  à  l'abbé 
Halma ,  et  parfois  sur  des  points  qui  intéressent  l'histoire  de  la  science. 
II  étoit  du  devoir  de  la  critique  d'indiquer  des  fautes  qui  peuvent 
égarer  les  astronomes  et  les  mathématiciens,  auxquels  ces  traduc- 
tions sont  principalement  destinées ,  et  nous  avons  jugé  utile  de  fe 
faire  en  parlant  de  la  traduction  que  l'abbé  Halma  a  donnée  de 
l'AImageste  et  de  quelques  autres  ouvrages  des  astronomes  grecs. 
Chargés  de  rendre  compte  de  celle  du  premier  livre  de  la  Géographie, 
nous  la  soumettrons  à  un  examen  détaillé  que  permet  le  peu  d'étendue 
de  cet  ouvrage  et  que  réclame  son  importance. 

Ptolémée  connoissoit  beaucoup  mieux  l'astronomie  et  fa  géographie 
que  l'art  d'écrire  :  son  style  est  entortillé  et  obscur  ;  ses  phrases  sont 
souvent  d'une  longueur  désespérante ,  et  leurs  diverses  parties  s'encnaî- 
nent  mal  et  se  déroulent  péniblement.  Ces  défauts  sont  peut-être  plus 
sensibles  encore  dans  la  Géographie  que  dans  l'AImageste,  excepté 
toutefois  l'introduction  de  ce  dernier  ouvrage ,  laquelle  est  un  modèle 
dé  galimathias  et  d'amphigouri.  Quand  Ptolémée  quitte  les  formules 
mathématiques,  il  est  souvent  fort  difficile  de  suivre  ses#raisonnemens; 
aussi  les  versions  latines,  dans  tous  les  endroits  obscurs ,  ne  sont  presque 
jamais  plus  claires  que  le  texte,  et  parfois  le  sont  beaucoup  moins 
encore.  On  ne  sera  donc  pas  très-surpris  que  l'abbé  Halma  l'ait  rare- 
ment bien  entendu,  quand  il  s'agit  d'autre  chose  que  de  démonstrations 
mathématiques.  II  reste  souvent  à  côté  du  texte  ;  souvent  aussi  il  se 
méprend  tout-à-fàit  et  ne  saisit  point  l'enchaînement  des  phrases  ;  on 
dirait  même  quelquefois  qu'il  traduit  au  hasard. 

Nous  ne  nous  attacherons  pas  à  relever  tous  les  passages  où  le  tra- 
ducteur a  manqué  le  sens  de  Ptolémée  ;  ce  travail  seroit  trop  long  et 


aussi  fastidieux  pour  nous  que  pour  nos  lecteurs.  Mais  ,  comme  sa 
traduction  est  la  seule  qui  existe  en  français  d'un  des  morceaux  les  plus 
curieux  pour  l'histoire  de  la  géographie  ancienne,  nous  relèverons  quel- 
ques-unes des  principales  fautes  ,  celles  sur-tout  que  l'obscurité  et 
l'inexactitude  des  versions  latines ,  ou  l'altération  du  texte ,  ôtent  les 
moyens  de  rectifier.  De  cette  manière ,  les  personnes,  peu  versées  dans 
le  grec,  qui  desireroient  étudier  cet  ouvrage  de  Ptolémée ,  après  avoir 
noté  les  passages  dont  nous  donnerons  le  sens ,  pourront  lire  la  tra- 
duction de  l'abbé  Halma  avec  plus  de  confiance  (îj. 

La  préface,  dexlj  pages,  contient  quelques  généralités  sur  l'histoire  de 
la  géographie  ,  peu  exactes  et  peu  instructives  ;  elles  sont  suivies  d'une 
notice  plus  satisfaisante  sur  les  éditions  et  les  manuscrits  de  la  géographie 
de  Ptolémée,  Quoique  l'éditeur  cite  plusieurs  manuscrits  qu'il  a,  dit-il, 
consultés  ,  tl  ne  rapporte  aucune  variante ,  et  l'on  ne  s'aperçoit  pas  qu'il 
ait  amélioré  le  texte  :  ce  texte  est  même  fort  incorrectement  imprimé  ; 
la  ponctuation  sur-tout  est  presque  par-tout  vicieuse  ;  très-souvent  l'édi- 
teur a  séparé  les  divers  membres  d'une  même  phrase  par  des  points  ,  au 
lieu  de  virgules  ;  ailleurs  ,  il  a  mis  des  virgules  à  la  place  de  poin  is  ,  ce 
qui  rend  les  phrases  inintelligibles.  Aussi  le  traducteur  ne  les  a  pas  com- 
prises ;  toutefois  il  reste  incertain  s'il  ne  les  a  pas  mai  ponctuées, 
justement  parce  qu'il  ne  les  comprenoit  pas. 

Chapitre  l."  Ce  chapitre  ,  dans  lequel  Ptolémée  se  propose  de  dire 
en  quoi  la  géographie  diffère  de  la  chronologie ,  est  mal  écrit  et 
très-obscur.  L'abbé  Halma  s'y  est  fréquemment  trompé.  Sa  traduction 
commence  ainsi  (z)  :  «  La  géographie  est  la  description  imitative  et 
»  représentative  de  toute  la  partie  connue  de  la  terre ,  avec  ce  qui 
"  généralement  lui  appartient.  Elle  diffère  de  la  cliorographie ,  en  ce  que 
»  celle-ci ,  considérant  les  lieux  séparément  les  uns  des  autres ,  les  expose 
»  en  particulier ,  avec  l'indication  de  leurs  havres  ,  de  leurs  villages  et 
»  de  leurs  plus  petites  habitations,  des  dérivations  et  des  détours  des 
»  premiers  fleuves ,  des  peuples  et  de  semblables  détails  L'objet  pro- 

(i)  Nous  n'avons  sous  les  yeux  que  l'édition  de  P.  Montanus  (Amsterdam, 
1605,  celle  de  Bertius  (1618),  el  la  collation  du  manuscrit  Coistin  faite  par 
Montfaucon  (Bibl.  Coist.),  Le  temps  ne  nous  a  pas  permis  de  voir  les  manuscrits 
—  (2)  h  jtùix**'»  /«AMwif  i«T  Slctyciyn  7tS  wj\iKn/ajj.în<i  mç  }*(  f**ÇS*>f  <:*'« ,  /**w 
tàt  àf  mito*  cLÙTtv  (  i.  av-Tùi)  uviY/ufiiiuj  t#i  Jlttiftprt  t*ç  jai£9jfaç/af ,  ii\'<N  mf  «ut* 
ftsr  aTonioo^m  -nùf  tant  f*i(yç  -n-muç  ,)*>ei(  t tag-nt  ^  iulA'  iavrtr  iXTiStra*,  jm«- 
«vo^o/*»'™  toctb  «^(AVjqu  t£ fuKçytam  mîrt'jime/AaCg/tt'rai',  mo»  At/MMr,  j^xM/Mtf» 
ftjavçij  tàç  dm  lût  npânit  ■mBfuàtix.Tçpxàçij  m  roejdAtioxr  7Îr  Jï  j4ûjj(iiçi«(  ïJiit 
ail  lifiiat  ti  k.  tniity*  Jïixrurau  iir  tyvit'futtn»  yit ,  ùf  ty*i  fvniDf  n  k,  Stnaiç,  *;  f*X_'/. 
ftitatiSt  ttiMÊft  ite/ixuKûJTt'f^if  me*jfaçrtTf  «Îtj    «-««t^ttr&iT  ,  oht  nÎKmitK,  t.  *. 


liz  JOURNAL  DES  5AVANS, 

»  posé  de  la  géographie  est  uniquement  de  montrer  la  terre  dans  toute 
*>  l'étendue  qu'on  lui  connok,  cojmiw  elle  se  comporte  tant  par  sa  nature 
**  que  par  sa  position,  &c.»Tout  cela  est  bien  inexact  et  presque  inintel- 
ligible. Ptolémée  dit  :  «  La  géographie  (  i  )  a  pour  objet  (Fimiter  le  tracé 
»  de  toute  la  partie  de  la  terre  connue,  avec  les  choses  principales 
»  qui  s'y  trouvent.  Elle  diffère  de  la  c horographie ,  en  ce  que  celle-ci , 
»  détachant  de  l'ensemble  les  cantons  peu  considérables ,  les  figure 
»  sépareraient ,  en  comprenant  i  sur  la  carte  qui  les  représente)  les  plus 
»  petits  détails  qu'ils  peuvent  renfermer ,  tels  que  ports ,  villages , 
*>  dêmes ,  détours  des  grands  fleuves  et  autres  objets  de  ce  genre  ; 
»  tandis  que  le  propre  de  la  géographie  est  de  nous  montrer  toute 
»  la  terre  connue ,  formant  un  seul  continent ,  contigu  dans  toutes  ses 
«parties  (2)  ;  et  cela ,  en  nous  indiquant  les  seuls  points  qui  puissent 
*>  tenir  sur  des  cartes  générales  de  la  terre  (3)9  à  savoir,  les  golfes  ,  les 
»  grandes  villes ,  les  peuples ,  les  fleuves  les  plus  importans  t  et  les 
»  points  les  plus  remarquables  en  tout  genre.  » 

II  y  a ,  dans  ce  chapitre ,  d'autres  passages  fort  difficiles  qui  n'ont  point 
été  compris  par  le  traducteur  ;  mais  comme  ils  ne  concernent  que  des 
définitions  et  des  distinctions  inutiles ,  nous  ne  nous  y  arrêterons  point  (4)« 

Le  chapitre  il  a  plus  d'intérêt,  parce  qu'il  traite  des  divers  genres  de  ren- 
seignemens  nécessaires  .pour  la  composition  des  bonnes  cartes  géogra- 
phiques. Ptolémée  le  commence  ainsi  ,dans  la  traduction  de  l'abbé  Halma: 
«  Tel  est  en  général  le  précis  de  ce  qui  constitue  la  différence  entre  un 
»  géographe  et  unchorographe.»  Ilfalloit  dire:  ce  Ce  qui  vient  d'être  dit 
»  doit  suffire  pour  exprime*  sommairement  quel  est  le  but  que  se  propose 
yy  celui  qui  veut  tracer  une  carte  géographique ,  et  en  quoi  il  diffère  du  cho- 
»  rographe.  »  (  5  )  Ptoléméec  ontinue  ;  selon  l'abbé  Halma ,  il  dit  :  «Mainte- 
»  nant ,  comme  nous  nous  proposons  de  décrire  avec  le  plus  d'exactitude 
»  que  nous  pourrons  la  partie  connue  de  la  terre ,  nous  croyons  nécessaire 

(1)  Ptolemée  prend  le  mot  géographie  dans  le  sera  graphique  et  non  des- 
criptif. Pour  Ptolémée ,  la  géographie  est  l'art  de  dresser  des  cartes  générales delà 
terre.  C'est  ce  dont  l'abbé  Halma  ne  s'est  point  douté,  et  ce  qui  la  entraîné  dans 
une  multitude  de  contre-sens.  La  définiticm  de  Ptolémée,  qu  il  trouve  singulière, 
est  fort  bonne,  quand  on  sait  ce  que  l'auteur  veut  dire.  —  (2)  Tnç  Jty 
yuoy&Ltytaç  !<hor  iirn,  iè  pua*  tï  ksu  wn%i  SliKrwou  7wV  iyvoèc/jukw  yi*  — (3)  *9* 
M^X^  t4**6**  w'  **  0 Actif  ntMTtKiùTi&Liç  7nt*}ecL$ciïç • . .  expression  obscure: 
Ptolémée  entend,  je  crois,  par  Ikou  mptyesLtycù,  des  cartes  générales,  des 
mappemondes,  où  Ton  est  force  de  ne  mettre  que  les  traits  impottans. — (4)  T//uù 
ovr  tikcç  iW  rat  y*ù>ypaL$iiwrt  ,  îyù  iivt  tha^iptt  nv  jpç^y&Lyov  Si  cl  -nô-mr  tic  ù 
Kâjpahaiotç  V7n-nivm<r-dû>.  —  (5)  Dans  ce  chapitre  au  lieu  de....  iiu7vq  ov  Jï?,  il  faut 
lire  ....  i  •  QiiJii  n  Jïï  avec  le  manuscrit  Coislin. 


PÉCEMBRE  1830.  74} 

»  dédire,  avant  tout,  que  la  condition  préliminaire  et  fondamentale  de  cette 
w>  science  est  une  histoire  des  voyages  qui  dopne  la  plus  grande  connois- 
»  sance  possible  de  la  terre,  d'après  des  relations  de  gens  déjà  instruits 
n  par  l'étude  qu'ils  en  auront  faite  et  qui  ensuite  auront  parcouru  les 
»  pays  qu'ils  décrivent.  Une  autre  condition  aussi  essentielle ,  c'est  que , 
y>  de  tous  ces  mémoires  ,  fes  uns  contiennent  des  mesures  géométriques, 
»  les   autres  des' observations  astronomiques.  »  Cette  traduction   ne 
donne  qu'une  idée  inexacte  de  ce  passage  important.  En  voici  le  sens  : 
«  Comme  nous  nous  proposons ,  dans  le  présent  ouvrage ,  de  faire 
»un  tracé  de    notre,-  terre  habitable  qui    en    donne  l'idée  ïa  plus 
»  voisine  possible  de  la  vérité ,  nous  jugeons  nécessaire  de  poser  en 
»  fait  (  1  ) ,  d'abord  ,  que  ce  qui  importe  le  plus  pour  ce  firavail  est  de 
»  posséder  des  récits  de  voyageurs  (2)  ,  d'où  se  tire  la  principale  con- 
»  noissance   [  de  la  terre  ] ,  au  moyen  des  renseignemens  que  nous 
»  transmettent  ceux  qui  ont  parcouru  les  diverses  contrées  avec  un  esprit 
»  attentif  et  observateur^  en  second  lieu,  que  les  renseignemens  et  les 
»  faits-  sont  relatifs  soit  à  la  géographie ,  soîf  à  ^astronomie  :  les  pre- 
»  miers  indiquent  les   positions  respectives  des   lieux  par  la  simple 
*  mesure   des    distances;   les   seconds,   par  les   expériences  célestes 
«observées  avec  les  astrolabes  et  les  intfrumens  qui  font  connoître 
»  l'ombre  (3).  »  Ptolémée  établit  ensuite  d'une  manière  précise  la  diffé- 
rence caractéristique  de  ces  deux  genres  de  renseignemens.  C'est  ce 
qu'il  n'est  guère  possible  de  comprendre  dans  cette  vejsion  :  ce  Cela 
»  est  fadle  et  peu  sujet  à  l'erreur  :  mais  l'exécution  géométrique  n'est 
>*pas  aussi   aisée;  il  faut  y  recourir  à   l'astronomie.  »  L'auteur  dit 
TO/7Q  fttr,  iç  avimXiç  77 qtft  acfcaxrmpor  îiuîro,  iç  oXo<rxpi<rnpov  ,  jyj\  toutou 
<mporJïo(t*vov ,  ce  qui  signifie  :  «  Ceux-ci  [  c'est-à-dire ,  les  renseignemens 
»  astronomiques  ]  n'ayant  besoin  d'aucun  secours  étranger  ,  et  étant 
»  (Tune  grande  précision ,  les  autres  ,  au  contraire ,  étant  plus  vague* 
»  et  ne  pouvant  se  passer  du  secours  des  premiers.  »  Ptolémée  ex- 
pliqué ensuite  ce  qu'il  vient  de  dire ,  en  montrant  que  l'évaluation  des 
distances  sur  le  terrain  exige  la  connoissance  de  la  direction  de  la  mé- 
ridienne, ce  qui  ne  peut  s'acquérir  qu'au  moyen  d'observations  cé- 
lestes. De  plus  ,  comme  les  routes  font  des  détours,  il  faut  encore  re- 
trancher une  quantité  quelconque  pour  les  réduire  à  une  ligne  droite. 
1  ii  ,■!  ■      ■  i  — — — — ^ 

(1)  vtyfiûLKaSiii.  —  (2)  /V«e/*Tte**J>**>  ce  qui  ne  veut  point  dire  une  his~ 
toire  des  voyages.  —  (3)  •  •  •  pa/UT&ixÂ'  /*tr ,  79  S)à  ^xîç  âteyjukTpiiautc  imt 
Jlctrrdcicer  tiç  TgpV  aMwVowç  diouç  iir  ainur  iftfcuriÇor  jwnotymwiwtr  (  Cod» 
CoisJ.  au  lieu  de  /xttiùfmtoww  )  Jt}ro  Jl'd  tojf  yai*0/**9**  tud  fin  <UTç$KëCû» 


744  JOURNAL  DES  SAVANS, 

«  Ensuite ,  cela  étant  donné ,  dit  le  traducteur  ,  la  mesure  par  le  nombre 
»  des  stades  parcourus  ne  peut  pas  donner  une  connoissance  de  la 
»  distance  vraie ,  parce  qu'ils  sont  rarement  en  ligne  droite ,  à  cause  des 
»  fréquens  détours  qu'on  est  obligé  de  faire  tant  sur  terre  que  sur  mer. 
»  Ainsi ,  pour  les  rectifier ,  il  faut  conjecturer  en  quels  stades  et  en 
»  combien  de  stades  les  distances  ont  été  calculées  ,  retrancher  de  cette 
»  somme  ce  dont  on  estime  qu'elles  différent  de  la  ligne  droite  (i  ).  » 
Cette  traduction  peut  induire  en  erreur  les  géographes  :  Ptolémée  ne 
dit  pas  et  ne  peut  pas  dire  en  quels  stades ,  attendu  qu'il  ne  soupçonnoit 
pas  la  différence  des  stades.  Voici  la  traduction  exacte  de  ce  passage  : 
«  Ensuite ,  cette  connoissance  même  [c'est-à-dire ,  des  azimuths  ]  acquise  , 
»  la  mesure«des  stades  ne  fournit  pas  sûrement  celle  de  la  vraie  dis- 
»  tance,  parce  que  rarement  elle  a  lieu  sur  des  routes  en  droite  ligne , 
»  à  cause  des  nombreux  détours  que  l'on  fait  tant  sur  terre  que  sur  mer. 
»  II  faut  donc ,  à  l'égard  des  routes  terrestres  ,  évaluer  l'excès^  qui 
»  résulte  de  la  nature  et  de  ia  quantité  des  détours  ,  retrancher  de  la 
a?  somme  totale  des  stades ,  pour  avoir  la  quantité  qui  représente  fa 
»  .ligne  directe.  »  Le  membre  qui  suit  est  difficile  :  «  Dans  les  naviga- 
»  tions ,  l'inconstance  des  vents  et  les  variations  de  leur  force  ne  per- 
»  mettent  pas  de  juger  des  espaces  parcourus.  »  Ceci  n'est  pas  <:lair  ; 
les  versions  latines  ne  le  sont  pas  plus  ,  parce  qu'on  a  mal  construit  (a 
phrase.  Je  ponctue  ainsi  :  êsn  Ji  rSy  vawXtui/  [ce qui  correspond  au  membre 
précédent9  ASv  iiri  ymv  rSv  Troptiwv] ,  t77  ngj\  70  tol^/l  t*ç  ÇopaLç  t»f  h?ic//u«7w,  Jt& 
o-oMa)*  fMi  T7tpouv7Tk>v  ttlç  ûlÙt*ç  fOïctfuiç  ivcà/MtXov ,  TrporJïetKpirur.  ce  Mais  s'il 

»  s'agit  de  navigation ,  il  faut]  tenir  compte  en  outre  de  la  variation  dans  Tin- 
y>  tensité  des  vents ,  lesquels  ne  conservent  pas  long-temps  la  même  force.  » 
Je  fais  dépendre  àvufMt^ov  du  70  qui  suit  ï-n  j^  ,  et  l'infinitif  7Fpor<fïûLKphuf ,  au 
lieu  de  dépendre  de  &Yù>(jta*ov  ^  est  régi  par  <ft#V  du  membre  précédent  [JïTp 
iwi  fuv  Ti*v nopuav .  .  .  vÇettpiïv ...  im  À  iSv  volvtjXiùùv  ,  Ï77  {jty  70 .  .  .  olvuiàaKo* 
irporAetupitut  J  ;  tout  le  passage  ne  forme  qu'une  seule  phrase.  Ptolémée 
veut  dire  que,  sur  mer,  indépendamment  des  détours  que  le  navire  est 
obligé  de  faire ,  il  y  a  une  autre  cause  d'incertitude  sur  l'estimation  de 
la  route  ;    c'est  la  variation  continuelle  dans  l'intensité  du  vent ,  qui 


(  lisez  pmCtuwf  avec  le  manuscrit  Coislin)  ifMniiï  tov  dtoidovç  jocltuLmi >j*r ,  &&    n 
jgrç   miif  t£v  tKTQpmv  TneAcanvov  fWform?,    v^pîîr  tSï    okw   rr&MùM  tiç   7»» 


DECEMBRE   1830,  74j 

souffle  tantôt  plus  fort  ,*  tantôt  plus  foiblement ,  et  pousse  le  vaisseau 
plus  ou  moins  vite, 

Ptolémée  continue  de  comparer  les  distances  en  latitude  conclues  d'ob- 
servations astronomiques ,  aveecellesqui  résuItent<Fe$timations  déroute  :  il 
fait  voir  que ,  pour  transporter  les  premières  sur  une  carte ,  il  suffit  desavo  ir 
quel  est  le  rapport  de  Tare  compris  entre  deux  lieux,  avec  le  grand  cercle 
terrestre  (  1 }  ;  mais  qu'il  n'en  est  pas  ainsi  des  distances  conclues  de  mesures 
itinéraires.  Ici,  le  texte  ne  manque  pas  d'obscurité,  et  il  n'a  point  été 
compris  ;  il  y  a  d'ailleurs  dans  la  traduction  de  M.  Halma  une  omission 
typographique  qui  rend  le  passage  inintelligible.  Voici  comme  je  Pef*- 
tends  :  ce  Mais  peut-  être  cela  né  suffit-if  pas  pour  diviser,  soit  le  péri- 
»  mètre  entier ,  soit  départies  de  ce  périmètre ,  selon  les  distances 
»dont  il  s'agit-,   déterminées  par  nos  mesures;    et  par  cela  seul ,  il 
»  est   nécessaire  d'établir    la  relation    d'une  route   réduite   en    ligne 
»  droite ,  avec  l'arc  égal  du  grand  cercle  céleste  (2);  alors,  connoissant, 
»  d'une  part ,  d'après  l'observation  des  phénomènes ,  le  rapport   de 
»  cet  arc  avec  le  cercle, entier,  et,  de  l'autre  ,  in.  longueur  en  stades 
de  la  route  d'après   la  mesure  de  la  partie    donnée    (})    correspon- 
»  daftte  à  cet  arc ,  on   en  conclut  la  grandeur  en  stades  du  périmètre 
»  terrestre.  »•  Ptolémée  en  développe  ensuite  les  preuves  en  parlant 
de  la  sphéricité  de  la  terre ,  et  de  sa  place  au  centre  du  monde.  Voici 
comme  il  s'exprime  dans  la  traduction  de  l'abbé  Halma  :  ce  Car  ma- 
»  thématiquement ,  présumant  que  la  surface  continue  de  la  terre  et 
»  des  mers  forme  une  sphère  dont  le  centre  est  le  centre  même  de  la 
»  sphère  des  corps  célestes ,  en  sorte  que  tous  les  plans  qui  partent 
»  de  ce  centre  tracent  à  cette  surface  en  la  traversant  autant  de  grands 
»  cercles  de  la  sphère  terrestre ,  et  que  les  angles  au  centre  par  les 
»  inclinaisons  réciproques  de  ces  plans  interceptent    sur  ces  grands 
»  cercles,   if  s'ensuit  #c.  »...  II  faut  dire  :  «  Car,  comme  on  sait 
»  d'avance  par  les  mathématiques  que  la  surface  formée  delà  réunion  de  la 
»  terre  et  de  l'eau  ,  considérée  dans  sa  forme  générale ,  est  sphérique  ,  et 


(l)  .  .  •  &i  tir  Tnixliuif  dmXûLfAGûbùvrti  01  Jiio  tiint  ii%twlf>%i(U  tov  fia  tdv  ir  rn 
yn  y^L^ouéfov  /jukyiimv  nvKKov.  Les  deux  mots  /là  ipv  me  semblent  deyoir  être 
retranchés.  —  (2)  \Ar*>*a7or  yiyw  if*?/^0**  W  w>r  fywmwr  o/£r  t»  Kpnd  n 
-*%&*%>¥  ifuU  (  ajoutez  tiv  avec  le  man.  Coisl.  )  p*yimv  njixxov  nieAW*  jc  *r.  a. 
Les  mots   tAid  •»  me/typ?  signifient,  dans  le  style  de  Ptolémée,  céleste,  en 

(;énéral,  ce  qui  enveloppe  la  terre.  Ainsi  *  **q$ç  w  m gff 'v>r  Simç  rjiç  ynç  signifie 
a  situation  de  la  terre  dans  L'espace.  —  (3)  wr  fi  tXç  vvr*  axiiiv  iJbiï  rmJVoipaY 
t'x  iiiç  wr*jjukTM9%a>e  à*è  A   JbSirnç  juuioQvç  *.  r.  A. 

Bbbbb 


746 


JOURNAL  DES  SÀVÀNS, 


»»  a  le  même  centre  que  la  sphère  céleste  (  i  )  f  en  sorte  que  chacun  des 
»  plans  menés  du  centre  ,  formant  des  sections  communes  de  la  sphère 
»  céleste  et  des  surfaces  susdites  [  terrestres  ]  ,  y  trace  de  grands 
«cercles  (2),  et  Çue  les  angles  dont  le  sommet  est  à  ce  centre 
»  {  commun  ]  interceptent  des  arcs  égaux  de  ces  cercles  (  3  )  ;  H  s'ensuit 
»  que  Ton  peut  bien  connoître ,  d'après  les  mesures  du  terrain ,  combien 
»  de  stades,  en  ligne  droite,  contiennent  les  distances  terrestres  ;  mais 
»  que ,  quant  au  rapport  de  ces  distances  avec  la  circonférence  entière , 
»  on  ne  peut  nullement  l'obtenir  par  ces  mêmes  mesures  ,  à  cause  de 
»  l'impossibilité  de  projeter  cette  ligne,  mesurée  (4)  >  mais  par  Tare  égal 
»  du  grand  cercle  céleste.  » 

Dans  le  chapitre  suivant ,  le  même  sujetifte  continue.  Ptolémée  y 
montre  comment  on  peut  convertir ,  dans  un  arc  de  grand  cercle ,  tane 
distance  mesurée  en  stades  ,  quand  même  elle  ne  seroit  pas  dans  le  sens 
du  méridien.  Dans  le  passage  où  l'auteur  parle  de  (a  mesure  de  Tare 
céleste ,  il  dit  :  -mpovrnç  cft*  w  nuo$iptêf  t*  j^t*  xopvçrr  tnifJuTet  rUr  fùo  tS? 

ft*çn,9\eiç  Tnfa.iwv,  •t</7»dtr  ikf  iiroXaLfxCoLfOfinvuf   vw    ATTOT    tdv  (JUffUfJiÇùitoZ 

mptçèpuct?  x.  t.  X.  D'autres  éditions  portent  vif  avrôir  xSr  fumfjdCpswSr 
L'une  et  l'autre  des  deux  leçons  n'ont  pas  de  sens  ;  il  faut  in  ûlvtw 
(  se.  mguim*)  TOvitffftytCpjrov;  c'est-à-dire  :  «  observant ,  parles  sciothères, 
»  les  points  verticaux  des  deux  extrémités  de  la  distance ,  et  s'assurant 
»  par-là  de  l'arc  du  méridien  compris  entre  [les  parallèlesde]  ces  deux  points, 
»  ils  &c.  »  II  y  a  déplacement  de  l'article  dans  cette  phrase....  077  &r  fà 

il*  7»r  iroXvv  XetfjiÇûLiuptv  TON .  .  .  Kv'xAftr,  il  faut  077  &v  pi  w  JlàL  t.  t.  A... 
xiiacXor.  Aulieude....  i£f  iuXapCûLtopivut  iu&uirJtài  «iSr  mpamtv ,    il  faut  lire 

tcCoMofurâir  avec  le  manuscrit  Coislin.  Le  même  manuscrit  donne  d'autres 


())  4Êr£9\a/uLCa9o/u*vov  yip  fx  i£r  fjut$*/JLtL7»f  iî  mjJ  nt  ovvti/upitniw  t*ç  -y*ç  xru  nZ 


u  etureû  -xtyç  ru  KÀrrpt»  ô/uotcLÇoLTn^ap£ânj9  1*9  xi/xAar  meA<pip***C  :  *r clut&  ne  pouvant 
signifier  que  iv  t£  Ktrrpu,  les  mots  n^ç  ri  xt'rrpp  qui  suivent  sont  une  note 
marginale  explicative  qui  a  passé  dans  le  texte.  —  (4)  <hd  tb  tîç  m&tCêKwç 
coîqux-nv,  ce  que  l'abbé  Halma  traduit  par,  «  à  cause  de  Fim possibilité  de 
»  projeter  une  courbe  en  ligne  droite,  »  Le  traducteur  latin  dit ,  propter  deftetum 
pertingentlœ  parabolœ,  ce  qui  ne  se  comprend  pas  plus  que  la  version  française. 
Je  crois  que  cela  n'exprime  pas  autre  enose  que  1  impossibilité  de  transformer 
directement  une  distance  mesurée  sur  la  terre  en  fonction  de  la  circonférence 
du  globe. 


DÉCEMBRE  1830.  747 

bonnes  leçons  :  n&v  au  lieu  de&\i*v;  Ji&  À  toutou  \*tvor,  au  lieu  de  tw/w. 
Chapitre  iv.  Ptolémée  veut  montrer  que  les  observations  célestes  doi- 
vent servir  de  base  aux  renseignemens  des  voyageurs.  II  commence  ainsi 
dans  la  traduction  française  :  ce  Cela  posé,  si  ceux  qui  ont  parcouru  les 
»  diverses  contrées  avoient  fait  de  telles  observations  ,  Us  aur oient  pu 
donner  une  description  exacte  de  la  terre.  »  Le  sens  est  :  «  Les  choses 
**  étant  ainsi ,  si  ceux  qui  ont  parcouru  les  diverses  contrées  avoient  fait 
»  usage  de  telles  observations,  H  seroit  possible  de  dresser  avec  toute 
»  exactitude  une  carte  de  la  terre.  »  ngn*yf*Q*  est ,  non  point  une  des- 
cription ,  mais  un  tracé  graphique.  L'abbé  Halma  s*y  est  toujours  mépris. 
Le  reste  du  chapitre,  qui  renferme  un  passage  classique  sur  l'ob- 
servation des  éclipses ,  a  trop  d'intérêt  pour  que  nous  ne  donnions  pas 
la  traduction  de  ce  qu'il  y  a  de  plus  important  ;  nous  avons  à  dessein 
conservé  la  marche  de  la  phrase  de  Ptolémée,  afin  qu'on  ait  une  idée 
de  ses  phrases  d'une  page  ,  où  tout  dépend  d'un  puisque.  «  Puisque  le 
»  seul  Hipparque  (1  )  nous  a  donné  des  hauteurs. du  pôle  boréal ,  pour 
»  un  petit  nombre  de  villes,,  eu  égard  à  la  *i  .grande  multitude  de 
»  celles  qui  peuvent  être  placées  spr  les  cartes ,  et  que  plusieurs  de  ceux 
a»  qui  sont  venus  après  lui,  ont  discuté  ia  position  de  quelques-uns  des 
*>  lieux  situés  au-delà  de  l'équateur  (2) ,  non  pas  également  distans  de  ce 
39  cercle ,  mais  simplement  placés  sous  le  même  méridien ,  autant  qu'ils 
33  en  pouvoient  juger  d'après  ia  navigation  qu'ils  avoient  faite  par  des 
»  vents  du  nord  ou  du  midi  ;  puîsqu'en  outre  la  plupart  des  distances 
33  (relatives  )  ,  sur-tout  dons  le  sens  de  l'est  à  l'ouest ,  et  réciproquement, 
33 n'ont  été  transmises  que  fort  grossièrement,  non  par  la  négligence 
»  de  ceux  qui  ont  rédigé  les  relations  (3)  ;  mais  peut-être  parce  qu'ils 
33  ne  possédoient  pas  une  méthode  facile  de  calcul  mathématique,  et  parce 
33  qu'on  n'a  mentionné  qu'un  petit  nombre  des  éclipses  visibles  en  même 
33  temps  en  diflferens  lieux  (  comme  celle  qui ,  ayant  paru  à  Arbèles  à  la 
33  cinquième  heure ,  n'a  été  vue  à  Carthage  qu'à  la  deuxième  (4)  )  ,  au 
30  moyen  desquelles  on  sait  de  combien  de  temps  équinoxiaux  (j)  les 

(1)  Il  est  bien  remarquable  qu'au  temps  de  Ptolémée,  Hipparque  fut  le  seul 
qui  eîft-  mesuré  des  latitudes  boréales.  —  (2)...T/r*Y  wr  cùviut/uttcov  wV^r.  Ptolémée 
entend  par- là  les  lieux  situés  dans  l'hémisphère  opposé  que  les  navigateurs  firent 
coruioître  depuis  Hipparque. —  (3)  tZ*  imScwmiv  mç  itnzicuç.  —  (4)  Ce 
passage  capital  est  mal  ponctué  et  inintelligible  dans  les  traductions.  11  faut, 
je  pense,  le  ponctuer  ainsi:  xgl  Sià  ii  fjm  tai/W  t£v  v*i  Tor  etvror  ypim 
TwyYi/uLtrw  <n\nYioLKûêY  iKMt^tûft  (  ûùç  w  if  [/-uV]  'Ap€fao/ç  nifAimiç  o&lç  Çartirar, 
it  JV  XapynSin  Sivri&Lç)  avctpgetpiç  «g/ovtfaf ,  t£  or  x.  t.  a.  —  (5)  Dans  le 
langage  de  Ptolémée ,  les  temps  équinoxiaux  sont  les  degrés  de  l'équateur. 

Bbbbb  2 


748  JOURNAL  DES  SAV ANS, 

»  lieux  sont  distans  les  uns  des  autres,  dans  le  sens  de  l'est  à  l'ouest;  il 
»  seroit  à  propos  que  celui  qui  veut  dresser  une  carte  (  w  -fivyfdtyimvr*  ) 
»  conformément  à  ces  renseignemens ,  prît  pour  fondement  du  tracé  de 
»  cette  carte  les  données  fournies  par  les  meilleures  observations,  &c.  » 
L'éclipsé  unique  que  cite  Ptolémée  nous  montre  quelle  étoit  l'imperfec- 
tion des  observations  des  anciens  sur  le  sujet  si  délicat  des  longitudes.  II 
s'agit  ici  delà  célèbre  éclipse  qui  eut  lieu  onze  jours  avant  fa  batailfecTAr- 
bèles ,  le  10  septembre  330  (astron.) ,  à  7  h.  i  /2  du  soir  pour  le  méridien 
de  Paris;  conséquemment  à  environ  10  h.  i/4  pour  celui  d'Arbelès  (ce 
qui  répond  à  4  h*  >/4>  selon  la  manière  des  anciens ,  ou  au  commence- 
ment de  la  j  /  heure  )  ;  et  ky  h.  j  j  '  pour  le  méridien  de  Carthage ,  ou  à 
'  la  fin  de  la  deuxième  heure:  il  n'y  a  donc  que  2  h.  1 9' ,  et  non  pas  trois 
heures ,  entre  les  deux  méridiens  ;  Terreur  est  d'environ  1  o°  en  longitude. 
Mais  aussi  qu'attendre  d'observations  d'éclipsés  marquées  en  nombre 
rond  d'heures  ï  Au  reste ,  telle  étoit  l'incertitude  de  ces  observations  des 
anciens ,  que  Pline  place  cette  éclipse  à  la  2/  heure  de  la  nuit  pour 
Arbelès  (  deux  heures  au  moins  plus  tôt  que  Ptolémée  ne  le  dit  ),  et  à  la 
nuit  tombante  pour  la  Sicile.  Cicéroi\  la  met  un  peu  avant  le  lever  du 
soleil,  cet  astre  étant  dans  le  lion ,  c'est-à-dire ,.  environ  8  heures  après 
l'instant  du  jour  ,  et  un  mois  au  moins  avant  le  jour  où  elle  a  eu  lieu. 

(1)  II,  72.  Nobili  apud  Arabiam  (f.  Arbela)  magni  Alexandri  Victoria, 
luna  defecisse  noctis  secundâ  horâ  prodita  est,  eademque  in  Sici/ia  exoriens.  — 
(2)  De  Divin.  I,  53 ....  J7  luna  paulo  an  te  soiis  ortum  defecisset  in  signo 
leonis.  Au  20  septembre,  le  soleil  étoit  dans  les  derniers  degrés  de  la  vierge. 

LETRONNE. 

*  - 

P  S.  Depuis  que  cet  article  est  écrit ,  j'ai  vu  le  prospectus  d'une  édition 
de  la  Géographie  de  Ptolémée,  entreprise  par  M.  Manos,  et  qui  doit  paraître 
chez  MM.  Didot.  L'auteur^,  excellent  helléniste  et  critique  exact,  autant  que 
Judicieux ,  a  collationné  avec  le  plus  grand  soin  les  éditions  et  les  manuscrits. 
Jla  donné,  comme  spécimen,  le  premier  chapitre,  avec  l'indication  scrupuleuse 
des  fautes  des  éditions  actuelles.  Ce  spécimen  prouve  combien  une  édition  nou- 
velle étoit  nécessaire,  et  sur-tout  une  édition  traitée  par  un  homme  aussi  (jabile. 
J'ai  l'espoir  que  les  observations  contenues  dans  cet  article  et  le  suivant  ne 
seront  pas  inutiles  à  l'éditeur,  soit  pour  l'intelligence  soit  pour  la  correction 
du  texte.  II  ne  me  reste  qu'un  vœu  à  former,  c'est  que  les  circonstances  per- 
mettent à  M.  Manos  et  à  MM.  Didot  de  mettre  à  nn  leur  belle  et  utile  en- 
treprise. 


mi 


DÉCEMBRE   1830.  7A9 

Ph^edri  Au  g.  liberti  Fabularum  jEsopiarum  libros  quatuor  ex 
codlce  olïm  pithœano,  deindè  peleteriano,  conte x tu  codicis 
nunc  primùm  intégré  in  lucem  prolato  >  adjectâque  varietate 
lectionis ,  è  codice  remensi ,  incendio  consumpto ,  à  Dom.  Vin- 
centio  olïm  enotatâ  cum  proie gomenis ,  annotatione ,  indice, 
edidit  Julius  Berger  de  Xivrey.  Parisiis,  éxcudebat 
Ambrosius  Firminus  Didot ,  1830,  in-8.°  max.  267  pag. 
Pr.  20  fr. 

SÉNÈQUE  dit  si  positivement  qu'il  n'existe  encore,  dans  la  littérature 
latine ,  à l'époque  où  il  écrit ,  aucun  essai  du  genre  de  Papologue ,  au- 
cun recueil  de  fables  à  la  manière  d'Esope ,  fabulas  quoquc  et  œsopeos 
logos ,  intentatum  romanis  ingeniis  opus  (  1  )  ,  que  plusieurs  savans  se  sont 
permis  de  révoquer  en  doute  l'authenticité  des  quatre  ou  cinq  livres 
de  fables  ésopiennes  attribuées  à  un  affranchi  d'Auguste.  Les  trois 
mots  de  Martial  (2) ,  improbi jocos  Pkœdri,  sont,  de  tous  les  monu- 
mens  littéraires  du  i.er  siècle  de  notre  ère,  le  seul  texte  où  le  nom  de 
Phèdre  se  rencontre  ;  et  l'on  a  prétendu  que  ces  mots  pouvoient  s'appli- 
quer à  quelque  personnage  tout-à-fait  distinct  du  fabuliste ,  qu'en  effet 
ils  ne  désignent  pas  avec  une  précision  extrême.  Quintilien  (3)  ,  Aulu- 
Gelle  (4),  Macrobe  (5)  ,  lorsqu'ils  parlent  des  auteurs  d'apologues, 
ne  font  aucune  mention  de  Phèdre.  Pour  le  trouver  expressément 
nommé,  il  faut  descendre  au  temps  où  Aviénus  dédioit  ses  propres 
fables  à  l'empereur  Théodose  :  Phèdre  y  est  placé  à  la  suite  d'Esope , 
de  Socrate ,  d'Homère  et  de  Babrius  :  Phœdrus  etihm  partent  aliquam 
quinque  in  libellos  resolvit.  Cette  ligne  prouve  que  les  cinq  livres  de 
Phèdre  étoient  connus  à  la  fin  du  jv.c  siècle;  à  moins  qu'on  ne  dise 
qu'elle  a  été  ajoutée  après  coup  par  quelque  copiste ,  ce  qui  n  est  sans 
doute  qu'une  hypothèse  très-hasardée.    - 

Cependant ,  pour  essayer  de  la  soutenir ,  on  peut  s'autoriser  encore 
du  silence  de  Priscien  ,  qui,  écrivant  après  Aviénus,  et  ayant  fait  une 
étude  particulière  de  l'histoire  littéraire  des  âges  précédens ,  cite  comme 
fabulistes  Hésiode ,  Archiloque ,  Piaute  et  Horace ,  et  n'a  aucune  con- 
noissance  des  fables  de  Phèdre.  Les  compilateurs  du  moyen  âge  ne  le 

nomment  point  encore;  mais  quelques-uns  d'entre  eux  transcrivent  iitté- 

■    1  ■       ■  —— ■ — —^— — ■ — — — — — — — ■-— — .^— — ^— — — 

(1)  Sen.  Consol  ad Polyb.  c.  27.  —  (2)  in ,  20.  —  (3)  Inst.  orau  I.  V,  c.  x). 
—  (4)  Afoct.  att,  il,  28.  —  (5)  in  Somn.  Scip.  L  I ,  c.  2. 


7Jo  JOURNAL  DES  SAVANS, 

ralement  ses  expressions  et  ses  phrases.  C'est  ce  qu'on  remarque  d'abord 
dans  le  recueil  de  fables  ésopiennes  qui  portent  le  nom  de  Romulus  : 
elles  sont  au  nombre  de  quatre-vingt-trois  dans  l'édition  que  M.  Schwabe 
en  a  donnée  (i),  et  la  plupart  reproduisent  les  récits  de  Phèdre,  des 
parcelles  de  son  texte ,  et ,  quoiqu'elles  soient  écrites  en  prose ,  plusieurs 
de  ses  hémistiches.  On  reconnoît  ensuite  non  moins  évidemment,  parmi 
les  apologues  de  Marie.de  France  en  langue  vulgaire ,  des  traductions 
presque  immédiates  de  ceux  qui  sont  attribués  à  l'affranchi  d'Auguste. 
II  est  visible  aussi  que  Vincent  de  Beauvais ,  lorsqu'il  recueil  loi  t  dans 
son  Spéculum  historiale  (I.  III,  c.  2-8  ),  et  mieux  encore  dans  les 
chapitres  1  i4-à  123  du  m.c  livre  de  son  Spéculum  doctrinale,  vingt- 
neuf  fables  d'Ésope,  avoit  sous  les  yeux  une  collection  latine  sem- 
blable à  celle  que  le  nom  de  Phèdre  distingue  aujourd'hui.  Car,  bien 
qu'if  se  donne  beaucoup  trop  la  liberté  d'abréger  ou  de  paraphraser ,  de 
transformer  ou  d'intervertir ,  il  conserve  çà  et  là  beaucoup  de  traits 
parfaitement  reconnoissables  :  Longèque  inferior  agnus.  —  Turbasti  mi  Ai 
aquam  bibenti.  —  A  te  ad  me  decurrit.  —  Factis  parti  bus  leo  :  ego  primus 
{ sic)  tollo  quia  leo,  &c.  Sicque  totam  illam  prœdam  sol  a  improbîtas  abs- 
tuliu  —  Ingrata  est  illa  grus ,  quœ  caput  incolumis  extulit  et  mercedem  sibi 
postulat. —  Cum  de  fenestra  corvus  occasione  caseum  raperet. —  O  corve , 
pennarum  tuarum  quàm  magnus  est  nitorl  Si  vocem  claram  habuisses , 
nulla  prior  avis  fuis  s  eu — Dolosa  vulpes  avidiysrapuit.  Tuncstupens  corvus 
ingemuit,  acdeceptus  pœnituit.  —  Graculus  pennas  pavonum  quœ  ceciderant 
sus  tu  lit ,  et  inde  se  ornavit,  suosque  contemnere  cœpit  et  gregi  pavonum 
se  miscuit.  At  illi  ignoto  et  impudenti  pennas  etipiunt. . .  .  Ad  proprium 
genus  redire  timuit,  &c.  Il  seroit  trop  aisé  de  multiplier  ces  citations; 
car  des  vingt-neuf  fables  de  Vincent ,  seize  sont  empruntées  de  Phèdre  : 
mais  il  suffira,  pour  s'assurer  de  la  conformité  dont  il  s'agit,  de  rap- 
procher des  textes  que  nous  venons  de  citer ,  les  vers  correspondans  de 
Phèdre,  tels  qu'ils  se  lisent  dans  l'édition  que  nous  annonçons.  Nous  le 
citons ,  pour  donner  une  idée  de  l'état  du  texte  dans  le  manuscrit  : 

Longèque  inferior  agnus. . . 

Turbulentam  fecisti  mihi 

Aquam  bibenti 

A  te  decurrit  ad  meos  haustus  liquor. 

Partibus  factis  leo  r 

Ego  primam  tollo,  nominor  quia  leo. . . . 

Sic  totam  predam  (sic)  sola  improbitas  abstulit. 


■••*■* 


(1)  Ad  calcem  Phœdri ,  toni.  II,  p.  582-676.  Brunsvîgae,  1806,  i/i-£/ 


DÉCEMBRE   1830.  751 

Jngrata  es,inquit,  ore  quae  nostro  caput 
Incoiome  [sic)  abstuleris ,  et  mercedem  postulas! , 

Cum  de  fenestra  corvus  raptum  caseura. ... 
O  qui  tuarum  ,  corve ,  pennarum  est  nitor. 
Si  vocem  haberes,  nul  la  prior  aies  foret  •  « . 
Dolosa  vulpes  avidis  rapuit  dentibus; 
Tum  demum  ingemuit  corvi  deceptus  stupor. 

Gragulus  (sic  ) . . . .  ^    .. 

Pennas  pavonis  quae  deciderant,  sustulit, 

Seque  exornavit.  Deinde  contemnens  suos , 

Immiscuit  se  pavonum  formoso  gregî. 

llli  impudenti  pennas  eripiunt  avi. . . . 

Redire  merens  (  sic)  cœpit  ad  proprium  genus,  &c, 

II  y  a  là  très-certainement  un  fond  commun;  et  la  seule  question  à 
élever  seroit  de  savoir  si  Romulus  et  Vincent  de  Beauvais  ont  déformé 
ainsi  des  vçrs  classiques  parvenus  jusqu'à  eux ,  ou  si ,  dans  l'un  des  siècles 
suivans,  au  xv.e  siècle,  par  exemple ,  quelque  littérateur  plus  habile  ne 
s'est  pas  emparé  de  leur  prose,  souvent  lâch^xwt  incorrecte,  pour  la 
mettre  en  vers  iambiques  plus  précis  et  plus  élégans. 

Cette  seconde  hypothèse  a  sans  doute  peu  de  vraisemblance ,  et  n'est 
plus  même  proposable,  s'il  reste  d'anciens* manuscrits  du  recueil  de 
Phèdre  antérieurs  à  Vincent  de  Beauvais  et  à  Romulus.  L'existence  de 
ces  manuscrits  a  été  long-temps  contestée.  Pierre  Pithou,  en  publiant, 
à  Troyes ,  en  1 5  96 ,  la  première  édition  des  Fables  de  Phèdre ,  déclaroit 
l'avoir  faite  sur  une  copie  manuscrite  que  lui  avoit  envoyée  son  frère 
François  Pithou  ;  mais  outre  que  celui-ci  ne  disoit  point  et  qu'on  ne 
sait  pas  encore  d  où  lui  venoit  cette  copie ,  elle  avbit  disparu  depuis 
t  596 ,  et  passoit  pour  perdue  sans  ressource.  On  ne  la  retrouvoit  point 
dans  la  bibliothèque  des  frères  Pithou  ,  léguée  par  François  au  collège 
de  Troyes,  et  conservée  dans  cetétablissement  jusqu'en  1 79  2. Iln'y  a  guère 
que  vingt  à  vingt-cinq  ans  qu'on  a  commencé  d'annoncer  que  ce  manus- 
crit étoit  possédé  par  MM.  le  Pelletier.  M.  Hase,  qui  l'a  soigneusement 
examiné,  le  croit  du  X.c  ou  Xl.c  siècle,  et  cette  idée  est  justifiée  par  le 
fac  similc  inséré  dans  l'édition  que  vient  de  donner  M.  Berger  de 
Xivrey,  édition  où  le  texte  est  par-tout  et  en  tout  point  conforme  à  ce 
même  manuscrit,  sauf  pourtant  la  distinction  des  vers  et  une  meilleure 
ponctuation.  Le  titre  qui  se  lit  à  la  première  page,  est  conçu  en  ces 
termes  :  Fedri  (  sic  )  Augusti  liber  ti  liber  Jabu/arum.  Ainsi  voïïà  quïl 
demeure  bien  établi  que  des  fables  de  Phèdre ,  copiées  à  la  vérité  comme 
de  la  prose,  mais  où  la  mesure  des  vers  iambiques  étoit  plus  ou  moins 
facile  à  rétablir,  existaient  avant  Tannée  1200  ou  môme  1 1.00.